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Boethius - Consolation 1865.djvu/457
NOTES DU LIVRE IV. 373 vers et un passage du P/zèrlrc de Platon où Socrate, s’attachant à déterminer les différents caractères de l’enthousiasme, définit ce qu’il entend par les ailes de l’àme et décrit les voyages que font les âmes humaines autour des planètes avant leur incarnation. Boèce s’est évidemment inspiré de ce morceau. Il s’en faut bien pourtant qu’il soit arrivé au doux éclat et à la mystique grandeur des images qu’on admire dans son modèle. Noir} ; 3. PAGE ÉU ?. Ou suivra le vieillard qui promène ses glaces Aux limites des cieux. La planète de Saturne : Frigida Saturni sese quo stella receptet. (Vrac., Georg., lib. I, v. 336.} Noms Al. PAGE 209. C’est de cet empyrée éclatant de lumière Que le maître des rois, Immuable, conduit son char dans la carrière, Et que, le sceptre en main, à la nature entière Il impose ses lois. ’0 Eh p.éycx ; · ? ;~(su : b—1 év oûpuwqî Zaùç, èlocüvwv 1’ITTQVÈV éipuoz, rcopsûzmi, ônaxoeutîxv méta, xa ?. êntusloûuavog. xr Or, le chef suprême, Jupiter, s’avance le premier, conduisant son char ailé, ordonnant tout, et gouvernant toutes choses. » (PLATON, P/ièrlre, trad. de V. Cousnv.) Nori ; 5. PAGE *209. Pour commencer, dit-elle, je te ferai voir que les bons sont toujours en possession de la puissance, et que les méchants 11’ont que la faiblesse en partage. Tout ce chapitre n’esL guère qu’une paraphrase du dialogue de Polus et de Socrate dans le Gnrgiax de Platon. Noms 6. PAGE 213. L’action de marcher, dit-elle, est naturelle à l’homme. Imitation de ce passage : ’ZQKPATHE· "E•76’ Etap Ãcv âlltp’iôm ;, ôaüaluoîg ; — GPASYMAXOS. Où <references/>
Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/70
La porte du guichet donna passage à un homme qui avait une torche à la main. La cloche ne discontinuait pas. Ursus se sentit saisi par deux attentes ; il se mit en arrêt, l’oreille au glas, l’œil à la torche. Après cet homme, la porte, qui n’était qu’entre-bâillée, s’élargit tout à fait, et donna issue à deux autres hommes, puis à un quatrième. Ce quatrième était le wapentake, visible à la lumière de la torche. Il avait au poing son bâton de fer. À la suite du wapentake, défilèrent, débouchant de dessous le guichet, en ordre, deux par deux, avec la rigidité d’une série de poteaux qui marcheraient, des hommes silencieux. Ce cortège nocturne franchissait la porte basse couple par couple, comme les bini d’une procession de pénitents, sans solution de continuité, avec un soin lugubre de ne faire aucun bruit, gravement, presque doucement. Un serpent qui sort d’un trou a cette précaution. La torche faisait saillir les profils et les attitudes. Profils farouches, attitudes mornes. <references/>
Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/305
qu’il veut pour soi, que cette volonté droite toujours exposée sans retour à la volonté divine. » Fénelon acquiesce ! Il sacrifie son esprit, il consent à tout oublier en matière de mystique, tout jusqu’aux conseils de la sagesse. Il abandonne aux mains de l’action mystérieuse le soin d’éviter les fautes et toute la thérapeutique morale : il ne veut plus que ne pas vouloir, et cela lui coûte horriblement. « Je suis trop à me servir de ma raison, dit-il, et à repenser souvent à une chose avant de m’y fixer, excepté certaines dans lesquelles il se représente d’abord à mon esprit une pensée si claire et si démêlée, qu’elle m’arrête absolument... J’ai à craindre d’être trop sage, trop attentif sur moi-même et trop jaloux de mes petits arrangemens. Mon penchant est de trop retoucher ce que je fais, et de m’y complaire. La règle de marcher comme un aveugle, jusqu’à ce que la muraille arrête, et qui se tourne d’abord du côté où il trouve l’espace libre, me plaît beaucoup ; mais dois-je espérer que Dieu me fermera aussi tous les côtés où je ne dois pas aller ? Et dois-je marcher hardiment, tandis qu’il ne mettra point le mur devant moi pour m’arrêter ? Je ne crois pas d’avoir à craindre de m’occuper de trop de choses : au contraire, je suis naturellement serré et précautionné ; de plus, mon attrait présent fait que l’extérieur m’importune et que je serais ravi d’avoir peu d’action au dehors, quoique je fusse peut-être contristé si certaines personnes considérables, qui me traitent bien, cessaient de me rechercher. J’ai dit aujourd’hui quelques paroles fort contraires à la charité, par une plaisanterie qui m’a entraîné, malgré un sentiment intérieur qui m’avertissait de me retenir : une personne a paru en être mal édifice. A l’instant, j’ai senti une douleur en présence de Dieu... Cette douleur m’a percé au vif. » Et il reprend encore la question qui le tourmente, la question capitale ; il la reprend sous la même forme expressive de l’aveugle en marche : doit-il renoncer à toute direction de lui-même ? « Ce que je souhaite le plus, c’est de savoir à quoi me tenir pour bannir les réflexions et pour me tenir à l’esprit de Dieu. Ferai-je comme l’aveugle qui tâtonne et qui marche sans hésiter, tant qu’il trouve un espace ouvert ? Ne sera-ce point une simplicité trop hardie ? Je la goûte, quoique la pratique doive en être rude à mon esprit circonspect. » Non. ce ne sera pas une simplicité trop hardie. Mme Guyon le rassure. « Vous êtes si fort à Dieu, et il a un soin si particulier de <references/>
Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/202
L'histoire du forgeron Fanch ar Floc'h était forgeron à Ploumilliau. Comme c'était un artisan modèle, il avait toujours plus de travail qu'il n'en pouvait exécuter. C'est ainsi qu'une certaine veille de Noël, il dit à sa femme après le souper : — Il faudra que tu ailles seule à la messe de minuit avec les enfants : moi, je ne serai jamais prêt à t'accompagner: j'ai encore une paire de roues à ferrer, que j'ai promis de livrer demain matin, sans faute, et, lorsque j'aurai fini, c'est, ma foi, de mon lit quej'aurai surtout besoin. A quoi sa femme répondit : — Tâche au moins que la cloche de l'Élévation ne te trouve pas encore travaillant. — Oh! fit-il, à ce moment-là, j'aurai déjà la tète sur l'oreiller. Et, sur ce, il retourna à son enclume, tandis que sa femme apprêtait les enfants et s'apprêtait elle-même pour se rendre au bourg, éloigné de près d'une lieue, afin d'y entendre la messe. Le temps était clair et piquant, avec un peu de givre. Quand la troupe s'ébranla, Fanch lui souhaita bien du plaisir. — Nous prierons pour toi, dit la femme, mais souviens- <references/>
Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/169
noblesse de l’ame incapable de soupçonner le mal et toujours disposée, dans sa bienveillante candeur, à honorer ses plus indignes adversaires. Ardent au contraire et prompt à la lutte, le jeune prince Lichnowsky avait tout l’éclat des vieilles races chevaleresques ; il était né pour les coups de main et les brillantes aventures. Engagé à vingt ans dans un régiment de hussards prussiens, il a honte de son repos, tandis que la légitimité est en cause sur les champs de bataille de l’Espagne ; cette idée, ce remords, le tourmentent pendant trois ans ; il part enfin et arrive en 1837 au camp de don Carlos. Nominé général du brigade et attaché à l’infant don Sébastien, il fait toutes les campagnes de cette année ; il se bat à Huesca, à Barbastro, à Herrera, et, traversant la Castille, le voilà avec l’armée carliste sous les murs de Madrid. Les succès de don Carlos ne se prolongent pas, et le prince Lichnowsky est envoyé par le prétendant en mission diplomatique. Il revient en Espagne en 1839, prend encore part à plusieurs combats, et s’éloigne décidément du théâtre de la guerre. Il publie alors le récit de ses aventures dans un livre intitulé ''Souvenirs des années 1837, 1838 et 1839''. Trois ans plus tard, il va en Portugal, et ce voyage lui fournit encore, l’occasion d’un curieux et spirituel ouvrage, ''Souvenirs du Portugal en 1842''. IL justifiait bien sa fière devise : <poem>Dextra tenet calamum, strictum tenet altera ferrum. </poem> Retourné enfin dans sa patrie, il est envoyé à la chambre des députés de Berlin en 1847, et il prend place parmi les plus brillans, parmi les plus chevaleresques défenseurs de l’aristocratie. M. le prince Lichnowsky était dans les rangs de nos adversaires ; sa foi dans le droit divin des royautés n’est pas la foi du monde moderne ; représentant d’une société qui ne saurait revivre, invinciblement attaché aux traditions féodales, ce téméraire jeune homme aimait à lutter contre l’impossible. Nous l’aurions combattu assurément dans la session de 1847 ; depuis notre révolution de 1848, les choses sont bien changées ; en face de l’odieux despotisme de la démagogie, ne faut-il pas que les divisions s’effacent ? Le prince Lichnowsky a rendit de grands services et donné de mâles exemples à l’église Saint-Paul ; personne mieux que lui ne savait tenir tête à l’insolence de la gauche et aux furieuses clameurs de la galerie. Vaincu si souvent par son dédain et son audace, le parti démagogique, à la première occasion, s’est vengé avec rage ; les misérables qui l’ont tué, bien certainement, avaient plus d’une fois senti ; du haut de la galerie de Saint-Paul, les coups de cette intrépide éloquence. Auerswald et Lichnowsky ce n’est pas vous que je plains ; je plains votre patrie, déshonorée comme la France de juin, par d’effroyables forfaits ! <references/>
Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/499
poète. C’était un écrivain de talent, mais une âme médiocre, qui a épuisé pour Tibère les flatteries les plus rebutantes. Pour leur donner plus de piquant et de nouveauté, il a imaginé une fois de les mettre dans la bouche de gens qui d’ordinaire ne flattaient pas. Il suppose qu’en Germanie, sur les bords de l’Elbe, un chef barbare, dans sa barque faite d’un tronc d’arbre, s’approche de la rive que les Romains occupaient, demande à voir le prince, et, après l’avoir contemplé un moment, s’éloigne en disant : ''Hodie vidi Deos !'' Ajoutons que, si Velleius loue Tibère, il célèbre encore plus Séjan, et l’éloge du ministre montre bien ce que vaut l’éloge du maître. Je crois donc que, si nous avions encore les ouvrages écrits à Rome du vivant des Césars et en leur honneur, l’opinion que nous avons d’eux n’en serait pas modifiée, et que nous penserions, comme Tacite, que ce sont des panégyriques dictés par la bassesse ou par la peur. Les écrits composés à la même époque dans les provinces nous sont rarement parvenus. Il est probable que les Césars y étaient bien traités, et je crois que les éloges qu’on faisait d’eux étaient sincères. Rien n’est plus aisé à comprendre. Les provinciaux ne connaissaient le gouvernement impérial que par ses bienfaits ; ils pouvaient prendre au sérieux les complimens que le Sénat prodiguait aux empereurs et que leur apportait le ''Journal officiel'' ; ils souffraient peu de leurs folies, car Tacite a bien raison de dire « que les méchans princes pèsent surtout sur leur voisinage. » On a remarqué que Philon le Juif juge assez favorablement Tibère. Il trouve « qu’il était grave, sévère, et qu’il n’avait souci que des choses sérieuses. » Ces éloges, après tout, sont mérités, et, s’il ne les tempère pas par quelque blâme, c’est que les démêlés du prince avec le Sénat et les grands personnages, ne l’atteignant pas, le laissent indifférent. Il ne songe qu’à son petit pays de Judée, qui s’est bien trouvé de l’administration de Tibère. Ce n’est pas que ce prince eût une tendresse particulière pour les Juifs. Il punit très sévèrement ceux de Rome de quelques friponneries dont ils s’étaient rendus coupables, mais, dans leur pays, il les laissait tranquilles pour ne pas troubler la paix de l’empire. Philon n’en demandait pas davantage, et, quand il songe à Caligula, qui voulait forcer tout le monde à l’adorer, Tibère, en comparaison, lui paraît un très bon prince. Du reste, si Philon, qui n’a vu Tibère que de la Palestine, ne lui est pas défavorable, un autre Juif, Josèphe, qui a longtemps vécu à <references/>
Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/387
tardent point à perdre de leur blancheur, et à changer d’odeur. Pour dessécher la fleur de camomille, M. Descroisilles, correspondant de la Société d’Agriculture de Paris, qui cultive en grand cette plante aux portes de la ville de Dieppe, suit une méthode qui m’a paru devoir, être publiée : elle consiste à exposer à toute l’ardeur du soleil cette fleur sur des châssis revêtus en toile, et à la surface desquels on a collé du papier gris, et à faire en sorte que les couches soient très-minces, afin de multiplier les surfaces, et qu’il ne s’établisse pas de fermentation intestine. Quand la dessiccation est complète, il faut s’occuper de la conservation ; le mieux seroit peut-être de comprimer les fleurs dans des barils garnis intérieurement de papier bien collé, qu’il est nécessaire de placer dans un lieu sec, frais et obscur ; car la lumière les colore, quoiqu’elles soient parfaitement séchées, et elles se moisissent facilement dans les endroits un peu humides. On recherche beaucoup, dans le commerce, les fleurs de camomille romaine tout à fait doubles, à cause de leur plus grande blancheur ; mais, s’il est permis de le dire, c’est un luxe médical qu’on ne peut guères obtenir qu’au préjudice de leur vertu ; car, si on les distille chacune séparément, on observe qu’elles donnent moins d’huile essentielle que les jaunâtres ou semi-doubles. Les droguistes de Paris et des autres villes de France tirent encore aujourd’hui une grande partie des fleurs de camomille, qu’ils débitent, de {{corr|la la|la}} Suisse et de l’Italie ; nous pouvons leur assurer qu’elles ne sont pas comparables, pour l’odeur et la couleur, à celles que cultive M. Descroisilles ; nous avons été témoins de tous les soins qu’il prend pour cette culture, et il mérite d’autant plus d’intérêt et d’encouragement, qu’il fait vivre, par ce moyen, beaucoup de femmes et d’enfans, et que la plante qui en est l’objet a une efficacité reconnue. Un des avantages de la culture de la camomille en plein champ est de n’être pas attaquée par les moutons et par les autres bestiaux, vraisemblablement à cause de son odeur pénétrante et de l’excessive amertume de toute la plante. De toutes les plantes qui portent le nom de ''camomille'', il n’y a que celle-ci dont les fleurs soient usitées intérieurement ; on en prend l’infusion, comme du thé, lorsqu’il s’agit de rétablir l’appétit, et d’appairer les coliques venteuses ; son odeur est forte, aromatique : elle contient l’acide gallique. Une particularité qui distingue la camomille romaine de la camomille commune, c’est la couleur d’un bleu de saphir que contracte l’huile volatile qu’on en retire par la distillation à feu nu ; il n’est pas nécessaire, comme ou l’a avancé sans preuve, que la distillation ait lieu avec la térébenthine, pour avoir cette couleur bleue ; elle a lieu sans aucun intermède. Quelquefois cette couleur est jaunâtre, tirant tantôt sur le vert, et tantôt sur le bleu, comme l’huile essentielle de rue. Mais cette huile, quelle que soit sa nuance, est toujours trop peu abondante pour pouvoir s’en servir en friction ; celle qu’on emploie eu embrocation sur le ventre, est toujours préparée par infusion dans l’huile d’olive, avec la camomille commune, ou non cultivée. ({{sc|Parmentier}}.) <section end="CAMOMILLE ROMAINE (supplément)"/> <section begin="CANARD DOMESTIQUE"/><nowiki/> CANARD DOMESTIQUE, (''Addition'' à l’article {{RozierL|CANARD, CANE, CANETON|{{sc|Canard}}}} du Cours, ''tome II, page'' 544,) Le silence de ''Rozier'' sur les différens moyens pratiqués pour engraisser cet oiseau, le plus facile à élever dans les lieux frais un peu aquatiques, et le commerce étendu qu’on en fait, semblent justifier la nécessité d’ajouter à cet article du Cours complet quelques observations rapides sur les avantages<section end="CANARD DOMESTIQUE"/> <references/>
Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1102
ce dépouillement de l’homme au profit de l’état, qui ôte à l’homme le ''moi'' qu’il tient de Dieu, sous prétexte aussi de lui en donner un meilleur des mains de l’autorité publique. Singulière inconséquence dans Rousseau qui, ne pouvant pas avoir ce qu’il préfère, c’est-à-dire point de société ni d’éducation du tout, veut la société la plus despotique et l’éducation la plus impérieuse qu’on puisse imaginer, qui, forcé de renoncer à l’état sauvage, aboutit à l’état le plus social, se dédommage d’un excès par un autre, et se console de la liberté des forêts qui lui est refusée par la servitude d’un vrai couvent politique ! ''La République'' de Platon ayant ainsi fasciné Rousseau, il est bon de jeter un coup d’œil sur cet ouvrage singulier que Rousseau a souvent pris pour modèle et pour inspiration dans l’''Émile'' et dans ''le Contrat social''. {{c|II}} Rousseau aimait beaucoup l’antiquité, mais il la connaissait mal ; il avait l’idée de sa grandeur ; il n’avait pas l’idée de son organisation intérieure, et il était disposé à croire que les philosophes, et Platon en particulier, avaient fait dans leurs ouvrages le tableau de la société antique, tandis qu’au contraire ; ils en avaient pris le contre-pied. Témoins et souvent victimes de la démocratie ancienne, les philosophes avaient en grand dédain ce gouvernement tumultueux et aveugle qui laissait peu de chance à la sagesse et à la vertu ; aussi loin de le peindre dans leurs ouvrages, ils y opposaient volontiers le plan d’un gouvernement meilleur et plus parfait : telle est ''la République'' de Platon, qui est à la fois une utopie et une satire. Dans les publicistes modernes, il n’est question que de droits, de conventions et de lois. Dans les publicistes anciens, il n’est question que des vertus nécessaires aux citoyens, et de l’éducation qui peut les former à ces vertus. Platon ne cherche point dans sa ''République'' quel est le principe fondamental des sociétés politiques, si le peuple est souverain ou n’est pas souverain, de quelle manière il doit exercer sa souveraineté et de quelle manière il peut la déléguer. Il établit qu’il y a quatre vertus fondamentales : la prudence, le courage, la tempérance, la justice : voilà les bases de son état. Ce sont ces quatre vertus qui sont le pivot de la société. Avec ces vertus, vous pourrez vous passer de lois. Platon en effet s’inquiète peu des lois, il ne leur attribue pas l’efficacité que nous leur attribuons aujourd’hui. « Ferons-nous des lois, dit-il livre IV, sur les contrats de vente ou d’achat, sur les conventions pour la main-d’œuvre, sur les insultes, les violences, l’ordre des procès, l’établissement des juges, la levée <references/>
Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/14
dont il avoit apporté un exemplaire qu’il mit sur la table. Je l’interrompis pour venir à la proposition de l’excommunication. Nous la discutâmes avec beaucoup de politesse, mais avec fort peu d’accord. Tout le monde sait que la proposition censurée est : ''qu’une excommunication injuste ne doit point empêcher de faire son devoir'' ; par conséquent qu’il résulte de sa censure : ''que excommunication injuste doit empêcher de faire son devoir''. L’énormité de cette dernière frappe encore plus fortement que ne fait la simple vérité de la proposition censurée. C’en est une ombre qui la fait mieux ressortir. Les suites et les conséquences affreuses de la censure sautent aux yeux. Je ne prétends pas rapporter notre dispute. Elle fut vive et longue. Pour l’abréger je lui fis remarquer que dans la situation présente des choses, où, quand on raisonne on doit tout prévoir, surtout les cas les plus naturels, conséquemment les plus possibles, le roi pouvoit mourir et le Dauphin aussi, qui tous les deux se trouvoient aux deux extrémités opposées de l’âge ; que, si ce double malheur arrivoit, la couronne par droit de naissance appartiendroit au roi d’Espagne et à sa branche ; que par le droit que les renonciations venoient d’établir, elle appartiendroit à M. le duc de Berry et à sa branche, et à son défaut à M. le duc d’Orléans et à la sienne ; que si les deux frères se la vouloient disputer, ils auroient chacun des forces, des alliés et en France des partisans ; qu’alors le pape auroit beau jeu, si sa constitution étoit crue et reçue sans restriction, de donner la couronne à celui des deux contendants qu’il lui plairoit, en excommuniant l’autre, puisque, moyennant sa censure reçue et crue, quelque juste que pût être le droit de l’excommunié, quelque devoir qu’il y eût à soutenir son parti, il faudroit l’abandonner et passer de l’autre côté, puisqu’il seroit établi, et qu’on seroit persuadé qu’une excommunication injuste doit empêcher de faire son devoir ; et dès là, d’une façon ou d’une autre, voilà le pape maître de toutes les couronnes de <references/>
Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/283
autour d’eux, et un murmure courut successivement tout le long de la foule. Louis avança, ouvrant le passage avec des yeux décidés, menaçants, qui indiquaient d’avance qu’on eût à se reculer. Il conduisit ainsi Lévise jusqu’au milieu du chœur, accompagnés d’un bourdonnement de voix ennemies. Le banc d’honneur était un peu devant eux, occupé par cinq ou par six personnes dont les têtes se penchaient en arrière par-dessus le dossier pour reconnaître la cause de ce bruit. Les personnages importants ainsi placés se parlèrent vivement dès qu’ils eurent reconnu les nouveaux arrivants. Le bourdonnement croissait. La messe était finie, le curé prenait quelques instants de repos avant de monter en chaire. Louis fit un pas vers le banc d’honneur, mais Lévise, à bout de forces, se cramponna des pieds aux dalles, arracha son bras à celui du jeune homme, et se jeta sur une chaise où elle s’agenouilla baissant le plus possible la tête pour se cacher. Louis se tourna de tous côtés, considérant dédaigneusement tous les visages dirigés vers lui. Tandis que Lévise souffrait un terrible supplice, il ressentait un bonheur aigu. Il était arrivé à ses fins. Il tenait en échec tout ce monde murmurant et le forçait à subir à son tour l’humiliation. Il domptait ces gens et jouissait de leur colère et de leur impuissance. Il oubliait Lévise. Il avait enfin conquis un moment de joie âpre depuis quinze jours qu’il vivait dans les épines, sur les charbons ardents. L’amour ne lui avait peut-être pas apporté de plaisir comparable, un plaisir rude et fortifiant. Un double mouvement se fit parmi les assistants, les uns s’occupèrent du curé qui montait en chaire, les autres dirigèrent toute leur attention vers la grande porte où un nouveau murmure montait à la voûte. <references/>
Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/842
d’assises dans le ressort de chaque cour d’appel. La juridiction des grandes cours qui siègent à Londres est ainsi maintenue en principe, et les affaires se jugent sur les lieux mêmes sans déplacement pour les parties et les jurés. Le jugement du pays par le pays n’est point une fiction en Angleterre, et les jurés, quoiqu’ils aient à justifier de certaines conditions de fortune, sont bien les citoyens appelés à juger par le vœu de la population ; la liste en est formée avec un scrupule extrême. Ce sont d’abord des constables (''churchwardens'') qui la dressent dans chaque paroisse ; elle est affichée pendant vingt-quatre jours, et tous les citoyens ont le droit d’en demander la rectification. Les réclamations sont portées devant le juge de paix du comté et jugées dans une session spéciale où les constables sont appelés à rendre compte de leurs opérations. Lorsque toutes les observations ont été entendues, les listes sont arrêtées et remises pour chaque comté au shérif, et forment dans ses mains le livre des jurés (''jurors book''). Le shérif, qui a plusieurs des attributions de nos préfets, est nommé par la couronne ; mais ses fonctions sont essentiellement gratuites et ne peuvent durer plus d’une année : c’est à lui que le grand-juge, à son arrivée dans le comté, demande des jurés. Il en est dressé, selon les affaires, une liste de quarante-huit à soixante-douze sur le ''jurors book''. Cette liste est présentée à l’accusé, qui peut la rejeter partiellement et même en entier, lorsqu’il y a lieu d’en suspecter la composition. Les douze jurés qui doivent connaître de l’affaire ne sont tirés au sort qu’après que le droit de récusation le plus large a été ainsi exercé par l’accusé. Tel est le petit jury ou jury de jugement ; il n’entre en fonction que lorsque le grand jury ou jury d’accusation, composé de vingt-trois membres pris parmi les principaux propriétaires du comté et les membres de la commission de paix, a statué après avoir entendu les plaignans et les témoins. Si l’accusation est admise, aussitôt le jury de jugement est saisi de la connaissance du fait, de telle sorte que la mise en accusation et le jugement se suivent. Le jury de jugement ne se décide pas précisément comme en France d’après sa conscience et son intime conviction ; il est tenu de se conformer aux règles traditionnelles qui sont indiquées comme étant pelles de l’évidence (''rules of evidence''), et que rappelle au besoin le président des assises. Le jury ne peut rendre son verdict qu’à l’unanimité, et lorsqu’il entre dans la chambre des délibérations, le greffier fait prêter serment à un officier de la cour de le garder sans feu, sans lumière, sans manger ni boire, jusqu’à ce qu’il ait prononcé. Fort heureusement cette vieille coutume n’est pas observée dans toute sa rigueur, et les jurés peuvent prendre quelque nourriture. Il s’était présenté des cas où des jurés, placés entre leur conscience et la faim, avaient poussé l’épreuve <references/>
Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/94
se tienne à l’écart. Je dis qu’il se tienne a l’écart, dit M. Creakle en tapant sur la table regardant mistress Creakle, car il me connaît. Vous devez commencer aussi à me connaître, mon petit ami. Vous pouvez vous en aller. Emmenez-le. J’étais bien content qu’il me renvoyât, car mistress Creakle et miss Creakle s’essuyaient les yeux, et je souffrais autant pour elles que pour moi. Mais j’avais à lui adresser une pétition qui avait pour moi tant d’intérêt que je ne pus m’empêcher de lui dire, tout en admirant mon courage : « Si vous vouliez bien, monsieur. » M. Creakle murmura : « Hein ? Qu’est-ce que ceci veut dire ? et baissa les yeux sur moi, comme s’il avait envie de me foudroyer d’un regard. — Si vous vouliez bien, monsieur, balbutiai-je, si je pouvais (je suis bien fâché de ce que j’ai fait, monsieur) ôter cet écriteau avant le retour des élèves. Je ne sais si M. Creakle eut vraiment envie de sauter sur moi, ou s’il avait seulement l’intention de m’effrayer, mais il s’élança hors de son fauteuil et je m’enfuis comme un trait, sans attendre l’homme à la jambe de bois ; je ne m’arrêtai que dans le dortoir, où je me fourrai bien vite dans mon lit, où je restai à trembler, pendant plus de deux heures. Le lendemain matin M. Sharp revint. M. Sharp était le second de M. Creakle, le supérieur de M. Mell. M. Mell prenait ses repas avec les élèves, mais M. Sharp dînait et soupait à la table de M. Creakle. C’était un petit monsieur à l’air délicat, avec un très-grand nez ; il portait sa tête de côté, comme si elle était trop lourde pour lui. Ses cheveux étaient longs et ondulés, mais j’appris par le premier élève qui revint, que c’était une perruque (une perruque d’occasion, me dit-il), et que M. Sharp portait tous les samedis pour la faire boucler. Ce fut Tommy Traddles qui me donna ce renseignement. Il revint le premier. Il se présenta à moi en m’informant que je trouverais son nom au coin de la grille à droite, au devant du grand verrou ; je lui dis : « Traddles, » à quoi il me répondit : « lui-même, » puis il me demanda une foule de détails sur moi et sur ma famille. Ce fut très-heureux pour moi que Traddles revînt le premier. Mon écriteau l’amusa tellement, qu’il m’épargna l’embarras de le montrer ou de le dissimuler, en me présentant à tous les élèves immédiatement après leur arrivée. Qu’ils fussent grande ou petits, il leur criait : « Venez vite ! voilà une <references/>
Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/184
pressés et insatiables y trouvaient de larges profits. Les médiocres, rongés de la lèpre de l’envie, y prenaient de sourdes revanches. Le prolétariat conscient et encellulé ne soupçonne pas le moins du monde l’étrange combinaison chimique, le déconcertant amalgame d’{{corr|appétis|appétits}} grossiers, de rivalités sournoises, de querelles et d’avidités que {{corr|constituent|constitue}} l’état-major du communisme français. Tel avocat qui use de la politique pour ses affaires et sa publicité rémunératrice y cueille un siège obstinément refusé à sa stupidité congénitale ou à son éloquence trempée dans la mélasse. Tel gendelettre avorté, gonflé de borborygmes malodorants, y puise du réconfort et l’illusion d’exister. Tel prolétaire doué de bagout et en rupture d’atelier, y rencontre sécurité, considération, adulation. Sans compter les vieux politiciens fourbus qui se refont une virginité. Tout ce monde-là vit de Moscou ou par Moscou, attentif seulement à emprunter la bonne route, à naviguer adroitement parmi les compétitions et les bagarres. Car le moindre faux pas, la plus légère déviation suffisent pour se voir précipité du Capitole. Depuis que j’ai, dans une révolte de dégoût, déserté cette caverne, les événements se sont précipités. Disputes sur disputes. Les uns après les autres, les purs d’entre les purs ont fait place à de plus purs qui les ont vigoureusement épurés. Les équipes de renégats se sont succédé. C’est un phénomène sans précédent que cette consommation de militants « réprouvés » dans le communisme. Celui qui aboyait naguère <references/>
Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/386
généreuses lorsqu’elles voyent arriver l’instant d’une vengeance que la crainte avoit étouffée. Il se prépare contre la Bourgogne, et, comme s’il eût voulu appeler en jugement les mânes du duc Charles, 5 lui qui, pendant qu’il avoit un soupir, n’avoit jamais eu la hardiesse de le trouver coupable, il l’accusa de félonie et confisqua les terres qui relevoient de lui. Il s’étoit fait une dévotion, non pas contre le 10 crime, mais contre les remords. A mesure qu’il remplissoit les prisons, inventoit des supplices, augmentoit les impôts, il redoubloit de pèlerinages, de vœux et de fondations, se couvroit de reliques, rendoit de nouveaux cultes aux Saints. Il sembloit i5 qu’il voulût transiger avec le Ciel pour son dédommagement, et ce qui ne peut servir qu’à empêcher les autres de se désespérer étoit le fondement de sa hardiesse. Enfin, ses craintes, ses méfiances, sa mauvaise 20 santé, le conduisirent au château de Plessis-lesTours, où il paroît qu’il étoit le plus malheureux de tous les hommes. Misérable prince, qui trembloit à la vue de son fils et de ses amis mêmes, qui voyoit le péril où les autres trouvent leur sûreté, qui ne 23 confioit sa vie qu’à des satellites, comme si, pour qu’il vécût, il étoit nécessaire qu’il fît violence à tous les gens de bien. Il craignit la mort jusqu’à l’extravagance. Il paroît pourtant que le compte terrible qu’il avoit à rendre 3o fut le moindre de ses soins : car il ne vouloit point qu’on priât Dieu pour son âme. Il ne pouvoit se <references/>
Brontë - Le Professeur.djvu/183
Si les romanciers observaient consciencieusement la vie réelle, les peintures qu’ils nous donnent offriraient moins de ces effets de lumière et d’ombre qui produisent dans leurs tableaux des contrastes saisissants. Les personnages qu’ils nous présentent n’atteindraient presque jamais les hauteurs de l’extase et tomberaient moins souvent encore dans l’abîme sans fond du désespoir : car il est rare de savourer la joie dans toute sa plénitude, plus rare peut-être de goûter l’âcre amertume d’une angoisse complètement désespérée ; à moins que l’homme ne se soit plongé, comme la bête, dans les excès d’une sensualité brutale, qu’il n’y ait usé ses forces et détruit les facultés qu’il avait reçues pour être heureux. Comment alors devra finir l’agonie qu’il endure ? trop faible pour conserver la foi, sa vie n’est plus que douleur et la mort ne lui apporte que ténèbres ; Dieu n’a plus de place dans son âme abattue, où rampent les hideux souvenirs que le vice y a laissés ; il arrive au bord de la tombe où la débauche le précipite avant l’heure, haillon rongé par d’affreuses maladies, tordu par la souffrance, et qu’enfonce sous le gazon du cimetière l’inexorable talon du désespoir. Celui dont l’esprit a gardé sa puissance, ne connaît pas ces tortures infernales : il chancelle un instant si la ruine vient à l’atteindre ; mais son énergie, réveillée par le coup même dont il vient d’être frappé, cherche le moyen de réparer sa perte et trouve dans le travail <references/>
Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 10.djvu/268
à mesure qu’ils arrivaient. Une charge de cavalerie détermina la déroute des Kabyles : on les vit se couleur à travers les escarpemens où nos cavaliers ne pouvaient les poursuivre, où nos obus rebondissaient au-dessus de leurs têtes. Malheureusement, les escadrons du général Korte, laissés en réserve, n’étaient pas encore arrives dans la vallée de l’Oued-el-Ksab pour les y recevoir. Il fallut revenir sur le front d’attaque, où les Kabyles avaient reflué, pendant que le général Gentil descendait au camp. Prenant ce mouvement pour une retraite, l’ennemi dispersé se rallia Le maréchal, debout sur un petit plateau découvert et exposé de toutes parts aux balles des Kabyles épars autour de lui en tirailleurs, ordonna aux compagnies à sa portée de ne point répondre au feu et de se masser en colonne. Les Kabyles enhardis s’avancèrent ; une charge à la baïonnette les culbuta dans les précipices. La bataille arisait terminée, quand un contingent de trois mille hommes arriva du sud aux tribus engagées, probablement conduit par Ben- Salem. Les Kabyles revinrent à la charge, comme nous installions le bivouac auprès d’une fontaine au delà de la vallée. Les nouveaux venus y arrivèrent en même temps, abrités par un mamelon boisé qui les cachait à nos yeux. Une compagnie du 48e essuya leur première décharge à portée de pistolet. La compagnie, fort maltraitée, revint au feu, protégée par un bataillon accouru à son secours. L’artillerie fit le reste. Cette bataille durait depuis quatorze heures ; les Kabyles laissèrent onze cents cadavres à travers les rochers. Nous eûmes cent trente morts et blessés. Quelques jours après, les Flittas se résignaient à notre domination. Telle fut notre première expédition dans la Kabylie ; telle fut cette campagne audacieuse que nos hommes politiques redoutaient comme on redoute l’inconnu. Les troupes françaises avaient pu compter chemin faisant, plus de cent villages, elles avaient traversé les plus belles montagnes de la terre. Deux combats et quinze jours avaient suffi pour y faire reconnaître notre domination. Cependant le maréchal Bugeaud, à peine de retour à Alger, devait courir aux frontières du Maroc, où les intrigues d’Abd-el-Kader avaient amené une armée marocaine à l’appui de sa cause. Nous n’avons pas à nous occuper de cette rapide campagne, si bien racontée par le maréchal lui même<ref> Dans cette ''Revue'' n° du 15 mars 1845.</ref>. Du reste, si le maréchal donnait à la guerre d’Afrique l’importance qu’elle avait en réalité, il faisait peu de cas des victoires qu’on y pouvait remporter. Il disait souvent, et nos colonnes le prouvaient chaque jour, qu’une force cohérente et disciplinée aurait toujours raison, si minime qu’elle fût, de toutes les multitudes armées que les Arabe avaient à nous opposer. La victoire était pour lui une certitude mathématique il rédigea le bulletin d’Isly la veille de la bataille, et l’événement <references/>
Biedermann La Belle Maguelonne.djvu/111
��luy aideroit. Et ainsi faisoit la douce Mag'uelonne *a tous les povres malades pèlerins qui ven oient en iceluy saint lieu, duquel elle fut fonderesse d'aumosne et d'hospitalité. ��COMMENT PIERRE FAIT UNE COMPLAINTE 5 A L'HOSPITAL DE SON AMÉE ET DOUCE MAGUELONNE. Reposant soy Pierre ainsi en cestuy liospital, pour le grant service que luy faisoit l'hospitalière, il com- mença fort a guérir, lequel se merveilloit fort de la 10 grant peine et diligence qu'icelle dame prenoit a le servir et les autres aussi. Et disoit en son cueur que sans faute elle devoit estre quelque sainte personne. Un jour, Pierre ayant mémoire de Maguelonne en son cueur commença fort a souspirer et plourer 15 disant ainsi: „0 seigneur dieu Jhesucrist! Si par vostre miséricorde me mandez quelques nouvelles de ma douce Maguelonne tous les maux que j'ay passés ne me seront rien et les porteroie légèrement. Mais, seigneur dieu, je suis digne et ay mérité de souffrir 20 de pires, car j'ay esté cause pourquoy elle laissoit son père, et son royaume. Et je suis encores cause que les bestes sauvages l'ont dévorée, qui estoit tant *belle et tant noble, si vous, seigneur dieu, ne l'avez gardée. Et si elle est morte, plaise vous que je ne vive plus 25 ��* f. 164\ * f. 165. �� � <references/>
Parmentier - Recherches sur les végétaux nourrissans, 1781.djvu/348
{{numérotation|''Recherches''|330|}}pour prévenir ou diminuer les accidens qui en résultent. Il saudroit toujours mettre un intervalle entre le moment où les champignons ont été cueillis & celui de les cuire, les laisser auparavant macérer dans l’eau froide, les faire blanchir ensuite dans de nouvelle eau, puis mêler dans les ragoûts où ils entrent, du vin ou du vinaigre, du jus de citron ou des plantes acidulés ; enfin il seroit sur-tout important de les bien mâcher afin que la propriété que plusieurs out de gonfler dans l’estomac, n’en fit point des morceaux énormes qui nuiroient seulement par leur volume indigeste. Le champignon, je le répète, n’est pas un aliment ; il ne contient qu’une substance savoureuse dont il seroit possible de se passer & puisqu’il n’existe pas de moyens de distinguer le champignon essentiellement pernicieux d’avec celui qui peut le devenir par mille fortes d’accidens, ne balançons point de le proscrire de la classe des assaisonnemens en y substituant les culs d’artichaut, le céleri, la racine de persil & tant d’autres Plantes <references/>
Chauveau - Charles Guérin, roman de mœurs canadiennes, 1853.djvu/227
{{nr||CHARLES GUÉRIN.|217}}jeune homme paraissait très ému, et il semblait supplier le marchand qui, lui-même, avait l’air tout consterné. — Allons donc, Messieurs, dit l’huissier, à cinq cent louis, avez-vous fini à cinq cent louis ? — Cinq cent vingt-cinq louis ! cria Charles, d’une voix, pour bien dire, étouffée. — Cinq cent cinquante, répliqua la voix chevrotante du vieux Jean Pierre. — Soixante et quinze ! — Six cent ! — À six cent louis, Messieurs, à six cent louis, qui est-ce qui met plus ? Avez-vous fini ? — Ce vieux misérable, dit à haute voix M. Wagnaër ; il m’avait pourtant promis qu’il ne mettrait pas. Mon cher M. Guérin, ajouta-t-il en se retournant vers le jeune homme, qui connaîtrait bien le fonds de toutes vos affaires, ça ne me coûterait pas ; car si la balance était pour vous revenir au-dessus de cette somme, nous ne serions pas obligés de la déposer... mais qui sait ! — Oui, fit observer Henri Voisin, il peut se présenter des réclamations jusqu’à la dernière heure. — Mais vous aviez acheté toutes les dettes de mon père ? — Une partie seulement : et il est impossible de connaître toutes les hypothèques, tant qu’une affaire n’est pas finie ; c’est bien fâcheux ; mais enfin, je ne puis faire davantage. Si vous voulez risquer pour votre mère une folle enchère, faites-le. Pour moi, je ne puis pas vous promettre de déposer plus de six cent louis... et encore vous savez que ce ne sera que dans quelques semaines : car si j’avais pu, ou si vous aviez pu me trouver cent cinquante louis, votre propriété ne serait pas vendue. — Il y a déjà plusieurs oppositions filées<ref>De l'anglais, ''fyled''</ref> au bureau du <references/>
Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/101
« Il faut se repentir devant Dieu », se dit-elle, et, comme on était en carême, elle résolut de faire ses dévotions, de dire tout à son confesseur et de lui demander un conseil sur la façon dont elle devait agir. Non loin de la ville se trouvait le couvent dans lequel vivait le vieillard connu par la sainteté de sa vie, par ses sermons, ses prédictions, et les guérisons qu’on lui attribuait. Le vieillard avait reçu une lettre d’Eropkine, dans laquelle il le prévenait de la visite de sa fille, de son état d’excitation anormale, et exprimait l’assurance qu’il saurait lui montrer la vraie voie de la bonne vie chrétienne, moyenne, sans détruire les conditions existantes. Le vieillard, fatigué des réceptions, reçut Lise et se mit à lui prêcher tranquillement la modération, la soumission aux conditions existantes et à ses parents. Lise se taisait, rougissait, se couvrait de sueur, et quand il eut terminé, les larmes aux yeux, elle commença, timidement d’abord, à lui faire observer que Christ a dit : Abandonne ton père, ta mère et suis-moi. Ensuite, s’animant de plus en plus, elle lui expliqua comment elle comprenait Christ. Le vieillard d’abord, avec un léger sourire, objecta par les phrases habituelles, mais ensuite il se tut, se mit à soupirer, répétant sans cesse : « Seigneur Dieu ! » — Eh bien, viens demain te confesser, dit-il, et, de ses mains ridées, il lui donna sa bénédiction. Le lendemain elle se confessa, et il la laissa partir sans reprendre la conversation de la veille, mais en refusant de se charger de la distribution de ses biens. La pureté, le dévouement absolu à la volonté de <references/>
Renard - Outremort et autres histoires singulières, Louis-Michaud, 1913.djvu/198
— « Chanteraine ! » me dit-il, le verbe haut et l’accent résolu. — « Eh bien ?... » — « Il ne faut pas le dire aux hommes. » — « Quoi donc, mon bon ami ? » — « Que les hommes d’autrefois avaient des ailes... » — « Hé ? » — « Ce serait trop triste pour eux, voyez-vous... Il ne faut pas leur dire... J’ai beaucoup réfléchi depuis votre départ... » Ainsi, Chanteraine, notre besoin de sillonner le ciel, notre immortel désir d’envolée, ce n’est donc pas un espoir, une poussée de la race dans le sens du meilleur et du plus beau ! Ce n’était qu’un regret indéfini... le regret des ailes perdues... le regret du paradis perdu ! — Est-ce cela que l’Ancien Testament veut symboliser par l’expulsion d’Adam et d’Ève ? Peut-être. Probablement. Ah ! croyez-le : tous les mythes des anciens ont une base dans la réalité de la préhistoire. Tour à tour, chaque héros y représente le genre humain. Prométhée n’est-il pas la conquête du feu ? La perte du vol n’est-elle pas aussi la chute <references/>
Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/72
{{Centré|(''xxxvj'')}} <section begin="DIVISION DE L’ENCYCLOPÉDIE MÉTHODIQUE"/>{{tiret2|pré|médité}}. Il manquoit de goût, & n’avoit d’ailleurs ni assez de connoissances, ni assez de philosophie, pour apprécier les matériaux qu’il rassembloit de toutes parts. En effet, il suffit de lire avec attention les ouvrages originaux dont il rapporte de longs extraits, pour se convaincre que souvent il n’entendoit pas ou entendoit mal les auteurs qu’il analysoit. Il passe sous silence des lignes precieuses aux yeux du Philosophe, & omet une foule d’idées, tantôt fines & délicates, tantôt fortes & hardies, dont il ne voyoit pas la tendance. Son livre, au reste, a le mérite de tous les recueils ; il peut servir à en faire un bon. Si l’exécution du plan qu’il avoit conçu étoit au- dessus de ses forces, il a du moins fouillé la mine, & il en a tiré des matériaux dont une main plus habile peut faire un meilleur usage. C’est le but qu’on s’est proposé dans le dictionnaire philosophique. On n’a rien négligé pour donner à cet ouvrage toute la perfection dont il est susceptible. On a lu & extrait avec soin tous les auteurs qui pouvoient répandre quelque jour sur la Philosophie ancienne & moderne ; mais on les a lus dans un autre esprit & avec d’autres vues que Bruker ; & l’on ose croire que le Public aura lieu d’être satisfait du travail de l’auteur qui s’est chargé de compléter cette partie si intéressante & si peu connue des progrès de l’esprit humain. {{T3|[XVII.] ''DICTIONNAIRE UNIV. ET RAIS. DE MÉTAPHYSIQUE, '' ''Logique, & Morale ; un volume in-4°.''}} {{t|O|300}}{{sc|n}} se propose de mener de front ces trois parties de la science, à cause de la grande analogie qu’elles ont entre elles. La Métaphysique a pour objet, 1°. la connoissance immédiate de notre ame, de son action, de ses facultés, &, par comparaison, la connoissance de tous les êtres qui sont regardés comme étant de la même nature que notre ante : dans ce sens, la Métaphysique pent être considérée comme une science d’observations : 2°. elle a pour but la formation de nos idées & leur perfection, qui consiste à représenter fidèlement les êtres qui sont hors de nous & leurs propriétés ; c’est-à-dire, leurs rapports entre eux & avec nous-mêmes. La Logique nous enseigne à réfléchir sur nos idées & sur les signes de nos idées, à les combiner, a les ordonner selon l’art, moins pour en tirer des vérités nouvelles, que pour prouver aux autres des vérités à nous connues, &, par un abus trèsfréquent, des erreurs chéries. L’objet de la Morale est de diriger nos idées, nos raisonnemens, nos sentimens, notre volonté à la vertu, & de nous apprendre, qu’indépendamment de toute autre considération, il importe à l’homme, à tout être social, d’être vertueux, eût-il d’ailleurs la raison assez bornée ou assez dépravée pour méconnoître la vraie source, la source céleste & pure de toute vertu. L’objet de ces trois sciences se réunit donc en ce point, qu’elles dirigent toutes trois nos facultés à leur but le plus noble & le plus digne de nous ; notre entendement à la vérité & notre volonté à la vertu ; c’eft-à-dire, qu’elles travaillent toutes trois de concert à nous procurer le bonheur, & à l’établir sur les fondemens les plus solides qui existent dans la nature. A dieu ne plaise que e cherche à faire valoir mon travail aux dépens de celui des autres ! Je connois nombre dexcellens morceaux de Métaphysique, de Logique, & de Morale dans la première Encyclopédie, qui sera toujours l’ouvrage primitif & fondamental J’en connois plusieurs qui ont été rédigés par des écrivains du. premier ordre, où l’on trouve la force & la beauté du style jointes à la justesse & à la profondeur des idées ; & il est plus que vraisemblable que l’on trouveroit dans tous les articles relatifs à une même science cette harmonie, cette unité si précieuse aux gens de goût, si nécessaire dans les ouvrages philosophiques, pour peu que les circonstances eussent permis que tous ces articles fussent de la même main. Le principal but de mon travail sera d’établir cette unité, autant qu’il sera possible, dans chacune des trois parties dont je me suis chargé, principalement dans les points par où elles se rapprochent les unes des autres. Je pourrai me permettre de faire quelques additions toutes les fois qu’elles me paroîtront nécessaires pour remplir un vuide, pour suppléer à une interruption dans la chaîne des vérités ; mais en général je me garderai bien de chercher à augmenter ces trois parties, objet de mon travail, je ses diminuerai plutôt, en supprimant, en resserrant quelques articles qui roulent sur de pures subtilités, parce que les subtilités sont toujours moins favorables à la vérité qu’à l’erreur : En effet, pour peu qu’on y, réfléchisse, on reconnoîtra que les abstractions ne sont autre chose que des images, légères, ou, si l’on veut, des ombres fugitives, qui réprésentent imparfaitement les choses, & d’autant plus imparfaitement, qu’elles s’élèvent davantage au dessus de leurs modèles. Pour féconder les sciences qui s’occupent des ces idées, il faut donc travailler sans relâche à ramener celles-ci<section end="DIVISION DE L’ENCYCLOPÉDIE MÉTHODIQUE"/> <references/>
Verne - Histoire des grands voyages et des grands voyageurs, Hetzel, 1870, tome 1.djvu/271
Porras et les révoltés coururent donc vers le rivage ; ils s’emparèrent des canots des indigènes et ils se dirigèrent vers l’extrémité orientale de l’île. Là, ne respectant plus rien, ivres de fureur, ils pillèrent les habitations indiennes, rendant ainsi l’Amiral responsable de leurs violences, et ils entraînèrent quelques malheureux naturels à bord des canots qu’ils leur avaient volés. Porras et les siens continuèrent leur navigation ; mais, à quelques lieues au large, ils furent surpris par un coup de vent qui les mit en grand péril, et, pour alléger leurs embarcations, ils jetèrent leurs prisonniers à la mer. Après cette barbare exécution, les canots essayèrent de gagner l’île Espagnole, ainsi que l’avaient fait Mendez et Fieschi, mais ils furent obstinément jetés sur les côtes de la Jamaïque. Cependant l’Amiral, resté seul avec ses amis et les malades, parvint à rétablir l’ordre dans son petit monde. Mais la misère s’accroissait. La famine devenait menaçante. Les indigènes se lassaient de nourrir ces étrangers dont le séjour se prolongeait sur leur île. D’ailleurs, ils avaient vu les Espagnols se livrer bataille entre eux, ce qui avait tué leur prestige. Ces naturels comprenaient enfin que ces Européens n’étaient que de simples hommes, et ils apprirent ainsi à ne plus les respecter ni les craindre. L’autorité de Colomb sur ces populations indiennes diminuait donc de jour en jour, et il fallut une circonstance fortuite, dont l’Amiral profita habilement, pour lui refaire un prestige si nécessaire au salut de ses compagnons. <references/>
Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/295
moins conformes à cette pensée, selon qu’elle est plus ou moins habituelle à l’esprit. Madame votre mère, par exemple, est un modèle de piété, et elle en est récompensée dans sa famille, car je ne crains pas de me tromper en osant prédire que les dissentiments cesseront avec l’aide de Dieu. Et d’après les qualités que vous et Monsieur votre frère possédez, je puis dire que madame votre mère est bénie dans sa postérité. » Henriette pensa à la force des imbéciles ; le pauvre curé compromettait sa cause. « J’ai peur pourtant, reprit-il, que vous ne vous écartiez de la foi. Vous ne vous présentez plus à la confession depuis longtemps. La voie que vous suivez loin de l’autel de Jésus est semée d’embûches. Elle vous entraîne, à votre insu, à des tendances mondaines, et vous porte à vous mettre en opposition avec vos parents. Vous savez qu’un de nos plus sacrés commandements veut l’obéissance. Ne donnez jamais scandale à Dieu, chère mademoiselle : la vérité divine vous abandonnerait, et vous vous égareriez. Nul n’a plus de paix que le juste. Descendez dans votre cœur, examinez vos propres déchirements, et voyez si vous avez la paix du juste. Votre chère mère, votre cher père, seraient si heureux de votre bon vouloir !... » Le curé s’encouragea. Au lieu de montrer les dents on faisait le gros dos. « Je voudrais vous voir convaincue que la piété doit vous guider dans la vie », ajouta le curé, charmant de douceur et de bénignité. Elle pensait : « Les discours du curé sont vagues et sans portée ! » « Vous attirerez la bénédiction divine sur votre tête, chère Demoiselle, en renonçant à des sentiments que notre sainte Église réprouve, reprit la voix nasillarde et cadencée du prêtre. Il n’y a de vérité que dans la vertu, toutes les vertus, vous n’en doutez pas. — Cela est écrit dans tous les sermons, dit Henriette, qui commença à s’animer, étant touchée à l’endroit sensible. — La vie ici-bas n’est qu’un long renoncement, s’écria le curé, transporté de son argument. Plus nous renonçons, plus <references/>
Hauvette - Littérature italienne.djvu/238
218 LITTIEIKATURE imnummi auprés des princes ne l’empécberent pas de composer quelques poemes, tant en latin qu`en italien, une églogue, Tirsi, qui fut représentée 5 la cour d’Urbin en 1506, et surtout ce traité en quatre livres, écrit de 1514 5 1518, et publié 5 Venise, chez Alde, en 1528, qui est intitulé le Courtisan. L’auteur y rapporte des entretiens qui auraient occupé pendant quatre soirées consécutives, en 1507, la bril- lante société réunie autour de la duchesse Elisabeth Gonzague et de sa noble compagne Emilia Pio, duns le palais d`Urbin. Parmi les interlocuteurs, on remarque des noms célébres dans l’histoire, Lodovico Canossa, qui fut nonce du pape 5 Paris et ambassadeur de Francois I" a Venise, Julien de Médicis, deux membres de la grande famille génoise des Fregoso, Bembo, le cardinal de Bibbiena, et dix autres gentilshommes ou lettrés moins illustres. La conversation roule sur ce theme accepté d’un commun accord : quelles sont les qualités dont la réunion constitue le type accompli de l’homme de cour? Cinq ou six orateurs tour a tour développent leurs idées personnelles et passent en revue les diH`érents aspects du probleme, interrompus par les questions et les objections de l’auditoire. Le dialogue, anime et coupé de menus incidents, se déroule avec vivacité; c’est la peinture fidéle et charmante d’une société en qui l’esprit chevaleresque du temps a reconnu sa plus parfaite image. Le fond, sans doute, est peu original, Castiglione ayant beaucoup emprunté aux moralistes anciens; mais ces emprunts sont merveilleusement d’accord avec le sentiment du sieole. L’imitation s’y allie a l’observation, et l’idéal au réel dans une proportion quiil est difficile de discerner, tant l’union en estintime. Le type de l’homme de cour accompli, noble, adroit aux exercices du corps et propre � <references/>
Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/132
{{tiret2|en|core}} à temps de reprendre la décision du concours, s’il venait à être bien démontré que c’était le seul moyen d’éviter de nouveaux combats ? Mais que ne fallait-il pas entreprendre avant d’abandonner les chances de paix et d’alliance ! L’avait-on fait ? Tout au contraire, on n’avait songé qu’à répondre injure pour injure, bravade pour bravade. On s’était, de gaieté de cœur, précipité dans mille dangers qu’il eût été facile d’éviter dans le principe, avec plus de calme et de dignité. N’avait-on pas provoqué aussi les charpentiers Drilles, en chantant le matin même, devant leurs ateliers, des chants de guerre et d’anathème ? Pierre avait été témoin de ce fait. Il le censure avec force, avec douleur. — Vous avez l’orgueil d’être les seigneurs, les patriciens du tour de France, leur dit-il ; ayez donc au moins les manières nobles qui conviennent quand on s’estime supérieur au reste des hommes. Lorsqu’il cessa de parler, il se fit un long silence. Les choses qu’il avait dites étaient si nouvelles et si étranges, que les auditeurs avaient cru faire un rêve dans une autre vie, et qu’il leur fallut quelque temps pour se reconnaître dans les ombres de la terre. Mais peu à peu les passions contenues reprirent l’essor. Leur règne n’était pas encore près de finir ; et le peuple des travailleurs n’avait gardé du grand principe d’égalité fraternelle proclamé par la révolution française, qu’une devise au lieu d’une foi, quelques mots glorieux, profonds, mais déjà aussi mystérieux pour lui que les rites du compagnonnage. Les murmures succédèrent bientôt à la muette adhésion de quelques-uns, à la stupeur profonde du grand nombre ; et ceux dont le cœur avait tressailli involontairement rougirent tout aussitôt d’avoir senti cette émotion ou de l’avoir laissée paraître. Enfin un des plus exaltés prit la parole. — Voilà un beau discours, dit-il, et un sermon mieux fait qu’un curé en chaire <references/>
Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/462
{{nr|458|REVUE DES DEUX MONDES.|}}évacua la Morée. Mais, dans l’absurde morcellement du territoire grec, l’île de Candie resta sous les lois de son père : contre-sens politique qui compromit son autorité avec les antipathies religieuses et sociales d’une population libérale et chrétienne. Mohammed-Ali n’avait rien à faire en Europe ; son action gouvernementale n’y pouvait être qu’oppressive et rétrograde. C’étaient l’Asie et l’Afrique qui seules attendaient de lui le progrès. Une circonstance peu importante en elle-même devait bientôt réunir à ses vastes domaines une contrée plus riche et d’une occupation plus difficile encore. Mohammed-Ali réclame au pacha de Saint-Jean-d’Acre quelques déserteurs égyptiens réfugiés dans cette ville, et celui-ci, d’après les injonctions du sultan, refuse de les livrer. Ibrahim, le bras droit de son père, investit cette place qui avait arrêté Bonaparte ; il s’en empare après un siége meurtrier, et ce succès lui livre la Syrie tout entière. Alors Mahmoud se voit forcé d’intervenir activement, et de recouvrer par la force ce que son imprudence lui a fait perdre. Cette révolte, qu’il a fatalement provoquée, va mettre enfin aux prises le vassal et le suzerain, le destructeur des Mameluks et le destructeur des janissaires, les deux novateurs de l’islamisme ; car le sultan a marché sur les traces du vice-roi : il a senti, comme lui, la nécessité d’une réforme ; comme lui, il a donné à ses institutions l’appui d’une armée régulière ; et s’il est resté, selon le sort des imitateurs, inférieur à son modèle, on peut dire néanmoins qu’il fait progresser son peuple, malgré ses revers, comme Mohammed-Ali régénère le sien par la victoire. Mais la rivalité des deux souverains, des deux hommes, n’est ici que secondaire, et s’efface, dominée par une autre lutte plus importante. C’est Stamboul et le Kaire qui se précipitent l’un sur l’autre comme deux lions furieux ; ce sont deux races qui se prennent corps à corps. Mohammed-Ali a rendu aux Arabes le sentiment de leur force, en les armant, en les disciplinant, en leur répétant ce commandement d’en avant, marche ! qu’ils n’avaient jamais oublié depuis que Bonaparte l’avait fait retentir à leurs oreilles ; et maintenant ils vont demander raison aux Turks de trois siècles d’abrutissante oppression. Et les Turks, armés comme les Arabes de la tactique européenne, mais privés par tant de précédentes défaites de toute foi en eux-mêmes et dans leurs chefs, succombent dans les plaines d’Iconium, berceau de leur grandeur. — Ici, par Mohammed-Ali s’accomplit une immense révolution sociale, qui commence pour ses sujets, qui se continue pour les Ottomans ; — ascendante et positive pour les premiers, décroissante et négative pour les seconds. Les Arabes d’Égypte ne formaient qu’une masse compacte, incapable de spontanéité et couchée à plat-ventre par une soumission {{tiret|fana|tique ;}} <references/>
Zola - Nana.djvu/259
— De quoi, putain ! Et ta femme ? Et, s’en allant, refermant la porte à toute volée, elle poussa bruyamment le verrou. Les deux hommes, restés seuls, se regardèrent en silence. Zoé venait d’entrer. Mais elle ne les bouscula pas, elle leur causa très raisonnablement. En personne sage, elle trouvait la bêtise de madame un peu forte. Pourtant, elle la défendait : ça ne tiendrait pas avec ce cabotin, il fallait laisser passer cette rage-là. Les deux hommes se retirèrent. Ils n’avaient pas dit une parole. Sur le trottoir, émus par une fraternité, ils se donnèrent une poignée de main silencieuse ; et, se tournant le dos, ils s’éloignèrent, traînant la jambe, chacun de son côté. Lorsque Muffat rentra enfin à son hôtel de la rue Miromesnil, sa femme justement arrivait. Tous deux se rencontrèrent dans le vaste escalier, dont les murs sombres laissaient tomber un frisson glacé. Ils levèrent les yeux et se virent. Le comte avait encore ses vêtements boueux, sa pâleur effarée d’homme qui revient du vice. La comtesse, comme brisée par une nuit de chemin de fer, dormait debout, mal repeignée et les paupières meurtries. <references/>
Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/320
un assez beau coup ; mais soyez persuadés que cet animal jouit d’une réputation usurpée, à cause de la mauvaise habitude qu’il a prise d’attaquer l’homme, dont pourtant il n’est presque jamais vainqueur. — Mais voyez donc, mon ami, quelles griffes acérées ! elles ont au moins six pouces de long. — C’est vrai : je me rappelle un pauvre Comanche auquel un ours gris avait laissé tomber sa patte sur l’épaule, elle fut broyée en un clin d’œil. Mais, n’est-ce pas que c’est une chasse intéressante ? Je vous avoue qu’elle a pour moi un attrait irrésistible. — Libre à vous, mon ami, dit {{lang|es|don}} Miguel, de vous plaire à combattre de pareils monstres, je le comprends : la vie que vous menez au désert vous a tellement familiarisé avec le danger, que vous en êtes venu à ne plus y croire ; mais nous autres habitants des villes, je vous avoue que nous avons pour ce monstre un respect et une terreur invincibles. — Allons donc, {{lang|es|don}} Miguel, vous parlez ainsi, vous que j’ai vu en vous jouant lutter corps à corps avec des tigres ! — C’est possible, mon ami, dans l’occasion je le ferais probablement encore, mais un jaguar n’est pas un ours gris. — Allons, allons, je ne vous chicanerai pas plus longtemps. Pendant que Curumilla prépare notre déjeuner, je vais pousser une reconnaissance jusqu’au fond du ravin. Aidez notre ami à nous faire rôtir ce cuissot de ma chasse, et je suis sûr que lorsque vous en aurez goûté, la saveur recherchée de ce mets modifiera complètement votre opinion sur les ours gris. Et jetant insoucieusement sur l’épaule son rifle qu’il avait rechargé tout en causant, Valentin {{tiret|s’en|fonça}} <references/>
Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/921
reconnut le caractère asiatique des monumens étrusques et les rapprocha des cylindres assyriens et babyloniens. Or l’origine lydienne des Étrusques, dont témoigne déjà Hérodote, ne saurait plus être sérieusement contestée. L’art importé en Toscane, dont la parenté avec l’art assyrien avait frappé Micali, était bien celui de la Lydie, sorte de province du grand empire sémitique d’Assur. Les Ioniens de l’Asie~Mineure n’en avaient guère connu d’autre ; les sculpteurs et les peintres de vases du royaume de Candaule ou de Crésus leur avaient fourni des modèles et transmis des traditions : de là l’affinité entre l’art étrusque et l’art primitif des Hellènes. Raoul Rochette, un peu enclin à exagérer la part qui revient ici à la Phénicie, restitua du moins à l’Assyrie ce que les antiquaires des deux derniers siècles avaient attribué à l’Égypte. Félix Lajard avait également reconnu le caractère assyrien des coupes d’argent doré trouvées dans les tombeaux de Ceri. En 1847, Gerhard regardait comme incontestable l’analogie qui existe entre les plus anciennes peintures de vases grecs et les monumens assyriens. Dans les relations de Corinthe avec l’Asie-Mineure, il voyait un motif d’appeler plutôt lydo-babyloniens que phénico-babyloniens les vases peints d’ancien style. Les types de l’art grec et toscan, si souvent cherchés en Égypte et en Phénicie, avaient été retrouvés à Babylone, à Ninive, à Persépolis. L’influence très réelle de la Phénicie sur la Crète, et partant sur les Grecs des îles de l’Archipel, ne pouvait être comparée à celle de la Lydie et de la Lycie sur l’Argolide, sur Corinthe et l’Etrurie. Les figures ailées, les taureaux à face humaine, les griffons, les personnages finissant en poissons ou en reptiles, faisaient penser aux religions de la vallée du Tigre et de l’Euphrate bien plus qu’à celles de la Phénicie, quoique de même origine. Gerhard reconnaissait qu’aux âges reculés l’habileté merveilleuse des Phéniciens à travailler l’airain, l’or, l’ivoire et le verre n’avait pas été perdue pour les Hellènes ; mais cette influence s’était évanouie, et c’était en d’autres contrées, chez les peuples de l’Asie-Mineure, maîtres des routes commerciales qui passaient par Comana et Tarse pour atteindre Ninive et Babylone, qu’il convenait de chercher les principaux types de l’art grec. Layard en Angleterre, M. de Longpérier en France, achevèrent de prouver l’origine assyrienne des arts de la Grèce et de la Perse. Layard distinguait deux époques dans l’influence exercée par l’Assyrie sur l’Asie-Mineure : l’une directe, pendant la domination de Ninive dans la péninsule, — l’autre indirecte, au temps de l’empire des Achéménides. Parmi les monumens encore si peu nombreux de la première période, il citait les bas-reliefs de la Ptérie, en Cappadoce : il reconnaissait une parenté évidente entre les divinités ou les emblèmes sacrés de cette sculpture et les symboles religieux <references/>
Guyau - Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction.djvu/78
{{nr|68|DIVERS ESSAIS POUR JUSTIFIER L’OBLIGATION.|}}Quand les partisans de la foi morale auraient démontré tout cela, ils n’auraient encore rien fait, pas plus que les partisans de telle ou telle religion s’ils pouvaient démontrer que leur religion est la meilleure ; les apologistes qui défendent un système particulier de morale ou de religion n’ont jamais rien prouvé, car il y a toujours une question qu’ils oublient, c’est de savoir s’il y a une religion quelconque qui soit vraie, une morale quelconque qui soit vraie. Historiquement toute foi — à quelque objet qu’elle s’applique — a toujours paru obligatoire à celui qui la possédait. C’est que la foi marque une certaine direction habituelle de l’esprit, et qu’on éprouve une résistance quand on veut brusquement changer cette direction. La foi est une habitude acquise et une sorte d’instinct intellectuel qui pèse sur nous, nous contraint et, en un certain sens, produit un sentiment d’obligation. Mais la foi ne peut avoir aucune action obligatoire sur celui qui ne la possède pas encore : on ne peut pas être ''obligé'' à affirmer ce que tout ensemble on ne sait pas et on ne ''croit'' pas. Le devoir de croire n’existe donc que pour ceux qui croient déjà : en d’autres termes la foi, lorsqu’elle est donnée, donne elle-même, comme toute habitude puissante et enracinée, le sentiment d’obligation qui semble y être attaché ; mais l’obligation ne précède pas la foi, ne la commande pas, du moins rationnellement parlant. On ne peut jamais commander à la raison qu’au nom d’une ''science'' ou d’une ''croyance'' déjà formée ; ''croire'' en dehors de ce qu’on ''sait'' ne peut donc jamais avoir rien d’obligatoire. D’autre part, un simple doute suffirait pour délier d’une obligation qui ne proviendrait que de la foi. Et ce doute, une fois conscient de lui-même, créerait un devoir, celui de <references/>
Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/422
& le troisieme, on plutôt parce que la corde Mèse donne son nom à Tétracorde dont elle forme l’extrémité aigue. (Voyez Pl. H. Fig. 12.) MESOPYCNI, adj. Les Anciens appelloient ainsi, dans les Genres épais, le second Son de chaque Tétracorde. Ainsi les Sons Mésopycni étoient cinq en nombre. (Voyez SON, SYSTÊME, TETRACORDE.) MESURE, s. f. Division de la durée ou du tems en plusieurs parties égales, assez longues pour que l’oreille en puisse saisir &’subdiviser la quantité, & assez courtes pour que l’idée de l’une ne’s’efface pas avant le retour de l’autre, & qu’on en sente l’égalité. Chacune de ces parties égales s’appelle aussi Mesure ; elles se subdivisent en d’autres aliquotes qu’on appelle Tems, & qui se marquent par des mouvemens égaux de la main ou du pied. (Voyez BATTRE LA MESURE.) La durée égale de chaque Tems ou de chaque Mesure est remplie par plusieurs Notes qui passent plus ou moins vîte en proportion de leur nombre, & auxquelles on donne diverses figures pour marquer leurs différentes durées. (’Voyez VALEUR DES NOTES.) Plusieurs, considérant le progrès de notre Musique, pensent que la Mesure est de nouvelle invention, parce qu’un tems elle a été négligée. Mais au contraire, non-seulement les Anciens pratiquoient la Mesure ; ils lui avoient même donne des regles très-séveres & fondées sur des principes que la nôtre n’a plus. En effet, chanter sans Mesure n’est pas chanter ; & le sentiment de la Mesure n’étant pas moins <references/>
Karamsin - Histoire de l'empire de Russie, Tome XI, 1826.djvu/67
{{manchette|d}}{{tiret2|blan|ches}}, et suivies par vingt-quatre femmes de Boyards, montées sur des chevaux blancs. Ce cortége était environné de trois cents gardes armés de massues de fer. Arrivé dans ce séjour de paix et de sainteté, Boris y passa neuf jours avec sa femme et ses enfans, à prier sur le tombeau de Saint-Serge, afin que le Ciel daigne bénir l’union de Xénie et de Jean. Pendant ce temps, on servit chaque jour au Duc resté chez lui, le dîner du Tsar. Il reçut en présent des velours, des moires et des dentelles pour son habillement russe ; on lui envoya un lit magnifique et du linge brodé en or et en argent. Jean voulait sérieusement apprendre notre langue, et on dit même ({{refl|51|nosup}}) qu’il désirait changer de religion, afin que son épouse et lui n’en suivissent qu’une seule. Il se conduisait d’ailleurs avec beaucoup de sagesse, et plaisait à tout le monde par l’affabilité de ses manières. Mais ce que désiraient sincèrement les Russes et les Danois, ce que demandaient au ciel Xénie et sa famille, la Providence ne voulut pas en permettre l’accomplissement. À son départ du couvent, le 16 octobre, le Tsar apprit, dans le bourg de <references/>
Bloy - Le Désespéré.djvu/378
aucune dévote ne ressemblait, paraissait avoir reçu, en même temps que le don de la perpétuelle prière, la faculté surhumaine de tout ramener à une vision objective si parfaitement simple, que le synthétique Marchenoir en était confondu. Souvent, elle le suggérait, à son insu, en le remplissant de lumière, sans se douter du prodige de son inconsciente pédagogie. Un jour que le symboliste scripturaire lisait en sa présence, en les interprétant, les premiers chapitres de la Genèse, elle l’interrompit à l’endroit de la fameuse justification d’Ève déchue : « Le serpent m’a trompée », et lui dit : — Retournez cela, mon ami, vous aurez la consommation de toute justice. De manière ou d’autre, il ''faudra'' que le serpent réponde, à son tour : ''C’est la Femme qui m’a trompé''... Marchenoir avait été sur le point de se prosterner d’admiration devant cette ingénuité divine qui raturait la sagesse de quarante docteurs plus ou moins subtils, en forçant, d’un seul mot naïf, toutes les énergies de l’intelligence à se résorber dans le rudimentaire concept du Talion. La merveille s’était renouvelée un assez un grand nombre de fois, pour qu’il regardât cette fille à peu près comme une prophétesse, — d’autant plus incontestable qu’elle s’ignorait elle-même, s’estimant trop honorée de recevoir les leçons de certains apôtres qui eussent dû l’écouter avec tremblement. Toutefois, en ce qui le concernait personnellement, le confident ébloui gardait une réserve austère, qui le rendait sourd-muet aux ouvertures amphibologiques semblables à celle qui venait de lui être faite sous la forme captieuse d’une interrogation pleine <references/>
Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/746
{{nr|742|REVUE DES DEUX MONDES. }}{{tiret2|bavar|dant}}, lorsque nous voyons entrer un de nos camarades de l’Agricole, le petit René de Montchal, que nous savions installé à Hyères avec sa mère. — J’en arrive, répond-il à notre question, et j’y retourne la semaine prochaine. Je suis venu me dégourdir un peu, et puis Lucie Tardif a quelques jours à elle, avant l’arrivée d’Abel Mosé... J’ai vu vos noms sur la pancarte du bureau et je suis monté vous serrer la main. Je ne vous dérange pas ?... Il serait assez joli garçon, ce jeune Montchal, il a des traits fins et un air de race, mais, à vingt-sept ans, la fête l’a déjà tout délavé et fripé physiquement, et, moralement, il est de son temps, le temps des syndicats. Il avait surtout tenu à nous bien faire savoir, à nous ses aînés, qu’il a toujours son dixième de part dans les faveurs d’une des filles les plus cher cotées de Paris. — Vous voyez bien qu’il n’y a que Nice, lui dit Jacques, je vous avais averti... Cannes, Saint-Raphaël, Hyères, ce n’est pas pour un viveur comme vous, ces vertueuses villes... — Vous oubliez que je suis en puissance maternelle, interrompit René. D’ailleurs, n’était Lucie, je passerais le temps assez doucement là-bas. Il y a une bonne partie de poker au cercle, et quelques maisons vraiment très agréables... Je vis passer dans les yeux de Jacques un certain petit éclair que je connais bien. Je devinai qu’il allait persifler notre cadet. Entre nous, je crois qu’il ne lui pardonne pas Lucie, ou qu’il ne le pardonne pas à Lucie. Il a eu aussi une histoire avec elle, très courte et déjà ancienne, et cela suffit pour expliquer qu’à cinquante ans qu’il aura bientôt, il n’aime pas beaucoup ses tout jeunes successeurs. Il ne serait sans doute pas fâché de mettre la discorde dans ce faux ménage, — ou faux dixième de ménage, mais les syndicats n’empêchent pas les scènes. — Toujours est-il que, se tournant vers moi, il me dit avec une gravité comique : — Étienne, regarde bien ce garçon-là. Je ne lui donne pas six mois pour avoir fait la grande gaffe. C’est du mariage que je parle, traduisit-il. — Moi ! Quelle idée !... s’écria Montchal. Il eut une toute petite rougeur sur ses joues, mais si légère, et il ajouta : Et Lucie ? — Lueur mourante de célibat, — reprit Brèves ; mais, quand on est de la grande tradition de Caderousse, — c’était une de ses plaisanteries de donner à ce pauvre René le surnom de ce célèbre élégant, — et qu’on parle de maisons vraiment très <references/>
La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/260
Pendant deux ans, le vicomte de Chaumont crut à un succès. Il avait remué ciel et terre. Le roi Louis XVI s’était enfin intéressé à la question de Madagascar. Le jeune Wenceslas était alors placé en France dans une excellente institution, où il se faisait remarquer par son intelligence et sa bonne conduite. Le vicomte et Aphanasie allaient le voir souvent et le recevaient pendant les vacances. Béniowski crut pouvoir sans dangers se fixer sur les bords du Rhin. « L’Autriche et la Russie vous ont oublié mon cher Maurice, lui écrivait Richard. Les préventions du roi contre vous se dissipent. Le théâtre de la guerre va se transporter dans les Indes, où nous avons pour alliés Haïder-Ali et Tipo-Saïb ; Madagascar redevient une question politique de premier ordre. Patience encore ! patience et courage... » Mais le temps s’écoulait ; Béniowski désespéré ne pouvait faire parvenir de ses nouvelles aux chefs de Madagascar. La publication des voyages du capitaine Cook devait ruiner ses dernières espérances. Le roi Louis XVI s’était si noblement intéressé aux travaux des navigateurs anglais, qu’il ordonna aux commandants de tous ses bâtiments de guerre, non-seulement de laisser passer librement les navires du capitaine Cook, mais encore de leur prodiguer au besoin tous les secours qui pourraient leur être nécessaires. Louis XVI se hâta de lire la relation de leur dernier voyage ; il y trouva une version russe et calomnieuse de l’évasion du Kamchatka de Béniowski et déclara sévèrement qu’il ne voulait plus entendre parler d’un tel aventurier. Béniowski se rendit conséquemment en Angleterre avec la douleur d’avoir perdu plus de cinq ans en démarches sans résultats. L’illustre bailli de Suffren était alors dans les mers des Indes ; <references/>
Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/122
Assez de Tannhäuser ! . . . De temps en temps, je cause longuement avec vous des gens que je rencontre, mais, pour le moment, je n’ai rien à vous rapporter de particulier : beaucoup de choses prendraient un air d’importance qu’elles ne méritent pas. En somme, je continue de vivre absolument seul. Rien ne me convient mieux. Cependant ma solitude aussi est souvent morose. Quel remède, alors ?... Le souvenir — et le sommeil !... J’ai pris les projets en aversion. Même pour une représentation de Tristan, je n’ai rien projeté encore. Je pense toujours que ce qui doit être arrive un jour de soi-même. En attendant, la reine Victoria s’est mise en tête d’entendre Lohengrin, cet hiver. Le directeur de Covent-Garden est venu me trouver : la reine désire entendre l’œuvre en anglais ; ce sera pour Février. Je n’en sais pas davantage encore, ni d’ailleurs si je pourrai m’occuper de cela. Ce serait drôle d’entendre cet ouvrage pour la première fois en anglais... Et maintenant je vais bientôt déménager. À partir du 15 Octobre, je demeurerai 3, rue d’Aumale.<ref>Voir Glasenapp, II, 2, 261 et suiv. ; 278 et suiv.</ref> L’appartement est plutôt petit, et j’espère que je n’aurai pas à y écrire des vers ou à composer : il ne peut convenir que comme bureau d’affaires. J’ai à moitié perdu mon <references/>
Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/202
sans en abuser, de l’indépendance qui lui était accordée. D’ailleurs Antoine, sans le dire devant son père, mais avec l’assentiment tacite de l’abbé Vécard, ne redoutait guère les inconvénients de la liberté. Il avait conscience que la nature de Jacques était riche, et qu’il y avait fort à gagner à la laisser se développer à sa guise et dans son propre sens. Durant les premiers jours, l’enfant avait éprouvé une vive répugnance à sortir de la maison. La rue l’étourdissait. Antoine dut s’ingénier à lui trouver des courses à faire pour l’obliger à prendre l’air. Jacques refit ainsi connaissance avec son ancien quartier. Bientôt même il prit goût à ces promenades ; la saison était belle ; il aima suivre les quais jusqu’à Notre-Dame, ou bien flâner dans les Tuileries. Il se hasarda même un jour à pénétrer dans le musée du Louvre ; mais il y trouva l’air étouffant, poussiéreux, et l’alignement des tableaux si monotone, qu’il s’en échappa assez vite et n’y retourna plus. Aux repas, il restait silencieux ; il écoutait son père. D’ailleurs, le gros homme était si autoritaire et d’un commerce si rugueux, <references/>
Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/310
qu’il ne fournit pas les vrais sucs nourriciers propres à l’animal. Les gonflemens, les cardialgies, déterminent l’afflux du sang à la tête, à l’époque sur-tout où il y est déjà attiré, quand la dentition est dans toute force. L’orgasme, ou la fièvre locale, causés par l’écartement des alvéoles, par la chute des dents de lait, par la profusion de celles d’adulte, suscitent jusque dans le cerveau un trouble singulier auquel le tempérament très-irritable du chien, sa grande susceptibilité nerveuse, donnent les caractères que nous avons développés. Le chien aime la viande moins encore que les os ; il les ronge avec plaisir, les casse, et en avale de grosses portions, qui sont digérées, dissoutes dans l’estomac. Ce viscère a une force considérable dans cet animal : il a beaucoup plus que dans les herbivores, et même plus que dans le cochon, la faculté de se rapprocher sur lui-même ; cette force contractile est telle, qu’il ne reste presque point de vide dans son intérieur. Le chien peut ne manger qu’une fois en vingt-quatre heures ; aussi ce repas doit-il être composé, en grande partie, de viande et sur-tout d’os. On peut encore remarquer que le chien ne mâche pas la viande ; elle ne reçoit qu’un coup de dent, et elle n’est point imprégnée de sucs salivaires. La mastication des os étant longue, il s’élabore de la salive en quantité suffisante pour favoriser une digestion complète ; et les sucs que fournit cet aliment sont plus nourrissans et sur-tout plus analogues à l’organisation du chien. Les chiens qui vivent sans contrainte, ou ceux qui ont assez de liberté pour ramasser des os qui suppléent à la nourriture végétale, nous ont paru exempts de la maladie. ''Caractères de cette maladie''. On voit par ce qui précède, qu’elle présente plusieurs aspects, et qu’on peut y distinguer sommairement : 1°. Une ''fluxion'' sur le cerveau, sur ses membranes, sur le principe des nerfs, sur les nerfs eux-mêmes, sur la membrane pituitaire, sur le globe de l’œil et sur l’organe de l’ouïe. 2°. Une espèce d’''ozène'' aigu qui paroît dépendre d’une affection générale. 3°. Des ''convulsions permanentes'' qui constituent la ''danse de St-Wit'', ou ''St-Gui''. 4°. Des convulsions passagères dans les mâchoires et dans tout le corps, avec tous les signes qui caractérisent une ''épilepsie'' dont les accès sont très-fréquens. 5°. Une paralysie de l’un des membres postérieurs, ou des reins, de la croupe et de ces deux membres. ''Moyens préservatifs''. Il faudroit faire élever moins de chiens par la même mère. Dans l’état sauvage, la fécondité du chien est moindre, parce que la nature n’est point modifiée par toutes les influences de la domesticité ; trop de chiens à allaiter épuisent la chienne nourrice ; et il en résulte aussi une disette pour chaque nourrisson ; et de là une cause prédisposante que nous indiquons, avec le moyen de la faire disparoître. Il y a trop de chiens dès que la mère souffre et commence à s’épuiser ; et il faut se hâter de prévenir les atteintes que la privation peut porter à l’organisation des jeunes animaux. La nourriture de la mère doit être composée de chair et d’os donnés à satiété. On pourroit donner du lait de vache aux jeunes chiens qu’on voudroit élever artificiellement ; et, quand leur développement seroit un peu avancé, on leur présenteroit de la viande hachée et des os pilés, pour exercer leur mastication, et ajouter à leur subsistance. On ne doit les sevrer que lorsqu’ils peuvent manger suffisamment pour se nourrir et pour profiter. Il faut aussi que<section end="MORVE (supplément)"/> <references/>
Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/252
Encore un sermon : c’est le tiroir aux sermons, aujourd’hui. Vous adressez à ''Juana l’Espagnole'' et à diverses autres beautés fantastiques des vers que je n’approuve pas. Êtes-vous un poète bourgeois, ou un poète prolétaire ? Si vous êtes le premier des deux, vous pouvez chanter toutes les voluptés et toutes les sirènes de l’univers, sans en avoir jamais connu une seule. Vous pouvez souper, en vers, avec les plus délicieuses houris, ou avec les plus grandes gourgandines, sans quitter le coin de votre feu et sans voir d’autres beautés que le nez de votre portier. Ces messieurs font ainsi et ne riment que mieux. Mais, si vous êtes un enfant du peuple, et le poète du peuple, vous ne devez pas quitter le chaste sein de Désirée pour courir après des bayadères et chanter leurs bras voluptueux. Je trouve {{corr|la|là}} une infraction à la dignité de votre rôle. Le poète du peuple a des leçons de vertu à donner à nos classes corrompues, et, s’il n’est pas plus austère, plus pur et plus aimant le bien que nos poètes, il est leur copiste, leur singe et leur inférieur. Car ce n’est pas seulement l’art d’arranger les mots qui fait un grand poète : c’est là l’accessoire, c’est là l’effet d’une cause. — La cause doit être un grand sentiment, un amour immense et sérieux de la vertu, de toutes les vertus ; une moralité à toute épreuve, enfin une supériorité d’âme et de principes qui s’exhale dans ses vers à chaque trait, et qui fasse pardonner à l’inexpérience de l’artiste, en faveur de la vraie <references/>
Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/317
la chapelle de Versailles à la fin de la journée, qui étoit suivie d’un salut avec la bénédiction du saint sacrement tous les dimanches et les jeudis. L’hiver, le salut étoit à six heures ; l’été, à cinq, pour pouvoir s’aller promener après. Le roi n’y manquoit point les dimanches et très-rarement les jeudis en hiver. À la fin de la prière, un garçon bleu en attente dans la tribune couroit avertir le roi, qui arrivoit toujours un moment avant le salut ; mais qu’il dût venir ou non, jamais le salut ne l’attendoit. Les officiers des gardes du corps postoient les gardes d’avance dans la tribune, d’où le roi l’entendoit toujours. Les dames étoient soigneuses d’y garnir les travées des tribunes, et, l’hiver, de s’y faire remarquer par de petites bougies qu’elles avoient pour lire dans leurs livres et qui donnoient à plein sur leur visage. La régularité étoit un mérite, et chacune, vieille et souvent jeune, tâchoit de se l’acquérir auprès du roi et de Mme de Maintenon. Brissac, fatigué d’y voir des femmes qui n’avoient pas le bruit de se soucier beaucoup d’entendre le salut, donna le mot un jour aux officiers qui postoient ; et pendant la prière il arrive dans la travée du roi, frappe dessus de son bâton, et se met à crier d’un ton d’autorité : ''Gardes du roi, '' ''retirez-vous ; le, roi ne vient point au salut''. À cet ordre tout obéit, les gardes s’en vont, et Brissae se colle derrière un pilier. Grand murmure dans les travées, qui étoient pleines ; et un moment après chaque femme souffle sa bougie, et s’en va tant et si bien qu’il n’y demeura en tout que Mme de Dangeau et deux autres assez du commun. C’étoit dans l’ancienne chapelle. Les officiers, qui étoient avertis, avoient arrêté les gardes dans l’escalier de Bloin et dans les paliers où ils étoient bien cachés, et quand Brissac eut donné tout loisir aux dames de s’éloigner et de ne pouvoir entendre le retour des gardes, il les fit reposter. Tout cela fut ménagé si juste que le roi arriva un moment après, et que le salut commença. Le roi, qui faisoit toujours des yeux le tour des tribunes et qui les trouvoit toujours pleines <references/>
Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/288
guerrières des Macédoniens. Bactriens, Sogdiens, Arachotes, habitans de l’Arie et de la Drangiane, Parthes et Saces trouvaient accès dans la cavalerie des notaires, qui se grossissait, pour leur faire place, d’une cinquième hipparchie. L’escadron royal lui-même, l’agéma, voyait tout à coup figurer dans ses rangs OEgobarès et son frère Mithrobée, les fils d’Artabaze, ceux de Mazée et ceux de Phratapherne, Histanès, le frère de Roxane, et le Bactrien Hydaspe. Les vaincus se prêtaient facilement à cette fusion, s’y portaient même avec un certain enthousiasme ; les vainqueurs en concevaient une violente jalousie : sans le respect que leur inspirait Alexandre, leur mécontentement aurait depuis longtemps éclaté. Nous avons vu Alexandre rétablir partout dans l’Asie-Mineure le gouvernement populaire ; dans les autres provinces de l’empire il semble, au contraire, n’avoir eu en vue que de consolider, et, s’il est permis d’employer ici une expression toute moderne, de moraliser le gouvernement des satrapes. En dépit des préjugés qui auraient pu parler si haut dans un cœur désireux d’obtenir l’approbation d’Athènes, ce conquérant de bon sens ne rêva jamais, pour les peuples rangés sous son sceptre, de constitution idéale ; il jugea plus prudent et plus sage de leur laisser, provisoirement du moins, les institutions auxquelles il les trouvait habitués. Les anciens connaissaient trois formes très différentes d’association politique : le gouvernement d’un seul, le gouvernement d’une élite peu nombreuse et finalement le gouvernement de tous. C’est à cette dernière forme gouvernementale qu’à travers des évolutions successives finissent par s’arrêter la plupart des états : monarchiques au début, oligarchiques dans leur maturité, ils évitent difficilement la pente qui doit les conduire, comme les fleuves à la mer, vers les plaines fertiles ou fangeuses de la démocratie. « Voyez, s’écrie à Sainte-Hélène l’empereur Napoléon, comme aux États-Unis sans efforts aucuns tout prospère ! C’est qu’en réalité, dans cet heureux pays, il n’y a que la volonté de tous, que les intérêts publics qui gouvernent. Mettez le gouvernement en guerre avec la volonté générale, et vous verrez aussitôt quel tapage ! » La volonté générale ? Voilà donc, selon le grand homme qui fit rentrer la révolution débordée dans son lit, le suprême arbitre et le souverain remède ! En présence d’un tel aphorisme, tombé de si haut, on aurait mauvaise grâce à douter que le monde puisse, en effet, se suffire à lui-même. L’apparition des Alexandre et des Napoléon sur la terre, ce sont les coups de foudre de la Providence ; nous ne pouvons pas demander qu’il tonne tous les jours. Il n’est donc peut-être pas mauvais que les nations s’habituent peu à peu à se passer d’une tutelle qui risque tant de leur faire défaut ; mais <references/>
Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/348
sièges pendant la guerre de cent ans. Les Bourguignons et les Français s’en disputèrent la possession, et Louis XI la fit brûler en expulsant les habitans, quoiqu’elle fût devenue française, de peur qu’elle ne retombât aux mains des Bourguignons, si la guerre venait à se rallumer. Cette fois encore elle se releva de ses ruines pour soutenir de nouveaux assauts dans les invasions du {{s|XVI}}. En 1536, 2,000 Allemands, avec deux pièces de canon, se présentèrent devant ses murs ; mais à cette époque les Allemands n’avaient pas la ressource de brûler les villes pour se dispenser de les prendre. Il fallait faire brèche ou donner l’escalade. Les habitans, qui n’avaient pour toute garnison qu’une centaine d’hommes, se portèrent sur les murailles, et les femmes leur donnèrent l’exemple ; elles lancèrent sur les assaillans des pierres, des tisons enflammés, et l’une d’elles, Becquetoille, qui était la première à batailler, enleva un étendard au moment où un soldat ennemi le plantait sur la crête du rempart. Les assiégeans, forcés de renoncer à l’attaque, s’éloignèrent, laissant plus de 100 morts au pied des tours, et traînant à leur suite plusieurs charrettes remplies de blessés. François Ier, qui se connaissait en courage, s’empressa de féliciter les dames de Saint-Riquier, et Brantôme leur consacra un souvenir. Quelques restes de tours, des fossés à demi comblés où fleurissent des pommiers, un beffroi et une église rappellent seuls qu’il y eut là une vieille cité ecclésiastique, municipale et guerrière ; mais cette église est un chef-d’œuvre d’architecture. Commencée dans les dernières années du {{s|XV}} et terminée en 1511, elle offre, avec les arabesques de la renaissance, un remarquable entre-croisement d’ogives et de pleins cintres. Le portail se divise en trois porches, surmontés d’une tour carrée, du plus bel effet, et à côté des nombreuses figures bibliques qui le décorent, à côté de Charles VII et de Louis XII, se détache la plus noble et la plus pure des images que puisse tailler un ciseau français, l’image de Jeanne d’Arc. L’héroïne est représentée en habits de femme, un chapeau sur la tête ; elle tient dans la main droite une lance à demi brisée, ses yeux sont baissés vers la terre, et son visage d’une beauté parfaite porte l’empreinte d’une profonde tristesse. Or les Anglais, avant de conduire Jeanne au Crotoy, l’avaient pendant quelques jours enfermée dans le château de Drugy situé aux portes mêmes de Saint-Riquier. Les dames de cette ville étaient allées la visiter dans sa prison, et quand l’église fut bâtie, soixante-quinze ans à peine s’étaient écoulés depuis la fatale sortie de Compiègne. Ne peut-on pas supposer que le sculpteur s’est inspiré des traditions qui conservaient vivant encore le souvenir de l’héroïne ? S’il en était ainsi, la statue picarde aurait une grande valeur historique. <references/>
Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/172
essence, la fiction d’aujourd’hui, le thème sublime de demain. Rien n’est aussi simple, aussi beau, que le début de ce livre. Mathieu Froment, auréolé de sa dignité de jeune père et, en même temps, accablé de ses lourdes charges de famille, prisonnier de la médiocrité d’une existence besogneuse, sans but, noble et sans avenir, rivé aux parentés patronales égoïstes et tyranniques, joyeux quand même, car il est sain et fort, inventif toujours, poète avec des instincts pratiques, homme de pensée et homme d’action, en est arrivé au moment troublant où il doit choisir entre le triste pain, durement assuré, et l’aventure. Il choisit l’aventure, et l’aventure ici, ce n’est pas autre chose que la conquête de la vie. Mathieu a parfaitement déterminé une des principales causes du mal moderne. Autour de lui, il voit la famille s’éteignant et sombrant dans les inévitables tragédies, parce qu’elle borne son ambition créatrice à un enfant unique ; il voit l’humanité à toute minute frustrée de ses énergies par l’égorgement des embryons, la tristesse, l’appauvrissement, l’assassinat des enfances déracinées et livrées aux mains mercenaires ; il voit enfin chacun — celui-ci dans une folie de jouissance stérile, celui-là par système, pour transmettre intact l’héritage, et, avec l’héritage, la fatalité de ses déchéances, de ses vices et de ses crimes sociaux — se dérobant <references/>
Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/314
{{t|rendre aux libertés gallicanes leur énergie et leur influence, et de rétablir en entier l’antique discipline ?|90}} {{t|3. Quels seraient les moyens d’inspirer aux savans, gens de lettres et artistes, du courage civil, de la dignité ; de prévenir, de guérir cette propension qu’ils ont presque tous pour l’adulation et la servilité ?|90}} {{t|4. Quels seraient les moyens d’extirper le préjugé injuste et barbare des blancs, contre la couleur des Africains et des sang-mêlés ?|90}} {{t|5. Des sociétés respectables en Europe et en Amérique s’occupent du projet d’empêcher à jamais la guerre et d’extirper ce fléau. À leurs vœux je joins les miens, quoique l’espérance du succès n’égale pas l’étendue des désirs. Parmi les moyens préparatoires à la réussite, on pourrait avoir, ce me semble, un bon ouvrage sur le sujet suivant, mis au concours :|90}} {{t|Les militaires, assouplis par l’obéissance passive et par l’emploi de la force physique, ont une tendance à négliger ou fouler aux pieds les devoirs de citoyens ; quels seraient les moyens d’empêcher qu’ils ne les oublient, et de les porter à les accomplir ?|90}} {{t|6. Les nations avancent beaucoup plus en lumières, en connaissances, qu’en morale pratique ; rechercher les causes et les remèdes de cette inégalité dans leurs progrès... Je regrette que ma fortune ne me permette pas d’y attribuer des sommes plus considérables.|90}} <references/>
Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/250
politique subsistent encore dans toute leur force. Il faut espérer que dans dix ou douze mille siècles, quand les hommes seront plus éclairés, les grands possesseurs des terres, devenus plus politiques, traiteront mieux leurs manœuvres, et ne se laisseront pas subjuguer par des devins et des sorciers. <section end="politique2"/> <br /> <section begin="polypes1"/><br />{{c|{{Taille|POLYPES|125}}<ref>''Questions sur l’Encyclopédie,'' huitième partie, 1771 ; l’auteur avait écrit ''Polipes.'' (B.)</ref>.}}<br /> En qualité de douteur, il y a longtemps que j’ai rempli ma vocation. J’ai douté, quand on m’a voulu persuader que les glossopètres que j’ai vus se former dans ma campagne étaient originairement des langues de chiens marins ; que la chaux employée à ma grange n’était composée que de coquillages ; que les coraux étaient le produit des excréments de certains petits poissons ; que la mer par ses courants a formé le mont Cenis et le mont Taurus, et que Niobé fut autrefois changée en marbre. Ce n’est pas que je n’aime l’extraordinaire, le merveilleux, autant qu’aucun voyageur et qu’aucun homme à système ; mais pour croire fermentent, je veux voir par mes yeux, toucher par mes mains, et à plusieurs reprises. Ce n’est pas même assez : je veux encore être aidé par les yeux et par les mains des autres. Deux de mes compagnons, qui font comme moi des questions sur l’''Encyclopédie,'' se sont longtemps amusés à considérer avec moi en tous sens plusieurs de ces petites tiges qui croissent dans des bourbiers à côté des lentilles d’eau. Ces herbes légères, qu’on appelle ''polypes d’eau douce,'' ont plusieurs racines, et de là vient qu’on leur a donné le nom de ''polypes.'' Ces petites plantes parasites ne furent que des plantes jusqu’au commencement du siècle où nous sommes. Leuwenhoek s’avisa de les faire monter au rang d’animal. Nous ne savons pas s’ils y ont beaucoup gagné. Nous pensons que pour être réputé animal il faut être doué de la sensation. Que l’on commence donc par nous faire voir que ces polypes d’eau douce ont du sentiment, afin que nous leur donnions parmi nous droit de bourgeoisie. Nous n’avons pas osé accorder cette dignité à la sensitive, quoiqu’elle parût y avoir les plus grandes prétentions : pourquoi la donnerions-nous à une espèce de petit jonc ? Est-ce parce qu’il revient de bouture ? Mais cette propriété est commune à tous les<section end="polypes1"/> <references/>
Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 2, 1874.djvu/138
je me sens en veine d’excitation, ce soir ; je n’ai pas la moindre envie d’aller me coucher. — Allons chez Privat ; nous rencontrerons nos amis. — Je le veux bien. D’autant plus que j’aimerai ! à faire plus ample connaissance avec eux ; surtout avec le plus gros des deux, le blond. J’aime cette figure là. Il y a là quelque chose de bon, de brave, de généreux et d’intellectuel en même temps. — Vous ne vous trompez pas ; c’est un de nos bons canadiens, descendant d’une des plus braves familles du pays. {{t3|{{sc|les deux sœurs.}}|CHAPITRE XXXVI.}} Sur la route de Sainte Foye, à quelque distance de la ville de Québec, le promeneur apercevait, il y a quelques années, un petit cottage, dont l’extérieur, en maçonnerie de pierre grise, n’offrait rien de bien particulier du côté de la route. Mais il était si pittoresquement assis sur le versant ouest des coteaux, entouré de belles érables, taillées avec soin, qu’il apparaissait de la vallée, comme un nid caché dans le feuillage. Un beau jardin, planté d’arbres fruitiers, dont les allées bien sablées et ratissées étaient bordées de verdure, s’étendait en pente douce derrière la maison. Au bas du jardin, une main intelligente avait construit un petit berceau, à treillis, couvertde vignes sauvages dont les raisins mûrs pendaient<section end="s2"/> <references/>
Platon - Œuvres, trad. Cousin, XI, XII et XIII.djvu/1131
il nous paraît ; c’est une grande fermeté de caractère. La vérité est l’affirmation et la négation, la connaissance du vrai. La volonté est un mouvement de l’âme vers un but raisonnable ; un désir raisonnable, un désir conforme à la raison et à la nature. Un conseil est l’avis qu’on donne à un autre avant l’action, pour lui indiquer la conduite qu’il doit tenir. L’opportunité est l’instant précis ou on doit recevoir ou faire quelque chose. La circonspection est ce qui préserve du mal, c’est le soin de notre sûreté. L’ordre est l’harmonie de fonctions des choses qui sont en rapport, la proportion dans l’ensemble, la raison des rapports des êtres, la méthode pour apprendre. L’attention est l’application de l’esprit qui veut s’instruire. Un heureux naturel est la facilité à apprendre, une qualité que nous recevons de la nature en naissant, un mérite naturel. L’aptitude est une heureuse disposition de l’âme à apprendre rapidement. Une sentence est une décision définitive sur une chose controversée. La loi est la détermination du juste et de l’injuste. L’équité est l’obéissance aux bonnes lois. Le contentement de soi-même est le plaisir qui accompagne toutes les actions du sage. La considération est la récompense du bien que fait la vertu, c’est l’estime qui s’attache à la vertu, la parure et la défense des hommes de bien. Le zèle est l’expression d’une volonté active. La bienfaisance est une obligeance volontaire, une <references/>
Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 51.djvu/625
domination de la France en Europe au XVIIe siècle fut l’œuvre de la pensée aussi bien que des armes. Le XVIIIe siècle a produit la révolution par sa philosophie, et la révolution elle-même a manifesté sa puissance et son ascendant croissant sur l’humanité moderne par un renouvellement de la pensée et à l’imagination dans le monde. On ne peut donc sans périt renoncer à la pensée et croire que les œuvres suffisent, même à la religion. Si ces œuvres surtout consistaient à développer plus qu’en aucun temps les instincts superstitieux et les tendances païennes, si, non content de s’éloigner de la pensée pour se livrer aux nobles pratiques de la charité, on allait jusqu’à travailler contre la pensée même en encourageant outre mesure les niaiseries et les pauvretés de la plus plate dévotion, il serait à craindre qu’on ne fût sur la pente ou ont glissé toutes les grandes religions du passé, qui, après avoir régné longtemps dans les hautes régions de j’âme et du cœur, vont s’éteindre et s’endormir dans les bas-fonds de l’ignorance et de la superstition. Mais si l’abandon de la pensée dans l’église catholique est un mal pour l’église elle-même, ce qui la regarde, nous croyons pouvoir dire en même temps que c’est aussi un mal pour l’esprit humain en général. L’église catholique, malgré ses tendances rétrogrades, est encore une trop grande chose dans le monde pour ne pas jouer même aujourd’hui un rôle important dans le domaine de la pensée si elle le voulait. Cette église représente sous sa forme la plus précise et la plus concrète le principe religieux ; or la religion prise dans son idée et indépendamment de toute forme est l’expression la plus élevée de la philosophie. Aristote, quand il a voulu donner un nom à la plus haute des sciences, l’a appelée ''théologie''. Sans doute, c’est un inconvénient pour un penseur de partir de dogmes préconçus ; la liberté de l’invention philosophique est singulièrement limitée par là ; mais il y a, ou du moins il y avait autrefois en théologie bien plus de liberté qu’on ne se l’imagine, et bien des hardiesses métaphysiques sont sorties de la théologie. Sont-ce les métaphysiciens ou les théologiens qui ont poussé le plus loin la question du libre arbitre ? Le dogme de la trinité n’a-t-il pas été élaboré par les métaphysiciens en même temps et au moins autant que par les théologiens ? Les deux sciences sont donc sœurs l’une de l’autre et devraient profiter l’une à l’autre. D’ailleurs, dans un autre ordre d’études, en psychologie ou en morale, le chrétien pratique connaît bien des faits qui échappent au savant abstrait. L’idée religieuse, quand elle s’unit à la pensée, a une élévation et une grandeur qui imposera toujours à ceux qui en sont le plus éloignés. On dit qu’un des livres qu’Auguste Comte aimait le mieux et lisait le plus, c’était ''l’Imitation de Jésus-Christ''. Ne prît-on d’un écrivain catholique, <references/>
Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/452
le père de Valmont devait être un assez triste sire, de mœurs mauvaises, d’âme corrompue, d’esprit sec et méchant. Il parait qu’il n’en était rien, et qu’il faut sur ce point modifier sensiblement l’opinion reçue. Cela ressort en premier lieu de la correspondance de Laclos. M. Louis de Chauvigny nous donne les ''Lettres''<ref> ''Lettres inédites de Choderlos de Laclos'', publiées par M. Louis de Chauvigny, 1 vol. (in-8°). Librairie du ''Mercure de France''. — Laclos, ''les Liaisons dangereuses'', 1 vol., ''ibid''. </ref> que Laclos écrivit à sa femme et à ses enfans, de la prison de Picpus, puis des armées du Rhin et d’Italie. Ce sont des lettres aussi dépourvues qu’il est possible de mérite et même de prétention littéraire ; mais cette absence de tout artifice en fait aussi bien la valeur. Laclos s’y montre tel qu’il est : tendre époux, bon père de famille, homme sensible, modeste, sans ambition. En même temps, M. Emile Dard consacre un livre très abondamment documenté au ''Général Choderlos de Laclos''<ref> ''Le général Choderlos de Laclos, auteur des Liaisons dangereuses'', d’après des documens inédits par M. Emile Dard. 1 vol. in-8°, Perrin. </ref>. Cette profusion de renseignemens dont on réjouit notre curiosité va nous permettre de mieux connaître l’homme, et par cela même de mesurer plus sûrement le caractère et la portée de son livre. A vrai dire, la partie de la vie de Laclos sur laquelle il nous serait le plus précieux d’être renseignés est aussi celle dont on ne nous apprend rien. Car Laclos ne nous intéresse qu’en tant qu’il a été l’auteur des ''Liaisons dangereuses'', et c’est là qu’il faut tout rapporter. Nous aimerions à savoir comment il a été amené à écrire son livre, quelle expérience il avait faite de la vie, quelles sociétés il avait fréquentées, quels modèles avaient posé devant lui. Sur tous ces points nous sommes réduits à des conjectures. Tout ce que nous savons se réduit aux détails les plus insignifians. Laclos appartient à une famille de petite noblesse ; il est de bonne heure entré au service ; il a gagné le grade de capitaine d’artillerie ; il a longtemps tenu garnison en province, notamment à Grenoble. Il est estimé de ses chefs, bien noté : on ne lui connaît pas d’aventures ; il passe pour un officier de bonne conduite, de mœurs rangées. On le sait d’ailleurs épris de littérature, tournant agréablement les vers badins, se mêlant volontiers aux conversations de salon. Ce militaire, ce provincial parvenu à la quarantaine sans avoir jamais fait parler de lui, comment prévoir qu’il fût à la veille de faire scandale dans une société qui pourtant ne se piquait pas de pruderie ? Cette espèce d’éclosion spontanée reste aussi <references/>
Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/520
ans, se trouvant en visite, les bruits l’accompagnèrent aussi. Depuis lors les manifestations se produisirent sur un si grand nombre de points, qu’il serait trop long d’en faire l’énumération. New-York, la ville de huit cent mille âmes, qui avait été la quatrième localité où s’étaient montrés les prodiges, fut immédiatement suivie de trente autres villes telles que Boston, Cincinnati, Saint-Louis, Buffalo. La seule cité de Philadelphie compta trois cents cercles ou sociétés occupés de ces manifestations d’esprits. Chaque société avait son ''medium'', c’est-à-dire une personne dont la constitution spéciale se prête plus favorablement à des relations avec les esprits : c’est ce qu’on appelle un ''sujet'' dans le langage du magnétisme animal. Ce mot de ''medium'', d’après son étymologie, signifie un intermédiaire, comme le magicien ou la pythonisse l’étaient autrefois entre l’interrogateur et l’oracle. Ce sujet ou ''medium'' peut être un homme ou une femme, mais le plus communément c’est une dame ou une demoiselle. On cite plusieurs ''mediums'' américains comme étant d’une rare beauté, circonstance qui peut rendre les esprits sceptiques un peu moins rebelles à la foi réclamée. Telle ou telle complexion n’est pas exclusivement préférable. Dans les grandes villes de l’Union, comme par exemple à Boston, il se rencontrait quarante ou cinquante sujets. Enfin, au mois de septembre 1852, on estimait que dans toute l’étendue des États-Unis le nombre des ''mediums'' s’élevait à plus de trente mille, et que le nombre des personnes qui avaient été témoins des manifestations dépassait cinq cent mille. Comme l’état de ''medium'' conduit, suivant une expression anglaise, à empocher des dollars, il n’est point étonnant que tant de personnes se soient lancées dans cette facile profession. Je suis même fort étonné que l’on n’ait pas fait parler aux esprits le langage ordinaire des hommes, et qu’on se soit borné à provoquer des réponses par des coups frappés indiquant des nombres, des lettres, ou des affirmations et des négations. Sans doute on n’a pas voulu se trop rapprocher de nos ventriloques, qui font le plus aisément du monde frapper à une porte, mais qui de plus font, en langage ordinaire, appeler du dehors, réclamer du secours du fond d’un puits ou du haut d’une cheminée, de même qu’ils prêtent la parole à une poupée, à un chien, à un mouton, qu’eux-mêmes ou d’autres personnes tiennent entre leurs bras. L’antiquité, le moyen âge, l’Europe, le monde entier et les soirées de M. Comte ont leurs arbres rendant des oracles, leurs animaux parlans. Il n’y a rien sous le soleil de nouveau que ce qui ne l’est pas<ref> Cest ce qu’on lit dans Ovide comme dans Salomon; mais le dernier ajoute : « Quid est quod futurum est ? — Hoc, quod factum est anteâ. » ::Que sera l’avenir ? — Ce que fut le passé.</ref>. Tout ce qui se présente à l’observation calme ou passionnée des hommes a dû se renouveler déjà bien des fois dans le cours des siècles. Ce qui n’est pas plus nouveau que les faits actuels, c’est l’amour du merveilleux, qui se réveille tout aussi vivace dans les siècles modernes que dans ceux des premiers âges de l’humanité. L’ouvrage anglais de M. Henry Spicer, intitulé ''Sights and sounds, the Mystery of the day'' (''Ce qu’on voit et ce qu’on entend, ou le Mystère du jour''), contient tous les détails désirables sur la vaste extension que ces manifestations prétendues surnaturelles ont prise aux États-Unis, et l’on sait qu’elles <references/>
Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/93
dans sa charrette. Ils couraient toujours, quand soudain les voilà au bord de l’Océan. Que faire ? Cornéli se retourne, et d’un geste il pétrifie les païens : ce sont les men-hîr de Carnac. Quant à ses bœufs, il les emmena au paradis. » Lorsque le vieillard a terminé sa plainte, il y a là un étranger qui prend la parole ; c’est un homme instruit, et qui sait par les livres bien des choses effacées de la tradition. Il ose demander au vieillard et à ceux qui l’écoutent comment leurs pères eux-mêmes ont oublié leurs ancêtres. Cette histoire des bœufs de saint Cornéli est manifestement la transformation chrétienne d’une légende bien plus vieille encore, de la légende druidique des grands bœufs blancs de Hu-Cadarn, fils de Dieu, qui sauvèrent le monde, près d’être submergé dans l’abîme. L’étranger ne signale pas cette transformation, qui pourrait affaiblir chez ces cœurs naïfs la croyance aux bœufs de saint Cornéli ; le lien est indiqué seulement, et tandis que les paysans étonnés s’écrient : « Parlez-nous encore, parlez-nous de nos pères ! » on voit la chaîne se renouer des traditions chrétiennes aux traditions celtiques. Le soir, quand les prêtres furent rentrés au presbytère, de longs troupeaux, bœufs, vaches, taureaux, génisses, sous la conduite des pâtres, défilaient dans l’ombre autour de la fontaine de Carnac et devant l’autel de saint Cornéli. N’est-ce point là un tableau de maître ? La Bretagne d’aujourd’hui, celle du moyen âge et celle des druides, la lutte naïve des prêtres catholiques et des paysans celtes sur le terrain des traditions, cette harmonie des contraires qui recouvre une fidélité obstinée aux instincts primitifs de la race, tout cela n’est-il pas indiqué en quelques traits dans une parfaite mesure ? Lorsque je relis ces curieuses pages, je comprends mieux le rôle si original que les bœufs joueront dans ce tableau de la Bretagne. Le taureau qui venge son frère en éventrant le loup, les bœufs de Kemper qui brisent leurs attaches pendant l’émeute pour aller au secours des conscrits. Renversant les bouviers, lançant contre les bornes Gendarmes et soldats enfourchés par leurs cornes, </poem> ces épisodes, et d’autres encore, montrent que saint Cornéli a bien inspiré son poète. Je comprends mieux aussi le caractère des hommes, tant de douceur et de fermeté, tant de patience et de force, l’accord d’une philosophie si vraie et de superstitions si poétiques. J’arrive presque à cette conclusion que Brizeux lui-même, si modeste pourtant, n’a pas craint d’exprimer avec confiance : « Ramené à son principe, ce poème des ''Bretons'' pourrait s’appeler ''Harmonie''. » La première édition des ''Bretons'' avait paru en 1845 ; l’année suivante, sur l’initiative de M. Alfred de Vigny et grâce au chaleureux concours de M. Victor Hugo, ce beau poème fut couronné par {{tiret|l’Aca|démie}} <references/>
Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/881
années, dit M. Harvey D. Goulder, de Cleveland (Ohio), nous avons voulu créer un service de navigation sur le Saint-Laurent, entre l’Amérique et le Canada. Il nous a paru politique de mettre une partie de la flotte sous pavillon anglais, l’autre sous pavillon américain. Pour les mêmes raisons, nous nous sommes adressés à la fois en Angleterre et en Amérique pour la construction de cette flotte. Les chantiers anglais spéciaux qui font le bateau de rivière et les chantiers des Grands-Lacs nous ont consenti très sensiblement les mêmes prix<ref> ''Hearings'', t. II. p. 798. </ref>. » Toutes les dépositions recueillies par la Commission, soit sur le littoral des Grands-Lacs, soit dans les ports de l’Atlantique ou du Pacifique, concordent sur ce point. Il est avéré que les Américains sont capables de lutter contre les Anglais pour la construction navale là où les circonstances leur permettent d’appliquer les méthodes de production en masse d’un modèle uniforme, méthodes dans lesquelles ils excellent d’ailleurs et qu’ils ont contribué, plus que toute autre nation industrielle, à faire entrer dans la pratique. Mais à supposer que les États-Unis développent leur marine marchande, que, par suite, les commandes de bateaux affluent, que les chantiers se spécialisent et livrent à l’armateur américain l’outil nécessaire à son industrie dans les mêmes conditions que les chantiers anglais le livrent aux armateurs anglais, la partie est encore bien loin d’être égale. L’armateur américain ne peut pas en effet exploiter son outil à aussi bon compte que l’armateur anglais. C’est la deuxième cause d’infériorité qui a fait obstacle jusqu’ici au relèvement de la navigation commerciale des États-Unis. Nous retrouvons ici une seconde fois l’action d’un phénomène général à toutes les industries de l’Union américaine, la cherté de la main-d’œuvre. Les chantiers de construction navale en souffrent, mais l’armement en souffre bien plus encore. Les chantiers, en effet, sont protégés par le monopole que leur accorde la législation. Ils sont les fournisseurs obligés de l’armement, qui n’a pas le droit de faire flotter le pavillon étoile sur un navire construit à l’étranger. Ils sont donc en mesure de lui imposer leurs prix. De plus, le travail auquel ils se livrent est susceptible d’une organisation technique beaucoup moins onéreuse ; ils le savent ; ils connaissent les procédés à employer <references/>
Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/328
prompt aux anathèmes. Tandis que Pie IX, en cela d’accord avec les pires ennemis du catholicisme, ne cessait d’accentuer et au besoin d’outrer les dissentimens de l’église et des idées modernes, Léon XIII incline plutôt à les pallier ou à les adoucir, à réduire le champ des oppositions et des dissidences pour diminuer le nombre des adversaires. Avec les hautes ambitions des jours de sacre, il aspirait, en ceignant la tiare, à pacifier les sociétés et les intelligences. Sans avoir jamais goûté l’enivrant breuvage de la popularité, il a refait d’une autre manière le rêve de Pie IX lui-même à ses débuts, le rêve de concilier l’église et les aspirations modernes ; et quoique, lui aussi, il ait bien vite eu d’amères déceptions, quoique les deux ou trois premières années de son pontificat fussent peu faites pour l’encourager, il semble ne point désespérer. Il reste soutenu par sa foi dans l’harmonie providentielle de la religion et du progrès normal, et cette foi, il s’efforce de l’inculquer aux peuples et aux gouvernemens. Là est la clé de sa politique. En homme d’autorité et de tradition, c’est aux chefs d’états, aux princes, aux ministres, c’est aux pasteurs des peuples que s’adresse de préférence le pasteur de l’église, leur offrant son aide pour la garde de leur troupeau. Il les exhorte à respecter la religion, à n’en dédaigner ni l’appui, ni les leçons, leur montrant la connexité des intérêts religieux et des intérêts sociaux, la solidarité de l’autorité spirituelle et des pouvoirs temporels. Rien de moins neuf assurément que ce point de vue ou cette tactique, rien, si l’on veut, de plus usé, de plus démodé. C’est au fond la vieille thèse de l’union du trône et de l’autel ; c’est le vieux dogme de l’alliance des deux pouvoirs symbolisé au moyen âge dans le célèbre emblème des deux lumières qui éclairent d’accord la route de l’homme : : : Solea Roma che’l buon mondo feo : : Due soli aver, che l’una e l’altra strada : : Facean vedere, e del mondo e di Deo<ref> Dante, Purgat,., ch. XVI. Le poète néo-gibelin, l’auteur du ''de Monarchia'', défenseur de l’indépendance des deux pouvoirs, des deux soleils, tandis que la plupart des ecclésiastiques représentaient l’autorité spirituelle par le soleil et l’autorité temporelle par la lune, qui n’a qu’une lumière d’emprunt. </ref>. Pour banale et surannée que semble cette théorie d’un autre âge, les appétits menaçans de la démocratie, les visées peu dissimulées de la révolution cosmopolite, les attentats multipliés des régicides en Allemagne, en Espagne, en Russie, en Italie même, lui rendaient, auprès des détenteurs héréditaires du pouvoir, une force et une actualité qu’elle n’avait plus depuis longtemps. Le fusil <references/>
Barbusse - L’Enfer.djvu/190
On essayait de percevoir dans son agonie un mot, un accent, qui eût au moins indiqué sa nationalité. On n’a pas pu ; on n’a rien pu entendre de distinct jaillir de l’espèce de figure qui pantelait sur le brancard. Nous l’avons suivi des yeux et écouté, jusqu’à ce qu’il se fût tu. Quand il est mort et que nous nous sommes arrêtés de trembler, — pendant un moment j’ai vu et j’ai compris. J’ai compris dans mes entrailles que l’homme s’enracine plus à l’homme qu’à ses vagues compatriotes. J’ai compris que toutes les paroles de haine et de révolte contre l’armée, que toutes les insultes au drapeau, et que tous les appels antipatriotiques résonnent dans l’idéal et dans la beauté. « Oui, on a raison, on a raison ! Et après ce jour, plusieurs fois, il m’a été donné d’aller jusqu’à la vérité. Mais que voulez-vous... Moi, je suis vieux et je n’ai pas la force d’y rester ! » — Maître ! murmura le jeune homme, debout, avec un accent de respect ému. Le vieux savant continua, s’exaltant dans une révélation de sincérité, s’enivrant de vérité : — Oui, je sais, je sais, je sais, vous dis-je ! Je sais que, malgré la complication des arguments et le dédale des cas spéciaux où on se perd, rien n’ébranle la simplicité absolue de dire que la loi qui fait naître les uns riches et les autres pauvres et entretient dans la société une inégalité chronique, est une suprême injustice qui n’est pas plus fondée que celle qui créait autrefois des races d’esclaves, et que le patriotisme est devenu un sentiment étroit et offensif qui alimentera, tant <references/>
Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/992
{{Tiret2|engage|ment}} aux abords du village permit aux femmes et aux enfans de se réfugier avec les troupeaux à Zeïthoun. Les défenseurs se replièrent ensuite dans les maisons, que les ''bachi-bozouks'' emportèrent d’assaut et détruisirent par la flamme. Poursuivant alors sa marche, Aziz s’engagea dans une plaine appelée ''Ilidjé'', à trois heures de Zeïthoun. Là se trouvent un hameau et le couvent de Saint-Sauveur, résidence de quelques moines. Arrivé dans ce lieu, Aziz fit enfoncer par ses soldats la porte du monastère, et, n’y ayant rencontré que quatre religieux et une vieille femme qui avaient cru trouver un sûr asile au pied des autels, il donna froidement l’ordre de les massacrer. Pour mettre le comble à sa barbarie, il fit tuer un chien, dont les restes sanglans furent jetés sur les cadavres de ses victimes. Le pillage de l’église, la profanation des vases sacrés, tous les forfaits qu’une soldatesque brutale peut commettre, les sbires d’Aziz ne craignirent point de s’en rendre coupables sous les yeux de leur chef. Le hameau et les constructions du monastère, les moulins et les forges furent incendiés, et il ne resta pas debout une seule maison de Saint-Sauveur. Aziz montra dans cette journée une froide cruauté; on a peine à comprendre qu’un homme qui a visité l’Europe et qui a vécu dans notre milieu occidental ait pu descendre à ce degré de sauvage barbarie. Aziz appartient à cette jeune génération turque qui vient emprunter à notre civilisation ce qu’elle a de superficiel, mais conserve au fond du cœur tout l’ancien fanatisme. Aziz est un des types les plus saillans de cette école; on reconnaît en lui un de ces Turcs de la réforme qui ne sont trop souvent que les dignes émules des adeptes du vieux régime. Le pacha victorieux allait cependant traiter, quand on annonça l’arrivée de nouvelles forces venues de Marach. Les chefs qui commandaient ces troupes déclarèrent que leurs hommes, avides de butin, ne consentiraient point à revenir sur leurs pas sans avoir combattu, et que du reste ils ne les avaient amenés qu’à la condition de les conduire dans la ville même de Zeïthoun. Le pacha rompit dès lors brusquement les négociations entamées, et renvoya les kaïa arméniens en leur disant qu’il allait marcher en avant. Tels furent les préludes de la sanglante journée du jeudi 14 août. Ce jour-là, l’armée musulmane s’avança, sur trois colonnes soutenues par de l’artillerie, dans la direction de Zeïthoun. Les Arméniens, très inférieurs en nombre, reculèrent sans brûler une cartouche devant la cavalerie musulmane, qui ravagea tout sur son passage, incendiant les moissons, brûlant les fermes et commettant d’épouvantables excès. Cependant les Arméniens s’embusquaient dans les rochers : le pacha, voyant que sa cavalerie ne pouvait les atteindre, fit pointer ses pièces sur les positions défendues par eux, afin que <references/>
Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/161
{{Manchette|D}}mon action. Je fis en même temps rôtir l’alouette au moyen d’une brochette de bois ; je retirai l’oiseau de proie, de ceux qu’on nomme ''bondrée''<ref>Autour.</ref> dans le pays, lorsque je le vis cuit à propos ; j’en mangeai le premier et je partageai le reste aux assistants, qui m’imitèrent. Les trois chiens ne furent pas oubliés, nous leur donnâmes les os et les endroits musculeux ; l’alouette termina la manducation de mon sacrifice. Je conduisis ensuite la troupe à ''mes'' poiriers pour achever de la rassasier en lui faisant manger des poires de miel avec du pain blanc. Je pus même leur montrer ''ma'' huppe, et j’eus bientôt le bonheur de pouvoir leur dire : « Voilà ''mon'' sanglier ! » car le terrible animal revint auprès de la truie. Il effraya tous mes camarades et surtout les jeunes filles. Ce fut alors que je triomphai : j’approchai très prés de l’objet qui les épouvantait, et je fis le Rodomont tant que je voulus : le sanglier, tout occupé de ses amours, ne jugea pas à propos de se déranger pour moi. Cependant Étienne Dumont, plus timide que les jeunes filles, les exhortait à ''s’ensauver'', et il dirigeait doucement ses vaches de trait du côté du Grand-Pré. Je le retins en lui disant que je ferais partir le sanglier quand je voudrais. — « Je veux aussi, » ajoutai-je, « vous montrer ''mon'' chevreuil et ''mon'' lièvre : mais il ne faut pas faire de bruit ! et peut-être verrez-vous encore ''mon'' loup : tenez-vous tranquilles. » On s’assit sur le ''merger'', au <references/>
Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 119.djvu/336
{{nr|330|REVUE DES DEUX MONDES.}}{{tiret2|ré|pandu}} à cette époque. Ce n’est pas le seul d’ailleurs ; car nous possédons toute une littérature analogue, à l’usage des industriels d’alors, sous les titres suivans : ''Cahier de divers arts'', par le moine Théophile ; ''les Couleurs et les arts des Romains'', par Eraclius ; le ''Livre des divers arts'', ouvrage existant à la bibliothèque de l’École de médecine de Montpellier, divers opuscules publiés par M{{e|rs}} Merrifield, dans son ouvrage sur la « pratique des peintres anciens. » La suite de ces traités continue, dans le cours des âges, par une filiation non interrompue jusqu’aux manuels Roret de notre temps. La ''Clé de la peinture'' est le plus ancien de ces ouvrages et le plus intéressant. C’est une collection de formules, de date inégale et d’origine différente. Le titre même sous lequel elles sont rassemblées est un titre de fantaisie, ajouté probablement à une basse époque, et qui ne répond qu’à une fraction minime de l’ouvrage. Celui-ci nous est venu par deux manuscrits, l’un du {{sc|x}}{{e}} siècle découvert à Schlestadt par M. Giry, et l’autre du {{sc|xii}}{{e}} siècle. Le dernier a servi de base à une publication faite sans commentaires, dans le recueil anglais intitulé ''{{lang|la|Archœologia}}''. Le plus ancien manuscrit ne contient aucune trace d’influence arabe ; celle-ci se manifeste au contraire par l’intercalation d’un groupe de recettes dans le plus moderne. Bornons-nous donc au plus ancien. Les formules qui y sont transcrites résultent de l’assemblage de deux traités mis bout à bout : l’un est le même que les ''{{lang|la|Compositiones}}'' déjà citées ; tandis que l’autre est beaucoup plus intéressant, car c’est un véritable traité méthodique sur les métaux, qui paraît traduit en grande partie de quelque auteur grec aujourd’hui perdu, peut-être de celui qui aurait servi également de base au manuel byzantin relaté plus haut. Ce traité débute par des articles relatifs à l’or et à l’argent, aux alliages destinés à les imiter et aux procédés pour écrire en lettres d’or et en lettres d’argent. On y trouve de véritables formules de transmutation, identiques avec celles des alchimistes grecs, et fondées également sur l’emploi des composés arsenicaux. Ce qui augmente l’intérêt des recettes latines, c’est qu’elles sont traduites littéralement des recettes des alchimistes grecs. Quelques-unes se lisent en effet dans la ''Chimie du pseudo Moïse'', que j’ai publiée pour la première fois il y a cinq ans ; d’autres sont tirées du papyrus de Leyde, retrouvé dans un tombeau de Thèbes en Égypte, au commencement de ce siècle. On ne saurait admettre la connaissance directe de ce papyrus par l’auteur primitif du traité latin ; mais sans aucun doute il a eu entre ses mains un groupe de prescriptions d’orfèvres antiques, consignées dans des registres qui ont été traduits du grec en latin, probablement vers les derniers temps de l’empire <references/>
Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/551
de bruit, ils se préoccupaient moins de l’intérêt de notre politique que de leur tirage. La circulaire de la chancellerie fédérale, rehaussée par d’irritantes polémiques, eut un fâcheux retentissement en France, c’était à prévoir ; elle était loin de répondre aux assurances que le ministre du roi Guillaume nous avait données, à Paris, d’éviter tout ce qui pourrait exciter nos légitimes susceptibilités ; elle mettait la longanimité du gouvernement de l’empereur derechef à une pénible épreuve ; elle fournissait de nouveaux argumens aux adversaires de sa politique. Elle ne blessa pas moins les souverains du Midi ; son opportunité leur parut discutable. La Bavière et le Wurtemberg firent des observations au sujet de cette mise en demeure déguisée, insolite d’entrer dans la Confédération du Nord ; elles n’en étaient pas encore arrivées, comme le grand-duché de Bade, à vouloir abdiquer ce qui leur restait d’autonomie entre les mains de la Prusse. On savait fort bien à Berlin que les gouvernemens, voulussent-ils se prêter au sacrifice de leur indépendance, ne seraient pas suivis par les populations. Il était donc peu charitable au comte de Bismarck, alors qu’il se retranchait lui-même derrière le traité de Prague pour éviter des complications européennes, d’augmenter la somme des difficultés qui pesaient sur les cabinets du Midi en les rendant en quelque sorte responsables devant l’opinion allemande du retard forcé que subissait l’œuvre de l’unification. Mais ces considérations ne pouvaient l’arrêter ; il lui importait d’affirmer le sentiment national, qu’il avait l’ambition de personnifier et qui, au jour des épreuves, serait entre ses mains une arme puissante pour briser les résistances particularistes et entraîner l’Allemagne entière à sa suite. La circulaire du 7 septembre, personne ne s’y méprenait, était un acte révolutionnaire, une concession faite aux nationaux, un avertissement donné aux gouvernemens récalcitrans. On les sommait de hâter la ratification des traités d’alliance par leurs chambres et de procéder énergiquement à leur réorganisation militaire. On ne leur cachait pas « que le gouvernement du roi veillerait avec une résolution énergique au maintien des alliances et à l’exécution des conventions qu’ils avaient signées avec la Prusse. » Le chancelier se souciait peu de l’assimilation politique de la Bavière et du Wurtemberg ; elle ne pouvait qu’ajouter à ses embarras. Mais il tenait à s’assurer à tout prix, au cas d’une guerre qu’il ne cessait de prévoir, l’assistance en tout état de cause des contingens méridionaux. Il sentait à quel péril serait exposée la Prusse si, à l’heure des combats, elle devait rencontrer la moindre défaillance à Stuttgart et à Munich. Il s’agissait d’un appoint de 150,000 hommes, <references/>
Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/485
Financièrement, la situation de l’Egypte ne peut paraître bonne, puisque son budget succombe sous le poids des charges que lui imposent et la déplorable administration des fonctionnaires anglais et l’entretien des troupes anglaises, Mais la loi de liquidation a sauvegardé les intérêts des créanciers de l’Egypte en leur réservant le produit d’une catégorie déterminée de revenus. Or ce produit est plus que suffisant pour satisfaire au service de la dette. L’Angleterre, il est vrai, cherchera à obtenir une modification à la loi de liquidation, fille ne réussira qu’à la condition d’assumer formellement le protectorat et de substituer, pour les créanciers, sa garantie directe à celle de l’Egypte. La hausse générale des fonds étrangers pouvait difficilement laisser notre marché tout à fait indifférent. Nos fonds publics se sont donc associés au mouvement, avec une certaine timidité d’abord, puis un peu plus nettement dans les derniers jours, La situation de la place comportait une reprise. On avait baissé pendant tout le mois de février, avant et après, l’emprunt. L’amortissable, émis à 76.60, était tombé à 70 francs. Il était à prévoir que les banquiers qui avaient pris la plus grosse part à la souscription feraient tous leurs efforts pour relever les cours aussitôt qu’une occasion favorable se présenterait. La liquidation ayant été très facile et les capitaux s’étant prêtés à des conditions exceptionnellement douces pour les reports, le marché de nos fonds publics a commencé à se raffermir. L’argent étant abondant à 2 et 2 1/2 pour 100, on en pouvait conclure que les vendeurs à découvert avaient presque exclusivement servi de contre-partie aux acheteurs désireux de se faire reporter. Les banquiers ont donc pensé que le moment était venu de provoquer un courant de reprise. On avait d’ailleurs, outre une situation de place se prêtant à cette tentative, deux êvénemens favorables à escompter, une victoire du cabinet dans la question du traitement des instituteurs, et la prise certaine de Bac-Ninh. Pour enlever le vote de la chambre dans cette question des instituteurs, le cabinet s’était décidé à montrer la situation financière sous son vrai jour, ce qui l’a fait apparaître peu brillante. En même temps, le projet de loi pour le budget de 1885 a été déposé. Ce projet présente les recettes et les dépenses en équilibre, à 200,000 francs prés. Mais, comme on le peut croire, cet équilibre est des plus instables. Il n’a été obtenu qu’au prix d’expédiens dont quelques-uns sont misérables. Les chiffres du budget de 1884 ont été pris pour base ; mais il a fallu augmenter les dépenses de 23 millions, tandis que les recettes présentaient une moins-value de 35 millions : total 58 millions à trouver. M. Tirard croit les avoir découverts dans des remaniemens apportés à la perception de certains impôts et destinés à prévenir la fraude. Il est fort à craindre que les espérances fondées sur ces remaniemens ne soient <references/>
Le Tour du monde - 01.djvu/178
gouverneur de Nangasaki, dans une superbe jonque de plaisance, ornée de banderoles et de bannières, et remorquée par une douzaine de bateaux, vient à bord prendre congé de l’ambassadeur. Nous comptions trouver au large de très-grandes brises vent arrière, nous rencontrons le calme. Néanmoins, à la fin du troisième jour, nous revoyons Woosung et les rives du Whampou, et, après sept semaines d’absence, nous venons mouiller derechef devant la partie du quai de Shang-haï qui borde la concession française. {{c|{{t|Mœurs, coutumes, gouvernement du Japon.|80}}}} Les Japonais, aussi blancs que nous, repoussent toute communauté d’origine avec les Chinois. Leur civilisation, identique, en certains points, avec la civilisation chinoise, s’en éloigne grandement sur beaucoup d’autres. Sans doute, les caractères de l’écriture sont les mêmes ; le culte de Bouddha et celui de Confucius existent également dans les deux pays ; au Japon comme en Chine, les mêmes pagodes s’élèvent, desservies par les mêmes bonzes, à la tête rasée et à la longue robe grise ; le système des jonques est analogue ; le riz et le poisson, le thé et l’eau-de-vie de riz forment la principale nourriture du peuple à Yédo comme à Canton ; les coolies japonais, portant leurs fardeaux, font retentir les rues de Nangasaki des mêmes cris aigus et cadencés que les coolies de Shang-haï, portant au bâtiment européen des balles de thé et de soie ; la littérature de l’archipel n’est point nationale et est entièrement chinoise ; la coiffure des Japonais rappelle celle des Chinois des anciennes dynasties, antérieure au port de la queue. Mais la s’arrêtent les ressemblances. La race japonaise, noble et fière, toute militaire et féodale, diffère essentiellement de la race chinoise, humble et rusée, dédaignant l’art de la guerre, et n’ayant d’attrait que pour le commerce. Le Japonais connaît le point d’honneur ; lui enlever son sabre est une insulte, et, dans ce cas, il ne peut être remis dans le fourreau qu’après avoir été trempé dans le sang. Le Chinois se met à rire quand on lui reproche d’avoir fui devant l’ennemi, ou qu’on lui prouve qu’il a menti : ce sont pour lui choses indifférentes. La race chinoise est d’une saleté dégoûtante, la race japonaise est d’une merveilleuse propreté. Le Japonais est d’un naturel enjoué, intelligent, avide d’apprendre ; le Chinois méprise tout ce qui n’est point de son pays. Tout dénote donc dans l’habitant du Nipon une race supérieure à celle qui peuple la Chine ; et l’on peut raisonnablement admettre que les Japonais appartiennent à la grande famille mongole, et doivent leur origine à une émigration ancienne venue par la Corée. Les Chinois considèrent le Japon comme un pays tributaire de l’Empire du Milieu. Cependant, à Nangasaki, ils ne peuvent pas sortir de l’enceinte de leur factorerie, close d’une forte palissade ; et, à Yédo, nous avons été obligés de ne plus laisser nos domestiques chinois descendre à terre, tant, à cause de leur costume et de leur queue, ils étaient un objet de plaisanteries de la part des indigènes. Les Japonais, dans le langage ordinaire, appellent leur pays Nipon, et, dans le langage poétique, ''empire du soleil levant''. Leur archipel se compose de quatre grandes îles et d’une foule de petites. Les quatre grandes îles sont Yédo, Nipon, Sikok, et Kiousiou. Nipon, la plus considérable, renferme les trois grandes capitales politique, religieuse et commerciale du Japon, à savoir Yédo, résidence du taïcoun, Méako, résidence du mikado, et Oosaka, résidence du haut commerce. L’empire du taïcoun s’étend, en y comprenant le groupe des Bonin et celui des Liou-tchou, sur plus de trois mille huit cents îles ou îlots. Cet archipel est chaque année le théâtre de violents tremblements de terre ; aussi, toutes les maisons sont-elles en bois et à un seul étage. Cependant, à Yédo, les murs des différentes enceintes et les portes sont de construction cyclopéenne, et se composent d’énormes blocs de pierres non taillées, et ajustées les unes dans les autres. Plusieurs volcans sont encore en ébullition. Le Fusi-Yama, la plus haute montagne du Japon, est élevé de trois mille sept cent quatre-vingt-treize mètres au-dessus du niveau de la mer. Il n’est pas, quoi qu’on en ait dit, couvert de neiges éternelles : car, quand nous l’avons vu, il n’en restait plus ; les chaleurs de l’été les avaient fait fondre. De redoutables typhons viennent, chaque été, bouleverser ces mers, qui sont les plus orageuses du globe. Aussi, saint François-Xavier disait que, de son temps, sur trois navires allant au Japon, il était rare qu’on en vît revenir un. Le coup de vent de l’équinoxe d’automne se fait particulièrement sentir dans ces parages. Il est de règle, parmi les jonques japonaises, de rester au mouillage, dans toutes les criques de la côte, du 5 au 25 septembre. Le 26, on les voit toutes sortir à la fois ; la baie de Yédo et toute la mer en sont couvertes. Nous avons été témoins de ce spectacle. Le climat de la Chine, chaud et humide, est malsain ; celui du Japon, froid au nord, chaud au midi, mais toujours sec, est au contraire très-sain. D’après les Hollandais, il ferait presque aussi chaud dans l’île de Kiousiou qu’à Java durant les chaleurs ; mais, en hiver, il y a de la neige. Le port de Hakodadi, ouvert au commerce, sera salutaire pour nos équipages en station dans les mers de Chine : épuisés par les insupportables chaleurs de la mousson de sud-ouest, ils viendront se retremper et reprendre de nouvelles forces dans les glaces de l’île d’Yéso. Il ne faut que trois jours, par un beau temps, pour aller de Shang-haï à Nangasaki, et huit jours pour se rendre de la côte de Chine à Yédo. Cependant le commerce actuel du Céleste-Empire avec le Japon est presque nul, l’archipel ayant été jusqu’ici aussi soigneusement fermé aux Chinois qu’aux autres peuples. C’est à peine si quatre ou cinq jonques de commerce viennent mouiller chaque année à Nangasaki. La soie japonaise, très-abondante, est moins fine que celle de la Chine ; le thé, au Japon, est bien inférieur comme saveur, il a même un peu d’âcreté ; mais l’amour-propre national le fait trouver bien supérieur à celui du continent. Il est donc peu importé. En revanche, les médicaments sont d’un prix <references/>
Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/237
caractère, ses progrès et su capacité. Il ajouta qu’il agissait ainsi dans l’intention de mettre M. Monçada à même de juger comment il faudrait diriger la future éducation du jeune homme. « Richard, observait-il, était arrivé à un âge où l’éducation, perdant son caractère primitif et général, se divise en plusieurs branches, conduisant chacune aux différentes connaissances qui sont propres à chaque profession particulière : il était par conséquent devenu nécessaire de décider vers quelle carrière on dirigerait le jeune Richard ; il ferait, pour sa part, tous les efforts imaginables, afin de réaliser les souhaits de M. Monçada ; car les aimables qualités de ce jeune garçon le lui rendaient aussi cher, à lui qui n’était que son curateur, qu’il aurait pu l’être à son propre père. La réponse, qui arriva dans le cours des huit ou dix jours suivants, était plus longue que d’habitude, et écrite à la première personne : « M. Grey, y était-il dit, la seule fois que nous nous sommes rencontrés, c’était dans des circonstances qui ne pouvaient pas nous faire connaître favorablement l’un à l’autre. Mais j’ai l’avantage sur vous, puisque, connaissant les motifs qui vous donnent une mauvaise opinion de moi, je pouvais les respecter et vous respecter vous-même ; tandis que vous, dans l’impossibilité d’apprécier les raisons... je veux dire, ignorant le traitement infâme que j’avais reçu, vous ne pouviez comprendre les raisons qui me faisaient agir. Moi, privé de ma fille unique par le fait d’un scélérat, elle, dépouillée de son honneur, je ne puis me résoudre à voir une créature innocente pourtant, dont l’aspect doit toujours me rappeler honte et vengeance. Gardez le pauvre enfant près de vous... élevez-le pour votre propre état ; mais veillez à ce qu’il ne vise pas à remplir dans la vie une profession plus haute que celle dont vous vous acquittez dignement. Veut-il devenir fermier, homme de loi à la campagne, ou médecin exerçant, enfin suivre un genre de vie modeste, les moyens d’établissement et d’éducation lui seront abondamment fournis. Mais je dois vous avertir, lui et vous, que toute tentative pour le rapprocher de moi plus que je ne puis spécialement le permettre, sera suivie de la cessation absolue de ma faveur et de ma protection. Je vous ai fait connaître ma volonté, j’espère que vous agirez en conséquence. » La réception de cette lettre détermina Grey à avoir quelque explication avec le jeune homme lui-même, pour apprendre s’il se sentait de l’inclination vers un des états dont le choix lui était laissé ; convaincu en même temps, d’après la docilité de son {{tiret|ca|ractère,}} <references/>
De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/188
— Est-il vrai, lui dit-elle, que vous soyez le plus riche marchand de Catane ? — Qui pourrait en douter ? — A quelle somme, je vous prie, se monte votre fortune ? — Je n’en sais trop rien, peut-être à soixante-mille écus. — Eh bien ! faites-moi le plaisir de me donner deux-cents piastres — Bagatelle ! vous ne savez pas ce que c’est que deux cents piastres. Il n’y a pas d’ajustement de femme qui coûte cela, si ce n’est la dentelle, et vous n’en avez que faire ! — Ce n’est pas pour acheter de la dentelle. Donnez-moi ces deux cents piastres ; vous me rendrez un véritable service. — Par Bacchus ! ne dirait-on pas que les piastres poussent comme des pois chiches et qu’il suffit de se baisser pour les prendre ! J’en ai quelques-unes, il est vrai, mais je les ai gagnées par mon travail et je ne les donne pas à poignées. — Ainsi, vous me refusez l’argent dont j’ai besoin ? C’est donc pour cela que l’on m’a fait épouser un homme riche ? La signora lança au marchand de soieries un regard de mépris si accablant que, malgré sa vanité, il sentit pour un instant qu’il n’était au fond qu’un pauvre sire et, de plus, un pince-mailles. Tandis qu’il faisait d’utiles réflexions sur ce sujet, Agata prit sa mante et sortit précipitamment de la maison. Il y avait alors, sur les côtes de Sicile, un embaucheur turc qui venait pour séduire et acheter de belles filles dont il faisait des esclaves, en leur assurant <references/>
Bréal - Essai de Sémantique.djvu/73
{{Numérotation|LA SURVIVANCE DES FLEXIONS.||57}}<nowiki /> Moyennant quelques précieux restes de ce genre, on peut dire que la déclinaison des pronoms subsiste à peu près tout entière en français. Le datif continue de se faire sentir quand nous disons : « Accorde-''moi'' ta protection, donne-''toi'' du repos, ne ''nous'' faisons pas d’illusions, n’allez pas ''vous'' chercher des regrets ». L’accusatif existe pareillement. Il y aurait quelque chose de blessant pour notre syntaxe intérieure à dire en une seule phrase : « Où se sont cachés, qui a dispersé nos amis ? » Une autre forme latine qui continue de vivre, bien qu’en apparence elle ait succombé, c’est le neutre. Peut-être même en faisons-nous un plus grand usage que les Latins. Nous disons : « Le beau, le vrai, le bien, l’honnête, l’utile, l’agréable, l’infini, l’intelligible, le contingent, le nécessaire, l’absolu, le divin ». La langue philosophique en est remplie. De même la critique littéraire, « le fin, le délicat, le romanesque, l’atroce ». « Xavier {{lié|de Maistre}}, dit Sainte-Beuve, a trouvé sa place par le naïf, le sensible et le charmant. » La Bruyère parlant de Rabelais : « Où il est mauvais, il passe bien au delà du pire... Où il est bon, il va jusqu’à l’exquis et à l’excellent. » <references/>
Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/360
paille et d’un matelas des plus minces, allait me servir de hamac. Le tout était éclairé par une fenêtre étroite et basse donnant en plein, nord sur un petit bras de mer. Mon emménagement ne fut pas long. La grande table, fortement assujettie contre le mur, devint mon laboratoire. Sur l’angle le plus éclairé, j’installai ma loupe et mon microscope ; une partie de mes bocaux trouva place tout auprès, et mes pinces, mes scalpels, mes papiers, mes crayons, occupèrent le reste de sa surface. Je rangeai sur la cheminée mes livres et le surplus de mes flacons et vases de verre. De grands plats en terre furent placés autour de l’appartement. Tout se trouva donc assez heureusement disposé ; mais cette belle distribution ne tarda pas à faire place au désordre qui envahit si vite le cabinet du travailleur. La petite table, réservée d’abord pour mes repas, fut bientôt couverte d’objets de recherches, et bien souvent il m’arriva de la remplacer par une chaise que je débarrassais tout exprès. Ces premiers arrangemens terminés, je sortis pour reconnaître cette terre que je comptais exploiter au nom de la zoologie. La ferme ou je venais de m’installer est bâtie sur le bord d’un petit bras de mer appelé le ''Sound de Chausey'', dont elle n’est séparée que par un étroit sentier. Elle se compose de deux corps-de-logis, dont l’un renferme les écuries, deux salles de cabaret et le logement des domestiques. L’autre contient la boulangerie ; la chambre du régisseur et les appartemens réservés du propriétaire. Ces deux maisons, construites en granit indigène, forment la capitale de l’archipel ; ses employés en représentent l’aristocratie et comprennent très bien toute leur importance : aussi se mêlent-ils fort peu au reste des habitans. Laissant derrière moi les bâtimens de la ferme, je suivis le premier sentier qui s’offrit à mes regards, et traversai d’abord une petite plaine marécageuse, retraite favorite des canards et des oies sauvages qui viennent en hiver peupler ces rives écartées. A quelques pas plus loin, un isthme étroit et sablonneux me conduisit au pied de ''Gros-Mont'', la plus haute montagne de l’archipel, et de ce point culminant je pus embrasser d’un coup d’œil tout ce que renfermait l’horizon. Autour de moi s’étendait l’Océan, sans bornes du côté de l’ouest. Au midi, la vue s’arrêtait aux côtes de Bretagne, qui s’élevaient à peine au-dessus des flots. A l’est, je distinguais nettement les falaises de la Normandie et les tours de Coutances, qui se voient, dit-on, de dix lieues en mer. Au nord, j’entrevoyais Jersey, cette île toujours anglaise à la honte de nos gouvernemens, où se conservent encore les antiques coutumes de France et notre vieille <references/>
Darien - La Belle France.djvu/254
asthmatique qui est la marque des vaincus ; ils tendent surtout à empêcher l’idée républicaine de se dégager de la défroque avocassière et libérâtre dans laquelle on l’a {{sic2|emmaillottée}}, et dans laquelle elle se débat en larmoyant ; leur unique résultat est de pousser, plus ou moins consciemment, le parti républicain dans la direction du collectivisme esclavagiste et dogmatique et de l’établir, de guingois ou les pattes en l’air, sur le fumier de la légende révolutionnaire, sur la pourriture des grands principes. Ces efforts dénotent l’impuissance la plus complète. Ainsi, les uns, avec le spectre ridicule de leur Passé, aux sons discordants de leurs clairons fêlés et de leur grosse caisse que creva la botte prussienne, feraient passer la France sous le joug de Rome et la prépareraient, par quelques misérables culbutes militaires, au saut définitif dans l’inconnu. Les autres, avec le spectre plus ridicule encore de leur Futur, au bruit des couteaux à papier sur les pupitres des assemblées baveuses, condamneraient la France à la vie au jour le jour dans la vase d’une routine dégradante, au tran-tran abrutissant et jacassier qui livre les nations sans défense, les moelles sèches, à toutes les surprises du hasard. Des deux côtés, donc, c’est l’aveu que la situation présente ne peut point s’éterniser ; c’est la constatation que des transformations profondes — mais lesquelles ? — sont complètement indispensables ; c’est la répudiation, explicite ou implicite, mais toujours formelle, de ce qui existe aujourd’hui. Et des deux côtés, encore, c’est l’absence entière de compréhension, de dessein clairvoyant, de résolution virile ; c’est la manifestation totale, par les faits, d’une impuissance absolue. L’un et l’autre parti savent que rien de ce qui existe ne peut continuer à exister. Ils savent qu’ils sont hors d’état d’entreprendre, de mener à bien, aucune rénovation ; et qu’ils ne peuvent même, à moins de se frapper eux-mêmes du coup mortel, en oser la conception. Ils savent que tout ce qu’ils pourront tenter est, d’avance, nul et non avenu. Cependant, ils essayent de se décevoir eux-mêmes ; de s’étourdir du bruit de leurs paroles, de leurs <references/>
Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/425
pas à sa flamme. Chœur de bandits, musique du chef d’orchestre. Fra-Diavolo entre avec fracas et conseille à ses subordonnés d’allier l’astuce à l’audace. Coup de fusil au lointain. On amène un ''étranger'' qui doit la vie à la fille de Fra-Diavolo. « Fasse l’enfer, dit Rodolfo, que nous {{corr|n’ayions|n’ayons}} pas à nous repentir de notre clémence ! » La nuit vient. L’étranger, qui est forgeron, lime ses chaînes et s’enfuit avec Josepha, la fille du seigneur ; elle est sa fiancée devant Dieu ! Réveil des bandits. Préparatifs de la poursuite. Rodolfo l’avait prévu ! « Si vous voulez réussir dans vos desseins, dit Fra-Diavolo, troublé au milieu de son premier sommeil, unissez, ô mes enfants, la hardiesse à la prudence. » 2{{e}} tableau : l’intérieur de la maison du jeune forgeron à Poitiers (changement demandé par la censure). Paolo (André) et Josepha, l’ancienne fille du seigneur, travaillent, l’un à repriser un brassard, l’autre à raccommoder les langes de son enfant, car leur union a été féconde. Le fruit est dans son berceau. Nous savons si Saladin est capable de remplir comme il faut ce rôle de l’enfant de carton ! Paolo sort pour se rendre chez le plus riche banquier de la ville. Rodolfo entre déguisé en pèlerin. L’''Angelus'' sonne. Josepha va chercher la croix de sa mère pour la passer au cou de son enfant. Rodolfo emporte le brassard en disant : « Ô ma vengeance ! » Rentrée de Paolo joyeux. Projets d’avenir. On compte l’argent de la tirelire. Arrivée des gendarmes. La caisse du plus riche banquier de la ville a été forcée, et le brassard porte témoignage contre Paolo qui est arrêté. « Il me reste au moins mon enfant ! » s’écrie Josepha qui s’évanouit non loin du berceau. Mais Rodolfo entre à pas de loup en murmurant : « Ô ma vengeance ! » Il fourre Saladin dans sa <references/>
L’Encyclopédie/1re édition/STRUTHIUM
Jaucourt L’Encyclopédie, 1re éd. 1751 (Tome 15, p. 548). ◄ STRUND-JAGER STRUTOPHAGES ► dictionaryL’Encyclopédie, 1re éd.Jaucourt1751VTome 15Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvuDiderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/1548 STRUTHIUM, s. m. (Hist. nat. Bot. anc.) nom donné par les Grecs à la plante que les Latins appelloient lanaria herba, à cause de son usage dans les manufactures de laine. Dioscoride, en parlant du struthium, se contente de dire que c’étoit une espece de chardon, ou de plante épineuse, dont la racine étoit large, longue, de la grosseur de deux ou trois doigts, & qui poussoit des feuilles armées de petits piquans. Quoique ce détail ne nous fasse point connoître la plante dont il parle, il suffit néanmoins pour nous prouver que ce n’étoit point celle que les Romains appelloient antirrhinum, & que nous nommons en françois muffle de veau. Il seroit trop long d’indiquer toutes les conjectures des modernes, pour découvrir cette plante dans les écrits des Arabes ; il paroît seulement qu’ils n’ont pas rencontré, en imaginant que le struthium des Grecs étoit le candisi de Sérapion & autres. (D. J.)
Mémoires de Louise Michel.djvu/22
sabots garnis de ''panoufles'' en peau de mouton. — Sur ces sabots-là, j’étais souvent assise, me blottissant presque dans la cendre avec les chiens et les chats. Il y avait une grande chienne d’Espagne, aux longs poils jaunes, et deux autres de la race des chiens de berger, répondant toutes trois au nom de ''Presta'' ; un chien noir et blanc qu’on appelait Médor, et une toute jeune, qu’on avait nommée la Biche en souvenir d’une vieille jument qui venait de mourir. On avait pleuré la Biche ; mon grand-père et moi nous lui avions enveloppé la tête d’une nappe blanche pour que la terre n’y touchât pas, au fond du grand trou où elle fut enterrée près de l’acacia du bastion. Les chattes s’appelaient toutes ''Galta'', les tigrées et les rousses. Les chats se nommaient tous Lion ou Raton ; il y en avait des légions. Parfois, du bout de la pincette, mon grand-père leur montrait un charbon allumé ; alors toute la bande fuyait pour revenir l’instant d’après à l’assaut du foyer. Autour de la table étaient ma mère, ma tante, mes grand’mères, l’une lisant tout haut, les autres tricotant ou cousant. <references/>
Dumas - La Reine Margot (1886).djvu/181
Catherine attendait en effet quelqu’un, comme elle l’avait dit à son fils. Un instant après qu’il fut sorti, une de ses femmes vint lui parler tout bas. La reine sourit, se leva, salua les personnes qui lui faisaient la cour et suivit la messagère. Le Florentin René, celui auquel le roi de Navarre, le soir même de la Saint-Barthélémy, avait fait un accueil si diplomatique, venait d’entrer dans son oratoire. — Ah ! c’est vous, René ! lui dit Catherine ; je vous attendais avec impatience. René s’inclina. — Vous avez reçu hier le petit mot que je vous ai écrit ? — J’ai eu cet honneur. — Avez-vous renouvelé, comme je vous le disais, l’épreuve de cet horoscope tiré par Ruggieri et qui s’accorde si bien avec cette prophétie de Nostradamus, qui dit que mes fils régneront tous trois ?... Depuis quelques jours, les choses sont bien modifiées, René, et j’ai pensé qu’il était possible que les destinées fussent devenues moins menaçantes. — Madame, répondit René en secouant la tête, Votre Majesté sait bien que les choses ne modifient pas la destinée ; c’est la destinée au contraire qui gouverne les choses. — Vous n’en avez pas moins renouvelé le sacrifice, n’est-ce pas ? — Oui, Madame, répondit René, car vous obéir est mon premier devoir. — Eh bien, le résultat ? — Est demeuré le même, Madame. — Quoi ! l’agneau noir a toujours poussé ses trois cris ? — Toujours, Madame. — Signe de trois morts cruelles dans ma famille ! murmura Catherine. — Hélas ! dit René. — Mais ensuite ? — Ensuite, Madame, il y avait dans ses entrailles cet étrange déplacement du foie que nous avons déjà remarqué dans les deux premiers et qui penchait en sens inverse. — Changement de dynastie. Toujours, toujours, toujours ! grommela Catherine. Il faudra cependant combattre cela, René ! continua-t-elle. <references/>
Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, tome 016, 1843.djvu/1499
{{nr||( 1487 )}}{{Table|nodots|page = <small>Pages</small>}} {{table | indentation=-2 | largeurp=45 | titre = M. ''Gerhardt''.|page={{pli|458|12}}}} <includeonly>{{Table|indentation=-2|largeurp=45|titre= {{sc|Sels}}. — Note sur les sels sulfo-végétaux ; par M. ''Gerhardt''.|page={{pli|458|12}}}}</includeonly> {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= — Les composés que forment, avec les acides, des oxydes de la formule générale M{{e|2}}{{lié}}O{{e|3}} doivent-ils être considérés comme des sels ou comme des aluns ? Note de M. ''Gaultier de Claubry''. | page={{pli|511|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= — Mémoire sur la solubilité des sels dans l’eau ; par M. ''Poggiale''. | page={{pli|1330|12}} et {{pli|1440|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|seps}}. — Sur l’espèce de sps que des anciens ont désignée par les noms d’''Acontias'' et de ''Jaculus'', et que les Arabes modernes nomment ''Zureig'' ; Lettre de M. ''Guyon''. | page={{pli|1011|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Singes}}. — Sur les singes américains composant les genres Nyctipithèque, Saïmiri et Callitriche. | page={{pli|1150|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= — Recherches sur la classification et les caractères des Primates, et spécialement des Singes ; par M. ''Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire''. | page={{pli|1236|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= — Sur la disposition de l’encéphale chez certains singes ; Lettre de M. ''Leuret'' à l’occasion du précédent Mémoire. {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= — Remarques sur la Lettre de M. Leuret'' ; par M. ''Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire''. | page={{pli|1374|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Solubilité}} ''des sels''. Voir au mot ''Sels''. | nodots}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Soufre}}. — M. ''Lamy'' demande qu’un dispositif qu’il a imaginé pour la fonte du soufre soit admis à concourir pour le prix fondé par M. de Montyon en faveur des découvertes ayant pour objet de rendre un art ou un métier moins insalubre. | page={{pli|1330|12}}}} {{Table|indentation=3| largeurp=45 | titre= Voir aussi à ''Sulfureux'' (''Composés''). | nodots}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Sourds-muets}}. — Mémoire ayant pour titre : « Examen des sourds-muets du département d’Eure-et-Loir, et remarques sur le développement de l’ouïe et de la parole chez une jeune fille de 11 ans » ; par M. ''Deleau''. | page={{pli|843|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Sous-cutanées (Sections)}}. — De l’innocuité de la ténotomie ; de ses causes et de ses rapports avec les plaies ordinaires et les lésions ou plaies sous-cutanées ; Mémoire de M. ''Sédillot''. {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Spectre solaire}}. — Considérations sur ces lunettes et sur le spectre solaire ; par M. ''Matthiessen''. | page={{pli|917|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Staphyloraphie}}. — M. ''Leroy d’Étiolles'' soumet au jugement de l’Académie un nouveau modèle d’instrument destiné à rendre plus rapide cette opération. | page={{pli|594|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Statistique}}. — Sur la statistique intellectuelle et morale de la France ; par M. ''Fayet''. | page={{pli|453|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Stilbène}}, nouveau carbure d’hydrogène obtenu par M. ''A. Laurent'' ; Mémoire sur la série stilbique. | page={{pli|856|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Strabisme}}. — Sur un nouveau procédé pour l’opération du strabisme ; Mémoire de M. ''Philippe''. | page={{pli|842|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= — L’auteur demande que ce Mémoire soit admis à concourir pour les prix de Médecine et de Chirurgie, fondation Montyon. {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Structure intime}} ''des organes''. Voir au mot ''Anatomie''. | nodots}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Sucre}}. — M. ''Pallas'' demande que ses Mémoires sur les différences des proportions de la matière sucrée dans les tiges du maïs suivant les diverses époques de la végétation, soient admis au concours pour le prix de Physiologie expérimentale. {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= — Sur l’application des propriétés optiques à l’analyse quantitative des mélanges liquides ou solides dans lesquels le sucre de canne cristallisable est associé à des sucres incristallisables ; Mémoire de M. ''Biot''. | page={{pli|619|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= — Procédé expéditif pour obtenir, au moyen des phénomènes de polarisation, l’analyse qualitative et quantitative des solutions sucrées ; Note de M. ''Clerget''. | page={{pli|1000|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Sulfamide}}. — Sur la combinaison d’acide sulfurique et d’ammoniaque anhydre qu’on a jusqu’ici désignée sous de nom ; Note de M. ''Jacquelain''. | page={{pli|1128|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Sulfureux (Composés)}}. — Recherches sur les composés oxygénés du soufre ; Mémoire de MM. ''Fordos'' et ''Gélis''. | page={{pli|1065|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= — De l’action de l’acide sulfureux sur les métaux ; Mémoire de MM. ''Fordos'' et ''Gélis''. | page={{pli|1069|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= — Mémoires sur l’analyse des composés sulfureux ; par M. ''Gerdy''. | page={{pli|25|12}} et {{pli|1074|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= — Moyen de déterminer isolément, par l’emploi du sulfhydromètre, la quantité du soufre des hyposulfites qui se trouvent réunis aux sulfures et à l’acide sulhydrique dans quelques eaux sulfureuses dégénérées au contact de l’air ; Mémoire de M. ''Dupasquier''. | page={{pli|1307|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Syncorines}}. — Sur un nouveau genre de Médusaire provenant de la métamorphose des Syncorines ; Note de M. ''F. Dujardin''. | page={{pli|1132|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Synthèse algébrique}}. — Mémoire sur la synthèse algébrique ; par M. ''Cauchy''. | page={{pli|867|12}}, {{pli|967|12}} et {{pli|1039|12}}}} {{Table|indentation=-2| largeurp=45 | titre= {{sc|Systèmes du monde}}. — Mémoire sur le système de l’univers ; par M. ''Tardy''. <references/>
Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/121
{{tiret2|bril|lante,}} il vit passer devant lui et se diriger du pont vers la forêt l’image vivante et mouvante d’Anne de Geierstein ! {{SDT}} {{interligne}} {{t3|{{t|LA PATROUILLE.|80}}|CHAPITRE X.}} {{interligne}} {{épigraphe|Nous ne savons pas quand le sommeil nous prend, quand le sommeil nous lâche. Des visions distinctes et parfaites passent devant nos yeux, lorsque nous dormons, qui nous semblent des réalités ; et même en marchant, certaines personnes ont vu des choses qui réduisaient à rien l’évidence des sens, et qui les laissaient bien persuadées qu’alors elles rêvaient.}} {{interligne}} L’apparition d’Anne de Geierstein passa devant son amant... devant son admirateur, devons-nous dire au moins... plus vite que nous ne l’avons raconté ; mais elle était distincte, parfaite, à ne pas s’y méprendre. À l’instant même où le jeune Anglais, triomphant de son tendre désespoir, levait la tête pour examiner l’espace de terrain qu’il devait surveiller, il la vit s’avancer de l’extrémité la plus proche du pont, traverser la route que suivait d’ordinaire la sentinelle, et se diriger d’un pas rapide, mais ferme, vers la lisière du bois. Il aurait été naturel qu’Arthur, bien qu’on l’eût averti de ne rien demander aux personnes qui sortaient du château, et de n’arrêter que celles qui voulaient s’y introduire, adressât néanmoins quelques mots, quelques mots seulement, ne fût-ce que par simple politesse, à la jeune fille qui passait ainsi devant son poste ; mais son apparition inattendue lui ôta pour l’instant et la parole et le mouvement ; il lui sembla que son imagination avait créé un fantôme présentant à ses sens troublés la forme et les traits de la personne qui occupait exclusivement son esprit, et il resta muet en partie au moins par crainte, pensant qu’il ne voyait qu’un être immatériel et non de ce monde. Il n’eût pas été moins naturel qu’Anne de Geierstein eût montré de quelque manière qu’elle reconnaissait un individu qui avait passé un temps considérable sous le même toit qu’elle, qui avait été souvent son cavalier à la danse, et le compagnon de ses courses ; mais elle ne manifesta pas le moindre signe de reconnaissance, ne regarda même pas de son côté en passant : ses yeux<section end="2"/> <references/>
Chauveau - Charles Guérin, roman de mœurs canadiennes, 1853.djvu/252
{{nr|242|CHARLES GUÉRIN.|}}la spoliation, dont un autre avait été victime, le rendait presque cruel. Charles sous son regard de feu, en présence de cet homme à la contenance ferme et décidée, aux larges et puissantes épaules, aux bras musculeux, sentait passer dans son âme des sentimens plus énergiques, une volonté plus inébranlable, une puissance d’actions plus grande que n’en comportait son propre caractère. Il avait confiance non seulement dans le dévouement de son ami, mais encore dans son énergie morale et physique : il lui semblait qu’avec lui il pouvait tout entreprendre. — J’aurais mal fait, continua celui-ci, de le tuer comme un chien. Il ne faut tuer personne, si chien qu’il soit. Mais quant à ce qui est d’enlever la belle Clorinde, c’est une autre affaire. Il me semble, pour peu qu’elle le veuille, que nous serons parfaitement dans notre droit. — Rapt de mineure ! observa Charles Guérin, simplement pour la forme. — Oui, rapt de mineure d’un côté, et spoliation des biens d’un mineur de l’autre côté. Ce sera la peine du talion. Oh ! pour cette affaire-là, j’en suis, et quand même je risquerais d’être un peu pendu, il faut que cela se fasse. As-tu un bon cheval à toi ? — Le meilleur de la paroisse. — As-tu quelque argent ? — À-peu-près trente louis. — Et vingt louis que j’ai apportés ; mais nous {{erratum|prendrons un du pays|prendrions un pays}} avec cela. Voici le plan. Il n’y a pas à y aller par quatre chemins. Tu vois Mlle. Wagnaër demain, tu as une explication avec elle ; si elle consent à être ton épouse et à partir avec nous, l’affaire est faite. Nous conviendrons d’une heure quelconque de la nuit. Nous louerons ou emprunterons quelque part un troisième cheval, et voilà que : nous filons par les concessions. Avant le jour nous aurons fait terriblement du chemin, sans que le vieux misérable s'en soit douté. <references/>
Hérodien - Histoire romaine, depuis la mort de Marc-Aurèle jusqu'à l'avénement de Gordien III (trad Léon Halévy), 1860.djvu/159
fût maître de se venger d’eux, par la mort de leurs enfants. V. Cependant, défaits près de Cyzique, les soldats de Niger tâchaient d’échapper au vainqueur par la plus prompte fuite. Les uns longeaient les montagnes de l’Arménie ; les autres traversaient en toute hâte la Cilicie et la Galatie pour franchir le mont Taurus et se retirer derrière ses retranchements. Quant à Sévère, il se dirigea avec son armée par le territoire de Cyzique vers la Bithynie, pays voisin. VI. Dès que la nouvelle de sa victoire se fut répandue, on vit éclater parmi les peuples et les différentes villes de ces contrées des troubles soudains et de violentes discordes, qui prirent naissance, moins dans les dispositions diverses des chefs, que dans l’envie et la jalousie que ces villes se portaient l’une à l’autre, rivalité funeste et qui cause la ruine des nations. Ce fut là l’ancienne maladie des Grecs, qui, toujours livrés à de mutuelles dissensions, désirant toujours renverser tout ce qui semblait dominer au milieu d’eux, ont peu à peu détruit leur patrie : accablée à la fois par la vieillesse et par des déchirements intérieurs, la Grèce devint une proie facile à l’invasion des Macédoniens, et plus tard au despotisme de Rome. Nous avons vu de notre temps ce fléau de la rivalité et de l’envie attaquer encore de florissantes cités. <references/>
Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/716
elles se retournent contre celui qui les a tentées. Le lendemain, M. Giolitti est devenu l’homme que tous ses amis abandonnent. Nous exagérons : quelques-uns lui sont restés fidèles, une trentaine à la Chambre et deux au Sénat. La majorité réunie par le gouvernement a été imposante. Le projet de loi par lequel il demandait des pleins pouvoirs pendant la durée de la guerre a réuni, en effet, à la Chambre 407 voix contre 74. Il faut comprendre dans ce dernier chiffre 43 socialistes, qui étaient d’avance irréductibles. Ce qui montre à quel point le gouvernement a voulu laisser entière la liberté de la Chambre, c’est que le vote a eu lieu au scrutin secret. Cette séance, dont la date restera une des plus importantes de l’histoire d’Italie, a eu lieu le 20 mai. Elle a été brève, mais très impressionnante et a fourni sur les négociations antérieures et sur la situation présente les renseignemens les plus précieux. Le gouvernement n’a rien caché, rien dissimulé de sa politique et jamais assemblée parlementaire n’a été mise mieux à même de voter en pleine connaissance de cause. C’est donc bien la volonté de l’Italie qui s’est exprimée ce jour-là. La Déclaration faite à la tribune par M. Salandra a été simple, grave, et d’une loyauté parfaite. Le président du Conseil a commencé par rappeler que, « depuis sa résurrection à l’unité d’État, l’Italie s’est affirmée parmi les nations comme un facteur de modération, de concorde et de paix. » Ce n’est pas qu’elle n’ait eu à subir des épreuves nombreuses et pénibles qui, plus d’une fois, auraient pu justifier de sa part une conduite différente. La Déclaration de M. Salandra nous aurait appris, si nous ne l’avions pas su, que le ménage de l’Italie et de l’Autriche a été fort loin d’être heureux. La plainte de l’Italie s’élève aujourd’hui devant le monde auquel elle n’a plus rien à cacher, et on se rend compte combien était exact et vrai le mot du comte Nigra à M. de Bülow : « L’Italie ne peut être qu’alliée ou ennemie de l’Autriche. » L’alliance était à la fois un frein et un bâillon : il fallait supporter beaucoup et se taire. « Étant donné la noblesse du but, dit M. Salandra, l’Italie a non seulement toléré le manque de sécurité de ses frontières, elle a non seulement subordonné à ce but ses aspirations nationales les plus sacrées, mais encore elle a dû assister avec douleur aux tentatives pratiquées méthodiquement pour supprimer ces caractères d’''italianité'' que la nature et l’histoire avaient imprimés de façon ineffaçable sur des régions généreuses. » On voit combien de revendications et de griefs s’accumulaient sourdement dans l’âme italienne, et il faut convenir que l’Autriche, se sentant, se croyant doublement forte de <references/>
Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/955
l’autre. » Tel est à peu près le sens de ce jugement, que nous citons de mémoire ; c’est celui d’un maître. On injurierait volontiers Sterne au moment même où on ne peut s’empêcher d’admirer l’art extraordinaire avec lequel sont filées ses histoires et ses dissertations scabreuses, A chaque instant, on le surprend disant ou insinuant de telles choses qu’on a envie de lui appliquer certaine plaisante aventure du ''Voyage sentimental'' et de lui crier comme les spectateurs du parterre de l’Opéra-Comique : « Haut les mains, monsieur l’abbé ! » Mais quelle finesse incomparable ! Jamais Mignon n’exécuta sa danse des œufs avec une adresse pareille à celle de Sterne exécutant ses cabrioles au milieu de toute sorte de sujets défendus. Un rideau qu’un vent léger ouvre et referme, une libellule rasant la surface de l’eau, un écureuil parcourant une forêt sur les cimes qu’il effleure à peine de ses bonds, un chat se promenant sans rien casser au milieu d’un encombrement de porcelaines, fournissent des comparaisons à peine suffisantes pour rendre l’incroyable légèreté du talent de Sterne. Vous rappelez-vous le conté de Slawkenbergius, l’histoire de la béguine des Flandres, le conciliabule de Phutatorius, Gastripheres et compagnie, l’anecdote de la fille de chambre aux ''égaremens de l’esprit et du cœur'' dans le ''Voyage sentimental'', et tant d’autres épisodes qu’on pourrait appeler les chefs-d’œuvre de l’équivoque ? Sterne est roi dans cet art du double-entendu et du sous-entendu. Les dons de Dieu sont là, employés, il est vrai, à une tâche que le diable n’aurait garde de désavouer, mais ils sont bien là. Ce mérite reconnu, nous nous permettrons de dire, en dépit de M. Fitzgerald, que cette forme de plaisanterie accuse chez celui qui l’employa une dépravation réelle. Il n’y a pas de génie qui tienne, on ne badine pas ainsi. le cynisme au moins a la franchise du courage ; mais la plaisanterie de Sterne est comme honteuse d’elle-même et recule devant les conséquences du but qu’elle poursuit : il y entre de l’hypocrisie autant que de la malice. On peut dire qu’une certaine pusillanimité malfaisante est l’âme d’un pareil badinage, car ce qu’il veut, c’est vous scandaliser sans vous donner le droit de vous plaindre. Il nous semble aussi à certains momens porter je ne sais quel caractère sinistre qui nous rappelle les joueurs d’orgue de l’attentat Fualdès ; on croit entendre sous cette musique fantasque les cris d’une victime qu’on égorge, et en effet il y a une victime égorgée, la décence. Ceux qui accusent Sterne à outrance et ceux qui l’excusent tout à, fait se trompent également. Les juges trop sévères, comme Thackeray, oublient que celui qu’ils condamnent fut, non un homme, mais un enfant, et les juges trop indulgens oublient que cet enfant n’eut jamais les attributs de l’enfance, l’innocence et la candeur. Il y a <references/>
Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/59
{{t3|{{séparateur|2}}|'''CES DEMOISELLES LEBAUDRU'''|m=2em}} Aux fenêtres et au seuil des boutiques qui bordent la rue principale, des gens se dirent : — Il est deux heures, voilà ces demoiselles Lebaudru qui font leur petit tour. Elles passaient en effet, l’une trottinant sur les talons de l’autre et la première se retournant à toute minute pour adresser à la seconde quelques mots affectueux. À vingt ans Angélique Lebaudru perdait son père et sa mère, aubergistes à Saint-Romain. De petites rentes lui permirent de louer une maison au centre du bourg et d’y vivre à sa guise. Par suite de circonstances diverses, elle ne se maria point. Élevée dans un couvent, elle se montrait fort difficile. Ceux qui la demandèrent lui déplurent. D’autres qu’elle eût acceptés ne songèrent pas à elle. L’âge vint. Déjà laide, elle se flétrit. Son corps se dessécha. Sa timidité l’empêchait d’étendre ses relations. Sauf le curé et deux ou trois vieux amis, elle ne voyait personne. Ainsi nulle joie ne lui échut. Elle s’ennuyait sans le savoir et marchait vers la vieillesse, vers la mort, sans se douter qu’il est d’autres plaisirs que de faire l’aumône et d’autres chagrins que de pleurer le supplice du Seigneur. <references/>
Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/214
désespérante lenteur. L’indolence de leur attitude irrite l’impatience du voyageur. Les mains derrière le dos, ils semblent des promeneurs peu pressés qui flânent sur le bord du Nil. Cependant ces jours de retard ont eux-mêmes leur charme, Il y a plaisir à se sentir glisser sur ce vaste et paisible fleuve sous ce ciel immense et calme, comme dans une gondole sur une lagune. L’aspect des bords du Nil est peu varié. Cependant le regard rêveur trouve toujours quelque objet qui l’arrête : c’est une file de chameaux qui se dessinent sur le ciel et nous donnent le plaisir de penser qu’ils avancent encore plus lentement que nous ; c’est un petit village qui se montre au détour du fleuve ; c’est un couvent copte dans la solitude ; ce sont quelques barques qui descendent ou traversent le Nil ; c’est un oiseau qui perche sur notre mât ou sautille sur le rivage, nous offrant parfois un hiéroglyphe vivant. Tous les bruits naturels plaisent dans le silence. L’aboiement lointain des chiens, le cri du coq, mêlent les souvenirs de la vie rustique à l’impression d’un calme en pleine mer ; les chants, tantôt languissans, tantôt précipités, des matelots bercent la rêverie ou la réveillent agréablement. On arrive ainsi sans ennui du lever au coucher du soleil, ces deux fêtes splendides que nous donne chaque jour la nature. Les barques, séparées par l’inégalité de leur marche, se rejoignent d’ordinaire avant la nuit. On est heureux de se retrouver, on dîne gaiement, on cause le soir comme à Paris. Après s’être dit adieu jusqu’au lendemain, on regarde un moment les constellations radieuses, dont la place a déjà changé sensiblement depuis notre départ de France. L’étoile polaire s’est abaissée ; le ciel a, comme la terre, un aspect étranger. Rien ne saurait donner une idée de l’éclat des étoiles qui sont sur nos têtes ; on dirait des gouttes d’argent fondu ruisselant dans l’ombre. Les astres ne sont pas collés au firmament, mais semblent suspendus dans l’éther nocturne. Je craignais la longueur de ces journées du Nil ; je sens maintenant qu’il faudra que l’habitude m’ait blasé un peu sur leur charme pour pouvoir consacrer au travail leurs heures rapides. J’aime le Nil, je m’attache à ce fleuve qui me porte et que j’habite comme on s’attache à son cheval et à sa maison. Tout ce qui concerne la nature, l’histoire, les débordemens réguliers, la source inconnue du Nil, m’intéresse vivement. Aucun fleuve n’a une monographie aussi curieuse. Esquissons-la brièvement. Presque tous les noms que le Nil a reçus à différentes époques expriment l’idée de noir ou de bleu,<ref>Les Grecs l’appelaient Mélas (noir), les Hébreux Shior, ce qui a le même sens. Un ancien nom copte du Nil, Amrhiri, veut dire noir. On sait qu’un des affluens supérieurs du Nil s’appelle en arabe Bahr-et-Azrek (le fleuve bleu). Le mot ''neilos'' lui-même ressemble au mot sanscrit ''nilus'' (bleu ou noir), d’où le persan ''nil'', qui est le nom de l’indigo. Comment cette dénomination indienne ou persane aurait-elle été donnée à un fleuve d’Égypte et serait-elle arrivée en Grèce avant le temps d’Hésiode, chez lequel le mot ''neilos'' se trouve déjà ? La réponse est embarrassante, j’en conviens. Je ne puis admettre, avec M. Jacquet, que ce soit par la domination des Perses, car cette domination est postérieure à Hésiode ; mais j’ai peine à croire qu’il n’y ait là qu’une ressemblance fortuite de nom.</ref> deux couleurs que, dans différentes <references/>
Bulwer-Lytton - Ernest Maltravers.pdf/187
Vers le point du jour, Alice s’endormit d’un sommeil profond et réparateur ; et lorsque, en s’éveillant, elle apprit par un mot que lui écrivit son hôte, que son père était parti et qu’elle pouvait rentrer chez elle en sûreté et sans crainte, une violente crise de larmes, suivie d’une longue prière pleine de reconnaissance, contribua à calmer son esprit et ses nerfs. Quelque imparfaite que fût la connaissance du bien et du mal chez cette jeune femme, elle comprenait pourtant les droits qu’un père (quelque criminel qu’il soit) a sur son enfant, car ses sentiments étaient si vrais et si justes qu’ils suppléaient en elle à l’absence de principes. Elle savait qu’elle ne pouvait vivre sous le même toit que ce terrible père ; mais pourtant elle éprouvait une espèce de remords à penser qu’il eût été chassé de ce toit dans l’indigence et le besoin. Elle se hâta de s’habiller et de demander une entrevue à son protecteur. Celui-ci apprit avec admiration et plaisir qu’il n’avait fait que devancer le projet spontané et instinctif d’Alice, en accordant une pension à Darvil. Il lui fit part alors de l’arrangement qu’il avait fait avec son père ; elle pleura en lui baisant la main, et résolut secrètement de travailler courageusement afin d’augmenter la somme. Ah ! si par son travail elle pouvait affranchir son père de la nécessité de chercher des ressources plus coupables ! Hélas ! quand le crime s’est érigé en habitude, c’est comme le jeu ou la boisson, c’est un stimulant qui devient nécessaire. Si Luc Darvil eût hérité de l’opulence d’un Rothschild, il n’en serait pas moins resté un franc coquin d’une façon ou d’une autre ; ou bien l’ennui aurait réveillé sa conscience, et le changement d’habitudes l’aurait tué. La beauté morale d’Alice faisait toujours plus d’impression sur notre banquier que sa beauté physique. Par exemple, son amour pour son enfant le touchait profondément, et il la contemplait toujours d’un regard plus doux quand il la voyait caresser ou soigner la petite créature privée de père, dont la santé était maintenant faible et précaire. Il est difficile de dire s’il était positivement amoureux d’Alice ; ce mot est trop fort peut-être pour l’appliquer à un homme qui avait passé la cinquantaine, et qui avait traversé trop d’émotions et d’épreuves pour avoir pu conserver la jeunesse du cœur. En somme, ses sentiments vis-à-vis d’Alice, les projets qu’il nourrissait à son égard, étaient très-compliqués dans leur nature, et le lecteur sera peut-être très-longtemps avant de les comprendre parfaitement. Il reconduisit Alice chez elle ce jour-là, mais il parla <references/>
Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/261
{{tiret2|combat|tant}} les Impériaux (1638). Son corps ayant été embaumé fut porté à Genève, suivant sa volonté dernière, et sa veuve (Marguerite de Béthune, fille de l’illustre Sully) lui éleva ce mausolée, comme il est dit dans l’épitaphe latine qui est fort longue et résume la vie et la mort également glorieuses du prince : {{citation|Posvit infelix æternvm æterni lvetvs monvmentvm.}} Plus tard, les restes mortels de Tancrède, fils putatif du prince, exhumés de Charenton, vinrent prendre place dans ce tombeau, qui, au dire de Spon, reçut aussi la duchesse de Rohan le 3 janvier 1661. Le mausolée fut enlevé à l’époque de la Terreur par ordre du gouvernement de Paris, mais depuis on l’a rétabli tel qu’il était avant l’occupation française. Rohan fit du bien à la ville, qui lui doit la superbe promenade du mail de Plainpalais. Ce prince n’était pas seulement un général de la plus haute distinction, mais aussi un écrivain ; il a laissé des mémoires et divers autres ouvrages. J’ai encore remarqué contre un mur l’épitaphe latine, en style baroque, d’un autre Français, d’un autre réfugié protestant, d’un autre ami de Henri IV, de Théodore Agrippa d’Aubigné. Cette inscription tumulaire, composée par le défunt lui-même, est une espèce de leçon publique et {{tiret|perma|nente}} <references/>
Delarue-Mardrus - Rouen, 1935.pdf/22
{{nr|22|{{sc|Rouen}}}}Pont-à-Dame-Renaude, la rue du Pas-de-Gaud, la rue Malpalu, la rue du Ruissel, la rue du Roi-Priant, la rue du Haut-Mariage, la rue du Petit-Salut, la rue des Fossés-Louis-{{rom-maj|VIII|8}}, sans parler de bien d’autres, on sent vivre le Moyen-Âge, parfois même sous des locutions toutes normandes comme la rue (car c’est son vrai nom) ''du'' Gros-Horloge ou la rue du Cat-Rouge. Certaines évoquent des passés encore plus lointains : rue de l’Ancienne-Romaine, impasse Romulus, rue Rollon. Ou bien ce sont de grandes et petites gloires locales ou françaises. De Corneille à Albert Sorel, de Guillaume le Conquérant à Victor Hugo, personne n’est oublié. Une manière de toute petite épitaphe, inscrite sous les noms de ces personnages illustres, réserve quelques surprises : Rue Racine (poète, 1629-1699) et rue Louis-Thubeuf (adjoint au maire de Rouen, 1807-1871) ; rue Molière (poète comique) et rue Marie-Aroux (bienfaitrice des écoles). La rue de La Rochefoucauld ne désigne pas l’auteur des maximes, mais un cardinal rouennais ; la rue Flaubert n’honore pas Gustave mais Achille, chirurgien des hôpitaux de Rouen. <references/>
Duras - Ourika et Édouard, I.djvu/67
{{nr||{{t|ÉDOUARD.|90}}|63}}des buis, ornée de quelques fleurs, et d’où l’on avait la vue de la forge, des montagnes et de la rivière. Il n’y avait point là de village. Il était situé à un quart de lieue plus haut, sur le bord du torrent, et chaque matin la population, qui travaillait aux forges presque tout entière, passait sous la plate-forme en se rendant aux travaux. Les visages noirs et enfumés des habitants, leurs vêtements en lambeaux, faisaient un triste contraste avec leur vive gaîté, leurs chants, leurs danses, et leurs chapeaux ornés de rubans. Cette forge était pour moi à la campagne ce qu’était à Lyon la petite pointe de sable et le cours majestueux du Rhône : le mouvement me jetait dans les mêmes rêveries que le repos. Le soir, quand la nuit était sombre, on ne pouvait m’arracher de la plate-forme ; la forge était alors dans toute sa beauté ; les torrents de feu qui s’échappaient de ses fourneaux éclairaient ce seul point d’une lumière rouge, sur laquelle tous les objets se dessinaient comme des spectres ; les ouvriers, dans l’activité de leurs travaux, armés de leurs grands pieux aigus, ressemblaient aux démons de cette espèce d’enfer ; des ruisseaux d’un feu liquide coulaient au dehors ; des fantômes noirs coupaient ce feu, et en emportaient des morceaux au bout de leur baguette magique, et bientôt le feu lui-même prenait entre leurs mains une nouvelle forme. La variété des attitudes, l’éclat de <references/>
Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/350
{{tiret2|propor|tions}}, sur le parcours perforant dévolu à telle fusée plus ou moins directe. Une fusée issue d’une sixième fiole réalisa dans le linge un ''point de chausson'', en rappelant, par ses prodigieux zigzags, ces folles élucubrations pyrotechniques déroutantes par leurs chaotiques montées largement oscillatoires effectuées dans les airs parmi les détonations. Toutes les fusées, d’ailleurs, ressemblaient, en extrême réduction, à certaines pièces d’artifice compliquées, génératrices de courbes multiples, de spires ou de lignes brisées. L’instantanéité de chaque couture montrait l’excellence écrasante de cette méthode, qui eût permis à une ouvrière de centupler la besogne quotidienne obtenue avec la meilleure machine à coudre.<br/><br/> Après avoir poursuivi un moment son travail en recourant aux six mêmes flacons, Lucius, pris de lassitude, s’arrêta devant la tige blanche maintenant très raccourcie. En se tournant par hasard, il sembla nous apercevoir pour la première fois et, s’approchant, dit à travers la grille ce seul mot : <references/>
Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/306
Juste ciel ! S’est écrié Solmes, avec cent différentes contorsions de corps et de visage, quelle interprétation, mademoiselle, vous avez la cruauté de donner à mes sentimens ! Une interprétation juste, monsieur ; car celui qui peut voir et approuver qu’une personne pour laquelle il s’attribue quelques sentimens d’estime soit aussi mal traitée que je le suis, doit être capable de la traiter de même : et faut-il d’autre preuve de votre approbation, que votre persévérance déclarée, lorsque vous savez si bien que je ne suis bannie, renfermée, accablée d’insultes, que dans la vue de m’arracher un consentement que je ne donnerai jamais ? Pardon, monsieur, (en me tournant vers mon oncle) je dois un respect infini au frère de mon père. Je vous demande pardon de ne pouvoir vous obéir. Mais mon frère n’est que mon frère. Il n’obtiendra rien de moi par la contrainte. Tant d’agitation m’avait jetée dans un extrême désordre. Ils commençaient à garder le silence autour de moi ; et se promenant par intervalles, dans un désordre aussi grand que le mien, ils paroissaient se dire, par leurs regards, qu’ils avoient besoin de se trouver ensemble pour tenir un nouveau conseil. Je me suis assise en me servant de mon éventail. Le hasard m’ayant placée devant une glace, j’ai remarqué que la couleur me revenait et m’abandonnait successivement. Je me sentais foible ; et dans la crainte de m’évanouir, j’ai sonné, pour demander un verre d’eau. Betty est venue. Je me suis fait apporter de l’eau, et j’en ai bu un plein verre. Personne ne semblait tourner son attention sur moi. J’ai entendu mon frère qui disait à Solmes : artifice, artifice : ce qui l’a peut-être empêché de s’approcher de moi, outre la crainte de n’être pas bien reçu. D’ailleurs, j’ai cru m’appercevoir qu’il était plus touché de ma situation que mon frère. Cependant ne me trouvant pas beaucoup mieux, je me suis levée ; j’ai pris le bras de Betty : soutenez-moi, lui ai-je dit ; et d’un pas chancelant, qui ne m’a point empêchée de faire une révérence à mon oncle, je me suis avancée vers la porte. Mon oncle m’a demandé où j’allois. " nous n’avons pas fini avec vous. Ne sortez pas. M Solmes a des informations à vous donner, qui vous surprendront, et vous n’éviterez pas de les entendre. " j’ai besoin, monsieur, de prendre l’air pendant quelques minutes. Je reviendrai, si vous l’ordonnez. Il n’y a rien que je refuse d’entendre. Je me flatte que c’est une fois pour toutes. Sortez avec moi, Betty. Ainsi, sans recevoir d’autre défense, je me suis retirée au jardin ; et là, me jetant sur le premier siège et me couvrant le visage du tablier de Betty, la tête appuyée sur elle, et mes mains entre les siennes, j’ai donné passage à la violence de ma douleur, par mes larmes : ce qui m’a peut-être sauvé la vie ; car je me suis sentie aussitôt soulagée. Je vous ai parlé tant de fois de l’impertinence de Betty, qu’il est inutile de vous fatiguer par de nouveaux exemples. Toute ma tristesse ne l’a point empêchée de prendre de grandes libertés avec moi, lorsqu’elle m’a vue un peu remise, et assez forte pour m’enfoncer plus avant dans le jardin. J’ai été obligée de lui imposer silence par un ordre absolu. Elle s’est tenue alors derrière moi de fort mauvaise humeur, comme j’en ai jugé par ses murmures. <references/>
Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/386
les emprunts. Contrairement à ce qu’on avait espéré au début, l’accroissement des recettes publiques, tout considérable qu’il fût, ne suivit point une marche aussi rapide que les emprunts ; et le résultat du programme dangereux par lequel on avait voulu séduire le corps électoral fut l’accroissement prodigieusement prompt de la dette flottante. C’est là le point délicat de notre situation financière : il ne faut pas en exagérer, mais il faut encore moins en dissimuler le caractère alarmant. Avec notre organisation financière, qui donne prise à plus d’une critique, l’existence d’une dette flottante est inévitable. Le trésor, aux termes de lois impératives et à raison de la tutelle exercée par le ministère de l’intérieur, est tenu de recevoir dans les caisses publiques les fonds des départemens, des communes, des administrations hospitalières et autres êtres moraux. En outre, il exige et il reçoit des cautionnemens de tous les agens comptables, des officiers ministériels, et des entrepreneurs ou fournisseurs qui contractent avec l’état. Comme il sert pour tous ces fonds un intérêt déterminé par la loi, il ne peut les laisser inactifs et improductifs ; il les applique donc à des paiemens pour lesquels il serait obligé de se procurer de l’argent par voie d’emprunt. Le gouvernement, en effet, a besoin d’un fonds de roulement, absolument comme une grande maison de commerce ou d’industrie ; il a à payer, dès les mois de janvier et de février, des arrérages de rentes, des créances et des salaires à l’acquittement desquels les rentrées quotidiennes des impôts indirects ne suffiraient pas ; et c’est à peine s’il reçoit à la fin de mars les premiers versemens sur les contributions directes. Il applique à ces paiemens les fonds dont il est le détenteur obligatoire ainsi que ceux qu’il se procure par l’émission de bons du trésor, et ceux qu’il reçoit des déposans des caisses d’épargne. Non-seulement la dette flottante est inévitable, mais elle est destinée à s’accroître et elle s’est accrue effectivement avec la progression des encaissemens que le trésor opère pour le compte des départemens et des communes, soit que cette progression provienne du développement de leurs revenus propres, soit, ce qui est presque toujours le cas, de l’accroissement de leurs charges. Elle oscillait entre 150 et 200 millions sous la restauration ; elle était montée à 600 millions dans les dernières années de la monarchie de juillet : le chiffre le plus élevé qu’elle ait atteint sous l’empire a été 839 millions, chiffre de 1865, et l’on fit un emprunt pour la réduire. M. Thiers, quand il était dans l’opposition, avait l’habitude de déclarer qu’on ne pouvait sans déroger à la prudence la laisser monter au-dessus de 500 millions : que dirait-il aujourd’hui avec une moyenne voisine de 2 milliards ! Si on veut se tenir en dehors de toute exagération, ou reconnaîtra qu’avec un budget de 3 milliards <references/>
Deherme - Le nombre et l’opinion publique.djvu/242
222 LE NOMBRE ET l'OPINION PUBLIQUE tiquer mais pour concourir, non pour exiger une part confuse au gouvernement, mais pour le consolider, l'améliorer en le sanction- nant moralement. Ce sera d'autant plus facile que les pou- voirs seront plus concentrés, plus personnels, plus indépendants. Dans la phraséologie ré- volutionnaire, le « pouvoir personnel » n'est jamais assez réprouvé. C'est pourtant le seul qui soit responsable, qui se puisse sanction- ner et régler. La pire tyrannie est celle des syndicats d'affaires, des partis, qui reste ano- nyme, insaisissable. Elle est sans limite. Le « pouvoir personnel », au contraire, n'est jamais absolu. 11 ne convient de se préoccu- per du meilleur exercice possible des pou- voirs qu'après s'être assuré d'un exercice quelconque. Les Français ne sauraient ignorer mainte- nant qu'une direction et une administration sont indispensables dans toute entreprise col- lective. 11 faut qu'ils apprennent aussi qu'une société ne vit que par un constant effort po- <references/>
Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 5.djvu/646
sujet à se froisser sous l’aile de l’oiseau. M. Dagron eut bientôt l’idée, au lieu de tirer sur du papier ordinaire l’image photographique ainsi réduite, de la tirer sur une espèce de membrane assez semblable à la gélatine, c’est-à-dire sur une lame de collodion. Les petites feuilles de collodion contenant les dépêches microscopiques étaient roulées sur elles-mêmes, et placées dans un tuyau de plume, que l’on attachait à la queue du pigeon. L’extrême légèreté des feuilles de collodion, leur souplesse et leur imperméabilité, les rendaient propres à cet usage. Dans un seul tuyau de plume on pouvait placer vingt de ces feuilles. Inutile de dire que les dépêches microscopiques étant une fois parvenues à destination, grâce aux messagers aériens, on les amplifiait, à l’aide d’une lentille grossissante, c’est-à-dire d’une sorte de lanterne magique, et on en envoyait copie aux destinataires. J’ai eu sous les yeux une collection de ces petites cartes de collodion contenant des dépêches microscopiques, curieux souvenir du siège de Paris, que M. Dagron avait bien voulu me donner. En les plaçant sous un microscope, je lisais des pages entières, formant la longueur d’un grand journal. Tout cela tenait sur un morceau de carte grand comme l’ongle ! {{brn|0.5}} On vient de voir que c’est à Paris que cette ingénieuse et précieuse idée avait été mise en pratique par M. Dagron. Il est juste d’ajouter qu’à Tours on avait, avec un succès complet, commencé à produire des dépêches toutes semblables, qui avaient été expédiées à Paris, par pigeons. Un photographe de Tours, M. Blaise, s’était chargé de cette difficile entreprise. Guidé par un chimiste de Paris, d’une rare habileté, Barreswil (qui devait, peu de temps après, succomber à ses fatigues), M. Blaise avait installé dans ses ateliers la préparation des dépêches microscopiques. Pendant qu’il poursuivait le cours de ses opérations, M. Dagron arriva de Paris, chargé par le gouvernement d’installer à Tours ce même service. Il était parti en ballon, et sa traversée aérienne avait été accidentée par mille périls. Heureusement, il avait pu sauver ses appareils. Dès son arrivée à Tours, M. Dagron prit la direction de la préparation des dépêches microscopiques par son procédé à la membrane collodionnée, et il remplaça M. Blaise pour le service des dépêches du gouvernement. M. Blaise exécutait sur papier la dépêche microscopique ; le procédé de M. Dagron, consistant à faire ce tirage en une pellicule de collodion, était plus avantageux. Aussi fut-il préféré et, dès l’arrivée de M. Dagron à Tours, on substitua le tirage sur la pellicule de collodion au tirage sur papier. M. Dagron, dans une brochure publiée à Tours, sous ce titre ''La poste par pigeons voyageurs'', a rendu compte, en ces termes, de l’établissement de la photographie microscopique à Tours : {{brn|0.5}} {{t|« Arrivés le 21 novembre à Tours, dit M. Dagron, nous nous présentons immédiatement chez M. Gambetta. M. Fernique, qui avait pu gagner Tours avant nous, y fut mandé aussitôt. Nous fimes prendre connaissance de notre traité du 10 novembre avec M. Rampont, directeur général des postes, signé par M. Picard, ministre des finances. La délégation, sur les avis de M. Barreswil, l’éminent chimiste, avait eu aussi l’idée de réduire les dépêches photographiquement, par les procédés ordinaires. Dans cette vue, la délégation avait décrété, le 4 novembre, l’organisation d’un service analogue.|80}} {{t|« Un habile photographe de Tours, M. Blaise, avait commencé ce travail sur papier. Il reproduisait deux pages d’imprimerie sur chaque côté de la feuille. Mais, en dehors de l’inconvénient du poids, la finesse du texte était limitée par le grain et la pâte du papier. Le service par pigeons commencé à Tours par la délégation laissait encore à désirer, puisque un spécimen de ma photomicroscopie sur pellicule, l’exemplaire que je produisis, fut trouvé tout à fait satisfaisant, et la photographie sur papier fut abandonnée pour les|80}} <references/>
Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/312
La poussière du chemin vola sous les roues comme un nuage, et la voiture disparut bientôt au milieu des premières maisons du village. <br /><br /> {{T3|VIII}} <br /> Un jour que j’errais en pleine solitude à travers la bruyère, recueillant dans mon âme les poétiques impressions de cette sauvage et calme nature, un orage se forma soudain à l’horizon. C’est un spectacle merveilleux et souvent formidable, que celui qui s’offre au regard lorsqu’on se trouve dans une vaste plaine par un ardent jour d’été, et que les vapeurs chargées de la foudre montent vers l’immense coupole du ciel et s’y condensent lentement en sombres et orageuses nuées. On dirait qu’une mortelle angoisse s’empare subitement de la nature entière ; le soleil pâlit et ne jette plus qu’une faible lumière ; l’air devient lourd ; suffocant ; et comprime la poitrine ; les animaux fuient et cherchent avec inquiétude une retraite ; les abeilles fendent l’espace comme la flèche pour regagner leurs ruches ; le feuillage est immobile, le vent retient son haleine ; les plus humbles plantes ferment leurs calices et reploient leurs feuilles ; tout attend dans un silence effrayant et solennel... Un indéfinissable sentiment, où se confondent l’anxiété et le respect, serre le cœur du poëte ; au milieu de la terreur universelle il se réjouit dans son âme qu’il lui soit donné de contempler dans toute sa majesté ce terrible et magnifique spectacle de la nature !<section end="s2"/> <references/>
La Revue blanche, t29, 1902.djvu/567
Il ressentait de furibondes envies de lui parler, mais bien que le père Ramos fût peu estimé, car on prêtait à sa fortune les origines les moins honorables, il était certain que sa fille eût été médiocrement flattée des hommages d’un señorito d’élégance douteuse et d’avenir aléatoire..... Oui, après tout, il n’était pas si tard et les mules marchaient bon train : il y avait encore de l’espoir : Le soleil ne se coucherait pas avant une heure et demie — et l’on dépassait déjà la Farola. Des maisonnettes blanches ou jaunâtres filaient sur le côté de la route, dont l’autre bord dominait de plus en plus de deux cents mètres l’Océan bleu pailleté d’éclats de topaze. Là-haut, sur la montagne rougeâtre et rousse, s’étageaient des palmiers, des vignes, de petits bois sombres de lauriers et de brezos. En bas, quelques voiles neigeuses mouchetaient l’eau éclatante. Au loin, deux longues et hautes crêtes de l’île de la Palma s’estompaient d’indigo sur l’horizon clair. À un coude de la grand’route, toute la vallée de La Orotava apparut comme une immense coupe à moitié pleine d’une mousse verte de végétation veloutée d’où émergeaient les deux noires montañetas volcaniques de Chaves et de Las Arenas, la première piquetée de grains de chaux qui étaient des villages ; des ruisseaux et des bassins miroitaient dans la verdure où s’éparpillait un semis de petites maisons multicolores pareilles à des touffes de fleurs. Sur une pente glissait l’éboulis crayeux des maisons de La Villa. Dépassant les puissants éperons et les cimes de sierras sombres, le pic de Teyde semblait une énorme tente brune et fauve, frottée de poudre d’or et juchée en plein ciel. Du parapet de la route à la plage lointaine fluaient, roulaient, paraissaient bondir comme des torrents d’émeraude les masses vertes et luisantes des plantations de bananiers nains. Mais comme on allait vite ! C’était déjà le Ramal <ref>Croisement-de routes.</ref> de La Villa et — tout de suite après — La Palmita, une grande quinta <ref>Maison de campagne.</ref> au frais revêtement de bois ajouré, perdue dans les odorants massifs diaprés et chantante de volières ! La Carretera, maintenant, avait l’air d’une large allée de parc toute bordée de géraniums rouges poussant à l’état sauvage, d’hibiscus à calices sanglants comme des gueules de fabuleux serpents d’où seraient sortis de minces dards en chenille jaune soyeuse, de cobocas bleu pâle, d’arbustes résineux à fleurs violettes, de flamboyants de feu et de <references/>
Barbara - L’Assassinat du Pont-Rouge, 1859.djvu/151
J’eus la pensée de retourner sur mes pas... Dans ma courte halte, le pont cessa de vaciller. Retenant mon souffle, j’avançai alors doucement, mais si doucement que le pont n’oscillait plus ; je parvins ainsi jusqu’à l’endroit où le pied de la balustrade est tangent à la courbe des chaînes en fer. Là, je m’arrêtai ; puis, je prêtai l’oreille. Des fantômes dansaient dans mes yeux ; une harmonie infernale emplissait ma tête. Il me tardait d’avoir fini. J’élevai le corps à hauteur d’homme, je le tins suspendu quelques secondes au-dessus du fleuve, puis je l’y laissai choir. Un bruit sourd retentit ; des éclaboussures jaillirent à droite, à gauche, en avant, en arrière. Ce fut tout. En même temps, je devenais un autre homme. Je sentais au dedans de moi-même renaître une assurance imperturbable ; ma poitrine n’était déjà plus assez large pour contenir la volupté qui l’envahissait ; je me considérais intérieurement avec orgueil, et croisant les bras, je regardais le ciel noir d’un air de défi et de dédain suprême. « Mais que cette exaltation était vaine et qu’il fallait peu de chose pour l’éteindre ! Cette nuit même, comme je poussais notre porte, que j’avais recommandé à Rosalie de laisser entr’ouverte, j’éprouvai une résistance imprévue. Par l’entre-bâillement, j’appelai Rosalie à voix basse. Point de réponse. Étouffant d’inquiétude, je réunis toutes <references/>
Wilson - Voyage autour du monde, 1923.djvu/350
doigts de pieds en sont tout garnis ; les femmes sont pour la plupart presque nues de la tête aux hanches. Une brassière retient la poitrine dont on voit le dessous. Comme la mode varie selon les pays ! Chez nous, le grand chic consiste à laisser voir le dessus de la poitrine, ici c’est le dessous ; à Java et en Birmanie c’est... le tout. Vous n’avez pas à récriminer ; c’est la mode... qui fait loi. ''23 mars'' — Nous sommes arrivés, hier soir, près d’une heure en retard. C’est un record pour les chemins de fer indiens qui sont d’une lenteur désespérante. Installation à l’hôtel ''Jeypour'', tenu par un Perse, un ''Parsi'', pour employer le mot consacré. Nous y retrouvons le ''tub'', l’urne aux ablutions, le... que nous appelions le ''ming-tomb'' en Chine, la ''kitty'' à Hong-Kong, le ''gramophone'' à Singapour. Cet intéressant petit meuble est devenu la ''commode'' (prononcez à l’anglaise), aux Indes. Notre chambre est éclairée par une lampe à l’huile. En ajustant la mèche, je me surprends à fredonner : « Dans un grenier, {{caché|« }}Qu’on est bien à vingt ans ! »</poem>}} Mais, il n’y a pas à faire des façons, le ''Jeypour Hotel'' est le plus grand, le plus beau de l’endroit, étant l’unique. S’il vous plaît, ne m’interrogez pas au sujet du menu ; nous sommes en Semaine sainte. Des animaux peints ou peinturés (à votre choix !), errent dans les rues ; c’est la mode, au pays, d’avoir des animaux bleus, jaunes, rouges, verts. Depuis notre entrée aux Indes nous voyons des singes partout, mais surtout depuis Delhi. Ils sont de forte taille, à figure noire comme de l’encre, à fourrure gris argent, et des queues ! Ils grimpent aux arbres, au faîte des gares, et attendent l’arrivée des trains. Les voyageurs leur donnent des graines, des noix, des fruits qu’ils viennent effrontément quérir aux portes et aux fenêtres des wagons sur lesquels ils gambadent jusqu’au départ ; <references/>
Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/125
{{nr||DE LA NATURE DES DIEUX, LIV. II.|115}}raison en partage. Voilà par où l’univers est Dieu : et généralement toute force, toute vertu est renfermée dans cet élément divin. Aussi le feu de l’éther est-il beaucoup plus pur, plus clair, plus vif 5 et par là plus propre à exciter les sens, que le feu qui nous est destiné, et qui agit dans les êtres d’ici-bas. Puis donc que le feu qui agit ici-bas suffit pour opérer dans les hommes et dans les bêtes le mouvement et le sentiment, n’est-ce pas une absurdité de prétendre que le monde ne soit point sensitif, tout pénétré qu’il est de ce feu, qui a dans l’éther toute sa pureté, toute sa force, toute sa liberté, toute son activité ? D’autant plus que ce feu est lui-même le principe de son agitation, et qu’elle ne lui vient nullement d’ailleurs. Car quelle autre force plus grande que celle du monde, pour soumettre à ses impulsions la chaleur même qui le fait subsister ? XII. Platon, qui est comme un Dieu pour les philosophes, distingue à ce sujet deux sortes de mouvements, l’un propre, l’autre étranger. Ce qui se meut, dit-il, par soi-même, est quelque chose de plus divin que ce qui est mû par une cause étrangère. Or, ajoute-t-il, le mouvement propre n’appartient qu’aux âmes : et de là il conclut que d’elles vient le principe de tout mouvement. Ainsi, puisque tout mouvement vient de l’éther, qui est mû, non par impulsion, mais par sa propre vertu, l’éther est âme par conséquent ; et puisqu’il est âme, le monde est animé. On peut aussi fonder l’intelligence du monde sur ce qu’il a plus de perfections en soi que n’en ont séparément les êtres particuliers. Car de même qu’il n’est point de partie de notre corps aussi considérable que tout notre corps, il n’est point d’être particulier qui soit équivalent à tout l’univers. D’où il s’ensuit que la sagesse est un de ses attributs : sans quoi l’homme, qui n’est qu’un être particulier, mais raisonnable, vaudrait mieux que tout L’univers. En remontant des êtres les plus vils, et qui ne sont, pour ainsi dire, qu’ébauchés, jusqu’aux êtres supérieurs et parfaits, on trouvera enfin les Dieux. Car d’abord nous avons les plantes, qui ne reçoivent de la nature que la faculté de se nourrir et de croître. Les bêtes ont déplus le sentiment et le mouvement, avec du goût pour ce qui leur est bon, et de l’aversion pour ce qui leur est nuisible. L’homme a de plus encore la raison, qui lui est donnée pour commander à ses passions, modérer les unes et dompter les autres. XIII. Dans le quatrième rang, et au-dessus de tout, sont des êtres naturellement bons et sages, qui, du premier moment qu’ils existent, ont une raison droite, inaltérable, bien plus sublime que la nôtre, une raison parfaite et accomplie, telle que la doit avoir un Dieu, et par conséquent l’univers. Il y a pour tous les êtres une perfection destinée à leur espèce. On y voit arriver naturellement le cep et la brute, à moins qu’il ne s’y rencontre des obstacles. Et comme la peinture, l’architecture, tous les arts ont aussi leur point de perfection, la nature à plus forte raison doit avoir le sien. Beaucoup de causes étrangères peuvent s’opposer à la perfection des êtres particuliers : mais rien ne saurait contrarier la nature ; car elle domine, elle renferme toutes les autres causes. Ainsi c’est une nécessité qu’il y ait ce {{tiret|qua|trième}} <references/>
Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/566
facultés d’enthousiasme, tous ses thèmes d’existence, comme une vie entière tient en quelques secondes au moment de la mort, dans un raccourci de vertige. « ''20 juin 1916. — Je demande, si je suis tué, à être enterré dans mon fort, à l’endroit que j’ai fait creuser dans mon poste de commandement, avec mon manteau d’artilleur et mon costume de velours''. « ''21 juin. — Le bombardement recommence, vraiment sérieux. Gros calibre. Hélas ! Cinq morts, quatre blessés déjà étendus là, à côté, sous l’éboulement. Dure journée ! J’encourage mes hommes, Abris dans l’une des citernes''. « ''22 juin. 9 heures. — Le bombardement continue de plus en plus grave. Les voûtes vont-elles résister ? Que va-t-il advenir ? Peu importe, je fais mon devoir. J’ai tout mon sang-froid. Quoi qu’il arrive, mon fils sera fier de moi''. « ''11 heures. — Voilà les belles émotions !... Je fais travailler. Je s timide, j’encourage de mon mieux''. « ''13 heures. — Les Boches vont tenter quelque chose. Mais j’ai installé les mitrailleuses pour les recevoir. L’ouvrage est ébranlé, il tangue comme un navire. Il commence à être lamentable avec ses rondins de fer sortant des trous béans. Moral de tous excellent''. « ''23 juin. 9 heures. — Les Boches sont là... Voilà le moment ! On va se défendre ! Vive la France ! Il me semble que je suis à l’Opéra voir jouer'' la Navarraise... ''Ma femme, mon fils, — chéris ! Adieu''... » Je rendis le cahier, que mon ami serra dans l’armoire, en silence. J’allais prendre congé, de peur de gâter par des remarques inutiles l’impression de ma lecture, quand, ayant refermé l’armoire et glissé la clef dans sa poche, il reprit : « Que faites-vous de votre après-midi ? Si vous avez une heure à perdre, nous monterons sur la terrasse. On y est très bien pour causer. » La terrasse de l’évêché de Verdun mériterait d’être célèbre entre les plus nobles choses de France, comme une beauté de premier ordre. Le palais des évêques, auprès de sa cathédrale carolingienne à deux chœurs, de son église bicéphale, est un des plus parfaits monumens de la Régence. Sur la vieille acropole celtique, le chef-d’œuvre français apparaît comme la fleur d’un long épanouissement. Mais ce qui achève cette beauté, <references/>
Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/601
on y recueille parfois et de quel jour fâcheux la vie de bord éclaire trop souvent la sottise humaine ! Après avoir perdu de vue Cadix, on atteint assez vite le cap Trafalgar ; on entre alors dans un détroit d’un aspect étrange, le détroit de Gibraltar. Nous naviguions dans une eau jaunâtre, droite, unie comme celle d’un bassin, nuancée par places d’une couleur plus sombre, effet produit par un vent léger qui frappait inégalement sa surface. C’était un miroir dépoli par le contact d’une haleine. À l’aide d’une longue vue, je pus aisément distinguer la terre. À droite et à gauche s’élevaient des montagnes dont la crête se perdait dans les nues ; la teinte bleu tendre de ces hautes chaînes offrait des tons si fins, si vaporeux et si riches à la fois, que les plus habiles pinceaux auraient en vain, je le crois, essayé de les reproduire. Ces montagnes étaient entrecoupées de ravins profonds, de forêts et de villages. Je pus distinguer les fortifications et les maisons de neige de Tarifa, — encore un petit coin de l’Andalousie. De temps en temps, un brouillard épais se formait le long de la terre et m’arrêtait dans mes observations ; mais il disparaissait aussitôt, et après nous avoir enveloppés à notre tour, il s’éloignait comme un nuage honteux de se promener seul dans un ciel pur. Ce passage dura quelques heures, puis je ne vis plus que l’horizon partout, — barrière impitoyable qui sépare le marin du monde vivant. À bord, les distractions sont rares, je l’ai dit ; aussi saisit-on les plus légères avec empressement. Lorsque nos yeux parcourent cet horizon que la pensée seule, a le droit de franchir pour rendre une silencieuse visite à ceux qui nous sont chers, ils s’arrêtent parfois sur un petit point noir qui va toujours grandissant. Ils le suivent, s’y attachent obstinément, et si ce point noir est un beau navire que des qualités supérieures font filer promptement, ils le voient passer avec plaisir, car c’est encore une grande satisfaction de songer qu’on n’est pas seul sur cette plaine infinie. Je goûtais un véritable plaisir chaque fois que le commandant passait l’inspection du personnel. J’aimais à voir rangés sur une double ligne ces hommes robustes, d’une taille si colossale, que les titans ne les eussent pas reniés pour leurs descendans. Les ordres ministériels avaient été ponctuellement exécutés : ''la Dévastation'' était vraiment montée par un équipage d’élite. Dans ces inspections assez fréquentes, je remarquai souvent un quartier-maître portant sur la poitrine la croix de la Légion d’honneur. Un jour je le questionnai sur les circonstances qui lui avaient valu cette décoration, et voici ce que j’appris. Jean-Charles Lamy avait été enrôlé, au début de la guerre d’Orient, dans le quartier maritime de Calais, auquel il appartient encore. <references/>
Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/768
transforment en espèces ; mais ce long chapitre mériterait une étude spéciale. Je me contenterai d’énumérer les causes principales de la transformation : d’abord l’influence du milieu, c’est-à-dire les changemens de climat et de conditions d’existence agissant pendant la longue série des périodes géologiques. L’être, s’adaptant peu à peu au nouveau milieu dans lequel il se trouve placé, se modifie, se métamorphose et devient une nouvelle espèce. Une autre cause est l’hybridité, c’est-à-dire les fécondations croisées donnant lieu à un hybride, un métis qui se propage à son tour. Dans le règne animal, nous connaissons les léporides métis du lièvre et du lapin, dans le règne végétal l’''Aegilops triticoïdes'', hybride spontané du blé et de l’''Aegilops ovata'', très commun dans le midi de la France. Une troisième cause est la sélection naturelle, c’est-à-dire la survivance dans la lutte pour l’existence des espèces les mieux douées. Lutte des végétaux entre eux, des animaux entre eux, des végétaux avec les animaux : lutte incessante, éternelle, d’où résulte l’harmonie que nous admirons dans la création. Cette lutte produit un état stable, mais temporaire, qui nous paraît immuable et définitif, parce que nous passons vite sur la terre et que nous observons la nature depuis hier. Notre expérience personnelle est presque nulle, et celle de nos ancêtres civilisés insuffisante. Nous soupçonnons à peine les changemens qui se sont opérés avant nous : ceux qui s’opèrent sous nos yeux nous échappent par la petitesse des effets, que le temps seul rend appréciables. Cette lutte des êtres organisés entre eux est comparable à celle de forces physiques égales et contraires qui s’annulent réciproquement, et au lieu d’un mouvement produisent le repos. L’homme lui-même, quand il a voulu concilier les antagonismes sociaux, n’a-t-il pas, au lieu de la force qui comprime, essayé d’opposer ces antagonismes l’un à l’autre et de les neutraliser ainsi ? n’a-t-il pas inventé l’équilibre des pouvoirs ? En cela, il ne faisait qu’imiter la nature, et les fondateurs du gouvernement parlementaire en Angleterre appliquaient les doctrines de leur illustre compatriote Charles Darwin avant même qu’il fût né. {{c|III. — preuves tirées de l’embryologie. — accord du principe de l’évolution avec la méthode naturelle.|sc}} Pour démontrer l’affinité des êtres organisés, nous les avons considérés jusqu’ici dans leur état adulte, c’est-à-dire l’animal arrivé au terme de sa croissance, la plante munie de ses fleurs et de ses fruits. Nous avons trouvé des analogies nombreuses et variées entre ces êtres achevés ; mais elles le sont encore plus si nous les considérons dans leur première période de développement, dans leur état <references/>
Montifaud - Les Nouvelles drolatiques V2.djvu/73
nous surprend ainsi, la nuit d’octobre, penchés contre ce métier en bois de rose, soit à l’ombre d’un globe de lampe en verre dépoli, soit dans la pénombre du crépuscule, près d’un piano ouvert ou d’un volume de Musset. « Le joli petit métier où je travaille prend des attitudes qui vous forcent quand même à s’asseoir devant lui ; soit qu’il se présente de biais, de travers ou dans la pose classique et commode, il est impossible de le quitter. La façon du travail en est encore neuve. Que j’ai de reconnaissance à la comtesse de m’avoir agréé pour m’y essayer en face d’elle ! Jusqu’à présent, je n’avais pas éprouvé la délicieuse sensation du toucher quand les doigts s’égarent parmi les écheveaux d’une soie blonde qui se promènent entre les supports du métier. Avec cette soie-là, je voudrais toujours piquer des pistils au cœur des roses ou des boutons dessinés sur le tissu quadrillé. « C’est délicieux, la tapisserie de {{tiret|Beau|vais}} <references/>
Coudriet, Chatelet - Histoire de Jonvelle et de ses environs, 1864.djvu/149
seigneur de {{noir|[[w:Gevigney-et-Mercey |Gevigney]]}}, et Mathey de {{noir|[[w:Buffignécourt |Buffignécourt]]}}. Parmi les écuyers se trouvaient Jacquot d’{{noir|[[w:Amoncourt |Amoncourt]]}}, seigneur de {{noir|[[w:Chauvirey-le-Châtel |Chauvirey]]}}, Jean de l’Étang, Jean de {{noir|[[w:Cendrecourt |Cendrecourt]]}} et Pierre de {{noir|[[w:Raincourt |Raincourt]]}}, gentilhomme de la maison du sire de Jonvelle<ref>Hist. des sires de Salin : , I, 327 ; D. Plancher, III, 588, note XXXVI ; Essai sur L’histoire de Franche comté, II, 340 et suiv.</ref>. La paix suivit cette brillante campagne, et le duo en profita pour s’occuper de la police et de la pacification intérieure des Bourgognes, aussi souvent désolées par les guerres des châtelains entre eux que par les hostilités étrangères. Une ordonnance rendue à Gray (8 février 1416) renouvela, sous peine de mort ou de confiscation, les défenses de vider les querelles privées par la voie des armes ; et comme il y avait alors des rassemblements armés sur les terres de {{noir|[[w:Luxeuil |Luxeuil]]}}, de {{noir|[[w:Faucogney |Faucogney]]}}, de Jonvelle et de Jussey, le prince fit partir immédiatement le bailli d’Amont, avec ordre de publier ses volontés où besoin serait, et de dissiper les attroupements de gré ou de force. Il trouva plusieurs délinquants : à {{noir|[[w:Baudoncourt |Baudoncourt]]}}, c’était Jean de {{noir|[[w:Saint-Loup-sur-Semouse |Saint-Loup]]}} ; à Luxeuil, c’était Jean de Neufchâtel, seigneur d’Amance et de Montaigu, le même qui venait de commander les {{noir|[[w:Bourguignons |Bourguignons]]}} au siège d’Arras ; à {{noir|[[w:Aisey-et-Richecourt |Richecourt]]}} et à Port-sur-Saône, c’était le maréchal de Vergy, seigneur de ces lieux, d’où il menaçait les habitants de Luxeuil et leur élu. A tous fut signifié le décret qui leur commandait de licencier leur monde. De plus, les prévôts et les sergents du bailliage le publièrent dans tous les lieux accoutumés. En huit jours, les commissaires avaient rempli leur mandat. Ils dressèrent procès <references/>
Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/155
un bourreau à l’œuvre et enthousiaste de son métier, qu’un médecin accomplissant sa triste et sainte mission. Cependant le nom de Rousseau avait eu cette influence sur lui qu’il sembla un instant renoncer à sa brutalité ordinaire ; il ouvrit doucement la manche de Gilbert, comprima le bras avec une bande de linge, et piqua la veine. Le sang coula goutte à goutte d’abord, mais, après quelques secondes, ce sang pur et généreux de la jeunesse commença de jaillir. — Allons, allons, on le sauvera, dit l’opérateur, mais il faudra de grands soins, la poitrine a été rudement froissée. — Il me reste à vous remercier, monsieur, dit Rousseau, et à vous louer, non pas de l’exclusion que vous faites en faveur des pauvres, mais de votre dévouement aux pauvres. Tous les hommes sont frères. — Même les nobles, même les aristocrates, même les riches ? demanda le chirurgien avec un regard qui fit briller son œil aigu sous sa lourde paupière. — Même les nobles, même les aristocrates, même les riches, quand ils souffrent dit Rousseau. — Pardonnez, monsieur, dit l’opérateur ; mais je suis né à Baudry, près de Neuchâtel ; je suis Suisse comme vous, et par conséquent, un peu démocrate. — Un compatriote ! s’écria Rousseau ; un Suisse ! Votre nom, s’il vous plaît, monsieur, votre nom ? — Un nom obscur, monsieur, le nom d’un homme modeste qui voue sa vie à l’étude, en attendant qu’il puisse, comme vous, la vouer au bonheur de l’humanité : je me nomme Jean-Paul Marat. — Merci, monsieur Marat, dit Rousseau ; mais tout en éclairant ce peuple sur ses droits, ne l’excitez pas à la vengeance ; car s’il se venge jamais, vous serez peut-être effrayé vous-même des représailles. Marat eut un sourire affreux. — Ah ! si ce jour vient de mon vivant, dit-il, si j’ai le bonheur de voir ce jour... <references/>
Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/622
dans les bois par l’offre d’un fruit ou d’un œuf et dévorés. Un homme apporta au marché de Tournon de la chair humaine cuite et préparée comme de la viande de pourceau. Il fut arrêté, garrotté et brûlé. « Un autre alla dérober pendant la nuit cette chair qu’on avait enfouie ; il la mangea et fut brûlé. » Dans la forêt de Mâcon, près d’une église dédiée à saint Jean, perdue au fond des halliers, un assassin avait construit une cabane où il égorgeait les passans et les pèlerins. Un jour, un voyageur, accompagné de sa femme, entre dans la cabane pour s’y reposer; il aperçoit dans un coin des têtes d’hommes, de femmes et d’enfans. Il se lève pour fuir, mais l’hôte l’arrête et prétend le garder. La crainte de la mort double les forces du malencontreux visiteur, il se sauve avec sa femme et dénonce la découverte au comte et au peuple. On envoie des soldats à l’hôtellerie sanglante : ils y comptent quarante-huit têtes humaines. L’assassin est traîné à la ville, attaché à une poutre de grenier et brûlé vif. Glaber a vu l’endroit et les cendres de la maison qui servit de bûcher. Les affamés mouraient en poussant un cri très faible, « comme la plainte d’un oiseau qui expire. » On enterrait dans les carrefours des villes, dans les fossés des champs; puis, les morts devenant trop nombreux, on abandonna les cadavres par monceaux; alors des bandes de loups accoururent pour s’en repaître. Quelques bons chrétiens se dévouèrent, et creusèrent des charniers, où l’on jeta les corps au hasard, nus, sans prières. Le long des routes, au bord des champs couverts de ronces, les émigrans tombaient seuls et expiraient. Les églises donnèrent leurs trésors et leurs vases sacrés pour soulager les pauvres. Mais souvent la première bouchée de pain ou même l’effort nécessaire pour la porter à la bouche était mortel : les infortunés rendaient le souffle entre les bras des abbés ou des évêques qui avaient tenté de les ranimer. Enfin, Dieu eut pitié : le soleil reparut au ciel et la nature se montra maternelle. Les évêques et les grands ouvrirent des conciles dans toutes les provinces de France, et, tandis que le blé fleurissait sur les sillons, de longues processions de fidèles ou de pénitens suivirent à travers le royaume les reliques des saints. L’Église rétablit la discipline chrétienne, multiplia les privilèges de l’asile, pourvut à la bonne police des villes, consacra la trêve de Dieu, rapprocha pour quelques jours par la charité les cœurs éprouvés par de communes souffrances. A la vue des guérisons miraculeuses accomplies dans les monastères, les évêques levaient leurs bâtons vers le ciel et criaient aux foules prosternées sur les reliquaires le mot qui renferme toute consolation et toute espérance. « Paix ! paix! paix! » Le moyen âge a poussé bien des fois ce cri, comme un appel de naufragé dans la nuit, comme une protestation contre <references/>
Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/48
cœur que nous déclarons que nulle personne ne pourra être recherchée ou inquiétée pour sa conduite ou pour ses opinions. Le plus bel attribut de la puissance est le pardon des injures et l’oubli des fautes. Nous remplissons les volontés de notre Roi en promettant, dans toute l’étendue des pays qui seront occupés par nos armées, une amnistie sans réserve à toutes les personnes qui se rangeront sous nos drapeaux. Nous prenons en même temps l’engagement solennel qu’il ne sera exercé aucune vengeance particulière contre aucun individu quelconque ; et tout Vendéen ou Chouan qui se porterait, en esprit de haine ou d’animosité à quelque violence excès ou reproche, sera sévèrement puni. « Nous ne permettrons point la circulation des assignats dans les contrées occupées par nos armées. Nous ne reconnaitrons jamais cette monnaie que pour une monnaie fausse, dont le gage prétendu a été établi sur le brigandage, l’assassinnat et la proscription. « Nous ne permettrons jamais dans les contrées occupées par nos armes, qu’il soit porté la moindre atteinte aux propriétés de la maison et couronne de France, propriété inaliénable, et dont le litre et le droit sont imprescriptibles. « Nous ne permettrons jamais qu’il soit porté la moindre atteinte aux propriétés de l’Église et du clergé de France, qui sont le domaine du pauvre, et dont le produit est nécessaire à l’entretien des autels et de leurs ministres. Nous ne permettrons point qu’il soit porté atteinte aux propriétés des <references/>