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ma faute. Je suis toujours malade, étouffée, j'ai des douleurs partout,
je ne peux pas travailler, je ne peux pas me consoler.
J'ai eu le courage qu'il fallait, dans les premiers moments; à présent,
je paye ce courage-là en détail par une fatigue extrême.
Je ne veux pas m'y abandonner cependant. Maurice veut que j'aille passer
le mois de mars a Nice ou à Gênes, et je le lui ai promis.
Je suis désolée de ces rhumes de Bertholdi qui t'inquiètent tant. On
peut tousser bien longtemps, sans qu'il y ait rien de grave; mais je
sais par expérience combien cela fatigue, combien cela porte sur les
nerfs, à soi-même et aux autres. Certainement, il faudrait pouvoir fuir
ce froid de Lunéville, comme je vais fuir les souvenirs trop amers et
trop cruels de ma maison, toute pleine de cette enfant. Mais que faire?
La gêne est l'obstacle à tout. Il faudra que je revienne presque tout de
suite travailler, et, quand Bertholdi s'absente, c'est la même chose. Ce
ne sont pas quelques jours de repos qu'il lui faudrait. C'est toute une
vie plus douce. Comment et de qui l'obtenir?
Tu ne m'as pas dit si Georget avait bien supporté son voyage, et s'il
avait repris les belles couleurs qu'il, avait un peu perdues ici. Aie
bien soin de lui et ne t'en sépare qu'à bonnes enseignes.
Solange est à Paris mieux portante et plus tranquille du côté de ses
affaires. Son père s'exécute un peu avec elle, son mari pas du tout.
Elle pensait pouvoir t'être utile, et, sans notre malheur, je suis sûre
qu'elle aurait fait son possible. Elle y reviendra certainement quand
elle pourra sortir et se montrer un peu.
Embrasse toute ta chère maison pour moi: George, Charles et Marie, à qui
je n'ai pas la force d'écrire. Je n'écris plus à personne, je ne peux
pas. Chaque fois que je parle de moi, même pour dire un mot, je me sens
comme prise de fièvre pour toute la journée; c'est un état maladif
certainement et qui passera. Ne t'en inquiète pas, j'y fais et j'y ferai
mon possible. Je t'embrasse de toute mon âme. Ah! ma pauvre enfant, que
je voudrais te donner autant de bonheur que j'ai de peine!
CCCLXXXVII
A MAURICE SAND, A PARIS
Nohant, 24 février 4855.
Cher enfant,
Je commence par te dire que, puisque tu n'es, pas enrhumé, tout va bien
pour moi. Aie soin de ta petite personne comme j'ai soin de la mienne,
puisqu'il ne s'agit pas de nous regarder comme de simples mortels,
mais comme de très précieux voyageurs allant à la découverte de la
Méditerranée.
Quant à Montigny, je vois bien qu'il veut refaire toutes mes pièces. Il
y a pourtant une observation à faire, c'est que toutes les pièces qu'on
ne m'a pas fait changer: _le Champi_, _Claudie_, _Victorine_, _le _Démon
du foyer_, _le Pressoir_, ont eu un vrai succès, tandis que les autres
sont tombées ou ont eu un court succès. Je n'ai jamais vu que les idées
des autres m'aient amené le public, tandis que mes hardiesses ont passé
malgré tout.
Et quelles hardiesses! Trop d'idéal, voilà mon grand vice devant les
directeurs de théâtre.
J'écouterai sans discussion ce que me dira Montigny, j'écouterai ses
projets d'_amélioration_, et, si je vois qu'il faille changer le fond de
la pièce, je la reprendrai; cette fois, j'y suis bien, décidée. Je suis
lasse du théâtre d'abord, et puis encore plus lasse des hésitations où
l'on me jette sur moi-même. Je suis ce que je suis. _Yo soy quien soy_.
Ma manière et mon sentiment sont à moi. Si le public des théâtres n'en
veut pas, soit, il est le maître; mais je suis maître aussi de mes
propres tendances, et de les publier sous la forme qu'il sera forcé
d'avaler au coin de son feu.
Rien de nouveau ici: temps assez doux, Trianon devenu lac, ordres donnés
pour le jardin en notre absence, comptes de cuisine, rangement de
papiers, correction d'épreuves. Tout cela n'est pas fort intéressant,
surtout quand je ne te vois pas aller et venir, entrer et sortir, et
jeter, à travers tout cela, les profondes réflexions et les lumineux
aperçus de _tes sciences_.
Bonsoir donc, cher mignon; je me replonge dans les paperasses et
t'embrasse de toute mon âme. Le capitaine d'Arpentigny te _colle_ ses
amitiés. Émile _se paye_ de copier _le Diable aux champs_.
CCCLXXXVIII
A MADEMOISELLE LEMOYER DE CHANTEPIE, A ANGERS
Nohant, 27 février 1855.
Mademoiselle,
Je vous conseille et vous prie, même, puisque vous avez la bonté de
compter sur ma vive sympathie pour vous, de quitter le milieu où vous