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1.85M
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Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/248
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Faites-les toujours avec le recueillement & le respect convenables ; songez qu’en demandant à l’être suprême de l’attention pour nous écouter, cela vaut bien qu’on en mette à ce qu’on va lui dire.
Il importe moins que de jeunes filles sachent sitôt leur religion, qu’il n’importe a elles la sachent bien, & surtout qu’elles l’aiment. Quand vous la leur rendez onéreuse, quand vous leur peignez toujours Dieu fâché contre elles, quand vous leur imposez en son nom mille devoirs pénibles qu’elles ne vous volent jamais remplir, que peuvent-elles penser, sinon que savoir son catéchisme et prier Dieu sont les devoirs des petites filles, & désirer d’être grandes pour s’exempter comme vous de tout cet assujettissement ? L’exemple ! l’exemple ! sans cela jamais on ne réussit à rien auprès des enfants.
Quand vous leur expliquez des articles de foi, que ce soit en forme d’instruction directe, & non par demandes & par réponses. Elles ne doivent jamais répondre que ce qu’elles pensent, & non ce qu’on leur a dicte. Toutes les réponses du catéchisme sont à contresens, c’est l’écolier qui instruit le maître ; elles sont même des mensonges dans a bouche des enfants, puisqu’ils expliquent ce qu’ils n’entendent point, & qu’ils affirment ce qu’ils sont hors d’état de croire. Parmi les hommes les plus intelligents, qu’on me montre ceux qui ne mentent pas en disant leur catéchisme.
La première question que je vois dans le nôtre est celle-ci : Qui vous a créée et mise au monde ? À quoi la petite fille, croyant bien que c’est sa mère, dit pourtant sans hésiter que c’est Dieu. La seule chose qu’elle voit là, c’est qu’à une
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Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/465
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s’imaginât qu’un homme qui a le choix entre les sols riches et les sols pauvres prendra certainement les premiers ; cependant s’il eût réfléchi que le colon primitif est un pauvre diable, avec des outils très-inférieurs, il eût vu l’impossibilité dans de telles conditions de nettoyer, assécher et cultiver les sols riches. Il n’était pas moins naturel que M. Hume s’imaginât que plus la quantité de monnaie augmente, plus hausseront les prix de toutes les utilités pour lesquelles il faudra donner monnaie. Cependant s’il eût réfléchi qu’elle n’est qu’un grand instrument fourni par la nature pour produire la circulation parmi les hommes et parmi leurs produits, et que les effets bienfaisants, que lui-même a décrits si bien, ne sont que les conséquences naturelles d’un accroissement du pouvoir d’association, résultant de la facilité accrue d’obtenir la disposition de cet instrument, il eût trouvé l’harmonie parfaite entre les faits et « les principes de la raison. »
=== § 4. « Les pièces en lesquelles ces métaux sont divisés serviraient aux mêmes fins d’échange, quelque soient leur nombre ou leur couleur<ref name="ftn305">Hume. Essai sur la monnaie.</ref>. » ===
Cette assertion est vraie ou fausse. Si vraie, elle est la justification des écrivains qui prétendent enseigner qu’il y a avantage à exporter l’or et l’argent qu’on ne peut ni manger ni boire, ni porter en vêtement, — et à recevoir en échange du drap que l’on peut porter, du fer dont on peut se servir, et du sucre que l’on peut manger. Si non vraie, ils sont alors dans la position d’un aveugle qui prétend conduire un autre aveugle, — avec danger pour tous deux de tomber dans le puits.
Pour qu’elle fût vraie, il faudrait qu’à mesure que le nombre de pièces diminue, la circulation de celles qui restent gagnât en vitesse, — le mouvement devenant alors un mouvement constamment accéléré. Cependant interrogeons les faits. L’or et l’argent se meuvent-ils plus rapidement demain en main, à mesure que leurs quantités diminuent ? Au contraire, la diminution de vitesse dans la circulation des pièces marche même plus rapidement que la diminution de leur nombre, — une centaine de pièces n’accomplissant pas autant d’échanges à une époque ou la quantité de monnaie diminue graduellement que n’en accomplirait une seule pièce à une
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Robertson - Dictionnaire idéologique.djvu/131
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{{nr|93|{{sc|eau — air. — humidité — sécheresse}}.|337—340|}}{{T6|2. ''Fluides spécifiques.''}}
{{p|cat.337}} '''337.''' {{sc|Eau}}, ''{{lang|la|serum}}'', sérosité, lymphe,
onde.
Dilution, délayement, immersion,
submersion, macération, humectation,
infiltration, affusion, irrigation, douche,
bain, inondation, déluge (348), aiguade,
arrosage, arrosement, aspersion,
bain local ''ou'' topique, bain de
pieds, demi-bain, bain de siège, eau
courante, eau douce, décatissage, gargarisme,
imbibition, injection, irroration,
lavage, lotion, pédiluve, rouissage.
Thermes.
''{{abréviation|V.|Verbe.}}'' Être aqueux, etc.
Ajouter de l’eau, arroser, mouiller,
humecter (339), diluer, délayer, tremper,
détremper, immerger, plonger,
replonger, submerger, noyer, imbiber,
macérer, rouir, mariner, laver, asperger,
éclabousser, inonder, abreuver,
aiguayer, baigner, bassiner, combuger,
décatir, désempeser, doucher, éclaircir,
gâcher, guéer.
''{{abréviation|Phr.|Phrase.}}'' Baptiser son vin.
Seringuer, injecter, se gargariser.
''{{abréviation|Adj.|Adjectif.}}'' Aqueux, aquatique, lymphatique,
délayé, etc., dégouttant, trempé,
bouilli, abreuvé, pluviale.
Mouillé, humide, éclaboussé.
''{{abréviation|Phr.|Phrase.}}'' Trempé, mouillé comme une
soupe. Mouillé comme un canard.
Percé jusqu’aux os.
{{p|cat.338}} '''338.''' {{sc|Air}}, air atmosphérique.
L’atmosphère, le ciel, le grand air,
temps, température, climat, air natal.
''{{abréviation|Phr.|Phrase.}}'' Les plaines de l’air. Le vague
des airs. La voûte azurée. La moyenne
région de l’air. Le séjour, la région du
tonnerre.
Science de l’air : aérologie, aérographie,
aérométrie, météorologie.
Exposition à l’air. Hâle.
''{{abréviation|V.|Verbe.}}'' Aérer, mettre à l’air, exposer à
l’air, se tenir à l’air, éventer.
''{{abréviation|Phr.|Phrase.}}'' Donner de l’air à une chambre.
Coucher à la belle étoile. Coucher à
l’enseigne de la lune. Être logé aux
quatre vents.
''{{abréviation|Adj.|Adjectif.}}'' Contenant de l’air, venteux,
effervescent.
Atmosphérique, aérien, aériforme,
respirable, météorologique.
''Ep''. Sain, malsain, bon, bel, grand,
mauvais, vif, frais, doux, tempéré, subtil,
pur, grossier, étouffé, renfermé,
corrompu, vicié, contagieux, infecté,
infect, brûlant, respirable, humide,
excellent.
''{{abréviation|Adv.|Adverbe.}}'' En plein air, en plein champ,
en plein vent, à la belle étoile, ''{{lang|it|al fresco}}'',
''{{lang|la|sub Jove}}'', ''{{lang|la|sub dio}}'', dans les airs, au plus
haut des airs.
{{-}}
{{p|cat.339}} '''339.''' {{sc|Humidité}}, humectation, rosée,
serein, aiguail, mouillure, larmoiement,
madéfaction, moiteur, ressuage, sueur.
''{{abréviation|Phr.|Phrase.}}'' Les pleurs de l’Aurore.
Hygrométrie, hygromètre.
''{{abréviation|V.|Verbe.}}'' Être humide, etc., suer, ressuer,
être en nage, pomper l’humidité.
Mouiller, humecter, arroser, madéfier,
ramoitir.
''{{abréviation|Adj.|Adjectif.}}'' Humide, moite, halitueux,
mouillé, humectant, hygrométrique,
suant, marécageux, imbu, juteux.
{{-}}
{{p|cat.340}} '''340.''' {{sc|Sécheresse}}, siccité, aridité.
''{{abréviation|Phr.|Phrase.}}'' Un ciel d’airain.
Exsiccation, dessiccation, aréfaction,
dessèchement, étendage, tarissement,
drainage.
''{{abréviation|V.|Verbe.}}'' Être sec, etc.
Rendre sec, sécher, dessécher, tarir,
essorer, essuyer, ressuyer, drainer,
épuiser, éponger.
''{{abréviation|Adj.|Adjectif.}}'' Sec, anhydre, aride, desséché,
etc., altéré, desséchant, dessiccatif,
siccatif.
''{{abréviation|Phr.|Phrase.}}'' Sec comme brésil. Sec comme
une momie.
''{{abréviation|Adv.|Adverbe.}}'' À sec.
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Kant-Melanges de logique (trad. Tissot), 1862.djvu/476
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{{c|{{t|SECTION PREMIÈRE.|150}}}}
{{c|{{t|'''Heureux espoir d’une prochaine paix éternelle.'''|90}}}}
{{c|____}}
{{t|''Du degré le plus bas de la nature vivante de l’homme, jusqu’à son degré le plus élevé, jusqu’à la philosophie.''|110}}
''Chrysippe'', dans son rude langage de stoïcien, dit (1)<ref>(l). {{sc|Cicer}}. ''de Natura Deor.'' {{sc|ii}}, 160.</ref> : « La nature a donné au porc, en guise de ''sel'', une âme, pour qu’il ne se corrompe pas. » C’est le plus bas degré de la nature humaine avant toute culture, l’instinct purement animal. Mais c’est comme si le philosophe avait jeté, en disant cela, un regard prophétique sur les systèmes physiologiques de notre temps ; excepté qu’aujourd’hui au lieu du mot âme on emploie de préférence le mot ''force vitale'' (en quoi l’on a raison, parce qu’on peut bien conclure de l’effet à une ''force'' qui le produit, mais pas immédiatement à une substance particulièrement appropriée à cette espèce d’effet). Or il fait consister la vie dans
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Thresor de la langue françoise/Raconter
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Index Général A B C D E F G H I JK L M N O P Q R S T UV W X Y Z Jean Nicot Thresor de la langue françoise (1606) 1606 (2, p. 533). ◄ Racler Racourir ► dictionaryThresor de la langue françoise (1606)Jean Nicot1606C2Thresor de la langue francoyse - 1606 - 1 - Nicot.djvuThresor de la langue francoyse - 1606 - 1 - Nicot.djvu/1533 Raconter, Narrare, Denarrare, Enarrare, Renarrare, Commemorare, Nuncupare, Percensere, Proferre, Referre. Raconter parauant, Praenarrare. Raconter vne chose en trois manieres, Ordinem triplicem rei gestae edere. Raconter vne chose de loing, & dés le commencement, Altè & à capite repetere rem aliquam. Raconter & faire mention de quelque chose, Memorare. Raconter vn exemple, Ponere exemplum. Raconter entre les choses merueilleuses, In admirandis ponere. Raconter comment il a esté fait, Narrare vt factum sit. Raconter fables, contes & sornettes, Confabulari. Raconter les bienfaits l'vn apres l'autre, Percensere beneficia numerando. Raconter tellement vne chose qu'il semble qu'on la voye, Aliquid oculis subiicere. Raconter quelque chose bien naïfuement, Depingere verbis rem aliquam. Raconter choses estranges & contre nature, Monstra narrare, fiue nuntiare. Souuent & en plusieurs lieux dire & raconter quelque chose, Dictitare. Qui se peut raconter, Enarrabilis. Ce qu'on ne peut raconter, Inenarrabilis. Chose qui n'est point à dire, ne à raconter, tant est meschante, Infandum, Nefandum, Nefas. Indignes d'estre racontez, Relatu indigna. Raconte moy, Narra mihi. Ie te vien raconter. Fero ad te. Qu'ay ie à faire de raconter, &c. Quid furiosam beneuolentiam proferam ? L'on raconte, &c. Circunfertur cum auorum memoria. Comme raconte Herodote, Teste Herodoto. Difficile à raconter, Enarratu difficile. Digne d'estre raconté, Memorabilis, Commemorabilis. Raconteurs de nouuelles, Acroamata.
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Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/250
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Quelle signalée faveur !
Le magnifique présent !
Le présent magnifique !
La rare générosité !
La générosité rare !
Quel est cet homme qui répète comme une espèce d’écho toutes vos paroles ?
Je suis un homme qui répète à l’envers toutes ses paroles.
C’est un des gens de Nuño.
Oui, son enfant prodigue.
Que dis-tu ?
Je suis le gardien de ses pourceaux, et moi aussi, je venais vous demander une grâce.
Qui épouses-tu, toi ?
Pour le moment personne, monseigneur : mais je viens vous demander un petit cadeau de moutons pour le cas où le diable viendrait à me tenter<ref>Le mot espagnol ''{{lang|la|carnero}}'' (mouton, bélier, animal à cornes) a un double sens d’un délicatesse équivoque.</ref> : autrement je reste garçon. Un astrologue m’a dit jadis à Salamanque de bien prendre garde à l’eau et aux taureaux ; et pour éviter le danger, je ne me marie pas et je bois sec !
Le drôle d’homme !
Il est plaisant.
Allez, Sanche, et soyez heureux. Toi, Celio, envoie chez lui au plus tôt le bétail que mon frère lui donne.
Je n’ai pas assez d’esprit pour vous exprimer dignement ma reconnaissance.
Et quand songes-tu à te marier ?
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Buffon - Oeuvres completes, 1829, T01.djvu/395
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{{Nr||{{sm|{{Espacé|1px|ART. VII. COUCHES ET LITS DE TERRE.}}}}|307}}du noyau de la montagne, quelques mines de très beau sable qui sont probablement ces pelotes dont parle M. de Buffon. En cassant en d’autres endroits la superficie du noyau, nous trouvons en abondance des coquilles de mer incorporées avec la pierre... J’ai plusieurs de ces coquilles, dont l’émail est assez bien conservé : je les enverrai quelque jour à M. de Buffon<ref>Lettre de M. de Boissy à M. Guenaud de Montbéliard. ''Toulon, 16 avril 1775''.</ref>. »
M. Guettard, qui a fait par lui-même plus d’observations en ce genre qu’aucun autre naturaliste, s’exprime dans les termes suivants en parlant des montagnes qui avoisinent Paris.
« Après la terre labourable, qui n’est tout au plus que de deux ou trois pieds, est placé un banc de sable qui a depuis quatre et six pieds jusqu’à vingt pieds, et souvent même jusqu’à trente de hauteur : ce banc est communément rempli de pierres de la nature de la pierre meulière... Il y a des cantons où l’on rencontre, dans ce banc sableux, des masses de grès isolées.
» Au dessous de ce sable, on trouve un tuf qui peut avoir depuis dix ou douze jusqu’à trente, quarante et même cinquante pieds. Ce tuf n’est cependant pas communément d’une seule épaisseur ; il est assez souvent coupé par différents lits de ''fausse'' marne, de marne glaiseuse, de ''cos,'' que les ouvriers appellent ''tripoli,'' ou de bonne marne, et même de petits bancs de pierres assez dures... Sous ce banc de tuf commencent ceux qui donnent la pierre à bâtir. Ces bancs
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Bonnellier - Nostradamus, 1833, tome 2.djvu/228
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— Vous le voyez, Minard, il faut encore
choyer l’enfant coupable qui a déserté le toit
de son père ; — il faut formuler mon pardon
par l’oubli ; — il faut que ce soit moi qui fasse
effort pour tromper les souvenirs de cette
jeune fille... et quels souvenirs !... mais, en la
revoyant, la malédiction s’est arrêtée sur mes
lèvres... elle étoit là, à demi renversée sur le
prie-dieu, pâle, décolorée, comme la tige
flexible d’une fleur frappée par la pluie d’orage ! Ce n’étoit plus ma Clémence, ce n’étoit
plus le visage si pur de cette petite fille que
j’avois vue suspendue au sein de sa mère !...
c’étoit une femme affiliée à toutes les passions
qui complètent les vices du monde...
Que voulez-vous, Minard ? si le soin de mon
honneur avoit seul parlé dans ce moment,
j’aurois étouffé la ''Samaritaine'' endormie...
mais à la première émotion de ce sein si profané, au premier regard de ces yeux qui ont
si honteusement perdu le caractère de leur
virginale enfance... j’ai demandé grâce pour
elle à ma probité d’homme, à ma sévérité de
père... Mon ami, telle est ma joie d’avoir re-
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Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 137.djvu/746
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compris ses véritables intérêts, aidé à la prospérité nationale ? Il suffit, pour en douter, de considérer en quelle situation ils ont mis l’État et les populations. Faute de numéraire, l’Etat a dû rétablir le cours forcé ; les populations, écrasées par les impôts, émigrent dans les deux Amériques, et même en pays noir.
En avril 1851, Cavour réunissait, à ses attributions ministérielles déjà si variées, celles de ministre des finances. Il ne s’était pas écoulé six mois que déjà il justifiait les prévisions du roi, en se préparant à son rôle de ministre universel. Il faut lire sa double correspondance officielle et particulière, l’une et l’autre également volumineuses, pour se rendre compte des efforts incessans qu’il dut faire pour introduire dans cette administration les saines règles de la comptabilité. Réfractaire aux sollicitations, il fit de nombreux mécontens, mais il parvint à rétablir les bonnes traditions dans ce service où les habitudes paternelles de la maison de Savoie avaient fait prévaloir la faveur au préjudice de la règle. Nous sortirions de notre sujet en insistant davantage sur les actes d’ordre administratif qui ont illustré la vie du comte de Cavour. Il en est un cependant d’une portée internationale qui ne saurait être passé sous silence. La marine, avons-nous dit, était jointe au ministère du commerce. En poursuivant sa tâche économique, cet homme universel ne perdait pas de vue son but capital et les luttes prochaines qu’il faudrait engager pour l’atteindre ; il entendait mettre son pays en état de les soutenir. Il jugea, dans cette pensée, qu’il était indispensable d’imprimer un rapide développement à ses forces maritimes et de leur donner, avec une assiette nouvelle, un port de premier ordre pour les abriter. Il décida de transférer, de Gênes à la Spezzia, le principal établissement maritime du pays en le créant de toutes pièces. Ce projet souleva l’opposition des Génois. Loin de l’abandonner, Cavour en fit établir les études, et quand elles furent achevées, en 1857, il l’imposa au parlement, si considérables que fussent les dépenses prévues, malgré les plus vives résistances coalisées de la gauche et des intérêts particuliers qui y faisaient obstacle. C’est à lui, à sa prévision éclairée et patriotique, que l’Italie doit de posséder, dans la Méditerranée, un port de guerre qui flatte son orgueil à juste titre.
Il avait des pensées aussi fécondes en matière de chemins de fer. Il fit appel aux capitaux étrangers en leur offrant des conditions rémunératrices ; il stimula, dans son pays, l’esprit d’entreprise et d’association, et le Piémont se couvrit dévoies ferrées. Il osa enfin, — et à cette époque pareille hardiesse pouvait être taxée de témérité, — entreprendre le percement du Mont-Cenis, œuvre gigantesque qui rencontrait d’incrédules contradicteurs.
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Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/78
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roc. À la troisième épreuve, la fortune abandonne Wæinemœinen. La hache lui entre dans le genou. Il essaie de guérir lui-même sa blessure ; malheureusement il a oublié les paroles magiques qui seules pourraient apaiser sa douleur, et il s’en va à la recherche d’un sorcier. Celui-ci se rappelle ce que le dieu a oublié. Il connaît son métier de sorcier et l’exerce avec dextérité, en sorte qu’après avoir été soumis à son opération, Wæinemœinen se retrouve plus fort qu’il ne l’était avant sa blessure. Il arrive enfin sur le sol natal, engage son frère à se rendre à Pohiola pour y fabriquer le sampo. Ilmarinen refuse d’aller dans ce pays sauvage. Wæinemœinen l’attire dans la forêt, et par un chant magique soulève une tempête qui emporte le forgeron à Pohiola. La prévoyante maîtresse de maison le reçoit avec empressement et lui présente sa fille, parée de ses plus riches vêtemens. Le jour, il travaille à confectionner le sampo ; la nuit, il tâche, mais inutilement, de gagner le cœur de la jeune fille.
Sur ces entrefaites arrive un autre amoureux, d’une nature tout opposée à celle des deux précédens, d’un caractère aussi passionné, aussi entreprenant que celui de Wæinemœinen le sage, de Wæinemœinen le vieux, comme l’appellent les traditions, est prudent et réservé. Il s’appelle Louminkainen, et l’on ne sait à quelle race il appartient ; ce qu’il y a de sûr seulement, c’est que sa mère est une habile sorcière. Elle prévoit les malheurs auxquels il va s’exposer, et veut l’empêcher de quitter le seuil paternel. Tous ses conseils sont autant de paroles perdues : Louminkainen aime la jolie fille de Pohiola et veut la demander en mariage. Pour l’obtenir, il faut qu’il tue d’abord un élan dans les domaines de Hiisi, le redoutable géant qui gouverne les forêts, Cette première épreuve accomplie, il faut qu’il s’empare d’un cheval sauvage ; enfin, qu’il atteigne un cygne sur le fleuve de la mort. Ici il est surpris par un sorcier qui lance contre lui un serpent venimeux. Il tombe dans les eaux du fleuve, et le courant l’emporte dans l’empire des morts, où les fils de Tuoni le coupent en morceaux. Sa mère, ne le voyant pas revenir, part avec les ailes de l’alouette pour Pohiola, apprend de quel côté il est allé, et le cherche pendant de longs étés et de longs hivers. « Elle ne sait pas, dit le poème, elle ne sait pas, la pauvre mère, ce qu’il est devenu, à quelle chair la chair de son fils est mêlée, dans quel sang coule son sang, s’il est encore sur les vagues ou sur la terre, sur les rochers ou dans les bois. Elle erre dans les forêts comme un sanglier ; elle se glisse dans l’eau comme un serpent aquatique ; elle court à travers les pins comme un écureuil, et à travers les rocs comme une hermine ; elle le cherche sous le feuillage des arbres, sous les touffes de gazon, sous les racines de la bruyère. Elle interroge le sentier de la montagne, la lune et le soleil : le sentier et la lune ne l’ont pas vu ; le soleil lui dit qu’il est au-delà des mers, dans le fleuve des morts. » Elle se fait faire alors un rateau d’acier dont les dents ont cent brasses de longueur, traîne ce rateau dans les vagues profondes, retire l’un après l’autre les membres de son fils ; quand tous ces membres sont réunis, elle invoque le secours de Méhilaeinen. L’oiseau magique s’envole au-delà des régions du soleil et de
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Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/246
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''litho-typographique''. La ''litho-typographie'' ne s’est pas encore avisée de ''litho-typographier'' la couverture de ces volumes vénérables que le vulgaire appelle des ''bouquins''.
Reste le grand péril social, dont l’invention que vous savez menace le commerce. C’est matière de cours d’assises. Puisque la société fait le progrès, que la société s’en défende. Il n’y a rien de plus juste. Nous sommes tout-à-fait étrangers à ce débat, nous autres élaborateurs obscurs de savantes inutilités, prolétaires inconnus de la république des lettres, ouvriers sans lucre et sans trafic, dont le nom ne vaut pas les frais d’une couche d’encre et d’une feuille de papier. L’industriel qui parviendrait à tirer quelque chose du mien chez un banquier, posséderait un secret plus rare que celui de la ''litho-typographie''. Qu’on aille plutôt demander à M. Aguado quel crédit il est disposé à faire sur un billet signé ''Néophobus'', et on m’en dira des nouvelles. Je ne vois donc aucune raison pour m’inquiéter d’un mal qui ne peut m’atteindre, et j’en laisse le touchant souci à messieurs les philantropes de l’Académie des Sciences morales. Ils sont payés pour cela.
En attendant que la ''litho-typographie'' embarrasse la justice distributive dans l’application de la pénalité, elle lui donne bien du mal dans l’application de la récompense. Et, d’abord, comment assez reconnaître le mérite d’une découverte qui ne tend rien moins qu’à l’avilissement de toutes les bibliothèques et à l’anéantissement de toutes les presses ? Les médailles sont si chétives, les pensions nationales si sordidement économiques, et la croix d’honneur si commune ! À qui d’ailleurs décerner cette palme réclamée de toutes parts ? Croiriez-vous que la ''litho-typographie'' a maintenant quarante-quatre éditeurs responsables, tous également possesseurs du fameux secret de la ''matière chimique'', tous également habiles à maculer du papier blanc avec du vieux papier imprimé, tous imprégnant, imprimant, défigurant, dénaturant, contrefaisant et postulant ? Le parti le plus sûr serait d’accorder le prix à Senefelder, qui a du moins inventé quelque chose. L’art de la lithographie, qui n’est pas sans reproche, rachète, en effet, ses inconvéniens par de précieux avantages ; il sert la facilité du génie comme celle de la médiocrité ; il permet aux talens inspirés d’autographier leur pensée avec une vivacité qui disparaît souvent sous le travail correct et pur, mais lent et froid du burin. C’est une assez belle chose. Mais quoi ? Senefelder lui-même ne s’attribuait pas tout l’honneur de sa découverte. Il convenait, dans la sotte naïveté de sa modestie, que son procédé lui avait été enseigné
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Burney - Cecilia ou Memoires d une heritiere 5 an III.djvu/149
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à la société de son frère. Cécile évita de répondre
à ses questions ; et madame Harrel
charmée d’avoir occasion de répéter ses
lamentations, eut bientôt oublié ce qui
regardait son amie.
Il n’en fut pas de même de M. Arnott.
Lorsque Cécile descendis pour déjeuner,
elle s’apperçut avec chagrin qu’il n’avait
pas mieux dormi qu’elle : une visite aussi
subite, aussi inattendue de la part d’une
personne à laquelle, malgré le peu d’encouragement
qu’il en avait reçu, il n’avait
jamais pu penser avec indifférence, était
pour lui un sujet de conjectures et de surprise,
qui avait ranimé toutes ses espérances
et toutes ses craintes. Il n’osa cependant
pas renouveler les questions que
sa sœur avait perdues de vue. Quelle que
pût être la cause de la visite de Cécile, il se
trouvait encore trop heureux de jouir de sa
présence. Il ne tarda pas à s’appercevoir
de sa tristesse ; ce qui ne manqua pas de redoubler
la sienne. Madame Harrel lui trouva
aussi l’air malade ; mais elle attribua
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Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/767
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et aux oreilles de la jeune créole, pas un n’était resté, La malheureuse femme n’avait donc trouvé qu’un assassin au lieu d’un amant, et le vol avait suivi le meurtre. Les cris du cocher ne tardèrent pas à attirer la foule, parmi laquelle se trouva heureusement un médecin, qui constata que la victime vivait encore. Dès-lors il ne s’agit plus que de la transporter au couvent le plus proche, et c’est ce qu’on fit. Ce couvent était celui des Bernardines. Ce premier devoir d’humanité rempli, la tache de la justice commença ; mais, tandis que les médecins ramenaient à la vie, par des soins intelligens, la malheureuse femme, les juges ne virent pas leurs poursuites contre le meurtrier couronnées du même succès. On arrêta d’abord le cocher, et on dut le relâcher bientôt après avoir reconnu sa parfaite innocence. On arrêta ensuite un jeune Espagnol dont les assiduités et les galanteries pour la créole n’étaient un secret pour personne. Celui-ci apprit à la fois ainsi l’infidélité et la mort de celle dont il voulait faire sa femme. Ce fut un coup affreux (ici la voix de don Tadeo trembla visiblement), et peu s’en fallut qu’il n’en perdît la raison. Au bout d’un an, l’Espagnol fut relâché faute de preuves ; mais il sortait de prison ruiné par les frais de justice et le cœur privé de ses plus chères illusions. Il sut alors que celle qui l’avait trompé, et qu’il avait pleurée comme morte, vivait encore, mais qu’elle avait renonce au monde et pris le voile dans le couvent même où elle s’était vue recueillie après l’événement du ''Paseo''. Il ne fit aucune tentative cependant pour la voir ; mais tous ses efforts toutes ses pensées n’eurent plus qu’un seul but, la vengeance. La justice mexicaine n’avait pas su découvrir le meurtrier : il se promit de continuer les poursuites trop tôt abandonnées, et de réussir là même où la coupable indolence des juges avait déclaré le succès impossible.
Ici le licencié fit une pause ; le glas des Bernardines tintait toujours, et je commençais à comprendre l’émotion qu’éveillaient en lui ces sons lamentables.
Cet Espagnol, vous l’avez deviné, c’est moi. J’avais pu dérober au dossier de cette lugubre affaire une lettre trouvée sur la jeune fille, et dans laquelle on lui assignait le rendez-vous où elle avait rencontré la mort. Ce fut pour moi le seul fil à l’aide duquel je remontai le sombre labyrinthe où la justice mexicaine s’était égarée. Dès-lors commença dans ma vie une période ténébreuse et agitée que la mort seule pourra finir. Je me résignai à vivre au milieu des voleurs et des meurtriers, dans l’espoir d’arriver, par leurs révélations, à la connaissance du secret qui me préoccupait. Sous prétexte d’exercer ma profession de légiste, j’allai au-devant de toutes les affaires qui m’offraient une occasion d’interroger ces misérables, de pénétrer dans leurs tavernes et dans leurs repaires. Il ne se commit dès-lors plus dans Mexico un
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Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/160
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appelez-vous innocent le satellite, le complice de l’infâme Cardillac ? celui qui a pris part à tous ses forfaits, qui a cent fois mérité la mort ? Non, non, il est justement puni, et si je vous ai découvert, mon honorable demoiselle, la vérité sur cette criminelle intrigue, c’est que je suppose que, sans me compromettre auprès de la chambre ardente, vous saurez néanmoins peut-être profiter de cette révélation d’une certaine manière dans l’intérêt de votre protégé. »
Mademoiselle de Scudéry, transportée de joie de voir l’innocence de Brusson confirmée par un témoignage aussi positif, ne se fit pas le moindre scrupule de tout découvrir au comte de Miossens, instruit déjà de la culpabilité de Cardillac, et elle le décida à venir avec elle visiter d’Andilly, pour le mettre aussi, sous le sceau du secret, dans la confidence, et réclamer ses conseils sur ce qu’il y avait à faire.
D’Andilly, après que mademoiselle de Scudéry lui eut tout raconté dans le plus grand détail, se fit répéter encore une fois les circonstances les plus minutieuses ; il interrogea surtout le comte de Miossens, pour savoir s’il était bien convaincu de l’identité de Cardillac, et s’il pourrait reconnaître Olivier Brusson pour l’homme qui avait emporté le cadavre. « Outre que j’ai parfaitement reconnu l’orfèvre à la vive clarté de la lune, répliqua M. de Miossens, j’ai pu voir aussi chez le président La Reynie lui-même, le poignard sous lequel est tombé Cardillac. Ce poignard est le mien, et il se distingue
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Boiteau - Légendes pour les enfants (Hachette 1861).djvu/115
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son innocence, prendre le ciel et la terre à témoin
du respect qu’il avait pour la femme de son maître,
il fallut qu’il se laissât conduire dans la prison que
Golo lui avait fait préparer. Ce fut une chose bien
triste que de voir le traître, après avoir fait enfermer
le pourvoyeur, se rendre dans la chambre
de Geneviève et lui dire que Raymond avait avoué
sa part de leur crime commun. La sainte femme
eut besoin de toute sa vertu en cette rencontre ;
encore sa patience eut-elle quelques moments
d’oubli : elle se plaignit. Mais Golo avait séduit ou
convaincu tous les gens de la maison ; et personne
ne l’écouta, personne ne fut ému de sa misère.
Golo, l’ayant bien atterrée, la fit prendre et conduire
en une tour voisine de celle où était renfermé
Raymond. De là elle entendait ses cris.
Tant de peines pouvaient la faire mourir en
l’état où elle se trouvait ; mais Dieu prit un soin
particulier de la mère et de l’enfant qui allait
naître.
Pauvre Geneviève, de quelles angoisses ses
jours et ses nuits ne furent-ils pas remplis en cette
prison cruelle ! Elle priait, elle pleurait, elle gémissait.
« Hélas ! mon Dieu, disait-elle, est-il possible que
vous permettiez les maux que je souffre, vous
qui avez une parfaite connaissance de mon innocence ?
Que vous ai-je fait pour que vous me
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Wallace - La sélection naturelle, essais, 1872.djvu/413
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{{t2|{{-|5}}|NOTES}}
{{t2|{{ancre+|page393|NOTE A}} {{lia|13|page379|(page 379).|399}}}}
Quelques critiques me paraissent s’être complètement mépris sur le sens des expressions que j’ai employées ici. Ils m’ont reproché de chercher à surmonter une difficulté en faisant un appel inutile et peu philosophique aux « causes premières » ; d’admettre que « notre cerveau est l’œuvre de Dieu, et que nos poumons sont celle de la sélection naturelle », enfin, d’avoir fait de l’homme « l’animal domestique de Dieu ». Un savant éminent, M. Claparède, me fait continuellement appeler à mon aide une « Force supérieure », la lettre majuscule F, voulant dire, je pense, que cette Force supérieure est la Divinité. Je ne puis expliquer ce malentendu que par l’impuissance où est aujourd’hui tout esprit cultivé, de se représenter l’existence d’une intelligence supérieure intermédiaire entre l’homme et la Divinité. Les anges et les archanges, les esprits et les démons, sont depuis si longtemps bannis de nos croyances, que nous ne pouvons plus nous les figurer comme des réalités, et la philosophie moderne ne met rien à leur place. Cependant, la grande loi de la ''continuité'', dernier terme de la science moderne, qui semble absolue dans tous les domaines de la matière, de la force et de l’esprit, aussi loin que nous pouvons les explorer, ne peut manquer d’être vraie aussi au delà de l’étroite sphère de notre vision. Il ne peut y avoir un abîme infini entre l’homme et le Grand Esprit de l’univers ; une telle supposition me parait au plus haut degré improbable.
En parlant de l’origine de l’homme et de ses causes pos-
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Charles Virmaître - Les Flagellants et les flagellés de Paris.djvu/286
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{{nr|184|LES FLAGELLANTS}}{{tiret2|Aus|sitôt}} qu’un scandale commençait à poindre à l’horizon, il était étouffé, et le public en était réduit aux conjectures.
Pourtant elle intenta un procès à un homme du meilleur monde, très haut coté, pour lui réclamer
100.000 francs ; ce procès est curieux à plus d’un titre, car il prouve que si les filles ne valent pas cher, leurs amants titrés valent encore moins.
C’est un documentpour les historiens futurs.
L’avocat de la marquise lut à l’audience le billet suivant :
<small>Je soussigné, reconnais devoir à M"°C. Schumacher (La
Bruyère) la somme de cent mille francs qu’elle m’a remise aujourd’hui, sur la vente de ses valeurs,pour être employée dans mes affaires. Je m’engage à lui rendre cette somme à
elle ou à son ordre dans cinq ans de ce jour, m’engageant, jusqu’à remboursement effectif, à lui servir les intérêts au taux commercial de 6 pour 100, de six mois en six mois. En cas de mon décès, cette somme serait immédiatement exigible.
''Bon pour cent mille francs, valeur reçue en espèces comptant, et sur un bon de la Banque de France.''
{{droite|V...}}</small>
M<sup>e</sup> Allou s’efforca de démontrer par la lecture de la correspondance échangée entre M. V. et Labruyère, que la marquise d’Orvault n’avait pas craint de poursuivre le remboursement de deux
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Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/964
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avec la faculté d’emprunt, les travaux qui préparent la grandeur ou le repos des nations. Admettez au contraire qu’un gouvernement peut tout ce qu’il veut, et qu’il est toujours le maître de dégrever le présent pour grever l’avenir, et vous allez donner à ceux qui viendront après lui l’irrésistible tentation de répudier le fardeau qu’on leur aura légué, et qui, du moment qu’il deviendra trop lourd, ne manquera pas de leur paraître injuste.
Un gouvernement prudent ne doit exclure de ses moyens d’action ni l’impôt ni l’emprunt. Pourquoi restreindre de gaieté de cœur les limites du possible ? L’état vient d’emprunter 250 millions : passons sur les faits accomplis ; mais des besoins nouveaux se déclarent. Est-ce le cas de s’adresser encore une fois au crédit ? Si l’on prend ce parti, il faudra bien attendre le terme des versemens qui restent exigibles, car on ne peut pas enchevêtrer l’emprunt qui va s’ouvrir avec l’emprunt déjà ouvert. Cela nous conduit au mois de juillet 1855. On s’est publiquement et hautement félicité des résultats qu’a produits au mois de mars dernier la souscription publique. Ce mode a beaucoup d’avantages, dont le plus considérable à mes yeux est d’attirer dans la rente les petits capitaux de province, qui, en se jetant sur les acquisitions territoriales, enflaient la valeur du sol et le fractionnaient en parcelles pour ainsi dire impalpables. Cependant à côté des avantages viennent se placer des inconvéniens très sérieux. Il ne faut pas se dissimuler que le dernier emprunt a épuisé la province, en même temps qu’il écartait ou rebutait les grands capitalistes. Cet état de choses rend, je le crains bien, aussi difficile de convoquer de nouveau la foule que d’obtenir des soumissions à forfait. On a peut-être agrandi le marché des rentes à l’intérieur, mais on s’est privé d’une ressource qui importe surtout aux jours de crise, en éloignant les capitaux de l’Angleterre et de l’Allemagne. L’emprunt de 1854, du reste chèrement payé, eût présenté une combinaison excellente et à l’abri de la controverse, si l’état n’avait plus dû emprunter. Ceci ne veut pas dire que les bourses vont se fermer devant le gouvernement ; je crains seulement qu’il ne trouve pas, quand il le voudra, l’argent très abondant ni les conditions très faciles.
Il semble naturel que la génération dans l’intérêt immédiat de laquelle la France prend les armes contribue à la guerre de ses ressources pécuniaires comme elle y contribue de son sang. Il y a place pour un impôt de guerre dans tout budget bien ordonné. Cet impôt est, comme on le pressent, la contribution directe qui s’adresse ouvertement aux facultés des contribuables, et que l’on allège dans les années de prospérité pour la retrouver plus élastique et plus féconde dans les temps d’épreuve. Je sais bien que les gouvernemens qui rehaussent le tarif des contributions, même en présence d’une nécessité reconnue, sont rarement populaires ; mais le devoir passe
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Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/721
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A une situation violente succéda tout à coup la plus affectueuse confiance. Après deux mois de débats, M. d’Aiguillon put clore les états en recevant des trois ordres les plus chaleureux remercîmens, et sans que rien laissât pressentir ni les obstacles qui entraveraient son administration, ni les haines qui devaient tourmenter sa vie. La fortune lui gardait une dernière faveur, car elle associa son nom à une glorieuse journée dans une guerre où les échecs furent encore pour la France plus humilians que désastreux. Tandis que dans l’été de 1758 le commandant de la province en visitait les côtes, une formidable escadre anglaise cingla vers celles de Normandie, où elle s’empara de Cherbourg, dont elle combla le bassin et rasa les fortifications. Il n’y avait point à douter qu’un armement aussi dispendieux ne fût destiné à des opérations plus sérieuses encore, et toutes les conjectures concordaient à faire penser que l’ennemi se proposait ou d’incendier le port de Brest, dépôt des restes précieux de notre marine, ou de tenter un coup de main sur Lorient, qui renfermait les riches magasins de notre compagnie des Indes. Toutefois, pendant que le duc d’Aiguillon était à Brest, la flotte anglaise parut devant Saint-Malo, et détruisit sans obstacle la plus grande partie des navires marchands ancrés entre cette ville et Saint-Servan. Hésitant à attaquer la place devant l’attitude résolue des Malouins, renforcés par la levée en masse des populations rurales, l’escadre reprit la mer ; mais elle ne tarda point à reparaître dans la baie de Cancale, où elle mit à terre environ 16,000 hommes. Les Anglais s’établirent en vue de la mer et sous la protection de leur flotte dans le bourg de Matignon, où ils formèrent un camp retranché. Néanmoins dans la première semaine de septembre le duc d’Aiguillon, après avoir mis en état de défense les côtes de l’Océan, avait pu réunir à quelques lieues de l’ennemi toutes les forces régulières que possédait alors la province. C’étaient les restes de quelques régimens défaits à Rosbach, et le chiffre total n’atteignait pas 6,000 hommes. Un tel effectif aurait été insuffisant pour rejeter à la mer un corps d’armée appuyé sur une flotte excellente et retranché dans une position très forte ; mais autour du commandant de la province étaient venues se grouper des compagnies de gardes-côtes conduites par les gentilshommes du littoral et des masses de paysans prêts à se jeter sur l’Anglais avec leur furie traditionnelle. Appuyé par cette population héroïque, le duc d’Aiguillon prit la résolution de forcer le camp de Matignon. Les ordres nombreux accumulés dans ses mémoires<ref> ''Journal d’Aiguillon'', t. Ier, p. 453 à 510.</ref> ne peuvent laisser aucun doute ni sur son parti très arrêté de déloger l’ennemi, ni sur le soin minutieux avec lequel il prépara la
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Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/366
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{{nr|350|PLANTES CULINAIRES.|}}{{t|ces formes géantes comme le ''Champion d’Angleterre'', à feuilles énormes,
à gousses pointues, dont les gros pois sont ridés, verts, et presque cubiques, — toutes les trois seraient regardées comme espèces distinctes.|90}}
{{t|A. Knight<ref>''{{lang|en|Phil. Transactions}}'', 1799, p. 196.</ref> a remarqué que les variétés de pois se maintiennent très-constantes, parce que les insectes ne contribuent pas à déterminer des
croisements entre elles. J’apprends de {{M.|Masters}}, de Canterbury, très-connu comme le créateur de plusieurs variétés nouvelles, que quelques
variétés se sont conservées pendant fort longtemps, ainsi la variété
''{{lang|en|Knight’s Blue Dwarf}}'', qui a paru en 1820<ref>''{{lang|en|Gardener’s Magazine}}'' {{rom-maj|I|1}}, p. 153, 1826.</ref> ; mais la plupart n’ont qu’une existence très-courte ; ainsi Loudon<ref>''{{lang|en|Encyclop. of Gardening}}'', p. 823.</ref> remarque que des formes qui étaient très-recherchées en 1821, ne se trouvaient plus nulle part en 1833 ; et en comparant les catalogues de 1833 avec ceux de 1855, je vois que
presque toutes les variétés ont changé. La nature du sol paraît, chez quelques
variétés, déterminer la perte de leurs caractères. Ainsi que pour d’autres
plantes, certaines variétés peuvent se propager telles quelles, tandis que
d’autres ont une tendance prononcée à varier ; ainsi {{M.|Masters}} ayant
trouvé dans une même gousse deux pois différents, l’un rond et l’autre
plissé, remarqua chez les plantes provenant du pois plissé, une forte tendance à produire des pois ronds. Le même, après avoir obtenu d’une
plante quatre sous-variétés distinctes, dont les pois étaient bleus et ronds,
blancs et ronds, bleus et plissés, blancs et plissés, sema ces quatre variétés
séparément pendant plusieurs années consécutives, et chacune d’elles lui
donna toujours les {{corr|quatres|quatre}} formes de pois indistinctement mélangées.|90}}
{{t|Quant aux croisements des variétés entre elles, je me suis assuré que
le pois, différant en cela de quelques autres Légumineuses, est parfaitement
fécondable sans le secours des insectes. J’ai cependant vu les abeilles
suçant le nectar des fleurs, se couvrir si fortement de pollen, que celui-ci
ne pouvait manquer de se déposer sur le pistil des fleurs visitées ensuite
par l’insecte. D’après les informations que j’ai obtenues auprès de plusieurs
grands cultivateurs de pois, peu les sèment séparément ; la plupart ne
prennent pas de précautions ; et de fait j’ai pu m’assurer par mes propres
observations, qu’on peut pendant plusieurs générations, obtenir des graines
pures de différentes variétés croissant près les unes des autres<ref>Voir {{Dr|Anderson}} dans ''{{lang|en|Bath Soc. Agric. Papers}}'', vol. {{rom-maj|IV|4}}, p. 87.</ref>. {{M.|Fitch}}
m’apprend que dans ces conditions il a pu conserver pendant vingt ans
une variété, sans qu’elle ait cessé d’être constante. Par analogie avec
les haricots<ref>Ces expériences sont détaillées dans ''{{lang|en|Gardener’s Chronicle}}'' 25 Oct. 1857.</ref>, je me serais attendu à ce qu’occasionnellement, après de
longs intervalles, et une disposition à une légère stérilité survenant par
suite d’une fécondation en dedans trop prolongée, des variétés ainsi rapprochées se fussent croisées entre elles ; et au [[../11|onzième chapitre]] je signalerai deux cas de variétés distinctes, entre lesquelles a eu lieu un croisement spontané, le pollen de l’une ayant directement agi sur les graines de l’autre. Le renouvellement incessant des variétés est-il dû en partie à des|90}}
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Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/119
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{{t2|'''CHAPITRE XXV.''' }}
{{Centré|'''DE LA MANIÈRE DE GOUVERNER DANS LA MONARCHIE.'''}}
L’autorité royale est un grand ressort qui doit se
mouvoir aisément et sans bruit. Les Chinois vantent un de leurs empereurs, qui gouverna, disent-ils, comme le ciel, c’est-à-dire, par son exemple.
Il y a des cas où la puissance doit agir dans toute son étendue ; il y en a où elle doit agir par ses limites. Le sublime de l’administration est de bien connoître quelle est la partie du pouvoir, grande ou petite, que l’on doit employer dans les diverses circonstances.
Dans nos monarchies, toute la félicité consiste dans
l’opinion que le peuple a de la douceur du gouvernement.
Un ministre mal habile veut toujours vous avertir que
vous êtes esclaves. Mais, si cela étoit, il devroit chercher à le faire ignorer. II ne sait vous dire ou vous écrire, si ce n’est que le prince est fâché ; qu’il est surpris ; qu’il mettra ordre. Il y a une certaine facilité dans le commandement : il faut que le prince encourage, et que ce soient
les lois qui menacent
<ref>
Nerva, dit Tacite, augmenta la facilité de l'empire. (M.) ''Vie d'Agricola'', ch. III. Certaines éditions portent ''felicitatem'' et non pas ''facilitatem'' ''imperii''
</ref>.
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Darmesteter - Essai sur la mythologie de l’Avesta.djvu/58
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{{g|qu’en mon pouvoir soient Haurvatâ^ et Ameretâ^, récompense de la pureté, obtenue en suivant la Parole sainte^^1.|4}}
{{A|Je te demande une chose : réponds-moi vrai, ô Ahura ! Quand par la pureté gagnerai-je cette récompense : dix cavales avec leurs mâles et un chameau ; que je voie en mon pouvoir Haurvatâ, et Ameretât, pour que de leurs biens je puisse te faire offrande^^2 ? »|4|1}}
§ 32. Si nous résumons à présent les formules précédentes, nous voyons que nos deux génies s’y trouvent à tous les degrés de développement. Ils y sont réunis soit en couple naturel, soit en couple artificiel ; en couple naturel primitif, comme dieux de la Santé et de l’Immortalité (§ 29, 1, 2, 3 ; § 30, 1) ; en couple naturel secondaire, d’abord comme dieux des eaux et des plantes (§ 30, 2), puis comme dieux de l’abondance (§ 31, 1, 2, 3) ; en couple artificiel, l’un étant encore dieu d’immortalité, l’autre déjà dieu d’abondance (§ 30, 3).
Ainsi, dans la partie de l’Avesta réputée, à tort ou à raison, pour la plus ancienne, la transformation matérielle des deux génies est déjà faite. Mais, malgré cela, des traces manifestes et nombreuses de l’ancienne valeur subsistent ; dans telle formule, sous le sens nouveau que les néo-mazdéens y voient, perce encore le sens antique. En voici un nouvel exemple. Une invocation à Âtar (le feu, l’Agni iranien) porte :
{{A|mazé avaqyâi mazé rafenôqyâi dâidî haurvâtâo ameretâtâo^^3.{{tab}}(57. 20)|2|1}}
1. Le mot-à-mot de zarem carunî me semble être apprehensionem accedam. (zar = sscr. har saisir), quand arriverai-je à saisir. — âçMtîm Jihshmâkâm : kartûrisi lakum votre action, la glose ajoute : quand seront parfaites votre action et votre loi. — VâMshaêshô = vocis votum. — râthemô = mizd^ dânam (Nériosengh) ; la racine est râ donner (Dict. de Saint-Pétersbourg, s. y.) ; râthemô est équivalent pour le sens et la racine au védique ratna ; cf. dadhâti ratnam vidhate^ il donne des biens à qui l’honore (RV. 4, 2, 3).
2. Môi apavaitî est rendu en pehlvi par dar Mavitûnam, que je voie ; de même Nériosengh : me pat evam vedmi. — On peut conclure, si l’on veut, du troisième vers que dix couples de chevaux et un chameau formaient l’unité de fortune.
3. Reste pour épuiser la série gâthique la strophe 46. I. Mais rien dans le contexte ne détermine la valeur des deux mots :
çpeñta mainyû vahistûcâ mananhû
hacâ ashât skyaotlianûcâ vacanhâcâ
</poem>
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Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/430
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commun et en explique la nature ? Combien encore sont vagues et équivoques,
dans une théorie de la connaissance, ces termes de ''valeur'' (''{{lang|de|Werth}}'')
et de ''devoir'' (''{{lang|de|Sollen}}'') dont nous avons grand’peine à dissocier la signification
purement morale ! D’une nécessité qui n’est ni physique ni logique est-on
en droit d’affirmer sans autre démonstration qu’elle est une nécessité
morale, comme si ces classifications scolastiques étaient définitivement
acquises ou même bien instructives ?
Ce ne sont là encore que des chicanes sans grande importance et il est
vraisemblable qu’en plus d’un point M. Rickert serait en état de nous
donner satisfaction. Mais il est dans sa thèse un vice plus grave, ou, si
l’on veut, une lacune qui nous semble en compromettre plus la solidité ou
même en amoindrir l’intérêt. Si en effet, avec M. Rickert, nous définissons
l’objet transcendant « ce sur quoi se règle la connaissance », n’entendons-nous
pas par ces mots que l’objet cherché doit effectivement jouer dans la
connaissance le rôle d’un principe directeur ou plutôt déterminateur ? Quoi
qu’on pense d’ailleurs du réalisme, qu’on admette au delà du phénomène
une matière, une force, une pensée ou une volonté, il est incontestable au
moins que ces hypothèses servent à organiser la connaissance, qu’elles assurent
au savoir son unité et à la recherche une direction. La loi mentale,
dont M. Rickert assure que chaque jugement démontre en fait la souveraineté,
remplit-elle le même office ? C’est ce qui n’apparaît pas. De cet
axiome : « Il faut juger, il faut opter entre deux propositions contradictoires
A et B », je ne puis nullement conclure que la proposition A soit plus ou
moins vraie que la proposition B. Je demeure en suspens tant qu’aucun principe
nouveau ne m’autorise à m’arrêter à A ou B. Voilà donc une loi purement
formelle qui ne prescrit rien, un transcendant qui ne règle rien et ne
me sert point à ordonner mon savoir. Où M. Rickert se réserve-t-il de
trouver ce principe de détermination qui lui manque ? Recourra-t-il, avec
quelques modernes, à un acte de volonté pure ? Sera-ce au contraire la
matière passive, la représentation brute qui, classée et définie par les
catégories de l’entendement, lui fournira un principe de distinction ?
Pourra-t-il d’ailleurs s’établir quelque relation entre la conscience en
général et la conscience individuelle ? Quel sera le point de coïncidence ou
d’application de la loi subjective abstraite et de la représentation concrète ?
Autant de questions demeurées sans réponse, autant de problèmes dont la
solution pourrait éclaircir ou même confirmer l’intéressante thèse que nous
venons de résumer.
{{Droite|{{sc|Th. Ruyssen}}.|5}}
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Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/752
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dont le rez-de-chaussée n’a jour que du côté du nord. Il est flanqué de deux grosses tours octogonales ; un avant-corps fait saillie au milieu de la façade nord, qui regarde la ville. Les deux tours octogonales qui décorent les angles de la façade méridionale ont de petits flancs coupés de portes et de fenêtres où l’on n’aurait jamais pu fixer un cercle mural d’une certaine dimension. Celle de l’est, qui fut laissée sans couverture, et la vaste salle du second étage, qui n’a été pavée qu’en 1730 et qui renferme une méridienne de cuivre enclavée dans les dalles, servirent à installer ou à remiser des lunettes de 10 à 20 mètres de long, avec lesquelles on étudiait la constitution physique du soleil et des planètes. Les deux autres tours ont abrité, paraît-il, des instrumens de mesure, mais nous ne savons trop ce qu’on y a jamais mesuré.
Cassini n’était pas plus satisfait des dispositions du vaste édifice que ne l’étaient les astronomes de l’Académie. Il aurait voulu, lui, que cet édifice même fût un colossal instrument ; son rêve était d’appliquer sur les quatre murailles quatre grands quarts de cercle dont les divisions eussent pu faire reconnaître les minutes et même les secondes des angles. En outre il croyait nécessaire de disposer une vaste salle pour un cadran solaire intérieur ; le soleil, pénétrant par une petite ouverture au sommet du mur, devait dessiner son chemin journalier sur le parquet et révéler ainsi les variations qui ont lieu dans le mouvement annuel de l’astre. C’est à cet usage que la salle de la méridienne paraît avoir été primitivement destinée, mais l’on différa pendant soixante ans d’y poser des dalles, parce que l’édifice tassait d’une manière sensible, et que les changemens de niveau qui en résultaient devaient rendre le cadran projeté inexact. On chercha donc à tirer parti du bâtiment tant bien que mal. Les grandes lunettes étaient le plus souvent placées sur la terrasse qui masque le rez-de-chaussée de l’Observatoire du côté du midi. D’autres instrumens étaient installés devant les fenêtres des salles. Pour observer le zénith, Cassini fit percer toutes les voûtes vers le centre de l’édifice par un trou circulaire correspondant au puits à escalier tournant par lequel on descend dans les caves. On sait que les souterrains de l’Observatoire, dont la profondeur est de 28 mètres, ont été construits dans les anciennes carrières ou catacombes. Ils ont servi à constater qu’à une pareille profondeur la température ne subit que de très faibles variations ; le thermomètre s’y maintient au même degré (environ 12 degrés) pendant l’hiver et pendant l’été, Cette remarque, due à Mariotte, fit une grande sensation lorsqu’il la publia pour la première fois. Le puits de Cassini existe toujours, mais il est fermé au rez-de-chaussée, et les ouvertures des voûtes ont été bouchées.
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Coquerel - Histoire des églises du désert, Tome 1.djvu/206
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{{Nr|192|{{sc|des églises du désert.}}|}}la fondation du ''séminaire de Lausanne'', établissement
qui devint une ressource des plus précieuses pour les
églises persécutées. Cette fondation marcha de front
avec les premiers travaux qui furent entrepris, lors
de la renaissance du culte. À peine les églises se furent-elles
reconnues et comptées, que leurs pasteurs songèrent
à peupler les rangs du ministère de sujets
instruits. La position des populations, le fanatisme
si nouvellement assoupi, les lois cruelles qui demandaient
chez les pasteurs tant de fermeté et tant de
prudence, tout se réunissait pour rendre les fonctions
pastorales aussi graves que difficiles. L’avenir des
églises réformées de France dépendait donc du succès
de ce plan. Ce fut encore le pasteur Antoine Court
et ses premiers collègues qui eurent l’honneur d’une
si importante entreprise, dont la nécessité leur apparut
dès leur entrée dans la carrière. On désire connaître
les premières démarches qui furent faites à ce
sujet, les obstacles qu’il fallut vaincre et les puissances
qu’on dut songer à se concilier. Parmi les appuis que
ce projet rencontra, nous devons citer en première
ligne le gouvernement de Berne, à qui Lausanne ressortissait,
et aussi quelques hommes zélés dans la cour
d’Angleterre, surtout l’archevêque Wake, dont la mémoire
mérite la reconnaissance des protestants français<ref>William Wake, savant théologien anglais, homme conciliant et plein
de douceur, fut promu, en 1716, au siège archiépiscopal de Cantorbéry. Ce
fut lui qui essaya, de concert avec le savant docteur en Sorbonne, Dupin, de
mener à fin l’impossible projet de la fusion entre les églises anglicanes et
romaines. Il avait accompagné à Versailles comme chapelain l’envoyé extraordinaire,
lord Preston, en 1682 ; il put juger les mesures préparatoires à la
révocation de l’édit de Nantes, et ce fut dans ce spectacle qu’il puisa sans
doute l’intérêt pour les protestants français, qu’il montra plus tard au pasteur
Court.</ref>. On va juger, par le précis rédigé par Antoine
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Durand de Mende - Rational, vol 5, traduction Barthelemy, 1854.djvu/60
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aussi appelé Barsabas ; Simon et Judas ; de son troisième
mari, Salomon, qu’elle eut après la mort du second, elle eut
deux fils, Jacques-le-Majeur et Jean l’évangéliste.
V. Or, ce Jacques est surnommé le Juste, par le mérite de
sa naissance ou de sa condition ; car on dit qu’il fut saint dès
le sein, ou qu’il fut sanctifié dans le sein de sa mère. Il fut ordonné
premier évêque de Jérusalem par les apôtres Pierre,
Jacques et Jean ({{sc|xvi}} d. ''Pono''). C’est lui qui, avec Basile,
évoque de Césarée, nous a laissé dans ses écrits une liturgie
du sacrifice delà messe (''De consec.'', d. {{sc|i}}). Suivant la tradition,
saint Jacques célébra la première messe à Jérusalem, après la
pâque du Seigneur, et saint Pierre, la première à Antioche.
Saint Jacques ne buvait pas de vin ni d’autre boisson fermentée.
Il ne mangeait point de viandes. Jamais il ne se rasait ni
ne se soignait ; jamais il ne prit de bain ; il priait si longtemps,
les genoux en terre, que ses genoux étaient plus durs qu’une
peau de chameau.
VI. Les Juifs le précipitèrent du haut du temple, lorsqu’il
prêchait le nom du Christ, et il fut tué à coup de perches de
foulon. Or, le foulon est l’ouvrier qui blanchit les pièces de
lin. Certains ont dit que c’était à cause du crime de ce meurtre
que les Juifs avaient été détruits, comme corps de nation,
par Tite et Vespasien ; et ainsi ils n’attribuent point leur destruction
à leur déicide (la mort du Christ).
VII. Dans cette fête il y a des églises qui disent l’introït
''Exclamaverunt'' (Néhémie, chap. {{sc|ix}}) ; l’épître ''Stabunt justi'',
(Sagesse, chap. {{sc|v}}). L’évangile est : ''Non turbetur cor vestrum'',
de saint Jean (chap. {{sc|xiv}}) ; et la postcommunion : ''Tanto tempore'' (Jean, chap. {{sc|xiv}}). Aux heures, on dit le capitule ''Stabunt justi'' (Sagesse, chap. {{sc|v}}) ; et celui-ci : ''Nos insensati'', du
même livre ; puis cet autre : ''Non esurient'' (Apocalypse, c. {{sc|vii}}).
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Durand de Mende - Rational, vol 5, traduction Barthelemy, 1854.djvu/35
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quer que le Lévitique semble insinuer le huitième jour, ou
bien la célébration de l’octave, en disant : « Le huitième jour
sera le plus célèbre et le plus saint, » ou bien, très-illustre et
très-saint.
XLII. Assurément, on célèbre les octaves des saints, parce
que, de même que le premier jour désigne la nativité des
saints, c’est-à-dire comment ils naissent pour le ciel et pour
être reçus dans la société des anges et des saints Pères, quand
leurs âmes sont séparées de leurs corps ; ainsi, dans les octaves
rappelant la résurrection des corps, nous nous réjouissons avec
eux de la résurrection de ces corps.
XLIII. Et remarque que nous fêtons l’octave de certains
saints ; et afin que ce mystère (de la résurrection des corps)
ne devienne pas trop commun, nous ne la fêtons pas (l’octave) pour tous les saints ; car si nous ne pouvons célébrer les
fêtes de tous les saints, à plus forte raison ne célébrerons-nous
pas leurs octaves ? Et si d’autres saints ont des octaves solennelles,
à bien plus forte raison l’octave du Saint des saints,
c’est-à-dire de la nativité du Seigneur, sera-t-elle solennelle ?
Mais il semble que la nativité du Seigneur n’a pas d’octave,
puisqu’elle tendait à sa mort, ou qu’elle avait sa mort pour
but. En effet, on donne une octave à la mort des saints, parce
qu’en mourant ils naissent de cette naissance qui les conduit à
la vie éternelle. Car c’est après cette nativité qui arrive à la
mort, que l’on doit espérer la gloire de la résurrection qui est
donnée dans l’octave ; mais cela n’a pas lieu après la naissance
qui doit aboutir à la mort. D’après cela, il paraît encore que les
nativités de la bienheureuse Marie et de saint Jean-Baptiste
n’ont pas d’octave, ni même la résurrection du Seigneur, dans
laquelle le Seigneur a reçu la robe de son corps, qui sera donnée
généralement à tous les fidèles dans l’octave ou au huitième
âge, car déjà la résurrection du Seigneur avait eu lieu
en réalité.
XLIV. Comme donc il est diverses églises qui célèbrent l’oc-
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Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/403
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Rio-Janeiro. On leur assigna près de la résidence impériale de Pétropolis des vallées boisées, mais peu fertiles, que dominent des
pentes abruptes et qu’une chaîne de montagnes escarpées sépare
de la baie. Les colons se mirent courageusement à l’ouvrage sur ces
hauteurs, qui ont du moins le mérite de la salubrité; mais c’est
probablement au voisinage du palais d’été de l’empereur qu’ils durent de ne pas être dispersés par la misère. On leur livra des terres
à bas prix, on leur avança des sommes considérables avec facilité de
remboursement, on remplit tous les engagemens qu’on avait pris
envers eux; pour faciliter le transport de leurs denrées, on leur fit
construire une belle route qui contourne élégamment les corniches
des montagnes, et qu’on a longtemps désignée sous le nom de Simplon de l’Amérique. Sur les 3,016 colons qui habitaient Pétropolis
en 1859, la plupart étaient encore de simples terrassiers, cependant
on ne comptait pas un seul misérable, et tous les enfans, sans exception, fréquentaient les écoles. C’est là un état de choses rassurant; mais il ne faut pas oublier que ces Allemands forment à Pétropolis la colonie privilégiée par excellence, celle qui a profité le plus largement des munificences du budget.
En général, les étrangers jugent de la colonisation au Brésil par
l’exemple de Pétropolis; mais, pour se rendre compte du système de
recrutement adopté par les planteurs, il faut aller visiter l’une des
cinquante ou soixante colonies fondées loin de la capitale. Le célèbre
voyageur et naturaliste suisse Tschudi, envoyé par son gouvernement comme plénipotentiaire, afin d’étudier le sort de ses compatriotes émigrés au Brésil, ne nous fait que trop bien apprécier les
douleurs des Européens engagés. Pendant un voyage de plusieurs
mois entrepris à travers les plantations, il a pu, en dépit du mauvais vouloir des propriétaires d’esclaves, constater des faits navrans,
et son rapport officiel du 9 octobre 1860, dans lequel il les a consignés avec une noble modération, est un monument historique désormais indiscutable. Plus tard, M. Avé-Lallemant, chargé à son
tour d’une mission sinon officielle, du moins officieuse, a parcouru
les colonies allemandes du Brésil, et nous a laissé de plusieurs
d’entre elles des descriptions vraiment effrayantes. Les établissemens
du Mucury, qui ont reçu le plus grand nombre de travailleurs, sont
précisément ceux qu’il trouva dans l’état le plus déplorable. Il est
douloureux de penser que la civilisation inaugure ainsi par d’horribles drames ses premiers pas dans la solitude.
Le Mucury est un fleuve de la province de Porto-Seguro qui se
jette dans l’Atlantique vers le 18e degré de latitude. Il est connu par
les géographes comme la principale artère de la région qu’habitent
les Botocudos, ces Indiens à la peau d’un blanc sale, aux jambes
grêles, au ventre énorme, aux yeux sans regard, aux lèvres garnies
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Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/372
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sans actualité, l’opinion qu’ils peuvent garder à tout instant des choses. M. Tennyson, lui, sait combiner dans une juste proportion ce qui passe et ce qui demeure. Sans exagération comme sans cérémonie, il prend par où elle se présente l’inspiration qui lui vient, ou plutôt il la laisse se dérouler à sa guise ; mais, en suivant sa pente, elle s’étend peu à peu comme un fleuve qui reçoit des tributaires, et pourtant elle ne cesse jamais d’être précise. M. Tennyson a une incroyable finesse d’oreille, il est un maître pour frapper juste.
La justesse et la souplesse sont également ce qui distingue son langage poétique. Mieux que personne il a réalisé dans de petits cadres l’idéal du style, qui est comme le complément nécessaire de la poésie nouvelle. Sous le règne des systèmes, le style aussi était systématique ; les poètes s’imaginaient que chaque locution et chaque cadence rhythmique avait sa valeur absolue, et ils étaient assez portés à employer à tout propos les images qui leur semblaient le beau, et les coupes de phrase qui leur semblaient la dignité. Le grand souci, au contraire, de M. Tennyson est de ne rien employer hors de propos. Il a la conscience du goût. — Sa couleur varie suivant les formes qu’il peint ; la coupe de son vers et l’allure de sa phrase se mettent naturellement en accord avec le souffle plus ou moins saccadé du sentiment qu’il exprime. Avec plus de complexité que les poètes grecs, il a enfin ce qui les distingue dans leurs meilleurs morceaux : il est homogène et harmonieux. Chacune de ses pièces est un groupe de détails qui lancent des rayons dont le propre est de converger dans l’esprit pour y reconstruire une même image.
Parlerai-je maintenant de ce qui leur manque ? Les qualités mêmes du poète pourraient le faire deviner : M. Tennyson a l’haleine courte, il est incapable d’un effort prolongé. Il ne faut pas attendre de lui de vastes combinaisons ; mais ce qu’il ne peut pas, il ne le tente pas. Son talent obéit docilement à sa nature, et l’esprit aime à s’arrêter sur ses œuvres comme il se plaît à envisager la planète qui rayonne parce qu’elle reste admirablement dans son orbite. On peut dire ainsi de lui ce qui est vrai de tous les hommes supérieurs : que les facultés qu’il n’a pas lui sont aussi utiles que celles qu’il possède. Si les cordes de son instrument cessent vite de vibrer, c’est à cela même qu’elles doivent leur justesse, car c’est cela qui les rend toujours prêtes à répondre au moindre souffle.
J. MILSAND.
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Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/608
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Je me suis procuré un volume des œuvres de Jeremy Taylor, que j’ai lu à Keats cette nuit. C’est vraiment un trésor, et il est venu quand j’avais perdu l’espoir de le rencontrer. Pourquoi d’autres bonheurs ne nous viendraient-ils pas ? J’en veux conserver l’espoir. Le docteur Clark est toujours le même, bien qu’il sache ce qui est arrivé pour le billet. Il craint que le premier changement ne soit la diarrhée. Keats voit tout. Sa connaissance de l’anatomie rend chaque crise dix fois pire ; il est misérable de tous côtés. Cependant chacun m’offre ses services pour lui. Il ne peut lire aucune lettre, et m’a fait les placer près de lui sans les ouvrir. Elles le déchirent. Il n’ose plus en regarder l’adresse. Faites qu’on le sache.
« 18 février. — Je viens de recevoir votre lettre du 15 janvier. Le contraste qu’il y a entre votre Hampstead tranquille et hospitalier et ce pays désert où souffre le pauvre Keats me fait venir les larmes aux yeux. J’ai désiré bien, bien souvent qu’il ne vous eût pas quitté. Sa guérison aurait été impossible en Angleterre, mais son excessive douleur l’a également rendue impossible ici. Quand vous le soigniez, il me semblait comme un enfant dans les bras de sa mère. Vous auriez dissipé son chagrin en lui présentant mille sujets d’intérêt, et sa mort eût été adoucie par la présence de nombreux amis. Ici, seul avec un ami, dans un pays sauvage pour un malade, il a une peine de plus ajoutée à toutes ses peines ; car ç’a a été pour moi une tâche difficile de lui cacher ma triste position. Je l’ai conservé à la vie de semaine en semaine. Il refusait toute nourriture, et j’ai préparé ses alimens jusqu’à six fois par jour pour qu’il ne lui restât pas d’excuse. Je n’osais le quitter que lorsqu’il dormait. Il est impossible de concevoir ce qu’ont été ses souffrances. Dans ses angoisses, il serait descendu au tombeau solitairement, et pas un mot n’aurait été dit sur son compte : cette pensée seule me paie de tout ce que j’ai fait. Maintenant il est encore vivant et calme. Il ne veut pas entendre parler de mieux ; la pensée de guérir l’effraie plus que toute chose. Nous n’osons plus remarquer aucune amélioration, l’espoir de la mort semble son seul bonheur. Il dit que la paix du tombeau sera le premier repos qu’il aura eu.
« La semaine dernière, un vif désir d’avoir des livres s’est emparé de lui. Je lui ai procuré tout ce que j’ai pu. Cette fantaisie a duré trois jours, maintenant elle est passée. Il est tranquille, et de plus en plus réconcilié avec son affreuse infortune.
« 14 février. — Il n’est survenu que peu ou point de changement, sinon qu’heureusement son esprit devient de plus en plus calme et paisible. J’ai remarqué que ce changement accompagnait l’affaiblissement croissant de son corps ; à mes yeux, c’est un repos délicieux. J’ai été si long-temps ballotté dans la tempête de son esprit ? Cette nuit, il a beaucoup parlé, mais sans difficulté, et il a fini par tomber dans un sommeil bienfaisant. Il semble avoir des rêves agréables : cela amènera quelque changement, non en mal, cela ne se peut, mais peut-être en mieux. Parmi les nombreuses choses qu’il m’a demandées cette nuit, voici la principale, que sur la pierre de sa tombe on mette cette inscription :
::ICI REPOSE UN ÊTRE DONT LE NOM FUT ÉCRIT SUR L’ONDE.
« En arrivant ici, il acheta un exemplaire d’Alfieri, mais il le jeta à terre à la seconde page et fut vivement affecté de ces vers :
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Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/251
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i.A SAC. i :-ki ;mmi ;. it’.i
cultive soineiil la clienlèlf depuis un l(’ni|js iiiiniéinDiial. On peut, sans la nuiindii’
illjusllce, lui assiiiner, en loule oecui leiicc. une place dans le panlhénn des r<’uunes
Halzac, rensei ;;ne ne vieillit pas. Il peut arriver aussi (ju’un lalileau de reneinilre
façonné ii lelli^ie d une liloude s’adaple sans dil’licullé ;i une liruue plipiaiile. Les
eul’ants n’y regardent pas de si près pour venir au monde. La sa^’e-leunue esl toujours
élève de la Maleriiilé sur son lalileau.
Chaque rue olIVe une de ces euseif^nes, oii le sourire est sléréoly|)é sur les lèvres
du nouveau-né et de la sage-femme. Avoir un lalileau est le privilège des accoucheuses ;
mallieureusemeiit ce (pie ce mode tie pulilicatiou a d avantageu.v esl en
partie perdu par la e<ineurrenee.
Aurait-on la curiosité de se demander (|uelle esl la cause (|Ui jetle dans une voie
exceiilritiue et savante tant de lènunes nées pour èlr<’ l’orneiuent d’une société bourgeoise ;
i|uelle puissance oeculle et irrésistilile les arrache a leur vocaliou de modistes,
de dames de compagnie, de coidiance ou d’intimité, pour en faire des
sages-femmes ? Cela tient aux plus profonds mystères de la vie d’outre-Seine. On ni
pu se défendre dune sédiidion opérée par un éludianl en médecine : on aime le
médecin d’abord ; ou en vieni ensuite à se |iassionnei jiour son aii. A la Faculté de
droit, les choses ne se passent pas autrement ; beaucoup de femmes connaissent le
code ; Iléloïse élail très-forle sur la scolaslicpie. La sage-femme, c’est la griselle
émancipée ; c’est elle qui, pendant que M. Krnest était au cours, lisait Boërrhaave
avec enlraineraeijl, se passionnait pour un chapitre de Lisfranc comme d’autres pour
un roman de Ch. Gosselin. Cette siilidilé dans le jugement a détermhié M. Liiiest à
laiie des sacrilices. Doué d’une niédiocie ambilion et d’une fortune pins médiocre,
il a consenti h s’établir de compte à demi avec une élève formée de sa main ; ils
ont pris leurs grades le même jour à la Facullé, et les ont fait légitimer a la mairie.
C’est ainsi que naissent les pelitcs fortunes médicales, et que l’art des accouchcmenis
lait chaque jour de nouveaux progrès. L’inverse a cependant lieu <|uelquelois. La
sage-femme, essentiellement vouée a la parturition, lait éclore, le cas échéant, des
célébrités médicales, lin membre de la Faculté ne se faisait remarquer que par ses
babils râpés et un immense pressenlimeiil de ses luiules destinées. Il fut distingué par
une sage-femme possédant une lecelle qu il prôna depuis a plusieurs millions d’annonces ;
s’emparer du cœur de la sage-femme et de sa recelte fut le preinier coup de
maître du docteur. Paraceise avait sulislilué l’aslrologie à toutes les sciences, l’aunonce
lut la panacée universelle du niuivel alchimiste. Parvenu à l’apogée de la lorlune
et de la célébrité, il onlilia la femme (pii l’avait révélé. Outrée de ce manque
ilégards, celle-ci prit la plume, cl nous eûmes les Mémoires d’une uufe-(enime.
La Bhigiajiliie des sages- feiiniies, arrire ouvrage de même portée, coniieni, nous
aimons à le croire, bon nombre <le rroms justement célèbres ; il s’en faut cependani
que toutes celles qui se dislingirent dans celle profession puissent être regardées
comme iriépiochables, et dire loule la vérité en ce qui en concerne <]uelques-unes
serait faire plutôt une satire qu’un tableau de mœurs.
Celle profession a ses Locustes. Des femmes sans aveu, iiuoique accoircheuses
jurées, ayant vécu longtemps dans un étal proliiémali(iue, plus près de I indigence
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Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/108
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du tsar ! Sous ce sceptre, renaîtra la Pologne, libre dans sa foi, dans son langage, dans son administration intérieure... »
Une fois de plus, voilà une démarche que la Russie a faite en dehors de nous. Si elle offrait d’aider à la résurrection d’une Pologne reconstituée tout entière dans sa pleine souveraineté, nous n’aurions qu’à nous en féliciter et nous ferions des vœux pour la réalisation de ce beau rêve. Si elle s’engageait à doter d’une autonomie relative la Pologne russe, rien de mieux encore. Une promesse de demi-indépendance, même sous le sceptre du tsar, serait sans doute la bienvenue et pourrait apparaître comme une réparation. Mais offrir aux Polonais de Silésie, de Posnanie, de Galicie, des libertés de religion, de langue et d’administration, sous l’autorité impériale d’un Romanof, il n’est guère probable que ce soit prendre le chemin de leur cœur ; et en tout cas, c’est annoncer à l’Allemagne des annexions déguisées sur lesquelles aucun accord n’a été conclu entre la Russie et nous, qui peuvent fausser complètement le sens d’une guerre défensive et qui risquent de nuire aux restitutions que la France a le droit et la volonté de réclamer.
Je me demande si le gouvernement russe ne commet pas une autre maladresse en écartant comme irréalisable l’idée de sir Ed. Grey sur une fédération neutre de la Grèce, de la Bulgarie et de la Roumanie{{refl|54}}. C’était là, dans la pensée du secrétaire d’État britannique, un moyen d’immobiliser la Bulgarie. Le détour ne manquait pas d’habileté. M. Sazonoff n’en repousse pas moins
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Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/1008
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pouvoir trop cacher le tombeau d’un être qui lui fut cher. Cette coutume lui venait-elle de l’Égypte ?
Le cimetière antique de Tarquinies est celui que les étrangers visitent le plus ordinairement, par la raison que l’on peut y aller de Rome en neuf heures. Cette nécropole est à un mille de Corneto, jolie petite ville remarquable par des édifices remplis de caractère et située elle-même à dix-neuf lieues de Rome. La nécropole de Tarquinies était vingt fois grande comme la ville, ce qui est fort naturel, quand on bâtit des cimetières éternels. C’est dans cette nécropole que MM. Bucci et Manzi de Civita-Vecchia ont pratiqué des fouilles étendues. Ce cimetière a une lieue et demie de long sur trois quarts de lieue de large.
À l’exception de quelques petits monticules, rien ne parait à l’extérieur ; on ne voit qu’une plaine nue, garnie de broussailles et presque de niveau avec le coteau sur lequel Corneto est bâtie ; on domine la mer, qui n’est qu’à une petite lieue de distance. L’amour de la culture, qui commence à renaître dans les environs de Rome, a profité, pour planter des oliviers, des longs fossés creusés pour aller à la recherche des tombeaux. La magnifique route due à la munificence du pape Grégoire XVI, et qui de Rome conduit à Pise, en suivant toujours le bord de la mer, passe à dix minutes de la nécropole de Tarquinies et tout près de la petite nécropole de Montalto, où M. Manzi vient de découvrir un vase peint estimé quatre-vingts louis. Les ouvriers d’Aquila, en approchant de la petite porte du tombeau qui contenait ce magnifique vase, trouvèrent des morceaux de charbon et deux cercles de roues en fer ; ils en conclurent que le personnage placé dans ce tombeau était un guerrier célèbre, et qu’on avait brûlé son char de guerre à la porte de son tombeau.
Les vases se trouvent, dans ces petites chambres souterraines, placés dans toute sorte de positions, tantôt sur les étagères ou plutôt dans les niches creusées le long des murs, tantôt suspendus à des clous fixés à ces murs. M. Donato Bucci avait dans ses magasins, à Civita-Vecchia, des coupes qui, après avoir été suspendues à des clous pendant une longue suite de siècles, ont fini par y adhérer, et ont emporté, fixée à une de leurs anses, une partie du clou oxydé auquel elles étaient attachées.
Une société d’amateurs des arts écrit de Rome à Civita-Vecchia ; on lui procure une permission de fouiller dans une des nécropoles environnantes ; on engage pour elle une compagnie de neuf ouvriers d’Aquila, qui, à 25 sous par tête, coûte 11 francs 5 sous par jour, et en dix journées, c’est-à-dire pour 112 francs 50 centimes, on peut voir exécuter sous ses yeux une fort jolie fouille. On trouve là le même genre de plaisir qu’à la chasse. Il est fort rare qu’en dix jours
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Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/51
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il laissa les finances comme il les avait trouvées, et la force publique plus impuissante qu’il ne l’avait reçue.
Ainsi, le 24 août, parut une circulaire aux gouverneurs des provinces, leur enjoignant d’avoir à inviter les corporations municipales, Les ecclésiastiques et les citoyens notables, à étudier et à proposer les meilleures manières d’améliorer l’éducation du peuple, et principalement l’instruction religieuse, morale et professionnelle des enfans des pauvres. Tel fut le premier acte du ministère du cardinal Gizzi. Il demandait solennellement aux peuples qu’il avait la mission de gouverner d’étudier et de lui faire savoir les moyens d’y parvenir ! Tout le reste de son administration est du même caractère. Il ne fait que nommer des commissions : commission pour réformer la procédure civile et criminelle, commission pour améliorer le système municipal, commission pour réprimer le vagabondage ; mais, avec tout cela, ni lui ni les commissions qu’il nomme ne réforment, n’améliorent ni ne répriment chose au monde. Le seul des projets de ce genre qui, s’il eût été résolûment et opportunément exécuté, aurait eu chance de produire des résultats sérieux, fut le projet de convoquer des délégués des provinces pour venir aider le ministère dans sa laborieuse besogne. Ces délégués, choisis par le pape sur des listes de présentation dressées dans chaque province par les cardinaux, légats et délégats, devaient, formant une sorte de conseil ou plutôt de commission consultative d’état, apporter au gouvernement, avec les vœux des populations, la connaissance exacte du degré de légitimité de ces vœux et de l’urgence comparée d’y satisfaire. C’était là une idée saine, et qui pouvait devenir féconde, car tout gouvernement, et un gouvernement réformateur plus encore qu’aucun autre, doit tendre à rallier autour de lui, pour les employer à son œuvre, toutes les forces vives de l’état ; mais est-il pour cela dispensé de gouverner ? Bien au contraire. Malheureusement, si le cardinal Gizzi consultait tout le monde, il ne gouvernait personne. Il gouvernait si peu, et sa main était si visiblement débile, que le parti modéré, ne se sentant ni conduit ni soutenu, d’abord hésita devant l’impatience croissante des masses, et bientôt se laissa déborder par elles.
Le peuple italien, comme on sait, est le peuple le plus démonstratif de la terre. Il ne croirait jamais rien fait, s’il ne se répandait à tout propos et hors de propos en cris de joie, en chants, en danses, en fêtes, et illuminations, en manifestations, et le reste. Ces mœurs, communes à toute l’Italie, quoiqu’un peu plus retenues dans le nord, sont extrêmement lâchées dans le centre et dans le midi. À Rome surtout, à Rome, ville de monumens et de pompes s’il en fut, il faut à tout prix au peuple de magnifiques représentations extérieures. La foule, depuis l’avènement de Pie IX, avait pris l’habitude de grandes processions
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Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/113
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que défendent des fantassins du 102{{e|e}}. Des armes,
des effets jonchent toujours le chemin. La chaussée
a été éventrée par l’artillerie et les convois.
Les blessés, sur nos caissons qui les cahotent, ont
des visages de crucifiés.
Je demande au gros clairon :
— Veux-tu qu’on fasse arrêter la voiture, si ça te
secoue trop ?
— Non, pour tomber dans leurs pattes !
— Tout de même !
— Non, ça va, ça va.
Et il se mord les lèvres pour ne pas crier. Je suis
très las. Mon crâne est à la fois lourd et sonore.
Dormir, dormir, n’importe où.
À peine sortie du bois, la batterie fait halte,
dans un champ où le blé est en gerbes, près d’un
village qui s’appelle, dit-on, « la Malmaison ». Je
me laisse tomber sur la paille. Si nous restons là,
nous ne pourrons même pas dormir ; l’ennemi est
trop près. Nous serons attaqués dans la nuit. Et je
ne pense qu’à dormir, à aller assez loin pour pouvoir
dormir. J’attends le commandement fatidique :
« Dételez », qui va nous laisser dans ce champ
pour combattre encore dans une heure. Peut-être
tout de suite. Des ordres arrivent ; nous repartons.
Nous traversons la Malmaison encombrée de
troupes en désordre. La nuit vient. J’atteins aux
limites extrêmes de la fatigue. Ma conscience des
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Le Monument de Marceline Desbordes-Valmore, 1896.pdf/74
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{{nr||— 56 —}}<poem class="verse" >
Lorsque les ruisseaux clairs promenaient par la ville
Leurs flûtes de cristal et leur reflet mobile
{{em|4}}Près des pelouses de velours,
Quand au bord des jardins touffus, pleins de murmures,
La Mère des Douleurs montrait ses sept blessures
{{em|4}}Aux chapelles des carrefours,
Quand le beffroi lointain, tour d’un château magique,
Endormait lentement de son chant léthargique
{{em|4}}Les herbages silencieux,
Quand le vert océan des profondes prairies
Venait battre nos murs de ses vagues fleuries
{{em|4}}Et de ses bruits harmonieux.
</poem>
{{em|1}}Notre-Dame, auprès de la porte aux tours grises,
{{em|1}}Semait en priant ses cloches par les brises,
{{em|1}}Lorsque l’enfant blonde ouvrit ses yeux au jour,
{{em|1}}L’enfant qui naissait pour les sanglots d’amour.
{{em|1}}Ses sœurs — on eût dit un essaim de colombes
{{em|1}}S’égrenaient souvent parmi les fleurs des tombes ;
{{em|1}}Elle regardait le ciel de vieil argent,
{{em|1}}Et dans l’herbe haute elle errait en songeant.
{{em|1}}Ses tresses d’or pâle avaient été coiffées
{{em|1}}De roses des bois par un présent des fées,
{{em|1}}De roses des bois prises aux églantiers
{{em|1}}Qui semaient leurs fleurs parmi nos vieux sentiers.
{{em|1}}Des ronces montaient aux ogives mystiques ;
{{em|1}}L’enfant grandissait au souffle des cantiques.
{{em|1}}C’était le bonheur, le bonheur calme et pur,
{{em|1}}Comme un beau lac bleu sous un beau ciel d’azur.
{{em|1}}Bientôt le malheur et le vent des tempêtes
{{em|1}}Dispersaient au loin toutes ces frêles têtes.
{{em|1}}Ravie à la paix de ses ombrages verts,
{{em|1}}L’enfant s’égarait en ce vaste univers.
{{em|1}}Comme un sphinx de nuit, sa pauvre âme éblouie
{{em|1}}Vola vers l’amour, son amour fut trahie.
</poem>
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Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/46
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La république veut vous en dédommager en forçant par de nouveaux combats les ennemis à demander la paix. Elle vient d’équiper une nouvelle flotte et réclame le concours de tous ses citoyens.
On veut que je fasse la guerre ? Je refuse, je ne suis pas citoyen, moi ! Je ne suis pas même chevalier ! 1 J appartiens à la classe des habitans libres, je suis d’origine béotienne. Je n’ai jamais été molesté par ces gens de Lacédémone, je ne leur veux aucun mal, et enfin je n’aime pas à me battre. Retire-toi et me laisse achever mon repas.
Attends un peu, ô sage et prudent vieillard : tu n’es plus d’âge à porter l’aigrette et la gorgone ; mais n’as-tu pas des fils ?
Je n’en ai qu’un, un tout petit ; c’est toute ma joie, et je ne veux pas qu’il soit tué ou blessé !
Tu as des neveux au moins ?
Mes neveux m’aident à travailler ma terre : je ne puis m’en passer.
Des serviteurs alors ?
Merci ! Je les ai payés à beaux deniers comptans, et j’irais vous les donner pour rien ?
Écoute-moi, Chrémyle. Tout homme aspire à monter. L’esclave voudrait être affranchi, l’homme libre voudrait avoir le droit de cité. La république décerne de flatteuses récompenses à ceux qui lui font de généreux sacrifices.
Je n’ai nulle envie d’être citoyen : ce sont des tracas, des impôts et des charges.
Si tu ne veux pas d’honneurs, on te paiera autrement. On te portera au rôle de ceux que la république promet de nourrir à ses frais.
Je ne suis pas un indigent ! Je n’ai que faire de vos promesses, j’ai ce qu’il me faut pour mes vieux jours.
Alors tu es riche, et tu l’avoues. Eh bien ! Chrémyle, tu vas être sommé de fournir une somme d’argent ou un homme pour le service de la patrie.
Puisses-tu servir toi-même de pâture aux corbeaux ! Je vois qui tu es ; tu es un de ces sycophantes qui dénoncent les gens pour les ruiner, ou qui leur font des menaces pour se faire payer quelque chose !
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Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/335
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appris de Weslowsky qu’il était chassé. Quelle mouche t’a piquée ? Si ce jeune homme... »
La place piquée se trouvait encore si sensible que Levine interrompit son beau-frère dans les explications qu’il voulait lui donner.
« Ne prends pas la peine de disculper ce jeune homme ; je suis désolé, aussi bien à cause de toi que de lui, mais il se consolera facilement, tandis que pour ma femme et pour moi sa présence devenait intolérable.
— Jamais je ne t’aurais cru capable d’une action semblable ; on peut être jaloux, mais pas à ce point ! »
Levine lui tourna le dos, et continua à marcher dans l’allée, en attendant le départ. Bientôt il entendit un bruit de roues, et vit passer au travers des arbres Vassinka assis sur du foin (le tarantass n’avait pas même de siège), les rubans de son béret flottant derrière lui à la moindre secousse.
« Qu’est-ce encore ? » pensa Levine voyant le domestique sortir en courant de la maison pour arrêter la véhicule : c’était afin d’y placer le mécanicien qu’on avait oublié, et qui prit place, en saluant, auprès de Vassinka.
Serge Ivanitch et la princesse furent outrés de la conduite de Levine ; lui-même se sentait ridicule au suprême degré ; mais, en songeant à ce que Kitty et lui avaient souffert, il s’avoua qu’au besoin il eût recommencé. On se retrouva le soir avec une recrudescence de gaieté, comme des enfants après une punition, ou des maîtres de maison au lendemain d’une réception officielle pénible ; chacun se
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Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/266
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riait pas, mais secouant une tête indignée : « Si le gouverneur, dit-il, avait été juste, il eût fait reporter dans son tombeau cet honnête bourgeois et mettre la femme en
croix. »
Sans aucun doute, c’étaient son lit souillé par moi et
son navire si bien mis au pillage dans notre fuite audacieuse
qui lui trottaient encore par la tête. Mais les termes
du traité ne l’autorisaient pas à se souvenir, et, du reste,
l’hilarité générale ne lui permettait pas de donner libre
cours à sa colère.
De son côté Tryphène, toujours couchée dans les bras
de Giton, tantôt couvrait son sein de baisers, tantôt rajustait les boucles de sa chevelure d’emprunt.
Quant à moi, j’étais profondément triste : j’assistais,
la mort dans l’âme, à leur raccommodement ; j’en perdais
le boire et le manger et je ne savais que les foudroyer de
regards obliques et farouches. Chaque baiser, chaque
caresse, tout ce qu’enfin imaginait une femme dévergondée
me blessait au cœur. Et je ne savais si j’en voulais
davantage à ce garçon de me souffler ma maîtresse, ou à
cette amie qui me débauchait mon mignon. Spectacle
pénible à mes yeux et plus odieux que ma captivité passée.
Pour comble, Tryphène évitait de me parler, à moi son
ami, son amant jadis si cher. Giton ne me jugeait pas digne
qu’il bût, suivant l’usage, à ma santé et, ce qui eût été le
moins, ne daignait pas même m’adresser une parole banale ;
il craignait, je crois, au moment où il rentrait en grâce,
de rouvrir une cicatrice encore mal fermée.
Je ne pouvais retenir les larmes que m’arrachait la
douleur, et les gémissements que je m’efforçais de dissimuler
sous des soupirs m’étouffaient presque.
‘ Tandis que je me désolais, grâce sans doute au charme
artificiel que me prêtait ma perruque blonde, Lycas se
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Martin - Poètes contemporains en Allemagne.djvu/346
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{{nr||— 338 —|}}{{t|pampres étincellent aux rayons du soleil ; à vous, forêts, ravines et rochers moussus ! Où que je sois, où que j’aille, mon cœur est au Rhin ! |90}}
{{t|Salut à toi, existence pleine d’allégresse parmi les chants, le vin et les danses ; à toi surtout, salut, race chère et brave, dont les femmes sont si aimantes, les hommes si loyaux ! Ah ! que Dieu bénisse vos labeurs et votre vie ! — Où que je sois, où que j’aille, mon cœur est au Rhin, à jamais au Rhin ! |90}}
À côté de cette figure sereine, plaçons une physionomie plus sombre, celle d’Édouard de Schenk, un poète qui a pris tout au sérieux, la poésie comme la vie. Il est né en 1788, et mort en 1841. Élevé dans l’Église réformée, son âme eut froid dans le protestantisme, et il se fit catholique. Il a été ministre de l’intérieur en Bavière. Ses poésies, oh circule comme un souffle de la foi romaine, se distinguent par l’élégance de la forme et par une grande délicatesse de sentiment. On a de lui des cantates, des chants lyriques, des poèmes et des comédies ; quelques fragments d’une
épopée intitulée ''Ahasvérus'' ont, en outre, paru dans
les almanachs. Je prends dans l’œuvre de {{M.|Édouard de Schenk}} un morceau qui me semble réunir les
meilleures qualités de son talent :
{{c|'''l’arbre glacé'''|sc}}
{{t|En face du château de Leuchtenberg, un vieil arbre se dresse au sommet d’une haute montagne. On l’appelle l’arbre glacé.|90}}
{{t|Je m’avançai vers cet arbre. Un berger était assis dans son ombre, tandis que son troupeau allait cherchant alentour une herbe rare et raidie.|90}}
{{t|Le soleil brillait, au zénith, dans toute sa pompe embrasée ; |90}}
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Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/596
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du commerce étranger en Indo-Chine et en Malaisie, l’escale obligatoire de tous les bateaux en route pour l’Extrême-Orient. Aujourd’hui, peuplée de 185 000 habitans, mélange de toutes les races qui pullulent dans l’Orient asiatique, elle fait un
commerce de transit qui atteignait presque, en 1899, un milliard
deux cents millions de francs. Elle est, en face du Siam, ce
qu’est Hong-Kong ou Shangaï vis-à-vis de la Chine ; elle est
sa métropole commerciale, elle l’approvisionne d’articles européens. Bangkok, au point de vue économique, est une dépendance
de Singapour. C’est ainsi que, sans secousses, sans opérations
militaires, par l’ascendant de sa supériorité commerciale, la
Grande-Bretagne exerce une influence prépondérante sur les
destinées du royaume de Siam.
Toute d’influence pacifique et de prépondérance commerciale à Bangkok et dans le bassin du Ménam, la politique britannique est plus envahissante et plus directement dominatrice dans la presqu’île de Malacca. Singapour et les ''Colonies du Détroit'' (Strait’s-Settlements) lui ont servi de « base d’opérations »
pour absorber les sultanats malais du Sud et entamer les principautés vassales du Siam. Djohore, à l’extrémité méridionale
de la péninsule, est gouverné par un sultan protégé de l’Angleterre. La petite capitale, Djohore-Baroe, occupe, sur le détroit, en face de l’île de Singapour, une position excellente ; elle est le futur ''terminus'' de la ligne, déjà amorcée, qui doit relier Singapour aux Indes.
« Les quatre pays malais qui vivent sous le drapeau de la
Grande-Bretagne, » c’est la traduction du nom arabe des quatre
États fédérés que l’Angleterre gouverne et où elle a créé un
modèle d’administration coloniale bienfaisante et peu coûteuse :
Perak, Selangor, Nègri-Sembilan sont sur la côte occidentale ;
Pahang est baigné par le golfe de Siam. Chacun de ces petits
pays a conservé son autonomie, mais chaque sultan est assisté
d’un résident britannique et d’un conseil d’Etat ; un résident
général, dont le palais s’élève à Kouala-Loumpour, est chargé
de gérer les intérêts communs de la fédération. Grâce à cette
organisation sage, l’heureuse fédération malaise pourvoit à
toutes ses dépenses, elle n’a pas de dettes et elle a construit, en
quelques années, des routes et 585 kilomètres de voies ferrées
qui donnent un rendement de 9 pour 100 du capital engagé. Les
lignes partent des « établissemens du détroit, » pénètrent dans
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De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/189
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<poem>
Pour estre malheureux il suffit seulement,
Que l’on soit sans les voir un funeste moment.
C’est passer, c’est passer, du plaisir à la peine ;
Du repos au travail ; de la gloire à la gesne ;
De la bonne fortune au plus rigoureux sort ;
Et pour tout dire enfin, de la vie à la mort.
Ha vous en dites trop ! Luy respond l’heroïne ;
Une adresse excessive est souvent la moins finne :
Et malgré l’eloquence, et malgré tous vos soins,
J’en croirois beaucoup plus si vous en disiez moins.
Dieu ! Pouvez-vous douter, luy dit-il, de ma flâme ?
Examinez mon cœur ; lisez bien dans mon ame ;
Et pour sçavoir quelle est mon amour et ma foy,
Connoissez vous madame, et puis connoissez moy.
Vous trouverez en vous une prudence extrême ;
Vous trouverez en moy la fidelité mesme ;
Vous trouverez en vous cent attraits tous puissans ;
Vous trouverez en moy cent desirs innocens ;
Vous trouverez en vous une beauté parfaite ;
Vous trouverez en moy l’aise de ma deffaite ;
Vous trouverez en moy, vous trouverez en vous,
Et le cœur le plus ferme, et l’objet le plus doux.
C’est le temps, c’est le temps, respond cette princesse,
Qui vous descouvrira si vostre flâme cesse :
C’est de luy, non de vous, que je le veux sçavoir :
Et si vous aymez bien il me le fera voir.
Le temps, dit Alaric, n’a point assez d’années,
Pour changer de mon cœur les belles destinées :
</poem>
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Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/13
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l. PETITE DERNIÈRE. 9
tête de nos commensaux de l’hôtel, en apprenant que nous avons
passé la nuit dehors !
En même temps, son sourire de sphinx continuait à effleurer
ses jolies lèvres à l’expression si candide, de sorte que Salbris
se demandait si réellement la perspective de manquer le bateau
du soir l’effrayait autant qu’elle le prétendait.
A l’avant du vapeur, Tonia Desjoberts et Rivoalen, penchés
sur le bastingage, devisaient en tête à tête, mais d’une façon moins
sentimentale. A la vérité, Tonia essayait de fleureter avee son
compagnon. Elle lui prodiguait ses mines les plus provocantes,
les plus enjôleuses, mais Rivoalen était trop perspicace et trop
expérimenté pour s’émouvoir de ce manège d’oeillades enveloppantes
et de suaves sourires. Il sentait que le cœur ni le tempérament
de la dame n’y étaient pour rien, et qu’un autre que lui, le
cas échéant, eût été honoré des mêmes attentions et des mêmes
cajoleries. M me Desjoberts coquetait à froid, simplement pour son
propre plaisir et pour n’en pas perdre l’habitude. Rivoalen lui
répondait par des galanteries poliment ironiques et conservait
toute sa présence d’esprit.
— Vous êtes réellement douée pour le théâtre, lui disait-il
d’un ton légèrement gouailleur ; vous nous avez montré l’autre
soir que vous jouiez merveilleusement les amoureuses ; mais il y
a un emploi où vous excelleriez à coup sûr, c’est celui des grandes
coquettes.
— Pourquoi supposez- vous ça ?
— Parce que vous êtes très maîtresse de vous, et c’est là le
point capital... Voyez Célimène, elle inspire de violentes amours,
mais elle ne les ressent pas... Vous n’avez jamais dû aimer passionnément.
— C’est que je n’ai sans doute jamais rencontré d’amoureux
passionné, répliquait Tonia en jouant de la prunelle... Vous savez,
l’amour seul attire l’amour, ajoutait-elle avec un invitant sourire
qui avait l’air d’insinuer : « Essayez de vous mettre sur les rangs
et vous verrez ! » Mais, malgré la triomphante et séduisante beauté
de son interlocutrice, Rivoalen ne semblait pas disposé à tenter
l’expérience. Il préféra changer la conversation et reprit :
— Pourquoi n’avez-vous pas emmené votre sœur Paillette ?
— Paulette ? répondit Tonia toujours souriante, mais avec un
accent un peu acerbe, elle dormait encore quand nous sommes
parties .
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Féval - Le Bossu (1857) vol 4-6.djvu/71
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{{nr||LE BOSSU.|65}}qu’ils pouvaient, mais Chaverny était pensif.
Le bossu n’avait pas de temps à perdre, apparemment, car il alla droit à eux.
Il mit le binocle à l’œil et fit mine d’admirer le décor, comme au moment de son entrée.
— Il n’y a que M. le régent pour faire ainsi les choses, grommela-t-il ; charmant... charmant...
Nos joueurs s’écartèrent pour le laisser passer.
Il fit mine de les reconnaître tout à coup.
— Ah ! ah ! s’écria-t-il ; les autres sont partis aussi... au doigt !... eh ! eh ! eh !... au doigt !... la liberté du bal masqué... Messieurs, je suis bien votre serviteur.
Personne n’était resté sur sa route, excepté Chaverny. Le bossu lui ôta son chapeau et voulut suivre sa route. Chaverny l’arrêta.
Cela fit rire le bataillon sacré de Gonzague.
— Chaverny veut sa bonne aventure, dit Oriol.
— Chaverny a trouvé son maître ! ajouta Navailles.
— Un plus caustique et un plus bavard que lui !
Chaverny disait au petit homme noir :
— Un mot, s’il vous plaît, monsieur.
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Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/234
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{{nr|32|CORRESPONDANCE}}
{{tiret2|congréga-|tion}} de moines chargés d’abrutir la jeunesse avec jésuites ou sans jésuites, cela est toujours également
détestable. L’esprit est le même. Ainsi, quelque ridicule qu’il soit à moi de donner des avis à Raton, j’oserais lui conseiller d’arranger les marrons de manière qu’il puisse répondre à tous ces projets, et qu’il prouve que toutes ces congrégations ne peuvent être que des jésuites plus ou moins déguisés, mais toujours
des jésuites. Ne trouvez-vous pas comme moi
que, dans toutes les nations, la race d’hommes la
plus méprisable et la plus odieuse est celle des prêtres catholiques ? Aussi méchants que les tyrans, ils sont plus lâches et plus perfides.
Dans l’histoire de ce pauvre Samson, qui savait si
bien deviner les énigmes et prendre des renards,
Dalila n’est-elle pas plus coupable que les Philistins ?
elle se mettra bientôt en possession de tous les avantages auxquels elle feint de renoncer dans ce moment, pour ne pas trop effaroucher les contradicteurs........................................... Enfin il est clair que ces marauds ne demandent rien dans ce moment que d’obtenir un solfie de vie, qui deviendra bientôt, grâce à leurs
intrigues, un état de vigueur et de santé. » (26 février 1774.)
<p>
Ne semble-t-il pas que cette lettre ait été écrite hier ?
<p>
Voyez, sur le même sujet, une autre lettre de D’Alembert, du J.J. mars 1774.
<p>
Voltaire avait promis de répondre au vœu exprimé par D’Alembert et Condorcet ; d’autres occupations et sa mauvaise santé l’en empêchèrent. S’il eût tenu parole, c’est pour le coup que les aboyeurs du parti auraient beau jeu à nommer l’Université la fille aînée de Voltaire ! Après tout, aux yeux des gens d’esprit et d’honneur, il vaudra toujours mieux être fils de Voltaire que de Fréron.</ref>
<references/>
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Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/701
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nécessité d’état, il avait assisté jadis aux savantes lectures que faisait l’auteur du ''Cosmos'' à la cour de Prusse. La reine brodait, le roi feuilletait des livres d’images, les princes et les princesses chuchotaient, M. de Gerlach dormait, si bien que le roi dut lui dire une fois : Gerlach, ne ronflez pas. M. de Bismarck seul écoutait ou faisait semblant d’écouter, attendant avec impatience l’heure de souper et de boire du vin blanc, et disant ''in petto'' au lecteur : Tu me le paieras ! M. de Humboldt le lui a payé. Quant au comte de Goltz et au comte Arnim, qui s’étonnerait de ses duretés à leur égard ? Il nous les dépeint l’un comme une girouette, l’autre comme un homme d’intrigues, amoureux de toutes les reines et de toutes les impératrices. Il les a toujours soupçonnés d’avoir voulu le supplanter. A la vérité M. de Goltz est mort, et M. d’Arnim en est réduit à écrire des brochures. « Bien rosser et garder rancune est aussi par trop féminin, » disait Figaro. Ce qui nous étonne, ce qui nous paraît inexplicable, c’est que M. de Bismarck ait permis au docteur Busch d’exercer « sa fine malice, » sur la respectable mémoire du conseiller Abeken, de cet utile serviteur, si dévoué, si distingué, si modeste, qu’on avait surnommé le bras gauche du chancelier et qui n’avait pas d’autre défaut que de respecter beaucoup les gens titrés et d’être un peu long dans ses explications. On nous racontait autrefois à Berlin que M. de Bismarck avait dit de lui : « Abeken est une éponge imbibée d’encre. Je n’ai qu’à le toucher du bout du doigt, il m’inonde. » Était-ce une raison suffisante pour autoriser M. Busch à se venger par d’impertinens persiflages de l’affront que lui avait fait un soir le digne conseiller en lui prenant son lit ? Depuis on s’était réconcilié ; on avait cherché ensemble des violettes sous les feuilles sèches de Mme Jessé. Les docteurs allemands sont une terrible race, ils ne pardonnent rien. C’est aussi une race bien indiscrète. Est-ce de l’aveu de M. de Bismarck que M. Busch a divulgué toutes les confidences intimes qu’il avait eu l’honneur de recueillir ? Le chancelier a-t-il tenu à faire savoir à tout l’univers que la conduite du roi Guillaume à Ems l’avait médiocrement édifié, et qu’à Versailles il jugeait puérils les conseils que tenait son souverain avec lui-même pendant plusieurs nuits de suite pour décider s’il prendrait le titre d’empereur d’Allemagne ou d’empereur allemand ou d’empereur des Allemands ?
Non, les épigrammes de M. de Bismarck ne respectent rien ni personne, car sa verve meurtrière s’est attaquée aux militaires eux-mêmes et aux plus grosses épaulettes. L’Europe s’était imaginé qu’en 1870 les généraux prussiens avaient eu presque du génie ; on vantait la profondeur de leurs combinaisons, la justesse mathématique de leurs calculs, la supériorité de leur science qui avait tout prévu et tout ordonné. C’est une superstition dont M. Busch fait justice. Il nous apprend que non-seulement M. de Bismarck traitait certains généraux d’entêtés et de vaniteux, mais qu’il ne cessait pas de critiquer les
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Verne - P’tit-bonhomme, Hetzel, 1906.djvu/356
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{{nr||{{sc|une idée commerciale de bob.}}|339}}
Il suit de là que notre héros alla retirer ses économies de chez l’éditeur, lequel ne laissa pas de lui faire quelques observations sur ses futurs projets. Il n’obtint rien de cet enfant, si supérieur à son âge, et qui n’avait pas l’habitude de se payer de chimères — disposition d’esprit trop commune aux Paddys de tous les temps. Non ! P’tit-Bonhomme était fermement résolu à suivre les chemins qui montent : c’est le seul moyen d’arriver haut, et son précoce instinct lui disait que de quitter Cork pour Dublin, c’était s’élever sur la route de l’avenir.
Et, maintenant, quelle voie prendrait P’tit-Bonhomme, et quel moyen de transport ?
La voie la plus courte, c’est celle que suit le railway jusqu’à Limerick, et de Limerick à travers la province de Leinster jusqu’à Dublin. Le moyen de transport le plus rapide, c’est de prendre le train à Cork et d’en descendre, dès qu’il s’arrête dans la capitale de l’Irlande. Mais ce mode de locomotion avait l’inconvénient de ne pouvoir s’effectuer qu’en dépensant une guinée par personne, et P’tit-Bonhomme tenait à ses guinées. Quand on a des jambes, et de bonnes jambes, pourquoi se faire brouetter en wagon ? De la question de temps, il n’y avait point à s’inquiéter. On arriverait quand on arriverait. On était dans la belle saison, et les chemins du comté ne sont point mauvais de mai à septembre. Et quel avantage, quelle entrée de jeu, si, au lieu de coûter gros, le voyage rapportait, au contraire !
Telle avait été la préoccupation de notre jeune négociant — gagner de l’argent au lieu d’en perdre en frais de route, continuer, de village à village, de bourgade à bourgade, le trafic qui lui avait réussi à Cork, vendre des journaux, des brochures, des articles de librairie et de papeterie, en un mot, faire le commerce en se dirigeant vers Dublin.
Et, pour exercer ce commerce, que fallait-il ?
Rien qu’une charrette, dans laquelle serait déposée la pacotille du marchand forain, et qu’une toile cirée permettrait d’abriter contre la poussière ou
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Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/618
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avec ses familiers. Mazarin dut gronder pour le faire rester au
Conseil. A force de baguenauder, il n’aimait plus que cela, et il
y eut de la paresse dans sa résolution de laisser faire son ministre.
La Cour avait son opinion faite ; elle tenait le jeune roi pour
incapable d’application. On avait aussi décidé qu’il manquait
d’esprit, et en cela l’on ne s’était pas trompé. Lui-même ne se
faisait aucune illusion et disait avec simplicité : « Je n’ai pas
d’esprit. » La jeunesse libertine qui l’entourait, et que gênait son
air grave, ne cachait pas qu’elle le trouvait ennuyeux, comme
devait le faire Mme de Maintenon un demi-siècle plus tard. Les
Guiche et les Vardes le croyaient voué à l’insignifiance, et ils ne
s’en affligeaient que médiocrement.
La ville était moins convaincue de sa nullité, peut-être parce
qu’elle en aurait pris moins aisément son parti. Paris commençait à avoir la terreur des princes auxquels, pour une raison
ou pour l’autre, il faut des premiers ministres, et la bourgeoisie
parisienne était à l’affût de toute preuve d’intelligence chez
son jeune monarque. « On dit que l’esprit du roi s’éveille, écrivait Guy Patin en 1654 ; Dieu le veuille. » Cette première lueur
n’ayant pas eu de suites apparentes, Paris admira, en attendant
mieux, la bonne mine du souverain. « J’ai vu aujourd’hui le
roi qui s’en allait à la chasse, écrivait encore Guy Patin quatre
ans plus tard. C’est un beau prince, fort et robuste ; il est grand
et a bonne grâce ; c’est dommage qu’il ne sait pas son métier<ref> Lettres du 9 juin 1654 et du 9 avril 16S8. </ref>. »
On vantait aussi son air sérieux, son éloignement pour la débauche sous toutes ses formes, et la modestie qui lui faisait répondre bravement, devant toute la Cour, à une question sur la pièce nouvelle : « Je ne juge jamais de ce que je ne sais pas<ref> ''Segraisiana'', Louis XIV avait dix-sept ans lorsqu’il fit cette réponse. </ref>. »
Ce n’était pas la réponse d’un sot.
En somme, comme il était très froid, très dissimulé, qu’il
parlait peu, par calcul autant que par goût, et presque uniquement de bagatelles, cet adolescent sur qui toute la France avait
les yeux fixés restait un inconnu pour ses sujets.
{{c|III }}
Le 18 septembre 1657, deux étrangers qui traversaient le
Pont-Neuf se trouvèrent pris dans une bousculade. La foule se
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Délices royales, ou le Jeu des échecs 1864.djvu/62
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qu’il ne pouvait la nombrer<ref>Le comte de Basterot, dans son remarquable ouvrage (''Traité élémentaire du jeu des Échecs'' ; Paris, 1863), après avoir donné le chiffre de 18,416,744,073,709,551,615, ajoute que le froment récolté actuellement en France et accumulé pendant cent neuf mille six cents ans, ne suffirait pas pour payer intégralement
la dette du roi indien ». {{d|''Le traducteur.''|2}}</ref>. Dans son trouble, il alla trouver le roi et lui dit : — « Que notre roi vive dans l’éternité ! j’ai voulu faire selon votre volonté,
et je n’ai pas transgressé vos ordres ; mais, ô roi,
vous m’avez donné un ordre impossible à exécuter :
j’ai consulté les livres des moissons, et dans toute l’étendue
de votre royaume il n’y a pas assez de grains
de blé pour pouvoir égaler le nombre que vous a
demandé cet homme, car on ne peut ni le compter, ni
le mesurer. Le demandeur a parlé avec esprit et sagesse. »
Entendant les paroles de son officier, le roi admira
la grande science du sage, le fit venir près de lui,
l’embrassa et lui dit : « Je sais maintenant que tu
es homme selon la sagesse de Dieu : tu gouverneras
mon peuple avec moi et tu mangeras à ma table. »
Et depuis lors, l’admettant à ses côtés, il en fit son ami
et son frère.
J’ai lu dans un ouvrage très-ancien qu’un sage de
la Perse avait inventé ce jeu pour ''Ardeshir'' ou {{tiret|''Asué''|''rus''}}
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Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/369
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son nom à des scélérats, à des impies, et, par rivalité, par jalousie contre Métellus, les couvrir de sa réputation comme d’une sauvegarde ! Mais Achille même, disait-on, se conduit, non en homme, mais en jeune étourdi qu’emporte un vain amour de gloire, lorsqu’il fait signe aux autres Grecs de ne pas lancer leurs traits sur Hector, pour qu’un autre n’eût point la gloire de l’atteindre, et qu’il n’eût pas le second tour<ref>''Iliade'', xxii, 207.</ref>. Or, Pompée combattait pour sauver les ennemis communs du genre humain, afin de priver un général d’un triomphe mérité par mille fatigues. Du reste, Métellus ne céda point ; il prit d’assaut les pirates, et les punit de mort ; puis, après avoir accablé de reproches et de sarcasmes Octavius, au milieu même du camp, il le laissa aller.
Quand on annonça dans Rome que la guerre des pirates était terminée, et que Pompée profitait de son loisir pour visiter les villes de son gouvernement, un des tribuns du peuple, Manilius, proposa un décret pour donner à Pompée le commandement de toutes les provinces et de toutes les troupes que Lucullus avait sous ses ordres, en y joignant la Bithynie, qu’occupait Glabrion, et pour le charger de faire la guerre aux rois Mithridate et Tigrane, à la tête de toutes les forces maritimes, et avec la même puissance sur toutes les mers qu’on lui avait conférée lors de la guerre précédente. C’était soumettre à un seul homme tout l’empire romain ; car les seules provinces qui ne lui avaient pas été attribuées par le premier décret, telles que la Phrygie, la Lycaonie, la Galatie, la Cappadoce, la Cilicie, la Haute-Colchide et l’Arménie, étaient jointes aux autres dans le second, ainsi que toutes les forces, toutes les armées avec lesquelles Lucullus avait vaincu Mithridate et Tigrane. Le tort que ce décret faisait à Lucullus, en le privant de la gloire de ses exploits,
<references/>
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Stein - Manuel de bibliographie générale, 1897.djvu/77
|
J. M. D. Deegen. Jahrhûchlein cler deutschen Iheologischen
Literatur. Essen, 1819-1830, 7 vol. in-8.
K. G. Zimmermann. Jahrhuch der theologischen Litteratur.
Essen, 1832-1838, 5 vol. in-8.
E. Zimmermann. Theologisches Literatiirhlatt. Darmstadt,
1824-1870, in-8. [Beilage der Allgemeine Kirchenzeitung.]
H. Rheinwald. Allgemeines Repertorium fur die Iheologische
Literatur und kirchliche Statislik. Berlin, 1833-1844 ; —
H. Reuter. Allgemeines Repertorium Berlin, 1845-1860,
101 vol. in-8 [en tout].
A. G. Rudelbach et H. F. Guericke [spater F. Delitzsch]. Allgemeine
kritische Bibliographie der neuesten theologischen
Litteratur (in Zeitschrift fur die gesamte lutherische Théologie
und Kirche, Leipzig, 1840-1878, in-8).
{{t6|NOUVEAU TESTAMENT}}
H. Holtzmann. Einleitung in das neue Testament. 3{{e}} Aufl. Freiburg,
1896, in-8. [Handbuch der theologischen Wissenschaften.]
Bonne bibliographie critique des instruments exégétiques utiles.
A. Julicher. Einleitung in das neue Testament. Freiburg, 1894,
in-8. [Grundriss der theologischen Wissenschaften, III. 1.]
Utiles indications.
Ed. Reuss. Die Geschichte der Heiligen Schriften Neues Testaments.
6{{e}} Aufl. Braunschweig, 1887, in-8.
Introduction bibliographique importante.
O. Holtzmann. Neutestamentliche Zeitgeschichte. Freiburg,
1895, in-8. [Grundriss der theologischen Wissenschaften, II.]
E, Abbot. The Literature of the Doctrine of a Future Life. New-York,
1871, in-8.
Ch. J. Wood. Survivais in Christianity ; Studies in the theology
of divine Immanence. New-York, 1893, in-8.
Bibliographie jointe (pp. 295-300).
H. Fulda. Das Kreuz und die Kreuzigung. Breslau, 1878, in-8.
<references/>
|
Lamirault - La Grande encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, tome 07.djvu/437
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— 409 -
BOUGHESE — BORGHT
don, du même maître, est d’une naïveté délicieuse et d’un ,
coloris incomparable. Mentionnons enfin : de JacopoPalma,
une Madone et les Saints, un portrait d’homme de Lorenzo
Lotto, une Vénus et Adonis de Luca Cambiaso, etc.
Van Dyck, qui a longtemps séjourné en Italie, y a laissé
beaucoup de ses œuvres, religieuses surtout. La galerie
Borghese en possède deux : une Mise au tombeau et un
portrait de Marie de Médicis tenant deux roses à la
main. A noter, dans l’Ecole allemande : un Lucas Cranach
(Vénus et Amour) et un Jan Joest (Portrait du
Cardinal Albrecht de brandebourg). F. Trawinski.
Bidl. : Ernst Platner, lleschreihung der Stadl Rom.—
Nibby, Monumenti scelti délia villa Borghese.
BORGHESE (Villa). Villa romaine située en dehors de
la Porta del Popolo, créée par Scipione Caffarelli Borghese,
agrandie par l’annexion des jardins Giustiniani.
C’est une des promenades favorites des Romains. Les
œuvres d’art qu’elle renfermait sont maintenant au Louvre
(V. ci-dessus). On en voit pourtant encore quelques-unes
dans le casino de la villa.
BORGHESE (M me Juliette Bourgeois, dite), cantatrice j
dramatique française, élève du Conservatoire de Paris.
Elle fit une courte apparition à l’Opéra. Après avoir été
en province et avoir passé une année à la Nouvelle-Orléans,
M lle Borghese revint à Paris, signa un engagement
avec le Théâtre-Lyrique, et débuta à ce théâtre avec un
éclat rare, en 1856, dans un opéra nouveau d’Aimé Maillart,
les Dragons de Villars, où sa création du rôle de
Rose Friquet lui valut un succès retentissant. On applaudissait
en elle non seulement une cantatrice habile, douée
d’une voix magnifique, mais une comédienne intelligente,
au jeu plein de mouvement et de passion. M lle Borghese
qui, l’année suivante, épousait un commerçant, M. Louis
Sauvages-Dufour, se montra encore au Théâtre-Lyrique
dans trois ouvrages de Weber : Euryanthe, Oberon
et Preziosa, où elle ne fut pas moins favorablement accueillie.
Pourtant, après deux ou trois années passées à ce
théâtre, elle quitta Paris et alla tenir son emploi dans les
grandes villes de province, ainsi qu’en Belgique, etc.,
où elle jouait tour à tour la Favorite, le Prophète,
Robert le Diable, VOmbre, Galathée et autres ouvrages
du répertoire. Entre temps, elle donnait des représentations
dans des villes de moindre importance, telles que
Metz, Dijon, Besançon, le Mans, etc. En 1875, elle était
engagée de nouveau à Bordeaux, où elle retrouvait tout
l’éclat de ses succès passés. A partir de ce moment, on
n’entend plus parler d’elle.
BORGHESI (Comte Bartolommeo), célèbre épigraphiste
italien, né à Savignano près de Rimini le 11 juill. 1781,
mort à San Marino le 16 avr. 1860. Il commença par
étudier les documents du moyen âge, mais la lecture
des chartes ayant considérablement affaibli sa vue, il fut
obligé d’abandonner ces premiers travaux et partagea
dès lors son temps entre l’épigraphie et la numismatique
romaine. En 1819, il commença la publication de Nouveaux
fragments des fastes consulaires du Capitole
(2 vol. in— 8), œuvre d’une érudition magistrale, qui fixa
sur son auteur l’attention du monde savant, et dont
le résultat était de donner des bases positives à la chronologie
de l’histoire romaine. A partir de 1821, Borghesi
vécut retiré â Saint-Marin, entièrement absorbé par
ses recherches d’épigraphie, de numismatique et d’histoire
romaine, entretenant une correspondance scientifique
des plus actives avec tous les savants de l’Europe.
Il collabora aux Mémoires de l’Académie des Sciences
de Turin, au Giornale Arcadico de Rome, aux Annales
et au Bulletin de l’Institut archéologique de Rome, au
Bulletin archéol. napolitain, etc. 11 prépara une nouvelle
édition de ses Fastes consulaires et conçut le projet d’un
vaste recueil comprenant toutes les inscriptions latines du
monde romain. La mort ne lui laissa malheureusement
pas le temps d’exécuter cette œuvre grandiose : l’Académie
de Berlin, sous les auspices de M. Mominsen, l’a reprise
pour son propre compte, et la publication du Corpus inseriptionum
lutinarum touche aujourd’hui à sa fin.
Borghesi, qui était membre étranger de notre Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres, jouissait d’une autorité
scientifique indiscutée ; il fut le promoteur des études
épigrapliiques dans ce siècle de recherches historiques, et
personne ne sut mieux que lui en tirer parti pour l’intelligence
des textes anciens. Après sa mort, l’empereur
Napoléon III ordonna de publier une édition des OEuvres
complètes de Borghesi. Une commission fut nommée à cet
effet et actuellement cette publication inachevée comprend
9 vol. in-4, dont voici la division : t. I et II, OEuvres
numismatiques, 1862 ; III et IV, OEuvres épigraphiques ;
V à VIII, Lettres sur l’histoire, la numismatique,
l’épigraphie romaines ; le tome IX édité seulement de
1879 à 1884, contient : Nouveaux fragments des fastes
consulaires et Préfets de Rome. Aujourd’hui, il est à
craindre que la publication des œuvres de Borghesi
demeure inachevée. E. B.
BORGHETTO. Bourgade d’Italie, prov. de Vérone, sur
le Mincio, théâtre de plusieurs combats.
BORGHI (Luigi), et non Borgo ni del Borgo, historien
italien, qui vécut dans le courant du xvi" siècle. Secrétaire
du Sénat, il fut chargé par un décret du Conseil, en
1552, d’écrire l’histoire de la République de Venise ; il
se mit à l’œuvre, mais ne put en rédiger que les deux
premiers livres et une partie du troisième. Conservé dans
la Bibliothèque de Saint-Marc, ce manuscrit, connu sous
le titre de Storia segreta, a été publié par Tommaso Gar
dans le t. VII de VArchivio storico italiano : Storia
Veneziana di Daniele Barbaro, supplila nella parte
che manca colla Storia segreta di L. Borghi. D’après
Gar, Borghi n’aurait fait que copier le manuscrit même
de Barbaro en dissimulant son larcin sous des prologues,
épilogues et dédicaces. Ces annales étaient rédigées à
l’usage exclusif des sénateurs ; Borghi connaissait sans
doute assez bien son monde pour être assuré qu’aucun de
ceux pour lesquels il écrivait ne dépasserait la Dédicace.
Bibl. : Averlissement et Notes de la 11° partie de l’ouvrage
cité.
BORGHI-Mamo (Adélaïde Borghi, épouse Mamo, connue
sous le nom de M me ), l’une des cantatrices les plus
remarquables de l’époque contemporaine, née à Bologne
le 9 août 1829. Elle a obtenu pendant vingt-cinq ans,
grâce à sa voix superbe de mezzo-soprano et à son grand
talent vocal et dramatique, d’éclatants succès en Italie, en
France, en Angleterre et en Russie. Son début, qui date
de 1846, eut lieu à Urbino, dans il Giuramento de Mercadante.
Après avoir parcouru l’Italie pendant plusieurs
années, elle fut engagée, en 1853, au Théâtre-Italien de
Paris, où elle se produisit avec éclat dans il Trovatore,
Semiramide, Matilde di Sabran, il Crociato in Egitto,
gli Arabi nelle Gallie. Au bout de trois années, M me Borghi-Mamo
passait de la scène des Italiens sur celle de
l’Opéra, où ses succès n’étaient pas moins grands, dans
le Prophète et la Favorite, puis dans les rôles d’Azucena
dans le Irouvère, etc. En 1860, M me Borghi-Mamo
rentrait au Théâtre-Italien pour y créer le rôle principal
d’un opéra nouveau de M. Gaetano Braga, Margherita la
Mendicante, et bientôt elle quittait Paris pour poursuivre
à l’étranger, principalement en Angleterre et en Russie,
le cours de sa brillante carrière. Depuis quinze ans
environ, elle a renoncé au théâtre, et elle s’est, croyons-nous,
fixée à Florence. — Une fille de cette grande artiste.
M 116 Erminia Borghi-Mamo, s’est elle-même révélée, depuis
une douzaine d’années, comme une cantatrice remarquable.
BORGHOLM. Ville et port de l’Ile suédoise d’Oeland,
sur la côte occidentale de celle-ci, à l’E. de la prov. de
Calmar.
BORGHT ou BORCHT(Les van der). Nom d’une famille
de tapissiers de Bruxelles qui fournit au xvir 9 et au
xvm e siècle de nombreux artistes et maîtres hauts-lis—
seurs. Leur nom est fréquemment cité dans les archives
<references/>
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Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/637
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{{Centré|'''SANCTUAIRES D’ORIENT'''|fs=250%|lh=3}}{{—|lh=3}}
{{t3|L’ÉGYPTE ANCIENNE<BR/>SON SYMBOLISME ET SA RELIGION|II<ref>Voyez l’''Égypte musulmane'' dans la ''Revue'' du 15 novembre 1893.</ref>}}{{—|lh=3}}
{{T4|I. — LES PYRAMIDES, MEMPHIS, ABYDOS}}
Si moderne qu’elle soit, notre âme a deux patries intellectuelles : la Judée et la Grèce. À la première nous devons notre
conscience religieuse et morale, à la seconde notre conception de
l’art, de la science, et de la philosophie. Mais l’esprit humain ne
s’arrête pas dans sa conquête de l’espace et du temps ; à mesure
qu’il marche, son horizon s’élargit en arrière comme en avant.
Il y a cent ans déjà que l’Occident a vu poindre deux colosses derrière l’Acropole et la montagne de Sion, et ils n’ont fait que grandir
d’année en année. Ce fut d’abord la pagode hindoue. Lentement
on la vit surgir d’une inextricable forêt vierge de poésie avec ses
monstres et ses dieux multiples, ses labyrinthes et ses cryptes,
ses ascètes violens, ses danseuses sacrées, ses brahmanes subtils
et profonds ; temple gigantesque, grouillant de vie, que couronnait le Bouddha immobile, les mains jointes, les yeux fermés par
la puissance de sa méditation, l’âme figée dans son Nirvana. —
<references/>
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Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/448
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{{T2||LE<br /><br />{{t|FOU DE FIRLEIOUWKA|150}}|m=2em}}
{{—|4}}
{{brn|2}}
La tête de mon cocher juif branlait déjà depuis quelque temps,
comme s’il était assis, absorbé dans des jouissances sacrées, devant
le livre des livres, ou devant le trésor d’or du Talmud. Mais
tout à coup il arrêta ses petits chevaux émaciés, et montra, du
manche de son long fouet, le ciel qui s’était de plus en plus assombri
devant nous.
En effet, le ciel était menaçant.
— Si nous ne laissons pas passer l’orage, il nous surprendra
bientôt en route, me dit Pinkas Glanzmann. Vous pourriez vous
arrêter au cabaret de Dubine. Réfléchissez que nous ne rencontrerons
pas un toit jusqu’à Wrycin, chez monsieur votre oncle.
— Non, non, lui répondis-je, va toujours.
Depuis des années, j’étais éloigné de mon pays natal, et l’on m’y
attendait ce soir-là.
Le cocher haussa les épaules et se remit en marche. Devant nous,
c’était comme le sombre rideau d’un théâtre avant le commencement
de la représentation. De grands nuages, qui semblaient sortir
d’un abîme, roulaient à l’horizon. On eût dit que la croûte de
la terre venait de se fendre pour vomir la fumée d’un immense
volcan.
L’air, qui d’ordinaire passe frais et léger, en caressant les sommets
des arbres et les épis dorés, était devenu, tout d’un coup,
d’une lourdeur accablante. Il écrasait tout de son poids. Les feuilles
des arbres et jusqu’à l’herbe des champs se penchaient vers la terre,
<references/>
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Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 63.djvu/236
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! RECETTES.
! Francs.
|-----
| Impôts directs et propriétés domaniales du saint-siège
| 5,915,689
| Douanes et taxes de consommation
| 19,517,112
|-----
| Timbre et enregistrement
| 1,726,040
| Postes
| 1,009,724
|-----
| Loteries (mises encaissées)
| 4,271,767
| Monnayage et contrôle
| 205,643
|-----
| Recouvremens divers provenant de la dette publique et des ministères
| 1,665,571
|
| 34,311,546
|}
! DÉPENSES. ''Dette publique''.
!
|-----
| Dette publique consolidée
| 35,762,720
| Dette flottante et assignations diverses
| 7,055,470
|}
! DÉPENSES. ''Services ministériels''.
!
|-----
| Intérieur
| 4,671,259
| 1,678,320
|-----
| Guerre
| 6,992,237
|}
! DÉPENSES. ''Perception et exploitation des revenus''.
!
|-----
| Impôts directs, cens et cadastre
| 1,711,082
| Douanes
| 2,334,952
|-----
| Timbre et enregistrement
| 276,890
| Service des postes
| 804,632
|-----
| Monnayage
| 200,156
| Loteries (lots à rembourser)
| 3,126,427
|-----
|
| 64,614,145
|}
</ref>.
Ce qui frappe avant tout dans le budget préventif pour 1865, c’est l’aveu fait avec une sorte d’ostentation d’un déficit de 30 millions sur 64 qui sont à payer. Ne dirait-on pas que le saint-père court au-devant du martyre financier ? Toutefois le déficit est moins désespéré qu’il n’en a l’air. Le budget romain, par la raison énoncée
<references/>
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Histoire Auguste, trad. Aguen, Taillefert, tome 2, 1846.djvu/327
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pas sa nièce, mais son neveu : le plus grand nombre dit aussi la fille de sa sœur.
XL. L’hésitation d’un corps aussi respectable que le sénat et aussi prudent que l’armée, prouve combien il est difficile de remplacer un bon empereur. Après le meurtre d’un prince aussi rigide, I’armée s’en remit au sénat pour la nomination d’un successeur, disant qu’elle ne voulait pas le choisir parmi les meurtriers d’un si grand homme. Mais le sénat renvoya cette élection à l’armée, sachant par expérience que les empereurs de son choix n’étaient pas bien vus des soldats. Ils en agirent ainsi par trois fois : ce qui entraîna six mois d’interrègne ; et tous les magistrats, nommés par Aurélien ou par le sénat, restèrent en charge, à l’exception d’Arellius Fustus, que Falconius Probus remplaça dans le proconsulat d’Asie.
XLl. On lira peut-être avec plaisir la lettre même de l’armée au sénat.
« Les heureuses et vaillantes armées au sénat et au peuple romain. — Aurélien, notre empereur, a succombé sous la perfidie d’un seul homme, victime d’une erreur commise autant par les bons que par les méchants. Mettez-le au rang des dieux, pères conscrits, nos maîtres respectés, et donnez à l’empire un chef tiré de votre corps, mais digne de votre choix. Car nous ne voulons pour empereur aucun de ceux qui, par erreur ou scélératesse, ont participé à la mort d’Aurélien. »
On leur répondit par un sénatus-consulte, le troisième jour des nones de février. Le sénat s’était réuni solennellement dans la salle de Pompilius, Aurelius Gordien, consul, parla en ces termes : « Nous mettons sous vos yeux,
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Hémon - La Rochefoucauld, 1896.djvu/204
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{{nr|200|LA ROCHEFOUCAULD}}
----Rochefoucauld comme originalité de pensée,
comme sobriété et pureté d’expression, misanthrope
aussi, du reste, à ses heures, peut dire à
l’homme les choses les plus dures sans soulever
contre lui les hommes ? C’est qu’il éclaire ses
maximes par des portraits, où l’on est toujours
libre de ne pas reconnaître le sien. Comme il
est convenu que cette galerie de portraits, c’est
la galerie de Chantilly ou de Versailles, peuplée
des ombres brillantes d’autrefois, on s’y promène
sans inquiétude. L’inquiétude s’éveille
seulement lorsque l’observateur, s’érigeant en
moraliste, frappe, pour ainsi dire, ses impressions
en formules.
Mais ce que la Bruyère fait rarement, la
Rochefoucauld le fait toujours, avec quelle obstination
de parti pris, avec quelle furie de bravade !
Et si toujours, surtout au début, j’imagine,
quand il cherche sa voie, il a devant les
yeux les hommes de son temps, toujours aussi
il semble s’attaquer à l’homme, et c’est bien à
lui qu’il finit par s’attaquer, en effet, entraîné
par un courant qui ne se laisse pas remonter.
« Le livre de la Rochefoucauld, dit Vinet, ne
renferme ni un système ni même les éléments
d’un système. Les grands seigneurs font peu
de systèmes. Il n’y a pas de principe général
dans son ouvrage parce qu’il n’y en eut pas
dans sa vie. » Ceci n’est qu’à moitié vrai. Il
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Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/83
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porte du foyer domestique ; toutes les vertus se résumaient dans la soumission aux lois établies et le dévouement à la constitution du pays. Attaquer les novateurs, c’était donc défendre la patrie. Si, dans les emportemens de la lutte, quelques paroles devenaient excessives, on doit songer, au moins comme à une circonstance bien atténuante, à la légitime indignation d’un bon citoyen qui voit conspirer à ciel ouvert contre l’ordre politique et les bases mêmes de la société.
Cet esprit de justice est resté bien étranger aux opinions reçues sur Aristophane ; la passion y déclame de parti pris et s’y débarrasse, comme d’un fardeau importun, de toute connaissance de l’antiquité. Dans une démocratie sans hiérarchie sociale et sans autres salons que des carrefours où chacun prenait sa part de soleil, et où les femmes n’acquéraient d’influence qu’en devenant courtisanes, la plaisanterie avait nécessairement une franchise et une crudité qu’une société plus raffinée en fait de décence publique doit accuser de grossièreté ; mais, à moins d’exiger que la comédie soit un cours de pruderie, on ne peut faire un crime personnel à Aristophane des libertés rabelaisiennes d’un langage qui se retrouve aussi immodéré dans tous les poètes comiques de son temps. Déjà cependant, vers la fin du Ier siècle de notre ère, Plutarque prenait pour le gourmander sa voix la plus sévère<ref> ''Vie de Périclès'', ch. XIII ; ''Comparaison d’Aristophane auec Ménandre, Opera, t. VI, p. 421-427, édit. De Wyttenbach.</ref> ; son bon sens, honnête et vulgaire, n’avait ni le sentiment historique du passé ni l’intelligence des excès de paroles habituels à une démagogie de gens d’esprit ; il croyait naïvement que l’on pouvait enseigner la vertu comme une science exacte, et, tout modéré qu’il fût par tempérament et par habitude, il se sentait au fond de l’ame une grosse indignation contre un mauvais plaisant qui avait empêché Socrate de faire d’Athènes, quel que chose d’aussi philosophiquement beau que la république de Platon. Pour trancher du philosophe et rester conséquent à ce système de ''malcontentement'' universel où l’esprit remplaçait trop souvent une connaissance exacte des choses, Lucien, qui comprenait assez peu la comédie ancienne, pour lui reprocher des tendances criminelles, déclarait Aristophane atteint et convaincu de méchanceté par le seul fait de sa pièce des ''Nuées''. Enfin, comme tous les collecteurs d’anecdotes, Élien préférait de piquantes faussetés à des vérités trop incontestées, et ne reculait pas devant un anachronisme de, vingt-quatre ans pour expliquer les plaisanteries des ''Nuées'' par la vénalité de l’esprit d’Aristophane et l’habile scélératesse des accusateurs de Socrate<ref> ''Varioe historiœ'', l. II, ch. XIII. Il y a un jugement d’une tout autre profondeur dans Denys d’Halicarnasse, ''Artis rhetoricoe'' p. 302, édit. de Reiske. </ref>.
Ce témoignage sans valeur et ces autorités si évidemment suspectes ont défrayé pendant long-temps la malveillance préméditée des critiques ;
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Daudet - Le Roman du chaperon rouge, Lévy, 1862.djvu/107
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aux oreilles, les dragons redoublaient ; il y avait du sortilège là dedans. Le dirai-je ? à la dernière sonnerie, ma femme s’est levée en criant : « Je n’y tiens plus ! » et la voilà sautant au cou du plus grand de vos dragons. Je viens demander justice, monsieur le major.
Monsieur le bourgmestre, le cas est très grave ; — veuillez me passer mon haut-de-chausses ; — très grave, monsieur le bourgmestre ; — mes bottes, s’il vous plaît ; — révolte de dragons bleus, hum ! hum ! c’est une affaire importante ; — donnez-moi maintenant ma veste et mon gilet, et mon grand sabre, avec son ceinturon, sans oublier ma sabretache ; nous allons de ce pas à la caserne, demander quelques explications à ces braves gens.
Croyez-vous ma présence nécessaire, cher major ?
Nécessaire ? c’est indispensable qu’il faut dire ; — vous, madame votre épouse, et tous ceux qui étaient sur l’esplanade avec vous. — Tenez, bourgmestre, prenez-moi cette hachette et ce yatagan, en cas d’insurrection.
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Mérimée - Carmen.djvu/122
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Ce langage était trop étrange aux oreilles de madame de Piennes pour qu’elle le comprît d’abord. Elle se fit répéter la question.
— Oui, je voudrais bien faire un cierge à saint Roch ; mais je ne sais à qui donner l’argent.
Madame de Piennes avait une dévotion trop éclairée pour être initiée à ces superstitions populaires. Cependant elle les respectait, car il y a quelque chose de touchant dans toute forme d’adoration, quelque grossière qu’elle puisse être. Persuadée qu’il s’agissait d’un vœu ou de quelque chose de semblable, et trop charitable pour tirer du costume de la jeune femme au chapeau rose les conclusions que vous n’avez peut-être pas craint de former, elle lui montra le bedeau, qui s’approchait. L’inconnue la remercia et courut à cet homme, qui parut la comprendre à demi-mot. Pendant que madame de Piennes reprenait son livre de messe et rajustait son voile, elle vit la dame au cierge tirer une petite bourse de sa poche, y prendre au milieu de beaucoup de menue monnaie une pièce de cinq francs solitaire, et la remettre au bedeau en lui faisant tout bas de longues recommandations qu’il écoutait en souriant.
Toutes les deux sortirent de l’église en même temps ;
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Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/190
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l’Allemagne. Et voilà peut-être une des causes qui firent naître et vivre l’opéra-comique parmi nous.
Il y a vécu d’une vie légère, brillante, mais en tout moyenne, jusque dans le rire et dans la joie. Une chose est à remarquer : c’est que la comédie en musique n’a jamais été chez nous la haute comédie : Le répertoire de l’opéra-comique abonde en comédies romanesques, romantiques, historiques aussi ; comédies d’action et d’intrigue, où naturellement, — l’intrigue n’étant pas matière musicale, — le dialogue tient une grande place. On y rencontre fort peu de comédies de caractères : au XVIIIe siècle, le ''Tableau parlant'', de Grétry ; le ''Médecin malgré lui'', de Gounod, au siècle suivant. Encore ne s’agit-il, ici et là, que de caractères superficiels, et des dehors plutôt que du fond de l’humaine nature. Le Gounod du ''Médecin malgré lui'' nous a donné quelque chose de Molière en musique et peut-être dans ''Georges Dandin'' il nous en eût donné davantage. Mais tout de même la France attend encore un Molière musicien.
Les autres nations non plus ne l’ont pas vu paraître. La comédie lyrique allemande existe à peine et l’opéra-bouffe italien n’a pas toujours été la véritable comédie. Il l’a été quelquefois. On trouve encore plus de force et d’humanité, plus de ''vis comica'', dans la ''Serva padrona'' que dans le ''Tableau parlant''. Grétry le premier a dit de Pergolèse : « Il fut créateur et ma musique n’est qu’une continuité (''sic'') de la sienne. » En quoi l’auteur des ''Essais'' avait raison. Mais il avait tort d’ajouter : « Il (Pergolèse) n’a peint qu’une partie des passions et j’ai à peu près rejoint les deux bouts du cercle, excepté les passions exaspérées, où je n’entends rien. » Même sous cette réserve, Grétry se vantait encore, ou s’abusait. Le genre dont il fut l’un des maîtres ne comporta jamais tant de psychologie, et de si profonde. L’''opera buffa'', que ce soit dans la ''Servante maîtresse'' ou dans le ''Mariage secret'', plus tard dans le ''Barbier de Séville'' ou dans la ''Cenerentola'', l’emporte sur notre opéra-comique non seulement par le courant, par le torrent plus impétueux de la verve et de la joie, mais souvent par l’étendue comme par la profondeur de la pensée musicale elle-même. Il n’est pas besoin d’un ouvrage entier, fût-ce d’un finale ou d’un air ; il suffirait d’une phrase pour en témoigner. Ouvrez, par exemple, aux premières pages, deux partitions de même titre et de même sujet, mais non de même patrie, la ''Cendrillon'' de Nicolo et la
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Rolland - Jean-Christophe, tome 10.djvu/268
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}}peuple ; ils n’écrivaient que pour quelques-uns : petite aristocratie pleine de talent, raffinée, inféconde, elle-même divisée en des cercles rivaux de fades initiés, ils étouffaient dans l’étroit espace où ils étaient parqués ; incapables de l’élargir, ils s’acharnaient à le creuser ; ils retournaient le terrain, jusqu’à ce qu’il fût épuisé. Alors, ils se perdaient dans leurs rêves anarchiques, et ils ne se souciaient même pas de mettre en commun leurs rêves. Chacun se débattait sur place, dans le brouillard. Nulle lumière commune. Chacun ne devait attendre de lumière que de soi.
Là-bas, au contraire, de l’autre côté du Rhin, chez les voisins de l’Ouest, soufflaient périodiquement sur l’art les grands vents des passions collectives, les tourmentes publiques. Et, dominant la plaine, comme leur tour Eiffel au-dessus de Paris, luisait au loin le phare jamais éteint d’une tradition classique, conquise par des siècles de labeur et de gloire, transmise de main en main, et qui, sans asservir ni contraindre l’esprit, lui indiquait la route que les siècles ont suivie, et faisait communier tout un peuple dans sa lumière. Plus d’un esprit allemand, — oiseaux égarés dans la nuit, — venaient à tire d’ailes vers le {{corr|anal|fanal}} lointain. Mais qui se doute, en France,
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Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/272
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le 22 juillet 1658, à la Martinique, un règlement<ref>Arch. Col, , F, 247, p. 319.</ref> entre
{{Mme}} {{Vve}} Duparquet et les habitants stipule par l’article 10
qu’ « il sera permis auxdits habitants, après leurs dettes
payées, d’enlever leurs nègres et autres meubles ». Le
règlement de M. de Tracy, du 19 juin 1664, les considère
aussi comme meubles, et il est confirmé par une ordonnance
de M. de Baas, du 6 février 1671<ref>Ib., ''ib.'', 211.</ref>, qui autorise à les saisir
pour dettes ainsi que les bestiaux.
D’autre pari, un arrêt du Conseil d’État, du 2 mai 1679<ref>Ib., ''ib.'', 324.</ref>,
les déclare insaisissables pour le paiement du droit de capitation,
et, le 30 avril 1681, le roi écrit à M. de Blenac, gouverneur
général des îles : « J’ai approuvé la proposition que
vous me faites d’empêcher la saisie des nègres<ref>Ib., ''ib.'', 346.</ref>. » Suit, en
conséquence, un arrêt du Conseil d’État qui interdit la saisie
des nègres de culture<ref>Ib., ''ib.'', 333, 5 juin 1681.</ref>. Un règlement du Conseil de la Martinique,
du 7 septembre 1683<ref>Ib., ''ib.'', 381. Article XI. — « Lorsqu’une habitation, sucrerie ou indigoterie, sera saisie réellement, les nègres et bestiaux servant actuellement sur lesdites habitations, sucreries ou indigoteries, seront compris dans ladite saisie et désignés, savoir : les nègres par leurs noms et âge, et les bestiaux par leurs poils, et le tout sera vendu et adjugé conjointement. »</ref>, est en conformité avec cet
arrêt. Un autre du même Conseil, du 5 mai 1684, porte que
les nègres et les bestiaux sont réputés meubles, quoique
insaisissables<ref>Ib., ''ib.'', 397.</ref>.
Enfin, le Code Noir, par l’article 44, décide que les
esclaves sont meubles et leur applique, par conséquent, la
législation en vigueur relative aux biens mobiliers. Nous
allons voir, d’ailleurs, à quelles difficultés diverses donnait
lieu cette jurisprudence. À chaque instant, la question est
diversement jugée à propos de cas spéciaux ; nous nous
bornerons à en citer quelques-uns de caractéristiques.
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Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/831
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Rejeter les idées fausses exprimées non plus par tel ou tel historien de la révolution, mais presque par tous, et qui sont devenues comme les dogmes d’une partie de l’opinion égarée ; démêler au sein de la révolution elle-même la part du vrai et du faux, presque toujours confondus dans une solidarité fausse et dangereuse, telle est la tâche inévitable imposée à notre temps. Ici, pas de vérité qui en pratique ne soit une lumière et un bien, pas une erreur qui ne soit un péril.
Une première erreur, commune à presque tous les historiens de la révolution, c’est la foi qu’ils témoignent dans la puissance bienfaisante de l’insurrection. La révolution elle-même, il faut le rappeler, avait eu l’imprudence de mettre au nombre des droits constitutionnels celui de la résistance à l’oppression, sans définir ce qu’il fallait entendre par ce dernier mot. Les historiens se sont avancés plus loin : ils ont glorifié non-seulement l’insurrection qui résiste, mais celle qui attaque ; ils lui ont attribué une politique d’initiative, une vertu féconde ; ils ont paru accorder la préférence à l’instinct, aux volontés d’une partie du peuple, sur les pouvoirs constitués, qui représentent la raison sociale ; en un mot, ils ont fait dépendre le progrès des improvisations de la place publique. Il est clair que, tant que cette espèce de théorie, si commode pour les impatiens, si consolante pour les mécontens, subsistera dans les livres et dans les esprits, ce pays n’aura guère de repos à espérer. La théorie des révolutions est en grande partie à refaire sous l’impression toute vive encore des événemens de février. Quel progrès réél cette insurrection triomphante nous a-t-elle donné ? que subsiste-t-il de tant de décrets économiques dictés par la force à l’opinion ? Accuser la réaction ne signifie absolument rien : c’est le propre des révolutions prématurées et violentes d’amener les réactions inévitables. Rendue à sa libre allure, la société revient à sa manière d’être normale, comme l’arbre dégagé d’une contrainte factice à son attitude naturelle. La leçon du temps actuel, bien propre à éclairer le passé, c’est la puissance à peu près irrésistible du développement naturel et l’incapacité radicale de l’insurrection à réaliser le progrès. Étudiés à cette clarté que 1848 jette sur 1789, on verrait que les mouvemens insurrectionnels ont plus retardé qu’avancé la révolution qu’elles paraissaient accélérer en la poussant plus vite sur la pente des abîmes. Prétendre le contraire marque moins de foi que de défiance dans la puissance des principes et de la vérité. L’histoire contemporaine démontre que les insurrections ont bien pu arracher plus d’une fois des fruits encore verts : il est sans exemple qu’elles en aient mûri un seul avant l’heure.
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Edgeworth - Contes de l enfance.djvu/140
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Nancy et à Peggy une leçon de lecture et d’écriture, et Edmond prélevait une partie de ce qu’il
gagnait pour payer un professeur qui lui apprenait les premiers éléments d’arithmétique. Marie
savait tous les bienfaits que l’on retire de l’instruction, et elle n’avait garde de laisser ses sœurs
et son frère dans l’ignorance.
Edmond était fort ingénieux, et son industrie
remplaçait souvent les objets de première nécessité qui leur manquaient. L’hiver avec ses longues soirées était arrivé, et Marie n’avait pas de
lumière pour travailler. Son frère, qui avait fait
au mois d’août précédent une ample provision de
joncs, se mit à les tresser, et les plongeant dans
de la graisse fondue que lui avait donnée son voisin, il réussit à faire des chandelles d’une nouvelle espèce.
Un soir qu’il était occupé à allumer sa chandelle, un homme entra. C’était un valet de pied
qui était envoyé par Isabelle pour apporter de
l’ouvrage à Marie. Il remarqua l’invention d’Edmond, et, comme il n’avait jamais rien vu de pareil, il ne put s’empêcher de louer l’ouvrier intelligent qui en était l’auteur. Edmond, tout glorieux d’une approbation si désintéressée, prit
aussitôt quelques morceaux de joncs, tressa une
chandelle devant Gilbert (tel était le nom du nouveau venu), et le pria de l’accepter.
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Barchou de Penhoën - Histoire de la conquête de l’Inde par l’Angleterre, tome 1.djvu/326
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au pouvoir d’Aureng-Zeb. Les anciens souverains
convaincus de l’impossibilité de soutenir une plus
longue lutte, mirent bas les armes et en appelèrent
à la clémence, à la générosité de l’empereur. Celui-ci
écouta leurs prières ; il les réintégra dans leurs
anciens États, se contentant de leur imposer un
léger tribut.
Shah-Jehan n’abandonnait pas son projet de conquête
du Deccan. Les frontières de ce côté de l’empire,
et une armée destinée a tenir en échec les
souverains de cette contrée, avaient été placées sous
le commandement d’Aureng-Zeb ; toutefois la jalousie
et les soupçons de Shah-Jehan et de ses autres
fils commençaient à s’attacher à ce dernier ; déjà les
uns et les autres ne voyaient pas sans quelque frayeur
le développement de son ambition. Tour à tour
envoyé dans le Guzerate, puis contre les Tartares-Usbecks,
il avait trouvé le moyen de revenir à ce
premier poste, le plus important de tous. Alors se
présenta une occasion favorable à l’accroissement
de sa fortune qu’il n’était pas homme à laisser
échapper. Un chef, l’émir Jumlah, au service du
roi de Golconde, après avoir fait triompher en
plusieurs rencontres les armes de ce souverain et
beaucoup ajouté à sa domination, était tombé dans
la disgrâce ; bientôt il eut à craindre pour sa vie
elle-même. Dans cette situation, il songea à passer
au service d’Aureng-Zeb, et lui fit connaître sa
résolution de l’aider, dans la supposition que ses
offres seraient accueillies, à s’emparer par surprise
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Segalen - René Leys.djvu/259
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{{tiret2|m’appar|tiennent}} pas : on les lisait dans tous les journaux,
mais je m’accuse de cette question répétée :
— Dites-moi, Leys : une Mandchoue peut-elle être
aimée d’un Européen... et... — Et quinze jours
après il était aimé d’une Mandchoue...
Enfin, enfin, je m’accuse de lui avoir tenu, voici
quatre jours exactement, le propos trop suggestif :
« Pensez donc au poison »... Il a répondu : « Merci
de m’y avoir fait penser »... m’a pris au mot et ne
s’est pas démenti.
Il ne s’est jamais démenti. L’interrogatoire incisif
dans la claire nuit froide ne pouvait conduire à rien.
Je demandais : ''oui'' ou ''non'', as-tu... Mais j’aurais
été cent fois déçu s’il avait renié ses actes, même
inventés ; mais je tremblais plus que lui à sentir
vaciller le bel échafaudage... Mais j’entendais venir
sa réponse : il m’aurait plus durement trompé en
me détrompant sans pitié. Il est resté fidèle à ses
paroles et peut-être toujours fidèle à mes paroles...
Tout ce que j’ai dit, il l’a fait, à la chinoise, puisqu’il vient, à la chinoise, de m’en donner, par sa mort,
la meilleure preuve — qu’il préférait perdre la vie
et sauver la face... et ne pas se trahir ni me trahir ;
et ne pas démériter... Tout ceci est donc vrai à
« la chinoise » ?
Tout ce que j’ai dit, il l’''a fait'', même ''un enfant''.
Cette preuve réclamée par moi, posée par moi
... la preuve cruciale : l’enfant : de lui-même, il
me l’a dit : — C’est un gros garçon... si cet
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Annales du Musée Guimet, tome 13.djvu/45
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{{nr||LE RÂMÂYAṆA.|35}}La transformation des hommes de grand mérite en dieux s’est donc accomplie grâce à l’admiration ou à la reconnaissance qu’on éprouvait pour eux une fois qu’ils n’étaient plus, absolument comme Cicéron le dit de Romulus. C’est ainsi qu’Épicure enseignait, qu’on ne doit pas craindre la mort et les dieux, ''{{lang|la|mortem et deos}}''<ref>Cic., ''{{lang|la|de natura deorum}}'', I, 31.</ref>. C’est probablement parce qu’il pensait que la mort peut vous changer en dieu, et que la nature de cet être le rendant son égal, il n’avait pas à avoir peur de lui.
Je pense que je n’ai pas à m’excuser de cette digression, si toutefois c’en est une. Nous verrons en effet que le Râmâyana dit des dieux qu’ils sont soumis aux trois états de la vie, c’est-à-dire qu’ils naissent, vivent et meurent comme les hommes, et ainsi mon appréciation rentre dans l’étude philosophico-religieuse de notre poème. Mais je reviens à ce que je disais, savoir que toute l’action du Râmâyana pivote sur le motif d’une parole donnée et tenue, comme aussi le personnage héroïque que ce motif fait agir, reçoit toute son illustration de la force morale qu’il déploie pour faire honneur à la promesse de son père : {{sa|प्रतिक्षां पालजन् पितु}}<ref>''Râm.'', II, 16, 36.</ref>. Et cette résolution de sortir de la maison de son père, il l’exécute sans ostentation, avec la plus grande simplicité, montrant à ses gens, quelle que soit sa douleur intime, un visage riant : {{sa|स स्मितमुखः}}<ref>Ib., 42 sq.</ref>. Les instances même de Kauçalyâ, sa mère, qu’il honore comme Maghavat la déesse Aditi, {{sa|पुजयामास तां देवीमदितिं मघवाविव}}<ref>Ib., 17, 12.</ref>, ne peuvent l’ébranler. La scène est profondément pathétique ; le héros va jusqu’à excuser l’action de Kaikéyî par le destin, ''daiva'', qui a poussé la reine, malgré sa volonté, {{sa|परिपीडार्थं}}. Remarquons ici que la croyance au destin est autorisée par la loi indienne<ref>''Mânav.'', VII, 205 ; — Yajnavalkya, I, 348.</ref>, et que le Sânkhya compte le destin parmi les cinq agents (''kartâ'') qui concourent à l’accomplissement de toute œuvre<ref>''Bhag.-Gîtâ'', XVIII, 14.</ref>. Toujours est-il que Râma le dénonce, sous le nom de ''kritântâ'' ou nécessité, comme la cause de son exil. Vainement, son frère Lakshmaṇa lui insinue que l’effort de l’homme peut surmonter le destin, que le vrai courage ose lui résister, surtout
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Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 52.djvu/75
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{{nr||— {{rom|XXVII|27|}} —|}}{{tiret2|déperdi|tions}}. Par sa double fonction, sécrétrice de la bile et régulatrice du
sucre, le foie, auquel nous sommes ainsi ramenés, occupe sous ce
rapport une situation privilégiée. Aussi est-il l’organe le plus chaud du
corps, le plus actif foyer de la chaleur animale. Le sang qui en sort par
les veines sus-hépatiques est beaucoup plus chaud que celui qui y entre
par la veine porte c’est lui surtout qui échauffe le plus le sang du
cœur droit. Quant au sang artériel, il distribue d’un seul coup et sans
grande déperdition la chaleur qu’il a reçue.
C’est donc dans la profondeur du corps, dans les divers tissus dont
il se compose et dans chacune des cellules de ces tissus, que se produit
la chaleur animale, et ce sont les phénomènes nutritifs, aboutissant toujours
à une oxydation, qui lui donnent naissance. Le sang joue le rôle
à la fois d’excitateur des phénomènes nutritifs et de régulateur de la
température produite par eux, ici gagnant, là perdant de la chaleur et,
par le mélange de ses diverses parties, par sa course incessante, empêchantles
échauffements et les refroidissements locaux excessifs. L’excès
de chaleur est, en effet, redoutable entre tous ; car Bernard prouve
que lorsque la température générale du corps est élevée artificiellement
de trois ou quatre degrés, la contractilité musculaire disparaît, le cœur
s’arrête, et c’est la mort.
Phénomènes nutritifs et chaleur qu’ils engendrent sont, chez tous
les animaux supérieurs, soumis à l’influence du système nerveux, et
cette influence, étudiée par lui avec une rare pénétration, a conduit
Claude Bernard à l’une de ses plus importantes découvertes. Voici en
quels termes Paul Bert nous l’a présentée
« Une expérience déjà bien ancienne, puisqu’elle date de Pourfour
du Petit, en 1727, avait montré que, si l’on sectionne à la région du cou
le cordon du nerf grand sympathique, la pupille de l’œil correspondant
se contracte aussitôt. Claude Bernard refait l’expérience et il voit ce
que personne n’avait vu avant lui, c’est-à-dire que tout le côté de la
face correspondant au nerf coupé rougit, se tuméfie, s’échauffe. Le fait
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Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/328
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numériques. Le monde inorganique est proprement l’empire des causes. Franchissons les limites qui le séparent du règne des êtres organisés. A peine entrés dans celui-ci, nous voyons les causes revêtir de tout autres apparences. La vie. Organique, même à ses plus humbles degrés, se développe par l’action de certains stimulans externes ou internes, tels que la chaleur, la lumière, l’air, les alimens solides ou liquides, etc., lesquels ne présentent plus qu’une lointaine et obscure analogie avec les effets produits ; Les changement qui s’accomplissent dans cet ensemble délicat de parties que l’on appelle un organisme ont lieu en présence et sous l’action d’un stimulant ; mais ils semblent avoir si peu de rapport avec cette action, qui, à un certain degré, paraît exalter la vie, et qui, à un autre degré, peut en troubler, suspendre ou arrêter pour toujours les manifestations, que le véritable principe de ces modifications diverses réside évidemment dans l’organisme. Un rayon de soleil, une ondée rapide, une petite quantité de chaux mêlée au sol, accélèrent la végétation dans une proportion extraordinaire ; un excès de chaleur ou d’humidité, la présence de quelque autre élément, la détruisent. Quelques grains d’opium ou une légère dose de tel ou tel poison surexcitent dans l’animal les fonctions organiques ; que cette mesure soit dépassée, les mêmes substances amènent la paralysie et la mort. Ainsi la diversité s’accuse entre les causes et les effets. Faisons un pas de plus : tout dans l’animal ne relève pas de la vie végétative ou organique ; l’existence est attachée en lui à des conditions bien autrement complexes que dans le végétal ; elle n’est plus soumise à l’action de simples stimulans. La vie de l’animal ne serait pas suffisamment assurée par des actions de cet ordre, il ne tarderait pas à périr, s’il ne pouvait aller saisir des objets éloignés de lui pour se les assimiler ou pour les faire servir à la satisfaction de ses besoins, et s’il n’avait par conséquent la faculté de les apercevoir. Ces objets, placés à distance, agissent uniquement sur lui par leurs propriétés physiques ou chimiques, ils le modifient par les perceptions qu’il en a, perceptions qui s’accomplissent au moyen d’un système nerveux, et, chez les animaux de l’ordre le plus élevé, d’un cerveau. La plante ne perçoit pas : à quoi servirait cette faculté sans la locomotion, qui permet d’atteindre ou d’éviter les objets perçus ? La plante est fixée au sol, tandis que l’animal jouit d’une indépendance locale plus ou moins complète. La volonté se manifeste donc chez lui plus clairement que dans le végétal et correspond par ses manifestations à un organisme plus compliqué, sans toutefois changer de nature. Les actions qui constituent le monde animal, où l’intelligence s’épuise dans la satisfaction des besoins, sont caractérisées par la perception et la sensation. Au-delà de ce point, il semble que nous entrions dans un monde nouveau.
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Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/194
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transcendante et mémorable, une forte époque dans la vie du monde ; que cette époque constitue l’épopée de Cromwell, la ''Cromwelliade'', qu’il a le droit d’imposer son nom à cette phase bien plus que la plupart des héros à leurs épopées, et que ce résultat deviendra sans cesse plus visible. Sous un autre rapport, l’imagination populaire se trompe ; non, cet Olivier n’est pas un homme de mensonge. Toutes ses paroles portent un sens, elles méritent d’être étudiées et pesées. Un esprit sérieux qui approfondit les instincts, les mystérieux silences de cet homme, qui les épelle avec soin et les déchiffre avec amour, est bien payé de sa peine. Le caractère de Cromwell et celui de son temps sont aussi éloignés que possible de l’hypocrisie et de la fourbe dont on fait une peinture si confuse et si généralement adoptée. »
Citer ce fragment du nouvel ouvrage, c’est donner une idée exacte du plan que l’auteur s’est tracé. Carlyle publie un certain nombre de lettres inédites de Cromwell long-temps enfouies dans les archives des familles ou des bibliothèques ; il y joint toutes celles que divers éditeurs avaient imprimées avec une incurie et une inexactitude qui en laissaient à peine deviner le sens.
Rien n’était plus naturel que cette inexactitude et cette incurie. Presque immédiatement après avoir atteint le pouvoir suprême, Cromwell meurt ; son fils Richard (celui que Carlyle appelle le berger d’Arcadie) s’évanouit de la scène politique, et la vieille dynastie reparaît. On déterre les ossemens des puritains pour les brûler, et, jusqu’à l’accession de Guillaume III, tout ce qui se rapporte à Cromwell devient anathème. Entre 1688 et 1800, les grandes familles, unies à la bourgeoisie, triomphent, et ces mêmes républicains n’ont pas beau jeu ; on laisse dans l’oubli les lettres de Cromwell et ses discours publics, défigurés depuis long-temps ; on ne songe guère à remuer ces décombres, où se trouvent empreints la trace et le feu de la guerre civile. Thomas Carlyle vient enfin, après deux siècles, déterrer les lettres, éclaircir et restituer les discours ; il en rétablit la série chronologique, et rend un service réel à l’histoire. Nous nous occuperons d’abord de cette partie solide de son œuvre ; nous nous réserverons d’examiner ensuite la façon dont il s’est acquitté de sa besogne d’éditeur.
Il méprise injustement les historiens ses prédécesseurs, Hume, Lingard, M. Villemain, qui ne possédaient pas les élémens dont il est maître. De ces élémens inconnus, il n’a pas fait l’usage qu’une raison sévère aurait dû en faire ; il les a laissés à l’état de matériaux, sans les dégrossir, les mettre à leur place et les élaborer ; le métal n’est pas sorti de la gangue ; encore moins l’œuvre de l’artiste est-elle accomplie.
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Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/94
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{{nr|88|REVUE DES DEUX MONDES.}}conseiller de l’empereur de Russie et professeur à l’Université d’Odessa ; sociologue et juriste éminent, il était aussi — ce qui est plus rare — un observateur sympathique des vieilles coutumes. Le code promulgué en 4855, au temps de Danilo, s’inspirait des idées philosophiques du Code français ; il était inapplicable au Monténégro. Chargé par le tsar Alexandre II de rédiger un nouveau code pour le Monténégro, Bogisic se garda de détruire — comme l’a si malheureusement fait notre code civil — l’antique constitution de la famille et de la propriété ; il se contenta d’y apporter plus d’unité et de clarté, tout en respectant le principe de l’ancienne organisation paysanne et en l’adaptant aux nécessités nouvelles. Le nouveau code fut promulgué en 1888 ; M. Bogisic en fit lui-même, dix ans plus tard, une édition révisée et, comme ministre de la Justice, il s’appliqua à résoudre les difficultés pratiques et à guider la jurisprudence. Son code, traduit dans toutes les langues, est l’objet d « l’admiration des juristes ; il a été, pour le peuple monténégrin, un très grand bienfait ; il l’a préservé, dans la mesure du possible, de la désagrégation dans la famille, prélude de l’anarchie dans l’État ; il l’a mis à l’abri de l’ébranlement dangereux que produisent les réformes hâtives, dans un pays très longtemps immobile. Le Monténégro et son prince ont à regretter, nous le verrons, de n’avoir pas, en matière constitutionnelle, procédé avec les mêmes précautions. Mais, pour faire comprendre le sens des crises politiques qui ont, en ces derniers mois, troublé la Principauté, il nous faut d’abord dire un mot de ses relations extérieures.
{{c| III}}
Avant le traité de Berlin, les relations extérieures du Monténégro n’étaient pas compliquées : entouré de tous côtés par les Turcs, il ne connaissait qu’un adversaire contre lequel, au nom de la Croix et de l’humanité, il faisait appel à tous les concours : Venise jadis, la Russie depuis Pierre le Grand, le Saint-Siège parfois, la France en 1857. Après 1878. le Monténégro devenait un Etat balkanique et adriatique ; sa position géographique, son énergie militaire, rendaient désirable son amitié, utile son alliance. Il n’est, dit-on, meilleur maître que la nécessité ; elle a fait, du prince Nicolas, l’un des plus avisés diplomates de son temps. Il a su, avec un art consommé, tirer parti, dans l’intérêt
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Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/202
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contre. Il nous manifesta ensuite le désir de savoir d’où nous
venions. La chose est assez difficile à lui expliquer. Nous étendons
les bras dans la direction de la mer et de la banquise et essayons
de lui faire comprendre tant bien que mal, à l’aide de gestes,
que nous avons traversé les glaces, puis, qu’arrivés à la côte bien
loin dans le sud, nous avons marché dans la direction du nord.
Tous alors témoignent le plus profond étonnement, en poussant
les beuglements habituels. La conversation se continue très
animée, nous nous comprenons relativement bien. Certes c’eût été
pour quelqu’un un spectacle bien amusant d’assister à cette pantomime.
Je n’oserais pas dire que la figure de tous les indigènes qui nous
entouraient fût très propre. La plupart avaient un teint jaunâtre ou
foncé, mais à cette couleur naturelle s’en ajoutait une autre également
sombre provenant de la crasse. Sur la figure, quelques-uns,
notamment les enfants, conservent une épaisse couche de saleté qui
leur donne l’aspect de nègres ; par places la couche s’était écaillée,
et dans les gerçures apparaissait une peau relativement blanche.
Aux femmes, surtout aux jeunes filles, coquettes ici comme partout
ailleurs, il arrive parfois de se laver. Le célèbre explorateur Holm
décerne même un brevet de propreté aux élégantes du pays. Je n’ai
point l’intention d’entrer dans une discussion à ce sujet avec mon confrère
danois, il me suffit de dire que les Grönlandaises de cette région
emploient l’urine pour se laver. Elles trouvent à ce liquide une
odeur particulièrement agréable et s’en parfument les cheveux.
C’est un moyen de séduction dont les belles se servent pour attirer
les amoureux.
Les Eskimos utilisent l’urine pour toutes sortes de choses, et la
conservent précieusement dans des vases spéciaux. La propriété qu’a
ce liquide de dissoudre les corps gras le rend particulièrement utile
pour eux et ils s’en servent pour débarrasser leur figure, leurs mains
ou leurs vêtements de la couche de graisse qui les couvre. Ils utilisent
encore l’urine pour préparer les peaux.
Une occupation favorite des indigènes est de se livrer à une
chasse acharnée dans leur longue chevelure. Dès que le gibier est
capturé, il est mangé incontinent. Lorsqu’un insecte a été pris,
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Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/906
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semble-t-il, appartient à chaque individu : aussi chacun sera-t-il volontiers et tour à tour marchand, fermier, mineur ; chacun guette la fortune et la suit n’importe où elle va le conduire. Tout le monde connaît aujourd’hui l’histoire de M. Lincoln, un vrai représentant de l’ouest, successivement batelier, bûcheron, fermier, avocat, député, président de la république. Grant, Sherman, les meilleurs généraux de l’Union, sont des hommes de l’ouest.
En politique, les états de l’ouest sont plus profondément qu’aucune autre partie de l’Union imbus des principes démocratiques ; la souveraineté populaire y est devenue un dogme, une religion. Elle ne connaît aucune règle, elle repousse tous les freins. Les mandats politiques sont toujours impératifs et de plus courte durée que partout ailleurs. Le suffrage universel désigne les représentans du pouvoir judiciaire comme ceux du pouvoir exécutif. La société est trop mobile, trop fluide, pour s’emprisonner volontiers dans des formes. Sans cesse on modifie les lois, et les états amendent leurs constitutions sitôt qu’ils croient y apercevoir une gêne ou un défaut. La souveraineté populaire ne s’incline pas volontiers devant les engagemens pris par les générations passées ; le citoyen de l’ouest dirait volontiers comme le pionnier de Lowell :
::The serf of his own past is not a man<ref> « Le serf de son propre passé n’est pas un homme. »— Lowell, professeur à l’université de Cambridge, est un des poètes les plus estimés et les plus originaux des États-Unis. </ref>.
Est-ce la tyrannie de l’opinion publique qui rend les individus plus versatiles, ou la versatilité des individus qui rend l’opinion plus tyrannique ? Dans une société laborieuse, pressée, ardente, qui ne regarde jamais du côté du passé et pour qui il semble que l’avenir ne vienne jamais assez vite, chacun veut se sentir entraîné dans le courant le plus rapide ; il n’y a ni asiles, ni cloîtres, ni châteaux forts, ni retraites paisibles pour les mécontens. Ailleurs la dévotion d’une secte, les caresses des classes patriciennes, les plaisirs solitaires de l’étude, les jouissances que procurent les arts, peuvent adoucir les regrets et affermir la fidélité de ceux qui sont vaincus : mais il faudrait à l’homme un cœur d’acier pour résister aux entraînemens de l’opinion là où il n’y a point d’autre autorité reconnue, où elle asservit la loi civile et interprète jusqu’à la loi divine. Quand la mer abandonne une portion de son lit qu’elle a couverte de sables, on remarque des couches qui avec le temps se convertissent en grès d’une certaine dureté : ainsi, dans les provinces les plus anciennes de l’Union, la démocratie n’est plus un sable toujours fluide et agité ; les intérêts déjà séculaires, les traditions enracinées,
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Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/92
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à ceux, qui l’avaient délivré, ou, s’il le voulait, de les payer par l’oubli.
C’est là que commençait l’illusion : ils crurent qu’entre le peuple et la liberté il n’y avait que César, et qu’une fois que César n’existerait plus, la liberté allait tout naturellement renaître; mais le jour où ils appelèrent les citoyens à reprendre leurs droits, personne ne répondit, et personne ne pouvait répondre, car il n’y avait plus de citoyens. « Depuis bien longtemps, dit Appien à cette occasion, le peuple romain n’était plus qu’un mélange de toutes les nations. Les affranchis étaient confondus avec les citoyens, l’esclave n’avait plus rien qui le distinguât de son maître. Enfin les distributions de blé qu’on faisait à Rome y attiraient les mendians, les paresseux, les scélérats de toute l’Italie.» Cette population cosmopolite sans passé, sans tradition, n’était plus le peuple romain. Le mal était ancien, et les esprits clairvoyans auraient dû depuis longtemps le découvrir. Cicéron semble s’en douter quelquefois, surtout quand il voit avec quelle facilité on trafique des votes dans les élections. Néanmoins tout marchait encore avec une apparente régularité, et les choses allaient du branle qu’elles avaient reçu. Dans une situation pareille, et quand un état ne va plus que par l’habitude d’aller, tout est perdu, si ce mouvement s’arrête un seul jour. Or avec César les vieux rouages cessèrent de jouer. L’interruption ne fut pas longue, mais la machine était si délabrée qu’en s’arrêtant elle croula de toutes parts. Ainsi les conjurés ne pouvaient pas même refaire ce qui existait avant la guerre civile, et cette dernière ombre de république, si imparfaite qu’elle fût, était perdue pour toujours.
Voilà pourquoi ils ne furent entendus ni suivis par personne. A la vue de cette populace indifférente, dans ce Capitole où on les laissait seuls, le cœur dut manquer à plus d’un. Cicéron surtout était désolé de voir qu’on ne faisait rien que de beaux discours. Il voulait qu’on agît, qu’on profitât du moment, qu’on mourût s’il le fallait : « la mort ne serait-elle pas belle dans un si grand jour? » Ce vieillard, ordinairement indécis, avait alors plus de résolution que tous ces jeunes gens qui venaient de faire un coup si hardi. Et pourtant que proposait-il après tout? « Il fallait, disait-il, exciter encore le peuple. » On vient de voir si le peuple pouvait répondre. « On devait convoquer le sénat, profiter de ses frayeurs pour lui arracher des décrets favorables! » Assurément le sénat aurait voté ce qu’on aurait voulu; mais les décrets rendus, comment les faire exécuter? Tous ces projets étaient insuffisans, et il n’était guère possible d’en, proposer d’utiles à des gens décidés à ne pas sortir de la loi. La seule chance qui pouvait rester, c’était de s’emparer hardiment du pouvoir, de le
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Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 3.djvu/107
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{{c|<math>
b^{(0)}_\frac{1}{2}&=2{,}291182,\qquad &b^{(1)}_\frac{1}{2}&=0{,}804563,\qquad &b^{(2)}_\frac{1}{2}&=0{,}405584,\\
b^{(3)}_\frac{1}{2}&=0{,}224598,&b^{(4)}_\frac{1}{2}&=0{,}129973,&b^{(5)}_\frac{1}{2}&=0{,}077170,\\
b^{(6)}_\frac{1}{2}&=0{,}046595,&b^{(7)}_\frac{1}{2}&=0{,}028480,&b^{(8)}_\frac{1}{2}&=0{,}017565\,;\\\\
\frac{db^{(0)}_\frac{1}{2}}{d\alpha}&=1{,}228078,&\frac{db^{(1)}_\frac{1}{2}}{d\alpha}&=1{,}871211,&\frac{db^{(2)}_\frac{1}{2}}{d\alpha}&=1{,}601236,\\
\frac{db^{(3)}_\frac{1}{2}}{d\alpha}&=1{,}240990,&\frac{db^{(4)}_\frac{1}{2}}{d\alpha}&=0{,}920710,&\frac{db^{(5)}_\frac{1}{2}}{d\alpha}&=0{,}666207,\\
\frac{db^{(6)}_\frac{1}{2}}{d\alpha}&=0{,}473942,&\frac{db^{(7)}_\frac{1}{2}}{d\alpha}&=0{,}333444\,;\\\\
\frac{d^2b^{(0)}_\frac{1}{2}}{d\alpha^2}&=4{,}985108,&\frac{d^2b^{(1)}_\frac{1}{2}}{d\alpha^2}&=4{,}744671,&\frac{d^2b^{(2)}_\frac{1}{2}}{d\alpha^2}&=5{,}731111,\\
\frac{d^2b^{(3)}_\frac{1}{2}}{d\alpha^2}&=6{,}057860,&\frac{d^2b^{(4)}_\frac{1}{2}}{d\alpha^2}&=5{,}776483,&\frac{d^2b^{(5)}_\frac{1}{2}}{d\alpha^2}&=5{,}141993,\\
\frac{d^2b^{(6)}_\frac{1}{2}}{d\alpha^2}&=4{,}388001\,;&&&&\\\\
\frac{d^3b^{(0)}_\frac{1}{2}}{d\alpha^3}&=29{,}03400,&\frac{d^3b^{(1)}_\frac{1}{2}}{d\alpha^3}&=29{,}78930,&\frac{d^3b^{(2)}_\frac{1}{2}}{d\alpha^3}&=30{,}18848,\\
\frac{d^3b^{(3)}_\frac{1}{2}}{d\alpha^3}&=33{,}29381,&\frac{d^3b^{(4)}_\frac{1}{2}}{d\alpha^3}&=36{,}32093,&\frac{d^3b^{(5)}_\frac{1}{2}}{d\alpha^3}&=37{,}23908\,;\\\\
b^{(0)}_\frac{3}{2}&=6{,}856336,&b^{(1)}_\frac{3}{2}&=5{,}727893,&b^{(2)}_\frac{3}{2}&=4{,}404530,\\
b^{(3)}_\frac{3}{2}&=3{,}255964,&b^{(4)}_\frac{3}{2}&=2{,}351254,&b^{(5)}_\frac{3}{2}&=1{,}671668,\\
b^{(6)}_\frac{3}{2}&=1{,}174650\,;\\\\
\frac{db^{(2)}_\frac{3}{2}}{d\alpha}&=31{,}80897,&\frac{db^{(3)}_\frac{3}{2}}{d\alpha}&=32{,}26285,&\frac{db^{(5)}_\frac{3}{2}}{d\alpha}&=18{,}25867.
\end{alignat}
</math>}}
<references/>
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Laffitte - Essai sur l’espèce bovine.djvu/34
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Gymnastique des fonctions de relation. — Le type le plus complet de la gymnastique fonctionnelle appliquée aux appareils de la locomotion, de la circulation et de la respiration, c’est la pratique de l’entraînement dans l’espèce chevaline ; pour l’espèce bovine en particulier, l’importance de ce qu’on appelle le dressage, bien qu’on s’en occupe davantage de nos jours, n’est pas encore suffisamment comprise des éleveurs, surtout quand il s’agit d’animaux destinés au travail du labour.<br/><br/>
Gymnastique des fonctions de nutrition. — Il faut ici bien se pénétrer de la double influence des deux lois physiologiques ci-dessus énoncées à savoir : exercice de la fonction pour le meilleur développement de ses organes, et balancement organique si tous les appareils sont également exercés. Nous ne devons ici que donner des généralités ; mais ce qu’il ne faut jamais oublier et qui est même fondamental en zootechnie, c’est que si la gymnastique fonctionnelle qui a fait obtenir les variations des individus vient à cesser son action, l’individu retourne à ses aptitudes et à ses caractères primitifs ; c’est ce qui explique la dégénérescence des bœufs de Durham, qu’on avait la manie, il y a quelques années, de transporter dans des pays à ressources alimentaires insuffisantes. La gymnastique fonctionnelle donne bien des caractères secondaires dont dépendent les aptitudes, mais la fixité de ces caractères n’est pas absolue, elle n’est que relative, et la culture seule peut la maintenir.
Veut-on obtenir des individus vigoureux et forts pour
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Renard - Le Docteur Lerne sous-dieu, 1908.djvu/248
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}}scientifiquement. Mon oncle continuait en lui-même
des spéculations qu’il estimait, je suppose, trop abstruses
pour mon intelligence, et il fredonnait chemin
faisant son refrain favori, qu’il tenait de ses aides à
coup sûr : « Roum fil doum fil doum. »
Puis, aussitôt rentrés, il s’empressait de gagner le
laboratoire ou la serre.
Nous alternions ces marches avec les tournées en
automobile. Alors mon oncle enfourchait un autre
dada. Il classait mon véhicule à son rang parmi les catégories
animales, exposait les bêtes d’aujourd’hui,
celles d’hier et celles de demain au milieu desquelles,
à n’en pas douter, la voiture automobile prendrait place.
Et la prédiction s’achevait dans un panégyrique attendri
de ma 80-chevaux.
Il voulut apprendre à mener l’engin. C’était besogne
facile. En trois leçons je le fis passer maître. Il
me conduisait toujours, maintenant, et je ne m’en
plaignais pas, mes yeux se fatiguant très vite d’une
attention soutenue, depuis le double sectionnement et
les deux soudures consécutives des nerfs optiques. Mon
oreille gauche n’avait pas non plus recouvré toute la
sensibilité désirable. Mais je n’osais pas m’en ouvrir
à Lerne, de peur d’augmenter d’un remords le nombre
de ceux qu’il paraissait avoir.
C’est à la suite d’un de ces circuits sportifs qu’il
m’arriva, en nettoyant ma voiture — il fallait bien le
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Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1560
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Gustave Flaubert Correspondance Louis Conard, 1930 (Volume 7, p. 276-277). ◄ À sa nièce Caroline À sa nièce Caroline ► À Madame Roger des Genettes bookCorrespondanceGustave FlaubertLouis Conard1930ParisVVolume 7À Madame Roger des GenettesFlaubert Édition Conard Correspondance 7.djvuFlaubert Édition Conard Correspondance 7.djvu/1276-277 1560. À MADAME ROGER DES GENETTES. Concarneau [octobre 1875]. Merci pour votre charmante petite, trop petite lettre, chère Madame ou plutôt chère amie. Vous avez de bonnes paroles qui m’ont été au fond du cœur, et je redoute moins l’hiver qui va venir, puisque je sais que je vous verrai. Malgré toutes mes résolutions, ma Légende n’est guère avancée. Il me prend de temps à autre des prostrations où je me sens si anéanti qu’il me semble que je vais crever. Dans mes moments de désœuvrement, et ils sont nombreux, je lis quelques passages d’un saint-Simon qu’on m’a prêté et, pour la millième fois, les contes de ce polisson de Voltaire, et puis régulièrement le Siècle, le Temps, et le Phare de la Loire ; car, ici, contrairement aux idées reçues sur la catholique Bretagne, on est très radical et libre penseur. Des deux sonnets de Mme Colet, celui que je trouve le meilleur, c’est le premier ; les quatre derniers vers me semblent même fort bons. La pluie tombe à vrac et je reste au coin de mon feu, dans ma chambre d’auberge, à rêvasser pendant que mon compagnon dissèque des petites bêtes dans son laboratoire. Il m’a montré l’intérieur de plusieurs poissons et mollusques ; c’est curieux, mais insuffisant à ma félicité. Quelle bonne existence que celle des savants et comme je les envie !
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Sand - La comtesse de Rudolstadt, 1re série.djvu/226
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{{Numérotation||222|}}{{tiret2|Chi|mène}}, après quoi elle retournerait coucher en prison jusqu’à l’expiration de sa peine qu’on présumait et qu’on espérait devoir être de courte durée.
Voltaire était fort lié avec Hippolyte Clairon, qui avait puissamment contribué au succès de ses œuvres dramatiques. Il fut indigné de cet événement, et oubliant qu’il s’en passait un analogue et plus grave encore sous ses yeux :
« Voici qui ne fait guère honneur à la France ! s’écria-t-il en interrompant d’Argens à chaque mot : le manant ! interpeller si bêtement et si grossièrement une actrice comme mademoiselle Clairon ! butor de public ! lui vouloir faire faire des excuses ! à une femme ! à une femme charmante, les cuistres ! les Welches !... La Bastille ? jour de Dieu ! n’avez-vous pas la berlue, marquis ? Une femme à la Bastille, dans ce temps-ci ? pour un mot plein d’esprit, de goût et d’à-propos ? pour une repartie ravissante ? et cela en France ?
— Sans doute, dit le roi, la Clairon jouait Électre ou Sémiramis, et le public, qui ne voulait pas en perdre un seul mot, devrait trouver grâce devant M. de Voltaire. »
En un autre temps, cette réflexion du roi eût été flatteuse ; mais elle fut prononcée avec un ton d’ironie qui frappa le philosophe et lui rappela tout à coup quelle maladresse il venait de faire. Il avait tout l’esprit nécessaire pour la réparer ; il ne le voulut point. Le dépit du roi rallumait le sien, et il répliqua :
« Non, sire, mademoiselle Clairon eût-elle abîmé un rôle écrit par moi, je ne concevrai jamais qu’il y ait au monde une police assez brutale pour traîner la beauté, le génie et la faiblesse dans les prisons de l’État. »
Cette réponse, jointe à cent autres, et surtout à des mots sanglants, à des railleries cyniques, rapportés au roi par plus d’un ''Pœlnitz'' officieux, amena la rupture
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Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/989
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au fond, mais recevant dans l’expression des complémens toujours nouveaux. Les dieux des hymnes védiques ne répondent plus à l’idée que nous avons de Dieu, quoiqu’ils aient été adorés pendant bien des siècles et que les poètes d’alors les considérassent comme bien supérieurs à ceux que l’on adorait avant eux. Le Dieu matériel des premiers chapitres de la Genèse n’a presque rien de commun avec le Dieu des chrétiens, qui est un esprit pur et parfait. Cependant les plus savans métaphysiciens de l’Orient reconnaissent le Vêda comme le fondement de leurs doctrines ; les chrétiens voient dans la Genèse le plus ancien de leurs livres sacrés et celui duquel par tradition ils ont reçu la notion de Dieu. Il est donc évident, et ici la foi est d’accord avec la science, que la croyance d’aujourd’hui a sa raison d’être dans la croyance d’hier, et que, pour construire la science des dogmes, il faut repasser par toutes les étapes que l’humanité a franchies ; mais les accroissemens successifs des conceptions et des institutions religieuses ne peuvent s’expliquer que si l’on a sans cesse devant les yeux le fond métaphysique qui constitue la raison humaine.
La science des religions n’est pourtant pas celle des philosophies. Celles-ci vont beaucoup plus vite et semblent se précipiter en comparaison de la marche lente et non interrompue des dogmes sacrés. Les systèmes philosophiques sont des œuvres de savans et ne sortent pas du cercle étroit de quelques hommes livrés à la méditation ; ils ne répondent qu’à un besoin de l’esprit et n’intéressent presque jamais la vie réelle. Les grands mouvemens religieux s’opèrent à la fois dans la société lettrée et dans celle qui ne l’est pas, ils remuent les masses populaires et mettent en branle les sentimens qui les animent ; une révolution philosophique paraît un jeu au prix d’une révolution religieuse. La science de l’une ne peut pas être la science de l’autre.
Mais, comme les philosophes vivent au sein d’une société religieuse, soit qu’ils reconnaissent ses dogmes, soit qu’ils les nient, les questions qu’ils agitent ont leur retentissement dans le milieu où ils vivent ; les solutions qu’ils proposent font leur chemin à travers les hommes, à mesure que les conséquences pratiques qui en découlent intéressent un plus grand nombre d’esprits. Il est certain que ni Socrate, ni Platon, ni Aristote n’exercèrent aucune influence immédiate sur les peuples grecs de leur temps ; mais leurs doctrines, s’étant peu à peu répandues, éloignèrent par degrés les hommes du polythéisme et préparèrent sa ruine. Il fallut plusieurs siècles pour qu’elle fût consommée ; voici comment. La somme des idées individuelles constitue la croyance d’un peuple ; ces idées sont elles-mêmes produites par les actions complexes et minimes de mille
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Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/674
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France, qui devait aboutir à la loi de trois ans, malgré l’Entente elle-même qui se portait garante de la paix européenne contre les ambitions manifestées ouvertement par les Puissances centrales, les chefs politiques s’obstinèrent à maintenir la proportion traditionnelle entre la flotte et l’armée. Les chefs militaires furent eux-mêmes divisés, et tous les efforts de lord Roberts, le plus populaire des maréchaux anglais après Wellington, se heurtèrent à un parti pris qui était, on le reconnaît aujourd’hui, presque de l’aveuglement. Et n’y eut-il pas, jusque dans l’entourage du gouvernement, des influences germanophiles assez puissantes pour serrer le bandeau sur les yeux des ministres responsables !
Pourtant, en 1907, un essai de réorganisation militaire fut tenté par lord Haldane. Il consista surtout à distinguer l’armée régulière de l’armée territoriale en supprimant la milice et les corps de volontaires. La ''Territorial army'' se recrutait également par l’engagement volontaire et formait une armée spécialement affectée à la défense de l’Angleterre. Il ne faut pas confondre, en effet, la signification qu’ont les mots : réserve et territoriale, en Angleterre, avec les appellations correspondantes en France et dans les autres armées européennes. Les réserves de l’armée active sont formées des soldats libérés avant la fin de leur service actif à long terme, ou rengagés après leur service. La réserve spéciale reçoit des hommes de dix-sept à trente-cinq ans, engagés pour six ans et pouvant se rengager : ils doivent servir à l’extérieur. L’armée territoriale n’accomplit que des périodes courtes d’instruction. L’armée active régulière comportait deux fractions à peu près égales : 125 000 hommes environ chacune, l’une stationnée dans la métropole, l’autre pour la plus grande partie aux Indes (75 000 hommes) ou échelonnée sur les routes qui y conduisent et tenant garnison dans les autres colonies. La relève se faisait périodiquement.
En prévision d’une guerre européenne, l’Angleterre disposait donc de cette demi-armée, appointée de 116 000 hommes de la réserve régulière et de 65 000 réservistes spéciaux, au total
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Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/235
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[un] DE L'fiDITIOX DE Mob 22Î
Pour un cheval prend la jeune beatitc',
^ Prétend qu'il soit selle, bridé, monté ;
^_ Kt puis claquant sa croupe rebondie.
D'un donii-tnur s'élance sur son dos.
La belle plie, et tombe sous Chandos;
Quand Tirconel, par une autre manie.
Au même instant se croit cabaretier.
Va prend la belle à genoux accroupie i
Pour un tonneau; prétend le relier
Et le percer, et surtout essayer
De la liqueur que Bacclius a rougie.
'J'out chevauchant, alors Chandos lui crin :
<( Vous êtes fou! God dam! L'esprit maiin
A détraqué, je crois, votre cervelle.
Quoi! vous prenez pour un tonneau de vin
Mon cheval blanc à crinière Isabelle!
— C'est mon tonneau, j'en porte le bondon.
• — C'est mon cheval. — C'est mon tonneau, mon frère. »
_^ Egalement tous deux avaient raison 2,
Chacun soutient sa brave opinion.
Ln jacobin se met moins en colère
Pour saint Thomas, ou tel autre suint père.
Et d'Olivct pour son cher Cicéron.
Dos démentis en réplique et duplique.
Et certains mots que, grâce îi ma pudeur,
Mon style honnête épargne .'i mon lecteur.
Mots effrayants pour qui d'honneur scpiqnc''.
Font que déjà nos illustres Bretons
Ont dégainé leurs fiers estramarons.
Comme le vent, dans son faible murmuro.
Frise d'abord la surface des eaux,
S'élève, gronde, et, brisant les vaisseaux,
Piépand l'horreur sur toute la nature;
Ainsi l'on vit nos deux Anglais d'abord
Se plaisanter, faire semblant de rire, . .-
Puis se fâcher, puis, dans leur noir délire.
Se menacoi- et se porter la mort.
��!. Variante; édition de \~ÔG
��Pour un tonneau qu'il convient pnéparer
Pour le [lercjr et pour le soutirer,
Par l'orilice, au clair juscju'à la lie.
Tout clievaucUant... (K.)
��•2. Variante ; édition de 1756:
��Ils soutenaient leur folle opinion,
Avec l'ardeur dont un nioiue en colèra
Piaille en faveur du dévot scapulaire.
Etd'Olivet... (K.)
;!. Variante ; édition de 1753 :
Mirent en feu nos illustres Bretons,
Qui se narguaient de leurs estramaçons.
Comme le venl, d'abord faible, niuruiure.
S'élève, gronde, et, brisant les vaisseaux
Trop agités i)Our résister aux eaux,
Répand l'horreur... (K.)
9. — LaPucelle. 15
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Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1920.djvu/72
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64 LIVRE II. LA FAMILLE.
pouvaient être adorés que par elle, ne protégeaient qu'elle
Us étaient sa propriété.
Or, entre ces dieux et le sol, les hommes des anciens âges
voyaient un rapport mystérieux. Prenons d'abord le foyer :
cet autel est le symbole de la vie sédentaire; son nom seul
l'indique'. Il doit être posé sur le sol; une fois posé, on ne
doit plus le changer de place. Le dieu de la famille veut avoir
une demeure fixe; matériellement, il est difficile de transporter
la pierre sur laquelle il brille ; religieusement, cela est plus
difficile encore et n'est permis à l'homme que si la dure néces-
sité le presse, si un ennemi le chasse ou si la terre ne peut pas
le nourrir. Quand on pose le foyer, c'est avec la pensée ot
l'espérance qu'il restera toujours à cette même place. Le dieu
s'installe là, non pas pour un jour, non pas même pour une
vie d'homme, mais pour tout le temps que cette famille durera
et qu'il restera quelqu'un pour entretenir sa flamme par le
sacrifice. Ainsi le foyer prend possession du sol; cette part
de terre, il la fait sienne ; elle est sa propriété.
• Et la famille, qui par devoir et par religion reste toujours
groupée autour de son autel, se fixe au sol comme l'autel lui-
même. L'idée de domicile vient naturellement. La famille est
attachée au foyer, le foyer l'est au sol ; une relation étroite
s'établit donc entre le sol et la famille. Là doit être sa demeure
permanente, qu'elle ne songera pas à quitter, à moins qu'une
force supérieure ne l'y contraigne. Gomme le foyer, elle
occupera toujours cette place. Cette place lui appartient ; elle
est sa propriété, propriété non d'un homme seulement, mais
d'une famille dont les diff"érents membres doivent venir l'un
après l'autre naître et mourir là.
Suivons les idées des anciens. Deux foyers représentent des
divinités distinctes, qui ne s'unissent et qui ne se confondent
jamais; cela est si vrai que le mariage même entre deux
familles n'établit pas d'alliance entre leurs dieux. Le foyer doit
lire isolé, c'est-à-dire séparé nettement de tout ce qui n'est
l>as lui ; il ne faut pas que l'étranger en approche au moment
1. 'Enz'.a, iTz-nii-h stare. Voy. Plutarque, De primo frigido, 21 ; Macrobe, 1, 2î;
Ovide, Fait., VI, ■299. >
��
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Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/114
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{{tiret2|nom|bre}} d’étamines jaunes. Le calice tombe avec la fleur ;
il lui succede plusieurs semences noirâtres, ramassées
en tête, hérissée de petites pointes.
Cette plante fleurit au printems & en été. Elle
croît presque par-tout, dans les prés, aux lieux ombrageux
& aux bords des ruisseaux. On la trouve
quelquefois à fleur double, & c’est pour sa beauté
qu’on la cultive dans les jardins. Sa racine est douce,
ou du-moins a très-peu d’âcreté, ce qui la rend innocente
dans quelque pays du nord.
La ''renoncule'' des marais est le ''{{lang|la|ranunculus palustris, apii folio}}, levis, C. B. P. 180. I. R. H. 291. {{lang|la|Ranunculus fructu oblongo, foliis inferioribus palmatis, summis digitatis}}'', Linn. ''Hort. cliff. 230''.
Sa racine est grosse, creuse, fibreuse, d’un goût
fort chaud & brûlant. Elle pousse plusieurs tiges creuses,
cannelées, rameuses. Ses feuilles sont verdâtres,
luisantes & lustrées comme celles de l’ache de
marais. Ses fleurs naissent au sommet des tiges & des
branches ; elles sont des plus petites entre les ''renoncules'', composées chacune de cinq pétales jaunes ou
dorés. Lorsque les fleurs sont passées, il leur succede
des semences lisses, menues, ramassées en tête oblongue.
Elle fleurit au mois de Juin. On la trouve fréquemment
aux lieux humides & marécageux. Dale
croit que cette ''renoncule'' est la quatrieme espece de
Dioscoride. C’est un dangereux poison ; car elle ulcere
l’estomac, cause des convulsions & d’autres accidens
mortels à ceux qui en ont mangé, s’ils ne sont
secourus par un vomitif & des boissons onctueuses.
L’espece de ''renoncule'' de marais, nommée ''{{lang|la|ranunculus longifolius, palustris major}}, C. B. P. 180. I. R. H''.
& par le vulgaire ''la douve'', est encore plus brûlante
& plus caustique. Quelques-uns s’en servent pour
résoudre les tumeurs scrophuleuses ; mais c’est un
mauvais résolutif. Tout prouve que les ''renoncules''
sont suspectes, & qu’il est prudent d’en bannir entierement
l’usage même extérieurement.
Il me reste à parler de la belle espece de ''renoncule''
orientale à gros bouquets de fleurs blanches, que
Tournefort a observé dans son voyage d’Arménie,
entre Trébisonde & Baybous, ''{{lang|la|ranunculus orientalis aconitilicætoni folio, flore magno, albo}}'', Cor. ''Inst. rei herb. 20''.
Ses feuilles sont larges de trois ou quatre pouces,
semblables par leur découpure à celles de l’aconit-tue-loup. La tige est d’environ un pié de haut, creuse,
velue, soutenant au sommet un bouquet de sept à
huit fleurs, qui ont deux pouces de diametre, composé
de cinq ou six pétales blancs. Leur milieu est
occupé par un pistil, ou bouton à plusieurs graines
terminées par un filet crochu, & couverte d’une
touffe d’étamines blanches, à sommets jaunes verdâtres.
Ses fleurs sont sans calice, sans odeur, sans âcreté, de même que le reste de la plante. Il y a des piés
dont les fleurs tirent sur le purpurin. (''D. J''.)
{{sc|Renoncule}}, (''Jardin. fleuriste''.) tandis que le médecin
bannit, en qualité de remede, tout usage des
''renoncules'', l’odeur délicieuse & la beauté de celles
qu’on cultive dans les jardins, en font un des principaux
ornemens. Plusieurs fleuristes aiment cette fleur
par prédilection, parce qu’elle dégenere moins que
l’anémone, qu’il s’en faut peu que la magnificence de
ses couleurs n’égale celle de la tulipe, & qu’elle lui
est supérieure par le nombre de ses especes.
Le visir Cara Mustapha, celui-la même qui échoua
devant Vienne en 1683 avec une formidable armée,
est celui qui mit les ''renoncules'' à la mode, & qui
donna lieu à toutes les recherches qu’on a faites. Ce
visir, pour amuser son maître Mahomet IV. qui aimoit
extrèmement la chasse, la retraite & la solitude,
lui donna insensiblement du goût pour les fleurs ; &
comme il reconnut que les ''renoncules'' étoient celles
qui lui faisoient le plus de plaisir, il écrivit à tous les{{DeuxColonnes}}
pachas de l’empire de lui envoyer les racines & les
graines des plus belles especes que l’on pouvoit trouver
dans leurs départemens. Ceux de Candie, de
Chypre, de Rhodes, d’Alep, de Damas firent mieux
leur cour que les autres. Les graines que l’on envoya
au visir, & celles que les particuliers éleverent, produisirent
un grand nombre de variétés. Les ambassadeurs
de nos cours envoyerent en Europe de la graine
ou des ''griffes de semi double'', c’est le nom qu’on donne
à la racine de ''renoncule''.
On connoissoit déja depuis long-tems les ''renoncules'' de Tripoli, & on ne cultivoit que les doubles ;
mais celles du Levant prirent la vogue en France, au
commencement de ce siecle, & bien-tôt il ne fallut
plus aller à Constantinople pour les admirer ; on rectifia
leur culture, & la graine des semi-doubles a mis
les fleuristes en état de choisir.
La moindre espece de ''renoncule'' est aujourd’hui la
rouge à fleur double, celle-la même qu’on admiroit
tant autrefois. Les semi-doubles ont fait tomber ces
grosses doubles qui ont une multitude de feuilles fort
serrées, tandis que les simples n’en ont presque point.
Cette préférence n’est pas un goût passager, & de
pur caprice. Elle est fondée sur une variété de couleurs
qui tient du prodige. Une demi-planche de semi-doubles réunira tout-à-la-fois les blanches, les
jaunes dorées, les rouges pâles, les jaunes-citrons,
les rouges-brunes, les couleurs de fleur de pêcher ;
celles qui sont à fond blanc avec des panaches rouges
bien distinguées ; celles qui sont à fond jaune marqueté
de rouge, ou de raies noires ; celles qui pardehors
sont de couleur de rose, & blanches en-dedans. Vous en verrez d’autres de couleur de chamois
bordées de rouge ; d’autres de fond rouge cramoisi
bordé... mais la liste des semi-doubles n’a point
de fin. Il en éclôt tous les ans de nouvelles. S’il est permis
d’aimer le changement, c’est dans les fleurs ; &
si l’on veut se satisfaire en changeant ce qu’on aime,
il faut aimer la ''renoncule'' ; elle a de quoi contenter
tous les goûts. La racine d’une belle ''renoncule'' perpétue
& fait revivre tous les ans la même espece de
beauté : voilà de quoi plaire à ceux dont l’amitié est
constante. La graine de la même fleur produit du nouveau
d’une année à l’autre : voilà de quoi plaire à
ceux qui aiment le changement, & assurément ils
ont à choisir.
Avec l’avantage d’une variété inépuisable qui change
tous les ans les décorations de votre parterre, les
''renoncules'' semi-doubles ont encore une qualité que
les doubles n’ont point : elles sont fécondes & se reproduisent
de graines ; au lieu que les doubles sont
stériles. Cette stérilité n’est point particuliere aux ''renoncules'' doubles ; c’est presque dans toutes le fleurs
que les doubles ne produisent point de graines. On
y voit, à la vérité, les ébauches d’un pistil & de
quelques étamines ; mais la multitude de feuilles qui
les couvrent pour l’ordinaire, les empêche de mûrir
& de fructifier. Et lorsque les doubles, faute de culture
ou autrement, viennent à s’affoiblir & à donner
moins de feuilles, le cœur de la fleur se dégage,
& jouissant en liberté de l’impression de la chaleur &
de l’air, il donne de la graine, comme font les autres
piés.
Cette charmante fleur, pour procurer le plus bel
émail, ne demande que d’être plantée dans une terre
convenable, & d’être préservée de l’humidité & des
grands froids. La terre convenable est une terre légere,
sablonneuse ; on peut la tirer de la surface du
sol dans les bois & dans les bosquets plantés depuis
long-tems. Nos fleuristes se servent de vieuxterreau &
de sablon qu’ils mêlent ensemble.
Les especes simples de ''renoncule'' fleurissent plus
haut que les autres, & sont ordinairement tachetées
des plus belles couleurs. On les perpétue de graine<section end="RENONCULE"/>
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Latocnaye - Promenade d un francais en suede et en norvege, 2e part, 1801.djvu/86
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toute verte, dans la crainte de la gelée. Le grain
ne peut guères servir qu’à faire de l’eau-de-vie.
Il y a des ours dans ces montagnes, qui dévorent
les bestiaux pendant l'été ; aussitôt que l’hiver
vient, ils se logent dans des trous et n’en sortent
plus, à moins que les chasseurs ne les y
forcent. On prétend qu’ils se nourrissent en se
suçant les pattes ; il est sûr que lorsqu’ils sortent
de leurs tanières, ils peuvent à peine se soutenir,
quoiqu’ils soient d'ailleurs assez gras. On
prépare les cuisses comme des jambons ; c’est un
morceau très-délicat.
L’Evêque Pontoppidan prétend que les ours sont
très-friands du fœtus des femmes grosses. Il rapporte
plusieurs histoires fort étranges à ce sujet,
et en prend occasion de recommander la chasteté
aux jeunes filles qu’on envoie pendant l'été
garder les bestiaux dans les montagnes. Les gens
sensés rient de cette histoire ; mais il est certain
que c’est un préjugé généralement reçu parmi les
habitans de ces montagnes, et sur-tout parmi
ceux du diocèse de l’évêque Pontoppidan (Bergen).
Pendant que dans ma chambre je me désolais
de pouvoir à peine faire usage de mes jambes,
dans un pays où je devais souvent en avoir
grand besoin ; je vis dans un cadre sur la muraille
ces paroles de Sénèque : ''Optimum est pati''
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Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/881
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qu’inspirait l’empereur. Le nouveau code civil, calqué aussi pour la plus grande partie sur le code Napoléon, fut présenté au corps législatif dans les derniers jours de 1808. L’empereur avait insisté pour que les deux législations de France et de Hollande fussent unifiées dans le plus bref délai ; mais son déplaisir fut grand lorsqu’il apprit que Louis, d’accord avec ses conseillers, avait introduit dans son code plusieurs modifications nécessitées par la différence des coutumes et des mœurs. Rien pourtant n’était plus simple, si l’on eût voulu ; maintenir l’indépendance de la Hollande, d’autant plus que ces modifications respectaient tous les grands principes consacrés par le code français. Le système métrique fut aussi introduit par le gouvernement royal ; seulement, pour en faciliter l’usage, on donna des noms hollandais aux nouvelles mesures, ce qui fit une nomenclature assez étrange, modifiée encore une fois à la restauration, mais qui a duré malgré ses anomalies jusqu’à une loi récente par laquelle l’usage de noms plus européens que français a été enfin sanctionné par les chambres néerlandaises.
L’année 1809 commençait assez bien, si l’on consent à prendre cette expression dans un sens très relatif. Les mesures rigoureuses dont le commerce maritime plus ou moins interlope était frappé n’étaient appliquées qu’avec de certains ménagemens. La contrebande florissait. L’empereur le savait et s’en plaignait avec la dernière rudesse. C’est son système qui la développait par l’appât des énormes bénéfices qu’elle rapportait. On sait combien elle était grande en France malgré les légions de douaniers qui en surveillaient les côtes. En Hollande, dans ce pays d’îlots, de criques sans nombre, de côtes plates, de brumes intenses, elle était plus facile que partout ailleurs. De plus elle était favorisée par la connivence directe ou indirecte de la population tout entière. Il ne s’agissait pas de se soustraire au paiement de droits plus ou moins élevés : c’est contre la prohibition absolue qu’on s’insurgeait. Outre qu’un peuple marchand ne peut jamais prendre tout à fait au sérieux la criminalité d’actes dont le caractère délictueux est artificiel, il n’y avait pas moyen de faire comprendre au peuple hollandais qu’il était tenu de mourir de faim pour seconder la politique absurde d’un souverain étranger qu’il ne connaissait plus que par l’extravagance de ses ambitions. A côté de la contrebande, il y avait encore un certain commerce, à moitié loyal, cherchant à se mettre en règle au moyen de petits subterfuges dont personne n’était la dupe. Le roi eût voulu y mettre un terme qu’il n’eût pu le faire : on ne lui eût pas obéi. Les admirateurs quand même du premier Napoléon se sont appuyés sur cet ensemble de faits pour justifier les mesures préparatoires à l’annexion et l’annexion elle-même. Il faut
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Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/479
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''Old Pam is a gone coon''<ref>''Coon'', abréviation de ''racoon'', raton, animal que les savans ont étiqueté, sous le nom de procyon, dans la division des petits ours ou ''subursi''. On pourra chercher dans le glossaire qui nous sert de texte l’anecdote historique à laquelle on doit l’expression de ''gone coon''. </ref>, mot à mot : — « le vieux Pam est un raton fini. » Interprétez cela, vous qui vous occupez des grandes difficultés où se débat l’Europe ! .. Mais non, vous jetez votre langue aux chiens. Voici donc la même nouvelle traduite en style du ''Thunderer<ref> Un de ces surnoms si communs dans la presse anglaise. — Le ''Tizer'' est le ''Morning Advertiser'', qu’on a aussi surnommé ''Rap-tub'' et ''Gin and Gospel gazette. Jeames'', nom presque générique des ''flunkeys'', c’est-à-dire de la livrée, est acquis au ''Morning Post'', l’oracle de « Belgravia, » c’est-à-dire de l’aristocratie et du monde officiel. Le ''Morning Herald'' et le ''Standard'', réunis dans les mains du même propriétaire et se faisant valoir à qui mieux mieux par des courtoisies quotidiennes, avaient été baptisés « mistress Harris et mistress Gamp, » par allusion à deux personnages des romans de Dickens. </ref> (ou du ''Times'') : « l’opinion publique a décidément abandonné lord Palmerston, — la direction des affaires publiques va passer en d’autres mains, etc. » Et si vous voulez savoir qui pourrait remplacer le ''vieux Pam'', un membre de l’opposition actuelle vous proposera « le ''vieux Dizzy''. » Or c’est l’ancien chancelier de l’échiquier, M. Disraeli en personne, dont il entend annoncer ainsi la rentrée aux affaires.
Un refuge paisible, loin de la vie mondaine, contre les dépravations du langage contemporain, les universités ne vous le fourniront point, on croit devoir vous en prévenir. Nulle part le ''slang'' ne pousse plus vigoureusement que parmi les étudians d’Oxford ou de Cambridge, qui, même une fois sortis de l’université et entrés dans les ordres, ne parleront pas toujours à leurs ouailles un anglais irréprochable. La chaire a son ''slang'' comme le théâtre, et ici nous ne songeons pas à ces mille désignations de sectes qui servent à se démêler dans le labyrinthe des différences dogmatiques (''evangelical, tractarian, recordite'', etc.), mais à des expressions bizarres ou à des termes usuels pris dans une acception technique et spéciale qui les métamorphosé de la façon la plus absolue. N’est-on pas surpris et presque scandalisé d’entendre dire que le révérend A est « la bassinoire » (''warming pan'') du docteur B, parce qu’il occupe provisoirement un bénéfice dont ce dernier ne peut encore être investie Tel prédicateur est plus « avoué » (''owned'') que tel autre, parce qu’il fait plus d’effet. Il compte plus « de sceaux » (''more seals''), c’est-à-dire plus de conversions. Une personne est « obscure » (''dark'')<ref> Dans l’idiome spécial des courses, un « cheval obscur » (''dark horse'') est un cheval dont le mérite est douteux, dont les chances sont inconnues. </ref>, un livre est obscur, une ville même est obscure, si telle forme de croyance n’est point pratiquée par cet individu,
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Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/73
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moment, se retire des affaires. Néron n’a plus pour conseils que les Furies.
Les relations de Paul avec les fidèles de Rome avaient commencé, nous l’avons vu, pendant le dernier séjour de l’apôtre à Corinthe. Trois jours après son arrivée, il voulut, comme il en avait l’habitude, se mettre en rapport avec les principaux ''hakamim''. Ce n’est pas au sein de la synagogue que la chrétienté de Rome s’était formée ; c’étaient des croyants débarqués à Ostie ou à Pouzzoles qui en se groupant avaient constitué la première Église de la capitale du monde ; cette Église n’avait presque aucune liaison avec les diverses synagogues de la même ville<ref>''Act.'', {{sc|xxviii}}, 21 et suiv.</ref>. L’immensité de Rome et la masse d’étrangers qui s’y rencontraient<ref>La population juive de Rome pouvait être de vingt ou trente mille âmes, en comptant les femmes et les enfants. Jos., ''Ant.'', XVII, {{sc|xi}}, 1 ; XVIII, {{sc|iii}}, 5 ; Tacite, ''Ann.'', II, 85. Le passage célèbre du ''Pro Flacco'' suppose à peu près le même chiffre.</ref> étaient cause que l’on s’y connaissait peu et que des idées fort opposées pouvaient s’y produire côte à côte sans se toucher. Paul fut donc amené à se comporter selon la règle qu’il suivait, lors de sa première et de sa seconde mission, dans les villes où il apportait le germe de la foi. Il fit prier quelques-uns des chefs de synagogue de venir le
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Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/635
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irriter M. Gibbon, et qu’il me dit qu’il n’y avait rien à répondre à des injures ? et moi j’ai ri... Oh ! je vous assure que je fais de grands progrès dans l’art de ménager les hommes.
« Au reste, mon ami, notez deux choses que me dit hier le marquis, qui a réellement beaucoup d’esprit et d’idées. La première, bien digne de remarque, c’est qu’on lit dans les ''Mémoires de Bellecombe'', qu’un capitaine, dont il ne se rappela pas le nom, proposait, avant le milieu de ce siècle, de conquérir le Bengale avec cinq cents hommes. On le prit pour un fol. Cela met bien à leur juste mesure les brigands postérieurs qui voudraient se faire passer pour des héros, et cela prouve, ce que je pense depuis long-temps, que la révolution de l’Amérique s’est faite à Londres, et celle de l’Indoustan dans le Bangale, ''ex visceribus rei''.
« La seconde chose porte sur une idée belle et profonde. Je voudrais, dit le marquis, que l’on questionnât les scélérats convaincus, pour les étudier en philosophes, après les avoir interrogés en magistrats pour les condamner. On gouverne les hommes, et on ne les connaît point ; on ne fait rien pour les connaître. Cette pensée m’a paru grande, vraie, et touchante.
« Un malheureux, accusé d’un crime qui peut le mener à l’échafaud, est assis sur une sellette ; on l’interroge, mais sur son crime uniquement, et, si son crime paraît établi, on l’envoie à la mort sans lui rien demander de plus. Chez nous, il se confesse à l’oreille du ministre de la religion, dans le sein duquel tous les secrets de sa vie doivent se perdre. On ne doit plus que de la pitié aux criminels même, lorsqu’ils ont entendu leur sentence de mort ; car, dès ce moment, ils ont déjà subi leur plus grande peine. Que le magistrat qui la leur a prononcée fasse succéder à ce ministère si terrible pour lui-même un ministère qui le console d’avoir été aussi sévère que la loi ; qu’en témoignant de la pitié et de la compassion aux malheureux qu’il a été obligé de condamner, il pénètre dans leurs ames, déjà déchirées par le repentir et par la douleur ; qu’il en obtienne l’aveu des fatales circonstances qui les ont égarés dans les voies du crime ! Que de lumières ! quelle nouvelle connaissance de l’homme et de la société on verra résulter de ces confessions faites aux prêtres de la loi ! Et qu’on ne croie point qu’il fût si difficile d’obtenir ces révélations de la bouche de ces infortunés. L’homme qui va mourir a bien peu de choses à dissimuler. Interrogés par des magistrats qui connaîtraient la langue que l’humanité doit parler aux malheureux, ils éprouveraient à s’entretenir des vices qui
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Franklin - Vie Tome I (1797-1798).djvu/137
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{{nr||{{sc|de B. Franklin.}}|125}}{{tiret2|con|séquence}} je m’engageai avec M. Denham à raison de cinquante livres sterlings par an. C’étoit à la vérité, moins que je ne gagnois comme compositeur d’imprimerie : mais aussi j’avois une plus belle perspective. Je quittai donc l’état d’imprimeur, et je crus que c’étoit pour toujours. Je me livrai entièrement à mes nouvelles occupations. Je passois mon temps, soit à accompagner M. Denham de magasin en magasin, pour acheter des marchandises, soit à les faire emballer et à presser les ouvriers. Cependant, lorsque tout fut à bord, j’eus quelques jours de loisir.
Durant cet intervalle, on vint me demander de la part d’un homme que je ne connoissois que de nom. C’étoit sir William Wyndham. Je me rendis chez lui. Il avoit entendu parler de la manière dont j’avois nagé entre Chelsea et Blackfriards ; et on lui avoit dit que j’avois enseigné, en quelques heures, l’art de la natation, à Wygate et à un autre jeune homme. Ses deux fils étoient sur le point
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Von Moltke - La Guerre de 1870.djvu/35
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de Barnekow<ref>Général commandant la 16{{e}} division (2{{e}} du VIII{{e}} corps. (N.d.T.)</ref>, avaient, de leur propre initiative, avant d’avoir reçu les ordres susdits, marché au canon, celui-là depuis Dudweiler, celui-ci depuis Fischbach.
La position occupée par les Français était extrêmement avantageuse. Au centre s’élevait à pic un cône rocheux presque inaccessible, nommé le ''Rothe Berg'' ; à droite et à gauche les pentes escarpées de la montagne étaient couvertes d’épaisses forêts. Les bâtiments fort étendus de Stiering-Wendel constituaient en outre, sur la gauche, un point d’appui spécial.
Si elle avait connu l’effectif de l’adversaire, sans nul doute la 14{{e}} division eût attendu d’être entièrement déployée avant de procéder à l’attaque. Mais quand, à midi, on engagea la lutte, il n’y avait en réalité, sur les lieux, que la seule brigade de François. Étant donnée la nature du front ennemi, elle chercha à en faciliter l’attaque en abordant, pour commencer, l’adversaire sur ses deux flancs.
En effet, on parvint, au début, à gagner du terrain. Sur la gauche, les hommes du 39{{e}} régiment refoulèrent les lignes de tirailleurs ennemies hors de la forêt de Gifert, mais ils se virent exposés, en se portant en avant, au feu violent des bataillons français déployés dans un profond ravin. À l’aile droite, le 3{{e}} bataillon du même régiment s’empara, de concert avec les hommes du 47{{e}}, de la parcelle boisée de Stiering. Mais bientôt l’ennemi fit sentir sa supériorité numérique en exécutant de vigoureuses contre-attaques, et quand la brigade de Woyna<ref>La 28{{e}} brigade (2{{e}} de la 14{{e}} division, VII{{e}} corps). (N.d.T.)</ref> fut arrivée sur le champ de bataille, elle dut immédiatement porter secours à l’autre et sur la droite et sur la gauche. Il se produisit donc, presque dès le début, ce fait que des bataillons et
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Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/156
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{{Tiret2|gé|néreusement}} à chacun la faculté de choisir ses ancêtres
chez les poissons ou chez les singes, selon son goût.
Issu du chaos et constitué par l’action de forces fatales
agissant sous l’empire de lois générales de conservation, l’homme trouva partout la guerre à son berceau :
elle eut d’abord pour théâtre la famille, puis la tribu.
Bientôt les nations, enfin constituées, luttèrent entre
elles pour des intérêts déterminés par la mesure de
leur civilisation. On commença par combattre pour la
possession des fruits de la terre, comme les chiens
qui se ruent l’un sur l’autre à l’heure de la curée. L’on
combattit plus tard pour l’appropriation de la terre
elle-même ; on conserva ses prisonniers pour s’en faire
des esclaves afin de cultiver le sol, de telle sorte que
les vaincus servant d’instruments de travail aux vainqueurs, ceux-ci n’exercèrent par eux-mêmes que deux
fonctions sociales : ils défendirent l’État et le gouvernèrent. Puis, par suite de l’intérêt qu’y trouvèrent les
propriétaires eux-mêmes, l’esclavage qui atteignait le
sort de la personne ne tarda pas à se transformer en
un servage ne s’appliquant plus qu’au travail ; et
plus tard encore, par l’effet d’une évolution nouvelle
que provoqua l’extension de la richesse publique, les
chefs des nations estimèrent utile à leur puissance de
faire passer leurs serfs à la condition de sujets. Alors
commencèrent les guerres politiques qui remplissent
l’histoire de l’Europe depuis la chute du régime féodal,
ère de conflits sanglants dont la stérilité demeure démontrée par les résultats qu’elle a donnés, et que va
suivre, grâce à la puissance du capital solidarisé par
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Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/314
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furieux d’avoir été la dupe du faux Jacob, ce fut lui qui démolit l’observatoire élevé jadis par l’envieux derrière le sycomore ; car l’enclos de Boxtel, vendu à l’encan, s’enclava dans les plates-bandes de Cornélius, qui s’arrondit de façon à défier tous les télescopes de Dordrecht.
Rosa, de plus en plus belle, devint de plus en plus savante, et au bout de deux ans de mariage, elle savait si bien lire et écrire, qu’elle put se charger seule de l’éducation de deux beaux enfants, qui lui étaient poussés au mois de mai 1674 et 1675, comme des tulipes, et qui lui avaient donné bien moins de mal que la fameuse fleur à laquelle elle devait de les avoir.
Il va sans dire que l’un étant garçon et l’autre une fille, le premier reçut le nom de Cornélius, et la seconde, celui de Rosa.
Van Baerle resta fidèle à Rosa comme à ses tulipes ; toute sa vie, il s’occupa du bonheur de sa femme et de la culture des fleurs, culture grâce à laquelle il trouva un grand nombre de variétés qui sont inscrites au catalogue hollandais.
Les deux principaux ornements de son salon étaient dans deux grands cadres d’or, ces deux feuillets de la Bible de Corneille de Witt ; sur l’un, on se le rappelle, son parrain lui avait écrit de brûler la correspondance du marquis de Louvois.
Sur l’autre, il avait légué à Rosa le caïeu de la tulipe noire, à la condition qu’avec sa dot de cent mille florins elle épouserait un beau garçon de vingt-six à vingt-huit ans, qui l’aimerait et qu’elle aimerait.
Condition qui avait été scrupuleusement remplie, {{tiret|quoi|que}}
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Tony Moilin - Paris en l'an 2000 - Librairie Renaissance et l'auteur - 1869.djvu/137
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pour se distraire, les couplets de la Marseillaise.
De leur côté, les souverains de l’Europe s’étaient entendus entre eux, et pour nous recevoir dignement, ils avaient aussi choisi un grand nombre d’ambassadeurs semblables aux nôtres, sauf que leurs uniformes étaient différents. Les deux cortèges diplomatiques se rencontrèrent au milieu d’une vaste plaine, et, sans autre cérémonie, ils s’abouchèrent immédiatement et se mirent à échanger des explications.
D’abord, les envoyés français commencèrent par présenter une série de ''notes préliminaires'' composées de boulets ''rayés'' et de balles ''chassepot'', notes qui convainquaient immédiatement et réduisaient au silence tous ceux qui en prenaient connaissance. Mais les rois étrangers observèrent que ces arguments-là étaient déjà bien vieux, bien usés et ne leur apprenaient rien de neuf sur les inconvénients des batailles rangées. Nos ambassadeurs convinrent en effet que ce genre de raisonnements était assez ancien et que depuis on avait trouvé beaucoup mieux.
Pour en donner la preuve, ils envoyèrent aussitôt bon nombre de ''protocoles'' constitués par des boulets et des balles explosibles. Ces ''protocoles'' s’adressaient, non plus à des hommes isolés, mais à des compagnies entières à qui elles ôtaient toute envie de jamais livrer aucun combat. Les Princes coalisés goûtèrent beaucoup l’esprit et la
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Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/78
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préceptes sur les aliments et à manger les prémices réservées aux prêtres. Ils ont bien envoyé demander l’autorisation du sanhédrin de Jérusalem ; mais à
Jérusalem aussi on est relâché ; on leur permettra tout ; alors il sera facile de les vaincre<ref>''Judith'', {{sc|xi}}, 12 et suiv. Cf. ''Esther'', texte grec, interpolation après {{sc|iv}}, 17.</ref>. « Je prierai Dieu, ajoute-t-elle, de me faire savoir quand ils pécheront<ref>''Judith'', {{sc|xi}}, 16-17. Cf. {{sc|xii}}, 2, 9, 18-19.</ref>. » Puis, à l’heure où Holopherne se croit assuré de toutes ses complaisances, elle lui coupe la tête. Dans cette expédition, elle n’a pas manqué une seule fois à la Loi. Elle prie et fait ses ablutions aux heures voulues ; elle ne mange que les mets qu’elle a portés avec elle ; même le soir où elle va se prostituer à Holopherne, elle boit son vin à elle. Judith vit encore après cela cent cinq ans, refusant les mariages les plus avantageux, heureuse et honorée. Durant sa vie et longtemps après elle, personne n’ose inquiéter le peuple juif. Achior est aussi récompensé d’avoir bien connu Israël. Il se fait circoncire et devient enfant d’Abraham à perpétuité.
L’auteur, par son penchant à imaginer des conversions de païens<ref>''Ibid.'', {{sc|xi}}, 23 ; {{sc|xiv}}, 6.</ref>, par sa persuasion que Dieu aime surtout les faibles, qu’il est par excellence le
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Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/892
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{{tiret2|quel|ques}} roches volcaniques semblables à de grandes scories à demi voilées par des colonnes atmosphériques vacillantes comme l’air qui repose sur la flamme d’un brasier. Le rayonnement implacable de l’immense surface blanche du désert éblouit les yeux : sous cette lumière aveuglante, tous les objets semblent à la fois revêtus d’une teinte sombre et comme infernale.
C’est à travers ces grandes plaines, habitées seulement par une quantité prodigieuse de lézards aux formes extraordinaires, que passe la route des émigrans. Depuis la découverte de la Californie, des milliers d’hommes y ont perdu la vie ; des bœufs et des chevaux innombrables y sont morts de soif et ont été abandonnés sur le sol. C’est à leurs ossemens épars qu’on reconnaît la vraie direction de la route ; la nuit, on s’arrête de peur de s’égarer quand on n’entend plus résonner de squelettes sous les pas de sa monture.
Le mirage que produit la réfraction des rayons lumineux sur ces plaines de sable et de sel figure parfois les scènes les plus étranges et déforme les objets d’une manière incroyable. M. Remy en raconte un exemple merveilleux :
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{{t|« Devant nous coulait un fleuve majestueux, dont les bords étaient plantés d’arbres pyramidaux semblables à des peupliers. L’eau en était si belle et si pure, les allées verdoyantes paraissaient si fraîches, que nous donnâmes instinctivement de l’éperon pour atteindre plus vite ces ondes magiques et nous y désaltérer. Bientôt le fleuve s’élargit, déborda ses eaux de tous côtés et forma une mer qui baignait le pied de fantastiques montagnes. Des îles à contours festonnés sortirent du sein de cet océan inconnu, que sillonnaient des vaisseaux de toute forme, dont les blanches voiles se gonflaient sous une brise invisible. Des caps à crêtes sinueuses, déchiquetées, aux flancs creusés de grottes mystérieuses, se détachaient des montagnes comme les arcs-boutans d’une antique cathédrale. Dans une petite anse, sur un coin de ce tableau, d’énormes cétacés prenaient leurs ébats à la surface et faisaient jaillir l’eau en gerbes argentées, pareils aux souffleurs que l’on voit se jouer par un beau soleil sur la côte pacifique du Pérou. Sur le premier plan de ce paysage maritime s’élevaient d’élégantes habitations, dans le style italien, qui semblaient enchâssées dans des massifs d’arbres touffus. Puis c’était une armée en marche, avec son état-major pompeusement équipé, son corps de musiciens, son artillerie, ses escadrons commandés par des chefs ornés de panaches flottans. Des tourbillons de poussière montaient en hautes colonnes vers le ciel et se reflétaient dans le miroir des eaux... »|90}}
{{interligne}}
Quelque aversion que puissent inspirer la doctrine et les mœurs des mormons, il est incontestable qu’ils ont rendu un service immense à la cause de l’humanité et de la civilisation en colonisant ces régions inhospitalières. Cet aride plateau, qui sépare le versant du Pacifique du versant de l’Atlantique, semblait rebelle à toute {{tiret|cul|ture,}}
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Guérin - Journal, lettres et poèmes, 1864, 6e éd.djvu/448
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par les divinités dérobent aussitôt leurs pas et se conduisent par des attraits nouveaux. Nous entrâmes chacune dans le penchant où nous portait le cours de notre esprit. Semblables aux nymphes, filles du Ciel et de la Terre, qui, dès leur naissance, se répartirent à l’ouverture des fontaines, aux divers cantons des forêts et à tous les lieux où Cybèle avait rassemblé des marques de sa fécondité, ces penchants nous dispersèrent à toutes les régions des campagnes. Nous fûmes admises dans la destinée des dieux qui s’attachèrent à régner sur les éléments. Puissants sur les fleuves, les bois, les vallées fertiles, ils se réjouissent à considérer la vie qui s’achemine sous leurs yeux. Mais dans la durée de ce loisir attentif qu’ils mènent, penchés sur les ondes, leur vie immortelle se conforme à leur chute monotone et leur nature s’engage dans les éléments contemplés, comme un homme surpris au bord des fleuves par le sommeil et les songes et dont la robe se répand dans les flots. Chaque bacchante s’alliait ainsi à quelque lieu signalé par la naissance d’une destinée naturelle. Aëllo parut à la cime des collines et reposa longtemps sa tête sur le sein de la Terre ; elle semblait attendre, comme Mélampe, fils d’Amithaon, que le serpent marqué d’un pavot vînt se nouer autour de ses tempes. Hippothée, assise à la venue des fontaines, y fut rendue immobile ; ses cheveux, qu’elle avait répandus, ses bras dans l’abandon, et l’attachement de ses regards à la fuite des eaux marqueraient sa pente
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Jean Chrysostome - Homélie sur le retour de l’évêque Flavien, 1853.djvu/14
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{{Tiret2|en|tière}} en lui inspirant tant d’audace ; mais Dieu s’est servi de ce malheur pour illustrer et la ville et le prêtre et le prince, et pour rehausser encore leur éclat.
II. La ville s’est honorée en ce que, dans un si grand et si soudain péril, dédaignant tous ceux qui exercent l’autorité, tous ceux que revêt l’opulence, tous ceux dont l’influence est grande auprès de l’empereur, elle a cherché son refuge vers l’Église, vers le prêtre de Dieu, et qu’avec une foi sans réserve elle a fait dépendre tout son espoir du ciel. Aussi, quand, après le départ de notre père commun, on venait de tous côtés troubler ceux que retenait la prison, quand on leur disait que la colère de l’empereur, loin de s’apaiser, ne faisait que s’aigrir davantage, qu’il méditait de détruire la cité de fond en comble, quand à tous ces bruits venaient s’en joindre bien d’autres encore, les prisonniers ne se laissaient nullement abattre par ces propos. Nous leur disions que c’étaient là des mensonges, des {{Tiret|arti|fices}}<section end="fr" />
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Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/930
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mariage du prince des Asturies avec la princesse Marie-Antoinette de Naples. Ils partent, laissant les finances de Toscane dans un embarras affreux. À Pise, ils sont obligés de faire halte ; enfin ils arrivent à Livourne, où les attend l’escadre espagnole. Mais aussitôt en mer, la reine accouche. Le lendemain, une tempête effroyable les met à deux doigts de la mort. Et quand ils arrivent à Madrid, ils trouvent la noce terminée ; il ne leur reste plus qu’à repartir pour Florence. Encore sont-ils assaillis, dans le golfe du Lion, par une nouvelle tempête, qui dure deux heures et détruit leur vaisseau.
C’était trop de fatigue pour le pauvre roi. Il traîna encore un hiver, et mourut le 27 mai 1803, laissant son royaume à son fils Charles-Louis, sous la régence de sa femme.
Marie-Louise était à peine veuve depuis six mois, que déjà ses parens et Napoléon, chacun de son côté, s’occupaient de la marier. Elle ne parait guère avoir eu beaucoup de goût pour l’Infant que lui proposaient ses parens ; mais nul doute qu’elle ne désirât fort se remarier, car elle accepta avec empressement l’offre que lui fit Napoléon, d’épouser Lucien Bonaparte. Et devant le refus de Lucien de répudier sa femme, Christine Boyer, c’est encore avec empressement que la reine d’Étrurie consentit à accueillir un autre protégé de Napoléon, Eugène de Beauharnais. « En apprenant qu’on songeait à la marier avec S. A. R. le prince de Beauharnais, Sa Majesté a secrètement ordonné un ''triduum'' dans deux monastères de Florence, avec exposition du Saint Sacrement. » Hélas ! le ''triduum'' resta sans effet : Eugène de Beauharnais fut fiancé à la fille du grand-duc de Bade, et la malheureuse reine d’Étrurie dut rester veuve jusqu’au bout !
Elle eut d’ailleurs bien d’autres soucis. Tout l’hiver de 1803, la peste décima Livourne. Le 30 janvier l’Arno déborda, ruinant tout le pays entre Livourne et Pise. Des tremblemens de terre détruisirent en partie Sienne et Colle. Et la caisse publique, de jour en jour, se vidait, la faillite semblait inévitable.
Marie-Louise prenait très au sérieux, cependant, son titre de régente. Elle examinait par elle-même tous les comptes, elle visitait son royaume village par village, elle surveillait avec un soin tendre l’éducation du roi son fils. Elle ne négligeait rien, et de toute son âme elle aspirait à bien faire. Mais elle avait la chance contre elle.
La malheureuse ! En apprenant l’arrivée de Napoléon à Milan, elle lui envoie deux ambassadeurs chargés d’obtenir certaines concessions, Napoléon consent aux concessions demandées, mais il accompagne son consentement de cette phrase terrible : « Votre reine est trop jeune et
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