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les manuscrits que l'on m'adresse, d'autant plus qu'ils sont en si grand |
nombre, qu'avec toute la bonne volonté du monde, je ne pourrais jamais |
suffire à en prendre connaissance. |
Ne vous découragez pas de mon refus, monsieur: si vos vers sont beaux, |
vous n'avez besoin de personne en dehors de vos amis pour vous le |
dire, et ils vous le diront avec chaleur. Si, au contraire, ils les |
condamnent, songez qu'eux seuls ont le devoir de vous éclairer et |
que c'est un des devoirs les plus délicats, et les plus pénibles de |
l'amitié. |
Agréez, monsieur, l'expression de mes sentiments distingués. |
GEORGE SAND. |
Le paquet cacheté est dans mon bureau à votre adresse. Si je dois vous |
le renvoyer, veuillez écrire un mot à M. Manceau, à Nohant, et, pour |
simplifier la recherche dont il a l'obligeance de se charger en mon |
absence, veuillez lui réclamer le numéro 104. |
CCCXCIV |
A MADAME ARNOULD PLESSY, A PARIS |
Nohant, 20 août 1855. |
Chère belle et bonne que vous êtes, je ne vous tiens pas quitte de |
Nohant, et, puisqu'on me joue décidément à l'Odéon le mois prochain, |
j'irai vous réclamer pour une plus longue vacance si vous êtes libre. Je |
viens de finir mon ennuyeux roman et je vais penser à notre _Lys_. |
N'en parlez encore que vaguement; car, tant que je n'en serai pas bien |
contente, je ne veux pas en parler. Je vais me reposer trois ou quatre |
jours, j'en ai besoin, et puis je m'y mettrai tout entière. |
Vous dites que vous ferez mes affaires: quel joli homme d'affaires! Et |
pourquoi sont-ils tous si laids? |
C'est probablement pour cela que j'aime si peu à m'occuper des miennes. |
Eh bien, si M. Doucet vous demande si je suis _exigeante_, vous lui |
direz ce que vous voudrez. Il m'avait offert jadis _tout ce que je |
voudrais_. Moi, je voulais rester au Gymnase en cinq actes pour |
_Flaminio_, et faire engager Bocage pour _Favilla._ C'est pourquoi j'ai |
dit: «Rien, pas d'argent; faites seulement ce que je vous demande.» |
Maintenant, puisqu'ils ne l'ont pas fait, je demanderai la prime qu'on |
donne aux autres auteurs. Je ne la connais pas, je m'en rapporterai à ce |
qu'on me dira par vous. |
Mais tout cela n'est pas l'essentiel. L'essentiel est de faire que les |
bonnes parties de la pièce restent et que celles dont, malgré votre |
jolie voix et votre lecture si rapidement intelligente, je n'ai pas été |
satisfaite, s'en aillent franchement. |
Envoyez à votre frère tous mes regrets et toutes mes sympathies. |
Recevez les hommages de mon fils, et, quant à moi, croyez-moi bien à |
vous de coeur et d'esprit. |
GEORGE SAND. |
_Molière_ est tout à vous aussi. Je serais bien contente de vous voir |
jouer cela. Tâchez de jouer quelque chose quand je serai à Paris. |
Cela me sera bien utile pour vous faire parler comme il faut. Ah! je |
pense qu'il faut arranger _Molière_ aussi... Ce sera fait. |
CCCXCV |
A LA MÊME |
Nohant, 4 septembre 1855. |
Ma chère belle et bonne, |
Ce n'est plus la pièce que vous savez. Vous me l'aviez fait _l'aimer_; |
mais, en la relisant seule, j'ai trouvé de si grandes révolutions à y |
introduire, que j'ai remis cela paresseusement à l'année prochaine. Et |
puis j'ai pensé à vous et à toute sorte de choses, et j'ai fait une |
autre pièce en cinq actes où je n'aurai pas besoin d'acteurs en dehors |
de ceux que je connais au Théâtre-Français. |
Nous verrons à remanier _le Lys_ quand Bocage y viendra naturellement et |
de son propre mouvement. Mais, pour rien au monde, je ne voudrais être |
_cause_ qu'un artiste fût enlevé à Montigny, que j'aime de tout mon |
coeur, et, quand même je ne serais qu'une cause passive, je suis sûre |
que je lui ferais de la peine. |
D'ailleurs et avant tout, me voilà dans un autre sujet qui me plaît et |
m'amuse, où votre personnage est dix fois mieux développé et plus fait |
pour vous; où Bressant serait tout à fait l'homme qu'il me faut, et où |
madame Allan nous resterait dans un rôle qu'elle fera comique et où elle |
restera _belle_; car j'étais chagrine de la vieillir. |