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termith-101-archeologie | Reconnues au début du XXème siècle, les pièces esquillées demeurent une catégorie particulière d'artefacts au sein des industries lithiques préhistoriques. En fonction des critères employés (notions d'ordre taxonomique, approches technomorphologique et fonctionnelle, etc.), elles sont tantôt considérées comme des nucléus, tantôt comme des outils ou des déchets. Après un siècle de recherche, à la lumière des investigations menées ces dernières décennies, cette contribution propose de dresser un bilan des connaissances avec un rappel et une révision critique des données archéologiques, typologiques, technologiques, tracéologiques, ethnologiques et expérimentales. Le terme « pièce esquillée » semble avoir été proposé la première fois par les abbés Lucien Bardon, Jean et Amédée Bouyssonie en 1906 dans la publication portant sur les fouilles qu'ils effectuèrent sur le site paléolithique de la Coumba-del-Bouïtou 3 en Corrèze, France (Bardon et al. 1906 p. 170-175). À cette occasion, ils décrivent également un processus d'obtention expérimenté sur la fouille (Bardon et al. 1906 p. 170, 1908 p. 32) avant les travaux publiés par L. Coutier (1929). Par la suite, plusieurs autres dénominations, parfois combinées ensemble (ex : « ciseau-gouge »), sous-entendant généralement des fonctions particulières, ont été employées dans la littérature pour qualifier et décrire des variantes de ce type d'artefact : « retouchoir » (Leakey 1931 p. 174, « outil esquillé-écaillé » (Breuil 1932 p. 8), « ciseau » 4, « gouge », « coin », « chasse-lame », « bigorne » (Cheynier 1934 p. 305), « éclateur » (Octobon 1938 p. 412), « pièce à extrémité martelée » (Tixier 1954 p. 96), « refendoir », « feuillardier » (Saumagne 1957 p. 470-471), « éclat écaillé » (Heinzelin 1962 p. 22), « outil-bar » (Cheynier 1963 p. 147), etc. Ces différents termes peuvent être regroupés sous l'appellation neutre : « pièce esquillée » (Brézillon 1983 p. 288). Divers travaux anglo-saxons (MacDonald 1968; Lothrop1982; Frison 1988; Gramly 1990) utilisent pour les « splintered pieces » également d'autres noms : « scaled and splintered flake », « slotting tool », « bifacial lozenge », « wedge ». Suite à la généralisation des classifications typologiques dans la seconde moitié du XXème siècle (Le Brun-Ricalens 2005 p. 23-72), diverses définitions ont été proposées pour caractériser cette catégorie d'artefact (en particulier Sonneville-Bordes et Perrot 1956 p. 552; Müller-Beck 1957-58; Heinzelin 1962 p. 22; Tixier 1963 p. 146; Crémilleux et Livache 1976; Fiedler 1979; Binder 1987 p. 75; Pelegrin 1988 p. 367; Demars et Laurent 1992 p. 94-95; Hahn 1993 p. 248-251). Les pièces esquillées font régulièrement l'objet de débats qui mêlent des considérations d'ordre typologique, technologique, tracéologique, pouvant inclure des données archéologiques, ethnographiques et expérimentales (par exemple White 1968; Escalon de Fonton 1969; Newcomer et Hivernel-Guerre 1974; Mazière 1984; Chauchat et al. 1985; Eickhoff 1988; Le Brun-Ricalens 1989; Beugnier 1997; Lucas et Hays 2004). Artefactgénéralement de forme quadrangulaire présentant fréquemment sur deux extrémités opposées (fig. 1), plus rarement sur une ou les quatre, des esquillements, parfois « bifaciaux » 5, dont les ondes de choc sont souvent bien marquées avec des rides serrées. Les esquillements se développant sur un ou deux versants (face inférieure, supérieure, autre), peuvent être aussi bien courts, rebroussés, qu'envahissants, voire outrepassés. Le bord, en particulier celui qui a été percuté, présente généralement un biseau. Ce « fil tranchant », au délinéament irrégulier ou régulier, droit ou courbe, peut être altéré par des « écrasements mâchurés ». Ces esquillements ne sont pas des retouches, mais des enlèvements présentant des stigmates de percussion/utilisation. Il n'est pas rare d'observer des pièces esquillées présentant des traces de fracturation orthogonales plus ou moins importantes (« éclats d'esquillé », Demars et Laurent 1992 p. 95). Ces fracturations peuvent parfois détacher sur le bord une lamelle de section triangulaire ou trapézoïdale assez proche de la lamelle coup de burin, appelée « lamelle d'esquillé » (Demars et Laurent 1992 p. 95) (cf. également paragraphe 3.1, stade 3 d'utilisation), voire un éclat « janus » (Newcomer et Hivernel-Guerre 1974 p. 124-126; Tixier et al. 1980 p. 90) (fig. 4, n° 3 et 6) proche d'un petit « déchet Kombewa » (Inizan et al. 1995 p. 73; Tixier et Turq 1999). Les pièces esquillées ont été réalisées sur différentes catégories de support : petit bloc, éclat/lame, fragment de lame/éclat, retouché ou non, voire des petits nucléus recyclés (ausgesplitterte Kerne, Hahn 1988, pl. 32 n° 6). Ont été sélectionnés de préférence aux produits « d'intention première » (Pelegrin 1986), des supports de « second choix » (Pelegrin op. cit.), des sous produits issus de différentes phases de la ou des chaînes opératoires mise(s) en œuvre ou des outils (usés, cassés, etc.) recyclés (Bardon et Bouyssonie 1906 p. 170 et 171). Divers modules quadrangulaires courts ou allongés, sur éclat ou (fragment de) lame, peuvent être rencontrés. Ces modules reflètent le « style » des industries réalisées en fonction des matières premières disponibles et des techniques de débitage employées sur les gisements (Brézillon 1968; Rozoy 1968; Lenoir 1975; Tixier et al. 1980; Demars 1986). Les nombreuses rides serrées observables sur les négatifs d'esquillements suggèrent que les pièces esquillées ont été percutées avec force (Tixier 1963 p. 147), généralement à l'aide d'un matériau dense constitué de grains à très forte cohésion (Pelegrin 2000 p. 79-80). Trois stades ont été reconnus : début d'esquillement sur un bord, détachement d'éclats esquillés, esquillements envahissants, parfois « bifaciaux » 5, et utilisation d'autres bords, emploi intensif entraînant la fragmentation de la pièce; avec l'obtention d'éclats ou/et de « lamelles d'esquillé » (Demars et Laurent 1992 p. 95, n° 10) (fig. 1, n° 8), encore appelées « bâtonnets » (Tixier 1963 p. 147). Ces enlèvements proches des « accidents Siret » (Bordes 1961 p. 32) évoquent parfois certaines chutes du burin de Corbiac (Bordes 1970a p. 108), ainsi que des « pseudo-burins » et « outils a posteriori » (Bordes 1970b p. 200-201). Les divers stigmates technologiques décrits 6 peuvent provenir aussi bien d'une percussion indirecte posée que d'une percussion directe lancée, bien que cette dernière hypothèse soit rarement évoquée (Rigaud 1977). La première catégorie comprend deux types d'utilisation non exclusifs l'un de l'autre, à savoir un emploi comme « nucléus » ou comme « pièce intermédiaire ». La seconde peut nécessiter une fixation/insertion à un manche. L´hypothèse anciennement proposée pour le débitage indirect, proposant l'utilisation d'une pièce esquillée comme « chasse-lame » en pierre (Cheynier 1934 p. 305) ne semble pas recevable (Tixier 1963 p. 146). De plus, à notre connaissance, aucun exemple ethnographique employant ce type de procédé n'est actuellement connu. Une pièce esquillée est obtenue aisément avec un percuteur minéral dur en frappant verticalement dans l'axe d'un artefact posé de champ sur un support plus ou moins compact et résistant. L'artefact, employé comme nucléus ou pièce intermédiaire, est tenu au début de l'opération entre les doigts ou avec une baguette fendue, tandis que le matériau-support (à travailler ou non) est posé sur un appui (jambe, sol, autre). Après plusieurs coups verticaux dans l'axe du support, il se forme alors rapidement, sur une ou deux faces, des esquillements évoquant les fractures en « split » partant en plus grande partie du bord frappé, mais aussi parfois de l'autre extrémité posée par contre coup (Barham 1987), en particulier si le matériau dormant est dur, telle une enclume en pierre. Quelles que soient les orientations utilisées, on obtient une pièce qui s'esquille principalement sur le bord qui est percuté (Tringham et al. 1974; Le Brun-Ricalens 1989). Le « fil » de ce bord, souvent rapidement « coupant », peut s'incurver en fonction de l'angle de percussion et d'utilisation (perpendiculaire ou oblique) mais aussi en fonction de la morphologie de la pièce (Migal 1987). Ainsi, les pièces esquillées exécutées sur un artefact à profil dissymétrique tel un grattoir à retouches abruptes auront tendance à s'esquiller tout d'abord sur la face inférieure7(Rigaud 1977) évoquant les « grattoirs-gouges » (Nelissen 1956 p. 49; Brézillon 1968 p. 240) et les « ciseaux » (Bordes 1967 p. 51). En effet, les enlèvements présents sur la face supérieure (front du grattoir en l'occurrence) jouent le rôle d'un « dos/plan de frappe » jusqu' à la « reprise d'équilibre morphologique » du plan de symétrie entre les deux faces d'esquillement (fig. 2). De ce fait, eu égard aux contraintes qu'imposent les lois physiques, « l'axe de percussion » tendra rapidement à se confondre avec le « plan axial de symétrie morphologique » (Le Brun-Ricalens 1989 p. 199). Comme précédemment après avoir sélectionné un support suffisamment grand et lourd pour pouvoir être emmanché (insertion ou maintien par ligature, etc.). Les résultats sont similaires à ceux décrits ci-dessus, hormis le fait que c'est le bord percutant qui s'esquille préférentiellement (Rigaud 1977; Caspar et al. 1998; Brenet et al. 2001). L'usage des pièces esquillées demeure difficile à appréhender car il semble recouvrir diverses activités. Parallèlement à la production de supports lithiques (hypothèse nucléus), le façonnage de matières dures périssables (bois végétal et animal, os, ivoire, etc.) souvent évoqué (hypothèse outil), est confirmé par les quelques données tracéologiques disponibles (Gassin 1996; Beugnier 1997; Lucas et Hays 2004). Les pièces esquillées se prêtent mal à l'étude des micro-traces d'utilisation. Le contact entre la pièce intermédiaire et la matière travaillée pouvant être bref, les traces sont par conséquent peu nombreuses sur l'artefact. De plus, les esquillements provoqués par l'utilisation ôtent rapidement les éventuelles micro-traces (Semenov 1964). Néanmoins, les informations apportées par ce type d'examen microscopique sur des pièces esquillées indiquent, tant pour le matériel paléolithique (Keeley 1980; Vaughan 1985a et b; Symens 1988; Christensen 1999; Hays et Lucas 2001; Plisson et Vaughan 2002 p. 95; Lucas et Hays 2004), mésolithique (Rodriguez à paraître), que celui néolithique (Cahen et al. 1986; Caspar 1988; Beugnier 1997), un débitage et un travail de matières organiques dures (os, bois – animal et végétal –, ivoire), voire minérales (Brenet et al. 2001), et le fait que le bord esquillé ne soit pas forcément le bord actif de l'objet (Chauchat et al. 1985; Lucas et Hays 2004). L'interpétation la plus courante des pièces esquillées est celle d'un nucléus et/ou d'une pièce intermédiaire de percussion indirecte posée présentant des traces d'utilisation par percussion violente, dont la morphologie résulte d'un emploi plus ou moins prolongé (voir paragraphes 2 et 3). L'emploi de certaines pièces esquillées comme nucléus bipolaires (bipolar scalar core) destinés à fournir des petits enlèvements plus ou moins allongés a été, d'une part, démontré pour certains sites paléolithiques, en particulier dans les grottes de Barbera (I) (Cancellieri et al. 2001) où le débitage est proche de la fracturation en « split » (D'Angelo et Mussi 2005), sur les sites de Buraca Grande, de Buraca Escura et du Salto do Boi (P) (Aubry et al. 1997), et, d'autre part, proposé pour des gisements épipaléolithiques (Orliac et Orliac 1973) et mésolithiques européens (Aubry et al. 1998; Zilhão et al. 1997 p. 293-295), mais aussi néolithiques (Guyodo et Marchand 2005), ainsi que pour des séries africaines (Gobert 1958 p. 40; Tixier 1963; Barham 1987; Jones 1994; Villa et al. 2005 p. 413-415), nord - (Patterson et Sollberger 1976; Cresson 1977; Haynes 1977; Russel-Stafford 1977; White 1977; Hayden 1980; Schott 1999) et sud-américaines (Chauchat et al. 1985 p. 38; Mansur-Franchomme 1986). Ce type de production (percussion posée sur enclume en tapant verticalement dans l'axe du support) effectuée souvent à partir de matériau de très bonne qualité, permet d'obtenir de nombreux produits fins et coupants, éclats et lamelles d'esquillé dont le gabarit est néanmoins difficile à standardiser. Sur le plan ethnographique (Schott 1989), de tels procédés de « nucléus à esquilles » sont connus notamment en Nouvelle-Guinée (White 1968) et en Australie (Kamminga 1971). De nombreux éclats obtenus par percussion bipolaire sont fixés sur des pointes de sagaie appelées « death-spears » (Chauchat et al. 1985). Ces armes évoquent certains rares exemplaires archéologiques paléolithiques attribués au Magdalénien (Allain et Descouts 1957) et mésolithiques (Rust 1943; Taute 1968; Rozoy 1978; Nuzhnuyj 1989). L'utilisation de pièces esquillées – emmanchées ou non – comme « outil » intermédiaire pour fracturer, fendre, cliver, fractionner, dégrossir, entailler, creuser, couper, etc., peut s'effectuer en percussion posée ou lancée. En percussion posée, deux catégories : types « coin » et « gouge » (Lindner 1960), peuvent être distinguées en fonction de l'angle (perpendiculaire ou oblique) de travail (Leroi-Gourhan 1971 p. 58). En percussion lancée 8 (Rigaud 1977; Caspar et al. 1998) deux autres catégories (types « herminette » et « hache »), peuvent également être individualisées en fonction de la fixation (perpendiculaire ou oblique) du « tranchant » par rapport au manche. Sur le plan archéologique, ces dernières décennies, les études de répartition spatiale des industries lithiques et osseuses, ainsi que la pratique systématique des remontages (fig. 3, 4 et 5), permettent de renouveler les approches palethnologiques. Les travaux de cette nature concernant les pièces esquillées sont encore rares. Ces analyses comportementales favorisées notamment par l'examen dynamique des raccords d'esquilles de pièces esquillées, tendent à montrer, au Paléolithique, une utilisation immédiate de ces dernières, en particulier à proximité de foyers comme à Hauterive-Champréveyres (CH) (Leesch 1997; Cattin 2002). Par ailleurs, sur certains sites aurignaciens comme à Beauville - » Hui » (F), une relation avec certains percuteurs « à cupules » a également été proposée (Le Brun-Ricalens 1989, 1996) mais n'est pas systématique (Perpère et Schmider 2002). Pour le Paléolithique, ce sont les séries magdaléniennes, grâce à la conservation fréquente des témoins osseux lato sensu (os, bois, dents), qui proposent les documents les plus significatifs pour appréhender certaines techniques de fracturation et de façonnage. Les pièces esquillées de Châleux (B) pourraient avoir servi à fendre des os longs (Dewez 1985), technique identique à celle observée (et obtenue par expérimentation) à l'abri Fritsch (F) pour le clivage de bois de renne à l'aide de « coin » de silex (Allain et al. 1977; Averbouh 2000; Goutas 2003). Cette technique semble aussi avoir été utilisée pour se procurer de la moëlle (Morin 2007) dans le site éponyme de La Madeleine (F) pour la fracturation des phalanges de cheval (Bouvier 1979). Le travail de l'ivoire, matériau très résistant, pourrait avoir été débité avec des procédés similaires (Otte 1977; Hahn 1995; Khlopatchev 2002). Les planches illustrant le site de Brassempouy (F) présentent des « morceaux d'ivoire dégrossis à coups de gouges » (Piette 1907 pl. LXXVI et LXXVII). Dans l'Aurignacien d'Europe occidentale, le double rainurage ne semblant pas usité, la technique de fendage par percussion notamment pour le travail d'ivoire sub-fossile a été proposée (Christensen 1996, 1999; White 1996), que cela soit pour la confection d'outils (Leroy-Prost 1975; Lollios 1999) ou de sculptures comme la statuette du Hohlenstein-Stadel (D) (Schmid 1989). Par ailleurs, à une échelle plus grande, les proportions différentielles de pièces esquillées constatées dans de nombreuses séries du Paléolithique supérieur nord aquitain (F) pourraient trouver un écho avec les différentes fréquences observées de restes de rennes, relation dont la nature reste à expliciter (Demars 2005). Au Mésolithique, l'emploi de pièce intermédiaire pour fendre a été reconnu parmi les différentes techniques de fracturation des bois de cerf (David 2002). Au Néolithique, le travail de l'os, du bois végétal et animal, connaît un essor non négligeable avec une diversification des outils, en particulier emmanchés pour des activités spécialisées (MacGrégor 1985). Toutefois, les stigmates observés sur les pièces esquillées néolithiques comme celles de Darion, de Liège - » Place St-Lambert », de Blicquy (B) (Cahen et al. 1986; Caspar 1988), de Chalain, de Clairvaux et de la Motte-aux-Magnins (F) (Beugnier 1997), demeurent similaires à ceux rencontrés au Paléolithique et au Mésolithique. Accompagnant le développement des productions agricoles, il a également été envisagé la fabrication de nouveaux outils, en particulier pour dépiquer les céréales (Whallon 1978; Ataman 1992; Skakun 1992, 1993; Anderson et Inizan 1994). Parmi ceux -ci, certains éléments pourraient présenter des similitudes avec les pièces esquillées à l'instar des pièces lithiques insérées par percussion sur un support en bois pour fabriquer des tribulum. Certaines séries néolithiques méditerranéennes étudiées sous cet angle ne confirment pas actuellement cette hypothèse de travail (Gassin 1996 p. 194-195). Sur le plan ethnographique, des artefacts proches des pièces esquillées, appelés « sinews-frayeurs » (effilocheurs de tendons) sont employés en Afrique (Alimen 1955 p. 258) pour fendre des matériaux organiques (animaux ou/et végétaux), notamment pour « diviser les fibres des lianes » (Leakey 1931). A signaler pour une utilisation en percussion lancée, l'importante diversité des montages observables en diverses régions du monde pour l'emmanchement des grattoirs et herminettes (Pétrequin et Pétrequin 1993; Brenet et al. 2001). Le travail des matériaux organiques à l'aide de certaines pièces esquillées en percussion directe lancée et indirecte posée (fig. 6) a fait l'objet de différents protocoles expérimentaux (Rigaud 1977; Le Brun-Ricalens 1989 p. 198) dans le but de proposer des séries de comparaison pouvant servir de référentiel. À notre connaissance, l'étude actuellement la plus aboutie a été effectuée par G. Lucas et M. Hays. Dans leur contribution publiée en 2004, 48 pièces expérimentales ont été examinées de manière détaillée en les comparant au matériel archéologique aurignacien et périgordien recueilli au Flageolet I. Lors de ces investigations, dans un premier temps ont été fracturés expérimentalement de l'os et du bois, en récoltant, dans la mesure du possible, toutes les esquilles et déchets. Avant et après chaque expérience, chaque artefact a été mesuré et pesé. Ensuite ces artefacts ont fait l'objet de descriptions technotypologiques et d'analyses tracéologiques (27 pièces expérimentales sur 48 et 66 archéologiques) avant d' être classés selon différents critères (dimensions moyennes, matières premières sélectionnées, supports utilisés, poids, emplacement et morphologie des parties actives, types de cassure, etc.). À souligner un apport novateur avec la caractérisation des différentes variétés d'esquilles rencontrées, ainsi que des types de fracture et surfaces de cassure associées (plan de cassure, parallèle ou perpendiculaire, à l'axe de percussion, microcassures avec dièdres). Dans ce travail pionnier, il est proposé d'employer les termes neutres « pôle plan » et « pôle aigu » pour décrire les bords percutés qui permettent de classer les pièces esquillées en trois classes en fonction du nombre d'axes de percussion observé. A l'issue de cette étude, les croisements des diverses données amènent les auteurs à se méfier de toute interprétation généralisatrice en rappelant la difficulté de trancher sur la/les fonction(s) des pièces esquillées : « plusieurs processus peuvent aboutir au même résultat » et en invitant à « une analyse spécifique pour chaque site » (Lucas et Hays 2004 p. 119). Des diverses expérimentations réalisées, il ressort que dans le cadre des techniques de fragmentation, la fracturation longitudinale de matériau organique (os, bois de cervidé, bois végétal, ivoire) effectuée à l'aide d'une pièce esquillée est plus rapide (Camps-Fabrer et d'Anna 1977; Lucas et Hays 2004) et efficace, notamment pour extraire la moelle des os longs (Dewez 1985), que le sciage longitudinal avec un burin (Le Brun-Ricalens 1989). Toutefois, ce dernier est plus précis et moins aléatoire. Ces deux techniques ont pu coexister, et peut-être que dans certains cas, certaines pièces esquillées auraient remplacé certains burins (Pradel 1970). Cette hypothèse pourrait en partie expliquer certaines différences régionales observées entre sites de plein air, sous abris et en grottes (Chauchat et al. 1985; Le Brun-Ricalens 1989; Demars et Laurent 1992, Demars 2005). Ces différences pourraient exprimer des faciès d'activités particuliers ou/et des choix d'ordre culturel (Binford 1979). Rares dans le Paléolithique moyen européen, où il ne faut pas confondre les pièces esquillées avec les artefacts présentant des aménagements de type « Kostienki », les pièces esquillées se rencontrent pendant tout le Paléolithique supérieur – en particulier à l'Aurignacien et au Magdalénien ancien –, mais aussi au Mésolithique, au Néolithique, jusqu' à l' âge du Bronze. Concernant la gestion des ressources minérales, les proportions de pièces esquillées au sein d'industries semblent refléter à la fois des stratégies « économiques » et opportunistes. Ce type de comportement « économe » vis-à-vis de la matière première est particulièrement perceptible au Néolithique ancien (culture du Rubané) en Europe nord-occidentale dans les régions pauvres en ressources siliceuses où les pièces esquillées sont obtenues essentiellement en fin de chaîne opératoire à partir du recyclage d'outils usés, cassés et autres produits de second choix (Löhr et al. 1977; Strien 1984; Zimmermann 1988; Hauzeur 2003). La grande récurrence des pièces esquillées au sein des industries préhistoriques pléistocènes et holocènes peut s'expliquer par le fait que la technique pour les obtenir est facile à mettre en œuvre. Les pièces esquillées sont généralement issues d'un emploi rapide 9 nécessitant à la fois peu de savoir-faire et peu d'investissement technique 10 (Berthelet et Chavaillon 1993). Elles offrent par ailleurs des possibilités et des combinaisons multiples qui en font des artefacts d'appoint appréciés par leur polyvalence, aussi bien dans les sociétés nomades (Bon 2005) que sédentaires. En permettant notamment l'acquisition et le traitement des carcasses animales (confection d'armatures, extraction de la moelle, découpe, etc.) (Patou-Mathis et al. 2005) ou du bois végétal, les pièces esquillées s'avèrent utiles tant dans les sphères d'activités cynégétiques, que domestiques et agricoles. A l'issue de cette enquête, il ressort que pour chacune des hypothèses présentées : utilisation en percussion directe ou indirecte, comme outil, nucléus et pièce intermédiaire, puis discutées à partir d'éléments aussi bien archéologiques, tracéologiques, ethnographiques, qu'expérimentaux, les pièces esquillées présentent in fine de fortes similitudes morphologiques entre elles malgré des emplois différents. En fonction des périodes, des régions, des sites et des activités, ces ressemblances semblent a priori rendre délicate la reconnaissance des utilisations initiales. Toutefois, comme l'ont souligné dans leur conclusion G. Lucas et M. Hays (op. cit.), « la détermination de la fonction des pièces esquillées nécessite par conséquent une analyse spécifique pour chaque site ». En effet, en suivant l'exemple des travaux récents réalisés sur les industries du Flageolet I (Lucas et Hays 2004) et de Hauterive-Champréveyres (Leesch 1997; Cattin 2002), les intentionnalités peuvent souvent être précisées en croisant notamment les examens lithologiques, technologiques, tracéologiques et typologiques des ensembles lithiques étudiés en général et des divers éléments en relation avec les pièces esquillées en particulier. Pour chaque cas d'étude, il est bienvenu de veiller à valider ces données à l'aide de référentiels expérimentaux. Afin de continuer à faire avancer la question, il semble nécessaire d'encourager la complémentarité des approches. Dans cette perspective, il est à recommander de les intégrer également aux études de répartition spatiale, avec notamment la prise en compte des informations apportées par les remontages et raccords réalisés au sein des industries lithique et osseuse. Gageons qu'avec le développement en cours d'une véritable dialectique interdisciplinaire, la multiplication des synergies entre les différents protocoles d'études favorisera le renouvellement des points de vue sur les statuts fonctionnels des pièces esquillées. Une telle démarche adaptée à la problématique des pièces esquillées devrait s'avérer pertinente pour entrevoir leurs variabilités et leurs modalités d'utilisation soit comme « nucléus », « outil » 11 ou/et « pièce intermédiaire » 12. En l'état actuel des connaissances, en l'absence d'arguments 13 démontrant un emploi comme « outil » ou « nucléus », les pièces esquillées sont, par leur technique d'obtention, essentiellement à interpréter comme des « outils a posteriori » (Bordes 1970b) . | Cette contribution a pour objet de dresser un état de la recherche sur les pièces esquillées. Suite à un siècle d'investigations, elle tente de faire le point des connaissances à la lumière des investigations pratiquées ces dernières décennies en technologie, en tracéologie et en ethnologie d'une part, et des résultats issus d'expérimentations d'autre part. Après un historique rappelant les diverses dénominations anciennement émises, une définition des pièces esquillées est proposée. Ensuite sont présentées et discutées les différentes interprétations formulées quant à l'obtention et à l'utilisation des pièces esquillées, à savoir: outils, nucléus ou déchets? | archeologie_08-0168870_tei_247.xml |
termith-102-archeologie | Dès les premières études paléontologiques, le Cheval de La Micoque fut déterminé comme appartenant à « une grande race d ' Equus caballus » (Hauser 1907, p.11). Il serait proche « des lourds chevaux de la période interglaciaire des steppes en Allemagne et se rattache aux dépôts plus anciens de la grotte de Lunel-Viel » (Hauser 1907, p.12). Lors des études récentes de la faune, le Cheval de La Micoque a été attribué à une forme proche d ' Equus mosbachensis, notamment par la robustesse de ses molaires. F. Prat précise que ces dents « présentent (…) quelques dispositions archaïques » (Prat 1968, p.249). Toutefois, le degré d'évolution de ce Cheval au sein du groupe Equus mosbachensis restait à définir. Outre la meilleure connaissance de ce taxon, ce travail devait permettre, grâce à une étude biostratigraphique, d'ancrer le gisement de La Micoque dans la chronologie du Pléistocène moyen. Ce que l'on a coutume d'appeler dans la littérature « chevaux » rassemble les caballins et les sténoniens. Au sein des caballins, différentes formes ont été distinguées. A l'origine, elles avaient été décrites comme des sous-espèces d ' Equus caballus (Prat 1968; Guadelli 1987) comme par exemple en France Equus caballus mosbachensis, Equus caballus piveteaui, Equus caballus germanicus, Equus caballus gallicus puis comme des espèces distinctes (Guérin 1996) notamment Equus mosbachensis. Adhérer à l'un ou à l'autre de ces points de vue est délicat. Actuellement, la variabilité spécifique comme la variabilité sous-spécifique est encore incomplètement documentée chez les chevaux fossiles (Guadelli 1987). Comme M.-F. Bonifay (1980), V. Eisenmann et al. (1985) et J.-L. Guadelli et F. Prat (1995), nous pensons, que certaines formes ont droit au rang spécifique et plus particulièrement le groupe des chevaux de type mosbachensis qui s'oppose au groupe caballus plus récent par de nombreux caractères (Langlois 2004). Equus mosbachensis apparaît au début du Pléistocène moyen, c'est le premier caballin (sensu lato) européen. Il fut découvert dans le gisement de Mosbach en Allemagne, et décrit par W. von Reichenau en 1915 qui le nomme E. caballus mosbachensis car il possédait des caractères morphologiques dentaires propres à l'espèce E. caballus. Ses dimensions crâniennes sont très grandes et son museau long (Eisenmann et al. 1985). Sa taille au garrot a été estimée à environ 1,70 m (Gromova 1949a). Il garde, cependant, des particularités sténoniennes à savoir un front relativement étroit, des dents jugales petites et les os des extrémités assez étroits (Gromova 1949a et 1949b). Les restes ayant servi à sa diagnose proviennent de niveaux archéologiques qui correspondraient à une période tempérée, datant d'un peu moins de 700 000 ans (Brüning 1974, 1978). L'extension géographique de ce « Cheval » de Mosbach couvrait l'ensemble de l'Europe, de la France à la Russie (Prat 1968). La quantité de gisements ayant livré des restes attribuables à Equus mosbachensis ainsi que leur présence sur une période relativement longue (Pléistocène moyen) ont favorisé la création de nombreux taxons : Equus caballus mosbachensis tautavelensis Crégut, 1980 : ce Cheval a été découvert à la Caune de l'Arago (Tautavel, Pyrénées Orientales). Ces restes sont issus des couches archéologiques du sol G, dont l' âge a été longuement discuté (M.A. et H. de Lumley 1971; Crégut 1979; Eisenmann et al. 1985). Récemment, des datations radiométriques montrent que les niveaux les plus anciens de ce gisement se seraient formés pendant ou avant le stade isotopique 9, soit vers 300 - 350 ka (Falguères et al. 2004). Nous savons également que ces restes sont associés à une faune de climat froid (Bellai 1995). La morphologie dentaire et certaines dimensions de cet Équidé sont celles d'une forme assez évoluée d ' Equus mosbachensis. Toutefois, E. Crégut a noté des caractères propres à ce Cheval comme par exemple les « proportions des phalanges antérieures [qui] sont bien différentes de celles d ' Equus mosbachensis, comme d'ailleurs de celles des autres Equidae européens connus jusqu' à ce jour » (Crégut 1980, p.124). En 1985, V. Eisenmann et al considèrent que le Cheval de Tautavel est différent d ' Equus mosbachensis; d'après ces auteurs, ce Cheval possède des caractères qui le rapprocheraient de l'espèce Equus chosaricus. Equus mosbachensis palustris Bonifay, 1980 : défini à Lunel-Viel (Hérault), dans les ensembles supérieur et inférieur, cet Équidé est représenté par un nombre important de restes. La présence simultanée d'espèces archaïques et évoluées au sein des niveaux archéologiques suggère, pour le gisement, un âge proche de la fin du Pléistocène moyen, autour de 350 ka (Fosse 1994). Cet Équidé a pour caractéristique un crâne de taille moyenne avec une gouttière nasale visible, ce qui est un caractère ancien. Ses dents possèdent des caractères caballins : les molaires supérieures présentent un pli caballin fréquent mais persistent des caractères ancestraux comme, par exemple, « un protocône assez allongé (…) et la brièveté des dernières molaires par rapport à la longueur des molaires » (Bonifay 1980, p.261). La dentition est attribuable à un caballin (sensu lato). Son crâne est toutefois plus petit que celui du Cheval de Mosbach et encore plus que celui trouvé à l'Arago (Eisenmann et al. 1985). Pour M.-F. Bonifay (1980), le Cheval de Lunel-Viel se rapproche de la forme mosbachensis mais il possède des caractères spécifiques qui peuvent être interprétés comme une adaptation particulière à un milieu tempéré et à une zone humide et marécageuse. M.-F. Bonifay (1980) met en parallèle la Camargue actuelle et la zone de Lunel-Viel au cours de l'interglaciaire Mindel-Riss. Elle justifie ainsi le terme de « palustris » choisi pour nommer la nouvelle sous-espèce. Cependant, les reconstitutions du crâne faites par V. Eisenmann et al. (1985) montreraient des ressemblances morphologiques et biométriques entre ce crâne et ceux du Cheval de Przewalski actuel et serait donc à rapprocher de l'espèce Equus przewalskii. Il faut toutefois rappeler que les vestiges crâniens sur lesquels sont fondées les diagnoses ne représentent que quelques crânes fragmentaires dont un seul est complet. Les différences entre Equus mosbachensis et les deux formes du Sud de la France précédemment citées, portent essentiellement sur la longueur des museaux, il faut savoir que ce caractère n'est pas diagnosique de l'espèce (Eisenmann et al. 1985 p.163 - 164). Equus mosbachensis campdepeyri Guadelli et Prat, 1995 : cette nouvelle sous-espèce fut décrite en 1976, dans le site de Camp-de-Peyre (Sauveterre-la-Lémance, Lot-et-Garonne). Ces restes sont associés à une faune qui vivait dans un milieu ouvert, sous un climat froid lors d'une période antérieure à l'interglaciaire Mindel / Riss (Delpech et al. 1978). Les fouilles ont fourni des os de chevaux pour la plupart entiers et une tête osseuse endommagée (calvarium, prémaxillaire avec les séries incisivales et la canine gauche, mandibule sans les régions angulaires). Après étude, J.-L. Guadelli et F. Prat (1995) indiquent que ces fragments de crâne ont des dimensions un peu plus faibles que celles du crâne retrouvé à Mosbach mais un peu plus grandes que celui de Lunel-Viel. Par rapport à ce dernier, le museau est plus court et plus large, il s'agit toutefois d'un individu assez jeune (5 ans). L'examen des restes dentaires et osseux montre qu'il s'agit d'un caballin au sens large, dont la hauteur au garrot est de 1,50 m minimum. Ce Cheval est différent des Équidés datant du Pléistocène moyen par sa taille. Ses mensurations incitent les auteurs à penser qu'il s'agit d'un Equus du Pléistocène moyen de moindre stature, « moins grand que certains chevaux rissiens et mindéliens » mais « sûrement plus élancé que l' Équidé de Lunel-Viel (interglaciaire Mindel / Riss) » (Guadelli et Prat 1995, p.95). Des caractères archaïques ont également été distingués. Le fait que cet Équidé possède un museau relativement court et une face haute est interprété comme une adaptation à un climat froid. « Le Cheval de Camp-de-Peyre (…) semble différer sensiblement de celui de Lunel-Viel, moins grand, aux formes lourdes, au museau modérément long et étroit qui, selon M.-F. Bonifay (1980), évoluait dans un milieu tempéré et humide » (Guadelli et Prat 1995 p.97). De nombreux auteurs, comme Cl. Guérin (1996), M.-F. Bonifay (1980), V. Eisenmann et al. (1985) et J.-L. Guadelli et F. Prat (1995), font d ' Equus mosbachensis une espèce à part entière qui comprendrait de nombreuses sous-espèces comme par exemple Equus mosbachensis campdepeyri, Equus mosbachensis palustris et Equus mosbachensis tautavelensis (cf. supra). Il nous paraît fortement probable qu'au sein de la lignée mosbachensis, qui a duré près de 500 ka, des sous-espèces soient apparues dans différentes régions. En effet, les Chevaux de la Caune de l'Arago, de Lunel-Viel et de Camp-de-Peyre possèdent des caractères morphologiques et biométriques relativement proches tout en ayant des particularités. C'est pourquoi nous pensons que ces Chevaux appartiennent à une même lignée : la lignée mosbachensis. Lors de notre étude paléontologique, nous avons comparé les restes fauniques du Cheval de La Micoque à différents individus appartenant à l'espèce Equus mosbachensis mais également à d'autres chevaux plus récents appartenant à l'espèce caballus sensu stricto comme : Equus caballus piveteaui David et Prat, 1962 : Equidé décrit à partir de fossiles mis au jour à l'Abri Suard en Charente. Il possède des caractères nettement caballins (David et Prat 1962) en ayant, cependant, gardé quelques caractères archaïques sur certaines mâchelières (Prat 1968). Cet Équidé, plus petit qu ' Equus mosbachensis, présenterait des affinités avec ce dernier et serait d'une taille supérieure à celle d ' Equus caballus germanicus (David et Prat 1962). Equus caballus piveteaui serait un descendant des grands chevaux apparentés à Equus mosbachensis tout en possédant des caractères qui lui sont spécifiques (David et Prat 1962; Prat 1968). Les gisements d'où sont issus les ossements attribués à cet Équidé ont été datés du « Riss III » (Bordes et Prat 1965). Ce Cheval a aussi été reconnu à Combe-Grenal et Creyssac (Dordogne) ainsi qu' à l'Abri Suard (Charente) (Guadelli 1987). Equus caballus germanicus Nehring, 1884 : sur le site de Remagen en Allemagne, A. Nehring découvre en 1884, dans des niveaux datant de la dernière glaciation, des restes de chevaux qu'il attribue à une nouvelle sous-espèce : Equus caballus germanicus (in Prat 1968). Sa stature, ses pattes massives et ses larges sabots indiquent qu'il habitait dans « la bande préglaciaire froide et humide de l'Europe occidentale » (Gromova 1949a, p.126). Il possède en effet des os des extrémités d'une grande robustesse et A. Nehring (in Gromova 1949a) évalue sa hauteur au garrot à environ 1,55 m. Les restes de cet Équidé sont souvent associés à des faunes plus ou moins froides. Ce Cheval avait une aire de répartition qui s'étendait sur une grande partie de l'Europe occidentale. Dans le Sud-Ouest de la France, nous pouvons citer de nombreux gisements dont La Chaise et La Quina en Charente, Combe-Grenal et le Pech-de-l'Azé en Dordogne et Pair-non-Pair en Gironde (Guadelli 1987; Prat 1968). Il est probablement présent dans le gisement d'Atapuerca (Espagne), où des restes de chevaux ont été attribués à Equus caballus cf. germanicus (Carbonell Roura et al. 1999). En France, Equus caballus germanicus est présent « durant une bonne partie du Paléolithique moyen et le début du Paléolithique supérieur » (Prat 1968 p.406). Il a été reconnu « dans les stations moustériennes du Würm II » (Prat op. cit. p.407) ainsi qu'au « début du Würm III » à La Chaise et à La Ferrassie. Son extension chronologique est sans doute comprise entre le stade isotopique 5d et le stade isotopique 3. Equus caballus gallicus Prat, 1968 : Un siècle après leur découverte, F. Prat étudie les restes d'un Équidé trouvés à Solutré (Saône-et-Loire) par A. Arcelin dès 1866 (Arcelin 1890). Il définit une nouvelle forme d' Équidé : Equus caballus gallicus (Prat 1968). D'une taille inférieure à celle d ' Equus caballus germanicus (il ne mesurerait au garrot en moyenne que 1,35 à 1,38 m), ce Cheval possédait une morphologie différente avec des caractères caballins mieux affirmés sur sa denture. Déjà en 1949, V. Gromova décrit le Cheval de Solutré comme un petit Équidé dont les dimensions des os sont proches de celles des Chevaux sauvages : Tarpan et Cheval de Przewalski. Cet Équidé apparaîtrait dès la fin de l'interstade Würm ancien / Würm récent, vers 35 000 ans BP et perdurerait au moins jusqu' à 23 ou 24 000 ans BP en Saône-et-Loire (Guadelli 1989). Equus caballus gallicus serait, d'après F. Prat (1968) et J.-L. Guadelli (1987), un descendant direct de Equus caballus germanicus. V. Eisenmann (1982) n'approuve pas totalement cette proposition et en 1991, elle rejette cette hypothèse et attribue tous les restes concernés à Equus caballus germanicus (Eisenmann 1991 p.752). Equus caballus arcelini Guadelli, 1986 : F. Prat (1968) pensait qu'un seul Cheval était présent à Solutré (Saône-et-Loire), mais dans les niveaux magdaléniens datés de 12 500 ans BP, J.-L. Guadelli (1989) décrit un petit équidé possédant des jugales à très grand protocône. Cette forme est présente dans d'autres gisements du Würm supérieur : Le Queroy (Charente), Chasse-sur-Rhône (Isère) (Eisenmann 1991; Guadelli 1987; Guérin 1996). Ce Cheval possède des proportions à peu près identiques à celles d ' Equus caballus gallicus, seule sa taille est plus faible (1,38 m pour arcelini et 1,41 m pour gallicus) (Guadelli 1989). Cette forme descendrait probablement d ' Equus caballus gallicus. Ainsi le remplacement d ' Equus caballus germanicus par Equus caballus gallicus puis par Equus caballus arcelini s'accompagnerait d'un changement de taille. D'après V. Eisenmann (1991), ce changement pourrait être le résultat d'une migration ou d'une évolution locale. Pour N. Spassov et N. Iliev (1997), il pourrait s'agir de migrations de chevaux, au cours de la glaciation würmienne, qui se seraient produites de l'Est de l'Europe vers l'Ouest. A la suite de ces données, la lignée caballine peut être schématisée comme il est présenté dans le tableau 1. Le Cheval, animal très souvent rencontré dans les faunes préhistoriques, a fait l'objet de nombreuses études qui ont abouti à diverses propositions systématiques. F. Prat (1968) a été le premier à proposer une classification des Caballins en se fondant sur les variations de caractères évolutifs. D'autres arbres phylétiques ont également été proposés (cf. in Langlois 2004) comme par exemple celui d'A. Azzaroli (1982) ou la classification typologique de V. Eisenmann (1991). Ces classifications paraissent trop floues ou compliquent encore plus la lignée des chevaux. En effet, pour certaines filiations de l'arbre phylétique d'A. Azzaroli (1982), il manque des données et V. Eisenmann (1991), dans le sien, regroupe des espèces n'ayant aucun lien phylétique entre elles. L'arbre phylétique établi d'après les travaux de F. Prat en 1968 complété par des informations tirées de travaux ultérieurs (Prat 1969; Guadelli et Prat 1995) servira de base à nos réflexions (tabl. 1). Le gisement de La Micoque (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne), fut découvert fortuitement il y a plus d'un siècle (fig.1). C'est en effet en 1895 que, lors d'un défrichement précédant la plantation d'une vigne, des ouvriers mirent au jour le site préhistorique. En 1896, G. Chauvet et R. Rivière entreprirent les premières fouilles (Chauvet et Rivière 1896, 1897). Au cours des années suivantes, de nombreux chercheurs se succédèrent, notamment D. Peyrony qui fouilla de 1929 à 1932 et identifia 15 couches et 6 niveaux archéologiques. Ce sont A. Debénath et J.-Ph. Rigaud, qui de 1983 à 1996, dirigèrent les dernières fouilles et exhumèrent le matériel sur lequel se fonde cet article (Rigaud 1984; Debénath et Rigaud 1986). Très rapidement le gisement de La Micoque apparut d'une très grande importance, surtout en raison du développement de sa stratigraphie et de la richesse de plusieurs de ses niveaux en vestiges lithiques. Plusieurs strates livrèrent, en effet, des industries apparemment différentes de toutes celles reconnues jusqu'alors (niveaux archéologiques 2, 3, 4, 5, 5 ' et 6 des fouilles Peyrony correspondant respectivement aux couches C, E, H, J, L et N) (fig.2). Dès 1916, le gisement de La Micoque devient site éponyme du « Micoquien » (Hauser 1916 in Leroi-Gourhan 1997). O. Hauser propose ce terme pour identifier au sein de la couche sommitale aujourd'hui disparue (niveau archéologique 6, couche N de la stratigraphie établie par D. Peyrony, 1938), une industrie composée de bifaces pointus et d'éclats préparés. Ce terme fut repris par H. Breuil en 1932. Une deuxième industrie a été identifiée au sein des niveaux supérieurs par ce dernier auteur. Il s'agit des niveaux 4 et 5 qui correspondent aux couches H et J de la stratigraphie de H. Laville et J.-Ph. Rigaud (1976, fig.2). Cette industrie à débitage de type clactonien est associée à des racloirs et des denticulés « d'aspect très moustérien » à laquelle H. Breuil attribua le terme de « Tayacien ». Des analyses récentes du matériel lithique ont montré que « les couches 3 et 4 de La Micoque peuvent être considérées comme moustériennes d'après leur outillage alors que la technologie du débitage et des bifaces les rapprocherait des industries de l'Acheuléen méridional » (Delpech et al. 1995, p.155). Les industries des couches 5, 5 ' et 6 ont des « caractères acheuléens plus marqués » (Delpech et al. 1995, p.156). En ce qui concerne les datations radiométriques, les études de H. P. Schwarcz et R. Grün en 1988 et celles de C. Falguères et ses collaborateurs en 1997 ont montré que les couches fossilifères E à L2/3 ont un âge compris entre 300 et 350 ka (le niveau L2/3 est daté à 288 ± 10 ka par H. P. Schwarcz et R. Grün en 1988 et en 1997, C. Falguères et ses collaborateurs datent le même niveau à 284 ± 20 ka), elles se seraient déposées lors d'une même période semi-aride froide, au cours du stade isotopique 10 (Texier et Bertran 1993). Au cours des différentes campagnes de fouilles, l'originalité de ces techno-complexes a soulevé de nombreuses questions liées à la signification, en terme de culture, des techno-complexes eux -mêmes, à leur succession dans le temps et à leur répartition dans l'espace. Avec le Pech-de-l'Azé II (Carsac, Dordogne), La Micoque constituait le deuxième gisement archéologique du Périgord comportant une longue séquence stratigraphique du Pléistocène moyen (Peyrony 1938). Bien que, lors des dernières décennies, soit venu s'ajouter un troisième site : la grotte XV de la falaise du Conte (Dordogne), dite grotte Vaufrey (Fouilles J.-Ph. Rigaud 1988), les sites du Pléistocène moyen restent peu nombreux par rapport à ceux du Pléistocène supérieur. Enfin, le gisement de La Micoque est original car son spectre faunique (tabl. 2-annexe) est dominé par un taxon : le Cheval (plus de 88 % du matériel déterminé), alors que les gisements voisins dont nous venons de parler (Vaufrey, Pech-de-l'Azé II) livrent une faune beaucoup plus variée (tabl. 3 et 4-annexe). Les niveaux archéologiques sont regroupés d'un point de vue litho-stratigraphique dans les ensembles F4 (couches D, F, G, I à K) et DP3 (couches E, H et L) (fig.2 et 3). L'ensemble F4 d'origine fluviatile, s'oppose à DP3 dont les sédiments proviennent essentiellement du versant (Texier et Bertran 1993). Les restes de Chevaux sur lesquels s'est appuyée notre étude sont au nombre de 1446. Ils proviennent des couches D à L. Dans le tableau 5 (annexe) qui fait état de la répartition de ce matériel dans la stratigraphie, les couches les plus riches sont E, H et J. Au cours de notre étude, nous avons utilisé comme référence les données appartenant à des chevaux de différents sites, à savoir : Mosbach (Prat 1968), la Caune de l'Arago (Crégut 1979), Camp-de-Peyre (Guadelli et Prat 1995), Lunel-Viel (Bonifay 1980), Montoussé (Prat 1968), Achenheim (Prat 1968), Biache-Saint-Vaast (Auguste 1995), le Bau de l'Aubesier (Fernandez 2001), l'Abri Suard (Prat 1968), Taubach (Musil 1977), Combe-Grenal (Guadelli 1987), Pair-non-Pair (Prat 1968), Camiac (Guadelli 1987), Jaurens (Mourer-Chauviré 1980), Saint-Germain-la-Rivière (Prat 1968), Solutré (Guadelli 1987). Toutefois, certaines données n'étant pas publiées, nous avons calculé les valeurs manquantes, elles ont été signalées par une astérisque dans les tableaux de mesures. Les différents gisements pré-cités sont présentés dans notre mémoire de thèse (Langlois 2004) qui est consultable sur le site de l'Université de Bordeaux I. Bien que les restes de chevaux paraissaient appartenir à un même taxon, il était nécessaire, avant tout regroupement, de montrer qu'ils ne présentaient pas de différences significatives entre les différentes couches. Ceci a été testé sur les échantillons que composent les dents pour chaque couche. Les travaux comparatifs et les tests effectués (Langlois 2004 Annexes 15 et 16) ont montré qu'il n'y avait pas de différences biométriques significatives. Nous considérons que les vestiges d' Équidés des couches D à L correspondent à une même population. Morphologiquement, ces dents présentent des caractères caballins. Sur les jugales supérieures, on note : des faces vestibulaires du paracône et du métacône très concaves, un protocône bilobé possédant un sillon médial plus ou moins marqué, un mésostyle dédoublé et assez large sur les prémolaires et molaires, un parastyle souvent dédoublé sur les prémolaires. Sur les jugales inférieures : une double boucle dissymétrique, un métastylide triangulaire et un métaconide pédonculé et globuleux, un sillon lingual profond et en forme de U, un sillon vestibulaire peu profond. A partir de l'étude morphologique des dents, nous pouvons dire que le Cheval présent à La Micoque appartient au groupe des « vrais » chevaux : les Caballins. Les deuxièmes prémolaires supérieures (P2/) du Cheval de La Micoque ne s'individualisent pas de celles des autres Chevaux (fig.4) (Langlois 2004, tabl. 22). Le diamètre mésio-distal (DMD) du protocône de ces P2/ (tabl. 6-annexe) est peu différent de celui des chevaux de Biache-Saint-Vaast (Pas-de-Calais), du Bau de l'Aubesier (Vaucluse) et même de Combe-Grenal et de Camiac. Toutefois, relativement au diamètre mésio-distal occlusal de la dent, il est beaucoup plus court que chez ces derniers (fig.5). Les deuxièmes prémolaires supérieures du Cheval de La Micoque sont donc parmi les plus petites mesurées. En cela, elles sont proches de celles d ' Equus mosbachensis de Biache-Saint-Vaast, Bau de l'Aubesier mais également proche de celles d ' Equus caballus germanicus de Combe-Grenal et d ' Equus caballus gallicus de Camiac. Les Chevaux des sites de Mosbach, de la Caune de l'Arago et de Camp-de-Peyre possèdent des troisièmes et quatrièmes prémolaires supérieures dont la surface occlusale est très vaste (Langlois 2004, tabl. 23). En revanche, les P3-4 des Chevaux de Biache-Saint-Vaast, du Bau de l'Aubesier et de Taubach (Allemagne) ainsi qu' à Combe-Grenal et Camiac présentent des diamètres mésio-distal et vestibulo-lingual courts. Ces dimensions sont comparables à celles des prémolaires 3 et 4 du Cheval de La Micoque (tabl. 7 - annexe, fig.6). Mis à part le Cheval de Lunel-Viel qui a un protocône très court, le Cheval de La Micoque, comme tous les autres chevaux auxquels on le compare, présente des prémolaires avec un diamètre mésio-distal (DMD) du protocône relativement important par rapport au diamètre mésio-distal de la dent (fig.7). L'étude biométrique des restes dentaires permet de montrer que les prémolaires supérieures des Chevaux de La Micoque ont des dimensions relativement petites (tabl. 7-annexe) comme chez les chevaux de Biache-Saint-Vaast et du Bau de l'Aubesier. Les M1-2 supérieures du Cheval de La Micoque présentent également des particularités d'un point de vue dimensionnel : leur diamètre vestibulo-lingual (DVL) est faible relativement à leur diamètre mésio-distal (tabl. 8-annexe) (Langlois 2004, tabl. 24). Ainsi, si du point de vue de leur longueur elles se rapprochent des grands chevaux de Camp-de-Peyre et de la Caune de l'Arago, elles sont cependant beaucoup plus étroites. De part ces caractères, les M1-2 supérieures du Cheval de La Micoque se rapprochent beaucoup de celles du Cheval de Taubach (fig.8). Le diamètre mésio-distal (DMD) du protocône de ces molaires est relativement court par rapport à ce qu'on peut voir chez les « grands chevaux », en cela le Cheval de La Micoque est proche du Cheval de Lunel-Viel. On remarque que le protocône de ses M1-2 supérieures n'est pas plus long que celui des M1-2 supérieures du Cheval de Camiac dont la longueur des molaires (DMD) est pourtant beaucoup plus faible (fig.9). Les troisièmes molaires supérieures des chevaux de La Micoque possèdent des dimensions comparables à celles des Equus mosbachensis (fig.10) (Langlois 2004, tabl. 25). Elles sont massives avec un protocône très court (tabl. 9-annexe). C'est également le cas chez l ' Equus caballus gallicus de Camiac (fig.11), de même que sur les M3 supérieures du Cheval de Biache-Saint-Vaast. En définitive, le Cheval de La Micoque possède des prémolaires de petite taille, des première et deuxième molaires aussi longues (diamètre mésio-distal) que celles des plus grands chevaux mais beaucoup plus étroites (diamètre vestibulo-lingual) alors que la troisième molaire ne diffère pas de celle des plus grands Equus mosbachensis. Quant au protocône, il ne présente pas de particularités sur les prémolaires mais il est très court sur les molaires (tabl. 10-annexe). Pour rappel, l'indice protoconique représente, pour chaque dent, la longueur du diamètre mésio-distal du protocône relativement à celle du diamètre mésio-distal occlusal, le tout multiplié par 100. Cette évolution serait différente chez les chevaux de type mosbachensis et chez ceux du type caballus : l'indice augmenterait de la P2/ à la M3/ chez les premiers et chute au niveau de la M3/ chez les seconds. Cette particularité a été démontrée par V. Eisenmann en 1980 et nous la retrouvons pour les différents Équidés utilisés ici comme référents. Les figures 12 et 13 montrent clairement que : pour Camp-de-Peyre et la Caune de l'Arago, l'indice protoconique présente une élévation régulière de M1 à M3; pour Lunel-Viel et le Bau de l'Aubesier, l'élévation est forte au niveau des M1-2 puis plus faible pour M3; pour La Micoque, l'augmentation est régulière mais faible; pour Biache-Saint-Vaast, Taubach et Combe-Grenal, l'indice protoconique diminue légèrement de M1-2 vers M3; pour l'Abri Suard et Camiac, la baisse de l'indice protoconique au niveau des M3 est forte. Il existe une distinction nette entre le groupe des « grands » chevaux de type mosbachensis (auxquels on peut ajouter Equus taubachensis) et celui des chevaux plus récents : Equus caballus piveteaui, Equus caballus germanicus et Equus caballus gallicus. L'évolution de l'indice protoconique des dents jugales du Cheval de La Micoque rapproche celui -ci des formes « anciennes » du Pléistocène moyen. Le diamètre mésio-distal des dents serait lié au type de végétation dont les individus tirent leur nourriture. V. Gromova (1949a) et de nombreux autres auteurs (Guadelli et Prat 1995; Eisenmann 1982) s'accordent à dire que l'allongement du protocône (et l'accroissement de l'hypsodontie) des dents correspondraient à une végétation de type steppique. Le Cheval de La Micoque présente des jugales supérieures dont les diamètres mésio-distaux des protocônes sont relativement assez courts par rapport à ceux de la Caune de l'Arago, Camp-de-Peyre et Mosbach. Les chevaux de La Micoque, Lunel-Viel (fig.9) et Camiac (fig.11), devaient vivre dans un environnement moins steppique que les chevaux cités précédemment (Bonifay 1980; Guadelli 1987). Les deuxièmes prémolaires inférieures présentent toutes un diamètre vestibulo-lingual (DVL) relativement faible (Langlois 2004, tabl. 27). Les dents du Cheval de La Micoque se distinguent par un diamètre mésio-distal relativement élevé (fig.14 - tabl. 11-annexe). Seuls, les Chevaux de la Caune de l'Arago possèdent des dents de très grandes dimensions. Le Cheval de La Micoque, par la taille de ces P/2, se situe entre ceux de Camp-de-Peyre et Mosbach d'une part et de ceux du Bau de l'Aubesier et de Combe-Grenal d'autre part. Les P3-4 inférieures ont toutes un diamètre vestibulo-lingual relativement faible (tabl. 12 - annexe) (Langlois 2004, tabl. 28), seuls les Chevaux de Caune de l'Arago et Camp-de-Peyre présentent des prémolaires dont les diamètres vestibulo-lingual et mésio-distal sont élevés (fig.15). Le Cheval de La Micoque possède des prémolaires de longueur intermédiaire entre d'une part les chevaux de la Caune de l'Arago, Camp-de-Peyre et Mosbach et d'autre part les chevaux du Bau de l'Aubesier et de Taubach. Toutefois, les variations de dimensions du diamètre vestibulo-lingual ne sont pas très importantes entre les Chevaux de Combe-Grenal et ceux de La Micoque. Les premières et deuxièmes molaires inférieures du Cheval de La Micoque sont encore plus étroites (tabl. 13-annexe) (Langlois 2004, tabl. 29) que chez Equus caballus germanicus (Combe-Grenal) (fig.16). Leur diamètre mésio-distal (DMD) est toutefois comparable à ceux des Equus mosbachensis. Les troisièmes molaires inférieures du Cheval de La Micoque sont relativement étroites, comme les autres jugales inférieures (tabl. 14-annexe) (Langlois 2004, tabl. 30). En cela il est proche des Chevaux du Bau de l'Aubesier et de Combe-Grenal (fig.17). Le diamètre mésio-distal (DMD) est intermédiaire entre ceux des chevaux de Mosbach et de la Caune de l'Arago d'une part et de Jaurens et Camiac d'autre part. Le Cheval de La Micoque appartient bien au groupe des Chevaux de type mosbachensis avec cependant quelques particularités, à savoir : des jugales supérieures et inférieures assez longues (diamètre mésio-distal grand) mais le plus souvent très peu épaisses (diamètre vestibulo-lingual faible); un protocône court sur les molaires. Le Cheval de La Micoque se rapproche ainsi des formes plus récentes de Biache-Saint-Vaast, du Bau de l'Aubesier voire même d ' Equus caballus germanicus. Les fragments crâniens déterminables sont peu nombreux, seuls quelques fragments de rochers ont été identifiés. Deux fragments relativement complets ont permis une étude morphologique détaillée (Mic88, N27-1135, c. Eb; Mic84, P28-66, c.L2/3). L'étude de ces fragments a été rendue possible grâce à l'aide précieuse de J.-L. Guadelli (en préparation). Ces deux rochers ont une morphologie relativement comparable à celle des rochers des Equus caballus. Toutefois, quelques particularités également notées sur la portion pétreuse du temporal chez le Cheval de Camp-de-Peyre sont à relever : caudalement au méat auditif, on trouve une faible dépression semi-circulaire limitée du côté rostro-dorsal par un court relief haut et étroit d'orientation ventro-rostral/dorso-caudal, contrairement à ce qu'on peut voir chez Equus caballus (fig.18-a). L'orifice de l'aqueduc du vestibule (Apertura externa aquaeductus vestibuli) est étroit et débouche à une grande distance du bord de la face médiale (fig.18-b), or chez Equus caballus, il débouche près de ce bord; la moitié dorsale du bord caudal de la face médiale est à peu près rectiligne et peu oblique et se développe du côté médial (fig.18-c), chez Equus caballus, elle est plus ou moins irrégulière et très oblique et à tendance à se développer du côté caudal; la face caudale (Facies caudalis partis petrosae), qui est soudée à l'os occipital, est irrégulière, vaste, peu oblique en vue ventrale et se développe du côté médial (fig.19). Chez Equus caballus, elle est vaste, plus ou moins plane et oblique en vue ventrale et se développe du côté médio-caudal voire caudale. Cependant par manque de matériel de comparaison et malgré les caractères cités ci-dessus, nous ne pouvons pas, à partir des rochers, distinguer le Cheval présent à La Micoque des autres caballins. L'étude morphologique des os du squelette post-crânien apporte des informations complémentaires à l'étude biométrique. Cette étude permet de dire que le Cheval de La Micoque présente à la fois des caractères ancestraux et des caractères évolués. Sur les quelques radio-ulnas assez bien conservés, nous avons pu remarquer, sur la face médiale de l'extrémité proximale, une gouttière tendineuse qui n'est plus visible sur ce même os chez les chevaux plus récents (fig.20). Cette caractéristique est visible chez le Chevaux de Camp-de-Peyre (Guadelli et Prat 1995). Cette coulisse est surmontée d'une tubérosité bicipitale très large et massive, ceci est visible sur plusieurs fragments retrouvés à La Micoque. Ces différents caractères sont assez proches de ceux qu'on peut voir chez Equus mosbachensis campdepeyri. Ils évoquent la présence de tendons relativement plus robustes et plus puissants que chez des chevaux plus récents, nous pouvons donc dire qu'il s'agit de caractères archaïques. Certains os du carpe ainsi que des os du métapode peuvent présenter des facettes articulaires supplémentaires. Ce phénomène est visible sur les trapézoïdes et les grands os (capitatums) (fig.21, 22). D'après M.-F. Bonifay (1980), l'apparition de ces petites facettes est la conséquence de la mise en place de la monodactylie. Il s'agirait de caractères évolués. De plus, certains unciformes présentent une courbure assez marquée de leur « processus palmaire », caractères dont nous devons rechercher la signification et la fréquence sur les chevaux de type mosbachensis (fig.23). Les premières phalanges antérieures et postérieures possèdent une face palmaire très peu proéminente comme c'est le cas avec les Chevaux de Camp-de-Peyre. En ce qui concerne les os du squelette post-crânien, l'étude biométrique montre que les restes de chevaux trouvés à La Micoque appartiennent à des individus faisant partie des grands Chevaux de type mosbachensis. Les fragments de vertèbres (une caudale, une thoracique et une lombaire de juvénile) n'ont fourni aucune donnée biométrique et morphologique permettant de faire la distinction entre le Cheval de La Micoque et les autres chevaux. Les scapulas sont représentées par cinq cavités glénoïdes (tabl. 15-annexe) (Langlois 2004, tabl. 35 et 36), leur diamètre antéro-postérieur (DAP) n'est pas différent de celui des chevaux des gisements de la Caune de l'Arago et de Lunel-Viel. Toutefois, le diamètre antéro-postérieur des cavités glénoïdes du Cheval de La Micoque est relativement grand par rapport à Equus caballus gallicus et les chevaux sauvages actuels : Equus przewalskii. Les humérus sont fragmentés c'est pourquoi peu de mesures ont été prises (tabl. 16-annexe) (Langlois 2004, tabl. 38 et 39). Le diamètre transversal (DT) de l'articulation distale et le diamètre antéro-postérieur (DAP) minimum de la trochlée sont comparables aux mêmes mesures chez les chevaux de La Caune de l'Arago et de l'Abri Suard. Le radio-ulna possède des extrémités dont les mesures (tabl. 17-annexe) sont comparables à celles du même os chez Equus caballus germanicus mais les diamètres transversaux des condyles distaux sont très proches de ce qu'on peut observer chez Equus mosbachensis du Bau de l'Aubesier et de Biache-Saint-Vaast (Langlois 2004, Annexe 17). Les os du carpe ont, pour la plupart, des dimensions (tabl. 18 à 20-annexe) se rapprochant des mêmes valeurs observables chez le Cheval de l'Arago et Equus caballus piveteaui (Langlois 2004, tabl. 42 à 54). Le deuxième métacarpien du Cheval de La Micoque montre un diamètre antéro-postérieur (DAP) plus important que ceux des « grands » chevaux des sites de Biache-Saint-Vaast, Bau de l'Aubesier et Lunel-Viel (tabl. 21-annexe) (Langlois 2004, Annexe 18). Pour le quatrième métacarpien, aucune différence significative n'est visible entre les Chevaux de La Micoque (tabl. 21-annexe) (Langlois 2004, tabl. 56 et Annexe 18) et les chevaux de référence. A partir des dimensions des extrémités proximale et distale du troisième métacarpien (tabl. 22-annexe), nous pouvons faire la distinction entre plusieurs groupes. Pour les extrémités proximales (tabl. 22-annexe, fig.24), trois groupes se démarquent : le premier groupe rassemble les chevaux dont les extrémités sont très petites comme Equus caballus gallicus de Saint-Germain-la-Rivière et Solutré; le deuxième groupe est composé des chevaux d'Achenheim et de Caune de l'Arago, appartenant à l'espèce mosbachensis, qui présentent des extrémités proximales très grandes; le troisième regroupe les chevaux de La Micoque, de Camp-de-Peyre et de Biache-Saint-Vaast mais également Equus caballus germanicus de Combe-Grenal qui présentent des dimensions intermédiaires. Pour les extrémités distales (tabl. 22-annexe, fig.25), il est possible de distinguer un premier groupe composé d ' Equus caballus germanicus du site de Combe-Grenal et d ' Equus caballus gallicus des sites de Saint-Germain-la-Rivière, Solutré et Camiac. Ces Équidés présentent des extrémités distales relativement petites. Les grands chevaux, quant à eux, constituent le deuxième groupe, avec toutefois, des chevaux à extrémités distales très grandes comme les chevaux de Caune de l'Arago et d'Achenheim et des chevaux à extrémités moins robustes comme les chevaux de Lunel-Viel et de La Micoque ou encore comme Equus caballus germanicus de Pair-non-Pair. L'étude biométrique des phalanges (tabl. 23-annexe) ne permet pas de faire une distinction entre les différents chevaux de référence (Langlois 2004, Annexes 21, 22). Les os coxaux ne sont représentés que par quelques fragments qui n'ont pas pu être mesurés. De plus, il existe très peu de références métriques relatives aux différents groupes d' Équidés. Seuls quatre fragments de têtes fémorales ont été retrouvés à La Micoque (tabl. 24-annexe). Le diamètre antéro-postérieur (DAP) de cette articulation semble relativement proche des mêmes valeurs mesurées pour les chevaux de la Caune de l'Arago (Langlois 2004, chapitre 2-IV.2.2.). La patella n'est représentée que par un seul exemplaire. Ses dimensions (tabl. 25-annexe) correspondent aux valeurs les plus faibles des patella des chevaux de Caune de l'Arago (Langlois 2004, tabl. 59). Les extrémités distales de tibia des Chevaux de La Micoque montrent un diamètre antéro-postérieur (DAP) plus faible (tabl. 26-annexe) que chez les chevaux de type mosbachensis des sites de Mosbach, Montoussé et Achenheim mais il est semblable à celui des tibias des chevaux de la Caune de l'Arago et de ceux d ' Equus caballus piveteaui (Abri Suard). Pour le diamètre transversal (DT), les valeurs trouvées chez les différents chevaux sont semblables (Langlois 2004, tabl. 60). Pour les os du tarse, le talus (tabl. 27-annexe) présente un diamètre transversal (DT) de la lèvre interne de la trochlée plus faible chez le Cheval de La Micoque que chez les chevaux du groupe mosbachensis des sites d'Achenheim, Caune de l'Arago, Lunel-Viel (Langlois 2004, Annexe 23). Equus caballus piveteaui, quant à lui, possède un talus de dimensions plus grandes dans son ensemble comparé à celui du Cheval de La Micoque. Le calcaneus, en faible nombre, est assez court (tabl. 28-annexe), sa longueur est semblable à la longueur des calcanéums appartenant au Cheval de Przewalski (Gromova 1949b). Il est également étroit comme M.-F. Bonifay le remarque pour l' Équidé de Lunel-Viel (Bonifay 1980). Le diamètre antéro-postérieur (DAP) du bec est faible, comparable à ce qui a été décrit pour Equus caballus germanicus ou Equus caballus gallicus (Langlois 2004, Annexe 24). Les naviculaires trouvés à La Micoque (tabl. 29-annexe) sont à rapprocher des mêmes os des grands chevaux tels que ceux de Caune de l'Arago, ceux de Lunel-Viel et Equus caballus piveteaui de l'Abri Suard. Les naviculaires d ' Equus caballus germanicus et Equus caballus gallicus sont plus petits (Langlois 2004, tabl. 64). Pour les cuboïdes, nous n'avons aucune valeur pour Equus mosbachensis. Cependant leurs diamètres transversaux sont proches des valeurs données pour Equus caballus germanicus et Equus caballus gallicus (tabl. 29-annexe) (Langlois 2004, tabl. 66). Les grands cunéiformes du Cheval de Lunel-Viel et Equus caballus piveteaui sont semblables à ceux découverts à La Micoque (tabl. 30-annexe; Langlois 2004, tabl. 68). Les petits cunéiformes sont relativement courts (tabl. 30-annexe), comme chez Equus caballus gallicus tandis que leurs diamètres transversaux se rapprochent de ceux visibles chez le Cheval de Caune de l'Arago et Equus caballus gallicus de Solutré (Langlois 2004, tabl. 70). Les métatarsiens accessoires (II et IV) sont représentés par leur extrémité proximale (tabl. 31-annexe). Leurs dimensions sont données à titre comparatif car ils sont trop peu nombreux dans les autres gisements de référence (Langlois 2004, tabl. 72 et 73). Pour le métatarsien III, l'étude biométrique (tabl. 32-annexe) (Langlois 2004, Annexes 25 et 26) nous permet de distinguer plusieurs groupes parmi les Équidés de référence. On remarque que 3 groupes se distinguent (fig.26) : le premier est composé d ' Equus caballus gallicus des sites de Camiac, Solutré et St Germain-la-Rivière, l'extrémité distale des métatarsiens III de ces Équidés est petite; le second rassemble les chevaux des sites d'Achenheim et de Biache-Saint-Vaast attribués à l'espèce mosbachensis mais également Equus caballus piveteaui de l'Abri Suard, ces chevaux possèdent des métatarsiens III dont l'extrémité distale est grande. Entre ces deux groupes, nous individualisons un troisième ensemble comprenant les chevaux de La Micoque, de Caune de l'Arago et de Camp-de-Peyre. L'équidé de Lunel-Viel possède des métatarsiens dont le diamètre transversal (DT) de l'extrémité distale est comparable à celui des Equus caballus gallicus mais le diamètre antéro-postérieur (DAP) est proche de celui des chevaux de La Micoque, de Camp-de-Peyre et de la Caune de l'Arago. Fautes de données, la comparaison avec des chevaux plus anciens tels que le Cheval de Mosbach n'a pu être faite. En définitive il apparaît, comme pour les métacarpiens III, que le Cheval de La Micoque possède des métatarsiens III dont les dimensions de l'extrémité distale sont comparables à celles des chevaux de type mosbachensis. Nous venons de voir que les chevaux des différents sites peuvent se répartir en fonction des dimensions de l'extrémité distale de leurs os canons. Cette répartition s'avère identique si l'on considère le troisième métacarpien ou le troisième métatarsien. Il est important de noter que les chevaux appartenant aux espèces germanicus et gallicus possèdent des os canons dont l'extrémité distale est petite, il en est de même pour le Cheval de Lunel-Viel. Chez les Chevaux des sites d'Achenheim et de Biache-Saint-Vaast, ces mêmes os présentent des extrémités distales grandes voire très grandes. Chez le Cheval de l'Arago, le troisième métacarpien possède des extrémités proximale et distale relativement grandes alors que le troisième métatarsien montre une extrémité distale plutôt petite. Le Cheval de La Micoque, quant à lui, possède des os canons dont les extrémités distale et proximale ont des dimensions plus importantes que chez les chevaux de l'espèce Equus caballus mais plus petites que chez les chevaux de Biache-Saint-Vaast et Achenheim. Enfin, les phalanges postérieures ne présentent pas de mensurations significativement différentes des phalanges des autres Équidés (tabl. 33-annexe) (Langlois 2004, Annexes 27 et 28). Les deux premières phalanges, malgré un échantillon restreint, paraissent toutefois plus graciles que celles des chevaux de Biache-Saint-Vaast et de Mosbach. L'étude biométrique des os du squelette montre que le Cheval de La Micoque appartient sans aucun doute à l'espèce Equus mosbachensis. Cependant, certains os possèdent des dimensions qui peuvent rapprocher le Cheval de La Micoque de chevaux tels que Equus caballus piveteaui (dimensions de l'extrémité distale des humérus, des os du carpe et de quelques os du tarse) ainsi que Equus caballus germanicus (dimensions des extrémités des radio-ulnas, de l'extrémité distale des métacarpiens III, ou de quelques os du tarse). Nous pouvons noter également que les os canons présentent des extrémités dont la taille est intermédiaire entre celle rencontrée chez les grands chevaux appartenant à l'espèce mosbachensis et celles des chevaux plus récents comme Equus caballus germanicus et Equus caballus gallicus. A ce stade des études biométriques et morphologiques sur le matériel osseux et dentaire, il est possible de confirmer l'attribution du Cheval de La Micoque à l'espèce Equus mosbachensis. Ce Cheval paraît être à un stade d'évolution intermédiaire entre d'une part les Equus mosbachensis trouvés à Mosbach, Camp-de-Peyre, Lunel-Viel et Caune de l'Arago et d'autre part Equus caballus piveteaui, plus proche cependant d'un point de vue évolutif du second que du premier. Cette position ne va pas à l'encontre des âges radiométriques : le stade isotopique 10 (Falguères et al. 1997) et géologiques (Texier et Bertran 1993) proposés pour le gisement de La Micoque. L'attribution taxonomique du Cheval de La Micoque confirme les études précédentes qui rapprochaient ce Cheval de l'espèce Equus mosbachensis du Pléistocène moyen. L'étude approfondie des restes de ce Cheval nous permet, en effet, de confirmer que cet Équidé correspond aux chevaux de type mosbachensis mais il présente suffisamment de particularités pour justifier, nous semble -t-il, la création d'une sous-espèce. Celle -ci, que nous proposons d'appeler Equus mosbachensis micoquii, possède des caractères biométriques et morphologiques particuliers au sein de la lignée des Chevaux du Pléistocène moyen. Equus mosbachensis micoquii nov. ssp. Holotype : série inférieure droite : P2-P3-P4-M1 notée Mic 85, O 25, c. L2/3, n° 479 (fig.27) Paratype : tout le matériel dentaire et osseux attribué au Cheval issu des fouilles de A. Debénath et J.-Ph. Rigaud entre 1983 et 1996 Localité-type : La Micoque aux Eyzies-de-Tayac Niveau type : Ensemble moyen, ensemble stratigraphique F4 (couches D, F, G, I à K) et ensemble stratigraphique DP3 (couches E, H, J et L). Diagnose : Denture : Morphologie typiquement caballine (sensu lato), à protocône relativement court sur les M1/-2/ et les M3/. Les M1/-2/ et toutes les jugales inférieures ont un diamètre vestibulo-lingual faible voire très faible. Squelette post-crânien : Région proximale du radius : le bord dorsal de la cavité glénoïdale médiale est oblique; la coulisse tendineuse du muscle brachial antérieur, bien marquée, est surmontée d'une tubérosité bicipitale très large et massive. Os du carpe : Trapézoïde : il présente 1 ou 2 facettes articulaires supplémentaires pour le grand os et/ou le métacarpien III. Grand os : il possède une facette articulaire supplémentaire pour le trapézoïde. L'unciforme présente un processus palmaire très courbe. Métacarpien III : la facette articulaire répondant au trapézoïde est très réduite, celle répondant à l'unciforme est vaste; l'angulation entre les facettes articulaires correspondant à l'unciforme et au grand os est peu marquée. Insertion musculaire latérale et médiale au niveau de l'extrémité distale très marquée et saillante. Os du tarse : le calcanéum est relativement court. Métatarsien III : la facette articulaire correspondant au cuboïde est très petite. Phalanges antérieures et postérieures : insertion ligamenteuse très peu proéminente sur les faces palmaires et plantaires. Le Cheval est un taxon bien représenté dans les gisements archéologiques depuis le milieu du Pléistocène inférieur. De plus, la morphologie osseuse et dentaire a permis aux chercheurs de mettre en évidence au moins une lignée évolutive conduisant du Cheval de Mosbach (datant du Pléistocène inférieur) au petit Cheval de Solutré (Equus caballus arcelini, datant de la fin du Pléistocène supérieur). Le genre Equus est donc de première importance pour la datation relative des sites dans lesquels il est présent. Au cours de nos études morphologiques et biométriques, il est apparu que de nombreux caractères du Cheval de La Micoque correspondaient à ceux d ' Equus mosbachensis, à savoir des jugales supérieures dont l'indice protoconique ne cesse d'augmenter de la P2 à la M3, des jugales inférieures relativement étroites (DVL peu élevé), une gouttière tendineuse présente sur la face médiale de l'extrémité proximale du radio-ulna; une extrémité distale des métacarpiens et métatarsiens principaux dont les tubercules sus-articulaires sont assez développés. Quelques particularités, notamment pour les dents et les os courts, suggèrent qu'il se positionne très près des chevaux de Biache-Saint-Vaast et du Bau de l'Aubesier voire même d ' Equus caballus germanicus. Parmi les caractères considérés comme « évolués », rappelons notamment : la petite taille des P2 et des P3-4 supérieures; la faible épaisseur des premières et deuxièmes molaires supérieures et inférieures; le faible développement relatif du protocône des M1-2 et M3 supérieures. Si l'on considère ces caractères comme des caractères évolutifs, les caballins se seraient ainsi succédés, du plus ancien au plus récent (tabl. 34-annexe). Dans ce tableau, nous avons placé les chevaux de type mosbachensis au sein d'une même espèce. Comme nous l'avons dit précédemment, de nombreux auteurs font d ' Equus mosbachensis une espèce distincte. D'après les études morphologiques et biométriques, notamment des jugales supérieures, nous adhérons totalement à l'hypothèse d'une espèce regroupant les grands chevaux de type mosbachensis en y distinguant des sous espèces comme à Lunel-Viel, Caune de l'Arago, Camp-de-Peyre et La Micoque . | Le gisement de La Micoque (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne), dès sa découverte à la fin du 19ème siècle, a intéressé de très nombreux fouilleurs et spécialistes. Il présente une longue stratigraphie qui a livré plusieurs assemblages lithiques et osseux originaux. Cependant, de nombreux points restaient encore à préciser comme le degré d'évolution du Cheval (taxon dominant) et la biostratigraphie du gisement. L'étude paléontologique a permis de mettre en évidence la présence d'un Cheval de l'espèce Equus mosbachensis présentant des caractères particuliers justifiant la création d'une sous-espèce: Equus mosbachensis micoquii et de positionner chronologiquement le site de La Micoque entre les sites de Lunel-Viel (Hérault) et Biache-Saint-Vaast (Pas-de-Calais). | archeologie_08-0169858_tei_241.xml |
termith-103-archeologie | La grotte de Fauroux s'ouvre dans un petit vallon affluent de celui du Fontarnaud qui lui -même rejoint la rive droite de l'Engranne, affluent en rive gauche de la basse vallée de la Dordogne. Cette cavité creusée dans le calcaire à Astéries (Rupélien), semble avoir été connue de l'abbé Labrie qui en signala la découverte en 1922, à un kilomètre à l'ouest de la grotte de Fontarnaud, à la faveur d'une carrière souterraine de « la caverne de la Chaume » (La Chaume et Fauroux sont deux lieux-dits proches géographiquement). L'abbé Labrie y entreprit des recherches dont les résultats ne firent l'objet que d'une brève mention sur la présence de Magdalénien (Labrie 1923). La collection Labrie a finalement disparu et le gisement, mentionné ultérieurement par J. Ferrier (Ferrier 1938) et qualifié comme d'importance secondaire, tomba dans l'oubli jusqu'en 1975. A cette date, M. Lenoir et S. Terraza le redécouvrirent en visitant une galerie d'ancienne carrière souterraine que recoupent des petits boyaux naturels très étroits. Ces derniers rejoignent un conduit plus important qui débouche sur un porche d'abri masqué par de gros effondrements et des dépôts récents (Lenoir 1983). Le remplissage en fond de galerie montrait, sous des apports récents bouleversés par des terriers de renard et de blaireaux, des dépôts plus anciens livrant de l'industrie lithique et de la faune pléistocène. Précédée de sondage, une campagne de fouille fut effectuée en 1978 dans la galerie principale et dans le talus externe en avant de l'effondrement où les dépôts reposaient sur une terrasse rocheuse prolongeant le plancher de l'abri. Dans la galerie principale, ces fouilles ont distingué deux ensembles (I et II). Les niveaux de l'ensemble supérieur (Ia et Ib) ont livré une industrie azilienne (débitage d'éclats et débitage laminaire peu développé, pointes aziliennes). Ceux de l'ensemble inférieur (IIa et IIb) ont permis de mettre en évidence une industrie évoquant davantage le Magdalénien (débitage laminaire, lamelles à dos et burins dièdres). La faune associée aux industries aziliennes comprend surtout des restes de lagomorphes, de Sanglier et de Cerf. Celle des niveaux magdaléniens comporte des vestiges de Renne et de Cheval et témoigne de conditions plus rigoureuses (Gilbert 1984). En outre, dans le talus, une dépression naturelle du plancher rocheux a permis de relever des indices de Solutréen. Des éléments néolithiques et de l'Age du Bronze ont également été identifiés dans des limons brun roux de la partie supérieure des dépôts du talus. Enfin, des limons humiques bruns foncés sus-jacents renfermaient de la céramique médiévale (Lenoir 1983). Les vestiges d'un adulte et d'un jeune enfant ont été découverts dans un des niveaux aziliens du remplissage à hauteur du porche effondré : niveau Ib-carrés E 30, F 30, G 30 (Lenoir 1983; Gambier et Lenoir 1991). Toutefois, leur position très superficielle et la faible épaisseur des dépôts paléolithiques ne permettaient pas d'exclure une ancienneté moindre et en particulier une contemporanéité avec les éléments post-paléolithiques représentés dans le talus. Il est donc apparu nécessaire de réaliser une datation directe de ces vestiges humains. Les restes humains de la grotte de Fauroux appartiennent à un immature et à un adulte dont l' âge au décès ne peut être précisé. L'enfant est représenté par le tiers distal de l'humérus gauche, le fémur gauche et une deuxième molaire déciduale supérieure droite. La longueur du fémur et ses caractéristiques indiquent un âge au décès se situant entre six et 12 mois (d'après Maresh In Scheuer et Black 2000). La seconde molaire déciduale correspond à un âge dentaire situé entre 12 et 18 mois (Morrees et al. 1963). L'adulte, encore plus fragmentaire, est identifié à partir d'une diaphyse de radius droit privée d'épiphyse distale et d'un premier métatarsien gauche dont les deux épiphyses manquent. La datation a été effectuée sur le fémur gauche de l'enfant bien conservé (référence de fouille FX-Q1). L'échantillon prélevé sur le milieu de la diaphyse pesait 0,3 gramme (voir tableau). Le collagène a été extrait selon la méthode décrite dans Bocherens et al. (1997) à l'Institut de Préhistoire, Protohistoire et Archéologie du Moyen Âge de Tübingen (Allemagne). Les analyses élémentaires du collagène (N coll et C coll) ont été effectuées au département de Géochimie de l'université de Tübingen (Allemagne). Les rapports C/N atomiques du collagène (C/N coll) permettent de vérifier la fiabilité du résultat de l'analyse isotopique. Ainsi, un C/N coll compris entre 2,9 et 3,6 atteste que les teneurs isotopiques mesurées correspondent bien à celles enregistrées du vivant de l'individu (DeNiro 1985). Les mesures AMS effectuées par le Centre de Recherche sur les Isotopes de l'université de Groningen ont permis de dater le collagène extrait de la diaphyse du fémur de 5035 ± 30 ans BP (GrA-38 080) ce qui correspond à un âge de 3948 - 3761 ans av. J.-C. d'après la courbe de calibration intcal 04 et le logiciel CALIB rev5.0.2© (Reimer et al. 2004). Le collagène qui a fait l'objet de cette datation présente une composition en carbone et azote qui confirme son intégrité biogéochimique, à savoir un rapport atomique C/N coll compris entre 2,9 et 3,6 et des pourcentages de N coll et C coll similaires à ceux observés sur des ossements actuels. Ce résultat exclut ce fossile de la période du Paléolithique supérieur et en particulier de l'Azilien auquel il avait été initialement associé et le renvoie au Néolithique. Il est cohérent avec la présence de vestiges néolithiques dans le site. Les vestiges humains de la grotte de Fauroux constituent un nouvel exemple de vestiges humains récents intrusifs dans un niveau paléolithique et démontrent l'intérêt de datations directes systématiques des vestiges humains . | La grotte de Fauroux a fourni deux ensembles stratigraphiques attribuables au Magdalénien et à l'Azilien. Des vestiges humains d'un adulte et d'un jeune enfant ont été découverts dans l'un des niveaux de l'Azilien et ont ainsi été attribués à cette culture. Cependant, une confirmation de cette attribution par une datation directe semblait nécessaire au vu des perturbations subies par le site suite à des effondrements et de la présence d'éléments post-paléolithiques. Le fémur gauche de l'individu immature a été retenu et a livré une date de 5035 ± 30 ans BP (GrA-38080, 3948 - 3761 ans av. J.-C.) qui place finalement ce vestige dans la période du Néolithique. | archeologie_10-0039799_tei_203.xml |
termith-104-archeologie | Le site de Lann-Porz-Menec'h, au sud-ouest du hameau de Kerham, commune de Ploemeur (Morbihan), est implanté en face de l' île de Groix, sur le flanc d'une petite éminence dominant les environs à 20 m NGF et la côte toute proche (fig 1). L'étude de la correspondance du commandant Le Pontois à son ami Paul Du Châtellier, conservée aux Archives départementales du Finistère à Quimper, a permis de retrouver des documents rédigés de sa main après sa fouille de Lann-Porz-Menec'h en 1891. Précieux pour notre connaissance du site même s'ils restent d'une grande imprécision, ils comprennent une lettre du 20 janvier 1896 détaillant longuement les distances entre les monuments fouillés afin de prouver l'existence d'unités de mesure ayant présidé à leur construction, des listes de mobilier, ainsi qu'un plan général et un plan de détail de deux d'entre eux. Un autre plan, non daté, Figure les sites répertoriés par Le Pontois, du Fort-bloqué (au nord-ouest) au Courégan (au sud-est), dont il avait fouillé la plupart des structures funéraires dans les années 1891-1896 (fig 2). Le site de Lann-Porz-Menec'h comprend à cette époque trois grands tumulus mégalithiques, un monument circulaire, et trois très petits tumuli (sic) (fig 3). L'ensemble des structures a été fouillé de manière plus ou moins exhaustive à partir de 1891, le but étant de rechercher les sépultures avec mobilier. Une partie des objets, confiée à Paul Du Châtellier en plusieurs envois, dont un en 1904, est actuellement conservée au Musée d'Archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye (CHPP, 2003, p. 21-35). Les monuments les plus remarquables, les tumulus de Tuchenn Pol (27 m de diamètre), Tuchenn Bonhomme (34 m x 12) et Tuchenn Bonnefemme (45 m x 25), sont disposés sur une ligne nord-nord-est/sud-sud-est. Au sud-est de la tombe à couloir mégalithique de Tuchenn Pol, située sur le point culminant de la butte, est implanté un monument circulaire, représenté par Le Pontois sous la forme de deux parements concentriques de pierres, l'un d'environ 8 m de diamètre, l'autre de 12 m (fig 4). Ce plan de détail de la tombe à couloir et du monument circulaire est le seul document conservé présentant l'architecture de ce dernier telle qu'elle a été perçue par Le Pontois après la fouille. L'irrégularité des parements du monument circulaire et la complexité évidente du plan du Tuchenn Pol montrent manifestement d'importants remaniements traduisant une évolution des structures funéraires mal comprise par Le Pontois. Depuis, l'ensemble du site a été très dégradé par les aménagements liés au Mur de l'Atlantique de la Seconde Guerre mondiale (blockhaus, tranchées…), puis par des remblais d'un mètre d'épaisseur recouvrant le Tuchenn Pol et le monument circulaire, et enfin par les terrassements liés à l'installation du Golf Océan, dans les années 1980. Les relevés réalisés par Le Pontois puis par R. Bertrand, de la Société lorientaise d'Archéologie, en 1977 restent les documents les plus précis à ce jour pour notre connaissance des monuments mégalithiques (Bertrand 1992). Quant aux trois petits tumuli, ils ont probablement été détruits. Un sondage a été mené en octobre 2005 sur le monument circulaire, remis au jour en 2004 par le Collectif pour la Sauvegarde du Patrimoine mégalithique ploemeurois lors des travaux de mise en valeur du Tuchenn Pol. Ce dégagement avait fait apparaître le parement interne figurant sur les plans de Le Pontois. La similitude de cette structure avec certains tumulus – comme les sépultures à murets circulaires du Bono ou de Pluvigner « Talhouët » (Morbihan) -, attribués au premier âge du Fer et à la transition du premier et du second âges du Fer en Bretagne (Giot et al., 1995, p. 220-228; Milcent, 1993; Tanguy et al., 1990), nous ont conduits à mener une campagne de sondage afin de disposer d'éléments plus précis sur son architecture et sa datation. En effet, les documents de Le Pontois ne faisaient mention d'aucune découverte de mobilier ni de sépultures permettant d'en approcher les pratiques funéraires ou la période d'utilisation. Un décapage à la pelle mécanique a permis de dégager les niveaux archéologiques enfouis sous les remblais modernes aux abords du Tuchenn Pol. Il n'a porté que sur le monument lui -même à l'ouest, alors qu'il a été étendu un peu plus largement vers l'est. Le décapage manuel a été effectué sur la quasi totalité du tumulus, un dégagement plus fin n'étant pratiqué que sur la partie centrale et un quart sud de celui -ci. Deux bermes perpendiculaires ont été réservées de manière à conserver un témoin stratigraphique de la partie centrale du tertre et une coupe a été réalisée dans la partie sud-est du site (fig 5 et 6). La stratigraphie montre une destruction quasi complète du monument, conservé sur une hauteur d' à peine 0,45 m. Sous les remblais d'après-guerre, apparaissent directement les niveaux encore en place, scindés en deux ensembles délimités par un parement de blocs en granite local et correspondant à deux phases d'utilisation du site (fig 7). – Il correspond à l'emprise du parement interne figurant sur le plan de Le Pontois (fig 4). – Il est construit sur le paléosol limoneux, épais d'une trentaine de centimètres, reposant lui -même sur la roche granitique. – Il est délimité par un parement circulaire de 8,20 m de diamètre, partiellement détruit dans le quart ouest (fig 8). Conservé sur trois assises au maximum, il est soigneusement agencé de manière à offrir une surface régulière en forme de tronc de cône (fig 9). Les pierres sont de modules très variables, oscillant entre 0,25 et 0,50 m de longueur pour 0,15 à 0,45 m de large. Leur hauteur va du simple au triple, la préférence étant donnée aux blocs de 0,30 à 0,40 m de longueur sur une vingtaine de centimètres de largeur et une quinzaine de centimètres d'épaisseur. Leur forme importe peu; seule la face extérieure, correspondant généralement à la longueur maximale, présente une surface bouchardée, tandis que les côtés sont simplement régularisés pour pouvoir être assemblés à sec, parfois avec l'aide de petites pierres de calage. L'un des blocs, situé au nord-ouest, présente deux cupules sur sa partie sommitale, imitant peut-être les pierres à cupules visibles aux abords des monuments mégalithiques, telle celle qui provient du site proche de Lann Tinikeï, au nord de Kerham. Il est possible que le reste du parement ait présenté des moellons plus réguliers que ceux utilisés pour sa base, seul témoin conservé de cette structure. Sa hauteur initiale est difficile à apprécier. Une photographie prise en 1891 depuis le Tuchenn Pol en cours de fouille par Le Pontois (fig 10) montre le monument circulaire, qu'on aperçoit à peine au second plan et qui est recouvert de broussailles. Il n'a probablement pas encore été fouillé et ne dépassait pas un mètre de hauteur. En revanche, l'ampleur remarquable des talus délimitant la parcelle vers le sud-est est visiblement liée à l'épierrement du site, ce qui donne une idée de l'état de destruction de ce dernier au moment du cliché. La mise en culture des terres à l'est et au sud des sites inventoriés par Le Pontois a pu faire disparaître d'autres monuments. – Une assise de pierres disposées sur le paléosol est partiellement conservée le long de la face interne du parement, notamment dans le quart sud de la structure (fig 11); elle correspond très probablement aux vestiges du blocage interne du tumulus, épierré dans sa quasi totalité lors des fouilles de Le Pontois, à la recherche de sépultures ou de mobilier. Une couche de terre noire de type « terre de bruyère », mêlée d'arène granitique, recouvre l'ensemble sur une vingtaine de centimètres, y compris une fosse disposée au centre du tumulus. Cette fosse, de 2,80 m sur 1,20 m et orientée nord-nord-ouest/sud-sud-est, est creusée dans le limon jusqu'au socle granitique; ses bords sont réguliers (fig 7, coupe B-B '), sauf le côté est qui semble remonter en formant une petite dépression (coupe D-D '); son remplissage est semblable à la couche de terre de bruyère, avec toutefois des pierres plus nombreuses en rejet dans le comblement. Cette fosse centrale pose un problème dans la mesure où il est impossible d' être certain qu'elle n'est pas une création de Le Pontois à la recherche d'une sépulture centrale; il n'existe en effet pas de rupture stratigraphique entre la terre de lande qui s'est constituée à l'issue des fouilles en 1891 et son remplissage. Toutefois, deux des tumulus du Rocher (Le Bono, Morbihan) (les n° 4 et 5) ont livré des structures semblables (fig 18) : leurs caveaux ne sont pas parementés dans la partie creusée dans le paléosol, contrairement à leur partie supérieure ménagée dans le cairn (Milcent, 1992, pl. 3 et 6; Haldemann, 2005, p. 15-27, fig 5-6). Nous proposons donc de retenir l'hypothèse d'une sépulture centrale, entièrement fouillée en 1891 et probablement à inhumation puisqu'aucun ossement incinéré n'a été signalé. À l'extérieur du parement, la surface fouillée est occupée par une couche de blocs de granite d'une quarantaine de centimètres d'épaisseur, reposant sur le limon; elle est mêlée à une terre de lande assez semblable à celle qui recouvrait la partie centrale du tumulus. La disposition des pierres montre qu'elles proviennent de la destruction volontaire ou de la ruine progressive du tertre. Des piles de pierres provenant du parement se sont effondrées sur le paléosol au pied du monument (fig 12). La couche est ensuite constituée de blocs de parement et du remplissage interne du tumulus, étalés en vrac. Ce niveau de destruction connaît des remaniements dont le sondage nous a laissé percevoir quelques traces (fig 13). – Le pourtour de la couche de pierres est régularisé, les blocs étant disposés à plat de manière à former une nouvelle structure circulaire d'un diamètre estimé à 16 m à la base, sans parement conservé, du moins dans la partie étudiée lors de ce sondage. – Dans le quart sud-ouest, deux structures ont été aménagées dans la masse de pierres : * des blocs provenant sans doute du parement effondré forment la bordure d'une fosse oblongue de 0,90 x 0,35 m pour 0,10 à 0,15 m de profondeur, orientée sud-est/nord-ouest; ils signalent la présence d'une possible tombe à inhumation d'enfant, conservée sur une seule assise (sépulture n° 1 : fig 14 et 16); * une seconde ligne de pierres longeant une dépression d'une quinzaine de centimètres de profondeur correspond vraisemblablement à une autre structure de ce type, dont le côté nord était effondré dans la fosse; ses dimensions, environ 2 m sur 0,40 m, conviendraient à une tombe d'adolescent ou d'adulte, orientée est-ouest et conservée sur une assise, le fond n'étant constitué que de l'éboulis régularisé (sépulture n° 2 : [fig 15 et 16]). – Le remplissage de ces deux structures – sans mobilier ni charbon de bois – se compose de terre de lande et de petites pierres. Une grande pierre plate de 0,38 x 0,60 m et d'une dizaine de centimètres d'épaisseur, posée sur la couche de pierre à 1,50 m au nord-est de la sépulture n° 1, provient peut-être de la couverture de celle -ci (fig 5 et 13). Aucun élément justifiant l'existence du second parement identifié par Le Pontois n'a été mis en évidence. Toutefois, son tracé se superpose au bord nord de la possible inhumation d'adulte (n° 2), dont la disposition correspond au niveau le plus haut de la couche de pierre et qui descend ensuite en pente douce vers le sol naturel. Le Pontois a pu extrapoler en prenant cette ligne de pierres – et peut-être les bordures de tombes semblables dans une partie non fouillée – comme référence pour tracer sa seconde ligne de parement. Les anomalies du plan de Le Pontois correspondent peut-être à l'existence de tombes non identifiées comme telles, par exemple les irrégularités de ses deux parements f ou f ' et f ' ' (fig 4). Il est en effet probable que d'autres tombes aient pu être construites ailleurs dans le tertre, ainsi que d'autres petites structures comme le probable petit coffre ou « implantation d'un signal » t (0,40 x 0,20 m). Un autre « débris d'un coffre ou d'une emplanture » (Le Pontois, 1896), dénommé y, correspond au bord oriental de la sépulture n° 2. Nous n'avons pas retrouvé la trace de cette structure, d'environ 0,50 x 0,50 m, à l'est de la sépulture. Mais les destructions liées à la fouille de Le Pontois sont difficiles à évaluer : certaines structures ont pu être totalement démontées sans qu'il en reste aucun témoin. La faible profondeur des aménagements que nous proposons d'identifier comme sépultures atteste en effet une modification importante de la configuration des lieux depuis l' âge du Fer, qu'elle soit liée à la ruine du site, aux prélèvements de matériaux au cours des temps ou à la fouille de Le Pontois. Un coffre de 28 cm² (sic) (Le Rouzic, 1929, p. 4-5), rempli de terre noire brûlée, a également été mis en évidence dans le tumulus n° 5 du Bono (Haldemann, 2005, p. 20). La fonction de telles structures est difficilement identifiable en l'absence de fouilles récentes et de mobilier déterminant. On peut également attribuer à Le Pontois d'importantes perturbations comme l'absence de pierres le long de la face sud-ouest du parement délimitant le monument initial et dans le quart ouest de la fouille, où les seuls blocs mis au jour proviennent exclusivement du parement, visiblement repoussés vers l'extérieur après le démontage du tumulus. Les constructions de tumulus aux parements de pierres soigneusement taillées ont frappé les érudits dès le milieu du xix e siècle, tels P. Du Châtellier ou Z. Le Rouzic. Au-delà de cette apparence, ces monuments présentent de notables différences du point de vue de leur disposition interne et des pratiques funéraires qui ont pu y être identifiées ou du moins signalées (cf. par ex. Marsille, 1923). Les interventions dont ils ont été l'objet n'ont été suivies, dans le meilleur des cas, que de publications très laconiques, difficiles à interpréter. Plus récemment, P. -Y. Milcent a distingué trois catégories parmi ces tertres (Milcent, 1992, p. 97-103; 1993 p. 24-25). – Groupe A : un muret circulaire, de 5,5 à 14,5 m de diamètre, délimite un noyau fait de pierres; le tumulus renferme un ou deux caveaux appareillés de petits moellons. Les tumulus du Rocher au Bono et de Talhouët à Pluvigner (Morbihan) appartiennent à cette catégorie. – Groupe B : le tertre circulaire, de 3 à 6,70 m de diamètre, est englobé dans une chape de pierres, tels ceux de Coat-Plenn-Coat à Saint-Goazec (Finistère), Lann-en-Ilizien à Silfiac (Morbihan) et peut-être Kerbascat à Tréguennec ainsi que Parc-er-Lostec à Scaër (Finistère); les sépultures à incinération en urne y sont protégées par des coffres bâtis d'une manière originale au centre du monument. – Groupe C : à l'intérieur des murets circulaires, d'un diamètre de 6 à 8,75 m, les tertres sont édifiés essentiellement en terre, comme à Carnac « Nignol » et « Coet-à-Tous » ou Sérent « Boquidet » (Morbihan); un cercle de gros moellons bruts double l'intérieur du muret. Ces tertres abritent une dizaine d'incinérations en urne et – à Sérent – en fosse. Malgré son fort degré d'arasement, il semblerait que le site de Lann-Porz-Menec'h appartienne au groupe A. En effet, la « chape » de pierres dans laquelle il est englobé ne correspond pas à une construction inhérente au tumulus comme dans le groupe B mais à la couche de destruction remaniée du monument initial. Il nous a donc paru utile de revenir sur la comparaison entre les sépultures dites à muret circulaire et celle de Lann-Porz-Menec'h, afin de tenter de mieux cerner la chronologie de cette dernière en l'absence de mobilier conservé. Toutefois, la grande majorité des sites n'étant connue que par des découvertes anciennes, l'utilisation des croquis ou des descriptions reste délicate et ne permet de proposer que des hypothèses pour sérier les critères architecturaux ou pour dater l'évolution des pratiques funéraires (table. 1a). Le site le plus emblématique des tumulus de pierre attribués à l' âge du Fer est celui du Rocher au Bono, classé Monument historique dès 1928 (fig 17). Fouillé à de multiples reprises de 1844 à 1928, il a été restauré par Z. Le Rouzic en 1928; ce dernier en a dressé des coupes et des plans schématiques, quasiment les seuls utilisables pour cette série (Milcent, 1992, pl. 1-11). La nécropole s'est implantée autour d'un grand tumulus néolithique à couloir (n° 6), qu'elle intègre dans une ligne nord-est sud-ouest d'au moins sept tumulus de pierres parementés, trois tombelles en terre venant visiblement s'agréger à cet ensemble par la suite (n° 9 à 11). Le petit vallon à l'ouest du site a également livré des structures mal identifiées, « de larges foyers de pierres calcinées, quelques charbons de bois épars, des piles de bracelets de bronze au milieu de cendres d'os, […] », « un véritable champ des morts » (Platel de Gange, 1872, p. 131; Milcent, 1992, p. 110; Haldemann, 2005, p. 16). On peut s'interroger sur la nature et la contemporanéïté des structures, et sur le sens du terme « cendres d'os » : s'agit-il des ultimes témoins d'inhumations, conservés malgré l'acidité du sol, ou bien d'incinérations ? Trois groupes architecturaux peuvent être distingués dans cette nécropole (table. 1b). 1/ Les deux tumulus aux dimensions les plus vastes protègent un caveau allongé et un caveau annexe parallèle au précédent, plus petit mais d'une taille encore respectable. Seul le grand caveau de la tombe n° 7 a livré, « avec les restes d'un squelette allongé » (Le Rouzic, 1933a, p. 258), au moins 27 bracelets en bronze, 5 en fer, 5 en lignite, de très nombreuses armilles, 5 perles en verre bleu, 3 anneaux de bronze, etc., datables du Hallstatt D1/D2 à l'exception des bracelets en lignite plus tardifs attribuables au Ha D3/La Tène A1 (Milcent, 1992, p. 177-178, pl. 34-43; Gomez de Soto et Milcent, 2000, p. 367; Haldemann, 2005, p. 23). La juxtaposition des caveaux allongés et annexes a sans doute été prévue dès l'origine, aucun d'entre eux n'occupant le centre des tumulus. La taille des tombes ainsi que le nombre et la variété des bracelets mis au jour dans la tombe n° 7 pourraient accréditer l'hypothèse de sépultures multiples, à l'image des tombes contemporaines de La Campagne à Basly (Calvados) où, dans la fosse F 10 par exemple, deux sujets féminins de 21/24 ans et de 15 ans (± 36 mois) avaient été inhumés simultanément avec un sujet immature de 11 ans (± 30 mois) (San Juan et Le Goff, 2003, p. 81-86). 2/ Trois autres tumulus ont des dimensions moindres : les parements, conservés sur trois ou quatre assises, atteignent des mesures assez semblables à celles de Lann-Porz-Menec'h et les caveaux ont également des dimensions plus modestes. Contrairement aux tumulus précédents où le sol des caveaux est constitué par le paléosol – si l'on en croit les croquis de Z. Le Rouzic –, les tombes des n° 4 et 5 du Bono sont creusées dans la « couche de glaise », sans doute le paléosol (fig. 18) (Milcent, 1992, pl. 6-7; Haldemann, 2005, fig 5 et 6). En l'absence de mentions d'ossements incinérés et de charbons de bois, l'inhumation est probable. Les tombes 4 et 5 ne comportaient aucun mobilier d'accompagnement, toutefois, trois indices de chronologie relative ont été mis au jour. Une stèle basse, d'un type classique dit hémisphérique, était encastrée dans le parement nord de la chambre du tertre n° 4, près de l'un des deux grands blocs de pierre se faisant face à l'extrémité occidentale de la chambre (Le Rouzic, 1929, p. 4 – cité par Haldemann, 2005, p. 20). La forme des deux blocs rappelle celle de stèles de taille moyenne, fréquentes dans le Morbihan, tandis que celle de la stèle « hémisphérique » est largement répandue dans l'ouest de la péninsule armoricaine (Tanguy, 1997b). La datation généralement admise pour ce dernier type est la transition du premier au second âge du Fer, bien qu'on dispose de peu d'associations avec du mobilier datant. – Le fond d'un vase, probable urne cinéraire adventice, a été découvert « immédiatement au nord de la sépulture n° 5 » (Lecornec, 1997, p. 33), dans le chablis d'un arbre abattu par la tempête de 1987 : décoré de cupules à mamelon central en relief disposées verticalement, il est attribué au Hallstatt D3/La Tène A1 (Haldemann, 2005, p. 126). – Le tumulus n° 3 se distingue par un caveau comportant un dallage de pierres sous lequel un fer de lance à douille avec nervure centrale a été découvert, ce qui pose la question de la fonction de ces dalles : s'agit-il bien du sol de la chambre funéraire ? Une datation hypothétique de la transition Hallstatt D3/La Tène A a été proposée pour ce fer de lance (Milcent, 1992, p. 109; 1993, p. 20; Haldemann, 2005, pl. 166). 3/ Les deux derniers tumulus de l'alignement vers le nord-est recelaient des tombes à incinération en urne métallique : deux chaudrons dans le tumulus n° 1 (Hallstatt D2-D3) et une situle rhénano-tessinoise recouverte d'un bassin à rebord estampé de type étrusque dans le n° 2 (La Tène A1) (Milcent 1992, p. 32-33; 1993, p. 32; Haldemann 2005, pl. 31-32). Il semblerait que, d'après le croquis conservé dans les archives de Z. Le Rouzic, le tumulus n° 1 présente une architecture différente de celle des autres tertres : il n'est pas délimité par un parement régulier mais par un demi-cercle de pierres, aucun caveau parementé n'y est signalé et le blocage interne en pierre n'en est pas représenté de la même façon. Du point de vue des dimensions et du rituel pratiqué, le tumulus de Lann-Porz-Menec'h se rapproche des monuments n° 4 et 5 du Bono; l'absence de mobilier dans ces deux ensembles ne contribuerait pas à dater plus précisément le site de Lann-Porz-Menec'h s'il n'y avait la présence d'une stèle basse dans la tombe n° 4 et d'une urne adventice à la tombe n° 5 (Ha D3 – LTA1). Ce dernier élément donne un indice de chronologie relative, et permet de leur attribuer une datation du Hallstatt D3 au plus tard, voire contemporaine de la riche tombe n° 7 (Hallstatt D1/D2). L'absence de mobilier dans deux tumulus de Pluvigner « Talhouët » d'un type assez proche, est également une caractéristique de ces sites (fig 19) (Tanguy, 1989; Tanguy et al., 1990, p. 140, 142). Ils présentaient une structure parementée en granite constituée d'assises horizontales et de gros blocs plantés de chant, de 5,50 et 10,60 m de diamètre (table. 1c). Les coffres, soigneusement parementés, renfermaient vraisemblablement des inhumations. La réutilisation des tumulus comme monuments protecteurs de l'une des entrées du site d'habitat voisin, occupé depuis au moins La Tène A, et la présence de tessons à cordons digités gisant sous les éboulis du tumulus n° 1 accréditent une datation du premier âge du Fer au plus tard (Tanguy, 1989; 1997a). Le site de Kerbascat dans la commune de Tréguennec (Finistère), fouillé par P. Du Châtellier en 1879, est un monument de 6,30 m de diamètre en forme de cône tronqué, conservé sur 0,90 m de hauteur (fig 20; table. 1d). Il pourrait être attribué au groupe A plutôt qu'au groupe B; en effet, P. Du Châtellier n'y signale ni la présence d'une chape de pierres englobant le muret circulaire ni celle de sépultures centrales à incinération. Les blocs en micaschiste, matériau non local provenant de plusieurs kilomètres, utilisés pour la base du parement, avaient une épaisseur quasiment constante de 0,12 m, les autres une épaisseur de 0,04 m. Ils étaient « scrupuleusement taillés » à l'aide d'un « instrument tranchant dont les coups ont laissé à la surface des dessins, si je puis m'exprimer ainsi, donnant exactement des chevrons dans lesquels, ainsi que je l'ai constaté, s'adapte le tranchant de haches en bronze, en forme de coin, si communes en Bretagne » (Du Châtellier, 1879, p. 256). Le blocage interne était en revanche constitué de très gros blocs de pierre brute mêlés à de la terre, plus nombreux vers le fond de la structure. P. Du Châtellier ne découvrit que des tessons en poterie assez grossière, des charbons de bois et du mobilier lithique, mais aucune trace d'un coffre ou d'un caveau, ce qui n'est guère étonnant au regard des techniques de fouille employées. Deux incinérations en urne de La Tène A1 furent mises au jour à un mètre à l'extérieur du tumulus (Milcent, 1993, p. 43 n° 7). Une datation du monument antérieure à cette période est donc envisageable. Les sites du groupe B – Lann-en-Ilizien à Silfiac (fig 21), Coat-Plen-Coat à Saint-Goazec (fig 22), et peut-être de Parc-Lostec à Scaer – diffèrent des sites précédents par un diamètre plus petit du parement interne et le rituel de l'incinération en urne (table. 1e). Ils présentent en effet trois à cinq urnes regroupées en position centrale au milieu du monument, du moins si l'on en croit les descriptions faites par Le Brigand et par P. Du Châtellier (Le Brigand 1891; Euzenot, 1890; Du Châtellier, 1901, p. 6, fig 1 n° 3, p. 7 fig 2, p. 13-15). Les vases de Silfiac et Saint-Goazec sont attribués au Hallstatt D3/La Tène A1 (Milcent, 1992, pl. 83-85 et 105-116; 1993, p. 38-39 et 43; Haldemann, 2005, p. 73). Quant aux tumulus morbihannais de la série C – Coët-à-Tous et Nignol à Carnac – fouillés par J. Miln en 1878 et Boquidet à Sérent fouillé par L. Marsille en 1924 puis Z. Le Rouzic en 1932, ils présentent une structure très différente même s'ils possèdent également un parement soigné en tronc de cône (fig 23) (Miln, 1882; Luco, 1882; Marsille, 1924; Le Rouzic, 1933b; Haldemann et Le Goff, 2007). En l'absence de relevés stratigraphiques, les croquis disponibles et les descriptions ne permettent pas de se prononcer sur l'histoire vraisemblablement complexe de ces ensembles (table. 1f). La présence au sein des tumulus d'un mur circulaire de blocs de pierres rubéfiées, de 5,75 à 3,50 m diamètre à Nignol et Coët-à-Tous, ou d'un foyer de 1,10 m de diamètre délimité par des blocs de granit brûlés et contenant notamment des ossements incinérés, est le témoignage de la première phase d'occupation de ces monuments, malheureusement mal documentée et sans mobilier probant associé. Elle est peut-être liée à la couche de « cendres et de terre brûlée » observée entre les parements des tumulus et les murs internes de Coët-à-Tous et Nignol, vestige vraisemblable de bûchers (Miln, 1882, p. 62; Luco, 1882, p. 58). À Coët-à-Tous, elle était surmontée d'une seconde couche de 3 cm d'épaisseur « composée de charbon mêlé à des parcelles de bronze fondu, de fer parfois adhérent au bronze et de quelques fragments d'os incinérés », ainsi que d'autres fragments de plaques de bronze (Miln, 1882, p. 62; Milcent, 1992, pl. 47; Haldemann, 2005, pl. 39 et 42). Le statut de l'un des personnages incinéré dans le tertre de Coët-à-Tous n'était sans doute guère différent de celui de la tombe n° 2 du Bono où, toutefois, la vaisselle de bronze avait été conservée pour assurer la protection des restes incinérés du défunt. La présence d'urnes enfouies à l'extérieur ou à l'intérieur des tumulus, entre les parements et les « murs » internes, pose la question de leur contemporanéité avec les couches charbonneuses, probables vestiges de bûchers. Les urnes ont plus probablement été déposées ultérieurement et sont pour la plupart attribuables au Hallstatt D3 – La Tène A1 (Milcent, 1992; 1993; Haldemann, 2005). Soulignons enfin que les vastes tertres dans lesquelles ces tombes à murets circulaires de la série C étaient englobées, n'ont été l'objet d'aucune description, exception faite de leurs dimensions et des structures de pierres protégeant certaines urnes. En conclusion de ce bref rappel des tumulus à parement de pierre en Bretagne occidentale à l' âge du Fer, il semblerait que ce phénomène soit, au départ, lié majoritairement au rituel de l'inhumation et que la plupart des monuments ait été édifiée à l'origine pour un individu ou pour un nombre très limité de personnes. Ce rituel va être progressivement remplacé par celui de l'incinération surtout à partir du Hallstatt D3 et de La Tène A, période qui voit l'apparition de nombreux cimetières familiaux à incinérations en urne, tels ceux de Penfoul à Landeleau (Briard et al., 1984), Kerviguérou à Melgven (Villard -Le Tiec, 2003), Poulgigou à La Forêt-Fouesnant (Le Goff, 1993), Kervellec à Morlaix-Ploujean (Le Goffic, 1996), Kerjaouen à Quimper (Villard et Le Bihan, 2007), pour ne citer que des exemples finistériens étudiés récemment. Le nombre de sépultures s'accroît considérablement dans ces cimetières et la plupart des sites funéraires avec tumulus à murets circulaires connaissent une continuité de leur occupation : Le Rocher au Bono, Kerbascat à Tréguennec, et vraisemblablement Coët-à-Tous et Nignol à Carnac ou Boquidet à Sérent… La pratique de l'inhumation a pu persister ponctuellement, comme à Roz an Tremen en Plomeur dans le Finistère (Bénard et al., 1919; 1921; Giot, 1994), mais son identification est contrariée par la conservation très médiocre ou la disparition totale des vestiges osseux en raison de l'acidité des sols bretons. Nous proposons donc, à titre d'hypothèse et malgré l'absence d'ossements et de mobilier dans la plupart d'entre eux, d'attribuer plutôt à une phase ancienne, c'est-à-dire au Hallstatt D1/D2, les monuments circulaires avec fosse centrale, tels ceux du Bono 4 et 5, de Talhouët à Pluvigner et de Lann-Porz-Menec'h à Ploemeur (type A. de P. -Y. Milcent). La question de la datation des sépultures n° 1 et 2 de Lann-Porz-Menec'h trouve également peu de réponses. Jusqu' à présent, les seules sépultures adventices découvertes en lien avec les tombes à murets circulaires sont toutes des incinérations de la transition premier/second âge du Fer, peut-être en raison de l'absence de fouille méthodique des tertres et de leurs abords (cf. ci-dessus). Il n'est d'ailleurs pas impossible que des sépultures à incinération aient été déposées dans le monument circulaire de Lann-Porz-Menec'h comme dans le Tuchenn Pol voisin. Un dessin de Le Pontois Figure un tesson provenant des couches supérieures du Tuchenn Pol, présentant une partie d'une large cupule entourée d'une double rangée d'impressions circulaires, surmontée d'une double ligne horizontale de ces mêmes impressions, bordée d'une fine cannelure (fig 24a). Ce décor est tout à fait comparable à celui du très beau vase à grandes cupules jumelées et décor estampé provenant du tumulus de Lann Tinikeï, distant d' à peine 900 m vers le nord-nord-ouest (fig 25) (CHPP 2003, p. 33; Milcent 1993, p. 31). L'une des rares fosses présentant de très fortes similitudes avec les sépultures à inhumation présumées de Lann-Porz-Menec'h a été mise au jour aux abords du grand cairn d'Er-Grah à Locmariarquer (Morbihan) (Le Roux, dir. 2006, p. 147-149, fig 102-103). Ses dimensions internes (1,75 x 0,50 m pour 0,40 m de profondeur estimée) ainsi que ses bords constitués de pierres aux formes équarries et l'absence de mobilier sont en effet assez semblables à ce que l'on observe à Kerham. Une datation de l' âge du Bronze a été proposée, bien que les dimensions soient peu courantes pour une sépulture cette période. En effet, la longueur des coffres en dalles de schiste ou bordées de murets en pierre sèche y est en général plus courte, les rares vestiges de squelettes conservés malgré l'acidité des sols attestant la coutume de corps inhumés en position contractée. D'autres sites côtiers, comme ceux de l' île Thinic à Portivy, à Saint-Pierre-Quiberon (Morbihan), fouillé par F. Gaillard (1883) puis Z. Le Rouzic en 1916 (Le Rouzic, 1933a; 1934), ou de Roc'h Croum à Santec (Finistère) fouillé par Y. Lecerf en 1978-1979 (Lecerf, 1981), ont livré des sépultures en coffres ou bordées de murets en pierre sèche, mais soit il s'agit de fouilles anciennes dont les conclusions sont peu fiables, soit la quasi-absence de mobilier rend leur attribution chronologique délicate. Ces coffres sont globalement attribués à l' âge du Bronze (Briard, 1984, p. 66-70), sans que l'on sache si l'usage des coffres se poursuit jusqu' à la fin du premier âge du Fer. Comme précédemment et malgré l'absence d'éléments de datation des sépultures 1 et 2, nous proposons de les attribuer à une période antérieure à la généralisation de l'incinération qui se développe au Hallstatt D3 et à La Tène A dans l'ouest de la péninsule armoricaine. De même, la longueur des sépultures renvoie à une période où la pratique de l'inhumation en position contractée ne semble plus systématique ou est abandonnée. On ne peut conclure sur le monument circulaire de Lann-Porz-Menec'h sans évoquer celui de Lann Tinikeï, situé à 900 m vers le nord-nord-ouest (fig 2). Le Pontois a en effet fouillé en 1892-1893 un groupe de cinq structures disposées sur une petite colline dominant, à 15 m NGF, une fontaine au nord et les anses de Porz Guer et Porz Madahan à l'ouest. Dans un courrier du 21 novembre 1893 adressé à P. du Châtellier, Le Pontois précise qu'il a achevé la fouille d'un dolmen à galerie « en ruines », du tumulus est « contenant des vases » et de « 3 buttes contenant les substructions de maisons, peut-être contemporaines du tumulus » (sic). Le croquis du tumulus oriental de Lann Tinikeï, dessiné par Le Pontois en 1892 (fig 24b), montre un tertre d'environ 10 m de diamètre et 1 m de hauteur (table. 1g), ainsi que l'emplacement de trois vases (CHPP 2003, p. 33-34). Construit en pierres ou en terre, il est délimité par un parement mentionné dans l'un des inventaires des objets expédiés à P. du Châtellier. S'il s'agit donc bien d'un monument appartenant aux sépultures à muret circulaire, il est plus difficile de se prononcer sur les pratiques funéraires observées dans ce monument à partir des archives laissées par le fouilleur. On notera l'absence apparente de sépulture en son centre, même si le vase n° 3 occupe une position relativement centrale, à l'extrémité d'une zone oblongue de 4,50 x 1 m, non décrite : s'agit-il d'une couche charbonneuse, liée à un bûcher par exemple, ou de l'emplacement d'un caveau ? Les vases n° 1 et 2 sont en revanche décentrés, dans un « secteur vierge » (sic) en bordure du tumulus, à deux ou trois mètres l'un de l'autre. Les archives de Le Pontois conservent les dessins de quatre vases, dont celui du très bel exemplaire décoré de motifs estampés et de cupules jumelées (vase n° 1 : fig 24c et 25). Rappelons que le tesson mis au jour dans les couches supérieures du Tuchenn Pol possède un décor tout à fait similaire (fig. 24a). Les vases n° 1 et 2, les seuls conservés à ce jour, sont attribués au Hallstatt D3 – La Tène A1 (Milcent, 1992, p. 80-81, pl. 69-70; 1993, p. 31; Chérel, 1996, p. 29). Le Pontois ne précise pas la destination de ces pots, qui sont interprétés comme des urnes à incinération. La proximité des sites de Lann-Porz-Menec'h et de Lann Tinikei aurait pu apporter des informations déterminantes sur l'évolution des architectures et des rituels funéraires de la fin du premier âge du Fer en Bretagne occidentale. En effet, malgré une documentation très lacunaire, on observe que le dépôt de vases (urnes ?) dans le tumulus de Lann Tinikeïest contemporain du développement des nécropoles à incinération du Hallstatt D3/La Tène A tandis que le monument avec possibles inhumations de Lann-Porz-Menec'h peut être rapproché des tumulus n° 4 et 5 du Bono, que nous avons attribués à une phase antérieure. On peut s'interroger sur les substructions découvertes à proximité du tumulus, puisque Le Pontois n'en donne aucune description. La présence de bâtiments construits en pierre sèche à proximité d'un monument funéraire pourrait trouver un parallèle avec le site de Talhouët à Pluvigner (Tanguy, 1988; 1989). Mais, aucune vérification n'étant possible sur ce site aujourd'hui détruit, on ne peut écarter définitivement toute autre hypothèse, dont celle de structures funéraires mal identifiées formant une nécropole de l' âge du Fer, comme celle du Bono. Il est tentant de mettre en relation ce(s) tertre(s) avec la stèle en granite découverte à proximité en 1982, « sur le sommet d'un vallonnement » (fig 26) (Gueguen, 1982). Aujourd'hui perdue, elle était en tronc de pyramide de section rectangulaire aux angles arrondis. L'une des faces présentait une rainure. Sa hauteur totale était de 1,05 m et celle de l'embase de 0,25 m; la largeur de la base (grand côté) était de 0,63 m et celle du sommet de 0,23 x 0,28 m. Elle trouve peu de comparaisons dans l'inventaire des stèles gauloises du Morbihan (Tanguy, 1997b; Lecornec, 1999). Des exemples proches sur un plan typologique ont toutefois été découverts, notamment à Cosquer (commune d'Erdeven) et à proximité de la chapelle Notre Dame du Cloître dans la commune de Quistinic (Tanguy, 1997b, p. 29-31 et 60). Malgré l'absence d'éléments déterminants, il semble possible d'attribuer le monument circulaire de Lann-Porz-Menec'h au premier âge du Fer et, en l'absence de charbons de bois et d'ossements incinérés, à une phase où l'inhumation prédomine encore dans le sud-ouest de la péninsule armoricaine, antérieurement au développement des cimetières à incinérations du Hallstatt D3 et de La Tène A. Si l'on tient compte du laps de temps écoulé entre la construction du tertre parementé et l'aménagement des tombes adventices dans les remblais de sa destruction, peut-être plusieurs décennies plus tard, on peut proposer une création du site au vi e siècle au plus tard. Cette opération de sondage, certes limitée dans ses conclusions, a eu le mérite de relancer le questionnement sur ces structures très soignées mais le plus souvent pauvres en mobilier et très mal documentées que sont les sépultures à murets circulaires sud armoricaines . | Connu par les archives du commandant Le Pontois qui l'avait fouillé en 1891, et remis au jour en 2004, le monument à parement circulaire de Lann-Porz-Menec'h a fait l'objet d'un sondage d'évaluation. Malgré son mauvais état de conservation, et par comparaison avec les tumulus dits « à muret circulaire » répertoriés dans la péninsule armoricaine, il semble possible de l'attribuer au premier âge du Fer et, en l'absence de charbons de bois et d'ossements incinérés, à une phase où l'inhumation prédomine en Bretagne occidentale, antérieurement au développement des cimetières à incinérations du Hallstatt D3 et de La Tène A. Si l'on tient compte du laps de temps écoulé entre la construction du tertre parementé et l'aménagement de deux tombes adventices dans les étalements de sa dégradation (peut-être plusieurs décennies plus tard), on peut proposer une création du site au VIe siècle av. J.-C. au plus tard. | archeologie_08-0202212_tei_172.xml |
termith-105-archeologie | La grotte Chauvet est célèbre pour l'excellente exécution (mais aussi conservation) de ses œuvres pariétales (Clottes 2001). Ce gisement est également important pour son exceptionnelle richesse, aussi bien qualitative que quantitative, des témoins paléobiologiques (vestiges osseux et témoins d'activité) d'origine humaine et surtout animale, au sol (empreintes, bauges) et sur paroi (tracés digités / polis, griffades). Un premier bilan paléozoologique et anthropozoologique est ici présenté concernant les vertébrés identifiés pour l'ensemble des zones accessibles de la cavité. Les techniques d'étude préconisées pour une conservation optimale de l'ensemble du registre archéologique reposent sur la non manipulation des pièces paléontologiques et une circulation volontairement limitée dans la cavité. Par conséquent, de nombreuses déterminations spécifiques et/ou anatomiques ont été effectuées à distance (déterminations au moyen de jumelles ou de photos prises au téléobjectif pour les pièces inaccessibles; premiers essais de scannage tridimensionnel des amas. Les prises de mesure ne sont, méthodologiquement parlant, guère comparables avec ce qui peut être fait classiquement sur des échantillons en laboratoire. L'inaccessibilité des pièces et leur manipulation extrêmement restreinte n'autorisent que peu d'informations ostéométriques, néanmoins nécessaires à toute étude paléontologique. Les plans de mesurage “standard” (Desse et al. 1986 pour l'ensemble des espèces, Torres Perez-Hidalgo 1988; Tsoukala et Grandal d'Anglade 2002 pour les ursidés), ont été utilisés mais ont souvent dû être adaptés ou modifiés. A terme, cela nécessitera d'établir un corpus de comparaison avec des échantillons disponibles dans des musées. La grotte, d'un développement de 500 mètres environ (fig.1), a été délimitée en secteurs paléontologiques (environ 150 loci). Ces secteurs renferment quelques ou, le plus souvent, plusieurs dizaines d'ossements (amas). Cette répartition résulte de l'action combinée et diachronique des ours (modifications de leurs habitats, cf. Koby 1953), de l'homme (manipulations d'ossements) et de l'eau (charriage). Il y a une nette dichotomie entre les premières salles (Salle Brunel, Salle des Bauges) et les salles du fond (Salle Hillaire et au delà); cette différence, qui est en partie due à une configuration topographique différentielle (grandes salles / galeries; sol argileux / calcitation importante), porte non seulement sur la concentration du matériel paléontologique (faible / forte) mais aussi sur son degré de préservation (pas très bon (lessivage, recristallisation) / (très) bon (calcité)). Ceci pose des problèmes d'interprétation globale de la cavité relative à sa fonction (zonations comportementales ?) et à ses modalités d'occupation (syn/diachronique; ours / homme ?). Sur les sols argileux (Salle des Bauges, Galerie des Mégacéros…), la préservation des ossements est globalement moins bonne que dans les secteurs calcités (importantes destructions physico-chimiques, produites par les conditions de milieu (forte humidité, teneur élevé en CO2 de l'air). Dans le premier cas, les pièces sont facilement identifiables mais inaccessibles et fragmentées, dans le second au contraire, facilement accessibles mais encroûtées jusqu' à disparaître dans les planchers stalagmitiques et non déterminables spécifiquement ou anatomiquement ou non mesurables. Les contraintes de préservation des sols et des parois affectent donc les méthodes classiques d'étude (biostratigraphie, ostéométrie (multivariée), morphologie comparée des séries jugales, des surfaces articulaires …) mais permettent en revanche d'esquisser, par des observations de contrôle pouvant être réitérées, des relations paléobiologiques et des processus taphonomiques par contrôles permanents des ensembles osseux à partir de l'ensemble des témoins archéologiques (relations prédateurs-proies d'après les empreintes, cf. Garcia 2001; rôle joué par les agents biologiques et abiotiques dans la formation des amas d'ossements…). La faune identifiée (Philippe et Fosse 2001; tabl. 1) peut être rapportée à au moins neuf espèces de carnivores (Ursus spelaeus, Ursus arctos, Panthera pardus, Felis silvestris, Canis lupus, Vulpes vulpes, Martes martes, Martes foina, Crocuta crocuta spelaea), cinq d'ongulés (Bos ou Bison, Capra ibex, Capreolus capreolus, Cervus elaphus, Equus caballus), trois de rongeurs (Apodemus silvaticus, Eliomys quercinus, Microtus nivalis), un chiroptère (Myotis myotis et quelques os d'un Chiroptère indéterminé), cinq espèces d'oiseaux (Aquila chrysaetos, Pyrrhocorax graculus, Cinclus cinclus, turdidae sp. et un passériforme indéterminé) et un reptile (couleuvre ?). Cette richesse n'est apparente que du point de vue taxonomique et semble correspondre à des fréquentations diachroniques (Pléistocène supérieur et Holocène) et différenciées (volontaires (carnivores) ou involontaires (ongulés = proies ?, oiseaux ?) de la cavité par les différents taxons. La diversité faunique (en nombre de taxons) est plus forte dans les zones proches de l'entrée (notamment dans l'Eboulis, au sommet de la Salle des Bauges) que dans les zones profondes. Dans ces derniers secteurs, la distribution est presque monospécifique (Ours des cavernes). Du point de vue paléoécologique, l'Ours constitue 99,9 % de la faune, conformément à ce qui est attendu d'une grotte à Ours des cavernes (Fosse et al. 2002; Philippe 1993). Aucune espèce “froide” n'est présente dans le registre paléontologique contrairement à certaines représentations pariétales (Rangifer tarandus (n =12 cf. Baffier et Feruglio 2001a), Ovibos moschatus (n =2, cf. Le Guillou 2001), Coelodonta antiquitatis (n =65, cf. Aujoulat et Guerin 2001), Mammuthus primigenius (n =66, cf. Gely 2001). D'autres espèces (Panthera spelaea, Megaloceros giganteus …), relativement abondantes dans le bestiaire pariétal, font, à ce jour, défaut dans les ensembles paléontologiques. La petite faune, présentant un degré de fossilisation moindre de celui des taxons assurément pléistocènes (Ursus), a été considérée comme holocène. Elle n'est pas très abondante mais est bien individualisée géographiquement et comprend (fig. 2) : des petits carnivores (martre et/ou fouine), quelques espèces de rongeurs (mulot, campagnol, lérot et loir), chauves-souris (le grand murin et restes isolés de chiroptères encore indéterminés), petits passereaux (le cincle plongeur, un petit Turdidae et un autre passereau indéterminé) et un serpent (couleuvre ?). Huit squelettes plus ou moins complets de mustélidés, trouvés dans les zones proches de l'entrée et appartenant à de jeunes adultes morts durant leur hivernation, ont été dénombrés (trois individus dans ou à proximité de l'Eboulis d'entrée; quatre individus dans la Salle Morel; un individu dans la Galerie de la Lucarne). Par comparaison avec des données ostéomorphologiques des têtes osseuses (Rode et Didier 1944; Altuna 1973a), il est possible d'identifier, à partir des pièces accessibles et/ou mesurables, au moins une fouine et deux martres. Les rongeurs sont peu abondants. Le mulot (Apodemus silvaticus) a été identifié dans la Galerie du Cactus (deux individus) et dans son prolongement (salle de l ' Apodemus, un individu en cours de décomposition) ainsi que dans la salle Hillaire (bord du grand effondrement). Deux éléments de squelette de campagnol des neiges (Microtis nivalis), espèce localement disparue, ont été identifiés dans la Salle des Panneaux Rouges. Le lérot (Eliomys quercinus) a été trouvé dans la Galerie du Cactus (un individu), dans la Salle des Panneaux Rouges (un individu) et dans la Galerie des Mégacéros (un individu). La fréquentation de la cavité par les chauves-souris est attestée sur les parois par de petites cupules de corrosion imprégnées d'argile ainsi que par une multitude de griffades (Salle Hillaire, Galerie des Mégacéros). De plus, quelques os isolés ont été repérés : quatre os d'aile dans la Galerie du Cactus, un radius dans la Salle de l'Apodemus, un humérus de grand murin, Myotis myotis sous le panneau de la Panthère, cinq os longs et une hémimandibule dans la Bretelle, un humérus peu avant le Seuil, trois os longs avant le grand “escalier” dans cette même galerie. Les restes d'oiseaux ne sont pas abondants. Indépendamment des deux espèces pléistocènes (cf. infra), quelques os de cincle plongeur (Cinclus cinclus, NMI = 2) ont été trouvés dans la Salle Brunel, juste en aval du panneau du Sacré-Cœur. Quelques ossements d'un petit turdidé ont également été repérés dans la Galerie du Cactus. Enfin, un squelette complet et en parfaite connexion anatomique d'un petit passereau indéterminable car recouvert d'une pellicule calcitique est visible tout près du grand effondrement de la Salle Hillaire. Au moins deux serpents ont été trouvés dans la grotte. De longs tronçons de squelette, avec plus d'une dizaine de vertèbres accompagnées éventuellement des côtes, ont été découverts dans la Salle Brunel (plusieurs tronçons vraisemblablement d'un même animal (couleuvre d'Esculape, en aval du panneau du Sacré Cœur, échelonnés sur plus d'un mètre de longueur, dans un petit ravinement) et dans une niche rocheuse de la Galerie du Cactus, au-dessous du petit ours rouge de gauche. La présence de cette faune peut être soit volontaire (martre, fouine, serpent) soit involontaire (oiseaux : accidents ?). Les vestiges osseux pouvant être rattachés aux espèces ayant fréquenté la cavité au cours du Pléistocène sont très abondants et appartiennent majoritairement à l'Ours des cavernes. Bien que marginales en nombre de restes, les autres espèces de vertébrés posent d'importantes questions d'ordre paléobiologique et taphonomique (relations des différentes espèces : proies/prédateurs, modalités d'apport dans la cavité) en relation avec les premiers résultats des autres disciplines (notamment l'ichnologie). Le Cheval n'est identifié que par deux restes (cf. localisation in figure 3) : une molaire supérieure, au bas de la Salle des Bauges, à plusieurs mètres du cheminement autorisé et une extrémité distale de métapode découverte dans un des nombreux amas de l'Eboulis d'entrée. La présence de ces vestiges est sans doute accidentelle. Aucune trace d'origine anthropique ou carnivore n'a été décelée sur la seule pièce accessible. Les restes de Chevreuil sont un peu moins rares et sont localisés en deux points de la grotte (fig. 3) : sur le sommet et au bas de l'Eboulis qui a colmaté l'entrée paléolithique ainsi que dans les gours de la “loggia ”, à l'entrée de la Salle Morel. Chaque salle semble renfermer les restes d'un individu distinct. Au sommet de l'Eboulis d'entrée et strictement en surface, une couche de calcite recouvrant une scapula a été datée de 12985 ± 85 BP (LY-10489). Au bas de cet éboulis, plaqués contre la paroi rocheuse qui sépare la Salle Brunel de la Salle des Bauges, se trouvent un métatarse et un radius-ulna qui pourraient être appariés à la scapula. Dans les gours de la “loggia” qui domine la Salle Morel, tout près de l'étroite chatière d'accès, plusieurs éléments d'un même membre pelvien appartenant à un second chevreuil ont été identifiés : un tibia, un métatarse, l'ensemble des os du tarse, deux premières phalanges, une deuxième et une troisième phalanges. Aucune trace d'origine biologique n'a pu être relevée sur ces pièces. Sa présence est attestée par des vestiges osseux dans les salles proches de l'entrée paléolithique (Salle Morel, Eboulis d'entrée, Salle Brunel; fig. 4) et plus curieusement par de nombreuses empreintes dans les parties profondes de la cavité (Galerie des Mégacéros, Sacristie : cf. Garcia 2001). Dans la Salle Morel, des restes d'au moins deux individus ont été recensés (un subadulte et un adulte), représentés par des mandibules, des os longs et des éléments de la colonne vertébrale. Dans l'Eboulis d'entrée, l'arrière-crâne d'un jeune animal, plusieurs os longs, des hémi-mandibules à branches horizontales fracturées longitudinalement (origine anthropique ?) et des portions de métapodes ont été identifiés soit au sein d'amas d'ossements d'ours, soit isolés. Dans la salle Brunel, un crâne appartenant à un sujet mâle adulte a été charrié par ruissellement. Il repose sur sa face frontalo-occipitale et sur les chevilles osseuses, bien conservées mais scellées au sol concrétionné par une mince pellicule de calcite. Une extrémité distale d'humérus a été découverte dans l'Eboulis d'entrée (fig. 5). Sa présence, bien que toujours rare, est attestée localement dans d'autres sites, comme l'aven du Marteau, profond aven situé sur la même commune de Vallon-Pont d'Arc, au fond duquel a été recueillie une canine de ce félin parfaitement conservée. L'Eboulis d'entrée a livré une seconde extrémité distale d'humérus de félidé, de très petite taille et de même degré de conservation que les ossements des autres espèces pléistocènes. Son attribution au Chat sauvage a été retenue. Ce carnivore n'a été identifié que récemment par un troisième métacarpien, situé dans la partie la plus profonde et la moins accessible de la cavité (petite niche dans le Belvédère). Un peu plus loin, gît dans une épaisse couche d'argile meuble un crâne dont les seules caractéristiques morphologiques visibles (boîte crânienne globuleuse, sommet du chignon occipital saillant, crête sagittale apparemment bien développée) pourrait également suggérer cette espèce (fig. 6). Cette nouvelle découverte pose un intéressant problème taphonomique, concernant les associations fauniques (proies/prédateurs; relations inter-prédateurs). Le Renard a été identifié dans l'Eboulis d'entrée (une carnassière supérieure) et dans la Galerie des Mégacéros. Dans ce secteur (fig. 3), un squelette pratiquement complet dont les éléments sont éparpillés sur environ un mètre carré a été identifié à proximité des foyers (palier qui précède la Salle du Fond). L'attribution à Vulpes vulpes tient à la robustesse des éléments squelettiques; la carnassière inférieure a un diamètre mésio-distal de 16,2 mm, dimension conforme aux renards roux pléistocènes (fig. 7). L'état de dégradation avancé des ossements ainsi que leur enfouissement ne permet, à ce jour, d'établir de lien géo-chronologique entre cet animal et les structures de combustion proches. Les vestiges appartenant à cette espèce sont peu nombreux mais correspondent cependant à au moins six individus (fig. 8). Les loups ont fréquenté et exploré l'ensemble du développement karstique (traces de leur(s) passage(s) jusque dans les parties les plus profondes de la grotte; Garcia 2001). Des restes d'au moins deux individus (deux atlas, une hémi-mandibule, un radius, un ulna, un fémur) ont été trouvés dans l'Eboulis d'entrée et dans le sommet de la Salle des Bauges. D'autres pièces, isolées ont été identifiées dans différents secteurs (un métatarse dans la Salle Brunel), avec tout particulièrement deux crânes complets, l'un, de faibles dimensions (femelle ?, cf. infra) charrié à la faveur d'un ravinement dans la zone d'épandage du bas de la salle Brunel, l'autre, beaucoup plus robuste (mâle ?), dans la niche terminale du Belvédère. Dans la salle des Panneaux Rouges, au niveau du panneau des Mains Positives, trois os seulement ont été repérés mêlés à un amas d'ossements d'ours : une première phalange et deux vertèbres atlas. Le crâne de la Salle Brunel mesure 230 mm de longueur. Ces dimensions, modestes pour un spécimen pléistocène (fig. 9), suggère, en dépit d'échantillons populationnels stricto sensu numériquement faibles, une appartenance à un sujet femelle. L'un des nombreux crânes d'ours repérés dans la Salle du Crâne diffère de tous les autres par son faible diamètre bizygomatique et le bombement très peu marqué de l'os frontal. Bien que la région frontale de la boîte crânienne soit un peu endommagée, le raccordement des crêtes frontales avec la crête sagittale se fait très loin en arrière. Avec une longueur totale de 375mm pour un diamètre transverse bizygomatique de 215mm, ce crâne peut être attribué à Ursus arctos, vraisemblablement de sexe mâle (fig. 10). Dans l'épandage de l'Eboulis du sommet de la Salle des Bauges (paroi de gauche), ont été repérés d'importants éléments d'un squelette de grand rapace. Tous les éléments osseux sont englobés dans un concrétionnement. Si l'Aigle de Bonelli habite encore la région (c'est même l'un de ses derniers refuges), l'Aigle royal y a disparu certainement depuis l'Holocène. Parmi les ossements de ce squelette, ont été identifiés : le bec et des fragments du crâne, le bréchet, le sacrum, les deux hémi-coxaux, les deux fémurs, un humérus, un ulna et d'autres os recouverts par la calcite. Actuellement rassemblés dans les zones de moyenne montagne, les chocards sont généralement bien représentés dans les remplissages karstiques des périodes glaciaires, même à basse altitude (nichage dans des fissures des parois rocheuses). A la grotte Chauvet, seuls quelques restes ont été découverts, indépendamment de ceux, plus abondants, trouvés lors du déblaiement de l'entrée supérieure actuelle (sondage B. Gely 1998). Dans la Salle Brunel, un radius a été repéré dans un dépôt argileux entre les gros blocs rocheux qui occupent la partie droite de la salle (secteur 1-4D). Dans les gours de la “loggia” qui domine la Salle Morel, d'autres os (deux ulnas, deux métatarses et une troisième phalange) ont vraisemblablement été déposés par ruissellement. Il semble bien que la grotte n'ait pas été véritablement occupée par les chocards qui devaient nicher dans d'autres anfractuosités dans les falaises des gorges de l'Ardèche. La présence de ces quelques os est sans doute accidentelle. L'espèce animale la mieux représentée est incontestablement l'ours des cavernes. De très abondants vestiges osseux jonchent le sol et d'imposants témoins d'activité (empreintes, bauges, griffades, polis des pieds de paroi) sont visibles dans tous les secteurs de la cavité. Plus de 130 amas d'ossements d'ours ont été inventoriés, depuis l'entrée (Salles Morel et Brunel, Eboulis d'entrée) jusqu'aux parties terminales (Galerie des Croisillons, Belvédère, Sacristie). Grands axes de circulation (Salles des Bauges, Hillaire et du Crâne) ou galeries secondaires (Diverticule des Ours, Galerie du Cactus, Salle Rouzaud) en renferment d'importantes quantités. L'inventaire porte à plus de 3500 le nombre d'ossements d'ours répartis sur l'intégralité des zones accessibles (tabl. 1); ce nombre pourrait être significativement augmenté par l'étude de certaines zones, particulièrement riches en vestiges osseux mais inaccessibles (la “plage” de la Salle des Bauges; Salle Rouzaud ?). À ce jour, le nombre minimum d'individus est de 190 (crânes; tabl. 2; fig. 11), conférant à cette grotte une place tout aussi privilégiée pour la paléobiologie ursine que pour l'art pariétal. De nombreuses grottes d'Europe renferment de telles quantités d'ossements, mais toujours en stratigraphie (Fosse et al. 2002). A proximité de la grotte Chauvet et tout au long des gorges de l'Ardèche, une vingtaine de cavités renfermant des vestiges d'ours des cavernes a été recensée. Certaines (grottes de Louoï, de Cayre-Cret, toutes deux sur le territoire de Vallon-Pont-d'Arc) ont été exploitées dès la fin du XIXème siècle par les phosphatiers. Parmi les grottes à ossements “humatiles ”, peuvent êtres citées la grotte du Pas-de-Joulié (Gard), qui semble avoir contenu d'aussi importantes séries d'ours que la grotte Chauvet (son sol était, paraît-il, recouvert de centaines de squelettes d'ours des cavernes, vandalisés en quelques jours) et la grotte de La Balme à Collomb (massif de Chartreuse, Savoie) qui recelait plusieurs milliers d'ossements éparpillés sur un sol d'environ 3 000 mètres carrés (Philippe 1993). Par son exceptionnelle palette de témoins relatifs au(x) séjour(s) des ours(es) dans la cavité, la grotte Chauvet offre l'opportunité d'appréhender l'éco-éthologie des ours des cavernes. Toutefois, les reconstitutions comportementales, basées sur des ostéocénoses “humatiles” (observations visuelles du matériel paléontologique jonchant le sol ou partiellement enfoui), n'est pas sans poser des problèmes qui pourraient être résolus par une opération de fouille stricto sensu (étude d'une taphocénose : durée d'occupation, synchronismes inter-assemblages, modalités démographiques ursines, remaniements post-dépositionnels…). S'il est évident que l'Ours des cavernes fut le premier et le plus important (en terme de durée de fréquentation) occupant de la cavité (peintures ou gravures recouvrant, dans leur majorité, des griffades; abondance et diversité des témoins des activités ursines), il n'en demeure pas moins que l'absence d'une chronologie “fine” limite, à ce jour, les observations d'ordre paléobiologique (fig. 12); les relations parois (griffades) – sols (ossements notamment) des activités ursines et anthropiques sont difficiles à saisir. De plus, les trois dates disponibles (Salle Philippe Morel, Salle Hillaire et Galerie des Mégacéros) font curieusement apparaître des occupations géochronologiques différenciées (fig. 10) et posent de nombreuses questions concernant : la durée globale estimée de la fréquentation de la cavité par les ours, la durée de mise en place des assemblages osseux les plus riches (Salle Hillaire, “plage d'os” de la Salle des Bauges…), les modalités d'occupation (occupations synchroniques (nombre de phases d'occupation ? phase d'occupation continue ?) ou diachroniques (sectorisation ?), le fond de la grotte contient-il les éléments fauniques les plus anciens (sésamoïde d'ours daté de 31020 dans la Galerie du Mégacéros), phase terminale de fréquentation de la cavité par l'ours ? (problèmes liés à l'extinction de cette espèce qui se raréfie entre 20 et 18 000 BP en Europe; cf. Fosse et al. 2001) ? Les crânes d'ours, abondants dans l'ensemble de la cavité, présentent toutes les phases de conservation (ou de destruction) que l'on peut rencontrer en contexte karstique. Dans certains secteurs (Salle des Bauges, Galerie des Mégacéros), les crânes qui reposent sur un sol argileux, sont parfois bien préservés (permettant l'identification de l' âge et du sexe) mais présentent parfois d'importantes destructions physico-chimiques. Dans d'autres salles (Salle Hillaire, Salle du Crâne, Galerie des Croisillons), les crânes sont recouverts de calcite, d'épaisseur variable. A un encroûtement modéré des crânes succède un puissant enrobage faisant presque disparaître totalement le matériel paléontologique. C'est ce dernier stade de conservation qui prévaut pour la Salle Hillaire et la Salle du Crâne (69/88 échantillons). Seules les parties supérieures des crânes émergent des planchers stalagmitiques, les autres éléments squelettiques (éléments post-céphaliques), bien qu'éloignés des concentrations de crânes, sont enfouis dans la calcite. Très peu de crânes livrent par conséquent d'informations ostéométriques, permettant d'apprécier la variabilité intra populationnelle, le sex-ratio … Les crânes ne peuvent être mesurés en raison de leur emplacement (accessibilité, manipulation), position (beaucoup reposent sur leur face basale rendant impossibles les mesures importantes (longueur condylobasale, diamètre bizygomatique, diamètre transverse des canines)) ou encore de leur degré d'enfouissement (les trois quarts des crânes ne sont identifiés que par leur partie sommitale, ectoorbitaux; encroûtement plus ou moins fort …). Les critères ostéomorphologiques (développement de la crête sagittale, bombement du frontal) suggèrent une nette sur-représentation des sujets femelles sur les mâles, dans toute la cavité; le crâne sur le bloc rocheux de la salle du Crâne appartient à un individu subadulte femelle et présente des dimensions nettement inférieures aux crânes de mâles trouvés dans la Salle Brunel (ex. locus 3.2), le grand effondrement de la Salle Hillaire ou dans la partie Est de la Salle du Fond (locus 11.8). Pour les mêmes raisons, la structure en âges de ces taphodèmes ne peut être saisie; les individus très jeunes sont exceptionnels (un humérus dans l'amas 8.4 dans le secteur des Panneaux des Mains positives mesure moins de 4 cm; une dizaine de dents lactéales isolées ont été repérées) et les juvéniles et sub-adultes (sutures crâniennes non fermées, denture définitive intacte, non usée) peu fréquents. Les adultes sensu lato sont les mieux représentés mais il est impossible de préciser la proportion de chaque tranche d' âge. La fonction de la grotte (station d'hivernation) est bien plus déterminée par la diversification des activités des ours que par leurs composantes démographiques (diachronisme partiel inter assemblages, cf. datations 14 C sur ossements). La distribution des éléments squelettiques fait, elle aussi, apparaître toute la difficulté d'interprétation globale (par assemblage, intra et inter salles) : aucune connexion anatomique importante n'est apparente et ce fort taux de désarticulation dans l'espace suppose une longue durée de fréquentation de la cavité par les ours, bouleversant les carcasses de leurs congénères, ainsi que des remaniements des dépôts existants par les agents non ursins (eau, homme ?). Sans constituer la règle, les ensembles paléontologiques numériquement importants sont présents dans toutes les salles, sous forme d'enchevêtrements (secteur Ouest du grand effondrement de la Salle Hillaire (locus 9.3) ou sous forme d'épandages (secteur Ouest (= entrée pléistocène + la “plage ”) et fond (= loci 8.4 – 8.11, au pied du panneau des Mains Positives jusqu' à l'entrée de la Salle Rouzaud) de la Salle des Bauges, fond de la Galerie des Croisillons …). Les traces laissées par les différentes activités ursines sont relativement fréquentes dans les cavités (cf. Viehmann 1973; Clot 1986…) mais encore peu étudiées. Dans la grotte Chauvet, de nombreux couchages (près de 300 au total) ont été répertoriés (fig. 13). Ces bauges sont particulièrement bien conservées dans la zone centrale de la Salle des Bauges, la Galerie du Cierge et dans la partie droite de la Salle Hillaire, abritée par l'imposante banquette d'argile, et dans les parties terminales de la cavité car éloignées (surélevés) des zones de circulation des eaux et des ours. Ces zones forment de véritables “dortoirs collectifs ”, les bauges se jouxtant les unes aux autres. Ces dépressions, bien que pouvant atteindre 1 m de diamètre et plusieurs dizaines de centimètres de profondeur, offrent en moyenne des dimensions très modestes (moins de 50 cm de diamètre et moins de 15 cm de profondeur). Aucun vestige osseux n'a été rencontré dans ces nids. Les griffades sont particulièrement nombreuses dans la seconde partie de la grotte (depuis la galerie du Cierge et jusqu'au fond des Croisillons, la Salle du Fond, la Sacristie). Les coups de griffes se rencontrent pour la plupart à une hauteur moyenne de 1,50 – 2,50 m, tantôt couvrant d'importantes surfaces (partie gauche des Salles Hillaire et du Crâne; Salle du Fond : grands Lions), tantôt lacérant la paroi sur toute leur hauteur (Galeries du Cactus et du Belvédère). L'identification de griffades est dépendante de la topographie des différents secteurs, de l'accessibilité aux parois, de leur état de préservation (placages d'argile, dureté du calcaire) ainsi que des activités anthropiques. Le degré de lacération des parois pourrait être mis en parallèle avec le degré de modification du sol (aménagement des bauges); leur répartition (fig. 14) coïncide en effet avec celle des couchages traduisant la nécessité d'aiguisage des griffes en relation avec les importantes activités de fouissage du sol (Koby 1953). Un marquage “territorial” pourrait être également envisagé. Les pieds de parois et les rebords des anfractuosités sont véritablement usés par les passages répétés des animaux, qui se déplacent dans l'obscurité principalement au toucher (“ mémorisation topographique” des salles) et à l'odorat (marquage d'un territoire ?, carcasses de congénères en décomposition ?). Les polis (“ Bärenschliffen” des auteurs germaniques), parfois difficiles à identifier (desquamation de la paroi) sont concentrés sous les panneaux de griffades et/ou les zones de passages (empreintes). Leur répartition est identique à celle des griffades (fig. 15). La disposition actuelle des ensembles paléontologiques est le résultat des activités combinées des ours, de l'homme et des agents naturels (eau, soutirages, enfouissements partiels…). La chronologie de chaque intervenant n'est, à ce jour, pas établie clairement pour l'ensemble des secteurs de la cavité mais il est certain que les Paléolithiques ont utilisé l'ours : sans reparler d'anthropozoologie au sens “alpin” du terme, force est de reconnaître que les interactions entre occupations ursines et humaines d'une part et surtout l'utilisation des premiers, au propre (ossements) comme au figuré (représentations; cf. Baffier et Ferruglio 2001b) par les seconds est évidente, sans qu'il soit toujours possible d'étayer rationnellement ces observations. Les actions humaines reconnues sur le stock osseux peuvent être organisées en différents gradients; le crâne d'ours sur le bloc rocheux de la Salle du Crâne constitue le principal critère d'une intervention anthropique, d'autres observations (“ négatifs” d'au moins quatre os déplacés dans la Salle du Crâne, fémur dans la Salle Brunel, côte sur un surplomb rocheux près des Points rouges, vertèbre à la sortie de la Bretelle, côte au sommet de la paroi Ouest de la Galerie du Cactus) ne constituant que des indices d'une manipulation d'ossements. La Salle du Crâne présente l'étonnante singularité de contenir plus d'une cinquantaine de crânes d'ours (cinquante trois repérés à ce jour), dans un périmètre d'une dizaine de mètres au pied du gros bloc rocheux (sur lequel repose également un crâne d'ours). Il n'y a pas de positionnement préférentiel des crânes (certains reposent sur leur face basale, d'autres sont retournés ou de profil). Un épais lit de calcite ennoie souvent ces crânes, ne laissant émerger que les parties sommitales (zones frontales, crêtes sagittales, arrière-crânes). La prédominance des crânes sur tout autre ossement, dans ce secteur au moins, paraît évidemment intrigante. Même si une intervention de l'homme pouvait être envisagée, il convient d'insister sur l'action combinée de phénomènes non anthropiques (eau, charriage, ours) qui a modelé cette configuration particulière des vestiges osseux; le niveau d'ennoiement est visible sur plusieurs pièces (crânes au pied du gros bloc rocheux, crânes près de la ceinture argileuse Nord et Sud) et à la périphérie de cette salle, des zones non ou faiblement calcitées, contiennent d'importantes quantités d'éléments postcrâniens (os longs, côtes…). L'absence de ces vestiges “plats” dans la zone des crânes peut s'expliquer, à ce jour, tout aussi bien par l'épaisse calcitation recouvrant le sol que par une intervention anthropique. Préciser la chronologie, les circonstances et surtout les motivations qui ont régi cet assemblage serait prématuré, tant les conséquences, dans les différents champs de recherche en archéologie préhistorique sont importantes. Deux autres catégories de témoins anthropiques avaient été identifiés lors des premières observations : os longs plantés dans le sol et os calcinés. Un examen plus attentif de ce matériel permet de privilégier une action non anthropique dans la mise en place de ces pièces. Dans les premières salles (Salle des Bauges, Salle Brunel, Salle des Panneaux Rouges), d'importants amas d'ossements d'ours, résultant d'un charriage par les eaux, sont visibles. La “Plage” comprend ainsi plusieurs centaines d'ossements couvrant une longue bande de la partie gauche de la Salle des Bauges. Sur ses marges, en bordure de parois, deux humérus apparaissent plantés verticalement dans le sol argileux, à proximité de crânes d'ours. L'absence de présence humaine dans ce secteur (empreintes, activités domestiques) favorise l'hypothèse d'une action naturelle, d'autant que d'autres os longs, également enfoncés verticalement dans l'argile, apparaissent dans des anfractuosités toutes proches, à la base des battements d'eau (dépôt d'argile fine sub-horizontal). Dans les foyers de la galerie des Mégacéros, des os d'ours calcinés avaient été repérés. Ces pièces (corps vertébraux principalement) sont enrobés de charbon de bois par imprégnation mais leur surface corticale demeure uniformément brune et la spongiosa est non affectée (aucune craquelure). L'utilisation de l'os d'ours comme combustible reste à démontrer. La grotte Chauvet apparaît comme un remarquable exemple de grotte où l'Ours des cavernes a hiverné. Indépendamment de tous ses autres intérêts (spéléologiques, karstologiques, préhistoriques), avec les 190 crânes d'ours actuellement recensés et avec tous les autres éléments squelettiques et les autres espèces, cette cavité constitue un remarquable gisement paléontologique. L'inventaire des vestiges osseux (notamment les crânes) dans chacun des secteurs accessibles de la grotte et les différentes traces d'activités animales permettent d'établir les premiers jalons chronologiques des fréquentations ursines et anthropiques de la cavité : ours / homme / ours. L'action combinée des hommes, des animaux cavernicoles et des agents naturels (écoulements d'eau, soutirages, calcitation) explique la disposition actuelle des ossements dans la grotte. De ce premier travail de relevés in situ, surgit toute la difficulté d'interpréter, dans l'espace et dans le temps, les intrications visibles en apparence entre l'homme paléolithique et l'Ours des cavernes. Les études futures auront pour but de déterminer ce qui revient aux uns et aux autres dans la formation et la modification des assemblages osseux, en relation avec les activités spécifiques pratiquées dans la cavité. Ces recherches auront pour objectif de caractériser les activités ursines et d'intégrer les données paléobiologiques (animales) à la géo-chronologie de la cavité. Par son exceptionnelle richesse en témoins archéologiques et paléontologiques, la grotte Chauvet apparaît être un lieu de recherches scientifiques privilégiées (car novatrices) sur les comportements des groupes humains paléolithiques en relation avec leur environnement naturel . | Au-delà des quelque 450 peintures et gravures datées du Paléolithique supérieur ancien, la grotte Chauvet (Vallon-Pont-d'Arc, Ardèche) a livré d'abondants vestiges paléontologiques (près de 4 000 ossementsjonchent le sol des différents secteurs de la cavité) ainsi qu'une riche palette de bioglyphes, d'origine animale (bauges, pistes, griffades et polis en pied de paroi) ou humaine (tracés digités, empreintes). Un premier inventaire de la faune identifiée (ossements sur les sols) souligne l'extrême prédominance de l'Ours des cavernes (99,9 % de la faune). Les interactions entre l'Homme et l'Ours sont présentées et discutées brièvement. | archeologie_525-06-10677_tei_270.xml |
termith-106-archeologie | Le Hohle Fels fait partie des plus grandes grottes du Jura souabe. La grotte se trouve sur les bords de la vallée de l'Ach et l'entrée s'oriente au nord-ouest à 7 m au-dessus du fond de vallée actuel (Blumentritt et Hahn 1991). Dans la proximité immédiate du Hohle Fels, également dans la vallée de l'Ach, se situent d'autres sites paléolithiques bien connus comme le Geißenklösterle, le Brillenhöhle et le Sirgenstein (fig.1). Les recherches au Hohler Fels commencent au cours de la première moitié du 19 e siècle. Les premières fouilles sont menées par O. Fraas de 1870 à 1871. Une deuxième phase de recherches commence dès le début du 20 e siècle avec R. R. Schmidt qui travaille sur cette période dans de nombreuses grottes du sud-ouest de l'Allemagne. A la fin des années 50, s'ouvre une nouvelle phase, lorsque G. Riek entame une campagne de fouilles de 1958 à 1960. De 1977 à 1979 et de 1987 à 1996, c'est enfin J. Hahn qui travaille sur ce site (Hahn 1977). Après sa disparition, N. J. Conard et H.-P. Uerpmann poursuivent les fouilles à partir de 1997. Les niveaux archéologiques principaux de la grotte datent du Magdalénien et du Gravettien mais les fouilles de 2001 ont également permis de dégager, à la base actuelle de la stratigraphie, plusieurs niveaux aurignaciens. Pour plus d'informations sur le Hohle Fels, nous renvoyons à quelques articles récents (Conard et Uerpmann 1999; Conard et Floss 2000; Conard et al. 2000). En 1998 déjà, avait été découverte une pierre peinte en rouge qui attisa le débat sur l'existence de l'art pariétal au Paléolithique supérieur en Europe centrale (Conard et Floss 1999). En 1999, c'est un nouvel exemple spectaculaire d'art mobilier qui était mis au jour. Il s'agit d'une ronde bosse en ivoire qui représente la tête d'un animal vraisemblablement d'un cheval (Conard et Floss 2000) (fig. 2a). L'objet a été trouvé au niveau GH 3d, c'est-à-dire dans une position intermédiaire entre les niveaux gravettiens et les niveaux aurignaciens de la grotte. L'objet mesure 36 mm de long, 7 mm de large, 15 mm de haut et pèse 3,6 g. Il est en ivoire, reconnaissable à la structure lamellaire tout à fait typique de cette matière première. Les surfaces de la statuette sont en grande partie couvertes de dendrites de manganèse. Même si l'identification taxonomique de l'animal représenté n'est pas sûre, il pourrait s'agir d'une tête de cheval ainsi que le suggèrent, entre autres, les fortes mandibules de la partie inférieure de la tête. Le museau et les naseaux sont également bien visibles. De part et d'autre de la tête, les deux joues sont formées par les surfaces de lamelles d'ivoire (fig. 2a, b). On ne trouve pas trace des yeux et des oreilles mais une hachure pourrait éventuellement représenter la crinière. Les deux joues sont gravées d'un décor comme on en trouve de très similaires sur les statuettes aurignaciennes du Vogelherd (Riek 1934, Taf. 2, 3). Toujours sur la partie inférieure de la tête, existe une gravure longue et ovale, subdivisée en lignes gravées transversales. Les surfaces sculptées de la tête sont lisses ce qui suggère une manipulation prolongée de la pièce. A la hauteur de la nuque, celle -ci est cassée, laissant supposer qu'il s'agit seulement d'une partie d'une sculpture plus complexe, peut-être même d'un animal entier. La statuette a été trouvée dans une position intermédiaire entre les niveaux GH 3d et GH 5. La surface fouillée étant très restreinte, ces deux niveaux demeurent encore relativement pauvres et leurs industries lithiques ne permettent pas vraiment une attribution culturelle. Au moment de la découverte de l'objet, le niveau GH 5 représentait le niveau le plus bas de la stratigraphie connue. Depuis, les fouilles se sont poursuivies en profondeur ce qui a permis de dégager à la base de la stratigraphie plusieurs niveaux aurignaciens (niveaux GH 6a sup. – 8). Ces nouvelles données permettent de situer la statuette en ivoire en une position intermédiaire entre les niveaux gravettiens et aurignaciens de la grotte. Afin de mieux saisir la datation absolue de la statuette, deux datations au 14C de restes osseux qui ont été trouvés dans la proximité immédiate de la statuette ont été effectuées. Ces datations de 29.560 + 240/ - 230 BP (KIA 8964) et 30.010 ± 220 BP (KIA 8965) soulignent d'une façon exemplaire la position stratigraphique de l'objet un peu au-dessous de la base du Gravettien qui a été daté au Hohle Fels et sur d'autres sites de la vallée de l'Ach autour de 29.000 BP (Housley et al. 1997). L'Aurignacien du Hohle Fels, récemment mis au jour, reste encore actuellement non daté mais l'épaisseur et la diversité des niveaux aurignaciens laissent augurer de datations probablement très anciennes. L'objet du Hohle Fels décrit dans cet article fait partie d'un ensemble de statuettes en ivoire du sud-ouest de l'Allemagne. Après la fouille des sites du Vogelherd, en 1931 (Riek 1934), du Hohlenstein-Stadel (Schmid 1989), en 1939, et du Geißenklösterle (Hahn 1988), au cours des années 70 et 80, le Hohle Fels est le quatrième gisement dans le Jura souabe à avoir livré des statuettes en ivoire datant du paléolithique supérieur ancien (Hahn 1986). Ces sites en grotte sont les témoins d'une phase extrêmement créative et innovatrice à un moment où les premiers Hommes modernes arrivent en Europe. De grandes séries de datations obtenues à partir de différentes méthodes (AMS-14C et TL) (Hahn 1995; Housley et al 1997; Richter et al. 2000) indiquent que le Jura Souabe était, sur le plan européen, une des régions où l'arrivée de l'Homme moderne et des changements culturels ont eu lieu très tôt. Ce processus rapide d'innovations a été décrit sous le terme du “Kulturpum-pemodell” (Conard 2000). Reste à résoudre le problème du contexte dans lequel ces innovations se sont produites. Ont-elles été induites par les changements climatiques contemporains de cette période (e.g. Dansgaard et al. 1993) ? Sont-elles liées à une situation de concurrence entre Néandertaliens et Hommes modernes ou encore à une évolution socio-culturelle indépendante des deux autres facteurs (naturel et humain) ? Il n'est pas possible de répondre pour l'instant à ces questions. Malgré certaines critiques (Zilhão et d'Errico 1999), le niveau III du site de Geißenklösterle daté d'environ 40 000 B.P. reste le niveau aurignacien le plus ancien de la région. (Bolus et Conard 2001). Le couloir du Danube semble avoir joué un rôle important dans l'extension de l'Homme moderne en Europe Centrale. Ce phénomène a été décrit sous le terme de “Donaukorridor” (Conard 2000). Les fouilles sur les sites du Geißenklösterle et au Hohle Fels seront poursuivies au cours des années qui viennent et devraient nous apporter d'autres éléments sur le problème de l'expansion des premiers Hommes modernes en Europe et de leurs relations avec les derniers Néandertaliens . | En 1999, les fouilles menées par l'équipe de l'université de Tübingen au Hohle Fels près de Schelklingen ont permis de découvrir une statuette en ivoire de mammouth représentant une tête d'animal, vraisemblablement de cheval. L'objet provient du niveau géologique 3d dans une position intermédiaire entre des niveaux riches du Gravettien et de l'Aurignacien. Ce niveau est daté d'environ 30 000 B.P. Avec cette découverte, le Hohle Fels est, après le Vogelherd, le Hohlenstein-Stadel et le Geissenklösterle, le quatrième site en grotte dans le sud-ouest de l'Allemagne à avoir livré des statuettes en ivoire du Paléolithique supérieur ancien. Cet ensemble d'objets d'art mobilier fait partie des oeuvres d'art les plus anciennes du monde et il est très important pour l'interprétation de l'évolution culturelle de cette époque des derniers néandertaliens et des premiers Hommes modernes en Europe. | archeologie_525-02-11798_tei_298.xml |
termith-107-archeologie | Le site de Enez Guennoc (Landéda, Finistère) a fait l'objet de fouilles sous la direction de P.-R. Giot de 1960 à 1972, avec pour objectif premier la compréhension des cairns néolithiques (Giot, 1987). Au cours de ces opérations, des occupations antérieures ont été découvertes et attribuées à « l ' é pipaléolithique azilien » (Giot et al., 1977; Giot, 1987; Monnier, 1980). L'association typologique des armatures a très vite convaincu O. Kayser de l'expression d'un stade très ancien du Mésolithique, voire d'une étape de transition Pléistocène/Holocène (Kayser, 1984). Nous profitons du regain d'intérêt qui souffle sur l' îlot de Guennoc, comme en témoigne l'étude des occupations de l' Âge du fer (Daire, 2008), pour revenir sur les traces qu'y ont laissées les premières occupations humaines. Nous avons apporté un regard technologique sur cette série lithique afin d'en affiner le diagnostic culturel et de mieux connaître les systèmes socio-économiques de ces derniers groupes de chasseurs-collecteurs. Par ailleurs, l'occupation néolithique de l' île ne semble pas s'étendre en dehors du contexte sépulcral, cette composante n'apparaissant pas véritablement dans la collection dont il est question ici. L'actuelle île Guennoc, promontoire rocheux d'environ 400 m de long pour 160 m de large, est constituée de migmatite de Plouguerneau et de granite migmatitique avec des variations de faciès possibles entre gneiss et granite porphyroïde (Giot, 1987). Le sol, peu développé et probablement érodé, se résume souvent à une simple humification de quelques centimètres d'épaisseur. Ce phénomène complique d'autant notre vision des niveaux les plus anciens mélangés aux occupations postérieures. Actuellement au débouché de l'Aber Benoît dans la Manche, l' île Guennoc est un dôme de 8 à 16 m NGF entouré de falaises de 2 à 3 m (fig. 1). La transgression flandrienne a modifié le trait de côte durant la Préhistoire. Ainsi, selon D. Menier (2004), le niveau de la mer durant le Pléniglaciaire se trouvait en Bretagne nord à - 120 m par rapport au niveau actuel de la Manche (18 000 BP). Il s'élève à - 65 m durant le Dryas récent et à - 25 m il y a 8 000 ans (ibid.). D'après les courbes bathymétriques publiées par le Service hydrographique et océanographique de la Marine (carte n° 7094), on peut estimer que Guennoc était rattachée au continent au premier Mésolithique (Préboréal-Boréal), la mer étant alors distante d'environ 4 km. L'occupation se trouvait néanmoins dans une zone à forte influence marine, de par sa position en bordure d'estuaire. Les fouilles ont permis d'appréhender l'ensemble des structures apparentes de Guennoc, à commencer par les cairns néolithiques. L'industrie lithique associée à ces mégalithes n'a pas été réétudiée dans cet article. Elle n'est pas abondante, se résumant à quelques éclats ou fragments de lames en silex et un petit nombre d'outils comme des grattoirs sur éclats, quelques burins et perçoirs, des lames de haches polies ainsi qu'une flèche à pédoncule et ailerons (Giot, 1987). Les témoignages de l' Âge du Fer sont également très présents sur l' île (Daire, 2008). Cet attrait pour Enez Guennoc a perduré aux cours des siècles avec des indices d'occupations médiévales, modernes et contemporaines. Le soin apporté aux fouilles de l'époque, avec notamment un tamisage systématique des sédiments, nous a permis de bénéficier d'une série exhaustive indispensable au bon déroulement de l'étude lithique. Cinq zones de fouille ont livré une industrie antérieure au Néolithique, aux alentours du cairn II et de l'enclos ou sous ces structures (fig. 2). Nous n'avons cependant pas réussi à attribuer clairement les différentes pièces découvertes à l'une ou l'autre de ces cinq zones, d'où l'impossibilité d'effectuer une analyse spatiale. Le « vieux sol » a tout d'abord été considéré comme un gisement « épipaléolithique azilien » au matériel homogène (Giot et al., 1977; Monnier, 1980; Giot, 1987). Dans le cadre des travaux sur le Mésolithique finistérien, la collection lithique a ensuite été attribuée au Mésolithique ancien à partir des planches de dessin des ouvrages précités (Kayser, 1984; Gouletquer et al., inédit). L'observation de la collection montre cependant l'existence d'un mélange associant ces deux attributions. Les perturbations post-dépositionnelles, avec une forte intervention des animaux fouisseurs ainsi que des témoignages d'agriculture récente, n'ont pas permis de distinguer différentes couches d'occupations à la fouille, ce qui rend l'étude des industries lithiques encore plus ardue. Croire que l'ensemble du matériel lithique va être significatif dans le cadre d'une attribution chronologique est utopique. Ainsi proposons -nous, en nous basant sur certaines pièces favorables à la diagnose chrono-culturelle, d'avancer pas à pas pour débroussailler un épineux mélange lithique. Grâce au tamisage effectué, nous bénéficions d'un corpus d'armatures reflétant assez bien les carquois des différents occupants de Guennoc (fig. 4 et 5). Cependant, la forte fragmentation des pointes de projectile (à 96,2 %), encore plus marquée que pour le reste du débitage (80,6 %), certainement en raison de la finesse des lamelles, rend l'identification des types parfois complexe. Leurs supports sont systématiquement dépourvus de cortex et auraient été extraits lors des séquences lamellaires de plein débitage. La moitié des armatures sont des lamelles à bord abattu. La délinéation du bord est essentiellement rectiligne, même si quelques rares exemplaires convexes pourraient être rattachés à des parties basales ou mésiales de monopointes à dos courbe. Ces pièces correspondent peut-être en partie à des pointes à dos, mais leur fragmentation nous interdit de nous prononcer de façon catégorique. Notons également qu'une de ces armatures, au bord denticulé, semble abandonnée en cours de fabrication. Une autre porte une fracture en cône sur la face supérieure du bord abattu, témoignant d'un accident lors de la retouche croisée du support. La latéralisation du dos est essentiellement senestre (à 69,6 %) lorsque la pièce est orientée partie proximale en bas. La largeur moyenne de ces lamelles une fois retouchées est de 8 mm pour une épaisseur de 3,2 mm. Ces différents fragments ne présentant pas la totalité des critères morphologiques et techniques permettant une diagnose, ils ne peuvent donc pas être utilisés comme marqueurs chrono-culturels. Les sept armatures classées comme monopointes à dos courbe sont attribuables à l'Azilien récent, daté de l'Allerød (12 000-11 000 cal. BC). Seules les pièces présentant un apex ont été rattachées à cette classe; cependant, trois fragments de pièces à dos portant une fine retouche sur le bord opposé à une extrémité pourraient être identifiés comme des bases de pointes de Grundy. Ils peuvent également être rapprochés d'un point de vue technique des penknife points anglaises contemporaines. La proximité des îles britanniques à ce stade de la transgression marine rend cette comparaison séduisante, même si des aménagements très opportunistes liés à l'emmanchement sont souvent observés sur des monopointes à dos courbe, y compris plus au sud comme sur le site des Prises (Brizambourg, Charente-Maritime : Naudinot in Blanchet et al, 2007). Une pointe à dos rectiligne et apex aménagé par troncature très oblique a également été identifiée. Elle pourrait correspondre aux canons des pointes de la Gravette mais pourrait également être rapprochée des pointes des Blanchères (Rozoy, 1978), découvertes en contexte de transition Dryas récent/Préboréal. Cependant ses dimensions s'en écartent avec une largeur de 10 mm pour une épaisseur de 5 mm (alors que les moyennes sont respectivement de 6 et 2 mm sur les pointes des Blanchères du Camp d'Auvours [Allard, 1982; Naudinot, 2008) et que l'orientation de la pointe en extrémité distale est assez anecdotique parmi ce type d'armatures. Si le procédé de la troncature oblique est constamment utilisé au cours du premier Mésolithique, de récents travaux montrent qu'on assiste à sa généralisation dès la transition avec le Dryas récent. L'observation de monopointes à dos courbe abandonnées en cours de fabrication plaiderait en faveur d'une utilisation dès l'Allerød (Valentin et Hantaï, 2005). Dans le corpus étudié, les pointes à troncature oblique sont bien représentées (27,8 %), avec une obliquité plus ou moins marquée. Elles sont essentiellement latéralisées à gauche (61,1 %), la troncature s'effectuant majoritairement en partie proximale (69,2 %); ces deux critères sont d'ailleurs récurrents sur ces armatures dans le premier Mésolithique régional. Ce sont de petites lamelles, peu larges et peu épaisses (respectivement 8,6 et 1,9 mm en moyenne), qui ont été sélectionnées comme support. On note une différence très marquée avec les lamelles à bord abattu en ce qui concerne l'épaisseur. Les microlithes géométriques sont très rares à Guennoc; on n'y compte en effet qu'un seul triangle scalène. À sa petite troncature concave s'ajoute une grande troncature brisée, sinueuse et gibbeuse, témoignant certainement d'un abandon en cours de fabrication. Terminé, ce triangle scalène de petites dimensions (l. 5 mm, e. 1,5 mm) aurait été latéralisé à droite. Aucune trace de piquant trièdre n'est visible, ce qui n'exclut pas le recours au procédé du microburin dont l'utilisation est attestée sur le site (fig. 3). Alors qu'on note un certain équilibre entre microburins proximaux et distaux, leur latéralisation à droite est quasi systématique (91,7 %). Dix pointes de projectiles ont été classées comme armatures indéfinies. Il est intéressant de noter que trois de ces pièces pourraient venir gonfler le corpus des microlithes géométriques. Le mélange des différents niveaux d'occupation pourrait être confirmé ici par la présence d'une éventuelle flèche tranchante néolithique. L'outillage commun (fig. 4 et 5) est faiblement représenté dans la série et est essentiellement réalisé sur des supports issus des premiers stades de débitage ou de l'entretien des volumes, comme en témoigne la présence de cortex sur un tiers de ces outils. La classe la plus importante est constituée de supports à retouches diverses et de troncatures (tabl. 1). Ces dernières, sur supports lamino-lamellaires, sont aussi bien obliques (à droite) que transverses; leur délinéation est majoritairement rectiligne et l'aménagement se fait préférentiellement en partie distale du support. Ces pièces sont accompagnées d'autres classes minoritaires : grattoirs sur éclats (dont un très petit de 13,7 x 14,9 x 7,3 mm), encoches et burins sur cassure ou pan naturel. Une lame à néo-crête semi-corticale portant une troncature oblique convexe associée à un amincissement de la basse pourrait être un couteau à dos de type indéterminé. L'outillage commun ne permet donc pas d'affiner le diagnostic culturel. On peut tout de même souligner l'absence de perçoirs et le fort taux de troncatures, ce qui écarterait l'hypothèse d'une forte composante néolithique. La totalité des pièces issues des cinq zones de fouilles a été étudiée suivant des critères morphométriques et morpho-technologiques. Nous proposons ici de décrire la chaîne opératoire depuis l'approvisionnement en matière première jusqu' à l'utilisation des outils façonnés. Nous sommes cependant bien conscients qu'étant donné l'hétérogénéité de la série, différentes chaînes opératoires doivent se fondre dans cet ensemble. L'ensemble lithique est composé de 1 817 pièces (tabl. 2), dont 25,7 % présentent une altération thermique. Mais des activités liées au feu au cours des différentes phases d'occupation ultérieures (foyer médiéval, four à goémon…), ainsi qu'une « combustion lente [de l' île] pendant des mois » en 1953 (Giot, 1987) nous invite à prendre du recul sur ce chiffre. La série est essentiellement constituée de silex (à 98,5 %). Au sein de cet ensemble, 12,9 % des pièces présentent des vestiges corticaux d'aspect roulé. Ces surfaces sont parsemées d'impacts pouvant résulter d'un transport maritime et par conséquent traduit un approvisionnement en position secondaire sur le littoral voisin. Une faible proportion d'éléments (0,5 %), au cortex natif, pourrait avoir fait l'objet d'une collecte en position primaire; l'origine en reste indéterminée. Les autres pièces en silex sont dépourvues de cortex, mais leurs teintes évoquent celles des galets de silex côtier de la région, originaires du Crétacé de la Manche. Les autres matières présentes à Guennoc sont anecdotiques (Quartz hyalin et filonien, quartzite et grès lustré), et le caractère intentionnel de leur fracture n'est pas toujours vérifiable. Il faut donc souligner ici la préférence accordée au silex aux dépens des autres roches taillables disponibles dans la région. Pour indication, la totalité de l'outillage commun et des armatures est en silex. Des activités de mise en forme des blocs se sont déroulées sur place au cours d'une ou de plusieurs occupation(s) préhistorique(s), si l'on s'en réfère au taux de pièces (semi -) corticales (13,4 %). Le décalottage des galets par percussion bipolaire sur enclume ne semble pas appartenir au bagage technique des tailleurs; on compte tout de même deux supports présentant des caractéristiques de ce débitage. Les crêtes d'initialisation n'interviennent pas dans la mise en forme, mais les tailleurs semblent plutôt avoir profité des convexités naturelles des galets. En effet, on ne compte que deux crêtes portant les vestiges de plages corticales, ces dernières pouvant résulter d'une extension du débitage sur les flancs, et ce même dans les dernières séquences d'exploitation. La série est à composante essentiellement lamino-lamellaire (72,9 %), dont deux tiers de lamelles (fig. 6). La fragmentation est particulièrement importante puisqu'elle atteint 78,3 %. La largeur des produits est surtout concentrée entre 6 et 11 mm, ce qui, pour les plus étroits, correspond aux derniers négatifs visibles sur les nucléus (fig. 7). Contrairement aux lamelles, le diagramme de production des lames montre une exploitation plus dispersée; nous préférons cependant rester prudents quant à l'interprétation de ce résultat étant donné les importants mélanges de différents techno-complexes. Quelques remontages ont permis d'affiner nos observations. Un de ces ensembles montre une réduction des volumes où les séquences lamellaires sont intercalées dans les séquences laminaires, mais ce seul exemple ne nous autorise pas à généraliser cette modalité qui n'en exclut pas d'autres. La bipolarité est plus marquée sur les lames que sur les lamelles (fig. 8) ce qui, dans une chaîne opératoire unique, indiquerait un rythme d'alternance plus marqué dans les premières phases de débitage. Les lames à deux et trois pans sont également réparties (respectivement 53 % et 47 %), alors que les lamelles possèdent majoritairement une seule nervure (à 65 %). En ce qui concerne les techniques de percussion, l'étude des talons montre que leurs types diffèrent en fonction des supports. Ainsi, les éclats ont souvent été extraits à partir de plans de frappe corticaux alors que les lames et lamelles présentent des talons plutôt lisses minces, filiformes et punctiformes (fig. 9). L'usage d'un percuteur de pierre dure est attesté pour les éclats, alors que les produits lamino-lamellaires portent souvent une lèvre bien marquée (fig. 10), plaidant plutôt en faveur d'un plein débitage mené au percuteur tendre organique. Cependant, la présence de quelques esquillements du bulbe pourrait être révélatrice d'un recours à un percuteur tendre minéral. Cette dichotomie des stigmates pourrait également être perçue comme un changement d'orientation du geste de percussion (de rentrant à tangentiel) au cours de l'exploitation au percuteur de pierre tendre. Mais n'oublions pas que ces observations peuvent être le reflet de différentes composantes culturelles au sein de l'assemblage. Certaines des pièces étudiées traduisent une volonté d'entretien du nucléus au cours de ses différentes phases d'exploitation; c'est le cas des 17 néo-crêtes, essentiellement partielles à un pan. Le ravivage des plans de frappe n'est quant à lui que très peu attesté à Guennoc. La rareté des nucléus à éclats ainsi que la proportion d'éclats portant les vestiges de plages corticales témoigneraient de leur implication dans les phases techniques, comme la mise en forme ou l'entretien des convexités, plutôt que d'une production indépendante; le cas des éclats lamellaires est quelque peu différent (cf. infra). Parmi les 24 nucléus récoltés, deux ensembles s'individualisent par leur objectif de débitage (fig. 11 à 13). Les trois nucléus à éclats présentent de multiples changements d'axe de débitage et une exploitation de la totalité des faces du volume. Des réfléchissements survenant en phase finale de débitage semblent à l'origine de l'abandon de certains nucléus. Des inclusions mal silicifiées sont également à l'origine de l'arrêt de l'exploitation. Les nucléus à petites lamelles étroites/éclats lamellaires forment quant à eux la majorité du corpus. La production de lamelles étroites semble indissociable de celle de ces petits éclats, ces deux types de produit ne formant qu'un seul et même objectif. Un seul nucléus privilégie le premier type de produit (fig. 11, n° 1) : son unique table unipolaire s'implante dans la longueur d'un galet côtier, le débitage à partir d'un plan de frappe lisse à corniche finement abrasée est semi-tournant et déborde sur les flancs; le dos est partiellement laissé cortical et un problème de convexité, accentué par un fort réfléchissement, est certainement à l'origine de l'abandon du bloc. Les nucléus associant production de lamelles et de petits éclats suivent différents modèles. Leur interprétation en terme de modalités de débitage pose problème : a -t-on affaire à différentes modalités ou à l'expression de plusieurs stades d'exploitation d'une même modalité ? Les différentes gestions du volume des blocs et manières de mener le débitage peuvent se résumer ainsi : – exploitation partielle de galets marins qui conservent un dos cortical, sur une table gérée de manière frontale à semi-tournante à partir d'un unique plan de frappe, avec une éventuelle intervention d'un plan de frappe strictement secondaire en fin de débitage pour pallier le manque de convexités. C'est tout de même ce problème qui signe l'abandon des nucléus; – débitage mené, sur des galets marins, par une succession de changements d'axes de débitage, sur une même surface ou sur des tables sécantes; grâce à cette méthode, le débitage en lui -même assure, tout au moins en partie, les corrections permanentes qui sont nécessaires; – gestion du volume identique mais qui présente un stade d'exhaustion poussé; ainsi, il n'existe plus de surface corticale et les dimensions finales des nucléus (jusqu' à 20 x 20 x 10 mm) poussent à s'interroger sur leur mode de préhension, les techniques de débitage ainsi que la destination des supports. L'étude technologique a offert des éléments de diagnose complémentaires à l'étude typologique. Ainsi, hormis la rareté des outils caractéristiques du Néolithique, la quasi-absence de produits portant les stigmates de percussion sur enclume confirme la faible part de ces industries en dehors des cairns (Guyodo et Marchand, 2005; Donnart et al., 2009). La phase d'occupation initiale du site, perçue à travers la présence de quelques monopointes à dos courbe aziliennes s'exprime également dans le débitage comme en témoignent les lames et éclats laminaires souvent bipolaires et peu réguliers. Le faible degré de préparation au détachement des produits, qui s'illustre dans les exploitations de la phase récente de l'Azilien régional (Marchand et al., 2004), mais aussi dans le reste de l'aire d'influence azilienne (Valentin, 1995), est également observable sur ces pièces. Cette composante rappelle d'ailleurs l'industrie du site de Lann-Gazel (Trémaouézan, Finistère : Le Goffic, 2001). Le premier Mésolithique est bien connu dans le Finistère par le groupe de Bertheaume (Gouletquer, 1973; Gouletquer et al., 1996; Kayser, 1991; Marchand, 2005; Blanchet et al., 2006). Rattaché plus précisément au Mésolithique moyen, ce techno-complexe est caractérisé par des armatures hypermicrolithiques telles que les lamelles de type Bertheaume, les triangles scalènes étroits et les pointes à bord abattu avec ou sans base retouchée. À Guennoc, les pointes de projectiles ne rappellent pas ce techno-complexe. De plus, le débitage sur éclat, fréquent dans le Mésolithique moyen finistérien, n'a pas été pratiqué sur l' îlot. Les nucléus ne mesurant que quelques millimètres en fin d'exploitation évoquent par contre ceux de la Petite-Île (Pontchâteau, Loire-Atlantique : Marchand et al., 1998) même si, dans le cas présent, le changement d'axe de débitage n'implique pas souvent une exploitation bipolaire séquentielle. Tout cela nous invite à placer cette occupation au tout début du Mésolithique. Les autres sites relevant du Mésolithique ancien en Finistère d'après l'inventaire inédit de P. Gouletquer et al. – Toulanay-1 (Plogonnec), Parc-Balan (Plouigneau) et Cougn-ar-Zac'h (Santec) – présentent une industrie qui rappelle celle de Guennoc. Peut-être faudrait-il parler d'une phase de transition entre industrie post-azilienne et Mésolithique comme le suggèrent les lamelles à dos rectiligne apparentées aux pointes des Blanchères et les pointes à troncature oblique, ainsi que l'avait proposé O. Kayser (1984). L'avancée des recherches et les risques importants de mélanges nous oblige à ne conserver cette idée que comme pure hypothèse. Durant les phases anciennes d'occupation de Guennoc, le domaine maritime stricto sensu était situé à quelques kilomètres tout comme la zone estuarienne de l'Aber Wrac'h, celle de l'Aber Benoît étant en revanche à proximité directe du site (fig. 1). Par conséquent, ces chasseurs-collecteurs ont eu l'opportunité d'exploiter deux biotopes différents, avec un fort potentiel en ressources alimentaires. En plus de cette abondance, de tels milieux bénéficient d'une forte stabilité, contrairement aux biotopes terrestres des mêmes latitudes, et sont moins sujets aux phénomènes de saisonnalité (Dunbar, 1960). La forte production primaire des estuaires (micro-organismes, tant animaux que végétaux, à la base de la chaîne alimentaire) (Odum, 1971; Lieth et Whittaker, 1975), attire de nombreuses espèces de poissons qui y trouvent quantité de nutriments. Il s'agit également d'un lieu de passage pour les poissons migrateurs tels que le saumon, l'alose ou l'anguille. L'association d'un milieu estuarien et d'un littoral rocheux permet aussi le développement d'une multitude d'espèces de mollusques et de crustacés et la transgression flandrienne a certainement favorisé la création de bancs de coquillages sur les plaines inondées (Yesner et al., 1980). Les ressources marines constituent une excellente source de calcium, d'iode, et de sels minéraux, mais sont en revanche assez pauvre en calories, à l'exception des poissons gras et des mammifères marins (ibid.). L'investissement en matière de recherche, d'acquisition et de traitement de ces ressources est cependant plus faible que pour les mammifères terrestres, ce qui augmente leur taux de retour (Kcal acquises par heure). Ces activités de collecte au sens large peuvent être complétées par la chasse des oiseaux; en effet, les estuaires sont aussi connus pour être des refuges prisés d'espèces migratrices ou hivernantes qui s'ajoutent à la longue liste des oiseaux marins des littoraux de la région. Cette richesse du milieu maritime n'interdit pas non plus le recours aux ressources terrestres tant animales que végétales. Nous ne pouvons finir ce tour d'horizon des ressources disponibles sans évoquer la matière première lithique. Absent en position primaire sur le Massif armoricain, le silex peut être collecté sous la forme de galets dans des cordons côtiers. Ainsi les chasseurs-collecteurs de Guennoc ont pu s'approvisionner en matériaux siliceux à proximité immédiate de leur habitat, ce qui n'exclut pas des apports plus lointains. Ces environnements étaient facilement accessibles lors des activités de subsistance journalières étant donné leur faible distance. Les études ethnographiques montrent que les groupes de chasseurs-collecteurs exploitent leur environnement dans un rayon d'environ 6 km; passé cette distance, ils préfèrent plutôt déplacer le campement (Endicott et Endicott, 1986, p. 149; Harako, 1981, p. 535; Rai, 1990; Vincent, 1984; Williams, 1974, p. 74). En plus de la position de promontoire, l'abondance en ressources animales, végétales et minérales a donc certainement joué un rôle dans la pérennité de l'occupation de l' Île Guennoc. Dans le cadre d'une mobilité à caractère essentiellement résidentiel (Binford, 1980), une telle diversité et disponibilité annuelle des ressources dans ces environnements permettrait aux groupes de chasseurs-collecteurs de pallier le manque de gibier en domaine terrestre durant les mois d'hiver : « The major effect of this diversity on the coastal population is that, during the most critical parts of the year, when the biomass of preferred resources is low, alternate forms of sustenance exist as a buffer » (Yesner et al., 1980, p. 729). Cependant, les exemples ethnographiques montrent que les installations en milieu côtier impliquent généralement une mobilité de type plutôt logistique (Binford, 1980). D'après les données de L. Binford (2001), nous avons calculé qu'environ 71 % des groupes de chasseurs-collecteurs actuels et sub-actuels de la planète dont la pêche représente plus de 50 % du régime alimentaire basaient leur économie sur une mobilité de type logistique. D'après les mêmes sources, les territoires des groupes en question sont plus réduits que ceux des sociétés essentiellement (à plus de 50 %) basées sur la chasse : 305,1 km² contre 858,6 km². À Guennoc, l'absence de restes fauniques conservés pour cette période ainsi que l'hétérogénéité de la série lithique restent cependant des obstacles à la compréhension des modalités des différentes phases d'occupation de l' île. Depuis la fin des années 1980, la dynamique des recherches concernant les sociétés de la fin du Pléistocène et du début de l'Holocène, mise en parallèle avec le développement de nouvelles méthodes d'analyses comme la technologie lithique, a renouvelé nos connaissances des groupes de chasseurs-collecteurs. L'analyse typologique de l'ensemble lithique de Guennoc avait déjà permis d'y repérer une composante azilienne; l'approche technologique affine le diagnostic en confirmant également l'existence d'une phase d'occupation ultérieure attribuable au premier Mésolithique. Depuis quelques années, après s' être développées en Amérique du Nord à l'initiative de L. Binford, les approches socio-économiques de ces sociétés se multiplient en Europe. Profitant de cet élan, nous nous sommes permis d'émettre plusieurs hypothèses quant aux conséquences de l'évolution des milieux sur les modes de vie des occupants de l' île Guennoc en nous appuyant sur des données ethnographiques . | L'étude technologique de la collection lithique d'Enez Guennoc (Landéda, Finistère) a permis de compléter l'analyse et l'attribution chrono-culturelle proposée dans les années 1980. Loin d'être homogène, cette série témoigne d'un mélange entre Azilien et premier Mésolithique, auquel il faut rajouter le matériel néolithique lié aux cairns. La situation géographique de l'occupation, mise en relation avec la transgression flandrienne et ses conséquences sur la disponibilité des ressources naturelles, nous a permis d'esquisser l'organisation socio-économique de ces groupes de chasseurs-collecteurs en zone péri-côtière. | archeologie_10-0500456_tei_154.xml |
termith-108-archeologie | L'agglomération protohistorique du Puech de Mus est établie sur la façade occidentale du Causse du Larzac, à la frontière du monde méditerranéen et de celui de la Celtique, qui n'est plus ici qu' à 90 km du littoral languedocien (fig. 1). Sondé par André Soutou entre 1965 et 1967 (Soutou 1985), ce site fait l'objet depuis 1995 d'un programme de recherches pluridisciplinaires dirigé par l'un d'entre nous (Ph. G.). Six campagnes de fouille s'y sont succédé de 1995 à 2000, permettant de dégager un secteur important de l'agglomération et de sa fortification (Gruat, Marty 1999; 2000a, 34-40; 2000b; 2000c). C'est l'occasion de reconnaître, pour la première fois dans le département de l'Aveyron, un habitat de cette période sur une surface étendue. Son intérêt est rehaussé par sa situation. Ce village participe -t-il de la sphère méditerranéenne ou du domaine intérieur ? Ne peut-on s'attendre à y mesurer des influences diverses ? Mais tout simplement, cette recherche apporte des données toutes nouvelles sur une région encore très méconnue pour cette période. Les très jeunes défunts, qui, pour la plupart, font défaut dans les nécropoles de l' âge du Fer et sont, pour certains, enterrés dans l'habitat, constituent à cet égard un des centres d'intérêt de ces recherches tout à fait significatifs. L'étude de ce sujet a démarré en Languedoc à la suite des découvertes des oppida de Vié-Cioutat à Mons et à Monteils, et de Gailhan, tous deux dans le Gard (Dedet, Duday, Tillier 1991). Cela a permis de valoriser des trouvailles anciennes, comme celles faites au Cayla de Mailhac (Fabre 1990), et, depuis lors, les découvertes se sont multipliées dans tout le Languedoc et ses marges, de la vallée du Rhône au Roussillon. Dans cette optique, les sépultures du Puech de Mus revêtent un intérêt tout particulier puisqu'il s'agit des premières reconnues aux marges occidentales de ce territoire, au sein des Grands Causses, dans le sud du Massif central. Après une présentation générale du site, des conditions de gisement et d'étude, nous examinerons chaque sépulture, chaque défunt et ses modalités de dépôt. La dernière partie s'attachera à donner une vision globale du phénomène au Puech de Mus et à le situer dans son contexte régional. À 842 m d'altitude, l'agglomération du Puech de Mus occupe l'extrémité d'un promontoire rocheux surplombant, d'environ 280 m de dénivellation, la haute vallée du Cernon, affluent du Tarn qui échancre profondément le Causse du Larzac (fig. 1 et 2). Un axe commercial, important pour le Massif central de la fin du VI e au début du IV e s. av. J.-C. et surtout durant le V e s., passe probablement à proximité du site. Marqué par la présence de céramiques d'origine méditerranéenne, vases attiques, amphores étrusques et de Marseille, céramiques grecques d'Occident grises monochromes et pseudo-ioniennes, il relie au plus court le littoral languedocien de la région d'Agde à l'Auvergne, par la moyenne vallée de l'Hérault, le Lodévois, le Millavois (oppidum de La Granède) et le Sévéragais (butte de Séverac-le-Château) (Gruat, Marty 2000a, 32-33). L'assiette de cet habitat est constituée par une avancée rocheuse bordée par des falaises et des pentes abruptes à l'ouest et au sud (fig. 2 et 3). Ces dernières sont formées d'un calcaire dolomitique. Leur base laisse apparaître, comme sur une grande partie des Grands Causses, le socle de calcaires noduleux ou sableux et de marnes de l'Aalénien supérieur. Elle surmonte des éboulis et des glissements en masse. L'agglomération est donc naturellement défendue sur ces deux côtés. À l'opposé, au nord et à l'est, un dispositif défensif d'environ 190 m de développement est encore marqué dans le paysage actuel par un talus surmonté d'une épaisse haie. C'est une enceinte de type « rebord de plateau » (Arcelin, Dedet 1985, 15), qui délimite, jusqu' à l' à-pic, une surface d'un peu plus d'un hectare. L'approvisionnement en eau ne pose pas de problème. Plusieurs sources prennent naissance dans les pentes du plateau. La plus proche, qui alimente le hameau de Saint-Pierre, est située à 250 m sous l'extrémité du promontoire, juste au-dessus de la courbe de niveau des 680 m (fig. 2). Par ailleurs, sur le Causse, à une centaine de mètres à l'est du système de fortification, un bouquet de végétation dissimulait naguère une mare pérenne très fréquentée par le gibier, aujourd'hui détruite. Les lieux, tout comme leurs environs immédiats, sont déjà habités ou fréquentés au Néolithique final/ Chalcolithique, comme l'attestent quelques documents résiduels découverts dans des niveaux protohistoriques (armatures de flèches, éclats de chaille, haches polies, tessons) (phase I). L'occupation protohistorique, rythmée par différentes phases architecturales, s'échelonne de la fin du VI e au début du IV e s. av. J.-C. (phases II à VIII). Le premier habitat protohistorique se rapporte à la fin du VI e et au début du V e s. av. J.-C. (phases II). C'est un village semble -t-il ouvert, encore mal connu, dont seules quelques rares structures en creux ont été mises au jour à la base de la fouille. Le second habitat de l' âge du Fer (phase III), daté du second quart du V e s., est marqué par la construction de deux remparts qui associent la pierre et des poutres de chêne. Ils sont dits « calcinés » en raison de leur démantèlement par le feu. Au vu des divers travaux dont ils ont fait l'objet, ils sont accolés sur l'ensemble de leur tracé; ils constituent vraisemblablement un même et unique ouvrage, d'environ 4,4 à 5,7 m de large, d'autant que les dendrochronologies obtenues sur leurs poutrages respectifs sont quasiment synchrones (entre - 486/-480 et - 456/-450). Nous sommes donc probablement en présence d'un rempart à parements internes, type bien connu à cette époque dans le Languedoc oriental tout proche, même si la technique constructive renvoie plutôt au domaine celtique. Pour l'instant, aucun vestige d'habitation ne peut être mis en relation avec cet ouvrage. Le troisième habitat protohistorique, daté entre la deuxième moitié du V e s. et le début du IV e s., comprend un nouveau système défensif, d'abord palissadé (phase IV), puis taluté et fossoyé selon trois étapes successives (phases V à VII). Fouillé sur 280 m 2 de superficie, il compte plusieurs édifices bâtis en matériaux périssables sur poteaux porteurs. Ceux -ci sont aménagés selon deux moments très rapprochés et non différenciés sur le plan sédimentaire (US 1005), contemporains des phases IV à VII des fortifications. Le plus récent, dont les structures sont très érodées, comprend le solin d'un bâtiment absidial d'une certaine ampleur, 15 m de long sur 7 m de large (habitation 1), disposé parallèlement au rempart, et pour l'instant isolé. Après l'abandon de l'agglomération (phase VIII), les lieux sont encore fréquentés ponctuellement à la fin de l' âge du Fer et au début de l'époque gallo-romaine (fin II e et I er s. av. J.-C. et I er s. ap. J.-C.), manifestement en liaison avec une modeste activité métallurgique. Enfin, le site est partiellement réoccupé durant le moyen âge, comme l'attestent, en sa partie méridionale, la découverte de tessons du V e au VII e s. et du IX e au xi e siècle, ainsi que l'existence de données archivistiques des XIII e et XIV e siècles. C'est à la phase initiale du troisième village protohistorique, celui de la seconde moitié du V e s. av. J.-C., qu'appartiennent les sépultures d'enfants découvertes à ce jour (fig. 3 et 4). L'épaisseur de la strate (US 1005), constituée de sédiments bruns, est extrêmement variable, de 4 à 60 cm, en raison du pendage prononcé du socle rocheux vers le nord. Ce niveau a été fouillé selon quatre décapages (N. I à IV). Globalement il est mieux préservé, d'une part juste derrière les fortifications que dans les zones plus éloignées d'elles, d'autre part dans le secteur nord qu'au sud. La portion fouillée de cette agglomération comprend différentes structures bâties, aménagées ou creusées : trous de calage de poteau, solins de pierres, fosses, foyers. L'ensemble permet de reconnaître plusieurs bâtiments isolés les uns des autres par des espaces non couverts, disposés parallèlement à la face intérieure du rempart (fig. 4). De l'est vers l'ouest, on trouve les édifices suivants : - un petit édifice trapézoïdal sur poteaux porteurs, de 2,2 m de long sur 1,15 à 1,4 m de large, identifié, par comparaison avec les structures de même plan du domaine celtique, comme un vraisemblable petit grenier; - une maison d'habitation de 10 m 2 environ de superficie, bâtie sur poteaux porteurs et solins de pierres, équipée d'un foyer central avec sole d'argile (habitation 2); elle est vraisemblablement ouverte vers l'est car elle se prolonge dans cette direction par une zone couverte sur poteaux porteurs, probable appentis d'environ 6 m 2, utilisé pour des activités culinaires; - un bâtiment 3 en matériaux périssables sur poteaux porteurs, de 8,80 m de long sur 6,40 à 7 m environ de large. De plan quadrangulaire, de surface couverte utilisable de l'ordre de 50 m 2, il ne paraît fermé que du côté des vents dominants d'ouest où il est muni d'un puissant solin de pierre, faisant également office de mur de terrasse pour compenser le pendage du substrat calcaire. À l'intérieur de cet édifice qui peut être interprété comme une forge, une batterie de soles d'argile rubéfiée a été mise au jour. Presque toutes sont liées à la métallurgie du fer et accessoirement à celle du bronze : nombreuses battitures, fragments de parois vitrifiées, abondantes scories, « loupes de fer », sidérolithes, objets finis ou seulement ébauchés, pièces usagées sans doute destinées au recyclage, rares fragments de creusets et coulures de bronze; - un bâtiment 4 sur poteaux porteurs, de plan non connu du fait de la limite de la fouille vers l'ouest. Il comprend des foyers de forge sur soles d'argile, qui indiquent la poursuite de l'activité métallurgique dans ce secteur. La fouille de cette portion du village a permis de découvrir les restes plus ou moins bien conservés de dix sépultures de très jeunes enfants (fig. 4) : - deux sépultures en place, à l'intérieur du bâtiment 3 (SP 1 et 3); - une, également in situ, contre la façade extérieure septentrionale de ce bâtiment (SP 2); - trois autres sépultures en place (SP 4, 5 et 6) et les restes d'un squelette disloqué (SP 10) aux abords immédiats du bâtiment 4; - les restes d'un autre squelette disloqué dans l'appentis de l'habitation 2 et à ses abords (SP 8); - les restes d'un autre individu disloqué à 6,5 m au sud du grenier, dans un secteur où plusieurs dispositifs de calage de poteau indiquent l'existence d'un bâtiment se développant plus à l'est en dehors de la zone fouillée (SP 7); - enfin, un os isolé d'un autre sujet à environ 4 m au nord de l'habitation 2 (SP 9). La fouille méthodique des six individus en place SP 1 à SP 6 et du squelette disloqué SP 7 a été effectuée durant les campagnes de 1997 à 1999 par l'équipe menant les recherches de terrain. Les décapages ont été réalisés à l'aide d'instruments fins (outils de dentiste, pinceaux fins), et le sédiment a été tamisé à la maille 2 mm. Chaque décapage a fait l'objet d'un relevé à l'échelle 1/1, tous les vestiges osseux ont été dessinés, et leur orientation anatomique a été portée pour les os des squelettes SP 5 et 6. La profondeur de ceux -ci a été notée à 0,1 cm près par rapport au niveau de référence. Un numéro d'inventaire reporté sur le plan correspondant a été affecté à la grande majorité des pièces. Les vestiges disloqués des squelettes SP 8 à 10 n'ont pas été identifiés en place; prélevés sur le terrain avec les os d'animaux, ils ont été repérés lors d'un tri systématique ultérieur. On dispose donc de la sorte de la totalité des restes des jeunes enfants découverts sur ce site jusqu'en 1999, concernant en tout dix individus. L'étude archéologique des sépultures a été faite à partir des documents graphiques et photographiques de terrain par l'un d'entre nous (B. D.), qui a aussi mené à bien l'étude anthropologique de chaque sujet, selon des protocoles codifiés par H. Duday et A.-M. Tillier (Tillier, Duday 1990; Duday, Laubenheimer, Tillier 1995). La détermination de l' âge au décès repose sur la confrontation des données recueillies sur les dents et sur l'ensemble du squelette. En ce qui concerne les dents, le critère le plus couramment employé pour des sujets très jeunes est le degré de calcification des germes dentaires. Nous avons retenu les données de référence publiées par D.H. Ubelaker (1978) qui tiennent compte de la variabilité individuelle. Les os permettent en premier lieu l'estimation de la stature du corps. À l'aide des dimensions prises sur la plupart des os mesurables, nous avons calculé la stature de chaque individu à partir des équations établies pour les fœtus et les nouveau-nés par I. GY. Fazekas et F. Kósa (1978). Mais ceux -ci ne prennent en compte que des mesures globales, qui, le plus souvent, ne peuvent pas être effectuées lorsque les os sont incomplets. Lors de l'étude des sujets de Sallèles d'Aude, H. Duday et A.-M. Tillier ont proposé un certain nombre de mesures destinées à compléter ces observations (Duday, Laubenheimer, Tillier 1995). Parmi ces mesures, nous donnons donc celles qui, par comparaison avec les défunts de Sallèles d'Aude, permettent de préciser les dimensions des corps et donc l' âge au décès des individus du Puech de Mus, notamment les plus incomplets ou les moins bien conservés (tabl. XV à XX). D'une manière générale ce sont les pièces les plus grandes qui fournissent les meilleurs résultats. Leur discussion doit prendre en considération la variabilité individuelle que I. GY. Fazekas et F. Kósa ont également étudiée. Ces données ont été complétées par des observations d'ordre morphologique (degré d'ossification, synostose…). Les schémas de conservation des squelettes ont été établis d'après la méthode proposée par C. Meiklejohn et T. Constandsee-Westermann et adaptée par H. Duday et A.-M. Tillier (Tillier, Duday 1990, 92-93). La détermination du sexe des jeunes individus à partir de mesures ou de critères morphologiques a fait l'objet de diverses tentatives, mais reste actuellement un problème non résolu (Duday, Laubenheimer, Tillier 1995, 75-76). Pour cette raison, et malgré l'intérêt qu'il y aurait, sur le plan culturel, à connaître le sexe de ces très jeunes morts et à savoir s'il existait une sélection en ce domaine, nous avons préféré renoncer à toute diagnose sexuelle. Le sujet de la sépulture n° 1 est un enfant à terme, décédé à la naissance ou dans les premiers jours de son existence. À l'exception des pieds, toutes les parties du squelette sont représentées, mais on note cependant l'absence d'un grand nombre de pièces, comme les deux clavicules, les deux scapulas, ainsi que le rocher droit et les radius, fémur et fibula droits (fig. 5 et tabl. I). La maturation des germes des dents déciduales est, dans l'ensemble, comparable à celle d'un enfant à terme. La taille corporelle, estimée par la moyenne des valeurs mesurées sur les deux humérus, et l'ulna droit, le radius, le fémur et le tibia gauches et les deux iliums est de 54,2 cm (tabl. II), soit très proche de la limite supérieure de l'intervalle de fluctuation à la naissance à terme (50 à 55 cm selon Fazekas, Kósa 1978, 263). La sépulture n° 1 a été installée en limite du bâtiment 3, entre deux des poteaux porteurs déterminant la façade orientale de celui -ci (fig. 4). Elle est tout près de l'un des trous de ces poteaux (TP53), en bordure de la zone de concentration maximum des foyers de forge. Le défunt a été déposé dans une dépression du substrat rocheux, sous le niveau de sédimentation humaine de l'occupation principale du lieu (niveau 1005). Du fait de l'abandon du secteur après cette occupation, on peut donc penser que cette sépulture a été aménagée durant la phase d'accumulation de la couche 1005, dans la seconde moitié du V e s. av. J.-C. La dépression rocheuse a un contour de détail irrégulier, mais un plan général globalement oblong, orienté est-ouest (fig. 6). Elle mesure 45 cm de long sur 20 à 30 cm de large. Sa profondeur maximale est de 10 cm. Il est cependant possible que la profondeur de la fosse ayant accueilli le cadavre ait été plus importante en fonction du niveau de sol contemporain, qui n'a pas pu être déterminé. Il semble que la base de la dépression rocheuse ait été aménagée de la main de l'Homme, car, malgré les inégalités des parois, le fond est relativement régulier. Le sujet repose manifestement en décubitus latéral gauche, l'axe vertex-coccyx étant dirigé du nord-ouest au sud-est (fig. 7 et 8). La calotte crânienne, fragmentée et incomplète, apparaît par sa face supérieure et latérale droite; l'axe postéro-antérieur du crâne est dirigé de l'ouest vers l'est. La colonne vertébrale, très incomplète, n'est pas en connexion; cependant, la succession des pièces osseuses est, grosso modo, dans l'ordre anatomique, du crâne aux iliums. Leur répartition d'ensemble dessine un arc relativement tendu, qui dénote une flexion du tronc. Les rares éléments de côtes présents ne sont pas non plus en connexion; ils ont toutefois été retrouvés dans leur région anatomique, sauf exception (n° 42). L'ilium droit (n° 19) se présente par sa face latérale, et il surmonte l'ilium gauche (n° 25) qui montre sa face médiale. Des autres os du bassin, seul le pubis droit (n° 5) a été retrouvé, mais déplacé à 5 cm au nord des iliums. Les deux iliums sont donc en connexion lâche : le droit s'est incliné sur le gauche par dislocation de la symphyse pubienne, phénomène classique dans la décomposition du cadavre lorsque le sujet est en décubitus latéral, et c'est là l'un des principaux éléments permettant de reconnaître la position du corps de ce sujet lors de son dépôt. La disparition des parties molles du bas-ventre rend ce mouvement possible même dans un espace colmaté. Du membre inférieur gauche il ne manque que le pied. Le fémur gauche (n° 4), qui apparaît par ses faces postérieure et latérale, est en connexion lâche avec l'ilium correspondant. Fémur et tibia (n° 2), qui apparaissent par leur face postérieure et médiale, et fibula (n° 7) gauches présentent entre eux également des connexions lâches. Ce membre est fortement fléchi et la cuisse forme un angle droit avec le tronc. Le tibia (n° 2) est le seul reste du membre inférieur droit. Il présente une orientation différente de celle des os de la jambe gauche, sa partie distale surmontant le tibia gauche. Nous ignorons la face d'apparition et le pendage de cet os; mais, s'il n'a pas subi de déplacement, il pourrait marquer une position fléchie du membre droit dans le plan vertical, car, entre ilium droit et tibia droit, il n'y a pas de place pour le fémur horizontal. En tout état de cause, le recouvrement de la jambe gauche par le tibia droit conforte la conclusion du décubitus latéral gauche du cadavre. Il reste, du membre supérieur droit, l'humérus (n° 43) et l'ulna (n° 10), qui apparaissent par leur face postérieure. Ces deux os sont en connexion lâche; ce membre devait être en extension, légèrement fléchi. Du membre supérieur gauche, seul l'humérus (n° 44) semble en place, parallèlement au droit. Il est visible par sa face antérieure. L'avant-bras gauche a été déplacé : le radius (n° 28) gît, cassé en deux, à 5 cm au sud, et l'ulna a disparu. Au sud de l'ulna droite on rencontre, en désordre, quatre métacarpiens et des phalanges moyennes et proximales qui marquent l'emplacement d'une ou des deux mains. En définitive, la disposition d'ensemble des os, qui correspond bien à la géographie du squelette, et les connexions constatées, quoique lâches, indiquent que l'on a affaire à un dépôt primaire. L'absence de certains os (en particulier rocher droit, radius droit, ulna gauche, fémur droit) alors que leurs symétriques sont présents, le déplacement des côtes et des vertèbres, le déplacement et le bris du radius gauche, montrent que ce dépôt a subi d'importants dommages par la suite, sous l'effet d'actions humaines liées à la poursuite de l'occupation des lieux, et/ou de la part d'animaux. Ces déplacements et dommages sont en tout cas trop importants pour être imputés à une décomposition en espace vide. Au demeurant, la disparition des pièces signalées ci-dessus ne saurait recevoir non plus une telle explication. En revanche, les connexions lâches visibles au niveau du membre supérieur droit, du bassin et du membre inférieur gauche sont compatibles avec une décomposition du cadavre dans un espace non colmaté. Aucun mobilier, pièce d'habillement ou de parure, ni offrande n'accompagne le défunt. Une dalle de calcaire oolithique de 28 cm de long, 11 cm de largeur maximum et 19 cm de haut, est plantée dans une anfractuosité du substrat, près du bord méridional de la fosse, dans le secteur des pieds du cadavre (fig. 6). L'absence de trou de calage à cet endroit précis, et le caractère unique d'un tel dispositif sur toute la surface du bâtiment, permettent de relier cette pierre dressée à la sépulture. Il pourrait s'agir d'un dispositif de signalisation, du genre stèle brute, qui pouvait émerger du sol de quelques centimètres, selon la hauteur de celui -ci. Et dans ce cas, la tombe se trouvait protégée entre cette dernière et le trou de poteau 53. La sépulture n° 2 est celle d'un enfant à terme, mort à la naissance ou dans les premiers jours qui ont suivi. Toutes les parties du squelette sont attestées, à l'exception des pieds; cependant, du membre supérieur gauche, seuls subsistent quelques fragments, et certains os des membres inférieurs, tibia et fibula droits, font défaut (fig. 9 et tabl. III). Les germes des dents déciduales montrent un degré d'évolution compatibles avec le terme. La taille corporelle estimée par la moyenne des mesures effectuées sur l'humérus, le radius, le premier métacarpien, l'ilium, l'ischium et le pubis droits, le fémur, la fibula, le premier métacarpien et l'ischium gauches (tabl. IV) est de 50,8 cm, proche cependant de la limite inférieure de l'intervalle de fluctuation à la naissance à terme (50 à 55 cm) (Fazekas, Kósa 1978, 263). Les deux pièces crâniennes mesurables, basi-occipital et exo-occipital gauches donnent une estimation plus haute de la taille du sujet (54,9 cm), qui fait monter l'estimation par la moyenne de l'ensemble des mesures à 51,8 cm, soit toujours dans la même fourchette. Mais le calcul à partir des os du crâne est moins fiable que celui qui ne prend en compte que les grands os longs des membres. La sépulture n° 2 est située à l'extérieur, mais tout près de la paroi septentrionale du bâtiment 3, dans un espace de circulation non couvert entre ce dernier et le mur d'enceinte de l'agglomération (fig. 4). Elle se trouve placée tout contre un muret de pierres de calcaire dolomitique liées à de la terre, construit juste en avant du bâtiment. Un des blocs de cet aménagement a pu faire office de système de signalisation et/ou de protection, car c'est le seul, de tout l'alignement, en position subverticale. Les restes du squelette ont été découverts au sein d'une couche de sédimentation humaine épaisse de 35 à 40 cm (1005), entre 10 et 15 cm au-dessus de la partie inférieure de cette couche qui repose directement sur le substrat rocheux. Ils se trouvaient probablement dans une petite fosse que seule la position du corps permet de soupçonner, car aucun indice de paroi n'était visible. Aucun mobilier, pièce d'habillement ou de parure, ni offrande n'accompagne le défunt. L'examen du relevé et des clichés effectués lors de la fouille montre que le sujet 2 repose de trois quarts face, dans une position intermédiaire entre le décubitus latéral droit et le décubitus dorsal, l'axe vertex-coccyx étant dirigé du nord-ouest au sud-est (fig. 10 et 11). Le crâne est écrasé, mais la calotte a conservé sa forme globale. Très fragmenté, il a été prélevé en bloc sans que chaque morceau ne soit distingué, si bien que nombre d'entre eux ne peuvent être localisés précisément. Sur le cliché, il apparaît par sa partie supérieure et latérale gauche, et on aperçoit l'arcade orbitaire gauche. La tête devait donc reposer sur le côté doit, l'axe postéro-antérieur dirigé de l'est vers l'ouest. Elle a légèrement basculé vers l'avant, les deux hémi-mandibules n'étant pas visibles, de même que les clavicules, les vertèbres cervicales et les premières côtes, prélevées en bloc avec le crâne. Si le rachis cervical n'a pas été observé in situ, le rachis thoracique apparaît nettement disloqué. Il n'en reste que quelques pièces découvertes dispersées jusqu' à 5 cm de part et d'autre de l'axe de la colonne vertébrale (deux corps vertébraux sur douze, cinq arcs neuraux gauches et dix arcs neuraux droits sur douze). Le grill costal droit est partiellement conservé en connexion, mais la face d'apparition de ces éléments de côtes ne peut être précisée. En revanche, parmi les fragments de côtes latéralisables, aucun ne se rapporte au côté gauche. La partie lombaire et sacrée du rachis est, pour sa part, en connexion plus ou moins serrée. L'ilium droit (n° 6) se présente par sa face interne, et le gauche (n° 10) par sa face externe. Le droit se trouve 8 mm plus bas que son symétrique et il a légèrement glissé vers le nord, de même que l'ischium et le pubis droits qui sont en connexion lâche avec lui. La position des deux iliums, en tout cas, est un argument majeur pour la détermination de la position du sujet. Du membre supérieur droit, il ne manque que la plupart des éléments de la main. La scapula (n° 91), l'humérus (n° 46), le radius (n° 45) et l'ulna (n° 44) droits sont dans leur région anatomique et paraissent indiquer un membre en extension parallèlement au thorax. Quelques os de main (la droite ?), prennent place 3 cm au sud-ouest vers le thorax. Ce membre n'est cependant pas exempt de perturbations : humérus brisé en deux, et sa moitié distale (n° 1a) retrouvée 13 cm à l'ouest, légers décalages entre scapula et humérus, et radius et ulna. Des bras et avant-bras gauches, seule subsiste l'extrémité distale du radius, non observée en place. Quelques os de main (la gauche ?), gisent près du menton. Le membre inférieur droit a presque entièrement disparu. Il n'en reste qu'une moitié de fémur (n° 2), déplacée à 4 cm au nord de l'ilium correspondant. Le gauche est mieux conservé. Globalement, coxal, fémur, moitié distale du tibia et fibula sont en connexion lâche, montrant un membre fortement replié vers le ventre. La moitié proximale du tibia a cependant disparu. Il en va de même des os des pieds, à l'exception d'un calcanéum (n° 64) et d'un talus (n° 65), retrouvés en haut du thorax. De l'ensemble des connexions observées, on peut conclure à un dépôt primaire. Mais le squelette a subi des dérangements plus ou moins importants au niveau du thorax, du membre supérieur droit, du membre inférieur gauche et des pieds, tandis que le membre supérieur gauche a disparu. Certains déplacements sont d'une telle importance, qu'on ne peut, pour les expliquer, invoquer une simple décomposition du corps en espace vide. Il est plus probable que nous ayons affaire à un dépôt en espace colmaté, partiellement perturbé par l'action d'animaux fouisseurs, voire des actions humaines générées par la poursuite de l'occupation du lieu. Le sujet de la sépulture n° 3 est un fœtus ou un prématuré de 8,5 mois lunaires, soit 7,5 mois de grossesse. Le squelette est très incomplet. Il manque, en particulier, la totalité des deux membres inférieurs. Le crâne est très mal conservé et les germes dentaires sont absents. Les extrémités des membres supérieurs ne sont représentées que par deux métacarpiens (fig. 12 et tabl. V). La taille corporelle estimée par la moyenne des valeurs relevées sur les deux humérus et sur l'ulna gauche (tabl. VI) est de 42,7 cm, en limite supérieure de l'intervalle de fluctuation des grands os longs des membres à 8,5 mois lunaires (Fazekas, Kosa 1978, 262). Les pièces crâniennes mesurables donnent des valeurs semblables ou légèrement supérieures : avec 11,6 mm de longueur, le basi-occipital est également en limite supérieure de l'intervalle admis à 8,5 mois lunaires, tandis que les deux occipitaux prennent place dans les limites admises pour 9 mois lunaires (ibid., 151); mais l'estimation à partir des os du crâne est moins fiable que celle qui prend en compte les grands os longs des membres. La sépulture n° 3 est installée à l'intérieur du bâtiment 3, à proximité de sa paroi occidentale, presque au niveau de l'axe transversal de l'édifice (fig. 4). Un foyer, dont le rapport chronologique avec ce dépôt funéraire ne peut être précisé, se trouve à 0,3 m seulement au sud-ouest. Les restes osseux ont été découverts au sein de la couche de sédimentation humaine 1005, épaisse dans ce secteur de 0,3 m, à environ 0,1 m au-dessus du substrat rocheux. Le défunt se trouvait probablement dans une petite fosse que seule la position des os suggère, car aucun indice de paroi n'était visible. Les multiples réaménagements liés à l'activité dans le bâtiment doivent être responsables de la disparition de la partie inférieure du corps. Aucun mobilier, pièce d'habillement ou de parure, ni offrande n'accompagne le défunt. Malgré les destructions qu'il a subies, il est manifeste, d'après le relevé et les clichés de fouille, que le sujet n° 3 a été déposé en décubitus dorsal, orienté nord-est sud-ouest, la tête étant placée au nord-est (fig. 13 et 14). Les os droits, humérus, côtes, hémi-arcs neuraux, s'inscrivent dans un espace nettement plus resserré que leurs homologues gauches : sans doute avons -nous affaire à un effet de paroi, le côté droit du cadavre ayant été tassé contre le bord de la fosse. Du crâne, seuls subsistent des éléments de la base, mais on ignore leur position exacte, car ils ont été prélevés en bloc. Le membre supérieur droit devait être en extension le long du corps, en contact avec le tronc : l'humérus (n° 35) est en contact avec les côtes; mais l'avant-bras a été déplacé, le radius (n° 27) a pivoté vers l'ouest à partir de son extrémité distale qui est, semble -t-il, à son emplacement originel (l'ulna n'a pas été positionnée). La partie gauche du grill costal est largement ouverte et plusieurs côtes paraissent en connexion. Les grands os longs du bras et avant-bras gauches (n° 1, 2 et 3) apparaissent par leur face antérieure et sont en connexion : ce membre était en extension, très légèrement écarté du corps. Aucun os ne subsiste des membres inférieurs. Le squelette n° 4 est très incomplet, mais toutes les régions anatomiques sont représentées, à l'exception de la ceinture pelvienne (fig. 15 et tabl. VII). C'est celui d'un enfant à terme, mort-né ou décédé à l'accouchement ou durant les premiers jours qui ont suivi. Les germes des dents déciduales montrent un degré d'évolution compatible avec le terme. La taille corporelle estimée par la moyenne des mesures effectuées sur les rares os longs des membres conservés (la longueur des deux ulnas et la largeur de l'extrémité distale du fémur) (tabl. VIII) est de 50,1 cm. L'ensemble des pièces mesurables (outre les précédentes, les deux écailles temporales, l'exo-occipital gauche, la scapula droite et la première côte gauche), donne 50,9 cm. Les deux moyennes sont proches de la limite inférieure de l'intervalle de fluctuation à la naissance à terme (50 à 55 cm). La sépulture n° 4 a été installée dans un espace de circulation non couvert, compris entre le bâtiment 3 et un alignement de calages de poteau et de pierres dressées qui paraît déterminer un autre édifice, le bâtiment 4, situé plus à l'ouest (fig. 4). En particulier, l'alignement et la symétrie des deux gros calages 76 et 77 et de deux pierres verticales permettent d'évoquer l'existence d'un seuil ouvrant ce bâtiment 4, avec la sépulture dans l'axe du passage. En outre, des foyers portant des traces d'activités métallurgiques se trouvent dans cet espace non couvert, à 0,3 m au sud-ouest et à 1,6 m au nord de cette sépulture. Les restes ont été découverts au cours du décapage III de la couche de sédimentation humaine 1005, épaisse d'une cinquantaine de centimètres dans ce secteur, à environ 10 cm au-dessus du substrat rocheux. Sans doute se trouvaient-ils dans une petite fosse, mais aucun indice de paroi n'était visible. Le squelette de ce sujet est très incomplet et, à l'exception de la calotte crânienne, entièrement disloqué, les pièces osseuses sont réparties sur une aire rectangulaire de 26 cm de long sur l'axe nord-sud et 14 cm de large sur l'axe est-ouest (fig. 16 et 17). Les éléments du crâne se trouvent dans la partie méridionale de cet espace. Les deux pariétaux apparaissent par leur face exocrânienne et montrent un volume crânien partiellement conservé, le gauche (n° 29a) chevauchant partiellement le droit (n° 29b). Ils indiquent une orientation de l'axe postéro-antérieur du crâne sud-nord, la partie arrière étant au sud-sud-ouest. Le temporal gauche (n° 30), de même que les restes des parties droite et gauche du maxillaire supérieur (n° 4), le malaire droit (n° 31) et un germe dentaire (n° 5), sont tout près du pariétal gauche, au nord-ouest. Le temporal droit (n° 8), pour sa part, se trouve à 8,5 cm au nord du pariétal droit. Les positions des hémi-mandibules et de l'exo-occipital gauche n'ont pas été relevées. Les autres os du crâne et les massifs pétreux sont absents. Le rachis est disloqué. Un arc neural gauche de vertèbre thoracique (n° 2) est à la hauteur du crâne. Les quelques autres pièces conservées de la colonne vertébrale forment un alignement discontinu à partir du crâne vers le nord-nord-est, avec cependant une succession à peu près conforme : demi-arc neural droit de vertèbre cervicale (n° 6), demi-arc neural gauche de vertèbre thoracique (n° 9), corps de vertèbre lombaire (n° 13), deux corps de thoracique (n° 16 et 20), demi-arc neural gauche de vertèbre lombaire (n° 23), demi-arc neural droit de vertèbre lombaire (n° 18), corps de lombaire (n° 19) et corps de sacrée (n° 18). Les membres supérieurs sont complètement disloqués. La scapula droite (n° 3) prend place à 3,5 cm au nord-ouest du côté gauche du crâne, tandis que la gauche est à 14 cm au nord-est de celui -ci. Les deux clavicules ont disparu. Les deux ulnas (n° 26 et 17-21-24) sont dans ce dernier secteur, la gauche brisée en trois morceaux (n° 17-21-24). La moitié proximale de l'humérus droit (n° 28) est encore plus loin, à 18,5 cm au nord du crâne. Des membres inférieurs, seule une fibula (n° 27) a été localisée sur plan, dans les environs de l'humérus droit. On notera par ailleurs que lors du décapage II, immédiatement précédent, du même carré L9, plusieurs pièces osseuses du même sujet ont été découvertes, sans que leur position exacte soit relevée : la moitié distale du tibia gauche qui recolle avec la moitié proximale de cet os découverte lors de la fouille du squelette, la moitié distale du radius droit et des fragments de côtes. Au même décapage, dans le carré K10 contigu, ont été trouvées une moitié proximale de fémur droit et une moitié distale d'humérus droit correspondant à un individu de même taille. Ces pièces, qui manquent dans le lot du squelette n° 4, pourraient également appartenir à cet individu. Ce squelette est donc disloqué et a, semble -t-il subi de fortes perturbations du fait de la continuation de l'occupation des lieux. Néanmoins, la répartition générale des pièces osseuses qui ont fait l'objet d'un relevé paraît indiquer un dépôt primaire, l'axe vertex-coccyx étant dirigé du sud-sud-ouest au nord-nord-est. La tombe 5 abrite un enfant né à terme et décédé à la naissance ou, plus vraisemblablement, dans les premiers jours de son existence (fig. 18 et tabl. IX). La taille corporelle peut-être estimée à 53,9 cm à partir des grands os longs des membres (humérus, radius, ulna, fémur et tibia droits, et fémur gauche). À partir des os du crâne, exo-occipital et basi-occipital, elle est de 56,9 cm. La moyenne de l'ensemble est de 54,9 cm, soit un poids de l'ordre de 4 kg (tabl. X). Ces valeurs sont en limite supérieure de la fourchette admise pour les mort-nés à terme (50 à 55 cm selon Fazekas, Kósa, 1978, 263) ou même légèrement supérieures à elle. Le développement des germes dentaires et la présence des noyaux de Béclard confortent cette hypothèse. La sépulture n° 5 a été installée à 4 m à l'ouest du bâtiment 3, dans un secteur auparavant dédié à des activités métallurgiques, et alors désaffecté (fig. 4). Elle a été découverte dans la partie supérieure du niveau d'occupation de la seconde moitié du V e s. av. J.-C. (US 1005), à 28 cm au-dessus d'un sol bien marqué par deux grands foyers (Fo 27 et Fo 30) qui ont livré de nombreuses battitures, scories, et loupes, ainsi que de fragments de parois scorifiées (de bas fourneau ?). Se trouve -t-elle dans un espace de circulation alors non couvert, ou bien contre la paroi d'un bâtiment dont un angle est matérialisé par les poteaux 67 à 70 ? La contemporanéité de ces derniers avec la sépulture n'est pas assurée et il est difficile de se prononcer, d'autant que les lieux se trouvent en limite du secteur fouillé. Sans doute le cadavre a -t-il été placé dans une petite fosse dont la paroi orientale, vers l'amont, semble matérialisée par la position des restes osseux. Le sujet repose manifestement en décubitus latéral droit, l'axe vertex-coccyx étant dirigé du nord-ouest au sud-est (fig. 19 et 20). La calotte crânienne est écrasée et très fragmentée. Les morceaux ayant été prélevés sous le même numéro (n° 75), seuls sont identifiés des portions de pariétal, droit ou gauche, et du frontal gauche. Certains indices permettent de penser que la tête reposait sur le côté droit, regardant vers l'ouest : position des exo-occipitaux au sud des restes de la calotte, le gauche (n° 76) recouvrant partiellement le droit (n° 77), et du maxillaire et du malaire gauches (n° 74). Toutefois plusieurs pièces crâniennes ont subi un fort déplacement : la grande aile droite du sphénoïde (n° 110) et le basi-occipital (n° 111) ont été retrouvés à 16 cm au sud-ouest. L'hémi-mandibule gauche (n° 74) figure dans sa région anatomique, mais retournée (elle apparaît par sa face interne) et basculée vers le sud; en revanche la droite (n° 98) se trouve à 8 cm au sud. Le rachis cervical et thoracique n'est pas en connexion, mais la succession de la plupart des pièces osseuses se présente, grosso modo, dans l'ordre anatomique. En revanche, le rachis lombaire et sacré est en désordre, certaines pièces se trouvant éparpillées vers le sud-ouest. Les côtes ont été découvertes, pour l'essentiel, dans leur région anatomique, les droites devant le rachis, signalant la mise à plat de cette moitié du gril costal, les gauches basculées au-dessus de la colonne vertébrale, parallèlement à elle. Les vestiges des membres supérieurs sont dispersés. Si la clavicule droite (n° 102), se trouve bien dans sa région anatomique, de même qu'ulna (n° 65) et radius droits (n° 67), il n'en va pas de même de la scapula (n° 112) et de l'humérus (n° 15) droits qui gisent à 15 cm au sud. Le membre supérieur gauche a presque complètement disparu; seule en subsiste la moitié distale du radius (n° 20) observée à la fouille, en avant du thorax. De la ceinture pelvienne, il ne reste que l'ilum droit (n° 11), dans sa région anatomique, mais retourné, car il apparaît par sa face latérale. Fémur (n° 18) et tibia (n° 17) droits, bien que l'articulation du genou soit disjointe, semblent marquer une position de ce membre en forte flexion. La fibula correspondante, dont il ne reste que la moitié distale (n° 1), et le membre inférieur gauche (moitié proximale de tibia, n° 2, et fémur, n° 4) ont subi de forts déplacements, de même que les métatarsiens qui sont éparpillés. Beaucoup de désordres constatés se situent hors du volume du corps, mais cependant sur une surface réduite pouvant correspondre à celle d'une fosse creusée aux dimensions du cadavre, si l'on excepte deux phalanges proximales de main (n° 117 et 118) découvertes à 6 cm à l'est du rachis. D'ailleurs la limite orientale de cette fosse est bien marquée par l'alignement des os de la colonne vertébrale. Si donc le dépôt primaire ne paraît pas faire de doute, il est difficile de dire si la décomposition s'est produite en espace vide ou colmaté. La tombe n° 6 a accueilli un enfant né à terme et décédé lors de l'accouchement ou dans les jours suivants (fig. 21 et tabl. XI). Sa taille corporelle peut-être estimée à 52,5 cm (poids de 3,1 à 3,2 kg) à partir des dimensions des os longs des membres (fémur, tibia, fibula et premier métatarsien gauches, ulna et radius droits, et premier métacarpien) (tabl. XII). Toutes les valeurs se situent vers le milieu de la fourchette admise à 10 mois lunaires (50 à 55 cm selon Fazekas, Kósa, 1978, 263). La présence d'un noyau d'ossification, non localisé sur relevé, peut-être le point de Béclard (?), conforte l'hypothèse d'un décès après la naissance. Cette sépulture est implantée dans un espace non couvert, probablement un lieu de passage entre le bâtiment 3 situé à l'est et les diverses structures sur poteaux dressées à l'ouest, qui peuvent correspondre à un quatrième bâtiment, ou même à plusieurs édifices (fig. 4). La plupart des restes osseux de ce sujet ont été découverts à la base de la couche de sédimentation d'habitat de la deuxième moitié du V e s. av. J.-C. (US 1005), contre un léger ressaut du substrat dolomitique en pente vers le nord-ouest, sur le niveau d'altération de ce socle, marqué par la présence de pierres. Aucune limite de fosse n'a pu être observée à la fouille et le sédiment emballant les os est semblable à celui environnant le squelette. Mais sans doute cet individu était-il contenu dans une petite dépression comme l'indique la position des pièces osseuses, et en particulier celle, verticale, de la scapula droite. Ce dépôt a par ailleurs subi un arasement relativement important durant la poursuite de l'occupation protohistorique du lieu. En effet plusieurs pièces osseuses qui s'y rapportent ont été découvertes éparpillées sur une aire de 1 m de long sur 0,5 m de large jouxtant un calage de poteau (TP 71), à une distance de 0,7 à 1,3 m au nord-ouest du squelette dans le sens de la pente (corps du sphénoïde; diaphyse de clavicule, morceau de scapula et moitié proximale d'ulna gauches; trois phalanges proximales de main; un hémi-arc neural de thoracique gauche; sept fragments de côtes dont une tête de côte droite; un métatarsien). Le sujet n° 6 repose manifestement de trois quarts dos, dans une position intermédiaire entre le décubitus latéral droit et le procubitus, membres inférieurs fléchis. L'axe vertex-coccyx est orienté sud-nord (fig. 22 et 24). Le crâne a disparu après le dépôt du corps. Il n'en subsiste que quelques vestiges, non repérés en plan : un morceau d'exo-occipital droit et une dizaine d'esquilles de la voûte. Vu la position du reste du squelette, la tête se trouvait au sud, légèrement surélevée par la présence du banc rocheux, ce qui a causé sa disparition (rappelons que le corps du sphénoïde a été trouvé à 1 m environ au nord-ouest). Le haut du tronc a également subi des dommages. Le rachis cervical est très mal représenté, et les rares éléments subsistants (un corps de cervicale basse, n° 104, et trois petits fragments d'arcs neuraux) sont déplacés. Fragments de clavicule et de scapula gauches ont été retrouvés à un mètre environ au nord-ouest et seules subsistent dans leur région anatomique une portion de la clavicule (n° 2) et la scapula (n° 27) droites. Cette dernière est en position verticale et traduit un effet de paroi. Le rachis thoracique et lombaire, de même que les côtes, sont globalement en connexion. Le gril costal est refermé. Le membre supérieur droit est en connexion stricte sous le thorax (humérus n° 108, radius n° 107 et ulna n° 106). Il est très légèrement fléchi, parallèlement au tronc, et l'avant-bras est en supination. De nombreux éléments d'une main, sans doute la droite, se trouvent dans son prolongement, mais sans connexion. Le membre supérieur gauche n'est plus en place; seuls subsistent deux petits morceaux d'humérus et de radius non observés en place, ainsi que les quelques éléments découverts à environ 1 m au nord-ouest. La ceinture pelvienne est disjointe, mais les éléments conservés, le pubis et l'ilium gauches (n° 64 et 39) et des fragments d'un des ischiums (n° 37), sont restés dans leur région anatomique, cependant légèrement décalés vers le nord-est par rapport au tronc. Les membres inférieurs, en connexion plus ou moins stricte, sont fléchis à 45°. Le fémur gauche (n° 36) se présente par sa face externe; tibia et fibula (n° 41 et 40) sont en connexion, mais le tibia, qui apparaît par sa face interne, a légèrement roulé. Le fémur droit (n° 38) a légèrement roulé également et montre sa face postérieure, tandis que tibia et fibula se présentent normalement, par leur face interne. Les os des pieds sont disjoints mais ont été découverts dans leur région anatomique, l'axe du pied gauche formant un angle de 90° avec la jambe gauche, et l'axe du pied droit un angle beaucoup plus fermé avec la jambe correspondante. Cet ensemble correspond manifestement à un dépôt primaire. La décomposition du cadavre s'est opérée dans un espace colmaté car les os observés en place prennent place à l'intérieur du volume initial du cadavre. Une perle annulaire en ambre (fig. 23) a été découverte à 4 cm à l'ouest du rachis thoracique, en dehors du volume du corps et de l'espace supposé de la fosse (fig. 22, A). étant donné l'arasement de la partie supérieure du dépôt et le pendage général de la couche, on ne peut exclure qu'elle ait accompagné le cadavre, d'autant qu'aucun autre objet de ce type n'est attesté parmi l'abondant mobilier découvert dans l'ensemble de la zone d'habitat fouillée sur le site. La sépulture n° 7 est celle d'un enfant à terme, mort-né ou décédé lors de l'accouchement ou dans les premiers jours de son existence. La taille corporelle peut être estimée à 51,7 cm à partir des mesures effectuées sur les deux fémurs et l'humérus droit (tabl. XIV). Si l'on prend en compte également le seul os du crâne mesurable, le basi-occipital, la moyenne s'établit à 51,5 cm et le poids entre 3,1 et 3,2 kg. Toutes ces valeurs se placent vers le milieu de la fourchette admise pour un âge de 10 mois lunaires. Cet individu est extrêmement incomplet, mais, à l'exception des jambes et des pieds, toutes les parties du squelette sont représentées (fig. 25 et tabl. XIII). L'ensemble apparaît complètement disloqué. Les pièces, mal conservées et très altérées, ont été retrouvées dispersées sur une aire d'une vingtaine de centimètres de long sur l'axe nord-sud et une dizaine de centimètres sur l'axe est-ouest. Aucune connexion n'apparaît : basi-occipital et pétreux, fragment de clavicule droite, humérus gauche et deux côtes gisent sur moins d'un décimètre carré; le fémur droit est à 4 cm de ce groupement (fig. 26). Cette sépulture était installée en bordure d'un alignement de quatre poteaux (TP 19, 18, 17 et 22) appartenant vraisemblablement à un bâtiment, mais il n'est pas possible de savoir si elle se trouve à l'extérieur ou à l'intérieur de celui -ci, ces structures étant en bordure de la limite actuelle de la fouille (fig. 4). Les os ont été découverts sur le sommet de la couche correspondant à l'occupation de la fin du VI e ou du début du V e s. av. J.-C. (US 1007), dans le niveau d'occupation de la deuxième moitié du V e s. av. J.-C. (US 1005). Dans ce secteur, cette couche 1005 ne mesure que 4 à 5 cm d'épaisseur; elle est très érodée et a subi les remaniements dus aux travaux agricoles. La position stratigraphique suffit donc à expliquer le désordre et les lacunes que l'on constate dans les vestiges de cette sépulture. Plusieurs pièces osseuses ont été trouvées éparses dans la couche de sédimentation humaine (US 1005) de l'appentis du bâtiment 2 (carré E8) (fig. 4) : la moitié distale d'un humérus gauche, la moitié proximale d'un fémur droit et une portion d'ilium droit (fig. 27). Les mesures prises sur ces os indiquent, chacune séparément, un décès à dix mois lunaires in utero (tabl. XV, XVII, XVIII et XX). Ces pièces ne peuvent ou, selon les cas, ne semblent pas appartenir aux individus du même âge découverts en place (SP 1, 2, 4, 5, 6 et 7), soit parce qu'elles sont déjà représentées sur les autres squelettes, soit parce que leurs caractères physiques les rendent incompatibles avec les symétriques qui sont attestés sur ces squelettes. Au demeurant, les distances avec les individus les plus proches, SP 1 et SP 7, sont relativement importantes (respectivement 6 et 9 m). Il paraît donc raisonnable de considérer que ces os, compatibles entre eux d'après le stade de maturation, proviennent d'une sépulture installée dans l'appentis du bâtiment 2 et démantelée par la continuation de l'occupation du lieu. Une moitié acromiale de clavicule gauche compatible avec le terme, provenant du carré voisin (F8), peut également appartenir à ce défunt. Il s'agit donc d'un enfant à terme, mort-né ou décédé durant l'accouchement ou dans les premiers jours de son existence. Sa taille corporelle peut être estimée à 52,6 cm à partir de la mesure prise sur l'humérus gauche (tabl. XV, Hu7). Les mesures procurées par le fémur droit sont très proches de leurs homologues des sujets à terme des tombes 2, 4, 6 et 7, décédés à la naissance ou peu après, et dont la taille corporelle est comprise entre 50,1 et 52,5 cm (tabl. XVIII). La portion d'ilium droit a pour sa part des dimensions semblables à celles de la pièce homologue du sujet à terme de la tombe 1, mort dans les premiers jours suivant l'accouchement, dont la taille corporelle estimée est de 54,6 cm (tabl. XX). Par ailleurs, un tiers distal de fémur gauche, dont les dimensions sont proches de celles du fémur droit du sujet 8, a été découvert dans un niveau de colluvions superficiel, à environ 7 m au sud-est (carrés A7-A8) (tabl. XVIII, ZI,CE,NII). On ne peut exclure qu'il appartienne au même individu, mais comme c'est là la limite actuelle de la zone fouillée, l'hypothèse de la présence d'une autre sépulture placée plus à l'est doit être envisagée (fig. 4). La moitié distale d'un humérus droit a été rencontrée dans la couche de destruction par le feu du rempart (carré H6) (fig. 4). Cette couche, datée de la première moitié du V e s. av. J.-C., est recouverte en ce secteur par le niveau d'habitat 1005. Il est probable que cette pièce osseuse, non brûlée, provienne en fait de cet habitat. D'après la mesure prise sur cet os, la taille du corps du défunt peut être estimée à 44,7 cm, soit très proche de l'intervalle de fluctuation du fœtus de neuf mois lunaires (45 à 46 cm selon Fazekas et Kósa 1978, 262) (tabl. XV). Cette portion de membre n'est absente que sur les sujets 4 et 8, mais cette pièce ne peut appartenir à aucun de ces deux défunts : dans le cas du sujet 4 la moitié proximale conservée de l'humérus droit est incompatible avec elle, et pour le sujet 8, les différences de taille et de morphologie sont trop importantes avec l'homologue de gauche conservé. Il convient donc de considérer que cet os témoigne d'un neuvième individu, prématuré de neuf mois lunaires, dont le squelette a probablement été démantelé durant l'occupation de l'habitat. En limite occidentale du secteur fouillé, dans le carré M9, au sein de la couche 1005, ont été découverts plusieurs os épars appartenant à un nourrisson (fig. 4) : un morceau de la partie postérieure du pariétal doit, cinq petits fragments de voûte crânienne, un de côte basse, une moitié distale d'humérus droit, une moitié proximale d'ulna droite et une diaphyse de tibia droit (fig. 28). Il pourrait s'agir de pièces déplacées d'un squelette situé dans une zone proche non encore fouillée. Sur aucune des pièces osseuses de cet individu actuellement découvertes, on ne peut effectuer de mesure permettant de calculer la taille corporelle selon les équations de I. GY. Fazekas et F. Kósa. Mais d'autres mesures possibles, parmi celles préconisées par H. Duday et A.-M. Tillier, sont éloquentes et permettent de situer le décès vers trois mois ou dans les semaines qui ont suivi. En effet, les mesures prises sur les fragments d'humérus, d'ulna et de tibia sont largement supérieures à celles des enfants à terme du Puech de Mus, morts à la naissance ou dans les premiers jours de la vie (sujets 1, 2, 4, 5, 6, 7 et 8) (tabl. XV, XVI et XIX). Elles sont également plus élevées que celles effectuées sur un nourrisson du I er s. av. J.-C., mort à un ou deux mois, découvert à l'Ermitage d'Alès, Gard, et sur les nourrissons gallo-romains de Sallèles d'Aude ayant vécu de un à trois mois (tombes 2, 4 et 10; Duday et al. 1995). Mais, d'une manière générale, elles sont inférieures à celles de l'enfant de Sallèles d'Aude décédé entre 6 et 9 mois (tombe 11; Duday et al. 1995). À l'issue des recherches effectuées au Puech de Mus de 1995 à 2000, ce sont donc les restes d'au moins dix jeunes morts qui ont été mis au jour dans le secteur d'habitat de la deuxième moitié du V e s. av. J.-C. fouillé : un prématuré de 8,5 mois lunaires, soit 7,5 à 8 mois de grossesse (SP 3); un prémature de 9 mois lunaires, soit 8 mois de grossesse (SP 9); sept enfants nés à terme (10 mois lunaires), mort-nés ou décédés à la naissance ou dans les tout premiers jours qui ont suivi (SP 1, SP 2, SP 4, SP 5, SP 6, SP 7 et SP 8); un nourrisson mort vers 3 mois (SP 10). Aucun de ces enfants, semble -t-il, ne se rapporte aux autres périodes d'occupation de cette agglomération, mais ces phases sont encore trop mal connues sur ce site pour que l'on puisse affirmer que cette coutume est ici une spécificité de la deuxième moitié du V e s. av. J.-C. Par ailleurs, nous ignorons tout des pratiques funéraires mises en œuvre pour les autres catégories de défunts du Puech de Mus. La nécropole n'est pas connue; les terrains environnant le site sont cultivés depuis longtemps, et les travaux agricoles ont fort bien pu en faire disparaître les vestiges. Des ensembles tumulaires ont été repérés plus loin sur le Causse, à moins de deux heures de marche, notamment au Camp des Armes (Lapanouse-de-Cernon) à 4 km au nord-ouest, à Fabiergues et à Font Tubière (Sainte-Eulalie-de-Cernon) à 4 km au sud-ouest (recherches inédites d'A. Soutou), et au Blacas (Le Viala-du-Pas-de-Jaux) à 7 km également au sud-ouest (Gruat, Poujol 1997); mais ils sont le plus souvent un peu plus anciens (Gruat 2000, 66-68). C'est la première fois que la présence de tels jeunes morts est signalée dans un habitat protohistorique du Massif central. En revanche, cette pratique, bien attestée en Espagne, commence à être bien connue dans le Languedoc voisin de l' âge du Fer, et particulièrement à la même époque que le site aveyronnais, aux V e et IV e s. av. J.-C. Depuis une vingtaine d'années les découvertes se sont multipliées dans cette région (fig. 1). Nous faisions un premier point en 1990 à propos des découvertes de Gailhan, Gard (Dedet, Schwaller 1990, 141-147; Dedet, Duday, Tillier 1991; Fabre 1990). Depuis lors, le corpus s'est enrichi, avec la poursuite de certaines fouilles, comme Lattes (Fabre 1990; Fabre, Gardeisen 1999) ou Montlaurès (Fabre 1992), et des recherches nouvelles comme celle du Plan de Lavol à Boucoiran dans le Gard (V e s. av. J.-C.) (Dedet, Sauvage, à paraître). Ailleurs dans le sud de la France, le phénomène a été tout récemment constaté dans la moyenne vallée du Rhône, dans l'habitat de Bourbousson à Crest, Drôme (Treffort, à paraître), tandis qu'il apparaît peu répandu en Provence (Dedet, Duday, Tillier 1991; Nin 1999, 269). Parallèlement, dans les nécropoles régionales de l' âge du Fer, on remarque un très fort déficit des enfants par rapport à ce que l'on est en droit d'attendre d'une société « préjennérienne », et les plus jeunes y sont quasiment absents (Duday 1989; Dedet 2000, 135-137 et 154 notes 3 et 4; Dedet 2001, 255-260; Gruat 2000, 70). Dans les sociétés préjennériennes, les mortalités infantile (de 0 à 1 an) et juvénile (de 1 à 10 ans) sont très fortes. Sur cent individus nés vivants, environ vingt-cinq meurent avant leur premier anniversaire et vingt-cinq autres entre un et dix ans. Et parmi les moins d'un an, ce sont les plus jeunes qui paient le plus lourd tribut. Le premier mois de la vie est le plus redoutable. Par exemple, dans le bas-Quercy du XVIII e s. les décès du premier mois représentent plus de la moitié des décès de la première année (52,6 %) (Sangoï 1997, 196). Et pour cette classe d' âge, ce sont le jour de la naissance et ceux qui suivent immédiatement qui sont les plus dangereux : il meurt autant d'enfants durant la première semaine que dans le reste du premier mois en Nouvelle France (actuel Canada) au XVII e s. (Lalou, cité par Séguy 1997, 101), et environ un tiers dans le Quercy du XVIII e s. (Sangoï 1997, 195). Cette mortalité de la première semaine (mortalité néonatale précoce) est due à toute une série de facteurs, dits endogènes : la prématurité, par l'extrême vulnérabilité aux germes pathogènes et l'incapacité de l'entourage à créer des conditions thermiques optima (la plupart des prématurés de moins de neuf mois lunaires sont, dans les sociétés de type préjennérien, des enfants non viables); la grossesse en l'absence d'une observation suivie, car c'est au moment où commençait le travail que se dévoilaient les vices de conformation, de dilatation ou de position; les dangers des accouchements; l'état de santé de la mère; les malformations du fœtus. Après les premières heures ou les premiers jours, d'autres facteurs, dits exogènes, prennent le relais pour frapper les jeunes enfants : les maladies digestives, les affections respiratoires, les épidémies, mais aussi des usages culturels, comme, éventuellement, l'absence d'allaitement maternel qui, fragilise le nourrisson en le privant de l'action des anticorps du lait de la mère, ou encore le sevrage, qui, selon la saison, augmente les risques de maladie digestive. Dans la série du Puech de Mus, on devrait donc s'attendre à une répartition plus équilibrée entre périnataux et nourrissons. Or ce qui frappe, c'est la sur-représentation de la mortalité périnatale (prématurés théoriquement viables, mort-nés et nouveau-nés n'ayant vécu que quelques jours) par rapport aux nourrissons, dont les décès sont pourtant aussi nombreux : neuf contre un. Hasard de l'échantillon ? Il ne semble pas, car, en Languedoc, lorsque les analyses anthropologiques ont été faites, on trouve des proportions tout à fait semblables. Deux autres habitats contemporains du Puech de Mus ont fourni des séries de défunts nombreuses, à présent étudiées, où l'on retrouve exactement la même image (fig. 29) : à Gailhan, sur 23 sujets, figurent deux fœtus de 6 à 7 mois lunaires, un prématuré de 9,5 mois lunaires, dix-sept enfants à terme, mort-nés ou décédés dans les tout premiers jours de leur existence, un nourrisson d'un mois, un nourrisson entre un et trois mois, et un nourrisson de six mois (Dedet, Duday, Tillier 1991); dans le Lattes des V e et IV e s., soit 11 individus, on trouve deux fœtus entre six et sept mois lunaires et demi, huit enfants à terme, mort-nés ou décédés dans les tout premiers jours et un nourrisson de six mois (Fabre 1990; Fabre, Gardeisen 1999). L'étude anthropologique de l'importante série du Cayla de Mailhac, 38 sujets s'échelonnant entre le VI e s. av. J.-C. et le II e s. ap. J.-C., est en cours; cependant dès 1990 V. Fabre signalait que sur les huit individus ayant fait l'objet d'une étude ostéologique, sept sont décédés « aux alentours du terme » et le huitième est un prématuré de sept mois lunaires et demi (Fabre 1990, 408). La même tendance est discernable aussi sur les autres habitats protohistoriques qui n'ont procuré, à ce jour, qu'un nombre limité de cas. Ainsi à Montlaurès (Narbonne, Aude), les fouilles récentes, menées depuis 1989, ont révélé cinq individus : deux prématurés (8,5 à 9 mois lunaires et 9 à 9,5 mois lunaires) et trois enfants à terme, mort-nés ou décédés dans les tout premiers jours de leur existence (Fabre 1992). Enfin au Marduel (Saint-Bonnet-du-Gard), quatre des cinq enfants ont fait l'objet d'une étude ostéologique : il s'agit de trois enfants à terme, mort-nés ou décédés dans les tout premiers jours et d'un nourrisson ayant vécu quelques semaines, un mois tout au plus (Fabre 1990, 404-407). Au Puech de Mus, comme en Languedoc, il apparaît donc que périnataux et nourrissons, dont la très grande majorité est exclue des nécropoles régionales « normales », ne font pas l'objet des mêmes pratiques funéraires. Si les premiers (mais, à vrai dire, dans quelle proportion ?) sont ensevelis dans l'habitat, celui -ci n'abrite pas la grande majorité des seconds, pour laquelle on ignore tout des coutumes mises en œuvre. Or cette différence d'attitude correspond aux deux types de causes de mortalité infantile, facteurs endogènes d'une part, exogènes d'autre part. Manifestement les causes de la mort, ou du moins la perception que peuvent en avoir alors les hommes protohistoriques, conduisent à des comportements funéraires différents. Quelques nourrissons cependant dérogent à cette règle et sont présents dans l'habitat, comme si leur mauvais état de santé remontait à la naissance, gommant par là, aux yeux de l'entourage, la distinction avec les morts en période périnatale. Les dix individus retrouvés à ce jour au Puech de Mus se répartissent dans un secteur d'habitat fouillé sur 280 m 2. La densité, 1 pour 28 m 2, est étonnamment proche de celle relevée à Gailhan, 1 pour 30 m 2 (23 individus sur 700 m 2, pour un laps de temps grossièrement équivalent à celui de la phase du Puech de Mus concernée). Les six squelettes découverts en place, SP 1 à 6, témoignent d'un même mode de dépôt. Ce sont tous des ensevelissements individuels. Le corps est placé dans une petite fosse, aussitôt colmatée. Dans aucun cas la forme et la taille de cet aménagement ne sont connues. Ces excavations sont creusées dans un niveau de sédimentation d'habitat homogène, plus ou moins épais, incluant des résidus résultant de l'étalement des vidanges de foyers : tessons de poterie, os de faune isolés, charbons de bois, etc. Elles sont comblées avec la même terre que celle qui les environne. Leurs limites ne sont qu'exceptionnellement décelées. C'est le cas du fond de la fosse de SP 1, bien matérialisé dans le substrat rocheux par une dépression, peut-être en partie aménagée de main d'homme. Celle -ci possède les dimensions juste suffisantes pour le cadavre d'un sujet de cet âge, aux membres inférieurs en position fortement fléchis. Ailleurs (SP 5 et 6), les limites des fosses ne sont discernées que dans certains secteurs, par la position de certains os ou parties du squelette du mort. Les cadavres, toujours fléchis ou contractés, possèdent des postures très variées : décubitus dorsal (SP 3), latéral droit (SP 5), latéral gauche (SP 1), trois quarts face, intermédiaire entre décubitus dorsal et décubitus latéral droit (SP 2), trois quarts dos, intermédiaire entre procubitus et décubitus latéral droit (SP 6). En revanche il existe peut-être une orientation préférentielle pour la tête, le plus souvent vers le nord : trois défunts reposent tête au nord-ouest (SP 1, 2 et 5), et un a la tête au nord-est (SP 3). Mais ce n'est pas une règle puisque le squelette de SP 6 a le crâne au sud et que celui de SP 4 l'a semble -t-il au sud sud-ouest. Cette tendance ne se retrouve ni à Gailhan (Dedet, Duday, Tillier 1991, 94), ni à Lattes (Fabre, Gardeisen 1999, 280). Peut-être s'agit-il d'une coutume régionale, propre aux Grands Causses et au Rouergue, car, dans les tumulus du premier âge du Fer de ces régions, la très grande majorité des cadavres non incinérés « regardent » vers la trajectoire du soleil (Dedet 2001, 276-279; Gruat 2000, 67). Les enfants du Puech de Mus ne sont accompagnés d'aucun objet ayant laissé des traces, pièce d'habillement, offrande ou autre. Les quelques fragments de poterie et os d'animaux trouvés dans le remplissage de la plupart des loculus sont absolument comparables au matériel que livre la couche environnante, et ont très probablement été apportés involontairement avec la terre de comblement. Un doute subsiste cependant pour la perle en ambre découverte à 4 cm seulement du thorax du sujet de SP 6. Deux arguments vont dans le sens d'une attribution à la sépulture : d'une part, cet objet est unique dans toute la partie fouillée de cet habitat; d'autre part, le haut du corps du défunt (crâne et partie supérieure du tronc), qui était en position légèrement surélevée, a subi des dommages et plusieurs pièces osseuses ont été découvertes éparpillées aux alentours des restes en place du squelette. En revanche, dans le Languedoc protohistorique voisin, les morts en phase périnatale actuellement connus ne sont pourvus d'aucun objet. Seul, déroge à cette coutume un nouveau-né enseveli en pleine terre au V e ou au IV e s. av. J.-C. au Cayla de Mailhac (Louis, Taffanel 1955, 123). Le sujet 6 du Puech de Mus constitue -t-il la seconde exception connue ? À partir de l'extrême fin de l' âge du Fer les dépôts d'objets auprès de tels cadavres paraissent moins rares. Enfin, deux des sépultures du Puech de Mus, SP 1 et 2, sont peut-être marquées en surface, aux abords mêmes, par une pierre dressée en position verticale. Dans le premier cas, il s'agit d'une roche étrangère au site. Dans le second, cette pierre est intégrée au muret contre lequel le corps a été déposé. Même si l'on ne peut en tirer de conclusion certaine, l'association pierre dressée et tombe d'enfant mérite d' être signalée sur cet habitat car elle n'apparaît pas ailleurs en Languedoc, sauf peut-être à La Ramasse à Clermont-l'Hérault, habitat contemporain proche du Puech de Mus, où le crâne d'un des deux périnataux de l'unité domestique 3, datée du début du IV e s. av. J.-C., est encadré par deux pierres (renseignements D. García et D. Orliac). Pour les morts 7 à 9 du Puech de Mus, l'état de conservation des restes ne permet pas de connaître précisément le mode de dépôt. On doit toutefois distinguer les sujets 7 et 8 du sujet 9. En effet, les deux premiers, bien que très incomplets, sont représentés par un lot de pièces osseuses réparties sur une surface réduite. Nul doute qu'il s'agisse en fait de sépultures démantelées, et la faible dispersion des os permet d'estimer la situation topographique initiale approximativement. Et comme le dépôt secondaire après décharnement n'a à ce jour fait l'objet d'aucune observation sûre pour les nouveau-nés, contrairement aux adultes des Garrigues languedociennnes (Dedet 1992, 72-75), on peut ici faire l'économie d'une telle hypothèse. Pour sa part, le sujet 9 n'est attesté que par un morceau d'os isolé, témoin d'une sépulture détruite et non localisable sur le terrain, ou d'un abandon du cadavre en surface du sol. Quant au sujet 10, sans doute convient-il de réserver l'avenir, la poursuite des fouilles vers l'ouest pouvant amener la découverte des autres vestiges du squelette in situ (rappelons que quelques os du squelette du sujet 6 ont ainsi été découverts déplacés). En prenant en compte les squelettes en place et ceux qui sont disloqués (SP 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8), trois grands types de lieux de dépôt se dégagent au Puech de Mus : des lieux couverts (SP 3 et 8), des lieux non couverts (SP 2 et 6) et la limite entre les deux (SP 1, sans doute SP 4 et peut-être SP 5). La localisation de SP 7, extérieur ou intérieur, ne peut être appréciée. Dans presque tous les cas précisément localisés, l'ensevelissement est pratiqué à proximité immédiate d'une paroi (SP 2, 3, 5 et 7), comme si cette dernière devait contribuer à assurer la protection matérielle du dépôt durant la poursuite de l'occupation du lieu. Et la dispersion de certains os du sujet 6, isolé au milieu d'un espace de circulation, montre que ce souci n'était pas inutile. Un espace entre deux trous de poteau, faisant peut-être office de passage ou de seuil, semble avoir été choisi pour SP 1 et 4. Mais, même dans ces cas -là, on a pris soin de placer les corps à proximité d'un poteau bordant le passage. La situation de la majorité des sépultures du Puech de Mus paraît liée à des lieux dédiés au travail du fer, sans qu'il soit possible de savoir si ceux -ci étaient alors désaffectés ou en cours d'utilisation (Gruat 1999). C'est le cas des sépultures 1, 2 et 3, qui se trouvent dans ou contre une paroi du bâtiment 3, sorte de hangar destiné à l'activité métallurgique. C'est encore le cas des sépultures 4, 5, 6 et sans doute 10, placées à proximité immédiate de ce local, dans des lieux non couverts où les traces de ce travail sont nombreuses. Si nous mettons à part le sujet 9, dont on ignore la situation originelle, seules les tombes 7 et 8 ne sont pas associées aux traces de la métallurgie : la tombe 8 se trouve dans l'appentis qui jouxte à l'est la maison d'habitation 2; quant à la sépulture 7, si nous ignorons la nature du bâtiment au sein duquel on l'a placée, les vestiges d'activité métallurgique font défaut aux alentours. Même si l'on ne connaît pour le moment qu'une portion de cette agglomération, le lien de certaines tombes avec une fonction artisanale, encore en cours ou non, est ici manifeste. Cela est d'autant plus notable, qu'ailleurs, en Languedoc comme en Provence ou dans le sillon rhodanien à l' âge du Fer, ces sépultures se situent toujours en contexte d'habitation, maison ou cours domestique, dépourvu de tout reste d'activité métallurgique (Dedet, Duday, Tillier 1991). On ne peut manquer de faire le rapprochement avec les douze tombes de nouveau-nés ou de nourrissons de Sallèles d'Aude, regroupées durant le I er s. ap. J.-C. dans un local vide, servant d'atelier de potier avant et après cet épisode funéraire (Duday, Laubenheimer, Tillier 1995); mais il s'agit là d'une autre époque et d'un autre artisanat. En revanche l'association avec la métallurgie, du fer comme du bronze, est attestée dans l'Espagne protohistorique : dans l'habitat de la Peña Negra à Crevillent (Alicante) au IX e s. av. J.-C. (Gonzáles Prats 1990, cité par Agustí et al. 2000, 317), dans le village fortifié de Els Vilars à Arbeca (Lerida) durant la première moitié du VII e s. av. J.-C. (four à fer) (Agustí et al. 2000), dans l'habitat de la Illa d'En Reixac à Ullastret (Gérone) dans le dernier quart du V e s. av. J.-C. ou le premier quart du suivant (inhumation sous le sol d'une salle équipée d'un four de métallurgie du bronze (ibid., 317). C'est peut-être le cas aussi du departamento 1 du Castellet de Bernabé à Liria (Valence), avec, au début du IV e s. av. J.-C., deux enterrements infantiles successifs, encadrant dans le temps une activité de production marquée par un foyer et une enclume (Guérin et al. 1989, 71). Sur tous ces habitats, comme au Puech de Mus, hasard de la localisation ou attraction d'un lieu éminemment symbolique ? Car la forge, dans de nombreuses civilisations antiques ou traditionnelles, comporte un aspect cosmogonique et créateur : les minerais pense -t-on mûrissent dans la terre, et ce mûrissement s'achève dans le creuset du fondeur comme l'enfant dans le ventre de sa mère (Prigent 1973, 258) . | Les fouilles programmées menées de 1995 à 2000 sur l'oppidum caussenard du Puech de Mus (Sainte-Eulalie-de-Cemon, Aveyron), ont permis de découvrir les sépultures de sept enfants en has-âge et les restes déplacés de trois autres. Il s'agit de deux prématurés, sept individus nés à terme et décédés dans les jours suivant la naissance, et d'un nourrisson d'environ trois mois. Le contexte est celui d'un habitat de la seconde moitié du Ve S. av. J.-C. qui connaissait une intense activité métallurgique. Chaque sépulture, chaque défunt est étudié en détail, de même que les modalités de dépôt. La synthèse de ces informations. replacées dans le contexte du sud de la France, permet d'entrevoir la manière dont les survivants percevaient les facteurs de la mortalité infantile. Elle permet aussi de mettre l'accent sur les liens éventuels entre ces très jeunes morts et l'activité de forge. | archeologie_525-02-11130_tei_128.xml |
termith-109-archeologie | La collection issue des fouilles anciennes menées au camp de Chassey donne accès à une documentation abondante qui peut compléter les résultats des fouilles récentes. Dans le cadre d'une réflexion autour de l'approvisionnement en matières premières siliceuses des occupants du plateau de Chassey à la fin du Néolithique, nous illustrons ici la présence de produits en silex tertiaire qui semblent en partie provenir du sud-est de la France. Cette présence de silex « exotique » nous conduit à rappeler les problématiques générales sur la circulation de produits laminaires au cours du Néolithique. De manière plus précise, nous aborderons les enjeux liés à la présence de ce type de silex au sein d'un ensemble septentrional. Très tôt, le camp de Chassey a fait l'objet d' « explorations archéologiques ». Un bilan des recherches anciennes fut détaillé par J.-P. Thevenot (Thevenot, 1968). Les fouilles ayant livré les collections les plus abondantes furent dirigées par E. Loydreau entre 1866 et 1880. Elles succédaient directement à celles menées par É. Flouest, qui révélèrent l'intérêt préhistorique de ce plateau. La collection Loydreau, conservée au musée Rolin à Autun, compte plusieurs milliers de pièces en silex. En 1876, à l'occasion du 42 e Congrès Scientifique de France organisé à Autun, un catalogue détaillé de la collection fut réalisé : elle comptait alors 4504 pièces en silex. Malheureusement, les données sur les contextes de découverte sont inexistantes : un ouvrier était chargé de récolter le matériel, mais aucune indication géographique précise des découvertes sur le plateau, qui s'étend sur environ 9 hectares, ne nous est parvenue. Il en va évidemment de même pour les données stratigraphiques. Il s'agit donc de matériel sans contexte précis. Il est tout de même possible, et même nécessaire, de faire le lien avec la stratigraphie des fouilles récentes, établie sur le rempart de la Redoute, qui détaille les multiples phases de l'occupation humaine sur le site, du début du Néolithique moyen au Néolithique final (Thevenot, 2005). Il existe plusieurs façons de déterminer les variétés de silex. À l'intérieur d'une petite région offrant deux ou trois gîtes bien différenciés, il est clair que le chercheur qui travaille sur place acquiert assez rapidement une bonne évaluation à l' œil nu de chacune des variétés locales. La question se complique dès que l'on étudie une région plus large, ou une région pauvre en gîtes naturels ayant favorisé les importations de matières premières. En effet, il existe des convergences d'aspect macroscopique entre des matériaux d'origines variées. Ainsi, le « silex rubané en plaquettes » trouvé en Alsace est en général issu des gîtes situés dans des niveaux marins du Malm de la région de Kelheim en Bavière, alors que dans le Midi de la France, la même appellation de « silex rubané en plaquettes » désigne celui de la région de Forcalquier. Dans ce cas précis, il est clair qu'une analyse sous le stéréomicroscope permet de faire la différence sans difficulté. Le problème de la discrimination des différents silex tertiaires est plus ardu, mais des travaux ont montré qu'elle était possible (Masson, 1981; Guilbert, 2001; Affolter, 2002). Plusieurs critères permettent de différencier les silex « rubanés » de Forcalquier des autres, comme ceux de Mur-de-Barrez (Aveyron), Mont-lès-Etrelles (Haute-Saône), Muides-sur-Loire (Loir-et-Cher) ou Romigny-Lhéry (Marne) (fig. 1), même si toutes ces variétés semblent très proches dans leur aspect macroscopique. C'est pourquoi plusieurs variétés de silex « rubanés » datés du Tertiaire sont comparées à celle du silex de Forcalquier (fig. 1). Les critères de distinction existent, mais reposent sur une analyse fine de la structure et des éléments figurés. Afin de ne pas déborder le cadre de cette étude, les autres variétés de silex lacustres non « rubanés » ne sont pas présentées. Douze supports, qui d'après leur aspect macroscopique pouvaient être issus de gîtes de silex tertiaires, ont été soumis à l'analyse sous le stéréomicroscope, selon la méthode non destructive désormais classique utilisée pour l'étude des collections récentes de Chassey (Affolter, 2005). Toutes les pièces ne présentent pas l'aspect « rubané » censé caractériser le silex de Forcalquier. Elles sont cependant presque toutes issues de ces formations, qui présentent une certaine variabilité (fig. 2). Une seule pièce, trop altérée par la patine, n'a pas pu être déterminée avec précision et a donc été écartée de l'étude. Il faut aussi noter qu'une lame (fig. 3, n° 3) ne provient pas de la vallée du Largue, mais de Mur-de-Barrez, bassin tertiaire de la bordure sud-ouest du Massif central, où des témoins d'extraction du silex furent signalés très anciennement (Cartaillac, 1883). Toutes les pièces sont issues de phases de plein débitage, et seuls deux individus conservent des traces d'entretien : Cfa 40 présente un enlèvement latéral en partie distale (fig. 7, n° 1), et Cfa 111 montre un court enlèvement de sens opposé (fig. 7, n° 2). L'étude des rythmes de débitage montre que les pièces de code 123-321, comme celles de code 212 ' sont au nombre de cinq. La partie proximale n'est conservée que sur trois pièces (fig. 5) et elles illustrent trois types différents de préparation. La pièce en silex de Mur-de-Barrez, de petit module, au talon lisse (fig. 3, n° 3) n'a subi qu'un léger aménagement avant détachement matérialisé par un petit enlèvement unique ayant reculé la corniche. Les deux autres lames ont subi une préparation plus poussée : réduction de la corniche par petits enlèvements et abrasion. La lame la plus robuste (fig. 7, n° 1) présente un large talon dièdre, une lèvre peu marquée et des esquillements sur un bulbe assez proéminent. L'angle de chasse est orthogonal; le support épais et courbe semble donc avoir été obtenu par percussion indirecte. Le talon de la troisième lame (fig. 7, n° 2) est de taille beaucoup plus limitée; l'angle de chasse est là aussi droit; le bulbe est esquillé et la lèvre marquée. La fragmentation des lames n'autorise pas un diagnostic précis des modes de percussion sur les autres supports. La détermination des méthodes et techniques de production des lames est en effet basée sur un ensemble de critères morphologiques et parfois métriques, mais l'examen de la partie proximale est indispensable. Pour les fragments distaux ou mésiaux, seuls les critères comme la largeur, l'épaisseur et la régularité de la fracturation peuvent être utilisés essentiellement par des critères d'exclusion. À l'exception d'un seul individu qui se singularise par sa petite taille, sa provenance, et qui pourrait avoir été obtenu par percussion directe (fig. 3, n° 3), toutes les pièces ne mesurent pas moins de 20 mm de large malgré des retouches (bi)latérales parfois très réductrices (fig. 4) et présentent des critères compatibles avec l'usage de la percussion indirecte. L'approche typologique est limitée par le fait que la majorité des lames est fragmentée : cinq pièces sur onze sont affectées par une fracture et cinq autres par une double cassure. Il faut noter cependant que les lames ne sont pas rejetées après fracturation; la cassure peut servir de zone active (fig. 9, n° 2), faire l'objet d'une troncature partielle inverse (fig. 9, n° 1 et fig. 7, n° 2) ou servir de plan de frappe pour un coup de burin (fig. 9, n° 2). Les aménagements d'extrémité sont de ce fait peu nombreux : un grattoir (fig. 9, n° 2), un distal appointé (fig. 7, n° 1) et un émoussé macroscopique qui a effacé la retouche (fig. 5, n° 1). Certaines fractures sont peut-être aussi des aménagements volontaires. Si les retouches latérales ne sont pas systématiques, puisque trois pièces en sont dépourvues (fig. 3 n os 1, 2 et 3), elles sont très fréquentes. Les retouches latérales inverses sont plutôt rares et toujours irrégulières. Les retouches latérales directes peuvent être marginales sur les deux bords (fig. 9, n° 1 et fig. 7, n° 2), marginales sur un bord et plus envahissantes sur l'autre (fig. 5, n° 1 et fig. 7, n° 1), courtes obliques (fig. 9) ou envahissantes sur les deux (fig. 5, n os 2 et 3). Une grande majorité des lames a donc fait l'objet de retouches (bi)latérales et parfois très réductrices. En effet, la reconstitution des largeurs initiales à partir de moulages des sections montre que certaines lames ont perdu jusqu' à 40 % de leur largeur (fig. 10 et 11). L'estimation des largeurs avant retouche est possible en utilisant une méthode graphique à partir du moulage des sections (Sestier, soumis; Loriot et alii, 2007). Les courbes délimitant la section transversale de la lame sont simplement prolongées pour reconstituer la section initiale. Les meilleurs résultats sont obtenus en utilisant des fragments d'ellipse. Cette méthode a été validée sur plus de deux cents sections de lames expérimentales à deux ou trois pans. La section précise des lames retouchées est obtenue par moulage avec un élastomère silicone semi-rigide suivi par un traitement numérique. La précision obtenue sur le calcul de la largeur initiale est de 5 %, soit une erreur de 2,5 % pour chaque bord. Il apparaît cependant que les lames n'ont pas fait l'objet d'une réduction drastique par retouche; la médiane se situe vers 25 % de perte en largeur (fig. 10 et 11), et trois pièces n'ont pas fait l'objet d'aménagement latéral. Huit pièces sur onze sont affectées par des traces d'utilisation. L'absence de stigmates sur trois pièces s'explique probablement par la présence de patine et d'altérations de surface, mais les retouches bilatérales envahissantes sur Cfa 78 et 88 ont peut-être aussi masqué les dernières utilisations. Deux pièces sur les trois qui sont restées brutes sont marquées par une utilisation. L'analyse tracéologique des usures, à fort et faible grossissement, a permis de reconnaître quatre types d'utilisation (fig. 12 et 13). Les plus fréquentes sont les actions transversales sur matières abrasives avec cinq zones utilisées sur quatre pièces. Ces stigmates sont attribués au travail de la peau (fig. 13, n os 3, 4 et 5). Les usures d'action longitudinale (coupe) sur matières indéterminées viennent en seconde position avec trois zones utilisées, sur trois pièces différentes. Trois tranchants, répartis sur deux lames, ont servi à couper des végétaux siliceux, très probablement des céréales (fig. 13, n os 1 et 2). Enfin, une pièce est affectée par un très fort émoussé distal attribué à une utilisation comme briquet (fig. 5, n° 1). Des lames en silex tertiaire rubané de la vallée du Largue sont présentes dans des ensembles chronoculturels très divers, du Néolithique ancien jusqu'au Bronze ancien. Nous allons voir comment une comparaison entre la stratigraphie de Chassey-le-Camp « La Redoute » et les autres contextes dans lesquels des lames oligocènes de la vallée du Largue sont connues, peut nous aider à discuter l'attribution chronologique de ce lot de lames dépourvues de contexte. La stratigraphie néolithique des fouilles récentes établie sur le rempart de la Redoute se partage en trois grands ensembles (Thevenot, 2005). Les niveaux 10 à 7 sont des horizons chasséens. Les datations 14 C permettent de situer les occupations entre la seconde moitié du cinquième et le début du quatrième millénaire. Les ensembles chasséens présentent des caractères méridionaux très marqués tant du point de vue de la céramique que de l'industrie lithique, caractérisée par une composante laminaire importante. L'approvisionnement en matières premières siliceuses est principalement régional (Affolter, 2005), mais des silex d'origine lointaine, parfois méridionale, sont attestés : silex de Treschenu-Creyers/Pellebit (Drôme), de Sanilhac/La Laouzas (Ardèche), du Mont-Ventoux (Vaucluse) et de Vassieux-en-Vercors (Drôme) (ibid). Le niveau 6 est un horizon du Néolithique Moyen Bourguignon. L'industrie lithique est dominée par la production d'éclats; parmi les rares supports en silex exogène, deux sont d'origine méridionale (silex de Sanilhac/La Laouzas). Le niveau 5 est attribué au Néolithique final. Aucun support en silex d'origine méridionale n'a été reconnu au sein de cet ensemble. À Fonbregoua (Salernes, Var), qui se situe à environ 80 km à vol d'oiseau des gîtes de la vallée du Largue, des supports laminaires sont attestés dès le Néolithique ancien cardial « sous la forme de produits de plein débitage laminaire transformés en outils » (Binder, 1998). En contexte Chasséen, la circulation sur de longues distances de produits laminaires en silex lacustre de haute Provence est de la même manière clairement attestée. Ces produits représentent environ 15 % de l'approvisionnement en silex au sein de l'ensemble 9-14 de la grotte ligure des Arene Candide (Finale Ligure) (Binder, 1998) qui se situe à environ 300 km à vol d'oiseau des gîtes en question. Quelques lames sont aussi signalées dans l'Hérault à Raffègues (Mèze) et à la Madeleine (Villeneuve-lès-Maguelonne) (Léa, 2004), à plus de 200 km à vol d'oiseau des formations d'origine. Il faut signaler la présence à Villeneuve-Tolosane (Haute-Garonne) de trois fragments de lame, dont une qui pourrait avoir été produite par pression au levier mais en contexte malheureusement incertain (Gandelin et alii, 2006). Enfin, à la grotte de l ' é glise supérieure (Var), ces supports laminaires sont présents tout au long de la stratigraphie. Leur fréquence d'utilisation est importante, avec de nombreuses utilisations multiples après retouche, même si quelques pièces « parmi les plus larges et les plus régulières sont entières ou quasi entières et n'ont pas été exploitées jusqu' à exhaustion » (Gassin, 1996). En contexte plus récent, dans le Vaucluse, des grandes lames en silex oligocène de la vallée du Largue sont présentes à la grotte Goulard (Ménerbes, Vaucluse), dans des niveaux datés entre 3540 et 3380 av. J.-C. (Renault, 2004). En contexte d'exportations lointaines, en Languedoc occidental, plusieurs sites permettent aussi de suivre ces exportations au cours de la seconde moitié du quatrième millénaire. La stratigraphie de la grotte Tournié à Pardailhan dans l'Hérault témoigne de leur présence dès le Saint-Ponien ancien, daté entre 3670 et 3330 av. J.-C. (Vaquer et alii, 2006). De même, la séquence du Mourral à Trèbes dans l'Aude permet de situer les importations dès le Vérazien ancien que des dates 14 C placent dans les trois derniers siècles du quatrième millénaire. En Suisse occidentale, à Delley-Portalban dans la région des trois Lacs, la présence d'une lame en silex tertiaire rubané de la vallée du Largue est datée entre 3272 et 3093 av. J.-C. au sein d'un ensemble Horgen de Portalban (Honegger, 2006). Les importations en Suisse occidentale semblent pouvoir perdurer au moins pendant les trois premiers siècles du troisième millénaire comme le témoigne la pièce de Sion Petit Chasseur III datée entre 3000 et 2700 av. J.-C. (Honegger, 2001, 2002 et 2006). Dans le sud de la France, le phénomène Campaniforme ne marque pas la fin de l'intégration de ces productions laminaires dans les assemblages (Furestier, 2007). Elles semblent devenir moins fréquentes à partir du Bronze ancien, mais des ensembles commes le Camp-de-Laure montrent clairement que la présence de ces assemblages perdure (Furestier, 2007). À Chassey, il faut donc envisager qu'au moins une partie des lames en silex de la vallée du Largue a pu être importée pendant l'occupation chasséenne, ou NMB, mais peut-être seulement les supports les moins robustes (fig. 3, n os 1, 2 et 3). En effet, en contexte chasséen, en se référant aux exemplaires de la grotte de l' Église dont les mesures sont publiées par B. Gassin (Gassin, 1996), les pièces ne dépassent, à notre connaissance, jamais 25 mm de large (fig. 14). En revanche les supports produits à la fin du Néolithique présentent des modules plus importants, qui semblent dépasser régulièrement 25 mm de large (fig. 14). Pour appuyer cette observation, des reconstitutions de sections de lames en silex tertiaire du Midi de la France ont été faites à partir de dessins et de données publiées (Courtin, 1974; Escalon de Fonton, 1977; Gassin, 1996; Renault, 2006). Sur les dessins, la section a été généralement documentée dans la partie mésiale des lames, ce qui permet de les utiliser au même titre que des relevés obtenus par moulage, même si elles sont probablement moins précises. La valeur statistique de l'échantillon de comparaison utilisé n'est pas connue. Ainsi, il apparaît que la plupart des lames de Chassey sont plus proches métriquement du groupe de lames du Néolithique final (fig. 14), qui comprend en particulier une série laminaire qui semble produite par percussion indirecte. Seules deux pièces de Chassey se trouvent dans la zone de recouvrement des deux distributions. Même en tenant compte de l'imprécision des mesures (mesure ± écart type), cette constatation persiste. Les lames méridionales de la fin du Néolithique et celles de Chassey se distinguent des lames chasséennes en silex tertiaire étudiées par B. Gassin, même si une incertitude concernant le degré de réduction par retouche de ces dernières existe. Une simulation où la largeur mesurée est augmentée de 25 % ne change pas cette constatation. Les observations concernant les séries de comparaison nous manquent pour en discuter plus en détail. En sachant que le schéma volumétrique d'exploitation des nucléus, le rythme de débitage et la proportion entre la largeur de la face exploitée et le rayon de courbure du cintre jouent un rôle important dans l'épaisseur des lames produites (Gallet, 1998), on peut suggérer à la vue de ces résultats qu'il existe une différence de gestion et d'intention de production entre les séries chasséennes et les séries de la fin du Néolithique, d'autant que le module des blocs de silex dans la vallées du Largue n'est pas limitant pour les objectifs de production. Les lames de Chassey se distinguent donc clairement des séries chasséennes prises en comparaison, et semblent se rapprocher des productions laminaires méridionales les plus robustes obtenues par percussion indirecte de la fin du Néolithique. Ces propositions d'interprétation ne pourront cependant être validées qu'après s' être assuré de la valeur statistique de l'échantillon utilisé et de la possibilité statistique d'effectuer des comparaisons. Comme nous venons de le voir, des importations méridionales anecdotiques sont attestées dans tous les ensembles du Néolithique moyen à Chassey. Cependant, aucun élément provenant du sud de la France n'avait été documenté pour les occupations de la fin du Néolithique (Affolter, 2005). C'est donc d'une certaine manière dans la continuité des liens avec la sphère méridionale, attestés au Néolithique moyen à Chassey, que se place une partie de ces importations, sans que l'on puisse cependant avancer que ces liens furent entretenus de façon continue jusqu'au Néolithique final, ni quelle était la nature de ces rapports. D'une manière plus précise, l'origine méridionale d'une partie de cet outillage et son attribution chronologique pourraient confirmer les « relations extrêmement étroites établies dès 3040 av. J.-C. entre les marges du Ferrières, la Combe d'Ain dans le Jura central, la vallée de la Saône et la haute vallée du Rhône. » (Klassen et alii, 2007). L'exemple des villages littoraux de Chalain et de Clairvaux est à ce titre certainement le mieux documenté, puisqu'il témoigne de transferts de biens et de traditions techniques très marqués depuis la sphère méridionale jusqu' à la fin du 30 e siècle av. J.-C., avec d' « éventuels prolongements très discrets » (ibid.) jusqu'au 28 e siècle av. J.-C. (Giligny et alii, 1995; Pétrequin, 1997; Pétrequin et alii, 1998). On trouve du reste aussi quelques pièces en silex de Forcalquier dans la couche H/K de Chalain 19, vers 3000 av. J.-C. (obs. J. Affolter). Il faut également souligner que le réexamen de la collection des fouilles anciennes de Chassey ne se limite pas aux productions laminaires de la vallée du Largue. En effet, parmi les supports laminaires de grande taille, celles en silex du Turonien supérieur provenant de la région du Grand-Pressigny tiennent une place de choix au sein de la série puisque l'on peut compter une pièce ou fragment en silex tertiaire rubané pour environ sept en silex de Touraine. Même si leur contemporanéité n'est pas ici prouvée, il faut souligner que la présence sur un même site de ces deux types de productions est assez rare et pourrait témoigner d'une certaine manière de leur filiation, peut-être sous la forme d'un phénomène de relais dans le temps, de réseaux susceptibles de fournir des supports de grandes dimensions. Il est avéré en effet que la circulation à la fin du Néolithique de grandes lames en silex oligocène de la vallée du Largue est bien plus précoce que celle des lames en silex du Turonien supérieur de la région du Grand-Pressigny. Les lames analysées ont été utilisées pour des tâches très diverses comme le travail de la peau ou la coupe de céréales et ne semblent pas à ce titre se différencier de l'outillage « commun ». Les degrés de ravivage, les fractures et les différents aménagements montrent que ces outils pouvaient faire l'objet d'une gestion relativement longue. Le faible nombre de pièces importées en silex tertiaire de la vallée du Largue et plus encore de Mur-de-Barrez soulève des questions sur les raisons de leur circulation. Elles ne semblent pas répondre à un besoin direct en matières premières siliceuses, puisqu'il existe dans la région de Chassey des gîtes exploités. Les productions de grandes lames ne semblent cependant pas présentes localement au Néolithique final. Néanmoins, la variabilité technologique des supports suggère des arrivages anecdotiques et peut-être espacés dans le temps. La position de Chassey, fortement éloignée de la région de production, et donc peut-être en marge des réseaux de diffusion de ces produits de provenance méridionale, est peut-être à l'origine de cette faible représentation. À l'inverse, la position du site au sein de la structure socio-économique régionale est probablement un facteur déterminant pour la présence de ce type de matériel. L'occurrence de ces lames issues du Midi à Chassey est donc liée à des aspects qui pour l'instant nous échappent en partie. Ce qui est sûr, c'est qu'une fois sur place, les pièces « exotiques » sont utilisées, ravivées, réaménagées, et de ce fait pleinement associées à l'outillage de la vie quotidienne. Cette étude intégrée de l'industrie lithique a permis de confirmer la complexité de la constitution des assemblages lithiques sur le camp de Chassey au cours du Néolithique. Différents facteurs, qu'il est assez difficile de démêler, semblent entrer en jeu : dynamisme des différents ateliers de production, intégration des populations dans des réseaux d'échange interrégionaux, besoins fonctionnels, traditions techniques de consommation des supports et particularité socio-économique du site, sont autant de paramètres qui ont certainement joué un rôle déterminant. La poursuite de l'étude sur le matériel en silex du Grand-Pressigny présent dans le même assemblage permettra certainement d'apporter d'autres éléments de réponse sur les causes et les conséquences de l'importation de supports laminaires de grande dimension au Néolithique final à Chassey. Remerciements Ce travail a été réalisé dans le cadre du programme ACI « Territoires, environnements et pratiques agricoles au Néolithique final » coordonné par M. Gabillot, B. Vannière et sous la responsabilité de R. Martineau. Nous tenons à remercier Mme Brigitte Maurice-Chabard, conservatrice du Musée Rolin à Autun, pour son accueil et sa confiance. Nous remercions aussi vivement J.-P. Thevenot, B. Gassin, V. Léa et R. Furestier pour leurs relectures attentives et leurs conseils avisés . | Le réexamen de la collection Loydreau, conservée au Musée Rolin à Autun, et provenant de ses fouilles menées au camp de Chassey à la fin du XIXe siècle, a permis de reconnaître onze supports laminaires en silex lacustre provenant du sud de la France. Une étude complète des pièces, qui intègre la pétrographie, la technologie, la typologie et la tracéologie, est présentée. Les lames proviennent presque toutes de la même formation géologique, mais montrent une certaine variabilité technologique et n'ont pas toutes été consommées de la même manière. L'attribution chronologique de ces importations et la mise en perspective des résultats sont discutées en dernière partie. | archeologie_10-0136515_tei_349.xml |
termith-110-archeologie | Associé à la protection de l'environnement et au développement durable, le recyclage connaît, ces deux dernières décennies, un véritable essor dans nos sociétés. La récupération d'outils et de matériaux usagés pour un emploi secondaire n'est pas une idée nouvelle en soi. Cette pratique existe depuis toujours et le schéma classique, selon lequel tout objet arrivé en bout de course est définitivement rejeté, est loin d' être systématique, même au cours des périodes préhistoriques. Si aujourd'hui, le recyclage est adopté par souci écologique, d'autres motivations qu'elles soient d'ordre économique, technique ou bien encore culturel, peuvent expliquer la réintroduction d'objets ou de déchets dans de nouvelles productions. Nous aborderons les cycles d'utilisation des objets dans la Préhistoire, à partir d'une série en matières dures animales provenant d'un habitat du Néolithique final : la station 4 de Chalain (Fontenu, Jura, France). Ce site d'ambiance humide a livré une documentation archéologique exceptionnelle tant par son abondance que par sa conservation. Elle comprend notamment de nombreux vestiges en matière organique : mobilier en bois, sparteries, etc. L'industrie en matières dures animales y est particulièrement riche; elle rassemble à elle seule 1 557 pièces, dont 88 sur dent, 344 en os et 1 125 en bois de cerf (fig. 1). Cette étude, réalisée dans le cadre d'une thèse, intègre à la fois les aspects techniques et fonctionnels des outillages (Maigrot 2003). Elle s'appuie sur une spécialité encore insuffisamment développée pour les matières osseuses : la tracéologie. Un des objectifs de la tracéologie consiste à restituer le fonctionnement des outils archéologiques, en comparant leurs usures à celles enregistrées sur des pièces expérimentales ou ethnographiques d'usage connu. L'usure d'un outil se compose de plusieurs stigmates. Certains, comme les émoussés, les éclats ou les piquetages sont examinés à l' œil nu ou à faible grossissement (fig. 2). D'autres, le poli et les stries, doivent être caractérisés à l'aide de plus forts grossissements, entre 100x et 200x, sous microscope stéréoscopique (fig. 3). L'usage des outils est déterminé avec une plus ou moins grande précision, à partir de l'analyse combinatoire de ces différents indices fonctionnels. Photos : Y. Maigrot. Photos : Y. Maigrot. Cette recherche visait à déterminer les diverses étapes techniques qui ont émaillé la vie de chaque outil de manière à dégager les articulations qui lient le domaine technique aux domaines économiques, sociaux et culturels des communautés néolithiques. Il s'agissait donc, en premier lieu, de reconstituer de manière la plus complète possible les différentes chaînes opératoires intégrant les outils en matières dures animales depuis les modes de fabrication (acquisition, gestion et transformation de la matière première), jusqu'aux fonctionnements (mode d'action et matière travaillée), incluant les phases d'entretien (affûtages, réparations et consolidations) et les recyclages. La station 4 de Chalain est un habitat de bord de lac localisé dans la Combe d'Ain, sur le premier plateau du Jura, à 500 m d'altitude (fig. 4). Cet habitat, attribué au groupe de Clairvaux, a été occupé à quatre reprises entre 3040 et 3000 ans avant notre ère (dates dendrochronologiques, Lavier 1996). Le groupe de Clairvaux est particulièrement bien documenté à Chalain; d'autres implantations contemporaines à la station 4 y ont été fouillées, dont la station 3 (niveaux IV et IIc), la station 2C et la station 19 (niveaux HK). Ces habitats abritaient des petites communautés agricoles qui, dans un environnement forestier déjà fortement transformé par les défrichements, pratiquaient l'agriculture itinérante, l'élevage du bœuf et du porc ainsi que la chasse (Pétrequin et Pétrequin 1988 et 2000). Les villages étaient constitués de petites maisons de bois au plancher rehaussé qui s'organisaient sur une ou deux rangées, traversées par un chemin de planches. D'après P. Pétrequin. L'étude des modes de fabrication et d'utilisation des outils en matières dures animales fait apparaître des systèmes d'exploitation qui opposent l'équipement en bois de cerf à celui en os et sur dent. La production de l'outillage en os et sur dent est, pour l'essentiel, constituée de supports provenant de la faune sauvage. A Chalain 4, la chasse qui représente le premier apport en ressources carnées, avec 80 % des restes fauniques, fournit largement les besoins en matière première (Arbogast 1996). L'outillage en bois de cerf est fabriqué à partir de ramures de mue. La perlure des bois bien développée ainsi que les nombreuses empaumures à trois épois, et souvent plus, indiquent que les ramures appartenant à de grands cerfs sont de préférence sélectionnées. Néanmoins, les bois collectés ne sont pas d'une qualité exceptionnelle; les ramures souvent de petite taille présentent ponctuellement des anomalies anatomiques. Une gestion raisonnée de la matière première est alors progressivement mise en place; elle consiste à exploiter de manière soutenue les parties les plus robustes de la ramure, c'est-à-dire les parties basilaires et centrales. Les procédés de fabrication des outils en os et sur dent renvoient à des techniques élémentaires et expéditives. Les dents sont utilisées en l'état, les os longs et les côtes sont débités par percussion ou par rainurage. La mise en forme des supports osseux est souvent circonscrite aux points fonctionnels : les parties actives et les zones d'emmanchement éventuellement; elle est pratiquée par abrasion. A ces modes d'actions simples est associé un outillage rudimentaire. Le rainurage est assuré par de simples éclats de silex local (Beugnier 1993 et 1999). La percussion est opérée à l'aide de galets peu ou pas transformés (Monnier et al. 1997). L'abrasion est réalisée avec des rebuts de polissoirs (Monnier et al. 1997). En revanche, les chaînes opératoires relatives à la fabrication des outils en bois de cerf sont beaucoup plus longues. Les ramures sont travaillées par entaillage, procédé technique qui requiert un savoir-faire et qui fait intervenir un équipement lourd et sophistiqué, la hache et l'herminette de pierre polie (Maigrot 2001 et 2003). Les lames de pierre polies, importées des Alpes italiennes, font, par ailleurs, l'objet d'une grande attention (Pétrequin et Pétrequin 1988, Jeudy et al. 1997). L'utilisation des outillages en os et sur dent est réservée à la production du petit mobilier et la confection des vêtements, c'est-à-dire des petits travaux associés à la sphère domestique. Le matériel en ivoire regroupe des racloirs destinés à la mise en forme d'objets en matière ligneuse (manches, arcs, hampes de flèche, récipients) ou d'outils en bois de cerf (mortaisage et perforation); ils sont plus rarement affectés au travail de l'écorce (fig. 5 n° 1 à 3). Les biseaux en os sont utilisés pour tailler le bois, pour travailler l'écorce, pour traiter les peaux, pour lisser les céramiques en cours de montage et ponctuellement pour fendre les côtes (fig. 5 n° 4 à 7). Enfin, les pointes en os permettent de perforer des pièces de peau ou d'écorce en vue de les assembler (fig. 5 n° 9 à 17). Dessins : n° 1, 4, 6, 9 à 12, 16, 17 et 25 à 30 : A.-M. Pétrequin, n° 2, 3, 5, 7, 8, 13 à 15 et 18 à 24 : Y. Maigrot. L'équipement en bois de cerf intègre, quant à lui, des activités qui tiennent place en dehors de l'espace domestique et susceptibles de mobiliser plusieurs personnes à la fois. Il s'agit des défrichements, des travaux agricoles ou, encore, de la construction et de l'entretien des structures villageoises. Les nombreuses gaines, en tant que pièces composites des haches et des herminettes, sont affiliées à de très diverses tâches qui comprennent l'abattage des arbres et la mise en forme du bois d' œuvre (fig. 5 n° 26 à 30). Des merlins sont employés pour fendre le bois destiné, par exemple, à la construction des chemins de planches (fig. 5 n° 25). Quelques outils agricoles ont été identifiés en l'occurrence des petits sarcloirs sur andouiller et des brise-mottes utilisés pour ameublir la terre (fig. 5 n° 23). L'équipement en bois de cerf inclut également plusieurs éléments pouvant se rattacher au domaine de la chasse : des têtes de flèche massue et deux harpons (fig. 5 n° 22). Dans les faits, seuls quelques objets en bois de cerf sont associés à la fabrication du mobilier, comme les percuteurs et les retouchoirs utilisés dans la production des outils lithiques ou bien, encore, les biseaux sur extrémité d'andouiller utilisés pour travailler le bois (fig. 5 n° 19 et 20). À Chalain, les matières dures animales illustrent deux types d'exploitation bien différenciés. D'un côté, on retrouve un outillage de belle facture et très standardisé en bois de cerf qui, associé au matériel de pierre polie, pourvoie aux moyens de subsistance et de l'autre, un petit outillage en os et sur dent de fabrication expéditive et destiné à un usage domestique. Ce schéma dichotomique n'est pas spécifique aux outils en matières dures animales. L'industrie lithique, qui oppose des pointes de flèches et quelques grandes lames importées de Touraine à un matériel sur éclat de silex peu investi, semble fonctionner de manière identique (Beugnier 1993 et 1999). Nous considérons « outil recyclé », tout outil irrémédiablement détourné de son fonctionnement initial, avec ou sans réaménagement de la pièce d'origine. En ce sens, nous distinguons les recyclages des « outils polyvalents » conçus, dès l'origine pour divers usages sans que cela ne compromette leur intégrité. Les recyclages se définissent à partir de l'examen du recoupement des traces résultant des aménagements et des utilisations successifs des objets. Toutefois, la lecture des recoupements n'est pas toujours envisageable, en particulier lorsque la dernière étape technique a effacé les précédentes. Pour la collection de Chalain 4, 102 recyclages ont été recensés, ce qui représente 12 % de la totalité de l'outillage (fig. 6). Les racloirs sur canine inférieure de sanglier semblent fréquemment recyclés. A Chalain 4, coexistent deux types d'outils. Le premier correspond à des canines utilisées en l'état. C'est alors le tranchant naturel de la dent, l'interface, qui est mis à profit et offre, ainsi, un outil prêt à l'emploi. Les canines sont employées pour régulariser par raclage la surface d'objets allongés en bois : manches, hampes de flèche, arcs. Le deuxième type regroupe des produits laminaires obtenus à partir de canines fendues longitudinalement et façonnées par abrasion. Ces pièces servent également à racler le bois, mais peuvent ponctuellement être assignées à d'autres tâches, comme le raclage ou la découpe de l'écorce. Les produits laminaires sont-ils des objets de première intention ou proviennent-ils du recyclage de canines entières arrivées en bout de course (fig. 7) ? L'aménagement des outils sur canine refendue est tel, qu'en supposant qu'ils résultent effectivement du recyclage de racloirs sur défense entière, aucun indice tracéologique ne nous permettrait de le détecter. En Nouvelle-Guinée, quelques populations utilisent, encore aujourd'hui, des racloirs sur canine de suidé, dont la morphologie est tout à fait comparable à celles de Chalain (Blackwood 1950, Pétrequin et Pétrequin 1988, Chiquet et al. 1997). Ces outils, destinés à travailler le bois, montrent une diversité technique directement liée à la disponibilité des supports. Ainsi, là où la chasse est pratiquée intensément et où le porc sauvage est abondant, les canines sont toutes utilisées entières. A l'opposé, là ou les supports se font rares, les outils présentent plusieurs séquences d'utilisation. Dans un premier temps, les dents sont exploitées en l'état jusqu' à exhaustion, puis lorsque le raffûtage du biseau n'est plus permis, les outils sont réaménagés par abrasion à plat pour créer un nouveau tranchant. Le rapprochement entre les modèles ethnographiques et les pièces néolithiques est séduisant. Toutefois, la gestion des outils indonésiens fondée sur la disponibilité de la matière première est en contradiction avec les données archéologiques (Maigrot 2001). En effet, à Chalain 4, les produits laminaires, particulièrement abondants dans les niveaux les plus anciens (3 040 av. notre ère), tendent à disparaître dans les niveaux les plus récents où sont exclusivement utilisées des canines entières. Pour un même nombre d'outils réalisés, la part de canines mises à contribution est donc plus importante à la fin de l'occupation du site qu'en début. Parallèlement, la part du sanglier est, quant à elle, en légère diminution (Arbogast 1996). Dessin : Y. Maigrot. Si le recyclage des canines entières reste discutable, en revanche la réutilisation des produits laminaires ne fait aucun doute. En effet, ces outils comportent différents bords tranchants qui, à en juger par leur emplacement, ont été successivement mis en forme par abrasion, au fur et à mesure de leur usure respective (fig. 7). Un de ces outils a, de cette façon, été réaménagé jusqu' à quatre reprises. Les cas de recyclage identifiés sur le matériel en os concerne principalement des biseaux sur éclat d'os long. Ces biseaux constituent une catégorie majeure dans la composition de la série étudiée. Equipés d'un manche en bois de cerf, ils sont utilisés pour diverses tâches domestiques : travail du bois, de l'écorce, de la peau, etc. A première vue, cette catégorie typologique ne présente pas de spécificité fonctionnelle particulière. Les biseaux sur éclats d'os long distinguent deux types d'outils : les biseaux simples et les doubles biseaux (Voruz 1984 et 1997). Ces derniers, retrouvés en très grand nombre, présentent la particularité de posséder un biseau à chacune de leur extrémité. Les traces de fabrication et d'usure observées indiquent que les parties actives (diamétralement opposées) ont été façonnées et employées de manière successive. Les doubles biseaux résulteraient donc du réaménagement de la partie proximale de biseaux dits “simples” (fig. 8). L'analyse tracéologique révèle, par ailleurs, que la fonction technique réservée aux outils recyclés ne dépendait pas de l'usage qu'il avait été fait des pièces d'origine. Ainsi un biseau simple initialement utilisé pour tailler le bois peut, après réaménagement de sa partie proximale, aussi bien être reconverti en ciseau à bois qu'en écorçoir ou qu'en écharnoir. Dessin : A.-M. Pétrequin. Les lissoirs en os utilisés dans la production céramique regroupent une gamme d'outils assez hétéroclites tant du point de vue typologique que technologique. On y rencontre pêle-mêle des biseaux et des chanfreins conçus sur éclat d'os long, sur fibula entière voire sur côte tronquée ou bien fendue. Plusieurs lissoirs présentent des émoussés plats qui s'organisent de part et d'autre des bords actifs et qui matérialisent des séquences d'utilisation distinctes. Parmi cet ensemble, trois outils retiendront plus particulièrement notre attention; il s'agit de pièces élaborées à partir de côtes fendues longitudinalement. L'usure habituellement associée aux outils sur côte fendue résulte de la découpe de l'écorce. Seules trois pièces présentent des endommagements latéraux qui caractérisent un autre usage, le lissage de l'argile. L'une d'entre elles, affectée par les deux usures, démontre que nous avons bien affaire ici à la réutilisation d'outils initialement destinés à la découpe de l'écorce. Une seule pointe semble avoir fait l'objet d'un recyclage; il s'agit d'un poinçon sur métapode de cerf qui a été réaménagé en biseau, suite à la fracture de son extrémité. Les outils recyclés en bois de cerf avec réaménagement partiel ou total de la pièce d'origine sont moins nombreux mais beaucoup plus variés. Ils peuvent parfois faire preuve d'un important investissement technique. C'est le cas d'une gaine à ergot, fabriquée à partir de la partie proximale d'un outil sur merrain perforé (merlin ou gaine à perforation transversale) (fig. 9). La mortaise de la couronne a été creusée dans la meule. Quant au tenon, il a été taillé au niveau de la perforation, ce qui lui confère un aspect bifide. Trois autres exemplaires de ce type sont connus dans les séries de la Combe d'Ain : un premier issu de Chalain 2 C, un second des fouilles anciennes (Chastel 1985) et un troisième de Chalain 3 (Baudais et Delattre 1997). Le tenon de ce dernier a, par ailleurs, été consolidé à l'aide d'un morceau de bois, venant combler l'absence de matière lié à l'ancienne perforation. Dessin : A.-M. Pétrequin. De la même façon, deux biseaux proviennent de la réadaptation de merlins qui, à en juger la longueur du merrain, se seraient prématurément fracturés au niveau de la partie proximale (fig. 10). La partie active a été conservée sur les deux exemplaires; en revanche, un tenon a été façonné juste au-dessus de la perforation dont une partie subsiste toujours au niveau de la base des outils. Ici, la fonction technique, c'est-à-dire le fendage du bois, est maintenue; seule la technique d'emmanchement est modifiée. Dessin : Y. Maigrot. D'autres objets en bois de cerf ont connu une nouvelle vie, sans avoir été réaménagés. Ainsi, les merlins à fendre raccourcis par l'usage et les multiples raffûtages sont réemployés pour une tout autre fonction : l'émottage (fig. 11). Les brise-mottes sont caractérisés par une large zone de percussion, à l'arrière de laquelle on distingue systématiquement un léger méplat qui constitue le reliquat du biseau d'origine. L'examen tracéologique de ces méplats a permis de distinguer, pour quatre pièces, une usure antérieure au travail de la terre qui s'apparente à celle laissée par le fendage du bois. Dessin : Nathalie Delattre. Parmi, les quinze percuteurs recensés à Chalain, douze sont des réemplois d'outils usagés : sept proviennent de la réutilisation de la partie proximale d'anciens biseaux sur extrémité d'andouiller (fig. 12), quatre proviennent de la réutilisation de la partie proximale d'anciens manches sur segment d'andouiller (fig. 13), enfin, un percuteur sur meule de cerf provient de l'ébauche d'un outil sur merrain perforé. Dessin : A.-M. Pétrequin. Dessin : Y. Maigrot. De toute évidence, on préférait se réapproprier un outil hors d'usage, plutôt que d'en fabriquer un spécifique à la taille par percussion du silex. Toutefois, à en juger par la déformation de leur partie active, ces percuteurs ont longuement été utilisés; il ne s'agissait donc pas d'outils occasionnels. Enfin, tous les supports à découper proviennent de la réutilisation de chutes de fabrication (fig. 14), voire pour trois d'entre eux d'outils usagés, en l'occurrence deux gaines de hache et un manche sur segment d'andouiller. A en juger par la faible étendue des incisions et des entailles ces trois réemplois ont eu une durée d'utilisation relativement courte, en comparaison de l'usage fait des chutes de fabrication. Dessin : A.-M. Pétrequin (Voruz 1997, p. 506). À Chalain, si le recyclage d'outils fabriqués sur les parties basilaires de ramures de cerf peut s'expliquer à la fois par un manque de matière première et un gain de temps, il est clair que ces motivations ne justifient pas la récupération de canines inférieures de sanglier, d'éclats d'os longs ou même d'andouillers pour la production d'outils. En effet, les supports sont présents en nombre suffisant et l'investissement technique nécessaire à la fabrication de ce petit matériel est minimal. Nous l'avons vu, l'outillage en matières dures animales offre de nombreux exemples de réutilisation avec ou sans réaménagement des outils. Toutefois, la réutilisation ne touche pas l'ensemble du matériel de manière identique. On peut distinguer quatre comportements techniques : Le premier regroupe des outils à fonction unique qui ne sont jamais recyclés. Il s'agit exclusivement d'objets en bois de cerf : les retouchoirs, les cylindres courts perforés, les pointes barbelées, les longues aiguilles et une masse sur meule perforée de facture exceptionnelle. C'est-à-dire : la panoplie du chasseur (ou plutôt de l'archer) avec les outils destinés à la fabrication des pointes de flèches en silex, c'est-à-dire les retouchoirs, ainsi que les projectiles, les têtes de flèche massue et les pointes barbelées. des pièces uniques et de belle facture comme les longues aiguilles ou la masse d'apparat, que tous ne pouvaient pas posséder et qui pourraient appartenir au domaine des marqueurs sociaux (fig. 15 et 16). Dessin n° 1 : A.-M. Pétrequin, n° 2 et 3 : Y. Maigrot. Photo : P. Pétrequin. Le deuxième compte trois bricolages, qui surprennent par l'investissement technique en savoir-faire et en temps de travail qu'ils ont imposé. L'un est une gaine à ergot façonnée sur la partie proximale d'un ancien outil sur merrain perforé, les deux autres, des merlins pour lesquels l'emmanchement a été totalement repensé : d'un système à perforation transversale/manche droit, on est passé à un système tenon/manche mortaisé. Le troisième comportement concerne le plus grand nombre de pièces. Il semble renvoyer à une logique de réutilisation plus ou moins systématisée. Les merlins fortement endommagés étaient systématiquement réutilisés comme brise-mottes. Ici, le mode de fonctionnement des outils est adapté à la déformation progressive résultant de leur usage Le circuit techno-fonctionnel des lames de pierre polie ou des polissoirs en grès fin rentre également dans ce cadre. (Jeudy et al. 1997; Monnier et al. 1997). Enfin, il existe des recyclages qui ne semblent obéir à aucune règle précise. C'est le cas, par exemple, des supports à découper ou des percuteurs en bois de cerf pour lesquels on reconnaît à la fois l'exploitation d'outils abandonnés voire de déchets de fabrication. Pour ces pièces, tout se passe comme si la forme générale du produit importait peu, du moment qu'elle était susceptible de répondre à un besoin immédiat. Ce fonctionnement, non prémédité, touche également, les lissoirs à céramique ainsi que des éclats de silex (Beugnier 1993 et 1999) ou bien, encore, celle des percuteurs en calcaire d'utilisation opportuniste (Monnier et al. 1997). L'usage de ces outils passe-partout est loin d' être normalisé; c'est l'art de faire tout avec n'importe quoi. Nous retrouvons là aussi une certaine dichotomie dans la gestion de l'outillage. D'un côté, nous avons des outils qui part leur fonction technique et/ou sociale sont destinés à être à la vue de tous et présentés en public, comme le mobilier en bois de cerf ou le matériel de pierre polie les pointes de flèches et les lames du Grand-Pressigny. Ces objets sont soit exclus des recyclages et ne sont jamais réaménagés (marqueurs sociaux) soit, au contraire, intègrent un circuit techno-fonctionnel qui leur est propre. De l'autre côté, nous avons un outillage peu standardisé, de fabrication rapide et réservé à un usage domestique, comprenant les objets en os, des percuteurs en bois de cerf, auxquels nous pouvons associer les galets et les outils sur éclat de silex. La gestion de ce petit matériel ne semble obéir qu' à des règles individuelles et être des solutions temporaires négociées au cas par cas. À Chalain, la réintroduction d'objets dans de nouveaux cycles de production et d'utilisation n'est donc pas motivée par des considérations purement économiques. Elle semble également dépendre du statut de l'outil, dicté par le système de représentation des communautés néolithiques qui distinguent les équipements relevant du domaine public des productions domestiques où prévalent les normes individuelles . | Les outils hors d'usage ne sont pas systématiquement rejetés. Ainsi, parmi l'outillage en matières dures animales mis à jour sur le site néolithique de Chalain 4, un outil sur huit est un produit de recyclage, avec réaménagement partiel ou total de la pièce d'origine. L'étude technologique et fonctionnelle des outils en os, en bois de cerf et sur dent de cet habitat de bord de lac a permis de dégager quatre comportements techniques concernant ces cycles d'utilisation et de réutilisation : le premier regroupe des outils qui, une fois arrivés en « bout de course », sont définitivement jetés et ne sont jamais réutilisés: le deuxième regroupe des réaménagements d'outils hors d'usage qui surprennent par l'investissement technique en savoir-faire et en temps de travail qu'ils ont imposé; le troisième regroupe des outils pour lesquels les modes de réutilisations sont prédéfinis; enfin, le quatrième regroupe des cas de recyclage qui ne semblent obéir à aucune règle précise. | archeologie_08-0169321_tei_318.xml |
termith-111-archeologie | La région de Kostienki comporte 26 sites paléolithiques dont la moitié contient plusieurs couches archéologiques. Cet ensemble représente actuellement plus de 50 niveaux d'habitat en position stratigraphique. Une telle concentration est exceptionnelle, mais elle n'est pas unique, des densités comparables sont connues par exemple dans la région des Eyzies en Dordogne ou dans la région de Pavlov en Moravie. Ce qui est propre à Kostienki est un modèle particulier d'évolution culturelle, distinct de celui d'autres régions du monde paléolithique. En dépit d'une faible superficie, de l'ordre de 20 kilomètres carrés, par rapport aux vastes zones de steppe du Dniepr moyen ou de l'Oural, la région de Kostienki-Borschevo constitue une véritable province au sein du monde paléolithique de l'Europe de l'Est. La province de Kostienki fait partie du monde paléolithique européen, clairement distincte du monde Sibérien et du monde d'Asie centrale. C'est actuellement l'avancée la plus orientale de la manifestation du modèle général européen de l'évolution, dans laquelle sont présents des caractères propres à l'Europe en association avec des particularités locales spécifiques. Vers 1950-1960, les ensembles culturels des sites de Kostienki-Borschevo étaient répartis par A.N. Rogatchev (1957) en trois groupes chronologiques d'après leurs positions géologiques. Deux groupes anciens étaient liés à deux horizons d'humus séparés par des cendres volcaniques, le troisième, plus récent, est associé à des sédiments loessiques argileux. Dans les années 1980, sur la base de séries des datations absolues, le cadre chronologique de ces industries a été défini comme suit : I (ancien) : 36-32 ka; II (moyen) : 32-28 ka; III (récent) : 27-20 ka (Praslov et Soulerjytsky 1997; Sinitsyn et al. 1997; Sinitsyn 1999). Le groupe récent du modèle chronologique de Kostienki correspond au stade moyen du Paléolitique supérieur du schéma européen. Jusqu' à une période récente, la structure du groupe ancien était définie par la coexistence des faciès Streletskien et Spytsynien (Praslov et Rogatchev 1982; Boriskovski 1984). La découverte d'un niveau aurignacien dans de la cendre volcanique (Sinitsyn 2003a) et l'identification d'une nouvelle tradition culturelle dans la couche inférieure (IVb) de Kostienki 14 (Markina gora) ont conduit à diviser cet ensemble en deux sous-groupes : le plus ancien ou Paléolithique supérieur initial (42-36 ka) où coexistent le faciès Spytsynien et l'industrie de la couche inférieure de Markina gora; puis le Paléolithique supérieur ancien (36-32 ka), avec la coexistence de Streletskien et d'Aurigacien (Sinitsyn 2003b). La composition du groupe moyen (32-28 ka) avait été définie par la coexistence d'Aurignacien, de Streletskien, de Gorodcovien (entité propre à l'Europe de l'Est) et de Gravettien. Sur la base de datations absolues, ce groupe peut être maintenant divisé en deux sous-groupes chronologiques; le plus ancien s'inscrivant dans la continuité des premières unités culturelles (Aurignacien et Streletskien) le plus récent, correspondant à l'apparition de Gravettien et de Gorodcovien. La structure du groupe récent de la séquence locale (24-20 ka) est définie par la coexistence de quatre faciès de Gravettien, en association avec des assemblages originaux dont la dénomination fait encore débat. Il s'agit des sites de Kostienki 2, 3 et 19 qui sont contemporains mais pas gravettiens. L'assemblage de la couche II de Kostienki 8 est la seule industrie attribuée au Gravettien dans le groupe moyen du schéma chronologique de Kostienki (phase terminale du Paléolithique supérieur ancien du schéma européen). La date 14 C de 27 700 ± 750 (GrN-10509) est considérée comme la limite supérieure de l' âge des ensembles de ce groupe, associés aux niveaux humiques supérieurs (32-28 ka). C'est l'industrie de la couche II de Telmanskaya qui a permis de décrire un Gravettien de type méditerranéen (Efimenko 1953, 1956 et 1960) qui a de fortes analogies avec celui de la grotte Paglicci. Cette ressemblance est maintenant confirmée par un âge similaire (couche 23A : 28 100 ± 400; 22F : 28 300 ± 400, Palma di Cesnola 1996). Le niveau d'occupation de la couche II de Telmanskaya est caractérisé par les restes de cinq structures d'habitat légères avec un foyer central (Litovtchenko 1966) comparables à celle qui a été décrite en Dordogne à Corbiac (Bordes 1968). L'assemblage lithique compte près de 23 000 objets. La technologie est caractérisée par une économie maximale de la matière première. Au vu de la taille très petite des nucléus, on peut penser qu'ils ont été utilisés jusqu' à la fin. La technique laminaire est largement majoritaire. L'utilisation des burins comme nucléus pour la production des supports semble particulièrement importante ici. Plus de 2 000 outils retouchés constituent 9 % du nombre total des objets taillés. La composition typologique de l'industrie lithique est caractérisée par la prépondérance des burins (24 %) sur des grattoirs (2,5 %); par la forte domination des lamelles à dos et pointes sur lamelles à bord abattu (43 %). Avec des pointes largement répandues, il y a une série de formes spécifiques, des bipointes variées, des trapèzes, des segments. Cette grande variété typologique de pointes, en association avec un haut degré de standardisation, témoigne du caractère évolué de l'industrie ou du moins, d'une relative importance de la composante microlithique. Les outils du groupe peu abondant des grattoirs, au contraire, se distinguent par l'absence de standardisation (fig. 2). Les denticulés et encoches, perçoirs et racloirs soulignent la composition particulière de l'industrie (Rogatchev 1957; Tchelidze 1968; Litovtchenko 1969). L'industrie osseuse comprend des types largement répandus comme des bâtons en ivoire et en os, des alênes, des lissoirs. La parure est représentée par des perles longues en os d'oiseaux ou de petits mammifères, décorés d'incisions parallèles. Le problème de l'appartenance culturelle de l'assemblage de la couche II de Kostienki 8 reste ouvert en raison de l'absence totale en Europe de l'Est de sites similaires contemporains de la période 27-28 ka. Le problème principal du Gravettien évolué (groupe moyen du schéma chronologique de Kostienki) est une grande variabilité avec de nombreux faciès aux fossiles directeurs spécifiques représentés par des industries provenant de sites sporadiques. A deux exceptions près, toutes ces variétés ne sont représentées qu' à Kostienki et n'ont pas d'équivalent en dehors de cette région. Le faciès Kostienki-Avdeevo est la seule entité culturelle présente à Kostienki dans quatre sites, mais on la trouve également hors des sites de Kostienki. Tous les sites (fig. 1) sont localisés dans la ravine Prokrovsky et représentent probablement les restes d'une vaste zone d'habitation (Praslov et Rogatchev 1982). La culture est caractérisée par un type spécifique d'organisation de l'espace, représenté par une grande habitation (36 x 14-15 m) avec de nombreux foyers en ligne sur l'axe longitudinal de l'habitation, entourée par des constructions semi-souterraines d'une profondeur d'un mètre et par des fosses-dépôts. Les trois fossiles directeurs du Kostienkovien ont été décrits à l'issue des premières fouilles (Efimenko 1923). Il s'agit de l'association de statuettes féminines réalistes, de pointes à cran aux dimensions spécifiques et des couteaux du type de Kostienki. Par la suite, le nombre des traits typologiques particuliers de cette unité culturelle locale d'Europe de l'Est a augmenté (Praslov et Rogachev 1982; Gvozdover 1998; Beliaeva 1977 et 1979; Giria et Bradley 1998), mais l'importance de l'association évoquée plus haut reste le critère diagnostique de cette culture (fig. 3). En association avec les assemblages lithique et osseux nombreux et variés, les représentations féminines et animales et les objets de parure complexes, il faut mentionner des structures de la vie domestique (foyers, fosses ayant des fonctions différentes, etc.) un exemple de cette entité culturelle, Kostienki 18, a fourni des sépultures révélant un rite funéraire particulier (Praslov et Rogachev 1982). Une série de 42 datations par le radiocarbone ont été obtenues pour Kostienki 1 (I). Elles se répartissent entre 18 230 ± 620 (LE-3280) et 24 100 ± 500 (GIN-2529) avec une moyenne proche de 22-23 ka; les dates pour Kostienki 14 (I) sont : 22 500 ± 1000 (LE-5274) et 22 780 ± 250 (OxA-4114) et pour Kostienki 18 : 20 600 ± 140 (GIN-8032) et 21 020 ± 180 (OxA-7128). Les types diagnostiques de Kostienkovien ont également été trouvés dans les sites suivants : Avdeevo (fig. 4). Ce site est presque identique à Kostienki 1 (I) avec tous les marqueurs : organisation de l'habitat, assemblages lithique et osseux, art figuratif et éléments de parure (Abramova 1962, 1966, 1967 et 2005; Gvozdover 1961, 1995 et 1998). Les dates 22 800 ± 160 (GIN-7724), 23 140 ± 430 (GIN-7728a), 23 400 ± 700 (GIN-7729) sont en conformité avec les données géologiques du site. Gagarino (fig. 5). Ce site se distingue des assemblages typiques de Kostienkovien par une composition des outillages différente, par la structure de l'espace d'habitation, par des détails stylistiques relatifs aux statuettes féminines, par des éléments d'assemblage osseux et par une technique de perforation biconique qui est inconnue à Kostienki 1 (I) et Avdeevo. Les traits les plus spécifiques des assemblage lithiques de Gagarino sont des proportions de pointes à cran différentes de celle d'Avdeevo et de Kostienki 1, des formes particulières de lamelles à cran et des couteaux de Kostienki (Zamiatnine 1934; Tarassov 1979). Une série de huit dates ont été obtenues, parmi lesquelles deux sont plus probables : 21 600 ± 140 (GIN-7989) et 21 800 ± 300 (GIN-1872). Khotylevo 2 (fig. 6). Comparées à Kostienki 1, Avdeevo et Gagarino, ce site a montré des différences remarquables. À côté de ressemblances bien marquées avec ces sites, en ce qui concerne la composition technologique et typologique des outillages, la particularité de Khotylevo est surtout marquée par le style des statuettes féminines, les objets de parure, un cas unique de décoration d'artéfacts lithiques sur le cortex et des outillages osseux très particuliers. La spécificité des outillages lithiques s'exprime par des proportions variables dans la composition typologique, ainsi que par la présence de types particuliers (Zaverniaev 1974, 1978, 1991et 2000; Gavrilov 2002 et 2004; Seleznev 1998). L'attribution de Khotylevo à l'entité culturelle de Kostienki-Avdeevo reste fortement problématique. Les dates 23 660 ± 270 (LU-359), 24 960 ± 400 (IGAN-73) ont été obtenues pour ce site. Zaraisk (fig. 7). Grâce à la découverte de figurines féminines en 2005 (Amirkhanov et Lev 2007), l'attribution de ce site au faciès Kostienki-Avdeevo ne fait pas de doute. Il convient de noter une sculpture du bison d'un style totalement inconnu dans le Gravettien. Une grande dispersion des datations par radiocarbone et de nombreux détails microstratigraphiques posent le problème de la durée d'occupation du site (Troussov 1994, 1998 et 2002; Amirkhanov 1998 et 2000; Amirkhanov et Lev 2004; Lev et Amirkhanov 2002). Plus de 20 dates entre 15 600 ± 300 (GIN-3700) et 23 000 ± 400 (GIN-8397a) ont été obtenues. Berdyj (fig. 8) Bien que dépourvus de statuettes, les fossiles directeurs du faciès Kostienkovien montrent des datations par radiocarbone de ce site 23 430 ± 180 (LU-104). Elles semblent plus probables que l' âge de 15 100 ± 250 (OxA-716) que proposent par ailleurs (Polikarpovitch 1968; Boudko 1964 et 1970; Boudko et Sorokina 1969; kaletchetz 1984; Ksenzov 1988). Bien que chacun de ces sites ait ses particularités, leur attribution à une tradition culturelle au sens large n'est pas mise en doute. Les questions posées par les sites de Kostienki sont nombreuses et couvrent toutes les interrogations relatives au Paléolithique supérieur. Parmi les points essentiels d'un vaste débat, il faut citer la structure des industries, leur origine, leurs tendances évolutives, leurs relations avec les sites à pointes à cran d'Europe centrale et la position taxonomique du Kostienkien dans le cadre du Gravettien européen ou d'entitès intermédiaires du type Kostienki-Pavlov-Willendorf. L'hypothèse de la totale indépendance culturelle des sites, l'interprétation des différents sites comme habitats contemporains ou, au contraire, leur échelonnement dans le temps (Grigoriev 1993; Tarassov 1979; Anikovich 1998; Gavrilov 2004; Soffer 1987; 1993a et b; Amirkhanov 1998 et 2000; Kozlowski 1969, 1970, 1986 et 1998; Otte et al. 1996). Appelé également de type Alexandrov (l'autre nom de Kostienki 4 d'après le nom local du ravin où le site se trouve), ce faciès représente l'autre variété de Gravettien dont les particularités sont les suivantes : un type unique de structures d'habitations longues (35 x 5.5 et 23 x 5.5 m), enterrées de 20-30 cm sous la paléosurface et des foyers disposés selon l'axe des constructions; l'assemblage lithique caractérisé (fig. 9) par l'importance frappante des lames et pointes à bord abattu (41 %), des pièces esquillées de formes variées (17 % soit 1 200 pièces). Aucun autre assemblage gravettien n'a livré ces objets dans de telles quantités. Quelques rares burins (2 %) et grattoirs (1 %) semblent être une autre caractéristique de cette industrie. Les pointes et lames à bord abattu sont marquées par une forte variabilité. Elles sont nettement différentes de celles de Telmanskaia et des assemblages de Kostienkovien et beaucoup plus proches des pointes du Gravettien occidental « classique ». L'industrie osseuse et les parures sont rares et représentées par des types largement répandus. D'après l'avis de l'auteur des fouilles A.N. Rogatchev (1955; Praslov et Rogachev 1982) l'assemblage du niveau II de Kostienki 4 n'a pas d'analogie directe avec les sites contemporains de l'Europe de l'Est. L'association de structures d'habitations légères simples et circulaires, d'un diamètre proche de 6 m, avec une industrie lithique originale et des objets d'art élaborés, parmi lesquels on note de petites figurines animales, est un des critères de base pour faire de cet assemblage une variété particulière du Gravettien. L'outillage lithique de ce site comporte (Rogachev 1961 et 1962; Praslov et Rogachev 1982; Popov 1983; Popov et Pustovalov 2004; Popov et al. 2004; Bessoudnov 2005) (fig. 10) : un nombre important de lames tronquées, parfois obliques et concaves, formant la pointe d'un perçoir avec bord latéral retouché; un indice de burins relativement bas (15 %) et de rares grattoirs (moins de 1 %); des outils sur lames pédonculées; des pointes foliacées symétriques ayant un profil plano-convexe ou bi-convexe formé par une retouche bifaciale partielle; des pointes et lames à bord abattu constituant près de 50 % de l'outillage. Le caractère particulier de ce groupe est l'existence d'une série d'objets similaires aux federmesser ou aux pointes aziliennes, associés à des pointes diverses du Gravettien. Le problème de la distinction des pointes gravettiennes et des federmesser fut débattu dans les années 1970. Il est d'importance puisque cette variété de pointes à dos est un des fossiles directeurs de l'industrie, de Kostienki 11 (II), mais aussi des assemblages de Kostienki 21 (III), Poushkari 1 et Kliussy. L'association « hybride » inhabituelle de types d'outils dans l'assemblage lithique de la couche II de Kostienki 11, n'a pas d'analogie avec le Paléolithique supérieur d'Europe de l'Est. Néanmoins, quelques similitudes ponctuelles pourraient avoir une certaine importance. Les figurines animales de Kostienki 11 (II) sont presque identiques aux figurines de Kostienki 4 (I) et dans une moindre mesure de Kostienki 1 (I) (Rogatchev, 1962; Abramova, 1961; 1967; Anikovich, 1983). Les pointes à dos du « groupe de federmesser » de Kostienki 11 (II) sont bien connues dans les industries des sites Poushkari 1 et Kliussy dans le bassin du Dniepr et dans l'industrie de Kostienki 21 (III). L'interprétation de ce phénomène est délicate comme pour toutes analogies partielles. Dans tous les cas, cela n'est pas accidentel puisque des éléments culturels très importants sont concernés. Les deux assemblages de Poushkari et Klussy sont des industries similaires à bien des égards, au même titre que l'ensemble Kostienki 1 (I) – Avdeevo. Le site de Poushkari 1(fig. 11) est caractérisé par la construction d'habitat en os de mammouth avec une ligne de trois foyers. L'assemblage lithique comporte des pointes diverses dont certaines foliacées unifaciales, et des pointes à dos y compris celles de type federmesser. Les indices de burins et de grattoirs sont bas. Cette composition révèle un type culturel original, distinct des industries contemporaines de Kostienki et des sites voisins du bassin de Dniepr (Roudinski, 1947; Boriskovski 1953 et 1984; Beliaeva 1997a et b; 2000, 2002 et 2004). Les âges de 21 100 ± 400 (GIN - 3381) et 22 350 ± 150 (GIN - 3381) sont généralement admis pour cette industrie. Bien que nous ne disposions que d'informations préliminaires sur le site et sur l'industrie lithique de Klussy (Shovkoplias 1967; Nuzhnij 1992) sa similitude avec Poushkari 1, ne fait pas de doute. Malgré de fortes ressemblances, l'assemblage de la couche culturelle III de Kostienki 21, met en évidence l'existence d'une autre unité culturelle originale du Gravettien de Kostienki. Les traits spécifiques concernent tous les éléments de la culture matérielle : l'assemblage lithique et osseux, l'art, la parure (Praslov et Rogachev 1982; Praslov 1985; Ivanova 1981 et 1985). Pour l'industrie lithique, en premier lieu, les proportions de pointes à cran sont celles qui ont été observées dans le Gravettien de l'Ouest, de même que l'importance des pointes à cran du Gravettien oriental et les pointes à dos du type federmesser. L'industrie osseuse est caractérisée par des types particuliers d'outils dont la fonction est inconnue. L'art mobilier est représenté par des gravures d'animaux sur plaquettes de pierre, unique pour l'Europe de l'Est, mais bien connues à l'Ouest (fig. 12). Les datations obtenues sont; 22 270 ± 150 (GrN - 7363), 21 260 ± 340 (GrN - 10513). Ce faciès de Gravettien de la règion de Kostienki-Borschevo se distingue par de fortes proportions de lamelles à dos abattu tronquées parfois aux deux extrémités (rectangles), formées par une retouche directe ou bidirectionnelle. La ressemblance entre les assemblages de Kostienki 9 (Biriutchii log) et Borschevo 5 (I) est également soulignée par des pointes symétrique ou asymétrique dont les bords portent une retouche semi-abrupte parfois importante (Litovtchenko 1966b; Praslov et Rogachev 1982; Lissitsyn 2004) (fig. 13). 1 - Les données actuelles, et en premier lieu les datations absolues, mettent en évidence une apparition polycentrique du Gravettien. Les données de l'Abri Pataud en Aquitaine, Paglicci en Italie, Masière-Canal en Belgique, Pavlov I, Dolni Vestonice I, Brillenhöhle en Europe centrale et de nombreux autres sites. (Djindjian et al. 1999) soulignent que le caractère indépendant et simultané de l'émergence de technocomplexes gravettiens dans les niveaux datés de 28-29 ka à Kostienki 8 (II) est un des éléments du processus pan-européen de l'apparition spontanée du technocomplexe gravettien. C'est actuellement, sa manifestation la plus orientale. 2 - L'apparition du Gravettien a eu lieu probablement au cours de l'oscillation tempérée d'Arcy-Denecamp (second groupe chronologique de Kostienki). Elle résulte de mutations survenues au sein des techno-complexes, indépendamment de la mise en place de nouvelles conditions climatiques. La période 28-29 ka est une période tempérée et stable sans fluctuations climatiques. 3 - Au cours de 28-29 ka, la structure bimodale du Paléolithique supérieur ancien (l'Aurignacien pan-européen et les cultures locales de « transition ») est remplacée par une structure unimodale correspondant aux technocomplexes gravettiens unifiés de structure « mosaïque » qui marque le début du Paléolithique supérieur moyen. 4 - La technologie aurignacienne basée sur une production de lames étroites et de microlamelles à partir de nucléus unipolaires a été remplacée par la technologie mettant en œuvre des nucléus bipolaires produisant trois types de supports : lame, lamelle et microlamelle. Les diagnoses culturelles fondées sur les formes spécifiques de l'activité domestique, ont été remplacées par la prise en compte des formes spécifiques des projectiles ou des armatures de jet traditionnellement liés à la chasse. 5 - Les particularités évidentes du Gravettien de Kostienki s'inscrivent dans un processus qui a conduit, en Europe, à la différenciation de faciès locaux à partir d'un technocomplexe global. Il est important de noter que des ressemblances se manifestent avec le Gravettien européen occidental au sein du groupe Gravettien évolué [Kostienki 4 (II) et Kostienki 21 (III)] et qu'elles coexistent avec des variantes propres à l'Europe de l'Est comme les faciès de Kostienki-Avdeevo et de Kostienki 11 (II) . | Dans la région de Kostienki-Borschevo, on observe l'expression, à ce jour, la plus orientale du modèle européen de l'évolution du Paléolithique supérieur. Elle est différente à la fois du modèle Sibérien et du modèle de l'Asie centrale. Comme ailleurs en Europe, le Gravettien apparaît à Kostienki vers 28 ka (Kostienki 8 /II/). Par la suite, entre 24-20 ka, les techno-complexes gravettiens sont représentés au moins par quatre faciès dont deux, ceux de Kostienki 21/III/ et Kostienki 4 /II/, ressemblent au Gravettien occidental et deux autres, Kostienki-Avdeevo et Kostienki 11/II/, sont des faciès propres à l'Europe de l'Est, sans analogie à l'Ouest. | archeologie_09-0054907_tei_232.xml |
termith-112-archeologie | Le statut des premières productions céramiques du Néolithique gréco-balkanique fait depuis une vingtaine d'années l'objet d'un débat. Dans les Balkans, ces premières céramiques auraient participé aux diverses activités alimentaires, servant à la préparation, à la consommation, à la cuisson ou au stockage de denrées (Manson, 1995, p. 72; Nikolov, 1989). En Grèce, elles n'auraient servi ni à leur cuisson ni à leur stockage (Björk, 1995, p. 113-135; Youni, 1996, p. 185). Elles n'auraient été employées qu'en contexte cérémoniel ou rituel par une communauté restreinte d'individus (Vitelli, 1989, p. 22-27; Perlès et Vitelli, 1994, p. 232). Les premières populations du Néolithique européen auraient donc accordé une place différente à leurs récipients. À la frontière de ces deux aires culturelles se trouve implanté le site de Kovačevo (Fig. 1). Cet habitat étendu a livré le plus ancien Néolithique actuellement connu en Bulgarie (Lichardus-Itten et al., 2002, p. 122). Son occupation débute aux alentours de 6 200 av. J.-C. Le site a été fouillé sur une surface de 1 800 m 2 par une équipe franco-bulgare codirigée par Jean-Paul Demoule, Marion Lichardus-Itten, Vassil Nikolov et Lilijana Perničeva. Il a livré vingt-trois tonnes de céramiques. Récipients et réutilisations de leurs fragments y ont été identifiés. La position géographique et chronologique de cet habitat néolithique tout autant que les caractéristiques du corpus céramique nous ont conduit à nous interroger sur la fonction et le statut de ces toutes premières productions. À l'examen de la littérature traitant de la fonction des récipients, il s'avère que plusieurs approches complémentaires élaborées dans divers champs disciplinaires ont été envisagées. Paradoxalement, elles n'ont été que très rarement combinées, malgré le caractère heuristique que cela aurait représenté. Morphologie des récipients, traces d'usure (Griffiths, 1978; Skibo, 1992) et résidus organiques (Evershed et al., 1992; Heron et Evershed, 1993; Evershed et al., 1997; Regert et al., 1999 et 2003; Regert, 2007) ont en effet souvent été analysés distinctement, sans être corrélés. Afin d'appréhender la fonction des récipients et leurs modes de fonctionnement dans toute leur complexité et diversité, nous avons commencé à élaborer une méthode d'étude située à l'interface de l'archéologie, de la chimie et de la tracéologie (Orton et al., 1993, p. 217-228; Heron et Evershed, 1993, p. 247-249). Les recherches mises en œuvre sur le vaste corpus céramique de Kovačevo se sont principalement cantonnées à la prise en considération des récipients les plus complets des secteurs E et K, soit une centaine de vases (Lichardus-Itten et al., 2002, p. 107). Elles ont également concerné le millier de résidus adhérant aux fragments de vases des secteurs I et B et quelques-uns des dépôts identifiés à la surface interne de vases issus des secteurs A et G. Cet article, consacré à l'analyse fonctionnelle des céramiques de ce site, présente la méthode d'étude et les premiers résultats obtenus. Ces derniers ont permis de statuer sur la place et l'importance socio-économique des plus anciennes productions céramiques du Néolithique balkanique. L'étude de la céramique de l'habitat néolithique de Kovačevo a débuté en 2002 sous la direction de Laure Salanova. Dix-huit des vingt-trois tonnes de mobilier exhumé ont, par la mise en place d'une méthode appropriée, d'ores et déjà été triées et enregistrées (Salanova, 2002; Salanova, 2008). Pour les secteurs E et K, plus de quatre tonnes ont été enregistrées. La première étape de l'analyse fonctionnelle de la céramique a donc consisté sur ce site en un échantillonnage raisonné du matériel à étudier. Souhaitant corréler les altérations d'utilisation à la morphométrie des récipients, nous nous sommes focalisés sur les vases les plus complets du corpus. Nous avons, à partir de l'enregistrement général de la céramique, isolé les vases dont le profil était soit complet, soit en grande partie reconstitué (aux trois-quarts, à moitié ou au tiers). Nous avons également isolé les rares fragments de récipients dont les caractéristiques morphologiques étaient susceptibles de nous renseigner sur la fonction des céramiques dont ils provenaient (tessons à perforations multiples, munis de goulots ou de becs verseurs). Cent cinquante-six individus ont ainsi été extraits du corpus. Les surfaces de ces cent cinquante-six vases ont été examinées afin d'en identifier les altérations. Nous n'avons finalement retenu et enregistré que cent un de ces individus. Ils comprennent : Les vases à profil complet. Eux seuls ont permis une analyse morphométrique fine des céramiques. Les vases ayant révélé des altérations d'utilisation à leurs surfaces. Leur étude a conduit à l'identification la plus fine de la fonction des céramiques et a permis de comprendre le mode de fonctionnement des récipients. Les fragments de vases à paroi perforée, munis d'un goulot ou d'un bec verseur. Ils nous ont directement renseigné sur la fonction primaire des récipients. Cette approche qualitative fine du corpus basée sur l'étude des individus les plus restitués a été complétée par l'échantillonnage systématique des fragments de céramiques des secteurs I et B auxquels adhéraient des résidus. Neuf cent quinze tessons ont ainsi été isolés du mobilier des deux secteurs concernés. L'enregistrement des individus les plus complets a pris en compte les caractéristiques morphologiques et techniques des céramiques (types de préhensions et d'assise, traitements de surface y compris le décor), leurs dimensions (hauteur, diamètres, épaisseur des parois, volume) et leurs altérations d'utilisation (nature, localisation, étendue, couleur, texture et aspect de leur surface). En revanche, leur contexte de découverte n'a que très peu été considéré. Les récipients en terre cuite ont généralement été retrouvés sur ce site sous forme détritique (Demoule et Lichardus-Itten, 2001, p. 89-90). Même ceux mis au jour in situ ont été le plus souvent trouvés retournés, en position non fonctionnelle. Aucune structure ni artefact témoin de leur dernière utilisation ne leur étaient associés. Le contexte archéologique de mise au jour des céramiques ne constitue donc pas, à Kovačevo, une source informative de premier ordre pour la détermination de la fonction des vases. Les interprétations fonctionnelles proposées ont donc uniquement reposé sur l'analyse croisée de la morphométrie des céramiques et de leurs altérations d'utilisation. L'enregistrement des divers critères intrinsèques considérés a été complété par un archivage photographique exhaustif des altérations d'utilisation identifiées. Les résidus adhérant à la surface interne de la plupart des vases étudiés ont été prélevés, afin d' être analysés et identifiés 2. L'enregistrement des neuf cent quinze fragments de récipients ayant livré des résidus a été réalisé séparément. Bien que moins détaillé que celui des individus les plus complets, il a permis d'affiner la relation forme/contenu/fonction. L'utilisation des récipients a souvent été déduite de l'étude morphologique des céramiques (Henrickson, 1990; Martinez, 1993; Tsirtsoni, 1997). Cette approche repose sur l'existence théorique d'une relation entre la forme des vases et leur fonction. Elle s'appuie plus généralement sur le concept de contraintes fonctionnelles, lesquelles inciteraient l'homme à concevoir une poterie dont la forme, les dimensions, le volume mais aussi les propriétés mécaniques et thermiques sont adaptés à sa fonction primaire (Gardin, 1979, p. 118-134; Steponaitis, 1984, p. 106-108; Hally, 1986; Tsirtsoni, 2001, p. 1-3). Plusieurs études ont pourtant démontré l'absence de corrélations entre la fonction d'un vase et ses caractéristiques morphologiques ou physiques (De Ceuninck, 1994, p. 164; Regert et al., 1999, p. 97; Tsirtsoni et Youni, 2000, p. 85).Elles nous ont amené à considérer la morphométrie des céramiques comme un indicateur, n'offrant qu'une détermination hypothétique très générale de la fonction des vases. Les cent un individus retenus ont dans un premier temps été classés afin de pouvoir les interpréter en termes de fonctions supposées. Cette « classification fonctionnelle » des vases s'est construite sur une sélection hiérarchisée de quatre critères : degré d'ouverture, décor externe des vases, type de préhensions et d'assise. Ces quatre critères se sont avérés à Kovačevo suffisants pour appréhender la fonction supposée des récipients. Nous n'avons donc pas considéré le profil des poteries. Cela n'aurait de toute façon pas permis de préciser les interprétations proposées, les vases même carénés ayant pu être utilisés au-dessus d'un foyer (Woods, 1986, p. 163). Les variables des quatre critères considérés ont quant à elles été définies par le regroupement d'éléments, offrant aux récipients des contraintes et possibilités fonctionnelles comparables. Par exemple, les boutons perforés rendant possible la suspension des vases ont été dissociés des mamelons et languettes facilitant leur transport. Ces variables ont par la suite été codées (Tableau 1), puis combinées (Tableau 2). Les vases ayant pour point commun l'ensemble des critères enregistrés ont été réunis en types. Une fois établis, ces types ont été regroupés en catégories. Elles rassemblent tous les types de vases dont les contraintes et possibilités fonctionnelles sont identiques. Par exemple, les récipients faciles à obturer et pouvant être suspendus ont été regroupés dans une seule et même catégorie. Les vases de Kovačevo ont été réunis en douze catégories dont six sont interprétables en terme fonctionnel (Fig. 2). Quatre d'entre elles ont été déduites de la spécificité morphologique et technique de certains fragments de céramiques, le mobilier étudié étant très fragmenté. La première des catégories définies regroupe les formes basses dont l'ouverture est très large et la profondeur relativement faible (vases codés O2-00a; O2-00b ou O2-10b). Ces deux particularités sous-tendent une fonction impliquant un accès aisé au contenu comme la préparation alimentaire ou la consommation (Rice, 1987, p. 225-226). La deuxième catégorie réunit une partie des formes basses peu ouvertes (vases codés O1-01a ou O1-03a). La présence récurrente de préhensions (anses ou languettes) en constitue la spécificité. Celles -ci indiquent vraisemblablement le déplacement fréquent de tels récipients. Aucune fonction ne peut cependant être déduite de leur morphométrie. La troisième catégorie regroupe des formes basses légèrement ouvertes ou peu fermées (vases codés F2-00a; F2-04a ou O1-00a). Les vases concernés n'ont ni décor ni préhension, à l'exception de rares bossettes. Leur morphologie ne fournit aucune indication quant à leur probable utilisation. La quatrième catégorie définie rassemble toutes les formes basses peintes peu ouvertes ou fermées. Elle comprend également les récipients munis d'un pied (vases codés F2-00b; F2-00c; F2-10a; F2-10b; F2-10c; F2-14a; O1-00b; O1-00c ou O1-10b). Tous ces vases ne peuvent en théorie être utilisés au-dessus d'un foyer. La cinquième catégorie ne comprend qu'une seule forme basse dont l'ouverture carrée en fait la particularité (vase codé F2-20a). Ce vase est par ailleurs rehaussé d'un décor incisé. Sa singularité nous laisse présager une fonction spécifique, encore non-établie. La catégorie six correspond à une forme haute légèrement fermée (vase codé F2-03a). Ce vase est muni de mamelons et n'est pas décoré. Aucune interprétation fonctionnelle ne peut être avancée. Seul un déplacement fréquent de ces récipients peut être suggéré. La septième catégorie définie se compose aussi de formes hautes (vases codés F1-02a). Rarement décorées, elles se caractérisent par leur embouchure fermée et la présence systématique de boutons à perforation verticale. Elles peuvent donc être facilement obturées et suspendues. Tous ces éléments en font des récipients particulièrement bien adaptés à la conservation de denrées (Rice, 1987, p. 225-226). La catégorie huit ne comprend qu'une forme haute dont l'embouchure est extrêmement fermée (vase codé F1-04a). Ce vase retrouvé in situ contenait les restes inhumés d'un nouveau-né (Lichardus-Itten et al., 2002, p. 116). La neuvième catégorie regroupe tous les récipients de très petites dimensions dont les surfaces ont été laissées brutes de façonnage.Ces micro-vases se distinguent clairement du reste du corpus. La dixième comprend les vases de très grande dimension dont l'existence n'est attestée que par la taille et l'épaisseur importante de certains fragments de récipients. La surface externe de ces tessons est généralement barbotinée. Leur surface interne revêt souvent un engobe épais particulièrement soigné. Ces récipients semblent donc, par les traitements de leur surface et l'épaisseur importante de leur paroi, bien adaptés au stockage en masse de denrées (Henrickson et Mc Donald, 1983, p. 635-638). La onzième catégorie comprend l'unique vase à paroi perforée des deux secteurs étudiés. De petite dimension, celui -ci a vraisemblablement permis la séparation d'un produit liquide à semi liquide d'une fraction solide (Rottländer, 1988; Bourgeois et Gouin, 1990; Regert et al., 2001) La douzième et dernière catégorie réunit les deux céramiques munies l'une d'un goulot et l'autre d'un bec verseur. Ces récipients semblent, en raison de ces aménagements, bien adaptés au transvasement fréquent d'un contenu liquide ou solide à granulométrie fine (Malamidou, 2004, p. 226). Pour seulement six de ces douze catégories, une interprétation fonctionnelle peut être proposée : vases appropriés à la préparation ou à la consommation alimentaire (catégorie une), récipients adaptés à la conservation de denrées (catégories sept et dix), vases n'ayant pas pu être utilisés au-dessus d'un foyer (catégorie quatre), céramiques ayant permis la séparation d'un produit liquide à semi liquide d'une fraction solide (catégorie onze), vases adaptés au transvasement d'un produit (catégorie douze). L'identification de la fonction des vases reste donc par cette approche complexe, hypothétique et limitée à une partie des récipients considérés. Il s'avérait dès lors nécessaire d'analyser la contenance des poteries afin d'affiner les premières interprétations proposées. Le volume des vases est l'un des éléments les plus discriminants de la fonction des récipients car il est directement lié aux possibilités de manutention des vases (Echallier et Courtin, 1994, p. 132; Rice, 1987, p. 215-219). Ce volume a été calculé pour les soixante-dix individus à profil complet. Pour le mesurer, nous avons utilisé la formule de calcul du volume d'un tronc de cône (( R1 2 + R2 2 + R1xR2) x (x h / 3)), après avoir subdivisé la contenance du vase en une série de ce volume simple (Fig. 3) (Rigoir, 1981, p. 193).Cet échantillonnnage par profil permet non seulement le calcul précis du volume des céramiques mais aussi celui de récipients de formes complexes et variées. Il s'avère donc bien adapté au corpus étudié. L'approche volumétrique des céramiques a mis en évidence le large spectre des contenances de récipients, variant de quelques millilitres à une dizaine de litres (Fig. 4). Exceptées quelques ruptures, cet histogramme forme un continuum. Les vases à capacité élevée y sont peu représentés, malgré leur existence attestée par l'abondance de grands et épais fragments de récipients (Demoule et Lichardus-Itten, 2001, p. 89). Nous nous sommes donc interrogés sur la représentativité des différentes catégories de taille des vases. Les grands récipients, n'ayant généralement pas leur profil complet conservé, n'ont pas eu leur volume calculé. Ils sont donc sous-représentés (Vieugué, 2006, p. 25). Ce biais lié à l'importante fragmentation du mobilier rend ininterprétable les quelques ruptures observées qui peuvent en résulter. Il rend tout aussi complexe l'interprétation du volume des vases. Nous ne pouvons tout au plus que soupçonner, au vue des contenances variées, la diversité fonctionnelle des récipients. Cette hétérogénéité des volumes semble par ailleurs indiquer que les potiers n'ont pas recherché un volume particulier relativement standardisé. Ils ont en revanche cherché à faciliter la manutention de la plupart des vases de grande taille. Ces derniers sont en effet bien plus fréquemment munis de préhensions que les vases de petite contenance (Fig. 5). Les préhensions n'avaient donc, semble -t-il, sur ce site pas uniquement un rôle décoratif. La confrontation des caractéristiques morphométriques et du volume des céramiques a permis, au-delà de l'identification de la fonction, d'aborder la question de l'adaptation des vases à leur premier usage. L'analyse de tels critères n'a cependant permis qu'une détermination partielle de la fonction des récipients. Il s'avérait donc nécessaire d'étudier les traces résultant de leur utilisation. À Kovačevo, ces utilisations ont provoqué la formation de deux principaux types d'altérations : les résidus et les traces d'usure. Ces deux types, bien que résultant de l'usage des vases, n'ont pas le même potentiel informatif. Ils seront par conséquent traités indépendamment. Sur les cent un individus retenus, seuls douze ont révélé des résidus visibles à la surface interne des vases. Ces résidus ont été classés en deux catégories définies à partir de leur couleur, de leur texture, de leur état de surface et de leur localisation préférentielle sur le vase. La première se compose de résidus poudreux noirs à surface irrégulière. Ces résidus carbonisés se concentrent généralement au niveau des fonds de récipients. La seconde catégorie regroupe l'ensemble des résidus blancs à beiges. Leur surface est généralement lisse; ils adhérent beaucoup plus fortement à la paroi des vases. Ces différents types de résidus identifiés semblaient indiquer le contenu varié des récipients. Ils ont été, en l'absence de morphologie visible, caractérisés par analyses physico-chimiques. En raison de la conservation et de la restauration de certains vases des secteurs E et K, seuls quatre des douze résidus identifiés ont pu être prélevés et analysés (soit cinq échantillons). Nous avons donc également prélevé sur trois des vases issus de la fouille des secteurs A et G (trois échantillons), sur cinq tessons du secteur E (sept échantillons) et sur deux tessons du sondage 7 (quatre échantillons). Plusieurs auteurs ont montré que les matériaux organiques autrefois contenus dans les céramiques ont pu imprégner la paroi poreuse des vases et se conserver (Charters et al., 1993; Heron et Evershed, 1993). De ce fait, nous avons systématiquement prélevé et analysé séparément les encroûtements et fragments de récipients auxquels ils adhéraient. Un corpus de dix-neuf échantillons a été sélectionné (Tabl. 3). Il comprend : Quatre encroûtements carbonisés adhérant à quatre tessons présentant des traces d'imprégnation à l'intérieur de la pâte céramique (Kov 64807 4R + 4T; Kov 64808 5R + 5T; Kov EL923 6R + 6T; Kov EL894 7R + 7T), Sept tessons imprégnés sans résidu de surface conservé (Kov G264 1T; Kov EL893 8T; Kov A490 10T; Kov E495 11T; Kov K733 12T; Kov EL1970 13T; Kov EL1970 14T), Un fragment sans résidu ni imprégnation visibles (Kov A491 9T), Un encroûtement beige et le tesson associé (Kov K313 2R + 2T), Un résidu beige, sans que puisse être prélevé, pour des raisons de conservation du vase, un fragment de la céramique auquel il adhérait (Kov K215 3R). Les dix-neuf échantillons ont été prélevés sur quatorze récipients dont sept avaient leur profil complet conservé. Ils ont été volontairement prélevés sur des vases de formes variées, correspondant aux différentes périodes chronologiques du site. Quatre d'entre eux ont été prélevés in situ pendant la fouille, afin de juger du degré de conservation de la matière organique sur le site. Face à des résidus de nature inconnue, nous avons élaboré une méthodologie analytique spécifique, qui comprend deux étapes (Fig. 6) : La première a consisté à analyser les résidus de surface en spectrométrie infrarouge (IRTF). Ces analyses préliminaires ont offert un aperçu de la nature des matériaux conservés. Elles ont ainsi permis d'appliquer par la suite les techniques analytiques les plus appropriées pour les caractériser. La seconde étape a consisté à analyser en chromatographie en phase gazeuse (CPG) les matériaux organiques et en microscopie électronique à balayage (MEB) les résidus minéraux. La stratégie analytique mise en œuvre résulte de l'adaptation de méthodologies éprouvées par ailleurs que ce soit pour la caractérisation de matériaux organiques amorphes (Regert et al., 2003; Regert et al., 2006a; Regert et al., 2006b; Regert et al., 2006c; Regert, 2007; Regert et al., soumis) ou celle de résidus minéraux. Les résidus visibles adhérant à la surface de fragments de récipients ont d'abord été prélevés à l'aide d'une lame de scalpel stérile, puis ont été analysés. Les spectres ont été obtenus par transmission avec une cellule diamant de compression sur un spectromètre Perkin-Elmer Spectrum 2000 à transformée de Fourier. Avant chaque analyse, un blanc a été réalisé afin de soustraire la contribution environnementale (CO 2, vapeur d'eau) et le bruit instrumental au spectre final. Le signal a été mesuré sur une gamme spectrale allant de 4000 à 300 cm - 1 avec une résolution de 4 cm - 1 et une accumulation de 10 scans. L'analyse des résidus minéraux a été entreprise sur un microscope de type JEOL JSM-840 équipé d'un détecteur Energy Dispersive X-ray. Les mesures ont été effectuées à 20 keV avec un courant avoisinant les 10 - 10 - 10 - 9 A. Avant d' être analysés, les échantillons ont été inclus dans une résine araldite, puis polis et métallisés. Seuls les tessons (2 g environ) et les encroûtements noirs carbonisés (environ 200 mg) ont été analysés par cette méthode, à la suite d'une préparation appropriée des échantillons. Après broyage des prélèvements et ajout d'un standard interne (n - tétratriacontane, 20 l, 1 g/l), l'extraction a été réalisée par mise en suspension des échantillons dans un mélange de dichlorométhane/méthanol (grade HPLC, 2/1 v : v). Ils ont ensuite été mis aux ultrasons (2 x 15 minutes). Le surnageant récupéré a été centrifugé (20 minutes, 3 000 tours/min). L'extrait obtenu a été évaporé à sec, puis repris dans 500 l de solvant (dichlorométhane/méthanol 2/1 v : v). Une partie de cet extrait lipidique total (100 l) a été prélevée. Après évaporation à sec du solvant sous un courant d'azote, la dérivation a été réalisée par ajout de 50 l de BSTFA (bis - triméthyl-silyl-trifluoroacétamide), à 80 °C pendant 30 minutes. À la suite de l'évaporation à sec du réactif en excès, l'extrait dérivé a été repris dans 30l de cyclohexane. 1l de cette solution a été injectée dans le chromatographe. Les composés moléculaires ont été séparés sur une colonne apolaire (CP-SIL 5CB, 15 m, 0,32 mm diam. interne, 0,1 m épaisseur de phase). L'injecteur on column a été utilisé en mode track oven. La température du four a suivi la programmation suivante : de 50 °C (une minute) à 350 °C (10 minutes) à une vitesse de 10 °C/min. Le débit du gaz vecteur (hélium) a été programmé comme suit : de 2 ml/min (17 minutes) à 4 ml/min (5 minutes) puis à 6 ml/min (15 minutes) par pas de 1 ml/min. Le détecteur à ionisation de flamme (FID) a été maintenu à 350 °C. Les molécules ont été identifiées par comparaison de leur temps de rétention avec ceux de composés de référence. Ces techniques analytiques ont permis l'obtention d'empreintes spectrales et chromatographiques caractéristiques des différents constituants du matériau analysé. Les résidus beiges ont fourni des empreintes infrarouges similaires. Ces dernières, présentaient des bandes de vibration caractéristiques des liaisons carbonates CO 3 2 - et phosphates PO 4 3 - (Fig. 7). Elles ont permis d'identifier la nature osseuse du matériau analysé (Reiche et al., 2002). Cette identification a été confirmée par l'analyse de l'un de ces deux encroûtements au MEB. Le résidu analysé était en effet principalement constitué de calcium et de phosphore (Fig. 8). Homogène, ce dépôt parait surtout compact, ce qui laisse supposer que les os ont été réduits à l'état de poudre. L'identification de poudre d'os ne rend pas pour autant plus aisée la détermination de la fonction des vases. Les besoins auxquels peut répondre une telle préparation sont en effet multiples. Celle -ci aurait très bien pu servir par son application intentionnelle de revêtements. Elle a pourtant été identifiée à la surface interne de vases soigneusement engobés. Elle n'a donc vraisemblablement pas été utilisée pour imperméabiliser. Cette poudre d'os aurait pu aussi servir à l'ornementation de récipients, tant sa couleur beige et sa texture sont comparables à certaines peintures de vases (Salanova, 2007, p. 8). Cependant, l'analyse d'une d'elles en IRTF a montré sa composition argileuse (Fig. 9). Les vases n'ont donc a priori pas servi à la préparation de peintures. Cette pâte a pu servir d'engrais ou de colle (Audry, 1935). Elle a aussi pu être consommée par les premiers néolithiques (Binford, 1981, p. 147-148; Hirsch, 1990; Leechman, 1951, p. 355; Outram, 2005). Cette bouillie d'os aurait fourni à l'organisme un apport non négligeable en calcium pouvant même se substituer aux produits laitiers (Lasota-Moskalewska et al., 1997, p. 30-31; Vehik, 1977, p. 171). L'identification de la fonction des vases ayant contenu cette poudre d'os reste donc pour l'heure indéterminée. Sur les seize tessons et résidus carbonisés analysés en CPG, quinze n'ont pas fourni d'empreinte chromatographique interprétable. La conservation des matériaux lipidiques s'avère donc très mauvaise, que ce soit pour les échantillons prélevés lors la fouille ou dans les réserves. Il s'agit probablement d'une dégradation due à l'enfouissement de ces vestiges plus qu' à leur stockage. Le seul chromatogramme interprétable a été obtenu sur l'échantillon Kov G264 1T. Celui -ci contient un ensemble de biomarqueurs (triglycérides) et de marqueurs de dégradation (diglycérides et acides gras) caractéristiques de matières graisses animales (Fig. 10) (Evershed et al., 2002). Le vase G264 avait donc probablement une fonction culinaire (Charters et al., 1995; Evershed et al., 1997; Regert et al., 1999, p. 97; Mirabaud, 2007; Mirabaud et al., 2007). Les traces d'usure sont bien plus fréquentes que les résidus visibles à la surface des récipients. Elles ont été reconnues sur 36 individus. Elles se manifestent sous forme de traces d'abrasion ou de rayures. Le premier type d'usure se retrouve de manière préférentielle sur les fonds, bases et préhensions des vases. Le second n'altère que les panses de récipients. Ces usures, en raison de leur nature et de leur localisation sur le vase, traduisent le fonctionnement des récipients dont il convient de comprendre les modalités. Leur étude s'avère donc importante mais aussi complémentaire de l'analyse des résidus (Griffiths, 1978). Sur les cent un vases étudiés, cinq ont leur fond usé (intérieur) comme abrasé. L'usure y est peu marquée, n'ayant entraîné que la disparition de l'engobe (Fig. 11a). De forme circulaire, elle délimite une aire préférentielle de contacts avec un élément externe qui, par son action répétée, en a provoqué la formation. Tant l'homogénéité de l'abrasion que l'absence de rayures invitent à penser que l'élément concerné avait une extrémité large et arrondie (pilon ? cuillère ?). Il se peut donc que ces vases aient participé au broyage d'un matériau ou au mélange de divers ingrédients (Rice, 1987, p. 234; Orton et al., 1993, p. 223). Près d'un tiers des individus analysés ont leur base usée (extérieur) à des stades plus ou moins avancés. Alors que l'usure périphérique de certaines assises se limite à la suppression de l'engobe, l'usure couvrante d'autres a conduit à leur totale déformation (Fig. 11b). Bien que la nature de la surface rentrant en contact avec la base des vases influe sur le type d'usure produit, ces différences d'abrasion ne peuvent témoigner que de la durée de vie plus ou moins limitée des poteries. Elles prouvent pour celles dont les assises sont les plus usées leur longue ou fréquente utilisation(Skibo, 1992, p. 114). Paradoxalement, les trous de réparations sont extrêmement rares à tel point qu'aucune perforation post-cuisson n'a pu sur le corpus étudié être rattachée à la consolidation de la paroi des vases. Les récipients ont donc été sujets à une utilisation poussée sans qu'ils ne fassent fréquemment l'objet de réparations par perforation. Cette utilisation poussée a aussi été remarquée sur certains récipients munis de boutons perforés que l'abrasion a totalement déformé jusqu' à les rendre inutilisables pour la suspension des vases (Fig. 11c). Ces boutons perforés n'avaient donc pas uniquement une valeur décorative puisqu'ils étaient utilisés. Les vases concernés ont aussi leur base abrasée. Ces récipients ont donc connu de manière successive ou alternative deux modes de fonctionnement : suspendus ou reposant sur leur base. Les panses n'ont pas été usées par abrasion. Elles présentent en revanche de nombreuses rayures. Ces stries ont été identifiées sur la surface externe des vases. Elles se concentraient principalement au niveau de leur diamètre médian. Dans ce cas précis, les rayures étaient courtes et unidirectionnelles (Fig. 12a). Elles pourraient résulter du frottement des vases sur le sol, lors de leur lavage (Skibo, 1992, p. 122-125). Les autres rayures observées sont de longueur variée; elles ne sont pas organisées (Fig. 12b). Leur identification n'apporte aucune information. La caractérisation des résidus, nous l'avons vu, s'avère être l'une des approches les plus discriminantes de la fonction des récipients. L'étude des traces d'usure n'en est pas pour autant moins importante (Vieugué, 2005, p. 83). L'étude préliminaire conduite sur la morphométrie des céramiques et sur leurs altérations d'utilisation a montré la pertinence de ces critères dans le cadre de l'analyse fonctionnelle de vases. Dès lors, il convient d'établir les rapports qu'entretiennent ces différents critères. Cette approche a permis d'affiner les premières interprétations fonctionnelles proposées. En raison du faible nombre de résidus encore analysés et caractérisés, l'étude de la relation forme/contenu/fonction n'a pu être menée qu'une fois les résidus des autres secteurs examinés. Pour les mêmes raisons, nous avons été contraints de considérer les vases présentant le même type de résidus comme étant des récipients de même fonction. Les imprégnations noires et résidus carbonisés ont été identifiés à la surface interne de certains vases des catégories 3, 5 et 7 (Fig. 13). Ces probables vases à cuire ont pour points communs leur embouchure plus ou moins fermée, leur profil courbe et leur base plate. De dimensions variées, ils ne sont jamais décorés. Ces résidus carbonisés ont aussi été identifiés à la surface interne de plusieurs centaines de fragments de récipients. Ces derniers ont généralement une épaisseur importante avoisinant le centimètre. Près de la moitié d'entre eux ont leur surface externe barbotinée. Aucun n'est décoré. Il semble donc que les Néolithiques aient privilégié, pour la transformation thermique de produits alimentaires ou techniques, l'emploi de vases dont les caractéristiques intrinsèques étaient à même de répondre aux contraintes découlant d'une telle utilisation (Schiffer, 1990, p. 375-379 ;Henrickson et Mc Donald, 1983, p. 635-638; Tite, 1999, p. 221). À l'inverse, les résidus beiges adhèrent à la surface interne de vases à parois plutôt fines (Fig. 14). Ces derniers peuvent être ouverts ou fermés; ils sont parfois décorés. Les Néolithiques semblent donc avoir préparé ou stocké les os pilés dans des récipients très différents. L'usure des bases et panses de vases a quant à elle été constatée sur de multiples céramiques appartenant aux différentes catégories précédemment définies. Elle atteste de l'usage de l'ensemble des vases qu'ils soient ou non décorés. L'usure des fonds n'a en revanche été observée que sur des vases de la catégorie 4 (Fig. 15). Leur embouchure fermée ne paraît pourtant guère adaptée aux activités de broyage ou mélange de leur contenu. Les altérations d'utilisation visibles à la surface de nombreux vases ont démontré leur intense et fréquent usage. Elles ont prouvé la diversité de leurs fonctions, les récipients ayant contenu des graisses animales et de la poudre d'os. Les plus anciennes céramiques du Néolithique de la Bulgarie n'étaient donc pas toutes vouées à un usage limité d'ordre rituel ou cérémoniel. Bien au contraire, elles étaient majoritairement destinées à des activités variées de la vie quotidienne : préparation, cuisson, consommation, stockage, séparation et transvasement de produits. De ce fait, les céramiques de cet habitat néolithique forment un assemblage fonctionnel cohérent de récipients. Cette batterie de cuisine fut de plus conçue par des potiers qui, lors de la phase de fabrication des vases, ont opéré des choix dont une partie relève de facteurs fonctionnels. On peut démontrer cette préconception des productions sur plusieurs catégories de céramiques : Les vases de grande taille sont souvent munis d'anses, de mamelons ou de languettes afin d'en faciliter le déplacement. Les vases à embouchure fermée ont toujours des boutons perforés, ce qui permet leur suspension. Les vases ayant servi à cuire ont des parois plutôt épaisses et des fonds plats. Leur surface externe est généralement barbotinée. Ils peuvent ainsi mieux résister aux chocs thermiques. L'utilisation des vases et les contraintes qu'elle impose semblent donc parfaitement intégrées et maîtrisées par ces populations du passé. Et elles le furent dès le début de l'occupation de l'habitat. Les niveaux néolithiques les plus anciens du site associent déjà des vases de fonctions variées; récipients de cuisson, vases de préparation et de consommation, vases de stockage et céramiques contenant de l'os y ont été identifiés. Cet assemblage céramique s'avère tout aussi caractéristique des niveaux néolithiques les plus récents du site. En l'état actuel des recherches, aucune évolution chronologique de la fonction des céramiques n'est perceptible. En Grèce, les premières productions céramiques du Néolithique, datées de la seconde moitié du vii e millénaire avant J.-C., n'ont pas livré de traces d'utilisation évidentes. En Anatolie, les vases de cette période ont servi à la cuisson ou au stockage de denrées (Le Mière et Picon, 1998; Copley et al., 2005). Les recherches futures tenteront de comprendre les raisons de cette frontière culturelle opposant la Grèce à la Bulgarie et l'Anatolie. Reflète -t-elle l'existence de deux courants diachroniques de néolithisation effectués par des populations attribuant une valeur distincte à leurs récipients ? Traduit-elle une évolution chronologique de la fonction des plus anciennes céramiques grecques ? Cette opposition existe -t-elle vraiment ? (Decavallas, 2007; Tomkins, 2007). Seule la multiplication de telles études semble pouvoir y répondre . | L'analyse d'une centaine de vases parmi les plus complets a été réalisée afin d'appréhender leurs fonctions et modes d'utilisation. Une approche interdisciplinaire située à la frontière de l'archéologie, de la chimie et de la tracéologie a dès lors été développée. Elle combine analyse morphométrique des céramiques, caractérisation des résidus et observation des traces d'usure. Les récipients en terre cuite de l'habitat néolithique de Kovačevo ont, semble-t-il, connu un usage fréquent (usure prononcée de certains fonds, bases et préhensions de vases), des fonctions variées (préparation, cuisson, consommation et stockage) et ce dès le début de l'occupation du site. Ils forment un assemblage fonctionnel tout à fait cohérent de récipients. Cette batterie de cuisine fut par ailleurs conçue par des potiers qui, lors de la phase de fabrication des vases, ont opéré des choix dont une partie relève indiscutablement de facteurs fonctionnels. Pleinement intégrées aux diverses activités, ces toutes premières productions céramiques du Néolithique balkanique se différencient du point de vue de leur statut de celles du Néolithique grec. Ces dernières sont en effet considérées comme un bien de prestige. Les recherches futures viseront à comprendre les raisons de cette frontière culturelle: reflète-t-elle l'existence de deux courants diachroniques de néolithisation effectués par des populations attribuant une valeur différente à leurs récipients ou traduit-elle une évolution chronologique de la fonction des plus anciennes céramiques grecques? | archeologie_11-0115751_tei_378.xml |
termith-113-archeologie | Le corpus des sépultures assignables au Villeneuve-Saint-Germain est relativement réduit, en particulier pour l'étape récente et finale de cette culture, puisque l'on en compte à peine une cinquantaine répartie principalement dans la moitié nord de la France (Dubouloz et al. 2005). Nous avons choisi de présenter l'une d'entre elles récemment découverte sur le site d'habitat de Buthiers-Boulancourt dans le sud-ouest de la Seine-et-Marne, en raison d'une part, de son mobilier funéraire plutôt atypique pour le VSG et d'autre part, en raison de l'absence de sépulture remontant au Néolithique ancien dans tout ce secteur géographique localisé dans le sud du Bassin parisien. Cette région est en revanche bien connue pour les sépultures sous dalle dites de Malesherbes, attribuées à l'étape suivante du Néolithique moyen I (culture Cerny) pour les plus anciennes (Simonin et al. 1997). Le site de Buthiers-Boulancourt a été repéré en 2003 au cours d'un diagnostic en archéologie préventive dans le cadre de l'extension d'une carrière de sable. L'occupation est localisée à environ 75 km au sud de Paris, dans le Gâtinais occidental, en contexte de plateau (Samzun et al. 2006; fig. 1). Deux secteurs d'habitats (fig. 2) ont été reconnus au cours de deux campagnes de fouilles en 2003 et 2005 : l'un, le plus important en surface (environ 1 ha) comprend sept maisons danubiennes (dénommées « UA » ou unités architecturales sur le plan) probables, principalement représentées par des fosses latérales et est attribué au Néolithique ancien (groupe VSG récent, avec céramique à “cordon ”, 4900-4600 BC). L'autre secteur, plus restreint, remonte au Néolithique moyen I (culture Cerny, 4600-4200 BC) et comprend pour l'essentiel, un tronçon de fossé, quelques trous de poteau et deux fosses dont l'une a livré presque 10 kg de céramique (Durand et al. à paraître). Un polissoir en grès isolé situé à une cinquantaine de mètres des occupations néolithiques a également été mis au jour mais son attribution chronologique reste incertaine faute de vestige mobilier et immobilier associé. On peut cependant envisager l'hypothèse selon laquelle il a pu avoir été associé antérieurement à des inhumations comme c'est le cas à Orville « les Fiefs » localisé à proximité immédiate de Buthiers-Boulancourt, où une nécropole Cerny et une sépulture sous dalle ont été mises au jour (Simonin et al. 1997). (DAO L. Manolova et A. Samzun) L'occupation VSG a également livré plusieurs structures liées à la combustion, fait assez inhabituel en Ile-de-France, parmi lesquelles un petit foyer en creux à pierres chauffées localisé dans une des maisons (UA 6), des fours domestiques creusés en sape dans le limon avec sole et cendrier (Samzun et al. 2007), une structure de type “brasero” ainsi qu'un four dit “polynésien ”. De plus, deux petits ensembles sépulcraux ont également été repérés et fouillés, incluant pour le n° 1 situé à proximité de l'occupation Cerny, deux sépultures et pour le n° 2, au moins trois inhumations individuelles. Enfin, à l'est de l'UA 6, une incinération accompagnée d'ocre et d'un vase à fond rond et bouton à dépression centrale, très rarement attestée en France pour le Néolithique ancien, complète ces données. Quatre de ces inhumations y compris l'incinération, ont été datées au 14 C et elles sont toutes rattachées à l'étape finale du VSG, puisque les datations s'échelonnent entre 4900 et 4600 cal. BC. Dans l'ensemble sépulcral n° 2 situé dans le secteur central, le mieux conservé du site, à quelques mètres de la zone des fours et au sud-ouest d'une longue fosse latérale liée à l'UA 4 (St 259), une sépulture en assez bon état de préservation a particulièrement retenu notre attention. Cette inhumation se trouve à proximité d'au moins deux autres sépultures, st 268 et 416. En effet, une fosse ovalaire, st 268 (dimensions : 1,70 m x 1,25 m x 0,15 m), renfermant un squelette en position fléchie, mal conservé, accompagné d'ocre et sans mobilier associé a été mise au jour à l'est de la sépulture 269. Une quatrième sépulture, st 416, se trouve au sud de la st 269. Plus à l'est, une fosse vide, de dimensions analogues (st 270), correspond vraisemblablement à une tombe détruite par les travaux de labours. (photo : équipe INRAP) Ces petits groupements de sépultures à proximité d'un secteur d'habitat sont caractéristiques de l'aire VSG (Jeunesse 1997). La sépulture 269 consiste en un sujet âgé de sexe féminin qui était déposé dans une fosse sub-circulaire assez large et peu profonde (1,80 m x 170 m x 0,30 m) au comblement limono-sableux brun-roux enchâssé dans le calcaire induré. D'après l'analyse anthropologique conduite par I. Le Goff (INRAP/UMR7041 « Ethnologie préhistorique »), il n'est pas impossible que le cadavre ait été placé dans une enveloppe souple. Orientée est ouest, tête à l'est et regardant vers le sud, l'inhumée reposait en position fléchie, hormis le bras gauche, le long du flanc gauche. Cette posture des inhumés est caractéristique dans l'aire rubanée et post-rubanée (Jeunesse1997). La défunte était déposée sur une épaisse couche d'ocre qui scellait une couche blanchâtre indurée et homogène. Les analyses de phytolithes par P. Verdin (Inrap-CEPAM) et le test palynologique de M. Boulen (Inrap-UMR 7041 « Protohistoire européenne ») n'ont pas permis de valider l'hypothèse de la présence d'une éventuelle « litière ». Dans le comblement de la fosse dont la partie supérieure a été partiellement entamée par les labours, et d'après l'étude céramologique (Durand et al. à paraître), on a constaté que sept tessons dont quatre comportent un motif décoratif (lignes imprimées sous le bord avec un poinçon, présence d'un cordon et d'un bouton sous le bord) et présentent un dégraissant composé de calcaire qui est par ailleurs très rarement rencontré sur le site avec seulement deux autres exemplaires. Tous ces tessons sont caractéristiques du VSG et paraissent constituer un dépôt volontaire de vases « importés » ou produits pour cette occasion et ont été vraisemblablement endommagés par les remaniements postérieurs. Placé près du crâne à la gauche de l'inhumée, le mobilier funéraire était composé d'une carapace de tortue et de plusieurs pièces lithiques toutes en silex secondaire. Le dépôt paraît avoir été partiellement endommagé, voire légèrement déplacé, probablement en partie en raison des travaux de labours et peut-être aussi par les fouisseurs dont les terriers étaient visibles au cours de la fouille. (photo : équipe INRAP) D'après l'étude archéozoologique de C. Bemilli (Inrap-MNHN-UMR 5197), il s'agit d'une tortue commune européenne appelée cystude (Emys orbicularis). Elle est au trois-quarts complète (dimensions : 15 cm x 10 cm) et nous avons vérifié à la binoculaire (grossissement 120 mm) si d'éventuels stigmates de décarnisation ou de découpe ou autre étaient éventuellement visibles, ce qui n'était pas le cas. Aucun os du squelette de l'animal n'était présent. Il s'agit d'un type de dépôt rarement rencontré dans les sépultures. À Balloy/les Réaudins en Seine-et-Marne, associée à l'une des inhumations du Néolithique Moyen I probable (sép. 47, sujet de sexe féminin en posture allongée), une carapace était placée contre l'épaule droite, l'ouverture vers le haut. D. Mordant suggère une interprétation qui se baserait sur sa position contre la face de l'inhumée : l'objet suivant la bascule du crâne aurait donc pu être placé sur celui -ci comme un masque (Mordant 1997). Une carapace de tortue nous a également été signalée dans la sépulture datée du Mésolithique tardif (VI e mil.) à Bad Dürrenberg dans l'Est de l'Allemagne par R.-M. Arbogast. La fonction de ce type de dépôt pose question : peut-il s'agir d'un bien personnel, d'un dépôt symbolique, ou un simple contenant pour une offrande alimentaire ? L'effectif des pièces recueillies dans la fosse de la sépulture est de 36 (poids total : 516 g; tabl. 1), y compris les outils qui sont au nombre de six. Parmi les produits de débitage, seules trois pièces comprenant un éclat (flanc de nucleus, n° 7), et deux éclats laminaires (n° 8 et 9) paraissent clairement associées au dépôt sépulcral. Les autres pièces ont été collectées dans le comblement de la fosse à des altitudes différentes. Nous ne prenons donc en compte comme dépôt intentionnel que les artefacts reposant près du crâne et de la carapace de tortue, car certaines pièces ont manifestement été bougées et le dépôt sépulcral perturbé. Cinq des six outils (quatre grattoirs dont un double n ° 2-4, un racloir et une pièce composite de type grattoir et burin) étaient rassemblés et clairement associés au dépôt funéraire. Un grattoir de petites dimensions (n° 11) se trouvait dans le comblement de la fosse. Les pièces du dépôt funéraire ont toutes été débitées au percuteur dur sans soin particulier dans un silex secondaire local de couleur gris-beige à jaune clair, translucide, à grain assez fin et comportant des impuretés. Sa provenance pourrait se situer, à l'instar du site d' Échilleuses, « Les Dépendances de Digny » (Loiret), dans la vallée du Loing (Simonin 1988). Les outils sont sur supports d'éclats (quatre pièces) ou d'éclats laminaires entièrement corticaux à partiellement corticaux. Les talons des pièces sont lisses et épais à l'exception de l'un d'entre eux qui est retouché. Leurs bulbes sont fréquemment esquillés. Leurs retouches sont abruptes à semi-abruptes. Ces outils paraissent tous liés au travail du grattage et du raclage. L'ensemble de ces pièces porte une patine particulière que nous n'avons pas observée sur le mobilier livré par les structures liées à l'habitat où le silex est presque constamment d'apparence fraîche. La patine se présente sous forme de points blanchâtres qui envahissent toute la surface ou partiellement les artefacts. Est -ce parce que la fosse de l'inhumation constitue un ensemble clos et que les phénomènes taphonomiques ont pu ainsi agir de façon homogène sur le silex ou pourrait-il s'agir de l'action des effluents du cadavre ? L'assemblage lithique de la sépulture, quoique peu abondant, reflète bien celui recueilli dans les fosses détritiques de l'occupation (silex secondaire de provenance locale), et est comparable aux assemblages des sites du Villeneuve-Saint-Germain, avec un débitage majoritaire d'éclats et un outillage qui se compose principalement de grattoirs sur éclats et éclats laminaires. Le mobilier recueilli dans les fosses dépotoirs du site même est en revanche assez indigent par comparaison à celui de certains sites VSG tels qu' Échilleuses (Loiret) (Simonin 1988), Poses, « Sur-la-Mare » (Eure) (Bostyn et al. 2003) ou Jablines, « La Pente de Croupeton » (Bostyn et al. 1991) qui peut atteindre plusieurs centaines de kg. La raison en est principalement les phénomènes érosifs, importants en contexte de plateau, et les labours qui ont largement contribué à la destruction des couches sommitales des structures. L'effectif totalise en effet seulement 2406 pièces, y compris les déchets pour un poids total d'un peu plus de 16 kg, pour l'occupation du Néolithique ancien. Il s'agit principalement d'une production d'éclats. La production laminaire est également peu abondante et ne représente guère que 184 lames, soit à peine 5 % de l'assemblage. Quant au silex tertiaire, il est plutôt rare et n'est manifestement pas débité localement : il comprend au total seulement 32 pièces et représente un peu plus de 1 % de la totalité du corpus lithique. Ces pièces en silex tertiaire comprennent généralement des grandes lames, des armatures de flèches et de faucilles. Les outils représentent environ 10 % de la production totale et les grattoirs et les denticulés sont majoritaires. Concernant le dépôt funéraire de la sépulture 269, il s'agissait alors de déterminer si les pièces avaient été spécialement débitées et retouchées pour le défunt ou si les Néolithiques avaient éventuellement réemployé des artefacts à cet usage. C'est à ces questions que va tenter de répondre l'analyse tracéologique de ces artefacts. Une analyse tracéologique a été réalisée sur vingt-cinq artefacts en silex provenant du site. Cette série est composée principalement de grattoirs (19 pièces), mais aussi d'un racloir et de quelques éclats (cinq pièces). Onze des artefacts étudiés ont été découverts en contexte sépulcral. Parmi ces supports, quatre grattoirs ainsi que le racloir se trouvaient à proximité immédiate du squelette inhumé dans la sépulture 269, tandis que cinq autres éclats et un grattoir proviennent du comblement de cette même sépulture. Les quatorze autres artefacts, tous des grattoirs, ont été découverts dans huit fosses domestiques. Quelles que soient la culture et la période de la Préhistoire prises en considération, l'usage des grattoirs en silex est étroitement associé au travail de la peau, et aux processus qui conduisent à la transformation de ce matériau en cuir (Gosselin 2005). Toutefois, le corroyage des peaux n'est pas la seule activité réalisée à l'aide des grattoirs. Ainsi, un pourcentage important des grattoirs étudiés par H. Juel-Jensen sur le site mésolithique de Ringkloster, au Danemark, porte des traces d'usure relatives au travail du bois (Juel-Jensen 1982). En contexte néolithique, l'étude réalisée par J.-P. Caspar et L. Burnez-Lanotte (Burnez & Lanotte 1996, Caspard 1997) sur les grattoirs blicquiens du site de Vaux et Borset « Gibour », en Belgique révèle que certains grattoirs particulièrement massifs ont été utilisés au travail du bois et ont été qualifiés de « grattoirs-herminettes » par les auteurs. Ce même type de grattoir et d'usage, a également été observé par Sylvie Philibert sur le site « Le Moulin de Lettrée » de Neauphle-le-Vieux (Yvelines) (Philibert 1997). Enfin, à Vignely « La Noue Fenard », gisement néolithique de Seine-et-Marne, nous avons pu observer (Cottiaux et al. à paraître) qu'un quart des grattoirs a été utilisé au travail des matières dures animales (peut-être pour la décarnisation des os frais). Le premier objectif de cette étude consistait, donc, à s'interroger sur l'utilisation potentielle de l'outillage associé à la défunte de la sépulture 269 et, le cas échéant, de déterminer la nature des activités réalisées à l'aide de ces supports. C'est la première fois, à notre connaissance, que l'on analyse en tracéologie du mobilier lithique associé à une inhumation remontant au Néolithique ancien, ce qui confère à la démarche et à ses résultats un caractère original. Sur la base des observations faites lors de cette première étape, un second objectif fut d'établir une comparaison entre la fonction des grattoirs découverts en contexte sépulcral et celle des grattoirs découverts dans les fosses domestiques. L'observation de microtraces d'usure a permis d'établir quelques différences au cours de cette comparaison. L'étude des traces a donc été complétée par la prise en compte de critères morphométriques et morphologiques des supports analysés afin de vérifier et de mieux établir, si possible, la valeur fonctionnelle des outils. L'analyse des artefacts a été effectuée au microscope métallographique à fond clair, à des grossissements compris entre x50 et x400. Les pièces ont été observées selon les protocoles propres à la discipline (Keeley 1980; Plisson 1985), après avoir été nettoyées à l'alcool à 90°. Des photographies des traces d'utilisation ont pu être obtenues à l'aide d'une caméra numérique adaptée au microscope, et reliée à un ordinateur. L'aspect de surface des silex était encourageant, et leur bon état de conservation a été confirmé sous le microscope, malgré la présence d'un fin liseré de patine qui affecte tous les silex issus de la structure 269. Par prudence, deux pièces présentant des marques d'altération ont été exclues des résultats de l'étude. Sur les 23 autres supports, 31 zones usées (ZU) ont été observées. Parmi ces dernières, cinq ont été observées sur les tranchants de grattoirs associés à la défunte de la sépulture 269. Elles résultent, pour trois ZU, du travail de la peau (fig. 5 et 7, pièces n° 1 et 4) en action transversale (sens du travail perpendiculaire au tranchant actif). Des pigments rouges, interprétés comme étant de l'ocre, ont été observés sur la pièce n° 1, mais le poli observé sur le front de ce grattoir ne permet pas d'affirmer que l'ocre a été utilisée comme agent abrasif. Il peut également s'agir d'ocre lié à la sépulture. Un grattoir (fig. 5 et 7, pièce n° 9) présente un poli relatif au travail d'une matière végétale en action longitudinale (sens du travail parallèle au tranchant actif). Sur la même pièce, une trace générée par un contact avec une matière dure indéterminée pourrait être relative à un dispositif d'emmanchement. Trois des six autres artefacts découverts, cette fois, dans le remplissage de la sépulture 269 portent également des zones usées dont le poli correspond au travail de la peau. Une pièce semble, en outre, avoir travaillé une matière dure animale, probablement de l'os (fig. 5 et 7, pièce n° 8). Vingt-deux zones usées ont été observées sur les grattoirs des fosses domestiques. Près de la moitié d'entre elles (10 ZU) correspondent à des traces relatives au traitement des peaux avec, pour certaines, l'usage éventuel d'un abrasif tel que l'ocre. Les autres ZU, lorsqu'elles ont pu être déterminées, ne renvoient pas à une activité à proprement parler, mais à la façon dont les grattoirs ont été utilisés. Il s'agit de traces qui témoignent, de façon au moins probable, de l'usage d'un système d'emmanchement réalisé à l'aide de matières dures animales (os, bois de cervidé) et/ou d'un manchon en tissu carné (cuir). Comme on peut le constater, quel que soit le contexte de découverte, comblement de sépulture ou fosse domestique, les grattoirs présentent des traces d'usure qui se rapportent, pour la très grande majorité d'entre elles, au traitement des peaux. Les autres utilisations semblent marginales et concernent des supports qui peuvent être classés typologiquement comme des éclats ou des éclats laminaires. En ce qui concerne les stigmates associés au travail de matières dures animales, il convient de préciser qu'ils n'entretiennent aucune relation avec la présence de la carapace de tortue dans la sépulture. Si l'usage des grattoirs est homogène, une première distinction s'opère toutefois et qui concerne la durée d'utilisation de ces outils. En effet, les microtraces d'usure affectant les zones actives des grattoirs des fosses domestiques sont généralement bien marquées et traduisent une durée d'utilisation assez longue. À l'inverse, les polis de peau observés sur les grattoirs associés à la sépulture sont plus ténus et témoignent du fait que la durée de leur ultime utilisation (peut-être la première ?) semble avoir été assez brève. Une autre distinction importante repose sur l'absence de traces d'emmanchement certaines ou probables sur les pièces lithiques de la sépulture, alors qu'elles sont nombreuses sur les grattoirs des fosses domestiques. On peut émettre l'hypothèse selon laquelle, soit les outils de la structure 269 n'ont jamais été emmanchés, soit leur utilisation a été trop courte pour que cet emmanchement puisse laisser des traces observables. Puisque les microtraces d'utilisation favorisent une distinction entre les supports en fonction de leur contexte de découverte, nous avons cherché à vérifier si cette distinction pouvait être perçue à l'échelle macroscopique et sur la base de caractères morphométriques et morphologiques. Les résultats de cette démarche ont conforté ceux de l'approche tracéologique au-delà de nos espérances. En effet, on observe deux faits qui renforcent l'hypothèse d'une considération différente à l'égard des pièces lithiques selon qu'elles ont été déposées en milieu sépulcral ou abandonnées dans les structures domestiques. Ces faits sont associés, d'une part, à la forme des zones usées et, d'autre part, à la longueur des supports (fig. 7). La superposition des délinéations des parties actives associées au traitement des peaux révèle que la forme des zones usées des outils de la sépulture 269 est convexe, présentant un arc de cercle qui paraît très régulier. En revanche, la forme des parties actives des grattoirs mis au jour dans les structures domestiques est surbaissée ou sinueuse dans la très grande majorité des cas. La distinction établie entre les pièces lithiques selon leur contexte de découverte devient encore plus flagrante si on prend en compte la longueur des supports. On observe, en effet, que deux groupes de pièces se distinguent nettement de part et d'autre d'une frontière qui se situe entre 4 et 5 cm de longueur. Ainsi, dans la sépulture 269, la plupart des artefacts ont une longueur supérieure à 5 cm. Dans les fosses dépotoirs, au contraire, les pièces lithiques ont une longueur qui excède rarement les 4,5 cm et est bien souvent inférieure à 4 cm. Ce constat renforce l'hypothèse émise précédemment selon laquelle les artefacts découverts en contexte sépulcral ont été enfouis alors qu'ils n'avaient été que peu (ou pas pour certains ?) utilisés. Ainsi, et pour résumer, les caractères macroscopiques que sont la délinéation des parties actives et la longueur des artefacts répondent aux observations microscopiques (nature, degrés des usures) et confèrent aux artefacts lithiques découverts à proximité immédiate de la défunte une valeur toute particulière qu'il reste néanmoins à comprendre. La sépulture 269 peut-être rapprochée d'une autre inhumation repérée à proximité et qui appartient également au groupe sépulcral n° 2. Il s'agit de la structure 416 située à quelques mètres qui comprend un sujet adulte également âgé, de sexe masculin, inhumé dans une fosse oblongue, particulièrement large et profonde (dimensions : 2,50 m x 1,80 m x 1,50 m). Le squelette est également orienté est ouest et en position fléchie. L'ocre était surtout présent sur le crâne et d'après l'analyse anthropologique de C. Buquet (Inrap-UMR 5199-PACEA), le corps était selon toute vraisemblance, enseveli dans un coffrage qui a probablement été calé par un fragment de meule en grès. L'inhumé est associé à un mobilier exceptionnel comprenant un très jeune ovin-caprin déposé à ses pieds, une longue hache en schiste placée à l'arrière du crâne (longueur de la hache : 20 cm), et un pic bifacial en silex secondaire partiellement poli de grandes dimensions (30 cm de longueur) (Samzun et al. à paraître). Malgré un mobilier sépulcral plus riche et vraisemblablement très rare à cette période, on peut observer un parallèle à la sépulture 269, avec un dépôt animal (même s'il s'agit ici d'un animal domestique) et des artefacts lithiques (même s'ils sont plus élaborés). L'analyse tracéologique n'a pas encore été tentée sur la hache et le pic, mais ils paraissent l'un et l'autre pratiquement intacts et à l'état « neuf ». Les datations radiocarbones et la présence de céramique caractéristique permettent une attribution au VSG qui est renforcée par le fait que l'inhumation 269 se trouve à proximité de deux autres sépultures (dont une, la 416, est datée entre 4900-4700 cal BC) et que ce petit ensemble s'étend au sud de la grande fosse latérale sud (st 259) de l'UA 4. Le mobilier associé à la sépulture 269 nous paraît relativement atypique pour la fin du Néolithique ancien. En effet, les dépôts lithiques mais également d'animaux sont très rarement rencontrés dans les sépultures RRBP et post-rubanées auxquelles sont principalement associées des parures de coquillage, des céramiques, et des bracelets de pierre. Cependant à Fresnes-sur-Marne (Seine-et-Marne), Y. Lanchon signale la présence de trois lames de silex sur le bras gauche dans une sépulture attribuée au VSG (Bouchet et al. 1996). Les pièces lithiques font surtout leur apparition dans les tombes au cours de l'étape suivante, le Néolithique moyen I (Cerny). Ainsi, les sépultures allongées des nécropoles de type Passy dans l'Yonne et en Bassée (Müller et al. 1997, Mordant 1997), mais celles qui sont également proches du secteur géographique du site de Buthiers-Boulancourt, comme les sépultures sous dalle d'Orville et de Malesherbes, où presque tous les corps sont en posture fléchie (Simonin et al. 1997) renferment des armatures de flèches perçantes ou tranchantes, des lames, quelques haches, tranchets et pics de petites dimensions et des parures de dentales et de dents d'animaux. Elles peuvent également contenir des dépôts partiels d'animaux tels que mandibules ou cuissots de porcs. Il convient de rappeler que la majorité des inhumations VSG ont été mises au jour dans le fond des vallées alluviales et peu d'entre elles sont connues en contexte de plateau. Enfin, les tombes remontant à la fin du Néolithique ancien ne sont guère attestées dans le sud-ouest de la Seine-et-Marne, ni même en région Centre et nous manquons de corpus de référence fiable. Les sépultures de Buthiers-Boulancourt restent donc quelque peu isolées pour en tirer des généralités. Cependant, la présence de plusieurs tessons décorés dans le comblement de la sépulture 269 associés à du mobilier lithique et un dépôt d'animal, permet d'envisager que cette sépulture appartient à une étape du Néolithique au cours de laquelle on constate à la fois une continuité (abondance de l'ocre, présence vraisemblable de céramique liée à l'inhumation qui correspondent à des traits caractéristiques des phases ancienne et moyenne du VSG) mais où apparaissent également des changements dans les pratiques funéraires (apparition de dépôts animaux et de mobilier lithique) qui semblent d'avantage liés au Néolithique moyen I. Dans le cas de ces deux sépultures, la 269 et la 416, on constate une différence qualitative entre le mobilier contenu dans les fosses domestiques (pièces généralement peu élaborées et très utilisées) et celui associé aux sépultures (pièces de dimensions plus importantes, stigmates d'usures peu présentes et rares dans le cas de la 416). Dans le cas de la sépulture 269, les pièces principalement liées au grattage et au raclage des peaux représentent-elles un bien personnel, pourraient-elles éventuellement indiquer la fonction de l'inhumée au sein de son groupe ? Auquel cas, le dépôt sépulcral constituerait-il un viatique ? Il serait également pertinent de mettre en parallèle le mobilier lithique de la sépulture 269 avec d'autres ensembles remontant au Néolithique pour valider l'hypothèse d'artefacts peu ou pas utilisés associés aux sépultures. À l'instar de quelques exemples connus au Néolithique (Melis & Cappai, Signe et fonction des objets lithiques préhistoriques en Sardaigne, ce même volume), s'agirait-il de débitage et d'outillage réalisés dans le cadre de rituels funéraires et donc d'une production spécifique pour les morts ? Nous dédions ce travail à la mémoire de Fabrice Nicolle, récemment disparu . | Une sépulture de la fin du VSG (4900-4600 av. n. è.) mise au jour sur le site de Buthiers-Boulancourt (Seine-et-Marne, France) était accompagnée d'un dépôt funéraire comprenant une carapace de tortue et plusieurs pièces lithiques (4 grattoirs, un racloir et six pièces non retouchées). Il convient de rappeler que ce type de mobilier est assez rare dans les tombes de la fin du Néolithique ancien dans lesquelles céramiques, bracelets en schiste et parure en coquillage prédominent. Après une présentation du site, de la sépulture et de son mobilier sépulcral, une analyse typo-fonctionnelle et tracéologique du mobilier lithique ainsi qu'une comparaison avec l'assemblage lithique recueilli dans les structures d'habitat (fosses dépotoirs, structures liées à la combustion) du site sont proposées. L'assemblage lithique et en particulier l'outillage associé à la tombe est caractéristique de cette étape du Néolithique avec une majorité de grattoirs mais il diffère sensiblement de celui des fosses détritiques par les dimensions des pièces et le fait qu'elles ont été peu ou pas utilisées. | archeologie_10-0215363_tei_310.xml |
termith-114-archeologie | Les gisements préhistoriques sont de nature variée, se déclinant schématiquement en sites de plein-air et en cavités, livrant des séries lithiques et biologiques (faune, flore) plus ou moins denses et diversifiées, organisées ou non dans un espace domestique. Pour chacun de ses points – géotopographique; diversité, densité et distribution des séries; présence de structures s.l. -, il est possible de définir plusieurs paramètres dont la conjugaison globale permet d'inférer des hypothèses fonctionnelles sur les lieux d'activités humaines en relation avec les environnements bioclimatiques. Les systèmes socio-économiques de groupes chasseurs-collecteurs peuvent ensuite être déduits d'un ensemble de sites de fonction(s) reconnue(s) pour une région et une culture. Afin de reconstruire ces systèmes, il est alors nécessaire de reconnaître toutes les catégories de gisements, depuis les plus denses – généralement connus et fouillés depuis longtemps (souvent en cavités) – jusqu'aux sites parfois considérés comme mineurs mais riches d'informations complémentaires. Ces gisements qualifiés de « pauvres » peuvent en effet apporter des renseignements plus détaillés car ils correspondent souvent à des durées et des intensités d'occupations limitées permettant d'approcher la synchronicité des activités humaines; c'est le cas pour le gisement portugais d'Anecrial montrant deux occupations différentes du Paléolithique supérieur (Solutréen et Gravettien Terminal). Les recherches sur les comportements de subsistance complètent largement celles menées en particulier sur les productions lithiques. Ces deux registres restent les témoins majeurs des activités humaines. La complémentarité de telles études a d'ores et déjà apporté de très nombreuses informations sur les modes de vie des populations du Paléolithique supérieur en Europe de l'Ouest. Un des points particuliers de la fin de cette période, pour les régions du sud de l'Europe tout au moins, concerne le développement de l'exploitation des ressources alimentaires, passant par un élargissement des gibiers de petite taille (par exemple : Straus 1991; Grayson et Delpech 1998; Stiner et al. 1999; Stiner 2004; Hockett et Haws 2002; Cochard et Brugal 2004). S'ajoutant à l'acquisition traditionnelle des ongulés, les préhistoriques vont dorénavant tirer parti des domaines aquatiques (poissons, mollusques), aérien (oiseaux) et terrestres (lagomorphes, rongeurs, reptiles, etc.). Ces changements sont souvent mis en relation avec des innovations techniques allant de pair avec une complexité des organisations sociales (sédentarité, démographie, ethnicité, etc.). Il reste toutefois à mieux définir l'apparition et les rythmes dans la gestion de ces nouvelles ressources selon les provinces biogéographiques et culturelles à l'échelle de l'Europe méridionale ou circum-méditerranéenne. Dans ce contexte dynamique de recherches, la péninsule ibérique constitue une région intéressante, à la fois par ses peuplements animaux et humains (par exemple, Brugal et Yravedra Sainz de los Terreros 2005-2006), mais aussi dans ses adaptations culturelles en rapport avec des milieux bioclimatiques spécifiques. Il est en effet reconnu que les impacts des périodes glaciaires sont relativement atténués dans cette partie de l'Europe, bien que des gradients climatiques puissent se manifester et compartimenter les écosystèmes, d'autant plus que cette région présente des reliefs importants. Parmi les petits gibiers, le lapin de garenne (genre Oryctolagus) trouve en péninsule ibérique un refuge naturel au cours du Pléistocène (e.g., Calou 1995, Hockett et Bicho 2000) et son abondance a pu entraîner une exploitation différenciée de la part des chasseurs paléolithiques. Le gisement d'Anecrial en Estrémadure portugaise fournit un nouvel exemple d'acquisition de lagomorphes (Leporidae) durant la fin du Paléolithique supérieur, documentant la variabilité des adaptations humaines dans le cadre de gestion du territoire (mobilité, taille des groupes, etc.). Un premier jeu d'hypothèses fonctionnelles a été proposé pour la couche 2 par J. Zilhao (1997), sur la base des caractéristiques préliminaires et de la distribution spatiale des outillages, des matières premières lithiques et des restes fauniques. Un petit groupe d'individus aurait séjourné durant une très faible durée dans la cavité, avec divers postes de travail (taille) organisés autour d'un foyer; une exploitation locale de lapins est enregistrée durant ce séjour avec la possibilité d'apport extérieur de portions de bouquetins. L'apport des études taphonomiques et archéozoologiques permet alors de tester ces propositions et d'affiner les premières interprétations. Le site d'Anecrial désigne une grotte de relative petite dimension (en portugais : ‘ Lapa ' ou ‘ Buraca ') avec une salle unique (e.100 m 2, hauteur maximum de 6 m) et une entrée relativement étroite regardant vers le Nord (fig.1). Elle se positionne sur le bord d'un poljé (Alvados), dans l'Estrémadure portugaise (altitude 340 m), qui représente une voie de passage naturelle entre le bassin du Taje et l'Atlantique. La plus grande partie de la surface de la cavité est recouverte d'une croûte stalagmitique et seule la partie ouest de la salle, le long de la paroi, contient un remplissage sédimentaire : il a fait l'objet de fouilles (1992-1993 et 1995) sur une surface de 9,5 m 2 (Zilhao 1997; Zilhao et Almeida 1996; Almeida 2000; Almeida et al. sous-presse). La séquence stratigraphique, épaisse d'environ 1,5 m, montre cinq couches dont deux (couches 1 et 2) livrent des artefacts lithiques. La couche 1 (épaisseur d'environ 25 cm) est constituée par un éboulis sec d'éléments anguleux (5-10 cm) dans une matrice sableuse. Elle contient à son sommet une série archéologique très peu dense (deux pièces lithiques dont une préforme de pointe à cran; quatre coquilles marines de Littorina obtusata et 214 restes de faune) autour d'un foyer avec quelques charbons qui fournissent une date AMS de 20 520 ± 100 ans BP (GrA-12019). Cette occupation est rapportée au Solutréen, contemporaine du dernier maximum glaciaire. On peut ajouter que le foyer, à plat, a un diamètre moyen de 70 cm, contenant des charbons de pins (détermination I.Figueiral) et de nombreux restes de lapins. La couche 2 (épaisseur d'environ 10 cm) est composée d'un sable calcaire fin correspondant à un ralentissement dans la sédimentation. Un matériel plus abondant se répartit autour d'un foyer en cuvette (diamètre de 80 cm) et l'ensemble présente une grande intégrité spatiale avec en particulier une distribution du lithique en groupes bien séparés de matières premières et de taille (présence de nucléus, éclats, racloirs, lamelles). Prés de 572 pièces lithiques (silex, quartz, quartzite) ont permis d'opérer de nombreux remontages (environ 51 % et 92 % en poids) (Almeida et al. sous-presse) qui démontrent une faible action post-dépositionnelle. Les études technologiques précisent les séquences de réduction et indiquent des activités de taille in situ notamment pour l'obtention d'armatures de petites dimensions (Zilhao 1997; Almeida 2000). L'assemblage faunique comprend de nombreux restes de lapins et quelques fragments de bouquetins distribués autour et dans le foyer. L'analyse anthracologique (I.Figueiral, inédit) montre la dominance de Légumineuses associées à du pin (Pinus sylvestris) et de la bruyère (Erica sp.). Les datations radiocarbones sur charbons fournissent un âge autour de 21 600 ans BP [21560 ± 680 ICEN-964 et AMS 21560 ± 220 OxA-5526] alors qu'une date sur un os de bouquetin donne un âge AMS de 23410 ± 170 BP (OxA-11235). L'étude taphonomique permet en effet de rendre compte d'une altération différente entre les deux espèces de mammifères, ce qui supposait un mélange confirmé par ces datations. D'autre part, un petit stock de matériel lithique, correspondant à deux catégories de matières premières siliceuses, avait également un aspect plus roulé. Il est ainsi possible de reconnaître deux occupations préhistoriques dans ce niveau : le premier, le plus vieux et le plus dégradé, rapporté au Gravettien et un deuxième, bien conservé, attribué au Proto-Solutréen/Gravettien terminal. L'analyse spatiale (verticale) confirme aussi cette interprétation avec les restes de bouquetin se plaçant à la base de la couche 2, alors que la grande majorité des autres éléments sont en position supérieure (Almeida et al. sous-presse). Une couche sus-jacente (c.0) paraît relativement hétérogène, composée de colluvions perturbées. Les couches sous-jacentes aux c.1 et 2 sont archéologiquement stériles et le niveau 3n, avec un fragment de charbon, a pu être daté par AMS de 24410±110 BP (GrA-12016). Ce sont des dépôts d'éboulis calcaire grossier (c.3 et 4), recouvrant un remplissage d'argile rouge stérile (c.5). La grotte d'Anecrial documente des occupations humaines de courte durée de la fin du Gravettien et du début du Solutréen. Les données sur la nature sédimentaire et les résultats anthracologiques (Figueiral 1995; Figueiral et Terral 2002; Queiroz et al. 2002; Zilhao 1991; Zilhao et Almeida 2002), précisent le cadre paléoenvironnemental de ces séjours inscrit dans le dernier pléniglaciaire würmien dans ces régions calcaires de moyenne altitude d'Estrémadure. Ces régions étaient alors couvertes d'une végétation rare de type subalpin, avec des bouquets de pins dominants. Un bon analogue se trouve dans les forêts de pins du versant sud des Pyrénées, à une altitude de 1 100-1 800 m, avec une moyenne annuelle de température de 7-10° et des précipitations annuelles entre 800 et 1 500 mm. Ces conditions en Estrémadure indiquent des conditions bioclimatiques fortement affectées par l'avancée du dernier front glaciaire (OIS 2). Le matériel faunique représente près de 1 800 restes provenant de cinq couches différenciées à la fouille. Les couches supérieures (c.0) et de base (c.3 et 4) ne livrent que de très rares éléments. La surface excavée est relativement réduite (moins de 10 m 2) mais correspond à la totalité de la surface occupée par les groupes humains. La majeure partie des vestiges fauniques (tabl.1) est issue de la couche 2 (n = 1516), puis de la couche 1 (n = 214). Ils sont essentiellement constitués de lagomorphes, soit en moyenne 89 % de l'ensemble. Si on exclut les rares éléments intrusifs tels que gastéropodes et petits vertébrés, ce chiffre monte à 94,7 %, le reste correspondant à des Caprinés (5,3 %). L'archéofaune d'Anecrial peut ainsi être considérée comme quasiment monospécifique, provenant de deux niveaux principaux, et relativement peu abondants en fonction de la densité des restes et des individus. Pour ces niveaux, les occupations humaines et l'ensemble du matériel lithique et osseux, sont organisés autour de zones de combustion (foyers) centrées dans les carrés M-L 20 pour le niveau 1 et J-K 21 pour le niveau 2; ces installations se situent près d'une des parois de la cavité (bande J). L'ensemble des sédiments a été systématiquement tamisé à une maille de 3 mm et les sédiments du foyer de la couche 2 ont été tamisés à une maille de 1 mm permettant la récupération des plus petits vestiges (Almeida, comm.pers.). Les ossements de lagomorphes se fracturent facilement et génèrent de nombreuses petites esquilles et débris (fig. 2); ceux -ci sont aisément, vu leur gracilité, rapportables à ce petit mammifère. Il existe ainsi une grande différence entre le nombre de restes total (NRT) et le nombre d'éléments anatomiques identifiés (NRD = NISP). Pour la couche 1, le NRD s'élève à 49,5 % sur un nombre total de lagomorphes de 184 restes; pour la couche 2, il est d'environ 39 % sur un nombre total de 1 417 restes. Ces chiffres indiquent non seulement une fracturation anthropique importante mais suppose également une fragmentation post-dépositionnelle en relation avec une compaction et un piétinement ainsi qu'un réajustement synsédimentaire du dépôt formé de cailloutis de petits modules (5-10 cm dans la c.1) ou de sable calcaire relativement lavé (c.2). Parmi les plus petits éléments, on note la présence discrète de poissons (trois vertèbres dans la c.2), d'amphibiens (un reste dans la c.2) et d'oiseaux (un et six restes dans les c.1 et 2). La présence de coquilles de gastéropodes terrestres de petite taille est à relever avec une forte proportion dans le niveau le plus superficiel (c.0) : 60 sujets composés d'au moins deux espèces (dont une de morphologie aplatie); ils sont présents sur toute la séquence mais leur nombre diminue vers le bas. Ces divers taxons représentent des constituants du sédiment et leur origine peut être soit naturelle, soit liée à des déjections de prédateurs (rapaces ou petit carnivore). Les restes d'un mammifère de moyenne taille sont peu nombreux : 15 dans la c.1 et 75 dans la c.2 (tabl.2). Les éléments diagnostics sont rares avec un fragment d'extrémité distale d'humérus, un fragment de cavité cotyloïde et une esquille de diaphyse (face postérieure) de métatarse permettant de rapporter ce matériel à un capriné, de la taille de Capra (cf. C. pyrenaica). Aucune dent n'est présente. En regard de la taille générale des autres restes et de leurs conditions physiques (altération, couleur), nous avons rapporté l'ensemble de ce matériel au même genre. Les esquilles sont les plus abondantes et ont une taille moyenne de 37 mm (de 21 à 86 mm). Dans l'ensemble, les bords de cassures indiquent des fragmentations sur os déjà secs (cassures obliques et denticulés, bords mousses, face rugueuse). La couche 1 est particulièrement pauvre et on note quelques pièces portant des traces de feu (n = 4). La couche 2 montre de nombreux fragments de côtes, et deux fragments d'épiphyses indiquent un sujet relativement jeune (jeune adulte ?); il n'y a aucune trace de combustion sur les ossements de la c.2 et une esquille porte de légères traces de dents d'un carnivore de petite taille. Ce matériel montre un état de conservation similaire entre les deux couches : les ossements sont dégradés, souvent de couleur blanche, avec un degré d'altération relativement marqué (stade 3 selon Behrensmeyer 1978); quelques pièces développent un concrétionnement sous la forme d'un voile de calcite (épaisseur maximale de 3 mm). De même, les cupules de dissolution sont nombreuses et recoupent parfois des traces laissées par des supports lithiques (fig. 3 a-c). Les stries de boucherie, généralement courtes, existent à la fois sur des esquilles (n = 3), sur des fragments de côtes (n = 3) et sur les trois éléments déterminables : une strie sur l'épicondyle de l'humérus, sur la diaphyse du métatarse et autour de la cavité cotyloïde. Ces actions marquent nettement l'exploitation et la consommation par l'homme d'un bouquetin. Les rares éléments déterminables ne désignent que des fragments de la carcasse avec des régions anatomiques différentes (axial, antérieur, postérieur). L'introduction d'une carcasse entière ou en morceaux est alors difficile à préciser. Ces observations taphonomiques indiquent que ces restes sont restés exposés longtemps sur le sol, subissant non seulement des actions climato-édaphiques mais également des actions mécaniques démontrées par des cassures sur os secs, dues aux piétinements et/ou déplacement des vestiges. De telles actions sur les ossements de lagomorphes entraîneraient certainement des dégâts plus importants sur ces os plus fragiles, dégâts qui ne se reflètent pas dans les décomptes de cette espèce. La plus forte densité des fragments osseux de caprinés de la couche 2 (carrés K-L/21-22) est décalée de celle des lagomorphes (J-K/20-21) et des artefacts lithiques. On insistera de nouveau sur la différence d'état de conservation entre les deux espèces avec les restes de caprinés beaucoup plus altérés. La taille et la condition des esquilles de ce taxon, l'absence de petits débris d'épiphyses, ne permettent pas non plus de soutenir l'hypothèse d'une utilisation pour la formation de bouillon graisseux (Zilhao 1997), comme cela a été avancé par exemple au Flageolet I (Bézenac, Dordogne), niveau du Périgordien supérieur (Delpech et Rigaud 1974). Sur la base de ces critères, il est possible de soutenir que les restes de bouquetin (un seul individu) sont issus d'une occupation humaine plus ancienne, antérieure à celle livrant des lagomorphes associés aux foyers et à la majorité des vestiges lithiques. Quelques fragments osseux de ce rupicole auraient ensuite été remobilisés dans ce dépôt légèrement en pente pour se mélanger aux deux installations postérieures (c. 2 et 1). L'occupation de la couche 1 est très ponctuelle avec un faible investissement (peu de lithique, peu de faune); elle pourrait désigner un exemple de séjour particulièrement bref, comme celui qui a pu se faire lors de cette phase plus ancienne de présence humaine dans la cavité. Une autre explication suggérait l'introduction de morceaux de bouquetin (Zilhao 1997), viande avec fragments osseux transportés lors de déplacements du groupe et représentant des vivres de voyage. L'état plus altéré des restes osseux, l'absence d'éléments crâniens et de dents, pourraient alors correspondre à un aliment (sensu carcasse) ayant subi une préparation culinaire (sélection des morceaux, découpe) en vue de stockage puis d'une consommation différée. Ce comportement se serait alors manifesté aussi bien chez les solutréens (c.1) que chez les gravettiens (c.2). Au vu de nos analyses, et des résultats radiométriques obtenus sur un os de capriné, cette hypothèse peut également être écartée. Les restes de lagomorphes ont été retrouvés principalement dans et autour de zones de combustion importante, localisées différemment dans les deux principaux niveaux. Le foyer de la couche 2 est plus proche de la paroi que celui de la couche 1. L'ensemble des pièces est attribué au lapin de garenne, Oryctolagus cuniculus, avec près de 1 600 restes dont environ 40 % réellement déterminables anatomiquement et taxonomiquement. Au total, ils représentent au moins 327 éléments (NME), soit une estimation de 19 individus (quatre pour la couche 1; 15 pour la couche 2). Il s'agit ici d'ensembles que l'on peut qualifier de ‘ pauvres ' par comparaison avec certains sites préhistoriques livrant des dizaines de milliers d'éléments de léporidés concernant des centaines d'animaux. Les ensembles d'Anecrial reposent sur un faible nombre de restes et d'individus, en particulier pour la couche 1. Le nombre minimal d'individus (NMI) est identique entre les estimations faites par fréquence ou par combinaison; de même, les fréquences relatives utilisant le NMI ou le MAU sont également similaires et interchangeables (fig.4). Le tableau 3 détaille les compositions anatomiques et les observations taphonomiques; les débris sont particulièrement nombreux (esquilles et microesquilles : ces dernières inférieures à 1 cm) et proviennent principalement d'os longs des membres (humérus, radius, fémur, tibia). Globalement, toutes les parties du squelette sont présentes mais les pourcentages entre éléments montrent des disparités intéressantes. De plus, il y a un certain équilibre entre ossements droits et gauches, bien que de nombreux fragments n'aient pu être latéralisés. Ceci suppose l'apport entier de carcasses dans la cavité. Le matériel est en bon état de conservation et les surfaces osseuses sont très peu altérées (au moins macroscopiquement). Environ 6 % (c.1) à 1 % (c.2) des restes présentent des traces de corrosion avec des cupules de dissolution dues à des actions chimiques, certaines en relation avec le développement de radicelles ou de mousses (lichens) (fig. 5 a-b) : cette altération affecte d'ailleurs les plus grosses pièces et développe des zones sombres, pouvant être confondues avec l'action de flammes. L'altération est bien visible sur les mandibules avec des perforations dans les zones d'os peu épais comme le diastème ou à la base de la troisième prémolaire, face linguale. Par ailleurs, un léger concrétionnement est observable sur environ 6 % (c.1) à moins d ' 1 % (c.2) des restes, nettement plus faible que celui constaté sur les pièces de Caprinés. Un autre exemple, plus anecdotique, affecte la surface d'un fémur gauche (K21-c.2-85) avec la présence de cinq sillons bien limités et flanqués de fins reliefs (fig. 5 c-e). Ils sont interprétés comme des traces laissées par la radula de gastéropodes. Ceux -ci sont connus pour attaquer les ossements de petite taille (Morel 1986), bien que les traces observées ici soient différentes de celles rapportées par cet auteur. Un métapode entier de la c.2 montre des micro-perforations pouvant correspondre à l'action de vers, impliquant la présence de tissus mous. Ces détails permettent de supposer une exposition avant enfouissement, laissant ces organismes agir, mais de courte durée en raison de la bonne conservation générale. L'observation à la binoculaire (sur les os longs les plus fréquents) laisse apparaître des striations pouvant être dues à des piétinements, compaction ou déplacement mineur des objets. Les restes de jeunes sont relativement faibles avec un jeune et un jeune adulte pour la couche 1 (seulement cinq restes sur 184), et au moins deux juvéniles pour la couche 2 (soit 14 restes sur 1 417; environ 1 % en NRD et environ 13 % en NMI). Les lapins ont un fort taux de reproduction avec généralement deux pics de mise bas, un au printemps et l'autre en automne (cf. Hockett et Bicho 2000 : 721). Cette saisonnalité est toutefois variable et les conditions générales des milieux (climat, alimentation, prédation) constituent autant de facteurs qui modifient ces rythmes biologiques. La mortalité des juvéniles est en général importante pendant les trois premiers mois, et c'est vers 9 mois que l'animal devient adulte. A Anecrial, les adultes sont donc largement majoritaires (au moins pour la c.2) suggérant que les fréquentations du site se placent en dehors de pics reproductifs (soit été ou hiver); il reste néanmoins difficile d'affirmer des saisons sur la base d'assemblages de léporidés. Le faible nombre d'individus, associé aux autres données contextuelles, implique des occupations de courte durée, très vraisemblablement intra-saisonnière, qu'il est possible, dans un premier temps, de mettre en relation avec des périodes de mobilité plus grande de la part de groupes humains de taille réduite. De tels groupes sont susceptibles de se former durant certaines saisons, en particulier lors des ‘ bonnes ' saisons (printemps-été), lorsqu'on assiste à une plus grande dispersion des ressources animales. Les traces de combustion sont relativement peu nombreuses, plus fréquentes sur les fragments. Pour la c.2, près de 17 % (dont 13 % sur des pièces déterminables) montrent une carbonisation (couleur noire) avec quelques pièces de couleur brun-foncée qui auraient subies une crémation atténuée, avec des surfaces desquamées; il n'y a pas de pièces calcinées (gris-blanc). La combustion touche toutes les pièces anatomiques, depuis des éléments crâniens (et des dents isolées), des vertèbres et des os longs ou courts. La crémation reste donc limitée avec une localisation majoritaire des vestiges sur les bords du foyer, indiquant cependant un rejet systématique vers celui -ci (destruction totale de certaines éléments). D'autres actions anthropiques sont plus discrètes, seulement visible en c.2 : une strie de découpe sur un métapode entier désignant une activité de dépouillage, et quatre fragments de pelvis (avec l'acétabulum) montrant des sillons relativement superficiels, larges, attribués hypothétiquement à des marques de dents humaines (voir à ce sujet Perez Ripoll 2004). Globalement il n'y a pas de perforations attribuables à des petits carnivores ou à des coups de becs de rapaces, souvent localisées sur les extrémités d'os longs (ex. in Cochard 2004). Il faut cependant noter que les extrémités sont faiblement présentes dans ces ensembles (cf. infra). Une exception concerne un pelvis (L21-c.2-6) présentant une perforation (puncture) près de la cavité cotyloïde (diamètre de 1 mm) attribuée à un carnassier de petite taille. Comme il a été noté, tous les éléments du squelette sont présents mais le squelette axial (vertèbres, cotes) et les parties distales des membres (tarsiens, carpiens, métapode et phalanges) sont nettement sous-représentés, ne pouvant s'expliquer ni par une conservation différentielle ni par une collecte sélective à la fouille. Le squelette céphalique (mandibules, fragments crâniens, dents isolées) et le squelette appendiculaire (os longs des membres) sont majoritaires. Les profils de représentation (tabl.4 et fig. 6) sont assez comparables entre les deux couches, avec cependant une meilleure fréquence des parties crâniennes (mandibules et maxillaires) dans la couche 2; et, dans une moindre mesure, une représentation plus grande des éléments antérieurs (humérus, radius) dans la couche 1. Ceci pourrait être mis en relation avec la plus faible occupation de la couche 1 ou bien par une différence de technique de consommation (« écrasement » des crânes pour récupérer le cerveau ?). Les os longs du membre postérieur sont aussi abondants en nombre de restes que ceux du membre antérieur, mais ces derniers montrent de plus faible fréquence relative, en rapport avec leur plus grande fragilité. Ce sont les tibias, suivis par les fémurs, qui fournissent le plus d'éléments et donc le NMI (plus la mandibule bien représentée aussi dans la couche 2). Les décomptes sont détaillés dans les tableaux 5 (détail anatomique) et 6 (couche 2 : rapport extrémités/diaphyse et longueur des cylindres). A l'exception des métapodes, il n'existe pas d'os longs entiers et ce sont les portions diaphysaires, ou cylindres, qui dominent (73,3 % en moyenne). Si l'humérus, le fémur et le tibia possèdent des cavités médullaires importantes et donc plus riches en moelle, ce n'est pas le cas pour le radius et l'ulna. Le manque d'extrémités ne peut s'expliquer par des questions de conservation et supposerait alors soit un rejet hors de la zone considérée ou bien une consommation particulière, notamment pour celles plus riches en os spongieux (humérus proximal, fémur proximal et distal, tibia proximal). Pour le membre antérieur, le pourcentage d'extrémités est comparable entre les différents éléments. Le fémur montre la plus faible fréquence en extrémités et le tibia la plus forte avec effectivement très peu d'extrémité proximale. Il faut reconnaître que nos effectifs sont réduits, limitant ainsi l'analyse. Ce manque d'épiphyses est notable; elles auraient pu être détruites soit par les hommes, soit aussi par un charognard (type renard) passant peu après les installations humaines. Cette dernière activité n'aurait également pas épargné les vertèbres (voir ci-dessous). Les cylindres les plus longs concernent l'humérus, le fémur et le tibia (fig. 7 a-b) alors que les plus courts sont le radius et surtout l'ulna : ce dernier os est fin et fragile et sa réduction lors de la fracturation est logiquement plus forte bien que leur intérêt alimentaire soit faible voire nul. La présence de cylindres longs dénote de nouveau une faible perturbation post-dépôt et l'ensemble peut alors être considéré comme étant en position primaire. Enfin, on notera la bonne représentation des pré-maxillaires, l'absence fréquente des branches montantes des mandibules et la présence de nombreuses dents isolées. Ce dernier point peut de nouveau être relié à un certain temps d'exposition avant enfouissement définitif. La localisation des restes de lagomorphes est homogène et on ne constate pas de variation suivant les éléments anatomiques (cf. indications in tabl. 3). La couche 1 montre une plus grande densité dans le carré M21, alors que la couche 2 montre des densités en K20-21, démontrant un décalage entre les occupations, situées plus contre la paroi pour la couche 2. On rappellera que le foyer est à cheval entre les carrés K et J 21 dans cette couche, alors qu'il est plus écarté pour la couche 1, en L20-21 et M21. Ces observations permettent aussi de démontrer la synchronicité, et donc la brièveté, des occupations pour chaque couche. La présence de lagomorphes découverts en contexte archéologique pose toujours la question de leur origine car de nombreux processus peuvent induire de telles accumulations dans les sédiments en général meubles. Le plus souvent évoqué pour le lapin, notamment dans les sites les plus anciens, désigne des mortalités naturelles dans des lieux de vie et de reproduction (terriers : garenne). Un autre processus naturel concerne le résultat d'un piégeage dans une cavité (de type aven par exemple). Les facteurs de prédation sont également responsables d'accumulations relativement importantes; parmi les carnivores, le lynx pardelle et le renard sont connus pour exercer une pression de chasse importante sur les léporidés, et leurs fèces contiennent des restes que l'on retrouve dans les tanières ou repaires, outre le transport de parties de carcasses. Le lynx en particulier, possède une alimentation majoritairement orientée vers l'acquisition de lapins : prés de 88,4 % d'après l'examen d'excréments du lynx pardelle (Delibes 1987 : 37). D'autres carnivores, depuis la belette jusqu'au loup, consomment régulièrement des lagomorphes. Renard et lynx sont justement des espèces très bien représentées dans les faunes actuelles et fossiles (dernier glaciaire) de la péninsule ibérique. Les grands rapaces diurnes (aigles, vautours, buses) ou nocturnes (chouettes, hiboux) peuvent également être à l'origine de stocks osseux accumulés près de leurs aires à partir de pelotes de régurgitation (par exemple, Chaline 1974; Andrews 1990). Afin de comprendre les mécanismes de formation des assemblages de petits mammifères, en particulier des lagomorphes, de nombreux travaux ont récemment été effectués à partir de données actuelles avec des applications aux ensembles fossiles. Les sites naturels sont encore peu prospectés (Cochard 2000, 2004) alors que les données sur les aires et les pelotes des rapaces (Cruz-Uribe et Klein 1998; Hockett 1989, 1991, 1995, 1996) ou provenant de petits carnivores (Andrews et Nesbit-Evans 1983; Cochard 1999; Schmitt et Juel 1994; Stiner 1994; Hockett 1999; Sanchis Serra 2000) font l'objet d'une abondante littérature. De même, il existe de nombreux exemples à partir de gisements archéologiques (Vigne et Marinval-Vigne 1983; Perez Ripoll 1993, 2004; Shaffer 1992; Charles et Jacobi 1994; Quirth-Booth et Cruz-Uribe 1997; Fontana 1998, 1999, 2004; Hockett 1994; Cochard 2004), dont certains issus de sites portugais (Rowley-Conwy 1992; Valente 2000; Bicho et al. 2000; Hockett et Bicho 2000; Hockett et Haws 2002), et d'exemples ethnographiques (parexemple, Yellen 1991; Lupo et Schmitt 2002). Sans prétendre citer l'ensemble des études taphonomiques sur ce thème, une synthèse a été proposée par Hockett et Haws (2002 : tabl.II). Elle permet de définir des critères pertinents pour reconnaître l'origine des accumulations de léporidés, portant notamment sur la représentation des parties du squelette et les types de fractures, la structure d' âge des populations et la présence de marques (corrosion, perforations, stries de découpe, brûlures), auxquels on pourrait ajouter la distribution spatiale des vestiges et l'existence de connexions articulaires. L'analyse des deux ensembles de lapins découverts à Anecrial rend compte de l'origine anthropique de ces accumulations. La forte présence de cylindres, dont l'importance est bien mise en évidence par les travaux de M. Perez Ripoll et B. Hockett, le pourcentage d'ossements brûlés et la majorité de sujets adultes confirment cette interprétation. On peut alors avancer pour Anecrial, d'une stratégie de capture de la part des préhistoriques dans les environnements immédiats du gisement. Le lapin est une espèce relativement grégaire, organisée en groupes familiaux territoriaux couvrant environ 10 à 20 hectares. Ils creusent des terriers complexes (multiples issues) dans les sédiments meubles et leur activité alimentaire se situe à l'aube et au crépuscule. L'ouïe est très développée alors que l'odorat l'est moins et que la vue est médiocre. Cette organisation sédentaire et communautaire s'oppose à celle rencontrée chez le lièvre par exemple, et il est parfois relevé que les deux espèces co-existent mal. Sans l'aide de chien (ou de fouine) pour débusquer et faire courir l'animal, ou d'armes à longue distance, la prise la plus classique de lapins est le piégeage aux abords des terriers ou sur les passées. Il est fort vraisemblable que cette technique était connue de la part des préhistoriques qui ont accumulé parfois de grandes quantités de restes de léporidés, comme dans le gisement magdalénien portugais de Picareiro (Hockett et Bicho 2000 : plus de 10 000 restes), proche du site d'Anecrial. De tels exemples impliquent non seulement des biomasses appréciables (abondance et régularité de la ressource) mais aussi de plus longues durées d'occupations humaines. Une recension de la littérature (cf. supra) sur l'abondance des restes de lagomorphes dans les sites fossiles à actuels (genres Lepus, Oryctolagus, Sylvilagus) laisse apparaître au moins deux larges catégories quantitatives (fondées sur le NISP) (Cochard 2004). Le premier concerne des sites possédant un nombre limité de restes (de l'ordre de 1500-2000); il s'agit principalement de sites naturels ou formés par des prédateurs non-humains, mais aussi issus d'activités anthropiques. Le gisement d'Anecrial rentre justement dans ce groupe. Les sites contenant plus de 2000 restes correspondent tous à des sites archéologiques : sub-actuels nord-américains (ex. Hogup cave et 26 NY3393 : Hockett 1995 et 1994; Wupatki et Winona : Quirth-Booth et Cruz-Uribe 1997) et du Paléolithique supérieur sud-européen (ex. Picareiro : Hockett et Bicho 2000; Gazel : Fontana 1998; Pegourié : Séronie-Vivien 1994). Ces derniers désignent des gisements de la fin du Paléolithique supérieur (Magdalénien final) et de l'Epipaléolithique-Mésolithique (Azilien, Sauveterroïde). Auparavant, les restes de ce petit gibier ne sont jamais abondants dans les archéofaunes. Dans le sud de la France par exemple, on constate une différence importante entre gisements du Magdalénien livrant d'important stocks de léporidé et les sites des cultures antérieures où ce petit gibier est faible, voire absents (Cochard et Brugal 2004 : fig.1), impliquant des changements majeurs dans les structures techno-économiques et sociales des groupes humains. En outre, il semble que la fin du dernier glaciaire, contemporain de l'expansion des zones forestières, voit diminuer l'exploitation des lagomorphes (Aura et al. 1998; Bridault et Chaix 1995) bien que la diversité des ressources, notamment de petite taille (mollusques, poissons, oiseaux, etc.) se poursuive (Bridault 1997). Il est cependant fort probable que des particularités régionales apportent quelques nuances à ces schémas généraux; ainsi, dans la péninsule ibérique, l'exploitation de lapins est plus précoce (Paléolithique supérieur ancien) mais ne semble pas également se poursuivre au début de l'Holocène. Les gisements abondants en léporidés livrent soit le genre Lepus soit, comme souvent dans la péninsule ibérique, le genre Oryctolagus. L'écologie et l'éthologie de ces deux formes sont suffisamment différentes pour déterminer des stratégies d'acquisitions différenciées. Il est généralement admis qu'une grande quantité de lagomorphes dans un site implique l'utilisation de piège dans des zones privilégiées (ex. garenne pour le lapin). Par ailleurs, la plupart des gisements livre également d'autres espèces d'herbivores de moyenne taille (ex. bouquetin, renne, cerf), nécessitant alors une pondération de la masse protidique de la part de ces petits gibiers. Ils constituent néanmoins une ressource complémentaire d'importance dans l'alimentation journalier des préhistoriques (Hockett et Bicho 2000 : 721; Hockett sous-presse; Haws et Hockett 2004; Aura et al. 2002). Dans ce contexte, le site d'Anecrial se révèle de nouveau particulier, non seulement par la faible fréquence des restes mais aussi par l'absence d'autres mammifères associés. L'aspect écofonctionnel des gisements archéologiques représente alors un critère déterminant pour interpréter le rôle et l'apport réel de petit gibier dans une économie de subsistance (Brugal 2000; Cochard et Brugal 2004; Hockett et Haws 2003). Il est pertinent de relever la variabilité des échantillons provenant de gisements anthropiques, non seulement en termes d'abondance stricte mais aussi sur les fréquences des parties squelettiques. Une analyse de ces distributions selon cinq grandes classes anatomiques (en % NME) est proposé pour quelques sites du Paléolithique Supérieur (fig. 8). Globalement, on constate une bonne représentation des os longs des membres avec cependant une plus forte fréquence des éléments postérieurs; les restes crâniens sont peu nombreux. Les variations les plus importantes concernent le squelette axial et les parties distales des membres (métapodes, phalanges). Ces derniers, de valeur nutritive nulle, sont plus nombreux dans les gisements livrant une grande quantité de restes, qui dénotent des durées d'occupation vraisemblablement plus longues et donc des spectres d'activités sur les carcasses plus larges. Leur moindre fréquence dans des sites moins denses serait en relation avec des traitements différenciés portant sur la fourrure de ces petits animaux. La peau, englobant les bas de pattes, constitue un sous-produit recherché, non abandonné sur les lieux de consommation mais mis de coté et emporté lors du départ des groupes humains. La durée des séjours peut alors déterminer l'usage in situ ou non de cette ressource qui peut être considérée comme un objectif supplémentaire de l'acquisition de ce petit gibier, voire posséder un statut particulier (Fontana 2004). L'absence du squelette axial semble le cas de figure le plus courant dans les accumulations anthropiques (Hockett et Haws 2002 : tabl.II) et il paraît difficile d'envisager un transport sélectif des carcasses depuis les lieux d'obtention vers le site. Sa fréquence est toutefois relativement forte à Anecrial (c.2) ainsi que dans le gisement magdalénien de Gazel (fig. 8). Ces distributions désignent vraisemblablement une utilisation différentielle des carcasses selon les gisements : soit rejet hors de la zone d'activités, voire un transport hors du site dans le cas d'une consommation différée; soit, consommation intensive avec écrasement systématique des vertèbres afin de former un broyât encore riche d'un point de vue alimentaire. Ce déficit pourrait également être la conséquence d'un charognage secondaire de la part de petits carnivores, spécialement sur les vertèbres qui présentent encore des éléments nutritifs attractifs pour des carnivores. L'hypothèse d'une préparation culinaire particulière nous apparaît cependant comme la plus probable, et mériterait d' être confrontée à d'autres observations d'ordre ethnographique par exemple. Quoi qu'il en soit, cette analyse des représentations squelettiques est liminaire et nécessiterait des groupements plus détaillés entre éléments anatomiques, agrémentée de considérations taphonomiques précises (sur les questions de conservation différentielle jusqu'aux méthodes de fouilles et de tamisage). Elle a pour but de souligner la variabilité dans la structure des assemblages de léporidés produits par l'activité cynégétique humaine. Cette acquisition apparaît directement corrélée à la fonction des gisements; fonctionnalité appréhendée en terme de taille et composition des groupes humains, du degré de mobilité et de l'intensité des occupations. Ces facteurs déterminent alors l'importance de la prédation sur l'ensemble des ressources localement disponibles. Les ensembles d'Anecrial restent relativement originaux et dénotent sans conteste de la brièveté des séjours paléolithiques dans cette cavité. L'examen archéozoologique permet de compléter ou pondérer les jeux d'hypothèses formulées par J. Zilhao (1997 : vol.2, p.127-144) sur la nature du site au moment de l'occupation de la couche 2. L'interprétation retenue par cet auteur définit un seul épisode, durant une nuit, par un groupe de trois individus réalisant des activités de taille autour d'un foyer. La durée et le nombre d'occupations, le nombre d'individus ou de groupes différents, l'emplacement de taille forment le support d'alternatives fonctionnelles. Le gisement est considéré comme un campement transitoire, lieu faisant partie de l'itinéraire d'un groupe de chasseurs voyageant dans un but logistique de chasse ou de reconnaissance, et transportant avec eux une réserve de matière lithique sous forme de blocs de quartz, quartzite et silex; ces matières premières n'existant pas dans l'environnement proche. On ne peut que confirmer la plupart de ces observations et nous pensons également que l'occupation désigne un seul et unique moment. Toutefois, l'interprétation des restes de bouquetin comme morceaux (snack) apportés dans un bagage et utilisés dans la confection d'un « bouillon », ne peut être retenue. En effet, ces restes correspondent à des résidus dégradés de séjours antérieurs de groupes humains différents, comme l'a suggéré l'analyse taphonomique, confirmée par la datation obtenue ensuite sur ces ossements. Les lagomorphes, et leur faible nombre, supposent un séjour court, de type bivouac, par un groupe restreint de personnes. De plus, la position du foyer (c.2) contre la paroi et la mise en évidence de trois postes de taille autour de celui -ci, permettent d'avancer un nombre minimal de trois (fig. 9) à maximal de cinq - six personnes (groupe familial ?). Ceux -ci ont consommé au moins 15 lapins dont la prise probable par piégeage assure un séjour relativement court, de l'ordre de quelques nuits. Si l'on considère la prise de quatre lapins dans la couche 1 comme un bivouac d'une nuit (soit 1 jour + 1 nuit, 24h), la présence de 15 individus dans la couche 2 impliquerait alors entre trois et quatre ‘ jour + nuit' (à taille de groupe constant). Cette estimation est aussi confortée par le spectre lithique. Ce calcul simpliste permet en définitive de se figurer une certaine réalité socio-économique. Les deux occupations d'Anecrial sont de même nature, présentant une même finalité de séjours occasionnels s'intégrant dans une mobilité, ou cycle de vie, parfaitement organisée et planifiée. Le traitement des animaux est différentiel suivant les parties anatomiques : si les membres font l'objet d'une consommation in situ avec destruction des extrémités pour recueillir la moelle, il apparaît que le squelette axial reste peu abondant ainsi que les extrémités des membres. Le rejet des restes vers le foyer semble assez systématique et expliquerait alors les débuts de crémation observée dans un foyer peu vif (couleur marron sur les ossements). La conservation en vue d'une consommation différée des râbles (vertèbres) et le stockage des peaux sont également envisagés. On ne peut toutefois exclure un apport de parties de carcasses de lapins provenant d'une autre zone exploitée lors de déplacements des groupes humains. Ainsi, il est délicat d'élaborer une séquence trop réaliste d'actions précises concernant les moments de collecte du bois, taille des roches, pose des pièges ou dernier repas (Zilhao 1997 : 142). L'aspect transitoire des séjours à Anecrial et les autres sites connus pour cette même période dans la région, convergent vers un modèle commun. L'exemple d'Anecrial suggère une mobilité de groupes humains de petite taille engagés dans une économie de type logistique déterminée par des facteurs saisonniers. La nature de telles occupations correspond à des environnements climatiques particuliers et, la fonction de ces sites doit alors intégrer l'existence des potentialités en ressources exploitables dans le milieu. Les dates obtenues pour la couche 2 d'Anecrial (Gravettien terminal) sont proches d'une période d'instabilité climatique, contemporaine du dernier maximum glaciaire; elle est plus précisément corrélée avec un épisode froid enregistré dans les carottes de l'Atlantique Nord et que l'on retrouve également dans les carottes au large des côtes portugaises. Il s'agit des événements d'Heinrich (décharge d'iceberg), en particulier le H2 centré autour de 21-22 ka uncal. BP. Ces événements (Thouveny et al. 2000) ont une durée estimée entre 500 à 2 000 ans, durée suffisante pour déséquilibrer les zoocœnoses. D'autres gisements archéologiques en cavité, livrant des faunes et proches géographiquement d'Anecrial, se placent dans cet intervalle de temps (Brugal et Valente sous-presse) : Gravettien et Proto-solutréen de Buraca Escura, c.2, (Pombal) : 22700 ± 240 et 21820 ± 200 ans BP (Aubry et al. 2001); Solutréen de Caldeirao, c.H (Tomar) : 19900 ± 260 et 20530 ± 270 ans BP (Zilhao 1997; Davis 2002); une date de 20250 ± 320 ans BP pour des niveaux paléolithiques supérieurs (Aurignacien/Gravettien final) de la grotte de Salemas (Loures) reste peu fiable selon le contexte chrono-culturel (Zilhao 1997 et comm.pers.). Dans tous ces cas, il s'agit d'occupations de très courte durée dans des grottes étroites, de petites dimensions. L'abri de Lagar Velho (Leiria) livre également des installations du Gravettien terminal au Solutréen moyen (TP06 et TP09) datées entre 21180 ± 240 et 20220 ± 180 ans BP (Zilhao et Trinkaus 2002). Le matériel faunique y est relativement plus dense avec une plus grande diversité spécifique bien que représentant peu d'individus; les lagomorphes dominent largement ces spectres (Moreno-Garcia et Pimenta 2002). De manière générale, ces gisements ne livrent jamais d'ensembles fossiles très abondants et les paléoenvironnements (données anthracologiques) indiquent toujours des paysages ouverts sous un climat relativement frais. Dans une étude des peuplements mammaliens au Portugal (Brugal et Valente sous-presse), la succession des associations animales est précisée pour le dernier glaciaire. La période 22-18 ka montre l'abondance du cerf et du cheval, suivi par le bouquetin et enfin l'aurochs et le sanglier. Chez les carnivores, lynx pardelle et renard dominent suivis par le loup, et les grands prédateurs (lion, panthère, hyène) deviennent rares avant leur disparition définitive de ces régions après 18 Ka. On peut remarquer que c'est durant cette même période que les groupes préhistoriques développent l'acquisition de petit gibier comme les lagomorphes, alors que les carnivores de moyenne taille (lynx, renard), dirigés vers ces mêmes proies, sont également abondants. Cette convergence est intéressante, suggérant un même mécanisme sous-jacent se traduisant par un ajustement faunique, comme par exemple une diminution des ongulés concomitante d'une « explosion » des léporidés ? La fluctuation des gibiers, sous contrôle climatique, entraînera des modèles d'établissement et de gestion des territoires adaptés de la part des préhistoriques. L'étude archéozoologique récente de l'un de ces sites (Buraca Escura : Aubry et al. 2001), montre l'exploitation marginale d'herbivores par les hommes (cheval, cerf) alors que la plupart des restes osseux (79 % du NRD total : Capra) a été apportée et modifiée par le lynx pardelle. Cependant, on note la quasi-absence de lagomorphes dans ce gisement malgré la présence de ce félin connu pour sa spécialisation sur ce type de proie (Delibes 1987). Ce fait souligne l'importance de facteurs locaux dans la disponibilité de catégories de gibier. Globalement, les activités humaines en cavités paraissent toujours discrètes (faible abondance lithique et faunique), avec des fréquentations épisodiques plutôt que des installations concertées, complétées par une exploitation locale des ressources. Cette image différe des occupations de plein-air pour les mêmes périodes considérées comme sites résidentiels, avec des registres lithiques plus abondants mais une faune, malheureusement, non conservée (Zilhao 1997; Thacker 1996). Durant ces périodes, les populations d'ongulés devaient être plus dispersées (sensu diversité et densité) en raison à la fois des refroidissements ‘ événementiels ‘ du dernier glaciaire (type Heinrich ou Dansgaard-Oeschger) et d'un fort cloisonnement géomorphologique - zone côtière plus étendue en rapport avec la baisse du niveau marin (Dias 2004), plaines et vallées, reliefs et réseau hydrographique, etc. La variation des ressources (animales, végétales et lithiques) et leurs acquisitions, exacerbée dans un rythme saisonnier, induit généralement une plus grande mobilité et une utilisation différentielle des régions avec un peuplement plus diffus. Le site d'Anecrial est un bon exemple d'adaptation des groupes aux changements environnementaux s'exprimant en terme de stratégie d'acquisition de petit gibier et de mobilité. Une double problématique guide cette contribution, concernant la mise en place des exploitations de petit gibier en rapport avec la nature des gisements abordée sous un angle quantitatif (sites ‘ pauvre ' vs ‘ riche ') mais débouchant sur des fonctionnalités socio-économiques. Le contexte ibérique apporte aussi une spécificité, notamment climatique et biocénotique. Le site en grotte d'Anecrial représente deux niveaux contenant de faible quantité de vestiges lithiques et fauniques. Les occupations humaines, attribuées au Gravettien terminal et au Solutréen (Almeida 2000; Almeida et al. sous-presse), se trouvent sur des surfaces réduites avec des activités de taille et de consommation réalisées autour de foyers assez importants mais peu aménagés. Les ensembles fauniques sont quasiment mono-spécifiques avec un petit gibier, le lapin, vraisemblablement acquis par la pose de pièges aux alentours du site et/ou capturé lors du déplacement. Les restes associés de Caprinés et quelques artefacts lithiques, correspondent à une fréquentation plus ancienne de la cavité, démontrée par l'analyse taphonomique, la distribution des vestiges et un complément de datation. Cette situation fournit une bonne illustration des mélanges toujours possibles dans des niveaux supposés intègres et homogènes. L'étude archéozoologique permet en outre de préciser un certain nombre de points sur la fonction du gisement grâce aux interprétations sur l'acquisition, la consommation et le traitement différentiel des carcasses de léporidés. Elle apporte de nouvelles données sur la variabilité des comportements humains vis à vis d'une ressource spécifique de petite taille. Ces résultats permettent de préciser les types d'occupations d'Anecrial. Dans les deux cas, elles correspondraient à un bivouac d'un petit groupe d'individus tournés vers l'exploitation exclusive d'un petit gibier localement abondant (opportunisme ?); la facilité d'acquisition allant de pair avec la brièveté du séjour et n'impliquant pas pour autant une spécialisation. Le groupe est très mobile et les déplacements sont relativement planifiés (sensu prévision) en raison de l'outillage lithique apporté. L'aspect provisionnel (sensu provision) peut également être souligné avec le transport d'une partie de la nourriture ainsi que de sous-produits animaux (peau). Cette interprétation soulève des questions sur l'exploitation d'ordre logistique de petits mammifères dans une économie paléolithique de subsistance caractérisée par une grande mobilité, créant des lieux provisoires de type station dans des cavités et posant la question de leur relation systémique avec des gisements plus permanents de plein-air ou en abri. L'abondance de restes de lagomorphes semble liée non seulement à des facteurs naturels comme la diversité et densité des ressources dans un contexte bioclimatique donné mais aussi à la durée des occupations humaines comme reflet de mobilité saisonnière. La fonction des sites, la taille et la structure des groupes humains sont des paramètres pondéraux pour des analyses diachroniques développant des inférences territoriales et démographiques touchant des changements socioculturels majeurs du Paléolithique supérieur. Ils devraient alors être davantage pris en considération avant de proposer des modélisations à grande échelle (Stiner et al. 2000; Bietti 2000; Brugal 2000). L'importance des lagomorphes dans le régime alimentaire des groupes humains semble bien démontrée au Portugal, et en Péninsule ibérique, démarrant avec les cultures du Gravettien et du Solutréen et devenant de plus en plus marquée au Magdalénien (par exemple Aura et al. 1998; Zilhao 1992, 1997). On peut noter un décalage chronologique avec les régions du sud de la France où cette exploitation ne devient majoritaire qu' à partir du Magdalénien moyen-supérieur (Cochard et Brugal 2004). Cet élargissement alimentaire s'accompagne d'une diversification dans l'exploitation de l'ensemble des ressources (matière premières s.l., sites et paysages) allant de pair avec des transformations techno-symboliques témoignant de nouveaux besoins vitaux (sensu démographie) et sociaux (sensu hiérarchisation). L'analyse archéozoologique permet alors, en complément des études typo-technologiques et tracéologiques, considérées dans leurs dimensions spatiales, de mieux interpréter les fonctions socio-économiques des gisements préhistoriques. Le mini-site d'Anecrial représente un cas d'occupation particulièrement bien documenté pouvant constituer une clef de lecture possible pour définir des modèles d'exploitation des territoires et d'organisation des habitats (settlement pattern). Il démontre la nécessité d'intégrer toutes les catégories d'informations, donnant alors toute leur « richesse » aux gisements « pauvres » . | Le gisement en grotte d'Anecrial livre des ensembles fauniques dominés par les lagomorphes (genre Oryctolagus), représentés par peu d'individus. La dispersion des restes, les parties du squelette et les types de fracturation (cylindres) précisent l'origine de l'accumulation et les hypothèses fonctionnelles du site. Le gisement est interprété comme un bivouac utilisé au moins à trois reprises par un groupe humain réduit, orienté vers l'acquisition spécifique de ce petit gibier. La comparaison avec d'autres gisements met en évidence l'importance des Léporidés dans l'alimentation des hommes du Paléolithique supérieur moyen et final, en particulier au Portugal, et aborde les relations entre des facteurs environnementaux et des modèles socio-économiques humains. | archeologie_08-0040093_tei_258.xml |
termith-115-archeologie | Il serait simple et tentant de mettre en relation l'usage, par les Paléolithiques, de techniques et méthodes de débitage peu élaborées avec l'existence de matières premières contraignantes, soit par leur médiocre aptitude à la taille, soit parce qu'elles se présentent selon des volumes peu favorables. Le débitage par percussion bipolaire sur enclume est, a priori, concerné par cette tendance compte tenu de son faible degré de complexité opératoire et des possibilités de contrôle limitées de la morphologie des produits. On le verrait ainsi se manifester lorsque le quartz, les quartzites ou des roches équivalentes sont les seules ressources lithiques et, plus encore, lorsqu'elles sont surtout disponibles sous la forme de galets, volontiers de petit module. Pourtant, comme il a été souligné par les organisateurs de cette table-ronde, ce mode de production lithique est de plus en plus fréquemment reconnu dans des contextes chronologiques, culturels et géographiques extrêmement diversifiés où parfois ce sont des matières premières à texture fine qui ont été exploitées selon ce mode de débitage (Mourre et Jarry 2004). Ounjougou est un vaste complexe de sites de plein air, en pays dogon (Mali) à quelques kilomètres à l'est de Bandiagara, dont l'occupation s'étend du Paléolithique ancien à l'époque actuelle. Son étude s'intègre dans le programme de recherche international pluridisciplinaire intitulé Paléoenvironnement et peuplement humain en Afrique de l'Ouest, coordonné par l'un des auteurs (E.H.) (Huysecom 2002; Huysecom et al. 2004a; Huysecom et al. 2004b). Pour le Paléolithique, les études archéologiques (placées sous la direction de S.S.), géomorphologiques et le programme de datations OSL permettent de restituer une séquence chronostratigraphique et chronoculturelle s'étendant sur plus de 100 000 ans, de la fin du Pléistocène moyen au Pléistocène supérieur (Robert et al. 2003; Rasse et al. 2004; Soriano et Rasse 2005). Au sein de cette séquence, plus de quinze niveaux ou couches archéologiques ont été individualisés, dont les industries lithiques se rapportent au Paléolithique moyen / Middle Stone Age. Pour la plupart des occupations, les vestiges, strictement lithiques, sont conservés en position primaire ou peu dérivée dans des sédiments fins d'origine éolienne. Dans certains cas, on peut aussi les retrouver en position secondaire dans des dépôts fluviatiles. L'utilisation de la percussion bipolaire sur enclume est avérée dans plusieurs niveaux archéologiques du Paléolithique moyen de la séquence d'Ounjougou dans un contexte géologique régional où les matières premières lithiques taillables sont peu variées, de qualité inégale et a priori contraignantes soit par leur accessibilité, soit par leur morphologie. A partir de ce constat peuvent être posées deux questions simples, susceptibles d'éclairer le statut technique de la percussion bipolaire sur enclume pour les hommes du Paléolithique d'Ounjougou : est -ce qu'il existe, dans la séquence d'Ounjougou, un lien net entre la mise en œuvre de la percussion bipolaire sur enclume et l'utilisation de matières premières « contraignantes » qui excluraient le recours à des modes de production plus élaborés ? est -ce que les rôles technique et économique de la percussion bipolaire sur enclume sont similaires tout au long de la séquence d'Ounjougou ? Pour répondre à ces questions, il nous faudra au préalable présenter les critères sur lesquels se fondent notre diagnose de la percussion bipolaire sur enclume dans ces industries afin d'éviter des ambiguïtés quant aux manifestations techniques que nous désignons ainsi mais aussi dresser un état des ressources en matières premières lithiques dans la région. Devant la diversité des manifestations attribuées à la percussion bipolaire sur enclume et des stigmates afférents, soulignée lors de la table ronde, il apparaît opportun de préciser les critères sur lesquels nous avons fondé notre diagnose au sein des industries lithiques d'Ounjougou. Tous les stigmates observés plaident en faveur de la mise en œuvre de la percussion bipolaire sur enclume selon une configuration où la matière première lithique à tailler, immobilisée manuellement, repose sur une enclume minérale. Elle est alors percutée en un point opposé au contact avec l'enclume par un percuteur minéral dur mobile effectuant un mouvement linéaire vertical (fig. 1). La présence d'éclats dont l'extraction a clairement été initiée en deux points à partir desquels l'onde de fracture a progressé de façon simultanée, selon un même axe mais avec des directions opposées, est ici l'élément déterminant de la diagnose de la percussion bipolaire sur enclume. L'un des points d'initiation de la fracture est lié à l'impact d'un percuteur minéral dur mobile tandis que l'autre est la manifestation du contrecoup au point de contact entre la matière taillée et l'enclume, elle aussi minérale. Il est le plus souvent impossible de distinguer spécifiquement les stigmates du coup de ceux du contrecoup. La face d'éclatement (face inférieure) des produits, sans bulbe ou avec un bulbe très discret, présente en général peu de relief. Ce fait est à mettre en rapport avec le mode de fracturation qui n'est pas conchoïdal. Il est ainsi parfois impossible de distinguer positif et négatif, éclat et nucléus. Le profil longitudinal de la face d'éclatement peut être rectiligne, convexe ou concave. Des ondulations, voire des rides fines et serrées sur les matériaux les plus fins, sont parfois visibles sur cette face. La face d'éclatement peut être composée de plusieurs pans sécants entre eux qui peuvent donner une section polygonale au produit / sous-produit (fig. 2, n° 8). Ces pans peuvent être nettement distincts dès les points d'initiation de la fracture et le rester tout au long de celle -ci ou, plus rarement, s'infléchir et se confondre à mi-course (fig. 2, n° 5). Leur existence relève peut-être du même moteur que pour les accidents de type Siret à plans multiples décrits sur le quartz par V. Mourre (Mourre 1996). Un des remontages que nous avons réalisé sur le matériel archéologique montre ainsi comment, à partir d'un unique coup/contrecoup donné dans l'axe longitudinal d'un galet de quartz ovoïde, plusieurs plans de fracturation radiaires se sont développés (fig. 3). Le développement d'un plan de fracturation secondaire parallèle à la face d'éclatement principal est aussi attesté. Ce dédoublement dans l'épaisseur de l'éclat peut n'affecter l'une des extrémités que sur quelques millimètres ou s'étendre jusqu' à l'extrémité opposée, ainsi que l'illustre un remontage (fig. 4). Les produits indubitablement obtenus par percussion bipolaire sur enclume dans les industries d'Ounjougou n'ont, à quelques exceptions près, pas de talon, ou alors ce dernier se réduit à un point ou un fil à l'intersection de la face d'éclatement et de la face supérieure. Par ailleurs, si l'absence de talon ne permet pas de mesurer l'angle de chasse réel, tout indique, en particulier lorsque la face supérieure présente les convexités corticales du galet d'origine, que le coup/contrecoup a été très fréquemment donné sur une surface faisant avec la surface débitée un angle nettement ouvert, a priori peu favorable pour une percussion classique (fig. 2, n° 2, 3 et 5 et fig. 5). Cela reste tout à fait cohérent avec le mode de fracturation non conchoïdal que nous avons déjà évoqué. Il faut toutefois noter que dans les industries d'Ounjougou la présence de produits présentant de tels caractères en lieu et place du talon n'est pas exclusivement liée à la pratique de la percussion bipolaire. Il semble en effet que les stigmates d'une fracturation non conchoïdale, qui se serait développée à partir d'un unique point d'initiation, soient fréquemment observés lors de l'entame des petits galets de quartz localement disponibles, en particulier ceux dont la texture est microcristalline. Enfin, on peut penser que l'absence de talon aux deux pôles d'initiation de la fracture soit aussi liée à la localisation de l'impact du percuteur mobile sur la matière à tailler, vraisemblablement sur, ou très proche, de l'arête créée par l'intersection de la surface débitée avec la surface de plan de frappe, ainsi qu' à la position de la matière à tailler sur l'enclume qui détermine la localisation du contrecoup. Aux points d'initiation de la fracture, on observe fréquemment un écrasement de la matière, surtout lorsque le quartz a une structure grenue, des écaillures étagées qui peuvent affecter la face supérieure comme la face d'éclatement et des fissures radiaires d'ampleur variable. Parfois, on observe pour l'un des deux points d'initiation de la fracture un stigmate équivalent au fort esquillement bulbaire décrit sur les produits laminaires débités au percuteur de pierre tendre (Pelegrin 2000) (fig. 6). Si les stigmates que nous avons observés sur les industries d'Ounjougou et décrits ici sont très caractéristiques de la percussion bipolaire sur enclume, mise en œuvre selon le procédé évoqué, ils ne sauraient être considérés sans distinction comme représentatifs de l'ensemble des manifestations de ce mode de taille. Ils en constituent plutôt une des multiples expressions potentielles. Bien que les ressources en matières premières lithiques aptes à la taille soient très abondantes sur le plateau de Bandiagara, elles sont assez peu diversifiées. La géologie du plateau, très monotone, explique cela. En effet, il s'agit d'un vaste entablement de grès fluvio-deltaïque ordovicien s'étendant sur plus de cent kilomètres, où des bancs gréseux décimétriques se succèdent régulièrement. Cette rythmicité des bancs gréseux est localement interrompue par des passées gréso-conglomératiques. La minéralogie et la granulométrie de ces grès, où le quartz dominant côtoie une fraction assez variable de feldspaths très souvent altérés (kaolinisés), les rend impropres à la taille. Localement cependant, la granulométrie bien plus fine et la rareté des feldspaths dans ces fractions fines, alliées à une diagenèse plus poussée, a engendré des bancs de grès plus tenaces et mieux cimentés dont la structure est parfois quartzitique. C'est un des matériaux qui a été taillé par les Paléolithiques. Les autres matières premières qui ont été taillés viennent des passées gréso-conglomératiques. Il s'agit majoritairement de galets de quartz mais aussi des galets de quartzite (moins de 5 %) et, de façon anecdotique, des galets d'autres matériaux (silex, jaspe et autres roches siliceuses cryptocristallines principalement). Les galets de quartz, comme les sables qui les emballent, sont les résidus de l'érosion d'un très vaste socle primaire. Ils sont de ce fait de nature pétrographique très diversifiée et par conséquent de qualité très variable. A plusieurs dizaines de kilomètres au nord-est du site, dans la région de Tassembé, existent des roches vertes de faciès paléomagmatique mais que l'on retrouve utilisées uniquement dans les industries du Néolithique sous la forme de lames de hache ou d'herminette polies. Pour les ressources en matières taillables, on a donc globalement une opposition entre quartz et grès en termes de distribution spatiale, de disponibilité et de module. Les galets de quartz, abondants, sont omniprésents dans le paysage, aussi bien dans les dépôts fluviatiles que dans les altérites sur les affleurements du substrat gréseux. Leur qualité est variable, de très bonne à médiocre, en fonction de la texture du matériau, qui oscille entre microcristalline et grossièrement grenue. Les tailleurs néolithiques ont façonné par pression des armatures bifaciales dans les variétés de quartz les plus homogènes ce qui en souligne la qualité. On peut supposer que le transport fluviatile subi par ces matériaux dans leur milieu de dépôt à l'Ordovicien a contribué à éliminer les blocs diaclasés. Le module des galets de quartz oscille généralement entre 4 et 7 cm et n'atteint qu'exceptionnellement 8 à 10 cm. Le grès apparaît à l'opposé en gîtes ponctuels dispersés sur le territoire et se présente sous la forme de bancs épais. Il permet donc la fabrication de pièces massives à partir de fragments ou de gros éclats. Sa qualité est parfois excellente, permettant alors le façonnage de pièces bifaciales foliacées. Hormis quelques cas dans les niveaux archéologiques les plus anciens, le grès quartzite a toujours été collecté sur les gîtes primaires. A l'opposé, pour les matériaux issus des passées gréso-conglomératiques, on note qu'une fraction importante des galets a été collectée sur des gîtes secondaires, au sein des dépôts fluviatiles de cours d'eau actifs au moment des occupations paléolithiques. Les matériaux siliceux les plus fins (silex, jaspe) sont très rares et les Paléolithiques ne les ont pas spécifiquement recherchés avant la fin du Pléistocène supérieur. Une collecte ciblée sur ces matières premières ne semble apparaître dans la région qu'avec la confection d'armatures géométriques microlithiques. À une exception presque anecdotique puisqu'il s'agit d'un polyèdre fendu (fig. 7) la percussion bipolaire sur enclume a été exclusivement mise en œuvre pour traiter le quartz et les autres matériaux accessibles sous forme de petits galets, comme le quartzite. Le quartz est présent dans presque tous les niveaux archéologiques mais sa fréquence est très variable : de quelques pièces éparses en marge de débitage en grès (Vipère C2), à l'intégralité de l'industrie (Vipère C1, Orosobo 2 ou Kokolo 2; Soriano 2003). Surtout, malgré une matière première a priori contraignante, la percussion bipolaire sur enclume n'est pas incontournable. En témoignent les tailleurs d'Orosobo 2 qui ont pratiqué le débitage Levallois, à l'exclusion de toute autre méthode de débitage, sur les mêmes galets de quartz que leurs prédécesseurs. Nous nous limiterons ici à développer deux exemples, Dandoli 1/3 et Ravin de la Vipère C1 où le statut technique et économique de la percussion bipolaire sur enclume apparaît très différent. Le niveau archéologique identifié à Dandoli compte parmi les dernières occupations paléolithiques du plateau avant le dernier grand aride ogolien. Il est positionné en stratigraphie au sein d'une séquence de silts sableux d'origine éolienne probablement redistribués dans une dynamique colluviale. Les datations OSL préliminaires de l'ensemble de la séquence sédimentaire situent l'occupation autour de 26 000 / 27 000 ans (Robert et al. 2003). Le quartz domine très nettement l'assemblage bien que quelques produits en grès soient néanmoins présents. Parmi les produits en quartz (ou quartzite), ceux qui présentent des stigmates de taille indubitablement associés à la mise en œuvre de la percussion bipolaire sur enclume sont largement majoritaires (fig. 2). De façon originale à Ounjougou, cette technique devient l'élément structurant d'un schéma de débitage systématique ayant donné la plupart des supports débités, même si quelques nucléus n'ont manifestement pas été exploités ainsi. On retrouve d'ailleurs deux pièces lithiques qui ont vraisemblablement joué le rôle d'enclume, l'une entière (fig. 8), l'autre fragmentaire, comme le suggèrent les stigmates d'écrasement qu'elles portent et qui se concentrent jusqu' à former de petites dépressions en forme de cupule. L'essentiel des supports produits est resté brut. Seuls deux racloirs ont visiblement été confectionnés sur des éclats issus de la production bipolaire sur enclume. (Cliché n° 99D0210, service photographique CNRS UMS 844, MAE, Nanterre) Les trois niveaux archéologiques du Ravin de la Vipère occupent la partie sommitale des dépôts de l'unité sédimentaire U4 et se placeraient autour de 50 000 ans d'après les datations OSL préliminaires. Le niveau archéologique C1, qui nous intéresse ici, se marque par de petits amas de débitage, regroupant chacun entre une dizaine et une trentaine d'objets, dispersés sur une paléosurface au sein d'un semis épars de pièces isolées. La densité des esquilles et petits débris au sein des amas, la faible dispersion verticale ainsi que la fréquence des remontages montrent que ce niveau a été peu perturbé depuis son enfouissement. L'industrie lithique est exclusivement réalisée à partir de petits galets de quartz collectés principalement en gîte primaire. Les pièces qui présentent des stigmates attribués à la percussion bipolaire sur enclume sont ici beaucoup plus rares que dans l'industrie de Dandoli. Elles sont même très minoritaires devant les produits issus d'un débitage de modalité discoïde qui a donné des éclats courts, assez larges et à talon épais, fréquemment corticaux. Comme cela a déjà été mentionné dans d'autres contextes, les tailleurs ont volontiers conservé la surface corticale des galets de quartz comme plan de frappe pour mener leur débitage discoïde (Jaubert et Mourre 1996). Quelques remontages ont permis d'éclairer les relations entre les deux modes de taille (fig. 9). Certains galets de quartz ont manifestement été fractionnés par percussion bipolaire sur enclume et les fragments au volume adéquat, prélevés, ont été débités selon une modalité discoïde. Parallèlement, on observe aussi une production indépendante par percussion bipolaire sur enclume, mais qui ne semble avoir donné que quelques produits, ainsi que la présence de quelques pièces esquillées, lesquelles se différencient assez nettement du débitage. Outre les pièces esquillées, l'outillage retouché est très rare. Il s'agit uniquement de racloirs exclusivement réalisés par retouche inverse sur des éclats ou fragments corticaux (surface néo-corticale des galets de quartz), ce qui assure une certaine régularité au tranchant. Les produits spécifiquement obtenus par le débitage discoïde sont restés bruts. Les deux exemples examinés suggèrent que le statut de la percussion bipolaire sur enclume est variable dans les industries du Paléolithique moyen d'Ounjougou. La percussion bipolaire sur enclume est rarement absente des industries d'Ounjougou (tabl. 1). Lorsque le grès a été seul utilisé (Oumounaama atelier « amas 1996 ») on comprend qu'elle soit absente, cette matière première se prêtant mal à la percussion bipolaire sur enclume. Il est net que celle -ci a été mise en œuvre à Ounjougou par les Paléolithiques presque systématiquement dès lors que le quartz, sous forme de galets, est utilisé qu'il soit à dessein ou par défaut la matière première dominante (tabl. 1). Il existe cependant un cas (Orosobo 2) où le quartz est la matière première exclusive mais pour lequel la percussion bipolaire sur enclume n'a pas été utilisée. Cela démontre que la contrainte liée à la matière première ne peut être seule invoquée pour expliquer le recours à la percussion bipolaire sur enclume. Le statut technique de la percussion bipolaire est aussi variable puisqu'elle peut être soit mise en œuvre exclusivement tout au long d'un schéma de débitage assez simple, ce qui est le cas le plus fréquent, soit être une modalité d'initialisation particulière à l'amont de schémas de débitage plus élaborés, tel le discoïde, comme le montre l'exemple du Ravin de la Vipère C1. Par ailleurs, sa contribution économique est assez variable. Même si dans l'état actuel des recherches nous ne pouvons comparer la fréquence des produits obtenus par percussion bipolaire sur enclume dans les assemblages des différents sites puisque plusieurs études sont encore en cours, des différences apparaissent tout de même lorsqu'on détermine simplement si la percussion bipolaire sur enclume est minoritaire, majoritaire ou exclusive dans la production lithique débitée (tabl. 1). Dans un seul cas (Dandoli 1/3), la plupart des supports débités l'ont été par percussion bipolaire sur enclume. Dans les autres cas où elle a été mise en œuvre comme technique exclusive dans un schéma de débitage, elle accompagne une production plus élaborée dans ses modalités opératoires, sur quartz ou sur grès. Nous constatons que malgré des ressources en matière première limitées dans leur nature, bancs de grès ou petits galets de quartz, les réponses techniques apportées par les Paléolithiques dans la production lithique apparaissent variées. La percussion bipolaire sur enclume apparaît ici comme une réponse parmi un ensemble de possibilités. Sa mise en œuvre prend alors une valeur de choix manifeste de la part des Paléolithiques d'Ounjougou puisqu'elle n'est pas techniquement absolument nécessaire. Si nous avons répondu à la question du statut économique et technique de la percussion bipolaire sur enclume dans les industries paléolithiques d'Ounjougou, le sens des différences n'est pas pour autant explicité. Pourquoi certains groupes ont utilisé la percussion bipolaire sur enclume pour traiter les petits galets de quartz d'Ounjougou et d'autres non ? Ce mode de taille, peu élaboré, était-il accepté et valorisé dans le bagage technique de tous les tailleurs paléolithiques ? Ces questions restent ouvertes. Pour terminer, on peut penser que le degré de contrainte imposé par les matières premières d'Ounjougou est suffisamment élevé pour expliquer la présence marquée de la percussion bipolaire sur enclume sans toutefois faire de ce mode de taille l'unique solution techniquement possible. Pour le Paléolithique moyen en Afrique de l'Ouest, en dehors d'Ounjougou, nous n'avons pas encore identifié dans la littérature d'autres industries où la percussion bipolaire sur enclume ait été reconnue. Les contributions rassemblées ici démontrent qu'elle est présente dans des contextes très diversifiés, comme par exemple dans plusieurs assemblages du Paléolithique moyen du Latium méridional en Italie (Bietti et al., ce volume) . | Encore trop souvent considérée comme relevant d'une production lithique expédiente, la percussion bipolaire sur enclume occupe cependant une place majeure dans les industries de certaines régions. Ainsi à Ounjougou (Pays dogon, Mali), ce mode de taille est régulièrement présent au sein des industries d'une séquence chronoculturelle qui s'étale sur plus de 100 000 ans, couvrant l'essentiel du Paléolithique moyen régional. Le recours à ce mode de taille pourrait être simplement explicité par la faible diversité des ressources en matières premières et par la place qu'y occupe le quartz. Cependant, la percussion bipolaire sur enclume est totalement absente dans certaines industries de la séquence et le déterminisme des matières premières n'apparaît ainsi pas seul en jeu. La profondeur diachronique de la séquence d'Ounjougou donne l'opportunité de s'interroger sur le rôle technique, le statut économique et la charge culturelle de ce mode de taille original qu'est la percussion bipolaire sur enclume. | archeologie_12-0217487_tei_187.xml |
termith-116-archeologie | La grotte du Lazaret, vaste cavité qui s'ouvre actuellement à 26 m d'altitude dans les calcaires jurassiques du mont Boron à Nice, a livré une succession de niveaux d'occupation humaine attribués à des Homo erectus européens ou anténéandertaliens (Fig. 1, Tableau 1). Du fait de sa position en bordure de la Méditerranée, elle conserve d'anciens niveaux marins correspondant à deux phases marines transgressives. Le niveau marin inférieur (plage A), très induré, ne contient pas de fossiles. Son altitude, à 18,7 m par rapport à la mer actuelle, et comparée aux autres plages fossiles du mont Boron, permet de l'attribuer au stade isotopique 9 de l'oxygène (OIS 9) (Lumley et al., 2001). La plage sus-jacente (plage B), plus meuble et située à 20,2 m d'altitude, correspond à un cordon littoral de galets, riche en coraux et en mollusques marins. Grâce à ces organismes, nous avons pu réaliser l'étude des paléotempératures de la Méditerranée. Ces dépôts marins sont surmontés d'un remplissage continental (complexe stratigraphique C), puissant de 6 mètres d'épaisseur et constitué d'argiles plus ou moins riches en cailloux, lui -même scellé par un épais plancher stalagmitique E. Ce complexe stratigraphique C, qui se subdivise en trois grands ensembles stratigraphiques C I, C II et C III, correspond aux niveaux archéologiques. La base du dépôt continental (ensembles C II inférieur et C I) n'est bien connue que par le puits creusé à l'entrée de la grotte au xix e siècle, le sondage du centre de la cavité et par les fouilles plus anciennes de F. C. E. Octobon (Locus VIII). En revanche, les fouilles systématiques conduites par Henry de Lumley, à l'entrée de la grotte depuis 1967, ont mis au jour vingt-six unités archéostratigraphiques (UA) dans les ensembles stratigraphiques C III (UA 1 à UA 12) et C II supérieur (UA 13 à UA 26). Les analyses multidisciplinaires ont montré que le site était occupé par des groupes de chasseurs de grands herbivores (essentiellement de cerfs et de bouquetins), qui revenaient dans la caverne, à intervalles plus ou moins réguliers. Les plus anciens occupants de la grotte sont porteurs d'une culture de l'Acheuléen supérieur, caractérisée par une industrie lithique riche en bifaces, à rare débitage levallois. Cette industrie annonce, dans la continuité d'une très lente évolution, celle de l'Acheuléen final, puis du Prémoustérien au sommet du remplissage (Cauche, 2002; Lumley et al., 2004). Dans le but d'installer des litières ou d'alimenter leur foyer dans la grotte, les hommes ont involontairement apporté divers mollusques marins en ramassant des algues et des mattes de posidonies échouées sur le rivage (Lumley et al., 2004). Tous ces organismes marins permettent de mieux appréhender le rivage marin de l'époque, méconnu jusqu' à aujourd'hui. Les études paléontologiques et biochimiques, établies sur les faunes de vertébrés et d'invertébrés provenant de la majorité du remplissage, sont présentées dans le cadre de ce travail ainsi que les résultats synthétiques obtenus en datation. La faune de grands mammifères est riche de vingt-deux taxons comprenant neuf espèces carnivores et treize ongulés (Tableau 2). Le cerf élaphe Cervus elaphus, largement représenté avec plus de 70 % des restes, a fait l'objet d'une étude morphologique et biométrique sur le matériel dentaire en s'appuyant d'une part sur l'évolution morphométrique de l'espèce et d'autre part sur les modifications de taille d'ordre climatique (loi de Bergmann) (Valensi et al., 2004). Nous présentons ici l'analyse à composantes principales (Fig. 2), à partir des dimensions (longueurs, largeurs) des dents jugales de différentes populations de cerfs du sud de la France. L'axe 1 qui peut se définir comme un axe de taille, permet de séparer les cerfs de petite taille ayant évolué sous climat tempéré, des grands cerfs de climat frais. L'axe 2, considéré comme l'axe de robustesse des dents, individualise les populations du Pléistocène supérieur de celles du Pléistocène moyen. Le cerf élaphe du Lazaret, de forte taille, aux dents complexes, correspond à une population ayant évolué sous climat frais, d' âge Pléistocène moyen. D'autres espèces apportent également, par leur degré d'évolution, des précisions biochronologiques. Ainsi, le bouquetin qui s'inscrit dans la lignée alpine Capra ibex présente des caractères morphologiques plus archaïques que ceux du Pléistocène supérieur : sur les P3 et P4 inférieures, le métaconide est absent ou non dilaté; et sur les M3 supérieures, l'aile métastylaire est bien individualisée mais moins développée au niveau distal que sur les populations du Pléistocène supérieur étudiées par E. Crégut-Bonnoure (1992). Le loup, d'assez faible taille, correspond à un stade évolutif bien connu de l'espèce nominale Canis lupus, avec des dimensions dentaires caractéristiques de l'extrême fin du Pléistocène moyen; le lynx des cavernes Lynx spelaea et l'ours de cavernes Ursus spelaeus présentent également des caractères morphologiques plus archaïques que chez les populations du Pléistocène supérieur (Valensi, 1994; Lumley et al., 2004). Plusieurs espèces du Lazaret caractérisent des environnements plus ou moins forestiers, sous climat tempéré : cerfs, chevreuils, aurochs, éléphants antiques, chats sauvages, etc. Quelques espèces dites « froides » sont néanmoins présentes dans l'assemblage : Rangifer tarandus (sommet de C III), Coelodonta antiquitatis (ensembles C III et C II), Bison priscus (ensemble C III et plus rarement C II). De plus, le renard roux Vulpes vulpes, dont l'espèce suit la loi écologique de Bergmann, correspond par sa forte taille, aux formes vivant actuellement plus au nord que le 50° de latitude Nord (Allemagne, Pologne) (Clot, 1980). Toutes ces faunes, marquant une forte richesse taxinomique, concourent à définir une mosaïque de paysages, sous un climat nettement plus frais que le climat actuel. L'étude des faunes du Lazaret couplée à celle de plusieurs gisements moustériens (OIS 5 à 3) de même contexte géographique montre que les associations fauniques ont peu varié dans la région, depuis le stade isotopique 6 jusqu'au stade isotopique 3 (Valensi et Psathi, 2004). Le cerf domine dans pratiquement tous les assemblages régionaux, durant les phases froides ou tempérées de la fin du Pléistocène moyen et de la première partie du Pléistocène supérieur. La dominance de cette espèce, qui peut s'expliquer par son abondance naturelle dans l'environnement mais aussi par son meilleur rendement pour les préhistoriques, en termes de chasse, transport et de traitement, masque quelque peu les oscillations climatiques. Les espèces secondaires sont en revanche plus intéressantes car leurs représentations peuvent être mises en parallèle avec les variations climatiques. Lors des phases froides, les espèces secondaires sont représentées selon les gisements, par le bouquetin, le bison ou le chamois. Lors des phases tempérées, les espèces secondaires correspondent au chevreuil, au sanglier ou à l'aurochs. Le spectre faunique du Lazaret composé essentiellement de cerfs et de bouquetins, caractérise bien une période froide. Les variations de proportions enregistrées entre les deux taxons Cervus et Capra sont interprétées ici comme le résultat d'oscillations climatiques. On notera en particulier un refroidissement général de la base (C I et C II) au sommet du remplissage (C III). Dans l'ensemble supérieur C III, le bouquetin est plus abondant, le renne est présent par quelques restes, le bison et le cheval sont mieux représentés. L'ensemble C II comprend en revanche une faune plus tempérée avec plus de cerfs, d'aurochs, de chevreuils et moins de bouquetins. Le chat sauvage est présent en C II, le sanglier en C I. D'autres analyses paléoécologiques conduites sur les grands mammifères (proportions relatives des espèces, groupes écologiques, cénogrammes, indices climatiques) définissent aussi un climat général plus frais mais surtout plus humide que l'actuel climat méditerranéen (Valensi et Abbassi, 1998). Pour conclure, le cachet tempéré des faunes du Lazaret semble lié à la position géographique du gisement. Pendant les périodes glaciaires, les Alpes-Maritimes et la Ligurie ont joué le rôle de réservoir d'espèces tempérées, se redéployant lors de périodes climatiques plus clémentes. On notera d'ailleurs la persistance, dans la région méditerranéenne durant le dernier interglaciaire (OIS 5), d'espèces reliques du Pléistocène moyen, comme le dhole archaïque Cuon priscus et l'hyène rayée (Hyena prisca), confirmant le rôle de cette région comme zone refuge (Psathi, 2003). Parmi les 30 espèces de micromammifères identifiées dans la grotte du Lazaret, certains rongeurs présentent un intérêt biostratigraphique. En effet, la morphologie des prémolaires et des molaires inférieures du lérot (Eliomys quercinus) présente des affinités avec la forme archaïque Eliomys quercinus helleri Janossy, 1962 qui est largement répandue en Europe occidentale durant le Pléistocène moyen. D'autre part, si on se réfère aux travaux concernant l'évolution de l'indice d'épaisseur d'émail des Arvicola, dénommé SDQ selon la nomenclature élaborée par W. D. Heinrich (1978, 1982), du Quaternaire d'Europe méditerranéenne au cours du Pléistocène supérieur (Abbassi et al., 1998; Desclaux et al., 2000), les indices obtenus pour les Arvicola provenant des ensembles CII (N = 47, SDQ = 107.9) et CIII (N = 8, SDQ = 108.6) confirment l' âge Pléistocène moyen final (stade isotopique 6, saalien) de la séquence. L'ensemble de la communauté des micromammifères est homogène de la base au sommet du remplissage continental de la grotte du Lazaret (Tableau 3). Cette association indique la présence de milieux variés dans les environs du site, avec une bonne représentation des milieux ouverts humides (prairie) et des zones boisées (forêt tempérée). Elles suggèrent également un climat de type continental, froid et humide. Ce caractère est cependant limité par la situation méridionale du site. On évoquera par conséquent un climat plus frais que l'actuel. Les amphibiens et les reptiles de la grotte du Lazaret sont représentés par 6 taxons d'amphibiens et 12 taxons de reptiles (Tableau 4). Parmi ceux -ci, Bufo bufo, Rana temporaria, Anguis fragilis, Coronella austriaca et les représentants du genre Vipera, constituent 66 % du nombre de restes total déterminé. Il s'agit de taxons avec une large distribution en Europe occidentale dont leur présence actuelle en région méditerranéenne se fait à la faveur des biotopes les plus frais et humides tels que les zones de montagne et les vallées (Geniez et Cheylan, 1987). Par contre, les taxons thermophiles (taxons à caractère méditerranéen), tels que Malpolon, Elaphe scalaris, Coluber viridiflavus et Lacerta lepida ne sont représentés dans le gisement que par un très faible pourcentage (environ 0,5 % du nombre total de restes). Ces considérations suggèrent que, pendant le Pléistocène moyen, le climat de la région devait être globalement plus frais et plus humide que l'actuel. Ce rafraîchissement se voit renforcé par la présence, bien que ponctuelle, des taxons à caractère actuellement montagnard dans la région (Triturus alpestris et Vipera ursinii). La distribution des espèces majoritaires (Pelodytes punctatus, Bufo bufo, B. calamita, Rana temporaria, Anguis fragilis et Vipera aspis) reste assez homogène tout au long de la séquence stratigraphique, indiquant une relative homogénéité climatique. Cependant, quelques fluctuations mineures peuvent être suggérées (léger réchauffement) grâce à la présence ponctuelle de taxons thermophiles : Malpolon et Lacerta lepida dans la partie supérieure de l'ensemble C III, Coluber viridiflavus, Elaphe scalaris, Coronella girondica et abondance de lacertidés dans les unités supérieures de l'ensemble C II. L'analyse des mollusques marins de la grotte du Lazaret a été conduite durant de longues années par J. Cataliotti-Valdina (1984), puis reprise par deux d'entre nous, notamment en ce qui concerne les récoltes provenant de l'UA 25 et de petits prélèvements au niveau de la plage B. Ce complexe correspond à une plage marine à gros galets présentant un âge maximal de 238 ka (Bahain, 1993; Michel et Yokoyama, 2001 et ce travail). Cette plage s'est révélée très riche en organismes marins puisque près de 50 espèces de mollusques y ont été déterminées. Il s'agit d'une faune de type méditerranéen banal qui ne contient pas encore les espèces caractéristiques de la faune chaude sénégalienne qui arriveront au début du Pléistocène supérieur (stade isotopique 5,5). C'est le genre Bittium et les espèces Cerithium alucaster et Melarhaphe neritoides qui dominent largement parmi les gastéropodes; Patella caerulea et Muricopsis cristata sont aussi bien représentées. Enfin, les bivalves sont dominés par Spondylus gaederopus, espèce absente des formations marines d'Europe septentrionale, qui indique une mer tempérée. On observe en outre la présence du gastéropode Erosaria spurca, espèce d'origine méridionale, et du madréporaire colonial Astroides calycularis, espèce aussi à caractère méridional bien marqué, car son aire de distribution actuelle ne dépasse pas vers le nord 37°88 ' N sur la côte de la Péninsule ibérique et 40°48 ' N sur la côte d'Italie, mais elle est signalée à l'état fossile dans le Pléistocène supérieur (stade isotopique 5) de la Pointe de la Vieille (Est de Monaco) et de la grotte de la Coscia (Corse) (Zibrowius, 1995). Ces espèces témoignent aussi d'une mer tempérée, probablement plus chaude que l'actuelle, au stade isotopique 7. L'étude détaillée de cette faune montre que le seul littorinidé présent est Melarhaphe neritoides. Bien que ne possédant aucune entrée de sédimentation marine dans la cavité, le complexe stratigraphique C présente la particularité de contenir des tests de gastéropodes marins. Les coquilles ici présentes (plus de 50 espèces), trop petites pour être consommées, semblent avoir été introduites involontairement par les acheuléens, lors des collectes d'algues et de posidonies servant à aménager des litières et/ou à alimenter les foyers (Lumley et al., 2004). Cette activité anthropique a entraîné l'introduction dans le site de quatre groupes principaux de petits mollusques : les Littorinidés, les Rissoidés, les Cerithidés (dont Bittium) et les Trochidés. En ce qui concerne la famille des Littorinidés (Fig. 3), à la présence de M. neritoides s'adjoignent deux nouvelles espèces nordiques non représentées dans la plage B (Kadolski et Cataliotti-Valdina, 1999) : Littorina saxatilis, espèce atlantique, mais qu'on retrouve ponctuellement vivante en Méditerranée [Lagon de Venise (Italie) et Golfe de Gadès (Tunisie)] et L. fabalis, actuellement à distribution exclusivement atlantique, au nord de 38°5 de latitude Nord. La présence au Pléistocène moyen final de ces deux espèces, traduit une descente de faunes océaniques « froides », plus nordiques, en dessous du seuil de Gibraltar vers la Méditerranée (Brebion, 1979; Lecointre, 1952), comme conséquence d'un refroidissement de la température de la mer, au stade isotopique 6, bien que la faune de l'ensemble C de la grotte du Lazaret reste dans son ensemble de nature relativement tempérée. De l'étude des coquilles marines récoltées dans les dépôts de la grotte du Lazaret, nous pouvons remarquer que, si au cours du stade isotopique 7 (plage marine B ou complexe stratigraphique B) l'ensemble des gastéropodes et lamellibranches présents montre un cachet méditerranéen banal, les coraux ici représentés (notamment Astroides calycularis) et les foraminifères Orbiculina universa, Globigerina bulloides, Globigerinoides ruber ainsi que la dominance d ' Elphidium aculeatum par rapport aux autres représentants du même genre, indiquent l'existence d'une mer plus chaude que la Méditerranée actuelle. M. neritoides semble être le seul représentant de la famille Littorinidae dans la formation côtière de cette période. Dans le remplissage continental (complexe stratigraphique C) se dégage une évolution vers un refroidissement de la mer marqué principalement par l'apparition des littorinidés nordiques L. saxatilis et L. fabalis. Ce refroidissement semble être plus important vers le sommet du remplissage (ensemble C III) avec 69 % de littorines nordiques (37,7 % L. fabalis et 31,3 % L. saxatilis) par rapport au total de littorines (Tableau 1), plus atténué dans le niveau supérieur de l'ensemble C II (57,5 % de littorines nordiques, dont 8,2 % pour L. fabalis et 49,3 % pour L. saxatilis) et surtout dans le niveau correspondant à l'unité archéostratigraphique UA 25, avec seulement 10,5 % (0,6 % pour L. fabalis et 9,9 % pour L. saxatilis, Lumley et al., 2004). Si le plancher stalagmitique daté des stades isotopiques 5 à 3 (complexe stratigraphique E) ne permet pas de poursuivre l'évolution faunique dans la grotte, les données contemporaines provenant de la formation de la Ville Marcella en contrebas de celle -ci (Falguères, 1986), montrent un net réchauffement de la mer au stade isotopique 5. Ce réchauffement se traduit au niveau des Littorinidés par la disparition complète des deux taxons nordiques (L. fabalis et L. saxatilis; signalées à nouveau en Méditerranée au Würm I-II en Sicile [stade isotopique 4; L. saxatilis ]) et au Tardigravettien de la Baume Goulon et du Rouet (stade isotopique 2; L. « obtusata », Cataliotti-Valdina, 1984; Cade, 2004) et la présence exclusive de M. neritoides associée cette fois à Strombus bubonius, composant principal des faunes chaudes d'origine sénégalaise et caractéristique du stade isotopique 5,5 (Tyrrhénien) du nord de la Méditerranée, mais signalée en Méditerranée, au stade isotopique 7 de la Péninsule Ibérique en dessous du parallèle 40° Nord (Goy et al., 2003). Bien que dans cette formation, il manque la majeure partie des « éléments sénégaliens » associés à cette période, la seule présence de S. bubonius montre le caractère chaud de la mer (probablement le maximum de réchauffement connu pour la Méditerranée durant le Quaternaire). La découverte de mollusques marins sur chacune des entités du remplissage de la grotte du Lazaret présente un intérêt particulier dans la mesure où l'analyse isotopique ( 18 O ‰) apporte de précieuses informations sur la caractérisation des paléotempératures de la mer Méditerranée aux différentes époques considérées. Ainsi, le remplissage de ce site correspond à une période qui s'étendrait d'une partie du Pléistocène moyen au Pléistocène supérieur (300 000-60 000 ans). La présence de coquilles sur la quasi-totalité des ensembles stratigraphiques définis a deux origines possibles : les organismes sont en place ce qui correspond aux sédiments des plages A et B. L'occupation du site par ces mollusques est rendue possible par des phénomènes d'eustatisme et de tectonique; l'apport serait anthropique pour une partie des coquilles; cette possibilité est attestée par la découverte de nombreux outils préhistoriques mis au jour lors des fouilles. En ce qui concerne la caractérisation des variations de la température de l'eau de la mer aux périodes considérées, il est important de souligner que les variations de la température de l'eau, entre les périodes glaciaires et interglaciaires, correspondraient à des valeurs assez proches, voisines de quelques degrés (5 °C). Par ailleurs, si l'on envisage que ces valeurs soient significatives, il faut admettre en général que les organismes fabriquent leur coquille, de façon continue au cours des différentes saisons. D'autre part, si l'on considère que la teneur en carbonate de la coquille se réalise à l'équilibre avec l'eau de mer, l'évaluation de la valeur 18 O ‰ des coquilles pour chacune des unités stratigraphiques, nous permettra d'évaluer les variations climatiques survenues au cours du remplissage archéologique. Les valeurs 18 O ‰ d'une partie du matériel étudié sont présentées dans le tableau 1 et sont, en général, en accord avec les variations climatiques observées à l'échelle globale (océan Pacifique, océan Atlantique…). La découverte d'espèces caractéristiques telles que Strombus bubonius nous a amenés à comparer les données isotopiques fossiles et actuelles pour certains taxons (Strombus bubonius, Spondylus, Melarhaphe). Les analyses comparatives sont en cours de réalisation. Toutefois, la présence de certains organismes caractérise des niches écologiques bien identifiées actuellement. Les spondyles (stade isotopique 7; 18 O = - 1 ‰) trouvés dans la plage marine B valident les données isotopiques qui indiquent des paléotempératures de la mer Méditerranée du même ordre de grandeur que la mer actuelle. L'analyse d'un spondyle actuel prélevé au cap Ferrat devrait confirmer cette hypothèse. La présence de certaines espèces de littorines (stade isotopique 6, 18 O = +1 ‰), mieux adaptées aux mers froides témoigne d'un refroidissement de la mer à cette époque. La présence de Strombus bubonius dans les sédiments de la villa Marcella, confirme un réchauffement notable de la mer méditerranée (stade isotopique 5, 18 O = - 0,5 ‰) et valide l'augmentation de la répartition géographique de cette espèce au cours du stade isotopique 5. Les premières datations ont été réalisées, il y a une quarantaine d'années, dans une des deux plages marines de la grotte, (Stearns et Thurber, 1965) puis de nombreuses autres analyses ont été effectuées dans les différents niveaux continentaux du remplissage. Les divers prélèvements ont été datés par la méthode U-Th et par la méthode ESR. Il s'agit en particulier des coraux de la plage B (complexe inférieur), (Bahain, 1993; Michel et al., 2000; Michel et Yokoyama, 2001), des restes fauniques du complexe stratigraphique C constitué par les ensembles archéologiques CI, CII et CIII (Michel, 1995; Michel et al., 2000; Michel et Yokoyama, 2001) et du plancher stalagmitique E (complexe supérieur) (Falguères et al. 1992; Shen, Turpin et Ghaleb, 1995 in Michel et al., 2000). Parmi l'ensemble des analyses en datation effectuées sur la plage B (voir Michel et Yokoyama, 2001), c'est la datation U-Th des coraux (Cladocora caespitosa), prélevés à l'entrée de la grotte, dans le puits et au fond de la grotte (zone R25), qui a conduit à donner le repère chronologique le plus significatif pour ce niveau marin. Elle permet aussi d'attribuer une limite d' âge aux niveaux archéologiques du complexe C, sus-jacents. L'étude de la conservation des coraux par diffraction des RX a montré que plus le degré d'altération du corail fossile est élevé, de par la transformation de l'aragonite originelle en calcite, et plus l' âge U-Th est surestimé. La transformation du minéral entraîne une perte d'uranium. Ainsi, la plage marine B du Lazaret serait contemporaine du stade isotopique 7, mais l' âge U-Th de 238 ka (Bahain, 1993) obtenu sur les coraux les moins altérés d'après Michel et Yokoyama (2001), peut être considéré comme étant l' âge maximal pour ce niveau marin (Fig. 4). La datation U-Th des prélèvements de plancher stalagmitique E, et en particulier celle de la tranchée TRA(-H) par TIMS (en zone N21) où le plancher atteint trente centimètres d'épaisseur et recouvre l'ensemble stratigraphique et archéologique CIII, a permis d'apporter un repère chronologique supérieur au remplissage. En effet, l'étude des données U-Th par spectrométrie alpha (Falguères et al., 1992) et par spectrométrie de masse à ionisation thermique TIMS (Shen, Turpin et Ghaleb, 1995 in Michel et al., 2000) montre que le plancher E s'est formé au cours des stades isotopiques 5, 4 et 3 (Fig. 4, Tableau 1). L'utilisation de la technique TIMS, la plus précise sur ce type d'échantillonnage, conduit à un domaine d' âge compris entre 108 ka et 44 ka pour la base et le sommet de la tranchée TRA (- H). La datation ESR/U-Th combinée a été réalisée sur l'émail de dents prélevées sur des mâchoires de cerfs. Les échantillons sont bien conservés (Michel et al., 1995). Les âges ESR EU (early uptake) et LU (linear uptake) (Ikeya, 1993) sont présentés dans le tableau 5 ainsi que les âges U-Th (Michel et al., 2000). La combinaison des données U-Th et ESR conduit à la détermination de p, paramètre d'incorporation d'uranium dans l'échantillon. Dans l'ensemble C III, deux échantillons présentent un âge U-Th supérieur à l' âge ESR EU avec deux valeurs de p de –1,1, en dehors du domaine de définition de Grün et al. (1988) (D : p > - 1). Les résultats de cet ensemble C III ne sont pas concluants. Pour l'ensemble C II supérieur, le paramètre p indique un mode compris entre les modes EU (p = - 1) et LU (p = 0) (Tableau 5). Les moyennes pondérées déterminées à partir des âges ESR (EU) et (LU) de l'ensemble CII supérieur conduisent à un domaine d' âge compris entre 130 et 160 ka. Dans le Locus VIII, on note un rajeunissement des âges ESR par rapport au niveau CII supérieur. Des fluctuations d'uranium plus importantes dans cette zone de la grotte sont observées avec une détermination plus délicate de l' âge. Les deux datations non concordantes de l'ensemble C I ne permettent pas d'aboutir à une conclusion chronologique. En résumé, les datations de l'ensemble C II supérieur sont les plus représentatives et permettent de situer le complexe stratigraphique C contemporain du stade isotopique 6 de l'oxygène, de 130 à 160 ka environ. L'étude de l'évolution du climat et du paléoenvironnement du site du Lazaret présente un intérêt majeur car nous disposons d'une séquence sédimentaire relativement continue de la fin du Pléistocène moyen au début du Pléistocène supérieur. Elle renferme non seulement des vestiges fauniques du milieu continental dans ses différents aspects, mais aussi des vestiges de plages fossiles et des tests de mollusques marins introduits involontairement par l'homme, permettant d'inférer les variations de température des eaux de la Méditerranée et notamment celle de la mer du stade 6 qui est totalement inconnue à ce jour tant dans les formations géologiques sous-marines que terrestres. La plage marine du stade 7 présente un cachet tempéré mis en évidence par la présence du madréporaire Astroides calycularis et de certains foraminifères (dont Globigerinoides ruber et Elphidium aculeatum). Les analyses biogéochimiques obtenues à partir des spondyles indiquent des paléotempératures de la Méditerranée de même ordre de grandeur que la mer actuelle. Les faunes de vertébrés (grands mammifères et rongeurs) identifiées dans les niveaux archéologiques de la grotte (complexe stratigraphique C) sont datées du Pléistocène moyen final (stade isotopique 6). Les données sont en accord avec les datations radiométriques établies par ailleurs, qui donnent un âge d'environ 130 à 160 ka à l'ensemble stratigraphique C II supérieur. Ces associations fauniques indiquent des milieux variés aux alentours du gisement. Le climat de la région à cette période était globalement plus frais et plus humide par rapport à l'actuel, avec une influence alpine très marquée. L'ensemble de la communauté des grands mammifères et des microvertébrés (rongeurs, insectivores, chiroptères, amphibiens, reptiles) est relativement homogène de la base au sommet du remplissage. Seules quelques fluctuations dans les proportions de certaines espèces enregistrées au sein du complexe stratigraphique C seraient liées à de petites oscillations climatiques au sein du stade isotopique 6 et montreraient dans l'ensemble un refroidissement de l'ensemble C II sup à l'ensemble C III. Le remplissage continental contient des restes de coquilles marines importées involontairement par les hommes lors du ramassage de végétaux marins pour alimenter les foyers et/ou aménager leur habitat. La présence de ces coquilles nous permet de connaître en partie le cortège de mollusques marins vivant sur le littoral de la mer du stade isotopique 6. À cette époque, on note en Méditerranée la présence de taxons nordiques à caractère froid (Littorina fabalis et Littorina saxatilis). Ce refroidissement de la mer est aussi attesté par les analyses isotopiques de l'oxygène. Au sein du remplissage continental, les proportions relatives des littorinidés obtenues dans les différents ensembles stratigraphiques indiquent une accentuation du refroidissement de la mer vers le sommet du remplissage, confirmée par les données des paléotempératures. La plage de la villa Marcella, en contrebas de la grotte, a été déposée par une mer tyrrhénienne riche en Strombus bubonius confirmant le réchauffement notable au stade 5 de la Méditerranée. Ce réchauffement observé sur la faune de mollusques marins paraît moins accusé au niveau des résultats des paléotempératures obtenues à partir de la composition isotopique de l'oxygène ( 18 O) . | L'évolution climatique et environnementale enregistrée dans la grotte du Lazaret a été établie à partir de l'étude des faunes des vertébrés (mammifères, amphibiens, reptiles) et des mollusques marins, et placée dans le cadre chronologique du Quaternaire. Les faunes de vertébrés permettent d'attribuer les dépôts archéologiques (complexe C) à la dernière période glaciaire du Pléistocène moyen (OIS 6). Leurs exigences écologiques mettent en évidence une certaine variété de paysages continentaux et un climat plus frais et plus humide que l'actuel climat méditerranéen. L'étude δ18O %o des mollusques marins d'origine anthropique a montré que lors du dépôt de ces formations continentales, la température de la Méditerranée était globalement plus froide que celle de la mer actuelle et surtout des mers transgressives des stades isotopiques 7 et 5e enregistrées dans le site et à proximité. La présence de littorines nordiques (L. fabalis et L. saxatilis) dans les ensembles stratigraphiques C II sup. et surtout C III, confirme ce refroidissement amorcé au stade 6,4, amplifié au stade 6,2 avec un petit adoucissement lors du dépôt de l'unité archéostratigraphique UA25 (stade 6,3). La méthode ESR/U-Th combinée appliquée à l'émail dentaire de cerfs confirme l'attribution de l'ensemble stratigraphique C II supérieur au stade isotopique 6 de l'oxygène. Les résultats sont compatibles avec les repères chronologiques sous et sus-jacents au complexe stratigraphique C, que constituent d'une part, le niveau marin B inférieur dont l'âge maximal est de 238 ka et d'autre part, le plancher stalagmitique supérieur E qui se serait formé au cours des stades isotopiques 5, 4 et 3 d'après les datations U-Th. | archeologie_08-0463640_tei_382.xml |
termith-117-archeologie | Comprendre le statut économique des différents animaux chassés par les Magdaléniens d'Europe occidentale demeure l'un des objectifs de notre recherche, focalisée sur trois espèces qui semblent avoir eu un rôle-clé dans la société magdalénienne : le Renne, le Cheval et le Lièvre variable. Nous tentons de préciser la place de ces gibiers dans l'économie des groupes humains et d'identifier les modalités de leur exploitation en multipliant les études de collections anciennes et récentes (Fontana 2000; Fontana 2003; Fontana 2004; Chauvière et Fontana 2005; Chauvière et al. 2006; Chauvière et Fontana sous presse; Fontana et Chauvière 2007; voir aussi Castel et al. 1998). Aujourd'hui, l'analyse des données semble souligner une exploitation particulière de chacun de ces trois gibiers et les questions ne se posent pas dans les mêmes termes selon qu'il s'agit du Renne, du Cheval ou du Lièvre variable. Si ce dernier est l'un des rares animaux dont l'analyse des restes documente le prélèvement de la fourrure au Magdalénien, son exploitation apparaît comme hétérogène à tous points de vue (acquisition, exploitation et consommation). Tout l'intérêt de l'étude du Lièvre variable des niveaux du Magdalénien IV de La Madeleine (Tursac, Dordogne) réside précisément dans la possibilité de caractériser l'exploitation globale de cette ressource, par l'étude conjointe des déchets alimentaires et techniques et de la situer au sein des autres ressources animales. Le fait qu'il soit le seul gisement du sud-ouest français, hors Charente, à témoigner de l'exploitation de cet animal, renforce cet intérêt. Au terme de notre première synthèse relative à l'exploitation du Lièvre variable (Lepus timidus), réalisée à partir des données de 23 sites magdaléniens d'Europe occidentale, plusieurs faits nous semblaient acquis (Fontana 2004). D'une part, le caractère exceptionnel et l'isolement géographique des sites où le Lièvre fut particulièrement recherché ainsi que la rareté, et peut-être la spécificité, d'une telle exploitation entre 15 000 et 14 000 BP. D'autre part, le fait que le statut de ce gibier ne fut pas celui d'un complément alimentaire et le fait que sa fourrure fut préférée, au moins en certains lieux et à certains moments, à celle des carnivores et notamment du Renard commun et de l'Isatis. Nous avions noté une grande diversité des situations, qu'il s'agisse des modalités d'acquisition, d'exploitation ou encore de consommation, ainsi que l'originalité des données de la grotte Gazel (Fontana 2003). Au regard de ce premier bilan, l'intérêt de l'étude des restes de Lièvre variable de La Madeleine était évident puisque ce gisement est l'un des trois sites d'Europe occidentale (avec la grotte Gazel dans l'Aude et Kesslerloch en Suisse) du Dryas ancien où le Lièvre variable fut l'un des principaux gibiers. Nous avons donc étudié les collections du Magdalénien IV de La Madeleine avec trois objectifs : caractériser l'exploitation du Lièvre en précisant sa part au sein des autres ressources animales, la nature de sa contribution économique, le mode de son acquisition; évaluer la contribution de cette étude à l'identification du statut économique du Lièvre variable en mettant en perspective les nouvelles données avec le bilan précédemment effectué; comprendre comment l'exploitation du Lièvre à La Madeleine se situe par rapport à celle des lièvres des deux autres sites occupés au Dryas ancien. Le site de La Madeleine a fait l'objet de multiples fouilles depuis sa découverte en 1863 par É. Lartet et H. Christy. Vaste abri sous-roche de 250 mètres de long au pied d'une falaise surplombante de 45 mètres, ce gisement orienté au sud s'étendait sur la rive droite de la Vézère (fig. 1). Si les fouilles d' É. Lartet dans la partie centrale puis celles de L. Girod et É. Massenat (vers 1895) et d' É. Rivière (vers 1901) plus à l'ouest (fig. 2) occupèrent au total une vaste surface, elles ne concernèrent pas l'intégralité du remplissage. Elles mirent au jour de nombreux restes fauniques, identifiés par É. Lartet (Lartet et Christy 1865-1875) et aujourd'hui dispersés. A partir de 1910, D. Peyrony commença ses travaux en évacuant les déblais des fouilles de ses prédécesseurs, ce qui lui permit d'exhumer une grande quantité de matériel et d'identifier les secteurs vierges. Il commença ensuite ses fouilles, qui s'étendirent du fond de l'abri jusqu' à la limite du surplomb rocheux sur quasiment toute la longueur, de part et d'autre d'un énorme bloc qui délimita les parties ouest et est. La partie ouest, majoritairement fouillée, était essentiellement composée d'une “terrasse” que Girod, Massénat et Rivière ne fouillèrent intégralement que sur une vingtaine de mètres carrés, en laissant intactes les couches inférieure et moyenne sur tout le reste de l'espace que fouilla ensuite Peyrony. Le secteur est était occupé en partie par une “grande cuvette” (cf. fig. 2), laissée intacte par Lartet et que Peyrony fouilla entièrement. Il interrompit ses investigations en 1913 et ce n'est qu'en 1926 qu'il entreprit quelques travaux à l'est où il découvrit la sépulture d'un enfant (Bouvier 1972). La stratigraphie qu'il établit à partir du relevé de six coupes distingue trois couches sédimentaires qu'il assimila à trois ensembles archéologiques (fig. 3a). La couche inférieure, attribuée au Magdalénien IV, était constituée d'un “sable terreux d'inondation” dont l'épaisseur variait de 0,25 à 1 mètre (Capitan et Peyrony 1928, p. 17). La couche moyenne, d'une épaisseur variable non précisée, était à la base “de nature sableuse presque identique à l'inférieure” et dans sa partie supérieure “composée de petits éléments calcaires mélangés à du limon rouge brique, un peu argileux” (ibid., p. 63); elle renfermait le Magdalénien V. La couche supérieure, contenant le Magdalénien VI, était “brune, composée de terre et de nombreux éléments calcaires, gros et petits” et son épaisseur variait de 0,50 à plus d' 1,50 mètre à l'est (ibid., p. 81). Dans ce vaste espace fouillé par D. Peyrony, les couches inférieure et moyenne étaient globalement réparties sur l'ensemble de l'abri à l'exception de la grande “cuvette” qui contenait uniquement la couche supérieure (ibid., p. 15). Celle -ci recouvrait en partie la couche moyenne à l'ouest et emplissait intégralement la grande “cuvette ”. Les restes fauniques recueillis furent déterminés par É. Harlé (Mammifères) et M.E.F. Newton (Oiseaux). Une nouvelle détermination, doublée d'un dénombrement des restes d'ongulés, a été effectuée plus récemment (Madelaine 1989); elle vient compléter une étude paléontologique des restes de Lièvre variable (Donard 1982). L'industrie en matières dures d'origine animale a fait l'objet de plusieurs travaux (détail dans Bundgen 2002). Celle des séries Peyrony a servi de base à Henri Breuil pour la subdivision du Magdalénien moyen et supérieur en trois phases (Magdalénien IV, V, VI) (Breuil 1937). Les études de cette industrie sont nombreuses et elles ont porté sur les bâtons percés (Peltier 1992), les “sagaies” (Bouvier 1974; Delporte et al. 1988), les têtes de harpons (Julien 1982 et 1995), les foënes, hameçons et biseaux (Bellier et al. 1995; Averbouh et Cleyet-Merle 1995; Provenzano 1998) ainsi que les aiguilles à chas (Stordeur-Yedid 1979) et les crochets de propulseurs (Cattelain 1988. Plus récemment, certains restes d'ivoire de mammouth ont été analysés dans une perspective technique par C. Fradet (2005). Les derniers travaux en date de J.-M. Bouvier (1967-1983), un sondage et des fouilles de 50 mètres carrés dans le secteur ouest (cf. fig. 2), visaient notamment à “affiner les distinctions stratigraphiques des couches sédimentaires et des niveaux archéologiques qu'elles contiennent…” (Bouvier 1977, p. 64). L'étude de H. Laville mit en évidence trois ensembles stratigraphiques contenant 19 couches (fig. 3b). L'ensemble supérieur (couche A) correspondait à “une accumulation de castine sur 4,50 mètres d'épaisseur maximale ”. L'ensemble moyen (3, 5 mètres d'épaisseur), “d'origine exclusivement cryoclastique ”, contenait les vestiges des occupations du Magdalénien V et VI (couches B à H). L'ensemble inférieur (3 mètres), “de nature essentiellement alluviale ”, comprenait les témoins d'occupation du Magdalénien IV et V (couches I à S) (Laville 1975, p. 326); il reposait sur le sol rocheux de l'abri. A partir des 18 niveaux archéologiques définis et renumérotés après 1975, Bouvier distingua cinq niveaux du Magdalénien IV (30 à 26), six niveaux du Magdalénien V (25 à 20) et sept niveaux du Magdalénien VI (19 à 13) (cf. fig. 3b). Notons que le sol rocheux de l'abri, atteint lors de ses fouilles, se situait “plusieurs mètres sous ce que D. Peyrony appelait le “sol naturel” du gisement.” (ibid., p. 323). Bouvier n'attribua aucun de ces niveaux d'occupation à un Magdalénien antérieur au Magdalénien IV et confirma la seule présence du Magdalénien moyen et supérieur. Quatre des 18 niveaux archéologiques (19, 21, 25, 26) ont fait l'objet de datations radiocarbone (Bouvier 1973, 1977, 1979). Ainsi, le Magdalénien IV n'est daté que par le niveau le plus récent (26) - 13 440 +/ - 300 BP (Ly 919) et aucun reste provenant des fouilles Peyrony n'a été daté. Une partie des vestiges fauniques issus des fouilles Bouvier a été déterminée par F. Delpech (Delpech 1983) et l'exploitation des bois de Renne a fait l'objet d'une première étude (Bonnissent 1993). Les pointes en matières dures d'origine animale ont fait l'objet d'une étude morphométrique (Bouvier 1974), puis l'ensemble de l'industrie fut inventoriée, sur des bases essentiellement typologiques, par B. Bundgen qui décompta 143 pièces (Bundgen 2002). A l'issue de cette présentation succincte des différentes fouilles et études, il apparaît que les restes de Lièvre variable, manufacturés ou non, n'ont jamais fait l'objet d'une analyse approfondie. Ils n'ont jamais été comptabilisés, ni même triés dans l'optique d'une éventuelle identification de déchets d'industrie en os. De plus, l'essentiel des restes de Lièvre exhumés lors des fouilles Peyrony provient de la base de la couche inférieure, horizon qui n'a jamais été mis en relation avec un ou plusieurs niveaux des fouilles Bouvier. Ceci est d'autant plus regrettable qu'aucun des niveaux des fouilles Bouvier ne contient une telle abondance de restes de Lièvre. C'est donc la question de la représentativité des collections qui se pose à présent. La question de la représentativité concerne d'une part, la totalité des restes fauniques et, d'autre part, les seuls restes de Lièvre variable. Dans quelle mesure les deux collections sont-elles représentatives, qualitativement (en termes spécifique et anatomique) et quantitativement de ce qui a été exhumé et de ce que contenait le site ? La représentativité des séries dépend avant tout des conditions de conservation, excellentes sur ce site. Elle dépend également des volumes et des surfaces fouillés ainsi que des méthodes de prélèvement, plus ou moins sélectif, qui ont pu être préjudiciables à la représentation des restes fauniques en général et du Lièvre en particulier. La représentativité des restes fauniques est également liée à l'histoire des collections, qui ont subi diverses “amputations” successives. Nous avons déjà montré, avec l'étude du Fourneau du Diable (Bourdeilles, Dordogne), que l'ancienneté des fouilles ne limite pas systématiquement et totalement la représentativité des assemblages fauniques; chaque site est un cas particulier (Fontana 2001). Qu'en est-il de la série Peyrony et tout d'abord de la collecte des restes fauniques ? Il est dit que “Toute la faune a été recueillie” (Capitan et Peyrony 1928, p. 62), ce dont on peut théoriquement douter en raison de l'absence de tamisage. Mais surtout, compte tenu de la surface fouillée (au moins 300 mètres carrés), du remplissage et de la densité du matériel, on imagine difficilement que la couche inférieure contenait seulement 2 149 restes alors que les quatre niveaux inférieurs des fouilles limitées de Bouvier en ont livré près de 5 400 (cf. infra). De plus, la rareté des restes de taxons de petite taille témoigne d'une récolte sélective, effectuée aux dépens des Poissons, des Oiseaux, des Micromammifères et, peut-être, des petits Carnivores et des Lagomorphes. De la même façon, la représentation des parties squelettiques témoigne d'un tri sélectif au profit des parties aisément identifiables (dents, os entiers et extrémités d'os longs). Que penser alors de la représentativité des restes de Lièvre issus d'une telle collecte ? D. Peyrony fut frappé, sur la fouille même, par la grande quantité des restes de cet animal apparaissant sous la forme d' “un lit d'ossements […] de 4 à 5 centimètres d'épaisseur.” (ibid. p. 19) à la base de la couche inférieure. Il affirme les avoir prélevés avec soin, ce que confirment la rareté des fractures récentes et la présence de quasiment toutes les parties du squelette (cf. infra). Cette concentration des restes a probablement rendu la collecte moins partielle que s'ils avaient été dispersés. De plus, s'il apparaît, à l'instar des restes des autres espèces, que les fragments de diaphyse n'ont pas été systématiquement récoltés, nous verrons que cela altère peu la représentation des parties du squelette. Il semble donc que les choix de collecte de Peyrony n'ont pas agi en défaveur de la représentation des petits restes du Lièvre, que ce soit par rapport aux autres espèces ou en termes de représentation des parties squelettiques. La représentativité de cette collection a -t-elle été altérée par la destination des restes de Lièvre ? Peyrony a vendu un grand nombre de pièces et le produit de ses fouilles fut dispersé en France comme à l'étranger. Nous avons constaté qu'aucun des musées français et allemands qui abritent certains objets issus de ces fouilles, ne possède plus de quelques restes de Lièvre. Il est donc fort probable que la série Peyrony des restes de Lièvre conservée au Musée National de Préhistoire des Eyzies soit représentative de ce qui fut exhumé. C'est plutôt la perte des collections plus anciennes qui pose la question de la représentativité des restes de Lièvre de la série Peyrony. Néanmoins, puisque la base de la couche inférieure contenant ce “lit d'ossements ”, n'avait été que très peu atteinte par les anciennes fouilles, à l'Ouest et au centre de l'abri, il est fort probable que ces travaux ne nous aient pas privés de nombreux restes de Lièvre. En revanche, il semble que, lors de la conservation de la série Peyrony, une partie des restes de Lièvre ait été perdue après un tri par partie anatomique, avant qu' É. Donard ne réalise son étude paléontologique (cf. supra). En effet, il nous est immédiatement apparu que certains os faisaient défaut : quasiment tous ceux du squelette axial (vertèbres, côtes, sternum, os du crâne), tous les tarsiens à l'exception des calcanéums, tous les carpiens, les os sésamoïdes, les rotules, les phalanges II, III et les phalanges I antérieures. Ceci ne peut être interprété en termes de prélèvement de bas de pattes puisque les premières phalanges postérieures, les calcanéums et les métapodes sont présents. L'hypothèse de la récolte sélective (on ne collecte pas les plus petits os, difficiles à distinguer) n'est pas plus défendable : on aurait collecté les seules premières phalanges postérieures qui sont plus petites que les antérieures, les calcanéums et pas un seul astragale (à peine plus petit), pas un seul maxillaire ni une seule dent isolée mais de nombreux restes de microfaune ? De plus, la plupart de ces petits restes manquants ne sont en général pas fragmentés (comme les diaphyses dont Peyrony n'a pas prélevé ou conservé les petits fragments) dans les corpus connus. Encore une fois, la présence exclusive des premières phalanges postérieures constitue un argument fort pour penser que les restes de Lièvre ont été collectés dans leur intégralité, à l'exception des petits fragments de diaphyse. Dès lors, on peut imaginer qu'ils ont été triés et conditionnés par partie anatomique et qu'une partie des boîtes renfermant ces os a ensuite été égarée. Cette hypothèse est confirmée par la présence, parmi les restes fauniques, de deux petits blocs de terre, prélevés lors des fouilles Peyrony mais jamais “fouillés ”, qui contenaient 31 restes de Lièvre : des sésamoïdes, deux os du tarse, des phalanges, une sternèbre, des côtes, des vertèbres. Il semble donc que ces parties anatomiques étaient à l'origine présentes dans les dépôts archéologiques. Leur présence dans la collection Bouvier le confirme. La question de la représentativité ne se pose pas dans les mêmes termes pour la série Bouvier. Le fait qu'un quart de la série faunique totale ne puisse être utilisée, car elle ne portait plus aucune mention des couches d'appartenance lors de son transfert au Musée national de Préhistoire des Eyzies en 2004-2005, n'a pas affecté nos données. Nous savons en effet que cet échantillon ne contenait que de rares restes de Lièvre. Ceux de la collection Bouvier que nous avons étudiés sont issus de fouilles récentes dont les méthodes de prélèvement ne peuvent, en principe, avoir altéré la composition initiale de l'assemblage puisque tous les restes fauniques (y compris les fragments de diaphyse) furent recueillis et les sédiments tamisés à l'eau (maille inconnue). Pourtant, la représentation des parties squelettiques du Lièvre et la taille minimale des esquilles indiquent un biais qui témoigne que les plus petits restes de Lièvre n'ont pas été récoltés au tamisage et/ou au tri des refus de tamis. En ce qui concerne l'espace fouillé, le fait que la superficie ait été bien moindre que celle des fouilles Peyrony ne constitue pas, en soi, une limite à la représentativité de l'échantillon. C'est plutôt la combinaison de trois facteurs qui a pu intervenir dans la représentativité de la collection Bouvier (cf. fig. 2) : la localisation des fouilles à l'extrême ouest, la forme de l'espace fouillé qui correspondait davantage à une tranchée, la taille restreinte de la fouille comparée à celle de l'ensemble du site. Pour conclure, les restes de Lièvre des séries Peyrony et Bouvier proviennent de secteurs différents qui n'avaient pas la même étendue; ils n'ont pas été prélevés de la même façon et l'histoire de leur conservation ou de leur étude est différente. On peut déjà supposer que le manque de représentativité de la série Peyrony est bien identifié et qu'il se caractérise par une sous-représentation du nombre de restes, en majorité des fragments de diaphyse et de tout petits os. En revanche, on ignore dans quelle mesure le fait que les vestiges proviennent d'une surface limitée, excentrée par rapport aux fouilles antérieures, altère la représentativité des restes issus des fouilles récentes. C'est l'étude détaillée qui peut contribuer à répondre à cette question. Le fait que la quasi-totalité des restes de Lièvre de la série Peyrony provient de la couche inférieure attribuée au Magdalénien IV, est confirmé : 752 des 762 restes appartiennent à cette couche. Il en est de même pour la série Bouvier dont 283 restes proviennent des couches (26 à 29) du Magdalénien IV et 50 des couches (25 à 21) du Magdalénien V (tabl. 1). Examinons maintenant en détail la question de la part du Lièvre, à partir de notre échantillon de 1035 restes composé des deux collections du Magdalénien IV (tabl. 2). Dans les deux séries, 99 % des restes identifiés appartiennent à trois espèces dont la part diffère d'une collection à l'autre. Les restes de Lièvre représentent, dans la série Bouvier et d'après nos derniers décomptes, 5,3 % des restes appartenant aux trois premiers gibiers. Cette part du Lièvre est très proche de celle indiquée (7 %) par F. Delpech (1983) dans l'étude d'un échantillon de 1 264 restes déterminés, pour les quatre niveaux du Magdalénien IV, issu du produit des fouilles 1968-1978 (tabl. 3). Si le nombre de restes de Lièvre (283) est aujourd'hui quatre fois plus important, c'est au sein d'une collection qui compte également quatre fois plus de restes (5 373). Dans cette série récente, le Lièvre est le troisième gibier, après le Cheval et le Renne. Il semble donc nettement moins bien représenté que dans la série Peyrony où il est le second gibier après le Renne et devant le Cheval, au sein d'un spectre bien plus diversifié (tabl. 4). Néanmoins, la place réelle du Lièvre par rapport aux deux autres gibiers est, dans la série Peyrony, très difficile à estimer (tabl. 5 et fig. 4). Cette série compte 2,5 fois moins de restes que la collection Bouvier, en dépit de la grande surface fouillée et en raison d'une collecte sélective mais trois fois plus de restes de Lièvre qui représentent 35 % de l'ensemble. Les restes de Renne et/ou de Cheval ont été eux aussi partiellement collectés et on ignore donc si la part de chacun des trois gibiers est représentative ou bien si une des trois espèces est sous ou sur-représentée. La comparaison avec les chiffres de la série Bouvier est là encore instructive (cf. tabl. 5 et fig. 4). La différence est pour le moins surprenante puisque la part du Renne dans la série Peyrony est de 40 % (cinq fois moins de restes) contre 80 % dans la série Bouvier. On peut imaginer que le nombre initial de restes de Renne était bien plus important car il est peu probable que le Renne représentait 80 % des restes dans 50 mètres carrés situés à l'ouest et seulement 40 % sur la plus grande partie de l'abri anciennement fouillé. On connaît la grande dispersion des vestiges de Renne de la collection Peyrony et elle peut en grande partie expliquer cette faible part du Renne. Quoi qu'il en soit, si la représentation du Renne dans la collection Peyrony fut de 80 % comme dans les fouilles Bouvier, cela signifie que ce gibier est bien plus sous-représenté que le Lièvre. Ceci était notre hypothèse de départ en raison de la concentration des restes de Lièvre, du soin que Peyrony a apporté à leur collecte, comme le confirme la présence de certains petits os (infiniment plus petits que ceux récoltés pour le Renne), et de leur moindre dispersion. Il est donc fort probable que la part du Renne soit en réalité bien plus importante que celle du Lièvre. De la même façon, il est possible que la représentation du Cheval obéisse à une logique identique à celle du Renne, ses restes ayant probablement été collectés de la même façon. La part du Lièvre est donc surestimée dans la série Peyrony, aux dépens de celle du Cheval et du Renne, et le spectre faunique, moins diversifié. Retenons que, dans la série Bouvier, la part de 5,3 %, qui place le Lièvre au rang de troisième gibier, est représentative de l'espace fouillé alors que celle de 35 % pour la série Peyrony, issue d'une collecte probablement sélective au profit du Lièvre (second gibier), ne l'est pas. La part du Lièvre à La Madeleine se situe donc probablement entre 6 et 25 %. L'exploitation du petit gibier, qu'il s'agisse de lagomorphes, de petits carnivores, d'oiseaux ou de poissons, ne laisse pas systématiquement d'indices tels que des traces de silex, des fractures et une représentation des parties squelettiques caractéristiques, ou encore une sur-représentation des individus adultes. De plus, la probabilité d'identifier des témoins d'une exploitation du petit gibier décroit avec le nombre de restes, ce qui pose problème dans le cas des petites séries, majoritaires en Europe occidentale (Fontana 2004). Ceci est d'autant plus gênant dans les contextes d'abris et de grottes où peuvent se trouver des restes de Lièvre issus du repas de certains rapaces et carnivores. C'est un ensemble d'indices, voire des témoignages indirects, qui permet de démontrer le caractère anthropique de l'origine de restes de lièvres, à condition de disposer d'une série conséquente. Cette question ne se pose pas à La Madeleine, puisque, une fois n'est pas coutume, son exploitation a laissé de nombreux indices et notamment des traces de silex identifiées sur 46 restes osseux. Elles traduisent divers types d'actions liées au traitement des carcasses, à la fabrication de supports et/ou d'objets (tabl. 6 et cf. infra). Seuls deux restes portent des traces laissées par des carnivores. Plus de 95 % des individus représentés sont des lièvres adultes, ce qui renforce le premier diagnostic : les levreaux n'ont pas été capturés ou, s'ils l'ont été, n'ont pas été rapportés sur le site. Le troisième indice réside dans la représentation des parties squelettiques qui correspond, en tous points, à ce que l'on connaît des accumulations anthropiques (Hockett 1991, 1992, 1994; Morel et Müller 1997; Speth 2000; Hockett & Haws 2002; Fontana 2003; Cochard 2004) : présence de toutes les parties du squelette, proportions équivalentes des membres antérieur et postérieur, abondance des os des membres et des ceintures, forte représentation des métapodes et notamment des métatarsiens, sous-représentation du squelette axial et forte représentation de la mandibule par rapport au crâne (tabl. 7). Enfin, la fracturation des restes de la collection Bouvier présente les caractéristiques relatives à une accumulation anthropique puisque les os longs complets sont rares (aucun en C. 27, 4 métapodes en C. 28, cf. tabl. 7), comme sur de nombreux sites (Hockett 1992; Morel et Müller 1997; Haws 2003). En revanche, les cylindres diaphysaires (notamment de tibias), qui constituent, pour certains, une preuve d'extraction de la moelle (par exemple Cochard 2004; Hockett 1991 et 1995; Morel et Müller 1997; Perez Ripoll 1993; Schmitt 1990), sont rarissimes dans la collection Bouvier (aucun en C. 28, 2 tibias en C. 27) et peu nombreux dans la collection Peyrony (deux humérus, deux radius et quatre tibias pour trois fois plus de restes). Les fragments d'os longs cylindriques, abondants, sont plutôt des diaphyses dotées d'une des deux extrémités. Elles témoignent d'un autre type de cassure, par flexion, qui est également documenté dans les assemblages anthropiques (Hockett & Bicho 2000; Perez Ripoll 2002). D'autres morphologies de bords de fracture traduiraient la fracturation par percussion (cf. infra). Enfin, l'intervention d'autres prédateurs (carnivores) est limitée et identifiable grâce aux traces figurant sur deux diaphyses de radius (série Bouvier). Il ne fait donc aucun doute que les lièvres de La Madeleine ont été la proie des Magdaléniens. A quel(s) moment(s) de l'année ont-ils été chassés ou piégés ? On peut émettre une hypothèse à partir des trois seuls restes immatures, qui indiquent la présence d'individus âgés de neuf mois. Si l'on considère l'existence, à partir des données actuelles de l'éthologie, d'une ou plusieurs périodes de reproduction entre les mois de mai et août, et si ces trois levreaux ont été capturés aux mêmes moments que les adultes, alors les captures auraient eu lieu entre les mois de février et mai. On ne peut cependant exclure, en raison de la rareté des restes de levreaux, la possibilité de captures à plusieurs moments de l'année et ce d'autant que les rennes ont été chassés en automne, en hiver et au printemps, voire en été (Bouchud 1966; Fontana en cours). Enfin, la présence de quasiment tous les éléments du squelette atteste que les dépouilles furent rapportées entières, comme dans les quelques autres sites connus (Cochard 2004; Fontana 2003; Morel et Müller 1997; Müller dans Bullinger et al. 2006). Des lièvres adultes furent donc capturés et rapportés entiers au site où le traitement de leur carcasse s'est déroulé selon des modalités qui restent maintenant à identifier. L'enjeu de l'étude est de déterminer la nature de l'exploitation du Lièvre variable : fut-elle ciblée sur un produit ou fut-elle multiple ? Cette question est fondamentale si l'on veut comprendre la place du Lièvre dans l'économie et donc identifier le caractère, impératif ou opportuniste, de son acquisition. Pour cela, il faut identifier les produits qui furent prélevés, consommés et utilisés puis caractériser leur exploitation (systématique ou anecdotique, plus ou moins intense). Mais la mise en évidence du prélèvement et de la consommation de certains produits est parfois problématique et discerner la part de chacun d'entre eux l'est bien davantage, pour des raisons d'ordre méthodologique, comme nous allons l'illustrer maintenant. L'analyse des parties du squelette témoigne, directement et indirectement, des modalités d'apport et surtout de rejet des carcasses, au même titre que l'étude de la fragmentation et des traces mais d'une façon différente. Précisons que la représentation des parties squelettiques est calculée en % des parties observées (% PO). La représentation des parties squelettiques du Lièvre de la série Peyrony présente une particularité déjà évoquée : les plus petits os sont absents ou rarissimes et témoignent d'une collecte sélective (tabl. 8; fig. 5). On note également la présence de tous les os longs et des ceintures, dans des proportions diverses qu'il s'agit d'interpréter (cf. fig. 5). La forte représentation des métapodes, notamment des métatarsiens, peut s'expliquer par le fait que ce sont, parmi les os longs, ceux qui sont le moins fragmentés : seuls trois des 113 métacarpiens ne sont pas entiers et 51 % des 116 métatarsiens le sont, alors que parmi tous les autres os longs, aucun n'est entier. Davantage fragmentés, et donc moins bien collectés, ces derniers sont sous-représentés par rapport aux métapodes. La seconde caractéristique est l'homogénéité des représentations par segment anatomique. Trois des quatre métatarsiens (II, III, IV) sont représentés entre 65 et 80 % et les os du reste du membre postérieur (calcanéum, tibia, fémur et coxal) se situent tous entre 25 et 35 %. Il en est de même pour le membre antérieur si l'on admet que la faible représentation de la scapula et de l'ulna, os plus fragiles et plus fragmentés, dont seule l'articulation proximale est majoritairement conservée, peut résulter de la collecte sélective. Leur plus forte représentation dans la série Bouvier confirme cette hypothèse. Ces représentations assez homogènes par segment sont plutôt inattendues pour une série issue de fouilles anciennes. Il semblerait que, si les diaphyses fragmentées d'os longs n'ont pas été collectées, les épiphyses (avec ou sans fragment de diaphyse) l'aient été, ce qui renforce la représentativité de cet échantillon et montre que, dans ce cas, ne pas collecter les fragments de diaphyse n'altère pas ou très peu la représentation relative des os longs (à l'exception des métapodes, très peu fragmentés). Cela témoigne à nouveau du potentiel réel des collections fauniques anciennes, notamment du point de vue de la représentativité anatomique, comme nous l'avons déjà démontré pour les fouilles Peyrony du Fourneau du diable, à partir des restes de Renne (cf. s upra). Enfin, cette homogénéité n'est pas spécifique de La Madeleine (excepté le fait qu'elle concerne des fouilles anciennes) puisqu'elle transparaît également dans les seules données détaillées de Gazel, de Champréveyres et de Bois Ragot (Morel et Müller 1997; Fontana 2003; Cochard 2004). Le point fondamental est qu'une telle homogénéité de la représentation des parties squelettiques de Lièvre est supérieure à celle des grands gibiers, notamment le Renne, dans la grande majorité des sites magdaléniens (par exemple Castel 1999; Fontana 1998 et 1999; Morel et Müller 1997; Bridault 1996). Doit-on y voir un rejet solidaire par segment, avec ou sans prélèvement systématique de viande crue ? Si tel était probablement le cas pour des sites où les os sont très peu fracturés (comme à Gazel), il est plus difficile de l'envisager pour les séries de restes très fracturés, comme celles de La Madeleine. On s'attendrait également à la présence de connexions radius-ulna-humérus et tibia-fémur, ce qui n'est pas le cas à La Madeleine où aucune connexion n'a été notée mais aussi à Gazel et à Bois-Ragot où elles ne concernent que le rachis et l'autopode (Fontana 2003; Cochard 2004). On pourrait alors envisager une variante à l'hypothèse du rejet solidaire : celle d'un rejet localisé qui expliquerait l'homogénéité de la représentation des os de Lièvre appartenant aux mêmes segments. D'ailleurs, Peyrony avait noté que les restes de lièvre étaient concentrés, non seulement à la base de la couche inférieure mais également dans la cuvette centrale (cf. supra). Néanmoins, les segments anatomiques (membres antérieur et postérieur, rachis, crâne) ne sont pas représentés de façon semblable, notamment en raison de la sur-représentation des métapodes. Doit-on considérer leur taux de représentation comme plus ou moins représentatif de celui de tous les os longs ? On ne peut évacuer la possibilité d'une représentation différentielle des membres antérieur et postérieur qui serait due à un prélèvement ou une fragmentation particulière d'un ou plusieurs os. Néanmoins, il est fort probable que le radius, le mieux représenté des autres os longs l'ait été initialement dans des proportions voisines à celle des métatarsiens : il fut lui aussi moins fracturé et il ne fut probablement pas sujet à une exploitation alimentaire. De plus, la comparaison avec la série Bouvier tend à confirmer l'hypothèse d'une représentation homogène de tous les segments anatomiques. Les deux couches analysées de la série Bouvier (C. 27 et 28) qui comptent le plus de restes apparaissent comme une version “corrigée” de la représentation de la série ancienne (tabl. 9 et 10). En effet, si la représentation des os appartenant aux mêmes segments est également plutôt homogène, le nombre d'os représentés au-delà de 50 % passe de quatre à huit (fig. 6 et 7). Ceci renforce l'hypothèse selon laquelle la représentation globale des os longs tendrait vers 70 %. D'ailleurs, le décalage entre la représentation du membre antérieur et celle du membre postérieur est bien moindre, cette fois au profit du membre postérieur. Enfin, la très forte représentation de la mandibule, qui correspond davantage aux rares données existantes, et des restes crâniens, témoigne bel et bien du rejet des têtes sur le site. Au terme de l'examen des deux collections, on constate que les principales caractéristiques de la représentation des parties squelettiques du Lièvre sont globalement identiques d'une série à l'autre et identiques à celles recensées dans de nombreux sites. Cela témoigne, selon nous, non pas d'un rejet solidaire des segments, puisque les os ont été fracturés pour récupérer la moelle, mais d'un rejet bien plus localisé que celui des restes de grands herbivores, de surcroit plus fragmentés. Pour conclure sur le traitement de la carcasse, sur l'importance de la consommation de viande crue et/ou cuite et sur le prélèvement de la fourrure (suggéré par l'absence des patellas et des vertèbres caudales), il faut à présent analyser les autres données relatives aux traces présentes sur les os. L'observation des surfaces osseuses à la loupe binoculaire a été facilitée car les traces d'altération produites par les sédiments, l'eau ou encore les végétaux ne concernent que quelques restes. L'identification de traces anthropiques permet de savoir si la carcasse a été désarticulée et de quelle manière, si on a extrait la moelle, prélevé la peau et la viande (crue ou cuite) et de quelle façon, ou si on a fabriqué des objets à partir de certains restes. A La Madeleine, des “stries de découpe” (25), des traces de raclage (18), de sectionnement (1) et de rainurage (4) figurent sur 46 restes, certains d'entre eux portant plusieurs types de traces différentes (tabl. 11 cf. tabl. 6 et fig. 8). Les “stries de découpe” témoignent de la désarticulation, de la décarnisation ou encore de l'enlèvement de la peau. Les stries liées à la désarticulation, profondes, obliques ou transversales sont observables sur les extrémités distales de cinq humérus, sur un radius, une ulna, un tibia et un calcanéum (fig. 9). Ce sont des traces banales, autant du point de vue de leur localisation (cf. fig. 8) que de leur répartition (Aura et al. 2002; Tagliacozzo & Fiore 1998). Elles attestent de la séparation, au moyen d'un outil tranchant, des portions humérus/radius-ulna et tibia/basipode. Si d'autres segments ont été désarticulés, ils l'ont été soit de la même manière, mais sans laisser de traces, soit à la main. Les traces témoignant de la décarnisation se situent au niveau de la diaphyse des os longs et du pelvis. Elles attestent du sectionnement des muscles et/ou de l'enlèvement de la viande crue. Elles sont plutôt courtes et transversales dans le premier cas et plutôt longues, peu profondes et parallèles à l'axe de l'os, dans le second cas. Plus fréquentes que les traces de désarticulation, elles sont visibles sur 4 tibias, 8 radius, un humérus, un fémur et trois coxaux (fig. 10). Leur localisation correspond à ce que l'on a déjà identifié sur les os des lièvres de Champréveyres (Morel et Müller 1997), de Bois Ragot (Cochard 2004), de Gazel (Fontana 2003) et de la grotte Romanelli (Tagliacozzo & Fiore 1998) avec néanmoins deux différences notables (cf. fig. 8). Aucune trace n'a été détectée sur le col de la scapula alors que la fréquence des traces à cet endroit est très élevée sur les restes issus des quatre sites documentés, et elles sont très fréquentes sur le radius, os qui n'en porte que très rarement dans les gisements évoqués. Ce sont les traces liées à l'enlèvement de la peau qui sont les plus rares puisque seule la face externe de la branche horizontale d'une mandibule droite porte des traces indéniablement liées au dépouillement (cf. fig. 8) comme on en connaît par exemple à la grotte Romanelli (Tagliacozzo & Fiore 1998). Dans cette catégorie pourraient éventuellement entrer les multiples traces transversales et profondes figurant sur la face latérale de la diaphyse d'un métatarsien IV (fig. 11). Nous n'avons trouvé aucune équivalence sur les os de Lièvre variable d'autres sites mais il semblerait que de telles traces, existant sur des os de Lapin issus de sites espagnols (Perez Ripoll, comm. pers.), soient interprétées comme des témoins de prélèvement de la fourrure. D'autres traces ont été identifiées sur 16 os longs (fig.12 et 13), en majorité des radius (5) et des tibias (4) (cf. tabl. 6). Il s'agit de traces de raclage qui affectent toute la longueur de la diaphyse, souvent sur plusieurs faces et en double sillon (cf. fig. 8). Les marques de raclage sont associées par certains à la décarnisation des carcasses de lapins (“ Grattements allongés de direction longitudinale ”, Perez Ripoll 2004, p. 97) et certaines traces sont tout à fait comparables à celles de La Madeleine (Perez Ripoll 2006, p. 254; Cochard 2004, p. 235). Il semble que l'on ait souhaité ôter toute la chair de ces os mais l'hypothèse d'un décharnement maximal de l'os dans le but de prélever la totalité de la viande ne nous semble pas satisfaisante car les tibias et les radius ne sont pas les os qui en portent le plus, bien au contraire. Il pourrait s'agir d'un nettoyage de l'os, destiné à l'élimination du périoste, qui faciliterait ensuite le rainurage mais aucun des fragments en question n'est rainuré. Ils pourraient également avoir été raclés pour être préservés d'une dégradation biologique et avoir été réservés pour une utilisation ultérieure, mais ils auraient été abandonnés sans avoir été transformés. L'hypothèse d'un stockage en vue d'une utilisation différée ne concorde pas non plus avec l'état très fragmentaire de la plupart de ces os. Les fragments osseux qui portent l'ensemble des traces décrites représentent environ 4 % des restes de Lièvre. Cette proportion est plus faible que celles de la grotte Romanelli (6,3 %, Tagliacozzo & Fiore 1998), de Bois Ragot (environ 8 %, Cochard 2004), de Champréveyres (environ 13 %, Morel et Müller 1997) et de Robin Hood Cave (22 %, Charles & Jacobi 1994) alors qu'elle est forte par rapport à celle de Gazel (0,5 %, Fontana 2003) et d'autres sites où aucun reste ne porte de traces comme Belvis (Fontana 1998), Les Eglises (Delpech et Le Gall 1983) ou encore Combe-Saunière (Castel 1999). Ces traces confirment le prélèvement de la fourrure, suggéré par l'absence des vertèbres caudales et des patellas, mais sans préciser son caractère systématique ou anecdotique. Elles suggèrent également que certaines parties ont été désarticulées et décharnées au silex sans que l'on puisse évaluer la fréquence de ces deux types d'action. Enfin, aucune trace d'altération thermique ne permet d'argumenter l'hypothèse de la cuisson de la viande par rôtissage. Six os portent les stigmates de deux procédés techniques, le rainurage et le sciage au silex. Ils renvoient à la production d'un outillage et d'une parure de petites dimensions (tabl. 12). Ainsi, quatre os (deux tibias, un radius et un fémur) portent, sur leur face antérieure, les traces d'un débitage par rainurage longitudinal multiple, destiné à l'extraction de baguettes rectilignes. Elles ont pu être transformées par la suite en aiguilles à chas, comme dans d'autres gisements magdaléniens (fig.14). L'épaisseur de tissu compact de ces matrices peut être rapprochée de celle des aiguilles de La Madeleine (fig. 15). La faible épaisseur de compacta des os longs de Lièvre permet une extraction rapide de volumes dont le calibre est proche des objets finis, ce qui diminue d'autant l'étape du façonnage. Par conséquent, en dehors des matrices, ce travail engendre peu de déchets de fabrication et peut-être même parfois aucun déchet de résection. Il est difficile de faire le lien entre le nombre total d'aiguilles à chas et la production estimée des seules matrices. Toutefois, on peut fortement présumer d'une fabrication partielle in situ des premières à partir des secondes. Un métatarsien III de la collection Bouvier (couche 28) présente les traces d'un sectionnement transversal de la diaphyse au silex (fig. 16). Le court cylindre produit a pu être transformé en tube ou servir à la confection d'une imitation de test de dentalium, comme sur le site de Petersfels en Allemagne (Albrecht et al. 1983). Enfin, une diaphyse de tibia droit (avec l'extrémité proximale, cf. tabl. 6) issue de la série Peyrony présente une “perforation” particulière. Cette pièce, par ailleurs raclée sur l'autre face, possède un trou ovale localisé sur la crête tibiale (fig. 17). Les parois de cet orifice sont altérées par un effritement de la matière et elles sont d'une patine plus claire que celle du corps de l'os. L'examen à la loupe binoculaire n'a pas révélé de traces de façonnage telles que des stries de rotation ou des lunules de pression. D'ailleurs, aucun objet fonctionnellement efficace réalisé sur os de Lièvre variable et muni d'un trou de ce calibre n'a jusqu' à présent été identifié dans l'outillage ou la parure paléolithique. Il ne peut s'agir non plus d'une marque produite par un carnivore. En revanche, l'action d'une racine ou la dissolution chimique ponctuelle de l'os pourrait rendre compte de cette modification. Cette pièce peut être rapprochée d'une côte complète de Lièvre variable du Magdalénien du Kesslerloch (Suisse) présentant une perforation allongée analogue. De patine également plus claire que le reste de la surface osseuse, cet orifice est considéré par J. Heierli (1907, p. 176-177, pl. XIX, n° 3) comme le résultat d'un percement anthropique (cf fig. 17). Même si les os de Lièvre de la Madeleine ont été avant tout utilisés pour produire des aiguilles à chas, cette exploitation apparaît très réduite, comme c'est le cas dans les autres sites où elle est attestée (tabl. 13). Elle peut même être considérée comme anecdotique puisque les aiguilles ont été essentiellement réalisées à partir des os de Renne et de Cheval (Capitan et Peyrony 1928). De même, les os de Lièvre ne semblent pas avoir fait l'objet d'une sélection pour la fabrication de la parure alors que cette catégorie est riche de plusieurs autres taxons et matériaux (dents, coquille, pierre) (Capitan et Peyrony op. cit.; Taborin 1993). L'ensemble des traces identifiées sur les os de Lièvre variable de La Madeleine atteste de la réalisation de plusieurs types d'opération menées sur les carcasses, depuis l'écorchement jusqu' à la décarnisation via la désarticulation, et le prélèvement de matière osseuse. C'est la part relative de ces différentes actions et donc la nature de l'exploitation qui sont plus délicates à appréhender. L'étude de la fracturation osseuse peut-elle contribuer à résoudre cette question ? Identifier la nature et l'intensité de la fracturation des restes de Lièvre a constitué l'exercice le plus délicat de cette étude, qu'il s'agisse de la série Peyrony dont on n'a collecté que les restes quasi entiers ou de la série Bouvier dont les effectifs n'excèdent pas 248 pour les couches 28 et 27 (cf. tabl. 3). Néanmoins, la morphologie des fractures et la représentation des différentes portions osseuses livrent certaines informations significatives. Dans la collection Peyrony, les os longs sont presque exclusivement des diaphyses dotées de leur extrémité distale, plus rarement proximale et seuls les métapodes sont entiers (cf. tabl. 7). Ce sont uniquement des cylindres entiers dont la taille varie, depuis une diaphyse quasi entière jusqu'au quart de la diaphyse, la majorité étant d'un tiers de la longueur (fig. 18.1 et 18.2). Les restes de la collection Bouvier sont plus divers : extrémités, fragments de diaphyse (cylindriques ou non) avec ou sans extrémité (fig. 18.3 à 18.6). La taille moyenne des restes d'os longs est très inférieure à celle des restes de la collection Peyrony mais les os longs complets sont tout aussi rares. La nature de ces deux séries, collectée au profit des grands fragments pour l'une et constituée d'effectifs très limités pour l'autre, rend inutile toute tentative de préciser l'intensité de la fracturation (par exemple par le calcul NRD/NMPS) une fois que l'on a rappelé qu'aucun os long n'était complet, excepté quatre métapodes de la série Bouvier et les 227 des 342 métapodes de la série Peyrony. Il s'agit donc d'une fracturation intense des os longs qui ne visait pas systématiquement les métapodes et qui peut être en partie d'origine sédimentaire. Examinons donc de plus près les types de fracture afin d'identifier leur origine respective. La grande majorité des fractures des humérus, des fémurs et des tibias ont une morphologie identique, hélicoïdale ou en spirale, aux bords plutôt lisses et obliques (fig. 18.2, 18.3, 18.5), et ce, quelle que soit leur taille ou leur nature (diaphyse ou épiphyse). Ceci résulte, d'après les critères d'identification admis (Morlan 1984; Johnson 1985), d'une fracturation des os à l'état frais. Si une partie des diaphyses de radius est également fracturée de cette façon, d'autres (fig. 18.1 et 18.6) présentent des fractures transversales au bord plus ou moins dentelé et à angle droit, plutôt caractéristiques d'une fracturation d'os sec qui ressemblent à celles décrites à Bois Ragot (Cochard 2004). Il est donc possible qu'une partie des radius (et des ulnas, rarissimes dans les deux séries) n'ait pas été fracturée lors du traitement des carcasses. D'après les référentiels actuels et archéologiques disponibles pour les lagomorphes (notamment Perez Ripoll 1993, 2004 et 2005/2006), la distinction entre les différents modes de fracturation (percussion, flexion et pression dentaire humaine) semble claire. Si la fracturation par pression dentaire est la plus évidente à diagnostiquer, nous n'avons identifié, sur les restes des lièvres de La Madeleine, aucune marque qui soit comparable à celles qui sont décrites pour les restes de lapins du site gravettien espagnol de les Cendres (Perez Ripoll 2004 et 2005/2006). La distinction fracture par percussion/fracture par flexion nous a semblé, quant à elle, nettement moins évidente : la première est censée laisser des encoches caractéristiques et des bords irréguliers; la seconde, une cassure typique plutôt en spirale pour certains (Cochard 2004), plutôt “nette, transversale” (Perez Ripoll 2004, p. 198) pour d'autres. Si les fractures, déjà décrites, des bords de diaphyses nous semblent plutôt caractéristiques d'une fracturation par flexion (cf. fig. 18), certaines pièces traduisent néanmoins l'utilisation de la percussion. L'enjeu de la caractérisation de la fracturation est en partie lié à la question de l'extraction de la moelle et de la graisse osseuse. De ce point de vue, les restes de Lièvre de La Madeleine livrent, semble -t-il, deux types d'information. D'une part, les cylindres et les extrémités seules, qui attesteraient d'une récupération de la moelle (Hockett 1991 et 1995; Morel et Müller 1997; Perez Ripoll 1993; Schmitt 1990) sont rares dans les deux collections (cf. supra). Les diaphyses d'os longs dotées d'une des deux extrémités sont majoritaires et témoignent d'un autre type de cassure, par flexion, également documenté dans d'autres sites (Hockett & Bicho 2000; Perez Ripoll 2002). La seconde information livrée par l'observation de ces diaphyses est relative à leur longueur qui est très variable, et ce, dans les deux collections : certains os longs ont seulement été fracturés en deux, la cassure s'effectuant de façon variable au milieu de la diaphyse ou plus à proximité d'une des deux extrémités, alors que d'autres ont été nettement plus fracturés. Par conséquent, s'il est fort possible que l'extraction de la moelle soit à l'origine de la fracturation de certains os longs, le diagnostic nous semble plus délicat pour tous les grands fragments de diaphyses dotées d'une de leurs deux extrémités (radius exclus, si on considère l'origine de leur fracturation, en partie post-dépositionnelle). Ce mode de fracturation traduit-il une autre technique de récupération de la moelle (le “bouillon ”) ou bien un autre objectif ? A l'issue de l'analyse des données liées aux modalités d'exploitation des lièvres, plusieurs faits semblent établis. Ainsi, plusieurs produits ont été indéniablement prélevés sur les carcasses : la fourrure, la chair crue, des os et de la moelle osseuse. On peut aussi supposer l'utilisation de la fourrure, la consommation de la moelle et démontrer l'utilisation de l'os. En revanche, on ignore si la viande crue a été consommée et si de la viande a été cuite dans le même but. Le raclage, dont témoignent 18 diaphyses, atteste d'une volonté d' ôter toute la matière carnée, ce qui n'implique pas de facto la consommation de la chair. La part respective de ces prélèvements et le ou les objectif(s) de l'exploitation sont-ils accessibles à partir de ces résultats ? Les données relatives aux traces et à la fragmentation indiquent que chaque produit fut prélevé pour une petite part : une seule trace sur une mandibule atteste du prélèvement de la fourrure, de rares traces témoignent du prélèvement de la viande crue et six restes ont été utilisés à des fins techniques. Seul le prélèvement de la moelle pourrait avoir été plus systématique. Néanmoins, nous savons que la récupération de la moelle, si elle s'effectue par fracturation des os, est plus aisément identifiable que la consommation de viande crue ou le prélèvement de la peau. C'est pourquoi nous précisions, au début de ce chapitre, que ces témoignages doivent être analysés ensemble, au regard de la représentation des parties squelettiques et, surtout, replacés dans le contexte de l'exploitation des autres gibiers. En effet, en examinant les produits prélevés sur les carcasses de Lièvre et sur celles des autres gibiers, on constate que le Renne (et dans une moindre mesure le Cheval) fut chassé dans le but d'acquérir des produits alimentaires (viande et moelle) et des matériaux divers (appendices frontaux, os, peau, tendons…). A La Madeleine, les matières osseuse et carnée furent donc sans aucun doute majoritairement fournies par le Renne. Si on ajoute à cela le fait que la fourrure du Lièvre est un des seuls produits qui ne trouve pas d'équivalent chez le Renne ni chez aucun autre animal, on peut se demander si l'exploitation du Lièvre n'était pas centrée sur la récupération de la fourrure, comme à la grotte Gazel où elle fut très probablement le seul produit recherché. Le prélèvement de diaphyses pour la confection d'aiguilles fut anecdotique alors que la récupération de la moelle a pu être pu systématique mais tout autant opportuniste. Il est d'ailleurs possible que le seul but de la décarnisation ait été d'accéder à la moelle. Il n'est pas possible de rejeter l'hypothèse de la consommation de viande cuite, qui n'aurait laissée aucune trace (même de brûlure). Mais il est plus difficile de considérer que l'objectif premier de l'acquisition du Lièvre fut la consommation de viande, sur un site où rennes et chevaux ont été désossés en quantité. L'hypothèse d'une exploitation ciblée de la fourrure nous semble donc être celle qui prend en compte l'ensemble des données, notamment le choix des individus adultes. Au terme de cette étude, il nous semble que les caractéristiques de l'exploitation du Lièvre variable à La Madeleine contribuent à la connaissance du statut du Lièvre au Magdalénien moyen. Néanmoins, si ce gisement est l'un des trois sites témoignant d'une capture importante de lièvres variables, ce n'est que dans une moindre mesure. En effet, la quantité de restes exhumés est faible (1 035 restes) comparée à celle des restes de Lièvre de Gazel (8 000 restes) et Kesslerloch (15 000 restes) et elle ne s'explique pas uniquement par le caractère sélectif de la collecte des fouilles anciennes. Pourtant, sa représentation à La Madeleine (moins d'un quart des restes fauniques) ne renvoie pas pour autant le Lièvre variable au statut de gibier complémentaire dont l'acquisition aurait été plus ou moins opportuniste. En effet, quand on connaît la rareté des témoins qui attestent du prélèvement de la fourrure d'autres animaux (par exemple l'Isatis) on soupçonne que le Lièvre variable fut, au moins entre 15 000 et 14 000 BP, considéré avant tout comme un animal à fourrure, voire L ' animal à fourrure. Cette idée n'est pas nouvelle (voir Lartet et Christy 1864-1875) et c'est surtout le doute quant à l'importance de la consommation de sa viande qui a attiré l'attention sur l'exploitation de cet animal (Müller 2004; Fontana 2003 et 2004). On doit maintenant se demander si cette hypothèse de prélèvement préférentiel, voire exclusif, de la fourrure de Lièvre variable, traduit une réalité propre à quelques sites ou bien à l'ensemble des gisements témoignant de sa capture. Enfin, dans l'hypothèse où la fourrure du Lièvre variable était davantage recherchée, on peut se demander pourquoi si peu de sites témoignent de la capture de cet animal. On ne peut exclure que, dans le cas d'un prélèvement exclusif de la fourrure, les lièvres aient été dépouillés sur le lieu de leur capture et abandonnés sur place. On peut aussi expliquer cette rareté, non pas par un manque de visibilité relatif à une exploitation hors site, mais par un statut particulier de la fourrure de Lièvre, peut-être un produit rare et réservé comme il en existe dans toutes les populations de chasseurs-cueilleurs actuels. Enfin, rappelons que certains problèmes d'ordre méthodologique rendent difficile l'interprétation des données, si précises soient-elles. Les nouvelles études entreprises, notamment celle des restes de Lièvre variable du Kesslerloch (Napierala, en cours), apporteront probablement des éclaircissements de cet ordre . | Cette étude présente les résultats de l'analyse des restes osseux et dentaires de Lepus timidus issus des couches du Magdalénien IV de La Madeleine (fouilles Peyrony et Bouvier). Il s'agissait de caractériser l'exploitation du Lièvre variable et c'est pourquoi l'ensemble des restes, transformés ou non, a été pris en compte au sein d'une étude intégrée. La représentativité des deux collections, ancienne et récente, est variable, ce qui ne limite pas nécessairement le potentiel informatif des deux séries. La part du Lièvre au sein des espèces chassées, difficile à apprécier, se situe probablement entre 7 et 20 % (en NR). Si l'étude de l'exploitation des carcasses met en évidence le prélèvement de plusieurs produits, alimentaires ou non, leur part respective et leur consommation sont plus difficiles à préciser. L'hypothèse d'une éventuelle recherche prioritaire de la fourrure est discutée. | archeologie_09-0062863_tei_224.xml |
termith-118-archeologie | Le site est sur la commune de Monéteau (Yonne), au lieu-dit Sur Macherin, à quelques kilomètres au nord d'Auxerre. Une enceinte néolithique et une nécropole protohistorique à enclos avaient été repérées en photographie aérienne par Jean-Paul Delor dès 1990. La zone devant être aménagée, une opération de diagnostic dirigée par Jean-Marc Violot (AFAN) a été engagée en mai 1998 (Violot, Couilloud, 1998), puis une opération de sauvetage urgent à partir d'avril 1999, financée par la commune de Monéteau et placée sous la responsabilité d'Anne Augereau (AFAN) et le contrôle scientifique de Michel Prestreau (SRA, DRAC de Bourgogne). Le site est implanté sur la moyenne terrasse limono-graveleuse de l'Yonne, à une altitude d'environ 99 m NGF, à quelques centaines de mètres du petit ru de Baulche, un affluent de l'Yonne (fig. 1). Les vestiges archéologiques décapés s'étendent sur 3,5 ha et se répartissent du Néolithique à l'époque gallo-romaine. Le Néolithique est représenté par plusieurs installations successives de natures différentes, du Néolithique ancien jusqu'au Néolithique final, en passant par le Néolithique moyen Chasséen (fig. 2). Une importante nécropole protohistorique d' âge gaulois est située au sud-ouest de l'emprise : dans la parcelle traitée, elle comprend une soixantaine de sépultures dont la plupart sont implantées dans des enclos de diverses formes. Elle s'étend plus à l'ouest, de l'autre côté de la route, dans une parcelle qui a été diagnostiquée dans le courant de l'été 2000. Dans le cadre de cette opération, la partie de la nécropole concernée par l'emprise n'a fait l'objet que d'une évaluation à travers la fouille de seize sépultures. La première occupation néolithique se caractérise par les restes d'au moins sept bâtiments de type danubien, diverses fosses et une sépulture comportant un individu en position repliée. Les bâtiments sont dispersés le long d'une bande de 175 m de long pour 115 m de large au centre du décapage (fig. 2). L'un d'entre eux est entier (M2), d'autres sont sub-complets (M1, M5, M6). Les derniers ne sont représentés que par quelques tierces (M3, M10). De même que les fosses de cette période, ils sont implantés préférentiellement à proximité du chenal limoneux, voire partiellement dessus. Leur dispersion est assez grande, l'espace entre les bâtiments étant d'au moins 14 m, jusqu' à 77 m (de M5 à M3). Leur orientation est globalement est-ouest avec cependant des variations non négligeables. La maison 2 se singularise par ses grandes dimensions : 42 m de long, ce qui en fait l'une des plus grandes maisons danubiennes du Bassin parisien (fig. 3), et 6,70 m de largeur maximale. Son orientation est sud-ouest/nord-est, comme la maison 1 (83°). Quelques petites fosses de plan circulaire sont implantées le long des parois nord et sud sans qu'elles présentent les caractéristiques de longueur propres aux fosses latérales des maisons danubiennes. C'est la maison la mieux conservée avec soixante-treize poteaux certains et sept probables. L'écartement moyen des poteaux de murs dans les parties préservées est de 1 m. Le plan est clairement naviforme, avec une largeur maximale (6,70 m) située à 7 m de l'extrémité antérieure. Les façades avant et arrière offrent des largeurs respectives de 6,20 m et 2,80 m. Le pignon avant possède une ante peu prononcée : les deux poteaux extrêmes des murs nord et sud sont décalés de 40 cm par rapport à l'axe de la tierce de façade. Le poteau central de cette dernière est, lui aussi, légèrement décalé vers l'est. Le mur arrière présente trois poteaux de plan ovalaire espacés de 0,15 et 0,30 m. Ils ne sont pas strictement alignés, mais s'inscrivent dans un arc de cercle (abside). En raison d'une érosion différentielle, on constate des hauteurs de remplissage conservé plus élevées à l'avant qu' à l'arrière. Toutefois, le contraste entre la puissance des poteaux longitudinaux et des poteaux transversaux est très important. Pour les premiers, le diamètre varie entre 15 cm et 50 cm, la profondeur conservée entre quelques centimètres et 30 cm. En revanche, le diamètre des poteaux de tierce situés à l'avant oscille entre 70 et 80 cm pour une profondeur moyenne de 50 cm. Ceux localisés à l'arrière, bien que plus faibles en raison de l'érosion, se situent dans des valeurs plus hautes que les poteaux longitudinaux appartenant à ce même secteur (40 cm de diamètre et 40 cm de hauteur de remplissage). Les poteaux centraux porteurs de la poutre faîtière sont moins régulièrement espacés que dans la maison 1, mais cela n'indique pas pour autant une conservation moins bonne des structures marquant l'axe faîtier. La tendance générale est au resserrement dans les parties avant et arrière et à l'écartement au centre. Ces poteaux axiaux ne s'inscrivent pas toujours dans des tierces. Ainsi, les poteaux centraux de la moitié arrière (st. 162 et 153) sont isolés. La bonne conservation permet d'observer l'organisation interne de la maison. Quatre tierces divisent l'intérieur en cinq parties d'inégale surface. Aucune n'est organisée en couloir. Trois intervalles, d'une surface d'environ 34 m 2 chacun, se succèdent à partir de l'avant : un premier espace de 32 m 2 est dégagé entre la tierce de façade et la suivante, à 5 m. Cette zone présente à la moitié de sa surface un dispositif de trois poteaux dans sa moitié nord dont les extrêmes s'alignent avec l'axe faîtier et l'axe latéral nord. Il pourrait s'agir d'une division interne entre une antichambre occupant la largeur du bâtiment et une petite pièce latérale jointive d'un couloir longitudinal permettant l'accès aux parties centrales de la maison. Une autre tierce, distante de 6,40 m de la précédente, vient ensuite délimiter un espace de 34,50 m 2. La troisième tierce, à 7,50 m de la précédente, borne une aire de 36 m 2. La partie suivante est la plus grande : 51 m 2. Au fond, on trouve le plus petit espace : 15 m 2. Ces espaces sont séparés par des séries de poteaux agencés de manière variable : la première est une tierce normale (poteaux alignés), la deuxième est une tierce en J et la troisième est en pseudo -Y. Enfin, les derniers poteaux sont agencés en Y si on considère que le poteau 152 fait partie du dispositif. Ainsi, cette maison semble regrouper l'essentiel des systèmes d'agencement des trous de poteaux définis par A. Coudart (1998). Aucun matériel archéologique n'a été récolté dans les trous de poteaux de la maison 2. Seule la st. 155, au sud, a livré quelques tessons de céramique et deux éclats de silex. Le plan naviforme la situe dans une période récente du Néolithique danubien. Le matériel exhumé dans les fosses alentours permet d'envisager le groupe de Villeneuve-Saint-Germain. Une sépulture isolée contenait un inhumé accompagné de deux blocs crânio-faciaux de suidé et d'une lame de silex (st. 374). Le premier crâne de suidé se situait sous le thorax, le second devant la face. La petite lame de silex était localisée sur le bassin. L'individu était déposé en position repliée sur le côté gauche, selon une orientation est-ouest, dans une fosse assez profonde (environ 45 cm sous décapage) et de faibles dimensions. L'hypothèse d'une décomposition du corps en espace confiné peut être évoquée mais elle n'est pas complètement assurée en raison de la faiblesse des déplacements osseux observés. Contre toute attente, les résultats des mesures radiocarbone indiquent une position chronologique ancienne de cette sépulture, aux alentours de la transition entre le Rubané et le groupe de Villeneuve-Saint-Germain (Ly-9747 : de 4897 à 4695 av. J.-C.). La fiabilité de la mesure ne peut être mise en cause, l'intervalle de variation étant de plus ou moins 35 ans. On serait donc en présence d'un mode d'inhumation encore inédit pour le Néolithique ancien de cette région. Le site de Macherin s'annonce comme l'un des principaux gisements de l'Yonne pour le Néolithique ancien. De plus, la position et l'espacement des unités d'habitation suggèrent que la seule limite tangible se trouve au nord-ouest. Le village peut se poursuivre dans les autres directions. L'état de conservation des fondations est bon, parfois excellent, et contraste avec l'absence de fosses latérales. Le matériel associé reste rare et ne permettra pas une lecture dynamique de cette occupation. Cependant, au moins deux phases peuvent être distinguées. D'une part, celle marquée par la sépulture 374, dont la date radiocarbone indique le début du V e millénaire. Le mode d'inhumation, la fosse sépulcrale et le mobilier associé au défunt en font une sépulture originale pour cette période : la faune reste exceptionnelle en contexte funéraire danubien en Bassin parisien, et le dépôt de deux crânes de la même espèce ne peut être perçu comme anodin. D'autre part, la phase signalée par le matériel archéologique retrouvé dans diverses fosses et structures suggère le groupe de Villeneuve-Saint-Germain. Se pose alors la question de la relation chronologique entre le matériel archéologique et les types de bâtiments. Parmi eux, deux ensembles principaux, probablement diachrones, se dégagent d'après le plan, l'orientation et la structuration interne : - les maisons M1 et M2 : orientation sud-ouest/nord-est, grande longueur, plan naviforme, pas de couloir de séparation; - les maisons M4, M5 et M6 : orientation nord-est/sud-ouest ou est/ouest, plan trapézoïdal, longueur moindre, système de séparation type couloir pour d'eux d'entre elles. La maison M4 est la seule à avoir livré un récipient en céramique archéologiquement complet qui s'inscrit facilement dans la typologie du groupe de Villeneuve-Saint-Germain. La rareté du matériel archéologique est évidemment dommageable à l'interprétation de cet ensemble de structures. Dans les pays du Rhin, les plans naviformes sont classiquement associés aux contextes récents (Grossgartach, Rössen). Ici, seule la maison de Gurgy peut être évoquée pour une datation à l'extrême fin du Villeneuve-Saint-Germain. Les plans trapézoïdaux, quant à eux, sont la règle en contexte VSG/Blicquy. On serait tenté d'associer les bâtiments trapézoïdaux aux fosses ayant livré le matériel archéologique et donc de soutenir l'hypothèse de deux occupations distinctes, l'une appartenant au Villeneuve-Saint-Germain et se caractérisant par des maisons au plan trapézoïdal, l'autre, indéfinie mais sans doute plus récente, marquée par des bâtiments de grande longueur. Un des apports remarquables du site de Monéteau appartient au Néolithique moyen Chasséen. Cette culture est représentée par une enceinte constituée d'une simple palissade et par une vingtaine de sépultures disposées en deux ensembles dans l'aire interne. Cette petite nécropole s'articule en deux secteurs éloignés d'une centaine de mètres environ (fig. 2). L'enceinte de Monéteau est constituée d'une simple palissade (fig. 2). On en connaît le tracé complet grâce à la photographie aérienne réalisée par Jean-Paul Delor : elle entourait un espace d'au moins dix hectares. Dans le cadre de cette opération, 3,5 ha de l'aire interne et 300 mètres linéaires de palissade ont été explorés. La moitié longitudinale de la palissade a été intégralement vidée à l'aide d'une mini pelle mécanique. Cette procédure a permis d'identifier les traces de poteaux et de travailler sur le rythme de leur implantation. Nous avons ainsi collecté des données architecturales sur tout le tracé, tout en récupérant le maximum de matériel archéologique. Il s'agit d'une palissade assez puissante avec, en moyenne, 0,60 à 1 m de hauteur conservée. Par convention et en l'attente d'étude géomorphologique des vallées alluviales à l'Holocène, on estime souvent que la fourchette théorique d'érosion des structures archéologiques de ces périodes se situe quelque part entre 0 et 50 %. En outre, on peut raisonnablement envisager que la partie du poteau située sous le niveau du sol ne dépasse pas un tiers de sa hauteur totale. Ces considérations nous conduisent à proposer, pour Monéteau, une élévation de palissade de 2 à 4 m, ce qui paraît assez imposant. Le rythme d'implantation des poteaux a pu être documenté d'après les traces plus brunes laissées par la décomposition des matières végétales. Il est assez serré : on compte une moyenne de deux poteaux par mètre linéaire. Ils sont espacés de 20 cm environ et disposés en quinconce. Aucune trace de clayonnage intercalaire n'a pu être mise en évidence; toutefois, la disposition en quinconce laisse supposer l'existence d'un tel dispositif. Le diamètre des fûts semble assez fort et constant : environ 40 cm, d'après les fantômes. Un rapide calcul, portant sur le rythme d'implantation des poteaux reporté sur les 3 km de tracé, permet d'estimer à 5000 pièces le nombre de fûts érigés, ce qui laisse rêveur quant à la quantité d'arbres abattus, de surcroît adultes, pour construire l'édifice. La surface de forêt qu'il a fallu exploiter est sans doute bien supérieure à celle de l'aire interne. Sur la partie explorée, les interruptions sont au nombre de onze. Parmi elles, quatre dont la largeur est inférieure à 0,80 m, sont de simples discontinuités dans le tracé de la palissade. Une autre est douteuse en raison de l'implantation de sépultures protohistoriques brouillant la lecture du terrain. Il reste six passages ou entrées véritables (fig. 2). Celles -ci sont très irrégulièrement implantées : au nord, à proximité du groupe nord de sépultures chasséennes, deux sont très proches, à peine 13 m les séparant. Ensuite, la prochaine entrée est distante de 15 m. À l'ouest et au sud, les intervalles séparant les trois autres entrées sont respectivement de 45 m, 27 m et 106 m. On observe donc une plus grande fréquence des entrées au nord et à l'ouest qu'au sud. Celles -ci sont étroites - de 1 m à 1,80 m d'ouverture au maximum - et d'un type simple : elles sont seulement signalées par l'implantation d'un poteau plus fort aux deux extrémités de la palissade en vis-à-vis (fig. 4). La fouille de la structure n'a pas permis de mettre en évidence des dépôts de fondation. Toutefois, seule une moitié longitudinale de la tranchée de palissade a été vidée, et il subsiste une épaisseur de 30 cm de sédiment, non fouillée. Il est possible que du matériel archéologique soit encore présent dans cette épaisseur, mais il est peu probable que des dépôts complexes aient échappé aux investigations. Outre quelques éclats de silex et quelques restes de faune, le seul élément mobilier remarquable découvert dans la palissade est un vase complet, mais fragmenté, présent à mi-hauteur du remplissage du tronçon 311. Il s'agit d'une écuelle à carène basse, à parois évasées en céramique bien cuite, homogène et lissée. Elle est attribuable au Chasséen. En l'absence de reconstruction visible de la palissade, aussi bien en plan qu'en élévation, du moins dans la partie explorée, on peut envisager que cet élément mobilier date l'ensemble de la structure. Malgré des investigations fines, aucun vestige d'habitat n'a pu être mis en évidence dans l'aire interne. Seule une structure domestique contenant un vase avait été découverte lors du diagnostic (Violot, Couilloud, 1998). En revanche, des séries de sépultures ont été mises au jour, disposées en deux groupes distants de 100 m l'un de l'autre : - un groupe au nord est constitué de seize structures identifiées comme sépultures, quatorze certaines, une très vraisemblable et une probable (fig. 5); - un autre groupe au sud regroupant seulement quatre sépultures (fig. 8, infra). Ces deux groupes, dont le caractère chasséen est attesté par du matériel d'accompagnement, se distinguent sur plusieurs plans. D'une part, leur état de conservation varie. On dispose en effet de l'extension totale pour le groupe nord alors que le groupe sud, en bordure de décapage, n'a pu être appréhendé dans sa globalité (fig. 8). D'autre part, les procédés d'inhumation sont très homogènes au nord et plus variables au sud. De même, l'orientation des corps, la richesse et la composition des mobiliers funéraires diffèrent du nord au sud. Une différence chronologique pouvait expliquer cette variabilité. Toutefois, les données radiocarbone, récoltées sur une sépulture au nord (st. 240) et sur une autre au sud (st. 520), sont remarquablement concordantes et ne permettent pas, pour le moment, de soutenir cette hypothèse : - st. 240 (groupe nord) : Ly-9745 = 5350 ± 35 BP, soit 4322 à 4046 av. J.-C. - st. 520 (groupe sud) : Ly-9748 = 5270 ± 40 BP, soit 4223 à 3979 av. J.-C. À ces deux groupes, il convient peut-être d'ajouter deux inhumations individuelles, situées au sud-ouest de l'emprise, à moins de trois mètres l'une de l'autre, et qui n'ont livré aucun mobilier (st. 241 et 242). Elles étaient très érodées par les labours et le décapage. Dans un cas, le sujet reposait sur le côté gauche, membres fléchis et selon une orientation est/ouest. Dans l'autre, seul le tronc, dos contre sol, est conservé. En raison de la proximité immédiate d'un bâtiment Villeneuve-Saint-Germain (M3), de l'orientation et de la position des sujets, l'attribution de ces sépultures au Néolithique ancien a été d'emblée évoquée. Cette attribution a été infirmée par la mesure radiocarbone de l'une d'entre elles : - st. 242 : Ly-9746 = 5585 ± 45 BP soit 4498 à 4341 av. J.-C. Un tel résultat exclut le Villeneuve-Saint-Germain, mais ne permet pas d'associer sans discussion ces tombes à la nécropole chasséenne. Le premier secteur, dont nous avons toutes les limites (même s'il y a une hésitation pour l'une d'entre elles), est particulièrement bien structuré. Les sépultures sont implantées sur une bande étroite, de seulement 5 à 6 m de large, longue de 35 à 40 m, et axée sud-est/nord-ouest (fig. 5). Cette disposition ne correspond à aucune irrégularité du terrain. Aucun monument ne semble être directement associé aux sépultures. On mentionnera, toutefois, une série de petites fosses, disposées au nord de la nécropole et de même orientation que les tombes, qui prolonge l'alignement de structures sur 48 m au minimum (fig. 2). Il s'agit de fosses au remplissage peu épais (de 15 à 40 cm) et stérile. Elles pourraient représenter les vestiges d'un monument funéraire, dont la configuration reste à trouver. Ce cas de figure existerait à Saint-Martin-la-Rivière (Vienne, C. Constantin comm. personnelle, qui a repris les plans d'E. Patte; Patte, 1971). Les fosses sépulcrales présentent la même orientation que la bande de terrain sur laquelle elles sont placées : toutes, sauf une (la st. 682, axée sud-ouest/nord-est), sont axées sud-est/nord-ouest. En raison de la profondeur très variable des fosses, entre quelques centimètres et 0,50 m sous le niveau du décapage, nous ne pouvons conclure sur le nombre initial de sépultures. À l'exception d'une tombe double (st. 248), toutes sont des inhumations individuelles, du moins lorsque les os sont conservés. En effet, l'état des ossements varie d'une parfaite conservation à l'absence totale de vestiges, en passant par tous les stades intermédiaires, notamment deux cas où seuls des fragments d'émail dentaire ont été retrouvés. Les sujets, sauf un (toujours la st. 682), ont une même orientation, sud-est/nord-ouest (la marge de variation ne dépasse pas 10°). La position ne souffre pas d'exception. Ils reposent tous sur le côté gauche, membres fléchis. Les caractéristiques des fosses sont tellement semblables, les résultats de l'analyse taphonomique tellement homogènes, que l'identité des procédés d'inhumation ne fait aucun doute : - tout d'abord, les fosses sont largement surdimensionnées par rapport aux défunts qu'elles abritent, et le sujet occupe systématiquement l'espace central. La sépulture 250 illustre cette disposition jusqu' à la caricature; la distance entre le squelette et la paroi n'est jamais inférieure à 0,40 m (fig. 6). Le profil des fosses, en cuvette, est parfaitement régulier : le fond est plat et les parois verticales. - Ensuite, les corps ne se sont pas décomposés au contact direct de la terre, mais dans un espace confiné. Les dislocations sont importantes et de nombreux os sont sortis du volume initial du cadavre. Ainsi dans la sépulture 250, les déconnexions concernent toutes les parties du squelette. Parmi les plus importantes, citons l'effondrement de la scapula gauche, retournée sur le fond de la sépulture, la dislocation complète du coude droit ou celle du genou gauche; on pourrait également ajouter le redressement du crâne, accompagné d'une rupture de la colonne cervicale, ou bien la transgression du volume initial du thorax par plusieurs côtes droites, ou encore le glissement du coxal droit sur les vertèbres lombaires. - Enfin cette même sépulture 250 révèle également un effet de limite à droite du squelette. Les deux genoux, ainsi que les os disloqués des mains, ne dépassent pas une limite fictive sud-est/nord-ouest parallèle au corps. Ce phénomène est encore plus prononcé pour le sujet de la sépulture 240, où cette limite est cette fois un véritable effet de paroi : la main droite, l'extrémité de l'avant-bras gauche et les genoux sont parfaitement alignés, dans le même axe que l'orientation générale du cadavre et de la fosse (fig. 7). Dans cette sépulture, le basculement complet du crâne s'interprète encore comme un effet de paroi, mais dans un axe perpendiculaire au précédent (nord-est/sud-ouest). Pour la sépulture 360 cette fois, cette limite fictive se situe sur la gauche du squelette. Enfin, mais en est-il vraiment besoin pour conclure, la tombe 456 nous offre le quatrième côté : l'étirement des pieds, joint au genou droit, forme un axe perpendiculaire à celui du corps. À partir de ces quatre sépultures, en superposant les effets de paroi, on peut dessiner un rectangle qui correspond au réceptacle réel du cadavre : un coffre en bois. Le second secteur est nettement moins homogène. Il n'a livré que quatre sépultures comprenant six sujets inhumés. Là encore, aucune évidence de monument associé n'est clairement établie, mais il faut évoquer la présence de deux alignements de fosses, de part et d'autre des sépultures. D'orientation nord-ouest/sud-est et à peu près parallèles, ils se situent à égale distance du groupe de tombes, à savoir 18 m environ (fig. 8). Ils délimitent donc un espace de 46 m de largeur en moyenne. Constitué de huit fosses espacées régulièrement (environ 1,25 m), l'alignement ouest atteint 20 m de longueur. Le plan et le profil des fosses sont assez homogènes : ovalaires et en cuvette. Leurs dimensions se situent entre 1,1 et 1,7 m de grand diamètre et entre 0,4 et 1 m de profondeur. À l'est, neuf structures de morphologie plus hétérogène et d'espacement plus irrégulier s'alignent sur 22 m. Rien n'est certain quant à l'identification d'un monument, ni même quant à la présence d'alignements de fosses encadrant ce secteur de la nécropole et délimitant ainsi l'espace funéraire. L'égale distance entre les rangées de fosses et les tombes, de même que l'orientation des alignements, reproduisant le schéma nord-ouest/sud-est perceptible au nord, restent cependant des faits troublants. L'organisation des tombes est moins claire qu'au nord, mais cela tient peut-être à leur nombre plus restreint. Néanmoins, les orientations des sujets sont plus divergentes : sud-est/nord-ouest, est/ouest ou nord-est/sud-ouest (la référence à l'est reste incontournable). Par ailleurs, les sépultures sont très différentes les unes des autres. Dans l'une d'elles, la décomposition en espace confiné n'est pas assurée (st. 521) et dans deux autres cet espace ne peut en aucun cas être un coffre. De fait, une seule s'apparente aux tombes du premier secteur (st. 548) : l'orientation est identique, la fosse sub-rectangulaire largement surdimensionnée contenait à l'origine un coffre en bois. Cette sépulture présente toutefois une originalité : elle a livré les restes de trois inhumés, séparés par de faibles épaisseurs de sédiment. Le coffre initial et la première inhumation (un adulte) ont vraisemblablement été partiellement remblayés avant la mise en place du second sujet (immature), transporté et déposé dans un cercueil. Un autre enfant a finalement été inséré dans la fosse, mais son squelette est très érodé. Onze sépultures sur vingt, tant parmi des adultes que des enfants, étaient accompagnées de mobilier : vases en céramique, outils de silex (armatures de flèche et tranchets, lames brutes, éclats bruts, racloir), parures (défense de suidé perforée, incisive de castor perforée, petites perles circulaires), outils en matière dure animale (poinçon, hameçon). Là encore, des inégalités s'observent entre le groupe nord et le groupe sud qui peuvent être dues, par ailleurs, aux disparités des effectifs. Au nord, seulement sept sépultures sur seize ont livré du mobilier clairement associé à la tombe alors que toutes les tombes du groupe sud en renfermaient. La présence de céramique concerne trois sépultures sur sept au nord (st. 240, 243 et 458) et trois sur quatre au sud (st. 520, 548, 549). Lorsque les formes peuvent être restituées, on reconnaît essentiellement des écuelles à carène basse (st. 240, 243, 458, 548) dont le diamètre, la hauteur du col et l'évasement des parois varient fortement. La plus complète, celle de la sépulture 240, est une pièce de 19 cm de diamètre, à col court (fig. 9, n° 1). Seul l'élément céramique de la sépulture 520 est d'un type différent : il s'agit d'une bouteille à anses en ruban épais, en symétrie binaire. Quatre sépultures ont livré des armatures de flèche (fig. 9, n os 4 et 5). Dans le groupe nord, la st. 41 a été assimilée à une sépulture mal conservée en raison de la présence d'une armature de flèche. On dénombre un total de neuf armatures dont quatre appartiennent à la st. 549 (groupe sud). Trois types différents sont représentés. Le premier, le plus courant (six pièces), est obtenu à partir d'une lame ou d'un support léger et consiste en des pièces géométriques triangulaires ou trapézoïdales (fig. 9, n os 4 et 5). Les retouches sont généralement directes abruptes, sauf dans un cas où elles sont abruptes croisées, et un autre qui porte des retouches bifaciales rasantes. Le second type existe en un seul exemplaire, tout comme le troisième. Il s'agit d'une armature tranchante à retouche bifaciale envahissante. En tout point comparable aux exemplaires connus dans le groupe de Cerny Barbuise, son calibre est totalement différent des précédentes. Enfin, la possible sépulture 41 contenait une armature foliacée triangulaire par retouche bifaciale rasante. Les tranchets, au nombre de trois répartis dans deux sépultures du groupe nord (st. 248 et 250), sont de morphologie et de dimensions parfaitement calibrées (fig. 9, n° 3). Il s'agit de pièces à retouche transversale sur éclat large (groupe des grandes bitroncatures) dont les dimensions moyennes, prises selon l'axe de débitage, sont : 25 x 53 x 11 mm. Les tranchants sont obtus car il s'agit de pièces abondamment utilisées et affûtées par coups du tranchet. Parmi les lames (fig. 9, n° 2), on remarque plus particulièrement celle de la sépulture 240 (groupe nord) et celle de la sépulture 548 (groupe sud). La première est une lame sous crête, de dimensions appréciables (112 x 27 x 10 mm), probablement débitée par percussion tendre. Elle n'est pas retouchée mais porte, sur les deux bords, un luisant qui se développe sur environ 2 mm. La seconde est particulièrement grande : sa longueur conservée (elle est cassée en extrémité distale) atteint 156 mm. Il s'agit d'une lame à quatre pans, sans cortex. La morphologie de l'extrémité proximale ne permet pas de se prononcer avec assurance sur la technique de débitage employée. En effet, si le talon est facetté et la corniche abrasée, comme dans les exemples connus de débitage par percussion tendre avérée, la présence d'une esquille bulbaire et de fissures importantes sur le talon indique la mise en œuvre d'une technique de percussion, si ce n'est dure, du moins violente. La parure est représentée par des perles, une défense de suidé perforée et une incisive de castor (fig. 10). Les perles concernent la st. 243 et la sépulture double 248 (groupe nord). Il s'agit d'objets de forme circulaire de très petites dimensions : le diamètre maximum atteint 4 mm, l'épaisseur 1 à 3 mm. Elles sont pour la plupart en calcaire sauf une, en roche noire verdâtre. Certaines ont été découvertes encore en connexion et on peut envisager un montage de ces éléments en grains d'enfilage de type collier ou bracelet. Dans la sépulture 243, les cinquante-huit perles ont été retrouvées au niveau des mains et sous la boîte crânienne. Dans la sépulture 248, le sujet 1 portait soixante-six perles dispersées au niveau des vertèbres cervicales; le sujet 2 ne possédait qu'une défense de suidé perforée, placée près du thorax (fig. 10, n° 2). Cette dernière a une forme originale : il s'agit d'une pièce arciforme qui se termine par une tête arrondie et perforée. Une autre pendeloque, aménagée dans une incisive de castor, a été découverte sous le crâne de l'enfant de la sépulture 549 (fig. 10, n° 1). L'outillage osseux est représenté par un hameçon courbe très fin et élaboré, fabriqué dans une canine de suidé, déposé au niveau de la main dans la sépulture 521 (groupe sud). Enfin, un fragment de poinçon façonné dans un métapode de petit ruminant, trouvé sur le crâne du sujet 1 de la sépulture 548, complète ce rapide inventaire. La céramique permet d'attribuer ces sépultures au Néolithique moyen Chasséen. En effet, on retrouve des écuelles à carène basse dans le Chasséen de Bourgogne, à Beaumont, à Chassey et dans la sépulture de Bonnard située à une quinzaine de kilomètres au nord de Monéteau (Merlange, 1991). Les armatures de flèche géométriques rentrent également dans cet horizon chrono-culturel : elles sont abondantes à Chassey (Thevenot, 1991) et à Beaumont (Prestreau, Thevenot, 1996) et se distinguent bien des armatures tranchantes caractéristiques du Cerny ou du Chasséen septentrional, plus massives et au rapport longueur/largeur plus proche de 1. En revanche, les comparaisons concernant la bouteille carénée de la sépulture 520 restent plus difficiles à établir. Les éléments publiés du Chasséen de Bourgogne, du Chasséen septentrional et même du groupe de Noyen et du NMB, n'offrent aucune similitude convaincante : si des bouteilles existent, aucune ne semble porter une carène ni des anses en ruban (Prestreau, Thevenot, 1996; Blanchet, Martinez, 1986; Henocq - Pochninot, Mordant, 1991; Dufay - Galan, 1995). La sépulture 520, la seule à posséder une bouteille, se distingue également par d'autres aspects. Contrairement aux autres, la céramique est placée du côté de la tête, elle est aussi au même niveau que les os alors que les autres récipients ont été découverts dans le remplissage, entiers ou fragmentés, parfois très au-dessus des corps. L'altitude varie de 0,50 m au-dessus du corps dans la tombe 458 à une poignée de centimètres seulement dans la tombe 548. De plus, le vase ne repose jamais à plat sur son assise, il est renversé, ou renversé et en net pendage, ou encore totalement fragmenté et dispersé. Ce mobilier n'a donc pas été déposé avec le cadavre dans le coffre, mais par-dessus celui -ci. Malgré la déconnexion entre le vase et l'inhumé, le dépôt a toujours été réalisé à la même place, au nord-ouest de la fosse, par-dessus les pieds. Cette disposition peu connue nous inspire plusieurs réflexions. Tout d'abord, même refermée, la sépulture conserve une orientation, à l'image des tombes de nos cimetières. Ensuite, si la participation du vase au rituel funéraire n'est pas en cause, peut-on réellement ici le considérer comme un viatique ? Enfin, le caractère fragmentaire de certains des vases, dû largement à l'état d'érosion de la tombe, nous incite à penser que d'autres sépultures pouvaient à l'origine en être dotées. La notion de tombe riche ou de tombe pauvre, si elle se fonde sur la céramique, est donc ici particulièrement douteuse. La position des armatures de flèches est plus variable. Pour certaines, en fait la plupart, elles se trouvent, comme les parures et l'hameçon, au niveau du squelette. On peut donc considérer qu'elles font partie de l'équipement individuel des inhumés pour leur voyage dans l'au-delà. De plus, dans le groupe nord, on constate à deux reprises que les armatures ont été découvertes entre les cuisses du mort (st. 250 et 458). On pourrait imaginer que les flèches étaient disposées le long du corps, la tête vers le bas, la hampe dans les bras du mort qui serrait son carquois contre lui. La position des tranchets est plus aléatoire : vers la tête (st. 248) ou vers les pieds (st. 250), mais toujours en dehors de l'espace délimité par le coffre, au contraire des flèches et de certaines lames. En revanche, les lames sont soit dans le remplissage (st. 240), soit au niveau des corps (st. 250, 548). Les différentes composantes de la nécropole de Monéteau peuvent être rapprochées de différentes sphères culturelles. Ainsi, sur le plan des pratiques d'ensevelissement, ce sont les sépultures de type Chamblandes, connues au plus près en Valais et dans le canton de Vaud, qui présentent le plus de similitudes (inhumation en coffre, en position repliée sur le côté gauche). En revanche, sur le plan des mobiliers funéraires, les rapprochements sont plus difficiles : sauf pour les structures les plus récentes, les sépultures Chamblandes ne comportent pas de matériel céramique dont la fréquence est une caractéristique de Monéteau; de même, les outils en silex taillés (armatures, tranchets, lames, etc.) sont totalement absents dans les structures valaisanes et vaudoises. Ils sont au contraire abondants dans les contextes funéraires Cerny et c'est d'ailleurs le seul parallèle que l'on puisse faire avec cette culture. Quant au Chasséen, étant donné la rareté des données sur les rituels funéraires de cette période dans la moitié nord de la France, la seule analogie réside, pour le moment, dans la typologie des vases et des armatures de flèche. La fin du Néolithique existe à Monéteau sous des aspects funéraires originaux, qui concernent tant le Néolithique récent que le Néolithique final. Le Néolithique récent a livré les structures les plus énigmatiques du gisement. Ces quatre structures, que nous avons dénommées « structures de type Z », se présentent sous la forme de tranchées courtes – 2 m de long sur 0,80 m de large - disposées parallèlement deux à deux à une distance de 3 m (st. 370 et 363; st. 368 et 369). Les deux couples ainsi formés sont distants de plus de 100 m, l'un deux se trouvant à l'intérieur de l'enceinte néolithique moyen, l'autre jouxtant la tranchée de palissade, côté externe. L'orientation suit, dans les deux cas, l'axe nord-est / sud-ouest (fig. 2). Le comblement sommital de ces structures est homogène, mais à partir de 0,30 m de profondeur et jusqu'au fond à 1,20 m, on distingue nettement quatre négatifs de poteaux (fig. 11). Dans deux cas, ils s'accompagnent même de calages massifs à l'aide de blocs calcaires. Ces fosses ont toutes livré des vestiges, en faible quantité, le plus souvent dispersés dans le remplissage. Ajoutons qu'ils se trouvent préférentiellement à l'emplacement des empreintes de poteaux. Nous n'avons découvert qu'un seul amas cohérent, peut-être contenu dans une enveloppe en matière périssable (st. 370). La seule catégorie de vestiges présente dans toutes les structures est l'os humain. Il s'agit de restes fragmentés, brûlés ou non brûlés. La structure 363 n'a fourni que vingt-deux esquilles, pour un poids ne dépassant pas 8 g. L'ensemble le plus important provient de la structure 370, avec deux cent treize fragments pour un poids total de 458 g. Des restes brûlés sont présents partout; cependant la structure 368 comprend également quelques fragments non brûlés (dont un gros fragment d'occipital), et la fosse jumelle 369 essentiellement des ossements non brûlés. Le tableau se complexifie encore par la prise en compte, pour les restes brûlés, du moment de la crémation : on distingue des ossements brûlés « frais » et des ossements brûlés « secs ». Si tous les restes ne permettent pas un tel diagnostic (notamment pour la structure 363), en revanche la coexistence des deux situations est avérée pour l'échantillon de la structure 370. Les restes brûlés « secs » appartiennent essentiellement à un bloc crânio-facial portant une double trépanation (ante mortem). Le nombre minimum d'individus concernés par les restes humains ne dépasse pas un par structure, à l'exception de la structure 370, dont les 458 g d'ossements correspondent au moins à quatre individus, soit deux adultes et deux sujets immatures. D'un strict point de vue ostéologique, on ne peut considérer les échantillons de chaque structure comme indépendants : des ossements d'un même individu sont potentiellement répartis entre plusieurs structures. Le nombre minimum d'individus, pour l'ensemble des STZ, s'établit donc à cinq, soit : les restes non incinérés d'un sujet adulte, un sujet adulte dont le crâne a été brûlé après décomposition, un sujet adulte incinéré et deux enfants incinérés, dont un en bas âge. Des ossements animaux ont également été mis au jour, dont un ensemble talus-calcanéus en connexion et non brûlé dans la structure 369. Cette même structure a fourni le plus gros contingent d'industrie lithique, avec vingt et une pièces. Parmi elles, on note divers outils ou fragments d'outils : burins et chutes de burin, grattoir, fragments de lames et d'une hache polie… Cinq pièces passées au feu ne sont plus identifiables et une sixième présente des traces de chauffe. Hormis quelques tessons épars, la structure 370 est la seule qui a livré de la céramique : il s'agit d'un petit gobelet SOM (moins de 6 cm de haut), retrouvé complet au sein de la principale concentration de vestiges. La fragmentation de ces restes, leur rareté, l'absence de véritables dépôts organisés, ne permettent pas de qualifier ces structures de sépultures. Les restes brûlés mis au jour l'ont été en un autre lieu : les parois ne portent aucune trace de rubéfaction, le remplissage ne comporte aucun résidu de crémation. Leur fonction est encore à trouver. Ce qui est certain, c'est qu'elles ont reçu des poteaux formant couloir et que la présence des dépôts d'os humain leur donne un statut particulier, d'ordre spirituel si ce n'est funéraire. Cette découverte fait suite à celles de structures comparables à Varennes-Changy (Loiret), sur le tracé de l'autoroute A 77, qui ont été identifiées comme des sépultures à incinération (Billoin, Humbert, 1999). Les éléments recueillis à Monéteau n'autorisent pas une telle interprétation. La différence de plan - fosses accolées à Varennes-Changy, tranchées à Monéteau - peut trouver une explication dans une érosion plus forte dans le site du Loiret : en profondeur, la tranchée laisse progressivement la place aux quatre négatifs de poteau. En l'état, il n'est pas possible de proposer un quelconque rapprochement entre ces structures et les sépultures collectives « traditionnelles » de cette période. Une seule structure a été identifiée pour le Néolithique final (fig. 12). Il s'agit d'une sépulture arasée, de type coffre en pierre (st. 227; fig. 2). Ses dimensions sont réduites, 1,20 x 0,70 m. Son orientation suit l'axe nord-sud. Elle présentait, lors de la découverte, des petites dalles dressées sur trois côtés. Elle comporte un dallage régulier. Nous avons recueilli les restes de trois inhumations, en deux niveaux. Les ossements sont mal conservés, la surface de l'os compact est érodée, la substance spongieuse est souvent absente. Près de la surface, un jeune enfant au squelette très fragmentaire repose dans la largeur de la tombe, en décubitus dorsal, membres fléchis vers la gauche. Sur le dallage, et séparés du premier par 0,10 cm de remplissage stérile, sont apparus les ossements de deux autres sujets, l'un en connexion dans le grand axe de la sépulture, replié sur le côté droit, l'autre totalement disloqué, les os rassemblés sur les membres inférieurs du précédent. Ce deuxième sujet a sans doute été inhumé après décomposition en un autre lieu. Le mobilier d'accompagnement se résume à une gaine de hache à perforation transversale, deux perles discoïdes en os, un fragment de poinçon en os. La datation radiocarbone indique le Néolithique final (Ly-9744 : de 2912 à 2698 av. J.-C.). Le calibre des dalles utilisées pour les parois de ce coffre lui confère un caractère sommaire : elles ne dépassent pas 0,30 m de plus grande longueur. L'hypothèse d'une construction en bois habillée, ou étayée, à l'extérieur par des pierres ne trouve pas d'écho parmi les données. L'environnement géologique immédiat n'étant pas susceptible de fournir une grande dalle pour la couverture, il paraît plus simple d'imaginer une couverture périssable (le sujet inférieur s'est décomposé dans un espace vide). Malgré le nombre d'individus inhumés, cette sépulture ne peut être qualifiée de « sépulture collective ». Les deux premiers sujets ont été déposés en une seule fois, et le troisième a été installé après comblement, au moins partiel. Nous manquons de comparaisons pour une telle structure : l'existence d'un coffre ne suffit pas pour assimiler cette tombe avec celles de la nécropole chasséenne. La construction semble ici bien plus sommaire. Enfin, une petite fosse a encore livré des os humains, en fait dix éléments d'une main gauche et un fragment de fibula d'un sujet adulte (st. 364; fig. 2). Ce dernier fragment, comme l'absence de trace de découpe, nous interdisent de considérer le dépôt comme celui d'une main coupée. En outre, l'érosion de la structure limite l'interprétation. Nous manquons de comparaison pour un tel dépôt. La portion d'enceinte explorée à Monéteau, environ un quart de la structure totale y compris son aire interne, se distingue des autres structures contemporaines par plusieurs aspects mais s'en rapproche par d'autres. D'une part, il s'agit d'une structure constituée d'une simple palissade, le fossé et le talus généralement associés faisant ici défaut. En cela, elle se distingue de nombreuses enceintes chasséennes du Bassin parisien parmi lesquelles on citera Beaumont (Yonne) et, plus au nord, Boury, Jonquières, Catenoy, etc. D'autre part, bien que les relations entre la nécropole et l'enceinte ne soient pas encore complètement établies, la présence de structures funéraires groupées dans l'aire interne est, à notre connaissance, inédite pour le Chasséen de la moitié nord de la France. Cette découverte repose une fois de plus la question de la fonction de ces structures monumentales. D'autant que les traces d'activité domestique sont maigres : seule une structure isolée, issue du diagnostic, pourrait évoquer une fosse domestique. Au préalable, se pose évidemment la question de la contemporanéité de l'enceinte et des structures funéraires : des analyses radiocarbone sont à prévoir sur la palissade et sur un nombre plus important de sépultures. En l'attente, on peut poser comme hypothèse qu'étant donné les dimensions importantes de la surface enclose (plus de 10 ha), l'on est en présence du secteur funéraire de l'enceinte. Seule la fouille des trois quarts restants de la structure de retranchement et de son aire interne permettra de répondre à cette question . | Le site de Monéteau, Sur Macherin, exploré en 1999, a livré de nombreuses traces d'occupations, du Néolithique ancien à l'époque gallo-romaine. Le Néolithique est particulièrement bien représenté: le Villeneuve-Saint-Germain, avec sept unités d'habitation, le Néolithique récent avec d'énigmatiques structures funéraires, une petite tombe multiple datée du Néolithique final, et surtout le Néolithique moyen chasséen, avec une nécropole associée à une enceinte. Ce cimetière se compose de deux ensembles disjoints, structurés différemment et associés à des dispositifs monumentaux. Les pratiques funéraires, notamment la prépondérance des coffres, rapprochent cet ensemble du domaine « Chamblandes » de Suisse occidentale. Le mobilier, qui comprend des éléments méridionaux comme du Bassin parisien, reflète la position géographique de la nécropole. | archeologie_08-0169477_tei_365.xml |
termith-119-archeologie | La céramique et l'habitat du Bronze final, notamment pour l'étape moyenne du groupe R.S.F.O., ne sont connus en Bourgogne orientale que par les données issues de quelques sites de hauteur ou de structures isolées. La documentation portant sur ces sites, souvent ancienne et lacunaire, ne permet pas de dresser un état satisfaisant des modalités de l'occupation du sol, surtout pour les zones de plaine. Malgré un dynamisme régional particulier concernant surtout les productions métalliques au Bronze final IIIa (épées de type Forel, cuirasses de Saint-Germain-du-Plain), mis en évidence en particulier par L. Bonnamour à l'occasion des dragages de la Saône (Bonnamour,Mordant, 1988), l'appréhension de l'habitat dans ces mêmes régions est restée problématique jusqu' à ces dernières années. En février 2002, la fouille du site du Pré-du-Plancher à Varois-et-Chaignot (Côte-d'Or, fig. 1) permet, avec la découverte d'un ensemble céramique important au sein d'un habitat organisé, stratifié et bien conservé, de combler en partie ces lacunes. Le Pré-du-Plancher est de loin le gisement à avoir livré le plus de mobilier en contexte stratifié pour la Bourgogne et permet de ce fait une étude précise de l'évolution des assemblages céramiques sur un habitat de la fin du Bronze final. Cet exercice est inédit sur les sites terrestres de Bourgogne orientale et nous nous attacherons donc à présenter les contextes de mobilier, ainsi que les données chiffrées de façon exhaustive, tant pour les données brutes que pour l'étude typo-chronologique. Le gisement du Pré-du-Plancher se trouve à une dizaine de kilomètres à l'est de Dijon, sur la commune de Varois-et-Chaignot. Cette commune est située dans la partie nord-est de la vallée des Tilles, ensemble géographique légèrement vallonné, formé de coteaux calcaires peu élevés annonçant les plateaux du nord-ouest bourguignon. Ces formations sont entrecoupées de petites vallées (Tilles, Norge, Basmont), tributaires du bassin hydrographique de la Saône. Le site se localise au pied d'un de ces coteaux, sur la rive gauche du petit cours d'eau le Basmont, qui arrose Varois-et-Chaignot en amont (fig. 1 et 2). Le substrat géologique où sont implantées les structures montre une assez forte hétérogénéité. La partie basse du site, près du Basmont, est formée d'argiles de couleur grise à bleue. Ces formations sont présentes de la rive gauche du Basmont jusqu' à un paléochenal aujourd'hui entièrement comblé, qui marque la limite sud de l'occupation protohistorique. Au nord de ce paléochenal, on observe un substrat marneux dans lequel se trouvent la plupart des structures de l' Âge du Bronze. Ces marnes alternent avec des poches argileuses qui ont fait l'objet d'exploitations à l'époque protohistorique et des affleurements de substrat rocheux calcaire altéré. Le sol calcaire se généralise à mi-pente du coteau (fig. 2). Dès le diagnostic, une étude géomorphologique du site a été entreprise et menée à terme par D. Sordoillet (géomorphologue, INRAP) (Sordoillet, 2002). Elle montre qu'une importante phase de recouvrement limoneuse s'est mise en place à la fin de l'occupation de l' Âge du Bronze en recouvrant la totalité des structures du site. Les limons déposés peuvent atteindre une épaisseur de 1 m à 1,50 m dans la partie basse du gisement. Les matériaux sont d'origine alluviale, déposés par le Basmont, et d'origine terrestre avec le colluvionement de limons en provenance du sommet du coteau. Ce dépôt limoneux a eu pour effet la conservation optimale des structures de l' Âge du Bronze, qui se trouvent encore aujourd'hui sous une importante couche limoneuse, à l'abri de toute perturbation. Les éléments pouvant expliquer cette phase de recouvrement, s'ils ne sont pas encore connus avec précision, peuvent résulter de l'action simultanée d'une dégradation climatique souvent évoquée pour la fin de l' Âge du Bronze (passage du Subboréal au Subatlantique) et d'activités humaines pratiquées sur les plateaux bordant la vallée du Basmont (défrichements, déboisements), de nature à provoquer une phase d'érosion. Les traces d'occupation datées du Bronze final IIIb et du début de l' Âge du Fer, relevées sur les sommets des plateaux nord et sud peuvent étayer cette dernière hypothèse. L'implantation du site au pied du versant méridional d'un coteau, près d'un cours d'eau, est un fait relativement commun durant le développement du R.S.F.O. régional. L'érosion et les perturbations importantes qu'ont en général subies ces sites ne permettent pas, dans l'état actuel des recherches, d'en saisir leur organisation. L'examen du plan général des structures découvertes sur le Pré-du-Plancher (fig. 2) montre immédiatement une diversité de structures et une organisation spatiale évidente. La structuration de l'habitat s'organise autour de trois zones où se concentrent des creusements de type trous de poteau, des fosses, mais aussi des épandages de mobilier en surface. Un ensemble d'excavations pour l'extraction de matériaux argileux occupe une surface totale avoisinant 60 m 2 dans la partie orientale du site. L'organisation spatiale de chaque zone est axée autour d'ensembles de trous de poteau délimitant des bâtiments, de dépotoirs de type fosses ou épandages de surface, de structures de stockage sous forme de greniers ou de vases silos. Aucun silo en pleine terre n'est attesté. Dans les zones 1 et 2, la présence d'espaces de forme grossièrement circulaire, délimités par des poteaux, laisse suggérer des enclos palissadés. Cette zone est située dans la partie sud-est du site, dans un secteur où le sol géologique est formé par une semelle de roche calcaire altérée. L'habitat se compose d'un bâtiment associé à une structure sur poteaux. Plusieurs dépotoirs viennent compléter l'organisation spatiale de cette zone (fig. 3). Le bâtiment I est construit sur deux rangées de cinq poteaux parallèles délimitant un espace d'environ 50 m 2. Aucune trace de poteau à l'intérieur du bâtiment ne vient appuyer l'hypothèse d'une division de l'espace interne. Son architecture reste donc simple et montre un bâtiment construit sur un plan rectangulaire, semblable à la plupart de ceux connus pour la fin de l' Âge du Bronze en France (sites de Dampierre-sur-le-Doubs, Doubs) (Pétrequin et alii, 1969; Brun, 1981) et en Allemagne du Sud-Ouest (sites d'Urmitz et Aldenhoven) (Ruppel, 1988). Les poteaux formant la structure sont d'un diamètre homogène, plutôt petit (20 à 30 cm). Leur profondeur n'excède pas 30 cm. Le remplissage des trous est formé d'un limon de couleur grisâtre, homogène. Une structure de forme ovoïde, délimitée par des poteaux espacés d'environ 1 m à 1,5 m, vient s'accoler au bâtiment au niveau de l'angle sud-est. Nous l'avons interprétée comme un enclos palissadé, pouvant avoir été destiné à l'élevage. De tels aménagements restent rarement observées dans les habitats protohistoriques, mais il semble que certaines similitudes existent avec le site de Dampierre-sur-le-Doubs (maisons C13, C8, C6, C11). Au chapitre des comparaisons, nous pouvons également citer, hors de France, le site de Godberg, en Allemagne du Sud-Ouest, où des structures de poteaux accolées aux bâtiments peuvent évoquer des enclos (Brun, 1981). Cette zone, située contre la fosse d'extraction d'argile, à l'ouest du site, montre une organisation spatiale similaire à celle de la zone 1. La situation des structures d'habitat à proximité du paléochenal peut suggérer une contemporanéité de ces deux ensembles. Il demeure toutefois impossible d'étayer cette hypothèse de façon satisfaisante. Rappelons que l'étude géomorphologique permet d'envisager le creusement du paléochenal par l'homme au cours de la période d'occupation du site, peut-être dans le but de réguler le cours du Basmont et d'empêcher les débordements du petit cours d'eau sur les zones d'habitat. À l'instar de la zone 1, la zone 2 comporte les vestiges d'un bâtiment associé à des structures annexes.2, sa longueur étant parallèle au chenal qui se situe au sud. Les poteaux formant l'ossature externe sont d'un diamètre plus important que ceux du bâtiment I (entre 30 et 40 cm). Cette différence de taille peut résulter de son implantation dans une zone où le substrat est de type marneux, beaucoup moins stable et plus humide que la semelle calcaire dans laquelle sont fichés les poteaux du bâtiment I. Un aménagement de poteaux de forme plus ou moins ovoïde lui est accolé (fig. 3). Malgré ses dimensions plus importantes (130 m2 contre 50 m2 pour la zone 1), cette structure rappelle fortement l'enclos de la zone 1. Dans la périphérie de cette structure, trois creusements soignés, d'aspect régulier et adoptant une forme quadrangulaire, ont été repérés (ST101, 108 et 128, fig. 4). De dimensions semblables (1 m de longueur pour 0,4 m de large et 0,3 m de profondeur), elles possèdent des parois verticales très régulières et un fond plat également régulier. Les structures de forme quadrangulaire n'étant pas très courantes à l' Âge du Bronze, ces trois creusements manquent de comparaisons correctes (fig. 4). Leur interprétation n'est pas non plus aisée. L'aspect régulier des parois et le remplissage extrêmement charbonneux peuvent amener à l'hypothèse d'un cuvelage de planches pouvant prolonger en élévation les parois du creusement. Leurs fonctions possibles sont également difficiles à appréhender. La zone 3 est située dans le secteur le plus haut du site et de fait, le plus éloigné du Basmont. Les motivations ayant conduit à l'aménagement d'une zone d'habitat en retrait du cours d'eau, sur une partie haute du site, peuvent être liées à une évolution des conditions climatiques. Comme nous l'avons testé lors de la fouille, une période plus humide peut effectivement transformer la partie basse du site en une zone quasi-marécageuse, impropre à l'habitat. Toutefois, une évolution des activités déployées sur le site peut également être à l'origine de cette remontée de l'habitat. Les structures s'attachant à cette zone sont moins nombreuses que pour les précédentes et l'habitat n'est caractérisé que par un seul bâtiment, associé à quelques fosses dépotoirs de petites dimensions. L'enclos sur poteaux, présent dans les zones 1 et 2, disparaît de la zone 3 (fig. 3). Le bâtiment III est construit sur un plan rectangulaire de 8 m de long pour 4 m de large. Son ossature est formée de deux rangées de quatre poteaux parallèles de 25 cm de diamètre et régulièrement espacés de 1,5 m. Une structure quadrangulaire (ST194) de réalisation soignée se trouve à l'intérieur du bâtiment (fig. 4). Sa fouille a permis la découverte d'un lot homogène de céramiques brisées sur place et sa faible profondeur laisse supposer qu'elle se prolongeait de façon aérienne par un cuvelage jusqu'au plancher du bâtiment que l'on imagine légèrement surélevé par rapport au sol de l'époque. Une fonction de cellier ou de lieu de stockage de diverses denrées peut être proposée pour cette structure. Le secteur de la fosse polylobée se situe dans la partie occidentale de la zone 2, à l'ouest du site (fig. 3). Il s'agit d'une carrière d'extraction d'argile formée par une succession de creusements de tailles diverses pratiqués dans l'une des rares poches de matériaux argileux rencontrées sur le site. Les matériaux extraits sont des argiles jaunes de qualité médiocre vraisemblablement utilisées dans la confection de torchis, de parois de fours ou foyers et peut-être de céramiques à pâte grossière après traitement. Sur le plan scientifique, l'intérêt majeur de cette fosse réside, d'une part, dans le fait qu'elle a été l'objet d'une exploitation régulière sur toute la durée de l'occupation du site et, d'autre part, dans la stratification des dépotoirs provenant des différentes phases d'habitat accumulés dans les creusements successifs. Le but de l'étude a donc été de constituer un phasage stratigraphique de ces accumulations de déchets et de tirer de ce phasage une séquence typo-chronologique détaillée du mobilier. Pour appréhender la stratigraphie de l'ensemble au cours de la fouille, une division de la fosse par secteurs quadrangulaires a été mise en place, cette méthode ayant pour but de privilégier la fouille en plan des contextes de dépotoir et le relevé d'un nombre de coupes significatif pour permettre une étude fine de la stratigraphie. Cette étude a permis d'aboutir à la division de la stratigraphie en trois phases distinctes (fig. 5). La phase 1 (fig. 6) est matérialisée par une série de trois petits creusements dans le front sud de la zone argileuse. Ces fosses dépassent rarement 1,5 m de diamètre et 1 m de profondeur (ST183, 198, 200). Le comblement de ces structures est souvent homogène, formé de deux niveaux. Une couche d'argile plastique de couleur verdâtre tapisse le fond, le sédiment contenant de rares céramiques souvent entières, noyées dans la gangue argileuse. Ce niveau argileux est surmonté par une poche de déchets domestiques riche en mobilier. La phase 2 est formée par deux creusements de dimensions importantes (plus de 2 m de diamètre pour une profondeur pouvant aller jusqu' à 1,7 m). Ces deux structures (ST184 et 193) sont situées dans la partie occidentale de la zone argileuse, près du bâtiment II, le creusement de la fosse ST193 recoupant une partie de la fosse ST198, appartenant à la phase 1. Le remplissage de ces deux structures est formé d'une succession de petits niveaux de dépotoirs riches en mobilier. Une seule structure s'associe à la phase 3. Il s'agit d'une fosse de gros diamètre, peu profonde, située dans la partie orientale du secteur (ST182). Cette fosse est entièrement comblée par des déchets domestiques et recoupe la fosse ST183, appartenant à la phase 1. Un niveau épais dans la partie est de la zone argileuse, comprenant des zones de rejets homogènes (ST199), vient enfin sceller l'ensemble des structures. Son épaisseur s'amoindrit vers l'ouest de la fosse. Ce niveau montre que la zone d'extraction a toujours été employée comme zone de rejet alors qu'elle ne faisait plus l'objet d'extractions depuis un certain temps. La fouille du site du Pré-du-Plancher a occasionné la découverte de la plus grande quantité de mobilier céramique en contexte stratigraphique au sein d'un habitat en Bourgogne pour l' Âge du Bronze. L'ensemble des structures a livré 20 327 tessons pour un poids de 261 kg. Le nombre minimum d'individus déterminé se monte à 1249. Le mobilier se répartit principalement au sein des différents dépotoirs liés soit aux bâtiments, soit à la zone d'extraction (fig. 7). La céramique découverte en contexte d'occupation est plus rare. Le remplissage du cellier du bâtiment III et quelques vases de stockage encore en place au sein de la zone 3 sont les seuls témoignages de mobilier découvert dans ce type de contexte sur le site. Sur le plan technologique, les pâtes employées pour la réalisation des céramiques peuvent se subdiviser en deux groupes principaux. Les pâtes grossières sont réalisées avec une argile calcaire fortement dégraissée. Les dégraissants employés sont issus du contexte géologique local. Il s'agit en grande partie de coquilles broyées, mais aussi de calcaire. La chamotte est également très présente, sous forme de tessons broyés parfois grossièrement. La couleur des récipients cuits varie du brun au rouge orangé. La présence de fragments de ratés de cuisson appartenant à des vases réalisés dans ce type de pâte dans un dépotoir de la zone 1 suggère leur fabrication sur place. Les pâtes fines sont également réalisées à base d'argiles calcaires, mais disposent d'un dégraissant plus soigné et plus fin. La chamotte et le calcaire broyé sont de loin dominants. Les céramiques sont d'une cuisson soignée, leur couleur noire régulière suggère déjà des techniques de cuisson parfaitement maîtrisées. Le nombre important d'éléments céramiques ayant donné lieu à un dessin (plus de 3000) ne nous permettant pas, dans le travail présent, d'illustrer ce corpus de façon exhaustive, nous avons choisi de présenter la typologie et le mobilier de la façon suivante : chaque groupe typologique est illustré par un tableau reprenant l'ensemble des comptages par unité stratigraphique en tenant compte des subdivisions de classe et par une série de planches de mobilier sélectionné parmi l'ensemble des formes attribuées à ce groupe, à l'échelle 1/4. Pour les illustrations de la totalité du corpus céramique, nous renvoyons le lecteur au volume 2 du mémoire de D.E.S.S. réalisé sur le site (Ducreux, 2004). L'ensemble céramique découvert dans la zone polylobée, mais également dans les structures dépotoirs dépendant de chaque zone d'habitat, se révèle homogène et couvre une bonne partie du Bronze final IIb et du Bronze final IIIa. Durant ces périodes, la Bourgogne se situe au cœur du groupe R.S.F.O., qui étend son dynamisme culturel de la Suisse orientale jusqu'au Bassin parisien. Plusieurs travaux d'importance ont déjà été réalisés sur la typologie des mobiliers céramiques R.S.F.O., notamment en Suisse occidentale, sur les habitats de la région des trois lacs. Nous nous sommes plus précisément inspirés des travaux de V. Rychner sur le site d'Auvernier (Rychner, 1979), de M.-A. Borrello (Borello, 1986, 1992, 1993) sur les sites d'Hauterives-Champréveyres et de Cortaillod-Est et de J.-M Treffort sur le site de Saint-Alban (Isère) (Treffort, 1993). L'outil typologique permettant la classification du mobilier du Pré-du-Plancher répond aux deux préoccupations suivantes : - la simplicité; - l'évolutivité. La simplicité est nécessaire autant pour l'utilisateur que pour le lecteur. Ainsi, les principaux groupes typologiques ne doivent pas être multipliés inutilement sous peine de rendre la lecture d'un assemblage de mobilier difficile et induire des difficultés dans l'élaboration des séquences typo-chronologiques. Dans ce but, nous avons décidé de ne pas séparer les pâtes fines des pâtes grossières dans l'analyse typologique des formes. Dans le même esprit, l'analyse des bords des récipients a fait l'objet d'une classification annexe, mais indispensable du fait de l'évolution sensible de ce critère au Bronze final. L'évolutivité doit permettre l'adaptation de l'outil typologique à d'autres gisements de l' Âge du Bronze régional et d'aboutir à des travaux synthétiques. Dans ce but nous avons appliqué une dénomination alphanumérique la plus neutre possible aux différents groupes. Les cinq groupes génériques définis permettent une classification du mobilier de type R.S.F.O., mais également des éléments des périodes antérieures et postérieures. L'ajout de sous-types caractéristiques de chaque période est dans ce cas nécessaire. À long terme, ce travail doit aboutir à l'élaboration d'un référenciel typologique précis pour la fin de l' Âge du Bronze en Bourgogne. La typologie à été construite sur trois ou quatre niveaux suivant les spécificités principales de chaque forme : - niveau 1 : morphologie globale du récipient, corps simple, complexe ou à segmentation. Ce niveau se définit par un chiffre (groupes 1 à 5); - niveau 2 : morphologie de la panse, parois convexes ou tronconiques, panse carénée ou globuleuse. L'analyse de l'encolure, critère important pour le R.S.F.O., entre également dans ce niveau, défini par une lettre (1a, 1b…); - niveau 3 : détails morphologiques de la panse, position de la carène, caractéristiques de l'encolure, bords décrochés, rehaussés; - niveau 4 : profondeur du récipient pour les formes à corps simple. Exception faite du groupe 1, qui doit se définir sur quatre niveaux, les autres groupes se définissent sur trois niveaux. Cinq grands groupes de formes ont donc été isolés : 1 : les récipients de forme ouverte à corps simple; 2 : les récipients mono-segmentés à bord simple; 3 : les récipients à épaulement et encolure complexe; 4 : les récipients carénés à encolure complexe; 5 : les formes à corps biconique à encolure simple de gros volume. Les récipients à corps simple regroupent toute la gamme des assiettes, bols, tasses et coupes. La paroi des vases peut être tronconique ou convexe (fig. 8). Cette catégorie comprend des formes dont le rapport diamètre d'ouverture / hauteur est supérieur à 1 et dont le diamètre maximum est égal au diamètre d'ouverture. Le corpus des formes 1 comprend des récipients de diamètres très divers. Cette diversité est plus marquée pour les formes basses que pour les formes hautes et peut s'expliquer par des fonctions particulières (fig. 9). Les formes les plus petites (environ 10 cm de diamètre), ainsi que les formes que l'on peut placer dans un groupe de taille moyenne (17 cm), sont invariablement réalisées en pâte fine, souvent décorées. Il peut s'agir de récipients de présentation. L'usure constatée sur les fonds de certains individus montre toutefois leur utilisation fréquente. Les individus de grosse taille (parfois plus de 30 cm) sont par contre réalisés en pâte grossière et très rarement décorés. Certains paraissent avoir subi une sur-cuisson peut-être due à des tâches culinaires. Le corps du récipient peut affecter diverses morphologies (convexe, tronconique, concave ou segmenté), qui constituent le premier niveau de distinction. Les formes à profil segmenté (1b) sont rares, mais encore présentes dans certaines structures, notamment de la zone 1. En revanche, les formes à panse rectiligne ou tronconique (1a1) sont largement dominantes. Enfin, les formes à profil multisegmenté et à pied restent extrêmement rares (formes type 1b2-1, 1b2-2). Elles s'associent à une phase très précoce du R.S.F.O., voire au Bronze final I/IIa. Ce groupe concerne les récipients à corps complexe et bord simple, sans encolure, comprenant une carène, une segmentation plus ou moins marquée ou encore une panse globuleuse (fig. 10). La taille des récipients est très variable et induit des fonctionnalités différentes. Les récipients de grosse taille, qui correspondent à des jarres de stockage, ont été rassemblés dans un groupe différent (groupe 5), bien que leurs caractéristiques morphologiques soient proches de celles du groupe 2 (fig. 11). Le corpus est vaste et comprend la majorité des vases biconiques à bord oblique, très répandus au Bronze final, des formes basses (jattes) et certains types de gobelets biconiques. Nous avons choisi de rassembler les groupes 2 (jattes à corps complexes sans encolure) et 3 (récipients à encolure simple) de la typologie de V. Rychner en ne prenant pas l'indice de hauteur des vases comme critère principal (Rychner, 1979). Les sous-groupes sont déterminés en fonction de la position de la carène sur le vase (carène haute, médiane ou basse) ou de la morphologie de la panse (carénée, globuleuse ou tombante) (fig. 11). L'ensemble des individus de ce groupe souffre d'un coefficient de fragmentation élevé et bon nombre d'entre eux ne peuvent être déterminés qu'au niveau du bord. Pour ce qui est des individus identifiables, une nette prédominance des formes carénées par rapport aux formes globuleuses est remarquable. Fig. 10. Varois-et-Chaignot, le Pré-du-Plancher. Tableau de décompte des formes du groupe 2, organisé par phases chronologiques (formes à corps complexe, encolure simple). Il s'agit des récipients communément définis sous le terme de « gobelets à épaulement ». Ce type de forme, exclusivement réservé aux pâtes fines, est spécifique au groupe R.S.F.O. Au regard des travaux typologiques effectués sur la question pour les lacs suisses (Borrello, 1986, 1993, 1996) et l'Alsace (Piningre, 1988), il apparaît que cette forme se standardise très rapidement, dès la fin du Bronze final IIa et subit des mutations typologiques continuelles jusqu' à sa disparition des corpus céramiques au Bronze final IIIb. Cette évolution, bien cernée, a souvent été utilisée pour caractériser la transition Bronze final IIb / Bronze final IIIa (évolution vers l'encolure concave, diminution de la largeur des épaulements). Sur le plan morphologique, une double classification est nécessaire pour bien définir le groupe des gobelets, ceci en raison de la fragmentation souvent importante des récipients. Les morphologies de l'encolure des récipients et de leurs épaulements ont donc été prises en compte séparément et donné lieu à des typologies annexes. Si l'on tient compte de l'encolure des vases, quatre groupes typologiques sont discernables (fig. 12). Nous verrons qu'il existe des connexions entre certains types d'épaulement et certaines formes spécifiques. En règle générale, les formes dites étroites sont largement dominantes sur le Pré-du-Plancher, l'encolure associée est très souvent évasée. Ces types sont très courants en Bourgogne et dans le domaine nord-alpin et il est possible d'y entrevoir une spécificité régionale. Le groupe 4 comprend les formes souvent définies sous le vocable d'urnes. Ce type de forme est sur le plan morphologique assez proche de la précédente, mais s'en distingue par des dimensions plus importantes et une panse davantage carénée, marquée par une partie supérieure de longueur plus importante. Il s'agit également d'un type spécifique au Bronze final, très souvent utilisé comme urne cinéraire dans les nécropoles, mais également présent dans les corpus domestiques. De même que pour la forme 3, les subdivisions typologiques portent sur la définition de l'encolure, mais également sur la forme de la panse. Ce groupe reste difficile à définir en raison de la fragmentation importante des individus. Les panses carénées ou globuleuses représentées sur la figure 59 ont été incluses dans ce groupe par assimilation avec des formes complètes connues sur d'autres sites (fig. 13). Si l'on s'arrête au seul regard typologique, la plupart des formes du groupe 5 pourraient être incluses sans difficultés dans le groupe 2 (formes biconiques, encolure courte ou légèrement développée). Comme nous l'avons déjà fait remarquer pour le groupe 2, la taille beaucoup plus importante des individus, qui induit une fonction différente, nous pousse à isoler ces récipients, souvent utilisés en milieu domestique comme structures de stockage. Les critères typologiques qui nous permettent de créer des sous-groupes portent sur l'encolure et la panse. Deux types principaux d'encolures peuvent être identifiés (courtes et développées), ainsi que deux types de panses (biconiques et globuleuses). De même que pour le groupe 2, les panses carénées dominent largement le répertoire des formes (fig. 14). La morphologie de l'encolure apparaît ici comme un élément discriminant dans l'évolution de la forme. L'élément décoratif est primordial dans l'étude céramologique de corpus céramiques protohistoriques. N'étant pas encore marqué par la standardisation qui sera de mise à l'époque gallo-romaine, il reste le reflet de phénomènes à la fois culturels et chronologiques plus encore que la morphologie des céramiques. Au-delà de l'aspect culturel, les mutations des techniques décoratives sont également soumises à l'évolution de l'outillage. La technique du décor peigné en constitue un bel exemple : d'abord à dents rigides multiples au Bronze final IIb, l'outil passe progressivement à deux ou trois dents rigides pour devenir l'outil à deux dents souples qui symbolise le Bronze final IIIa. L'ensemble du corpus décoratif du Pré-du-Plancher a été scindé en quatre grands groupes organisés sur le critère de la technique décorative et des outils qui lui sont associés afin de mieux cerner le problème de ces évolutions. Nous avons ainsi différencié les décors modelés, peignés, incisés et estampés. Ce type de décor résulte d'une transformation de la pâte encore fraîche avec les doigts ou les ongles. Le registre des décors pouvant ainsi être obtenu est large, les cannelures et les décors digités sont les types prédominant au Pré-du-Plancher (fig. 15). L'absence ou la rareté de certains types tels que les cordons digités, excisés ou le pastillage est remarquable (fig. 16). En règle générale, les décors appartenant au registre des cannelures sont réservés aux céramiques à pâtes fines ou lustrées tandis que les décors de type digité restent associés aux pâtes grossières (fig. 17). Le décor le plus courant au Pré-du-Plancher est l'impression du plat du doigt organisée en registres de lignes horizontales. Les cannelures sont également abondantes. Leur traitement apparaît différent selon leur largeur : les cannelures larges sont réalisées avec le plat du doigt tandis que les cannelures fines sont traitées à l'aide d'un outil du type pointe mousse. Les gradins sur la face interne des assiettes peuvent être assimilés à des cannelures larges (fig. 18). Le décor au peigne est une pratique largement répandue dans le domaine culturel du groupe R.S.F.O. et presque exclusivement réservée aux céramiques à pâte fine. Le terme de peigne demeure encore aujourd'hui excessif dans la mesure où l'outillage ne nous est pas parvenu. Nous conserverons toutefois ce dénominatif par souci de clarté, ce terme ayant été employé par la majorité des auteurs qui ont travaillé sur la question. Les outils utilisés varient du peigne à deux ou plusieurs dents rigides au peigne à deux ou trois dents souples (fig. 19). Dans les deux cas, l'empreinte enregistrée sur la pâte est spécifique et permet de différencier sans grand risque un décor au peigne à dents rigides d'un décor au peigne à dents souples. L'empreinte du peigne à dents rigides correspond à une gravure réalisée sur une pâte sèche, non cuite, tandis que le peigne à dents souples est utilisé sur une pâte encore humide et laisse une empreinte proche de l'incision. Pour le Pré-du-Plancher, le registre des décors peignés est étendu et comprend des séries spécifiques au Bronze final IIb (guirlandes, lignes horizontales, verticales obliques, triangles et chevrons traités au peigne à dents rigides) et au Bronze final IIIa (lignes horizontales, concentriques, chevrons traités au peigne à dents souples). Les deux techniques sont très usitées et se repartissent différemment selon la chronologie des structures (fig. 20). Ces décors sont obtenus par l'application d'un outil de type épingle sur la pâte fraîche. Le répertoire des thèmes décoratifs est toutefois varié, allant des lignes simples jusqu' à des motifs géométriques plus complexes comme les triangles hachurés (fig. 21). Si cette technique est largement utilisée durant l' Âge du Bronze, elle reste plutôt marginale sur le site du Pré-du-Plancher (fig. 22). Ce type de décor est obtenu à l'aide d'un poinçon ou d'une matrice qui permet d'imprimer un motif sur la pâte fraîche. Certains poinçons ont été retrouvés notamment dans le cadre de la fouille de la grotte des Planches (Pétrequinet alii, 1985). Dans le cas du site du Pré-du-Plancher, les poinçons restent simples, en général appliqués sur les céramiques à pâte grossière. Il est possible de distinguer des motifs triangulaires (Es1), circulaires (Es2) ou encore de forme allongée (Es4) (fig. 21 et 22). Cette étude a pour but la détermination chronologique des assemblages de mobilier et leur étude comparative. Nous nous sommes, dans un premier temps, intéressés au mobilier présent dans les niveaux stratifiés de la structure polylobée, afin d'en saisir les principaux caractères d'évolution. Ce travail préliminaire a été réalisé en liaison avec le phasage stratigraphique acquis lors de la fouille de la structure (cf. fig. 6). Les résultats obtenus ont ensuite été comparés avec le mobilier présent dans les différentes zones d'habitat, trouvé en contexte de dépotoir ou domestique précis. À partir du croisement de ces données, nous avons enfin pu dresser un profil chronologique des différentes occupations du site sur trois phases d'habitat successives. Dans la présente étude typo-chronologique des formes, nous ferons donc référence à ces trois phases chronologiques, de la plus ancienne à la plus récente, sous les termes de phases 1, 2, 3. Ces études détaillées forment l'ossature scientifique du travail réalisé et fournissent un argumentaire qui repose sur un nombre conséquent d'éléments étudiés (plus de 3000) en provenance de contextes fiables. Elles seront présentées dans le paragraphe suivant. Le choix des contextes d'étude s'est porté sur les dépotoirs en fosses ou en épandage, c'est-à-dire la plupart des structures ayant livré du mobilier (environ 95 % de l'ensemble). Les tessons retrouvés en contexte non fiable (niveau d'altération du site et mobilier retrouvé au cours du décapage des terres supérieures) n'ont pas été pris en compte. Les contextes retenus offrent des assemblages hétérogènes sur le plan typologique, du fait de leur fonction de dépotoir domestique, et regroupent ainsi toutes les classes typologiques précédemment définies. Ce fait améliore grandement la qualité des comparaisons entre structures. Il n'en aurait pas été de même avec des dépotoirs artisanaux ou des structures funéraires, qui affichent très rarement des corpus typologiques complets. Les formes les plus anciennes de ce groupe sont à profil segmenté ou à rebord décroché et se trouvent dans la plupart des structures de la zone 1, ainsi que dans les fosses ST198, 183 et 200 de la structure polylobée, qui forment la première phase d'utilisation de ce secteur (fig. 5). Ce type est un élément typologique majeur pour la définition du Bronze final IIb. En Bourgogne, les assiettes à profil segmenté se rencontrent sur les sites de Chamblanc La Pièce-des-Vernes (Labeaune, Ducreux, 2005)et de Sevrey Parc d'activité Val-de-Bourgogne (Rollier et alii, 2002), datés de la fin du Bronze final IIa et du début du Bronze final IIb. Sur ces deux sites, l'association de ce type de forme avec un décor de guirlandes tracées au peigne à dents rigides multiples est systématique. Par rapport à ces deux derniers exemples, les assiettes segmentées du Pré-du-Plancher montrent déjà une évolution (fig. 23). Leur proportion devient marginale par rapport à d'autres types d'assiettes (assiettes à corps tronconique et marli) et le décor en guirlande est rare et uniquement représenté par un ou deux individus dans les structures les plus anciennes. Ce type de décor est souvent supplanté par des motifs de chevrons ou de triangles qui évoquent un aspect plus tardif du Bronze final IIb. La représentation des assiettes à profil segmenté est en large régression dans la phase 2 (ST193 et 184) et enfin, ce type disparaît presque totalement dans la fosse ST182 (phase 3). La forme évolue rapidement et ce, dès la phase 1, vers des profils tronconiques à bord indirect (1A1-2). Ce type s'impose encore plus largement dans la phase 2 qui comprend également des formes à bord direct qui vont illustrer davantage la phase trois (1A1-1). Pour les décors, les motifs en guirlande sont très faiblement représentés, uniquement dans les contextes les plus anciens de la phase 1, associés ou non aux formes à profil segmenté (fig. 24). Les chevrons horizontaux disposés en registres concentriques dominent les deux premières phases. À partir de la phase 2, les techniques se diversifient (incisions en triangle, motifs au peigne à dents souples) tandis que les tendances décoratives vont à la simplification. Le décor de gradins ou de cannelures larges, représenté par un gradin unique dans la phase 1, ne s'impose avec les formes à gradins multiples que dans la phase 3. Les formes profondes connaissent également une évolution sensible. Les bols à parois tronconiques à bord à marli qui dominent la phase 1 sont supplantés par des formes à parois convexes (1a2-9 à 11) au cours de la phase 2. Les formes à embouchure verticale (1a2-9) sont typiques des phases 2 et 3 et constituent un marqueur chrono-typologique de référence pour le Bronze final en Suisse occidentale et en Franche-Comté. Ces bols sont encore représentés dans les assemblages de la grotte des Planches, mais fortement concurrencés par les bols à bords convergents. Nous devons signaler l'absence totale de ce type de bol à bord convergent, fortement représenté sur l'axe Jura / Suisse occidentale et en Val de Saône au Bronze final IIIa, sur des sites comme Tavaux (Gannard, 1998, fig. 23), la Grotte-des-Planches (Pétrequinet alii, 1986), Auvernier (Rychner, 1979, pl. 19 à 21), Hauterives-Champréveyres (Borrello, 1992, pl. 16; 1993, pl. 88). Pour le Pré-du-Plancher, la représentation des bols de type 1a2-9 ne concerne que les phases 2 et 3 où on les retrouve en grande quantité. Les deux exemplaires de la phase 1 (ST106) constituent selon nous une expression précoce de ce type de vase, que l'on ressent également au niveau du décor qui se résume à un seul filet tracé au peigne à deux dents souples pour la phase 1, tandis que les individus des phases postérieures sont pourvus de décors plus chargés. Les formes du groupe 2 sont assez difficiles à définir sur le plan chrono-typologique en raison de leur fort coefficient de fragmentation (fig. 25, 26, 27, 28). Il semble que le type 2a (à carène médiane) soit un élément récurrent dans les trois phases d'occupation. Une sériation chronologique de ce type peut être tentée sur l'analyse des décors associés. En effet, nous constatons que la bande décorative est presque toujours placée à la rupture col / panse pour les trois phases, mais qu'une évolution des techniques est en revanche très perceptible. Les décors digités prédominent largement pour la phase 1, tandis que les décors incisés et estampés se succèdent au cours des phases 2 et 3 (fig. 25, n° 4 et fig. 26) Les quelques rares éléments décorés sur la carène (cannelures obliques, bandes digitées) sont un héritage du Bronze final. En règle générale, les cannelures verticales ou obliques appliquées sur la carène sont typiques des phases 1 et 2, mais disparaissent totalement au cours de la phase 3 (fig. 25, n° 5). Les décors estampés ou poinçonnés n'apparaissent qu'assez tardivement (fig. 25, n° 4),dans les phases 2 et 3. Les ressauts marqués à la rupture col / panse sont rares et certainement plus tardifs (fin Bronze final IIIa). Ils trouvent de bonnes comparaisons avec les sites de Longvic Les Quétinières (Côte-d'Or), daté de la fin du Bronze final IIIa (mobilier non publié, Labeauneet alii, 2003, fig. 28, 29) et de Cortaillod-Est (Borrello, 1986, pl. 67-68). La représentativité des formes globuleuses par rapport aux formes carénées se renforce au fil des trois phases tout en restant inférieure. Très faible au cours des deux premières phases (7 et 5 %), elle atteint 19 % au cours de la troisième phase, ceci en partie à cause de l'introduction au cours de la phase 2 des formes dites à profil sinueux dans le corpus céramique. Les formes à carène haute de type 2b sont bien représentées dans la phase 3 (ST194), de même que les formes à profil sinueux, associées à des lignes horizontales au peigne à dents souples, type 2e4, typiques des sites suisses et franc-comtois (Grotte-des-Planches, horizon D2, Pétrequinet alii,1985, fig. 120; Cortaillod-Est, Borrello,1986, pl. 42-48). Les décors cannelés sont également de bons marqueurs chronologiques et leur évolution est bien perceptible au cours des trois phases. Ces décors concernent les formes du groupe 2, mais également du groupe 4. La phase 1 montre des ensembles où la cannelure est fortement présente, associant des types horizontaux, verticaux ou encore en hémicycle (fig. 27). Les cannelures sont d'une taille moyenne ou large, supérieure à 0,6 cm. Les registres se simplifient de façon notable au cours de la phase 2, de même que le nombre d'individus. Les cannelures horizontales placées sur la partie supérieure de la carène dominent désormais le corpus. La phase 3 voit les décors se raréfier, la largeur des cannelures diminue et les vases ne sont décorés que sur un registre de faible épaisseur à la rupture col/panse. Ce type de décor évoque déjà des ensembles tardifs du Bronze final IIIa / Bronze final IIIb comme Longvic Les Quétinières (Labeauneet alii, 2003) ou encore Ouroux-sur-Saône, les Avoinières (Ducreux, 2005). Les récipients du groupe 3 connaissent une évolution très sensible de la phase 1 à la phase 3 (fig. 29, 30). Les formes de la phase 1 regroupent essentiellement des gobelets encore empreints des traditions du Bronze final IIb. Parmi les éléments les plus anciens se retrouvent des gobelets à encolure verticale avec carènes décorées de cannelures fines obliques ou verticales. Ces types sont rares mais intéressants du fait qu'ils assemblent des décors issus du répertoire de la céramique cannelée du Bronze final I/IIa avec des formes typiquement R.S.F.O. Les gobelets à épaulement large, souvent décorés de façon exubérante au peigne à dents rigides, illustrent également cette première phase d'occupation et font référence aux répertoires alsaciens, du nord de la Suisse et d'Allemagne du Sud-Ouest. En règle générale, le décor est souvent complexe, associant chevrons, lignes horizontales, hachures. Les arceaux cannelés, typiques des premières phases du R.S.F.O., ne sont présents que sur un individu de la phase 1. Parallèlement à ces types, les gobelets à encolure verticale ou évasée, à épaulement de longueur moyenne décoré de cannelures fines, sont également bien représentés. Ce dernier type prendra l'ascendant au cours de la phase 2, qui voit se mettre en place une simplification des décors, autant sur les épaulements des vases que sur les encolures (fig. 29). Les encolures évasées deviennent largement dominantes et les encolures concaves font leur apparition. L'encolure des gobelets n'est plus décorée que par des lignes horizontales tracées au peigne à dents souples ou rigides; les décors sur les épaulements se résument quant à eux à des séries de lignes verticales ou obliques, fortement raccourcies par rapport à la phase précédente et parfois séparées par de grands espaces vides. Le peigne à dents souples côtoie le peigne à dents rigides dont le nombre de dents se réduit également. La phase 3 est marquée par une simplification encore plus prononcée du décor. Une réduction de l'épaulement est très perceptible sur les formes à encolure concave qui dominent le corpus aux côtés des vases à encolure évasée (fig. 30). Les types précoces de la phase 1 (encolures refermées, verticales, épaulements larges) ont complètement disparu de l'assemblage. Le décor se résume à des séries de lignes horizontales au peigne à dents souples entrecoupées d'espaces vides sur les encolures. Les épaulements ne sont presque plus décorés, les rares exceptions concernent des traits obliques, courts, séparés de longs espaces vides. Le décor de méandres, caractéristique du Bronze final IIIa, n'apparaît que sur un exemplaire de vase large à encolure concave. Cette dernière remarque tend à nous faire placer cette phase 3 dans un Bronze final IIIa affirmé, mais pas encore très évolué, en comparaison avec des séries comme celles du Gué des Piles (Chalon-sur-Saône, Bonnamour, 1989) et de la grotte des Planches, où cette forme décorative est largement plus représentée. La grande fragmentation des individus de ce groupe, qui sont souvent de grande taille, limite l'analyse typo-chronologique à des détails décoratifs ou portant sur l'encolure des vases (fig. 31). En règle générale, nous ne remarquons pas d'évolution très sensible pour cette classe de récipient qui reste très présente dans toutes les périodes de l'aire chronologique du R.S.F.O. Les principaux marqueurs résident dans la morphologie de l'encolure. Les vases à encolure verticale plutôt haute sont mieux représentés dans les phases 1 et 2 tandis que les individus à encolure concave, souvent décorée de bandes horizontales au peigne à dents rigides ou souples, sont typiques des phases 2 et 3. Ce dernier type de vase, représentatif de la région des lacs de Suisse occidentale, est ici un bon marqueur culturel (Rychner, 1979). Pour ce qui concerne les décors, les cannelures larges ou fines placées sur la partie supérieure de la panse dominent largement sur ces types durant les phases 1 et 2. Une simplification de la forme vers des vases non décorés, disposant d'une encolure raccourcie et souvent réalisés dans une pâte plus grossière, est à signaler pour la phase 3. Cette évolution est corroborée par le site de Longvic Les Quétinières ou seuls ces derniers types sont représentés. Les cannelures horizontales placées sur la partie supérieure de la carène des vases évoquent un registre déjà connu sur le plan régional sur des sites comme Sassenay et Granges. Les cannelures verticales ou obliques placées sur la carène sont également connues en Bourgogne (incinération de Granges; Cognot, Ducreux, 2006). Elles sont beaucoup mieux représentées dans les phases 1 et 2 et leur répartition importante dans la région peut témoigner d'un style régional. Ce type de vase concerne les récipients de stockage, souvent enterrés, ce qui permet de retrouver des individus de forme définissable, et ce, malgré leurs grandes dimensions. Ces récipients n'ont pas toujours fait l'objet de l'attention qu'ils méritaient, souvent délaissés au profit des vases à pâtes fines. Une étude rigoureuse permet cependant de constater qu'ils fournissent d'excellents marqueurs typo-chronologiques, autant sur le plan morphologique que décoratif (fig. 32). Les critères d'évolution se situent pour la majorité au niveau de l'encolure et du décor tandis que la morphologie générale ne subit guère d'évolution. En effet, les vases carénés sont présents de la phase 1 à la phase 3. Cette dernière constatation peut toutefois être nuancée par l'introduction de quelques formes à panse globuleuse dès la phase 2, ces types restant toutefois marginaux jusqu' à la fin de l'occupation. Au cours de la phase 1, les vases disposent d'une encolure très développée, souvent terminée par un bord en léger marli. Ce type de col s'accompagne dans la plupart des cas de décors réalisés à l'ongle ou avec le plat de doigt, sur la lèvre externe. La zone de rupture col/panse est également soulignée du même décor. Les comparaisons s'orientent ici vers la France du Nord-Est et l'Allemagne du Sud-Ouest. Dès la phase 2, l'encolure des récipients perd de sa longueur et le marli a tendance à disparaître, ainsi que les décors au doigt. Ces derniers sont supplantés par des bandes de motifs estampés placées à la rupture col/panse. Cette évolution témoigne également d'une inflexion des relations vers la région des lacs de Suisse occidentale où ces types sont largement prédominants. Au cours de la phase 3, les jarres à encolure développée de la phase 1 disparaissent progressivement du corpus pour être supplantées par les vases à encolure courte et à décors estampés placés à la rupture col / panse, parfois en double registre. Nous ne passerons pas en revue l'ensemble des techniques décoratives, qui viennent pour la plupart d' être évoquées, mais il nous paraît nécessaire de revenir sur les décors peignés, dont l'évolution est particulièrement significative pour le Pré-du-Plancher. Trois outils sont répertoriés pour le corpus de ce type de décor qui compte un nombre minimum de 310 individus (fig. 33). Le peigne à dents rigides multiples, qui est largement prédominant pour la phase 1, peut être considéré comme l'outil marquant les débuts de l'occupation du site. Cette considération reste en accord total avec les tendances évolutives de l'ensemble de la zone R.S.F.O. puisque cet outil est l'un des principaux fossiles directeurs du Bronze final IIb. La phase 2 voit sa domination décroître au profit des deux autres outils que sont le peigne à dents rigides doubles ou triples et le peigne à dents souples doubles ou triples. Ce dernier outil dominera en revanche très nettement la phase 3. Nous devons toutefois remarquer que les trois outils sont représentés dans chaque phase et qu'il n'existe pas de rupture franche dans le passage du peigne à dents rigides au peigne à dents souples, d'autant plus que le peigne à dents rigides doubles, bien utilisé au cours de la phase 2, paraît jouer le rôle d'outil de transition. Cette étude montre donc une évolution intéressante d'une technique décorative qui reste souvent délicate à mettre en évidence pour des contextes numériquement moins importants. Le Pré-du-Plancher révèle une évolution du mobilier qui peut être appréhendée sur les trois phases d'habitats définies sur le site. L'évolution est sensible sur des points précis du mobilier céramique (encolures des vases, décors et techniques décoratives…). Elle s'articule autour d'un « ciment culturel » fort, composé de formes générales récurrentes pour les trois phases, typiques du groupe R.S.F.O. (vases et gobelets à encolures complexes, assiettes tronconiques…). Il va de soi que de tels critères, lorsqu'ils s'appliquent à des points de détail, sont très difficiles à mettre en valeur sur des ensembles dépourvus de stratigraphie ou comportant un mobilier moins nombreux, comme c'est le cas pour de nombreux ensembles datés de la phase R.S.F.O. sans autre précision, en Bourgogne et dans d'autres régions. La mise en évidence de ces critères que l'on qualifiera d'évolutifs, à l'inverse des critères récurrents, est possible sur le site du Pré-du-Plancher grâce aux séquences stratigraphiques enregistrées lors de la fouille de la structure polylobée et permet maintenant d'envisager une matrice définissant l'évolution globale de la céramique pour le passage du Bronze final IIb au Bronze final IIIa en Bourgogne orientale. Cette matrice sera un outil de base permettant de définir un phasage chronologique de l'ensemble des structures du site. Deux étapes ont été nécessaires pour définir un phasage chronologique du gisement. Les outils à notre disposition sont d'une part la stratification des rejets dans la fosse polylobée et d'autre part la typo-chronologie, qui rappelons -le, a permis de déterminer une centaine de critères évolutifs pour l'ensemble du mobilier céramique. La première étape a donc consisté à croiser les données issues de la typo-chronologie et de l'étude stratigraphique pour l'ensemble des structures de la zone polylobée (fig. 34). Cette étude apporte des résultats d'une très bonne qualité en termes de phasage chrono-stratigraphique. Le mobilier se répartit en trois groupes typologiques cohérents correspondant aux trois phases stratigraphiques de la structure. Si l'on examine de plus près le contenu de ces groupes, en termes de typo-chronologie, nous nous apercevons que les phases 1 et 3 présentent un assemblage céramique de nature précoce pour la phase 1 et plutôt tardive pour la phase 3. La phase 2 vient s'insérer entre ces deux périodes, avec un mobilier présentant à la fois les caractéristiques tardives de la phase 3 et l'aspect précoce de la phase 1. La phase 2 peut être considérée comme une phase transitoire, au cours de laquelle de nouvelles productions céramiques viennent s'intégrer dans un ensemble qui présente encore de fortes affinités avec la phase 1. La dynamique de l'introduction de ces nouvelles productions au cours de cette phase 2 est illustrée par la stratigraphie de la fosse ST193 (fig. 35), dont le remplissage comporte une stratification de sept niveaux de dépotoirs domestiques. Les niveaux les plus anciens contiennent encore un mobilier proche de celui de la phase 1 tandis qu' à partir du niveau 3/5, la tendance s'inverse avec l'apparition des types représentatifs de la phase 3. Il nous semble ici important de signaler que si la phase 2 présente un aspect transitoire sur le plan de l'assemblage céramique, elle n'en demeure pas moins une phase d'habitat à part entière, disposant d'un bâtiment avec zones d'activités annexes et une gestion particulière des extractions d'argiles au sein de la zone polylobée (creusement de fosses de grandes dimensions). La deuxième étape du phasage chronologique a consisté à relier l'ensemble des contextes ayant livré du mobilier sur la totalité du site, au phasage mis en place pour la structure polylobée. Les dépotoirs de la zone 2 étant tous inclus dans la structure polylobée, il nous reste à regarder les zones les plus éloignées de cette structure, soit les zones 1 et 3. La zone 1 comporte plusieurs types de dépotoirs, en fosse ou à ciel ouvert, sous forme d'épandages conservés sous l'épaisse couche de limon qui recouvre le site. Le mobilier contenu dans ces dépotoirs révèle une belle homogénéité qui situe cet ensemble en synchronisme avec la phase 1 de la structure polylobée (fig. 36 et 37). Quant à la zone 3, l'assemblage céramique apparaît d'emblée plus hétérogène (fig. 37). Ceci est en partie dû à la présence de structures fossoyées au sud de la zone, contenant un mobilier synchrone de la phase 1. Si l'on excepte ces structures, la zone 3 montre alors une contemporanéité avec la phase 3 de la fosse polylobée. Il est donc possible, au vu de ces résultats, de proposer un phasage chronologique fondé d'une part sur la séquence stratigraphique de la fosse polylobée et sur la séquence typo-chronologique du mobilier céramique d'autre part. Ce phasage laisse entrevoir une dynamique d'occupation du territoire basée sur le déplacement d'une unité d'habitat, formée par un bâtiment avec ses structures annexes. Les trois habitats visibles sur le plan général du site ne sont donc pas contemporains, mais se succèdent sans hiatus chronologique apparent. Dans le cas des bâtiments I et II, l'abandon n'est pas brutal et il serait logique que la fin de l'occupation du bâtiment I soit contemporaine du début de l'occupation du bâtiment II. Cette remarque est également valable pour les bâtiments II et III. En revanche, l'abandon du bâtiment III est brutal et marque la fin de l'occupation du site. La pérennité de certaines activités (enclos d'élevage sur poteaux, exploitation de la même carrière de matériaux argileux) au cours des trois phases plaide en faveur de l'existence de liens entre les unités d'habitat successives (fig. 38). Il est tentant, au gré de cette réflexion, d'assimiler cette succession d'unités d'habitat au déplacement d'une cellule familiale de génération en génération sur un même territoire. La chronologie actuelle du Bronze final s'inspire en grande partie des travaux de la deuxième moitié du vingtième siècle, dans lesquels cette période s'associait à la vaste civilisation des Champs d'Urnes. Pour l'Allemagne, les bases de la chronologie encore utilisée de nos jours sont jetées dès 1959 par H. Müller-Karpe (Müller-Karpe,1959) qui définit un Bronze final divisé entre le Bronze D pour ses périodes les plus précoces et la civilisation du Hallstatt pour ses périodes moyennes et tardives, ceci en partie à cause de l'introduction de fer dans les sépultures de cette période. Pour la France c'est J.-J. Hatt qui déterminera une chronologie pour laquelle la notion de civilisation de Hallstatt n'intervient qu'après le Bronze final IIIb. Il ne s'agit pas ici de la seule différence existant entre les deux systèmes puisque la chronologie de Müller-Karpe introduit une période (Hallstatt B2), entre le Bronze final IIIa et le Bronze final IIIb de J.-J. Hatt, qui n'est pas identifiée dans les régions plus occidentales (fig. 39). Le colloque traitant de la genèse du groupe Rhin-Suisse-France-orientale tenu en 1986 à Nemours (Brun, Mordant, 1988) n'apportera pas de solution à ce problème chronologique et les deux systèmes continueront d' être employés selon le gré des auteurs. En règle générale, la chronologie de J.-J. Hatt est utilisée en France, notamment dans le Bassin parisien, le Centre et l'Est, tandis que la chronologie de Müller-Karpe est de mise en Allemagne et en Suisse. Pour la Bourgogne orientale, le système Hatt semble devoir être employé en raison de l'absence de définition claire du Hallstatt B2 dans la région et de l'absence d'objets en fer pour les périodes antérieures à un Bronze final IIIb très tardif. Le développement de l'archéologie préventive à partir de la fin des années 80 va permettre la découverte et l'analyse poussée de lots céramiques abondants et aboutir à la mise en place de périodisations régionales du style R.S.F.O. C'est le cas pour la Lorraine (Klag, 1999) où la périodisation distingue huit phases pour lesquelles l'évolution des matériaux céramiques est définie avec précision. La périodisation du Bronze final pour la Bourgogne est actuellement en cours de réalisation, notamment sur les bases de la présente étude. Pour la Suisse occidentale, les travaux de M. David-Elbiali et de P. Moinat, qui mettent en parallèle les données de la fouille de la nécropole de Lausanne-Vidy et de l'occupation des stations littorales, aboutissent à une périodisation en cinq phases de la fin de l' Âge du Bronze pour la région (David-Elbiali, Moinat, 2005). La durée d'une phase d'habitat reste encore difficile à estimer. Au vu de l'évolution du mobilier céramique associé, la succession des trois phases apparaît plutôt rapide. Si l'on poursuit le raisonnement amorcé à la fin du chapitre précédent et que l'on admette que la génération familiale soit le vecteur du rythme des différentes occupations, une phase d'occupation ne semble alors pas devoir dépasser une trentaine d'années. Rappelons également que les trois unités d'habitat du site ne se succèdent pas brutalement, mais qu'il est probable, au contraire, qu'elles se chevauchent sur l'échelle chronologique. En tenant compte de ces deux dernières remarques, l'occupation totale du site ne doit pas avoir excédé soixante-dix années. Ce dernier chiffre reste bien sûr hypothétique mais s'accorde avec le rythme de l'évolution des matériaux céramiques étudiés qui s'étale sur une fourchette d'une centaine d'années. Pour le site du Pré-du-Plancher, les trois phases d'habitat sont illustrées par un mobilier céramique abondant, disposant de caractéristiques typo-chronologiques propres à chacune d'entre elles, observées en séquence stratigraphique. Sur ces bases, la phase 1 peut être considérée comme la plus ancienne occupation du site. Rappelons qu' à cette phase se rattachent l'ensemble des structures de la zone 1 et les structures 183, 198 et 200 de la fosse polylobée, qui marquent le début de l'exploitation de ce secteur. L'ensemble est homogène au point de vue mobilier et nous ne pouvons pas distinguer de structure précoce ou tardive (fig. 40). Cet aspect suggère également une dynamique d'occupation rapide. Les composantes anciennes dans le mobilier céramique sont rares et caractéristiques du début du Bronze final IIb, avec des formes qui renvoient au style R.S.F.O. d'Allemagne du Sud-Ouest. Nous notons ici une prédominance de la technique du peigne à dents rigides multiples. L'assiette à parois concaves et bord à moulure interne (n° 200-071, fig. 41, n° 12) est bien représentée en Bourgogne dans les contextes du début du Bronze final et du Bronze final IIa (Chamblanc, la Pièce des Vernes, Labeaune, Ducreux, 2005) et constitue ici un des éléments les plus anciens de l'assemblage céramique. Sur la face interne des assiettes, le décor en guirlande réalisé au peigne à dents rigides multiples ou plus rarement par la technique des cannelures douces (fig. 41, n° 26) est tout à fait caractéristique du Bronze final IIb. Mais ces types de décors sont déjà très mal représentés et disparaissent dans les deux phases suivantes. Le décor de guirlande n'apparaît que sur de rares tessons fragmentés, il ne s'associe plus à des motifs rayonnants comme c'est le cas dans un Bronze final IIb que l'on qualifiera de classique (Chamblanc, La Pièce-des-Vernes, période 3, Labeaune, Ducreux, 2005, pl. 60; Sevrey, parc d'activités Val-de-Bourgogne, Rollieret alii, 2002, c.8). Ces thèmes renvoient directement aux thèmes décoratifs utilisés au début du style R.S.F.O. en Allemagne du Sud-Ouest (Ruppel, 1988). Pour la Bourgogne orientale, ils sont très présents au début du Bronze final IIb, mais tendent à être supplantés par de nouveaux motifs (chevrons, triangles…) au milieu de cette même période. Il est possible de faire le même constat pour l'Alsace et la fosse d'Uffheim (Piningre, 1988) où les décors à guirlande ou de chevrons cohabitent avec l'introduction sporadique de formes plus tardives (gobelets à encolure concave). Cette tendance, qui se calque sur la périodisation du style R.S.F.O. lorrain (étape 5; Klag,1999), est vérifiée au Pré-du-Plancher où, dès la phase 1, les décors de chevrons et autres motifs géométriques sont dominants. Les décors de cannelures verticales, obliques ou en arceaux, constituent le deuxième élément précoce de cette phase 1. Ces types sont très mal représentés et supplantés par les décors peignés. Parmi ce mobilier, certains vases, comme l'urne biconique à décor d'arceaux cannelés et le gobelet à cannelures larges, évoquent des influences lointaines du groupe Main/Souabe. Le décor de gradins multiples n'est pas attesté dans cette phase et l'unique manifestation de ce thème décoratif prend la forme d'un gradin unique, placé sur la partie médiane de l'assiette. La sous-représentation des assiettes à profil segmenté par rapport aux formes à profil rectiligne constitue un argument qui permet de dater cette phase 1 dans un Bronze final IIb déjà très affirmé. Cette datation est corroborée par la présence systématique au sein des niveaux de dépotoirs de tasses à anse, qui n'apparaissent qu'assez tardivement dans le Bronze final IIb. Ces tasses ne sont signalées en Moselle qu' à partir de l'étape 5 sur le site de Marly, Le Clos-des-Sorbiers (Klag, 1999), qui correspond au Bronze final IIb dans sa phase évoluée. Le groupe des gobelets (forme 3) atteste également la coexistence d'éléments anciens avec des types plus évolués. Les formes anciennes sont illustrées par des gobelets à épaulement large et encolure cylindrique ou refermée. Le décor est presque systématiquement traité au peigne à dents rigides multiples, selon des thèmes plutôt exubérants (chevrons imbriqués, lignes horizontales, verticales). Les lignes verticales longues placées sous l'épaulement de certains types sont également un critère du Bronze final IIb précoce régional (Chamblanc, La Pièce-des-Vernes). Les formes plus évoluées sont représentées par une majorité de gobelets étroits, à encolure évasée, disposant d'un décor moins exubérant (lignes horizontales sur l'encolure, cannelures à la base du col). Ce type de vase témoigne de rapports directs avec la Franche-Comté, le domaine nord-alpin et la vallée du Rhône, leurs principales zones de répartition. Le vase caréné à embouchure rétrécie est un marqueur à la fois typologique et culturel puisqu'il témoigne d'évidentes relations avec l'Allemagne de l'Ouest et la France du Nord-Est. Ce type de forme est attesté en Lorraine sur le site de Maizière-lès-Metz (Blouetet alii, 1988, pl. 6) et en Allemagne, à Roitzheim, où il est daté du Hallsatt B (Ruppel, 1988, fig. 2). Dans cet ensemble, de rares éléments apparaissent tardifs, tel le bol à embouchure verticale contenu en deux exemplaires dans la structure 106 et qui annonce les formes typiques du Bronze final IIIa (fig. 41, n° 3; fig. 36). Cette forme reste néanmoins isolée à l'intérieur d'un contexte ou les éléments plus anciens dominent largement. L'ensemble nous permet donc une datation dans un Bronze final IIb évolué du fait de la disparition progressive des marqueurs de cette période et de l'introduction très marginale, mais sensible, de types annonçant le Bronze final IIIa. Les principales influences sont celles de la France de l'Est (Lorraine, Alsace) et du domaine nord-alpin, régions avec lesquelles la Bourgogne a toujours entretenu des relations privilégiées. En ce qui concerne la Suisse, il est possible d'avancer l'hypothèse d'une contemporanéité de la phase 1 du Pré-du-Plancher avec les premières phases d'occupation de la région des lacs de Suisse occidentale (fig. 42), datées par dendrochronologie d'une période légèrement antérieure à - 1050. Si l'on compare l'assemblage mobilier avec le site de Chamblanc la Pièce-des-Vernes (Côte-d'Or), jusqu' à présent le seul site structuré à avoir livré un ensemble du Bronze final IIb, l'antériorité du mobilier de Chamblanc est mise en évidence de façon très nette. Les décors de guirlandes associés ou non à des motifs rayonnants dominent indiscutablement le groupe des assiettes et les vases biconiques conservent une part d'héritage encore importante du Bronze final IIa (impressions digitées sur la carène, encolures courtes digitées) qui n'apparaît plus dans la phase 1 du Pré-du-Plancher. La phase 2 présente la particularité d'associer des caractéristiques du Bronze final IIb à des éléments d'un profil plus tardif (fig. 43). Le mobilier précoce présent au cours de la phase 1 disparaît presque complètement de l'assemblage (décors de guirlandes, arceaux cannelés, gobelets à décors exubérants…). De cette première phase ne subsistent que de rares assiettes à profil segmenté et décor de chevrons au peigne à dents rigides doubles et quelques gobelets à encolure verticale ou oblique à décor de lignes horizontales au peigne à dents rigides. Ces éléments se retrouvent tous dans les niveaux inférieurs de la fosse ST193, qui peut de ce fait avoir été la première structure mise en œuvre au cours de cette deuxième phase. La fosse ST184, qui appartient également à la phase 2, est associée à un mobilier plus tardif : les influences de la région des lacs suisses sont beaucoup plus présentes et les décors au peigne à dents souples supplantent ceux réalisés au peigne à dents rigides. Pour les gobelets, la tendance va vers une simplification nette des décors, autant pour l'encolure que pour les épaulements. La figure 42 fait apparaître d'assez nettes connexions entre cette phase et le niveau 3 des zones A et B du site d'Hauterive-Champréveyres, qui offre une datation dendrochronologique située entre 1054 et 1037 av. J.-C. La phase 3 s'ancre de façon encore plus nette dans le Bronze final IIIa et les quelques éléments plus précoces qui subsistaient dans l'assemblage de la phase 2 disparaissent cette fois complètement (fig. 44 et 45). Les contextes de comparaison sont nombreux, en Bourgogne, Alsace et Franche-Comté. Pour cette dernière région, la grotte des Planches à Arbois (Jura) constitue un ensemble de référence (Pétrequinet alii, 1985), mais il faut remarquer des différences importantes entre les assemblages céramiques de ce dernier site et de la phase 3 du Pré-du-Plancher. Un certain nombre de caractéristiques majeures qui concernent le site de la Grotte-des-Planches, comme les décors à l'étain, de méandres (grecques), et le décor linéaire chargé de la face interne des assiettes, ne sont pas présentes au Pré-du-Plancher. Le même constat peut être fait quant aux critères morphologiques, avec l'absence de certaines formes au Pré-du-Plancher (bols à bords convergents, vases globuleux à décors de cannelures à la rupture col / panse, bols à bord interne biseauté…). Ici, des parallèles intéressants peuvent être évoqués avec la nécropole alsacienne de Fergersheim (Bas-Rhin), où les mêmes absences dans le mobilier sont observées : pas de décors de méandres, à la feuille d'étain, ni de formes à bords convergents (Roscio, 2006). Si le facteur culturel est évoqué pour la nécropole alsacienne, ces absences semblent plutôt trouver une explication d'ordre chronologique en Bourgogne. En effet, un certain nombre de gisements régionaux comme le tumulus de Chaume-les-Baigneux, les habitats de Longvic les Quétinières, et le Gué des Piles à Chalon-sur-Saône, proposent un assemblage céramique plus tardif où ces types sont présents. En revanche, d'autres sites, qui correspondent à des découvertes anciennes, comme la nécropole d'Aiserey (Côte-d'Or) ou encore la grotte de Roche-Chèvre (Barbirey-sur-Ouche, Côte-d'Or), peuvent correspondre chronologiquement à la phase 3 du Pré-du-Plancher. Cette ultime phase d'occupation se place donc dans un Bronze final IIIa affirmé, mais non évolué. Pour la Suisse occidentale, la contemporanéité de la phase 3 du Pré-du-Plancher et de la couche 1 de la zone A d'Hauterives-Champréveyres et du site de Cortaillod-Est peut être évoquée. Rappelons que ces deux gisements sont datés par dendrochronologie entre 1010 et 950 pour Cortaillod-Est. Les travaux récents de M. David-Elbiali et de P. Moinat sur le périodisation de la fin de l' Âge du Bronze en Suisse occidentale confirment d'ailleurs la contemporanéité de la phase 1 du Pré-du-Plancher avec la zone A d'Hauterives-Champréveyres et de la phase 3 du Pré-du-Plancher avec l'occupation du site de Cortaillod-Est (David-Elbiali, Moinat, 2005). Les données de la chronologie absolue ne sont pas encore suffisamment étoffées pour permettre des datations sûres. Pour la Bourgogne, les données dendrochronologiques acquises sur les sites d'occupation de berge de la Saône comme le Gué des Piles et Ouroux-sur-Saône constituent la seule base documentaire et concernent des assemblages mobiliers plus tardifs que le Pré-du-Plancher. Les seules datations actuellement à notre disposition sont celles qui concernent les sites des lacs de Suisse occidentale (Hauterives, Cortaillod-Est) qui placeraient l'occupation du Pré-du-Plancher entre 1050 et 950 environ, ce qui crédibilise notre hypothèse sur la durée des phases d'occupation. La Bourgogne orientale a longtemps souffert d'un déficit de données qui puissent permettre d'appréhender son rôle dans la dynamique culturelle qui s'associe au groupe R.S.F.O. Le Bronze final est illustré dans la région par des fouilles souvent très anciennes et dépourvues de données stratigraphiques fiables. Cet état des lieux s'avère plutôt paradoxal en regard de la position géographique de la région, au carrefour des zones d'influences méditerranéennes, orientales et atlantiques. Une position qui s'illustre davantage par une économie florissante, surtout au Bronze final IIIa avec une production métallurgique extrêmement dynamique (Bonnamour, Mordant, 1988), que par un substrat culturel bien individualisé, transparaissant largement dans le mobilier céramique, comme c'est le cas pour des régions comme l'Alsace ou la Suisse occidentale. De ce fait, la céramique bourguignonne du style R.S.F.O. nous apparaît résulter plus de l'influence des grandes sphères culturelles (France du Nord-Est, Bassin parisien, Alsace et Allemagne du Sud-Ouest; Suisse occidentale; vallée du Rhône et domaine nord-alpin) que de l'affichage de traits culturels propres. La position géographique de la région, en contact direct avec toutes ces sphères culturelles, joue certainement un rôle prédominant dans cet état de fait. Un ciment culturel régional est toutefois identifiable dans certaines formes et décors (urnes à encolures et à cannelures larges sur la panse supérieure, gobelets étroits à encolure évasée…). L'intensité des influences extra-régionales est variable selon les différentes phases qui jalonnent l'espace chronologique du Bronze final. Ainsi, la phase 1 du Pré-du-Plancher se trouve culturellement orientée vers la France de l'Est et l'Allemagne du Sud-Ouest avec un assemblage de mobilier que l'on a daté de la deuxième partie du Bronze final IIb. La mouvance culturelle qui aboutit à la mise en place du groupe R.S.F.O. en Bourgogne orientale est encore largement prépondérante au cours de cette phase (site de Chamblanc, La pièce des Vernes), de même qu'en Franche-Comté. Il est toutefois possible de discerner, à travers cet horizon, l'apparition très marginale de types propres à un faciès plus oriental tourné vers la Suisse et le sud de la Franche-Comté (assiettes tronconiques non segmentées, disparition du décor en guirlandes qui subsiste encore largement en France du Nord-Est et dans le Bassin parisien). Les bols à embouchure verticale appartiennent également à cette dynamique qui correspond aux débuts de l'occupation des lacs suisses. Un substrat plus régional se révèle dans l'utilisation du décor de chevrons au peigne à dents rigides multiples sur la face interne des assiettes de façon quasi-systématique. Les gobelets étroits à encolure évasée sont de même susceptibles d'appartenir à cette tendance qui se diffuse également en Champagne, dans le nord de la Franche-Comté et vers l'arc alpin par la vallée de la Saône. Les relations avec la Franche-Comté voisine ne sont pas très nettes pour cette phase, mais des concordances apparaissent toutefois avec plusieurs sites du nord de la région. Le mobilier céramique de Choisey, Aux Champins (Simonin, 1996)et deQuitteur, Sur la Noue (Andrey-Labeaune, 2000) présente de nombreuses similitudes avec celui du Pré-du-Plancher phase 1, ceci malgré des influences alsaciennes plus marquées sur les sites francs-comtois. Le sud de la Franche-Comté se caractérise par un déficit très net de sites datables de cette période, fait similaire à ce qui se passe dans le sud de la Bourgogne. La phase 2 témoigne de réajustements significatifs dans les influences culturelles. L'axe nord-oriental, traditionnel au Bronze final IIb, cède du terrain au profit d'un axe plus oriental dirigé vers la Suisse. Ce phénomène est lié à l'intensification de l'occupation des rives des lacs de Suisse occidentale (sites de Cortaillod-Est et d'Hauterives-Champréveyres), région avec laquelle la Bourgogne et la Franche-Comté entretiennent désormais d'importants rapports. Ces derniers sont d'ailleurs illustrés par l'abondance de sites contemporains de cette période dans la partie sud de la Franche-Comté (Bletterans, Sous-le-Moulin; Ruffey-sur-Seille, La Paule…). Si le sud de la Bourgogne semble être touché par le même phénomène, l'état de la documentation actuelle ne permet pas d'en être certain. Les sites du Bronze final IIIa de la région chalonnaise (Le Gué des Piles, Ouroux-sur-Saône…) montrent tous un assemblage de mobilier tardif, aux frontières chronologiques du Bronze final IIIb, et les établissements plus précoces restent en fait très rares. La phase 3 voit l'axe oriental se renforcer avec une prédominance du mobilier d'affinité suisse. Les assiettes à gradins et autres gobelets à encolure concave constituent l'ossature du mobilier céramique. Les techniques décoratives délaissent le peigne à dents rigides au profit du peigne à dents souples et les décors estampés et incisés aux impressions digitées encore courantes dans la phase 2. Mesurer l'intensité des relations avec telle ou telle région n'est pas chose facile et nécessite au préalable un travail de synthèse régionale. En ce qui concerne le Pré-du-Plancher, si des relations avec la région des lacs de Suisse occidentale s'affichent nettement au cours de la phase 2, le courant Alsace/ France du Nord-Est que l'on peut qualifier de traditionnel pour la Bourgogne à cette période n'en perd pas pour autant toute sa vigueur. Pour ce qui est du mobilier céramique, les comparaisons avec les sites alsaciens restent nombreuses au cours de la phase 3 (nécropole de Fegersheim, Hohlandsberg…), l'ornementation des récipients restant toutefois plus chargée en Alsace. Le site du Pré-du-Plancher permet, par l'étude d'une séquence archéologique en partie stratifiée, d'aborder la typo-chronologie du groupe R.S.F.O. en Bourgogne orientale. Les trois phases d'habitat déterminées par la stratigraphie d'une grande fosse polylobée montrent la complexité des relations entre les grandes sphères culturelles qui forment cette culture du Bronze final. Les résultats de cette étude jettent les bases d'une séquence chrono-typologique solide (puisque acquise sur la base d'une stratigraphie), qui va permettre un certain nombre de projets de recherches. Parmi ceux -ci, la périodisation du Bronze final en Bourgogne orientale va pouvoir être abordée avec l'appoint d'études récentes menées sur des sites de datation plus précoce ou plus tardive. En outre, la découverte récente de phases d'occupation antérieures, datables du Bronze final classique, dans un secteur situé immédiatement au sud-ouest du site, laisse espérer une possibilité d'étude étendue cette fois à toute la période couverte par l'entité culturelle du R.S.F.O . | Le site du Pré-du-Plancher se localise dans l'est de la région dijonnaise (Bourgogne, Côte-d'Or). Il s'agit d'un habitat ouvert, formé de trois bâtiments en matériaux périssables associés à des structures annexes, implanté au pied d'un petit coteau calcaire dominant la vallée du Basmont (bassin hydrographique de la Saône). Son occupation est datée du Bronze final plus particulièrement de la période moyenne du groupe R.S.F.O. Ce site est le premier habitat de la période à avoir livré une séquence stratigraphique associée à un mobilier abondant illustrant les trois phases de l'habitat. Cette séquence est obtenue par l'étude typo-chronologique des différentes phases de dépotoir domestique se trouvant stratifiées dans le remplissage d'une grande fosse polylobée utilisée sur toute la durée de l'habitat. L'étude complète de ce mobilier céramique, trouvé en abondance, permet de jeter les bases d'une chrono-typologie du R.S.F.O. en Bourgogne orientale et constitue le premier échelon d'une réflexion à plus grande échelle comprenant notamment la périodisation du Bronze final dans la région. | archeologie_08-0202252_tei_358.xml |
termith-120-archeologie | Découvert en 1949 par F. Bordes et M. Bourgon (Bordes et Bourgon 1951; Bordes 1954-1955), le Pech-de-l'Azé II est un gisement clé pour la compréhension du Paléolithique ancien et moyen. Avec le site de Combe-Grenal, il a servi de support à F. Bordes pour définir l'Acheuléen méridional (Bordes 1971). Il a également été intégré à la plupart des synthèses qui ont été tentées pour expliquer la variabilité du Paléolithique moyen (Bordes 1953, 1981; Binford and Binford 1966, 1969; Rolland 1981; Dibble 1987; Dibble and Mellars 1992; Mellars 1996). Néanmoins, les approches micromorphologiques (Goldberg 1979) puis chronologiques (Grün and Stringer 1991; Grün et al. 1991) menées dans ce site à la fin des années 70 et au début des années 90, ont fait apparaître d'importantes contradictions avec les interprétations proposées par F. Bordes (1954-1955), puis par H. Laville (1973) (tabl. 1). Ainsi, l'existence des « paléosols » censés représenter les « interstadiaires rissiens » est infirmée par la micromorphologie (cf. infra). En outre, alors que la chronostratigraphie proposée par H. Laville s'étale du « Mindel-Riss » au « Würm I » (i.e. du stade isotopique 11 au stade isotopique 5 inclus), les datations ESR obtenues par Grün et Stringer vont de la fin du stade isotopique 7 au début du stade isotopique 3 (fig. 1). Ce constat m'a amené à reprendre l'étude géologique de ce site-clé sur de nouvelles bases et en intégrant les progrès récents réalisés dans la connaissance et l'identification des processus sédimentaires continentaux. Ces travaux ont été réalisés dans le cadre d'un programme collectif de recherche (PCR) menés en collaboration avec F. Delpech et J.-Ph. Rigaud, et intitulé « Litho - et bio-stratigraphie de quelques sites de référence périgourdins ». Les résultats obtenus ont été exposés dans le rapport final (Texier et al. 1999) ou présentés à l'occasion de colloques et d'excursions (Texier 2001a, 2001b et 2003a Texier et al. 2004). Cependant, ils n'ont jamais fait l'objet d'une publication exhaustive. C'est ce que je me propose de faire pour le Pech-de-l'Azé II dans le cadre de cet article. Les principaux buts visés par cette étude sont d'établir la lithostratigraphie du site, de caractériser les processus géologiques responsables de sa genèse et d'identifier les principales phases morphosédimentaires de son évolution. Une tentative de « calage » chronologique de ces différents épisodes est également présentée. Les premiers travaux géologiques ont été réalisés en 1951 par F. Bordes et M. Bourgon qui donnent une description stratigraphique sommaire du site. En 1973, H. Laville propose une nouvelle lecture chrono-stratigraphique des dépôts : vingt niveaux correspondant pour l'essentiel à des subdivisions des couches identifiées par Bordes et Bourgon, sont individualisés. Les principales interprétations proposées par ces auteurs (Bordes 1954; Bordes et Prat 1965; Laville 1973) sont regroupées sur le tableau 1. Par la suite, Goldberg (1979) effectue une étude micromorphologique des sédiments. Parmi les résultats obtenus, on soulignera notamment la mise en évidence d'organisations liées à un gel profond (« banded fabric ») et l'absence de traits pédologiques en place dans les niveaux interprétés par Laville (op.cit.) comme des paléosols. En 1983, Schwarcz et Blackwell obtiennent un âge Th / U de 103 + 30/-25 Ka pour un plancher stalagmitique incipient inclus dans la couche 2. Environ une décennie plus tard, en 1991, quatre-vingts dates ESR concernant les couches 2 à 9 sont publiées (Grün et Stringer 1991; Grün et al. 1991). Ces dates forment deux groupes distincts (fig. 1) : un groupe de dates, concernant les couches 9 à 5, est centré principalement sur le stade isotopique 6 mais « déborde » aussi sur la fin du stade 7 et le début du stade 5; un autre groupe de dates, portant sur les couches 4 à 2, se répartit entre la fin du stade 5 et le début du stade 3. À l'intérieur de ces deux groupes, les dates sont indépendantes de la position stratigraphique des couches auxquelles elles se rapportent : ainsi, la couche 5 fournit des dates comparables à la couche 9; il en va de même pour les couches 4 et 2 (fig. 1). L'approche méthodologique développée ici est classique et fait appel à des méthodes principalement descriptives. Les dépôts étudiés ont été situés dans leur contexte géomorphologique à partir d'observations de terrain et de l'analyse de documents cartographiques : cartes topographiques IGN à 1/25 000 de Sarlat Ouest (n° 2036) et carte géologique à 1/80 000 de Bergerac. Les unités stratigraphiques ont été définies à partir de critères simples, directement appréciables sur le terrain : caractéristiques générales (épaisseur, pente, morphologie et type de contact), organisation générale des dépôts (massive, litée…), couleur et structure des sédiments (ouverte, semi-ouverte, à support clastique, à support matriciel), dimensions, nature et morphologie des fragments rocheux, description et distribution des traits diagénétiques (concrétions carbonatées, structure lamellaire…). Les couleurs ont été prises sur sédiment humide à l'aide du code Munsell. La granulométrie de la matrice (i.e. les particules inférieures à 2 mm) a été établie par diffractométrie laser (appareil de type Malvern 2600) et par tamisage mécanique. L'organisation microscopique des sédiments a été étudiée à partir de lames minces de grandes dimensions taillées dans des blocs orientés, imprégnés sous vide par une résine polyester selon la technique préconisée par Guilloré (1980). La terminologie utilisée pour la description de ces lames est adaptée de celle définie par Bullock et al. (1985). Les analyses de fabrique n'ont pas pu être réalisées car les fragments rocheux affleurant sur les coupes sont principalement compacts ou aplatis et la majorité d'entre eux présente un taux d'allongement a/b (Johansson 1963) inférieur à 1,7. Or, cette valeur représente une limite en deçà de laquelle les mesures d'orientation des objets ne sont plus significatives. Le site du Pech-de-l'Azé II est localisé à 5 km au sud-est de Sarlat, sur la commune de Carsac (Dordogne) (fig. 2). Il est associé à l'une des ouvertures (celle orientée au NO) d'un couloir karstique (fig. 3) creusé dans une butte de calcaire coniacien (un « pech » selon la désignation locale), couronnée par des altérites sablo-argileuses rouges. Situé à environ 140 m d'altitude, il domine de 25 à 30 m le fond d'une petite vallée localement sèche (vallée de Farge) qui rejoint celle de l'Enéa, affluent de rive droite de la Dordogne. L'établissement de la lithostratigraphie du site s'appuie sur l'étude des coupes n° 2, 3, 4 et 5 dont la localisation est précisée sur la figure 2 (numérotation donnée par H. Laville 1973). Les coupes n° 1 et 6 ne sont plus observables. Les coupes n° 2 et 5 donnent une bonne idée des différents facies observés dans ce gisement; elles ont donc été représentées sur les figures 4 et 5. Quatre unités sédimentaires ont été identifiées. On observe de bas en haut : Unité 1 (= couche 10 de Laville) Visible uniquement à la base des différentes coupes sur une épaisseur de 10 à 30 cm. Sables quartzeux lités, fins à grossiers, granoclassés, parfois associés à des granules siliceux altérés et à des granules de grès ferrugineux. Stratification entrecroisée ou oblique. Couleur générale : jaune rouge (7.5 YR 6/8 à 7/8). Certains lits sont consolidés par des carbonates. Unité 2 (= couches 9 à 6 de Laville) Epaisseur : 35 à 80 cm. Diamicton présentant une structure à support matriciel ou, plus localement, à support clastique. Les éléments grossiers sont très hétérométriques; leurs dimensions varient de 2-3 cm à 30-40 cm. Ils ne sont pas orientés et sont plus ou moins fortement émoussés. Ils comprennent essentiellement des calcaires et, localement (coupe 2), des fragments de spéléothèmes. La matrice est un sable quartzeux, plus ou moins argileux, dont la couleur est variable : brun vif (7.5 YR 5/6 à 5/8), rouge jaune (5 YR 5/6 à 4/6), jaune rouge (7.5 YR 6/6). Des zones imprégnées de carbonates (coupe 2), des lits sableux granoclassés et des lits de granules phosphatés blanchâtres (coupe 4) s'observent localement. Présence d'une structure lamellaire généralement bien exprimée. Limite inférieure : régulière, nette à diffuse. Unité 3 (= couches 5 et X de Laville) Epaisseur : varie de 35 cm à l'extrémité SO de la coupe 5, à 1 m vers l'intérieur de la grotte (coupe 4). Formée de plaquettes et de dalles calcaires. Structure généralement semi-ouverte à ouverte, localement colmatée par un sable quartzeux plus ou moins argileux. La dimension des plaquettes varie de 2-3 cm à plusieurs décimètres; celle des dalles peut atteindre jusqu' à 3 m. Celles -ci sont présentes principalement vers l'intérieur de la cavité (coupe 4) et sont plus ou moins délitées sur place. Ces éléments rocheux sont principalement anguleux. Des fragments de planchers stalagmitiques et de stalactites sont associés aux fragments calcaires dans la coupe 2. On note localement la présence de revêtements calcitiques bourgeonnants (« pendants ») à la face inférieure des plaquettes. La matrice est de couleur variable : jaune (10 YR 7/6 à 7/8), jaune rouge (7.5 YR 6/6 ou rouge jaune (5 YR 5/6). Elle présente une structure lamellaire bien développée. Vers l'extérieur de la cavité (coupes 5 et 2), cette unité présente des involutions plus ou moins marquées et s'organise en cellules de taille variable (30 à 80 cm de large). Sur la coupe 5, au voisinage de la paroi calcaire, elle est affectée par une carbonatation assez prononcée. Limite inférieure : nette, faiblement ondulée. Unité 4 (= couches 4 à 2 de Laville) Totalement fouillée dans la partie la plus interne de la cavité, elle ne s'observe plus que sur les coupes 2, 3 et 5. Son épaisseur atteint 1,80 m. Elle débute par un niveau discontinu de graviers et de petits cailloux calcaires arrondis, colmatés par des sables jaunes (10 YR 7/8); épais de 15 à 20 cm, il remplit de petites dépressions au sommet de l'unité 3 et correspond au niveau 4D de Laville. Au-dessus, cette unité présente tantôt un faciès lité tantôt un faciès massif, avec des passages latéraux ou verticaux d'un type à l'autre. Le faciès lité est bien représenté sur les coupes 2 et 3 (fig. 4 et 6). Il est constitué de lits plans, d'épaisseur pluri-millimétriques à pluri-centimétriques et d'extension décimétrique à supramétrique. La plupart d'entre eux est formée de sables granoclassés, jaune rouge (5 YR 5/6 à 4/6), jaunes (10 YR 7/8) ou, plus rarement, gris par suite de la présence de matière organique et/ou de fragments charbonneux. On observe également quelques lits de granules phosphatés, blancs et friables. Le faciès massif se rencontre sur toutes les coupes. Il comprend des sables plus ou moins argileux associés à des quantités variables de fragments calcaires, émoussés et non orientés. Ceux -ci, dont la taille de 2-3 cm à 20-25 cm, sont généralement dispersés dans la masse mais peuvent, comme sur la coupe 5, former localement des lignes que l'on suit sur plusieurs mètres. Ces éléments rocheux ont tendance à devenir plus abondants vers le sommet de l'unité. La matrice présente des zones de couleurs différentes : rouge jaune (5 YR 5/6 à 4/6), brun vif (7.5 YR 5/6 à 5/8) et, plus rarement, rouge foncé (2.5 YR 3/6). Le passage d'une zone colorée à une autre est graduel; il peut se faire dans le sens vertical ou latéral. Dans la partie NO de la coupe 2, la zone médiane de cette unité contient une amorce de plancher stalagmitique qui surmonte une zone à nodules carbonatés. Dans le même secteur, sont visibles de petites plages (2 à 3 cm de diamètre) de sables et de petits granules lavés. D'autres zones d'enrichissement en carbonates sont visibles sur la coupe 2, au sommet de l'unité, et sur la coupe 5, vers la paroi calcaire (zone NE). Les carbonatations peuvent prendre la forme d'imprégnations matricielles, de concrétions racinaires ou de pseudomycéliums. On note qu'une structure lamellaire bien exprimée s'observe dans la matrice de la partie inférieure de cette unité sédimentaire. Sur le diagramme triangulaire des textures (fig. 7), les points représentatifs des différentes unités sédimentaires sont, pour la plupart, regroupés près du pôle des sables. Les points qui s'en éloignent correspondent aux zones rouges observées au sein de l'unité 2. Les courbes cumulatives obtenues forment trois grandes familles morphologiques. Une première famille concerne les courbes représentatives de l'unité 1 (fig. 8). Elles sont unimodales et font apparaître le bon classement de ces sédiments sur les sables moyens ou sur les sables grossiers. La deuxième famille (fig. 9) correspond aux sédiments non ou très faiblement rubéfiés des autres unités sédimentaires. Elles sont moins bien classées que les précédentes et montrent un mode principal sur les sables moyens ainsi qu'un mode secondaire atténué sur les limons fins et les argiles. La troisième famille (fig. 10) est représentative des sédiments rubéfiés des unités 2 et 4. Elle est caractérisée par des courbes nettement bimodales comportant un premier mode sur les sables moyens et un second mode sur les limons fins et les argiles. Seules les unités 1, 2 et 4 ont fait l'objet d'analyses micromorphologiques. L'unité 3, essentiellement composée de cailloux et de blocs associés à des sédiments fins interstitiels peu abondants et très peu cohérents, n'a pas été prélevée dans cette perspective. L'unité 1, essentiellement sableuse, n'a pu être échantillonnée que dans les zones où elle était suffisamment consolidée par les carbonates. Unité 1 Les sédiments (fig. 11) présentent une distribution g/f (distribution des particules grossières par rapport aux fines) de type géfurique à chitonique. Le squelette est composé de sables bien classés, de diamètre moyen. Il comprend principalement des quartz associés à de rares fragments osseux et à des grès ferrugineux. Les grains de quartz sont généralement arrondis et souvent creusés de golfes de corrosion. Des argiles ferruginisées brun foncé massives forment des revêtements et des ponts entre les grains du squelette. De la microsparite colmate partiellement les vides d'entassement. Quelques biotubules recoupent les sédiments. Unité 2 A la base de l'unité, les sédiments fins sont constitués de sables limoneux faiblement argileux. Les sables présentent un classement moyen à médiocre. Ils comprennent principalement des quartz auxquels s'ajoutent des grains phosphatés, des lithoclastes calcaires, des fragments de spéléothème et de pendants ainsi que quelques fragments de grès ferrugineux. Localement, ce matériel sédimentaire montre un litage net. Il est en outre affecté par une structure lamellaire bien exprimée, triée ou non (Dumanski and St Arnaud 1966; Van Vliet Lanoë 1976). Cette structure lamellaire, localement recoupée par des biotubules, se superpose à une structure ovoïde préexistante (fig. 12). Des coiffes limono-argileuses litées se développent à la surface supérieure de certains grands clastes allongés ou forment des enrobements dissymétriques autour des grains du squelette et des agrégats granulaires (fig. 13). Unité 4 La partie inférieure de l'unité présente une structure lamellaire bien exprimée. Celle -ci est généralement de type trié, mais peut être également non triée dans les zones les plus argileuses. Les lamelles triées, d'épaisseur millimétrique, comportent une base sableuse et un sommet enrichi en argiles limoneuses brunes (fig. 16). Des coiffes limono-argileuses s'observent à la partie supérieure des clastes. Des biotubules peu abondants recoupent la structure lamellaire. Outre les graviers calcaires, la fraction grossière du sédiment comprend en majorité des sables quartzeux de taille variable associés à des lithoclastes calcaires, des grains phosphatés, des fragments osseux et quelques fragments de spéléothème. Les grains phosphatés et les fragments osseux peuvent être localement abondants. La partie supérieure de l'unité est très fortement bioturbée. La distribution des particules grossières par rapport aux fines (« distribution g/f ») est variable, généralement de type énaulique ou chitonique (fig. 17). Dans les vides d'entassement s'observent des agrégats fécaux de 30 à 50 mm de diamètre, de type enchytrée. Autour des grains du squelette et des graviers calcaires se développent fréquemment des revêtements argilo-organiques brun foncé, d'épaisseur irrégulière, formés d'agrégats plus ou moins fusionnés ou présentant un aspect massif (fig. 17). On note l'existence de feutrages micritiques et d'hypocutanes calcitiques respectivement dans et autour des biotubules (fig. 18). Le squelette présente la même composition minéralogique que celle décrite pour la partie inférieure de l'unité. Là aussi, les grains phosphatés peuvent devenir très abondants dans certains niveaux. Une organisation litée est localement conservée. Elle se matérialise par des lits de fines intercalées dans un matériel sableux ou par des lits de grains phosphatés de la taille des sables grossiers alternant avec des lits composés de grains de quartz plus petits. Sur la base des études de terrain et des résultats analytiques obtenus, il est possible de décrire un certain nombre de phases évolutives de la cavité (tabl. 2). La première phase correspond à la formation de la cavité. Il est difficile de dire si celle -ci résulte d'une évolution en contexte vadose ou en contexte phréatique. Néanmoins, un certain nombre de poches, encore visibles au toit de la cavité et susceptibles de représenter des cupules de dissolution, amènent à penser que ce réseau s'est sans doute constitué en milieu phréatique (Bretz 1942; White 1988). Une telle hypothèse implique un niveau de base local situé au-dessus de la cavité actuelle. La deuxième phase est caractérisée par le dépôt de sables fluviatiles (unité 1) en liaison avec le fonctionnement d'un cours d'eau souterrain. Le caractère fluviatile de ces sables est inféré à partir de leur organisation litée (litage oblique et entrecroisé) et de leur bon classement mis en évidence à la fois par les analyses granulométriques et l'observation microscopique. Cet épisode morphogénique implique un abaissement sensible du niveau de base local, au-dessous de celui de la cavité. Les structures sédimentaires observées dans la partie la plus interne de la cavité (coupe 7) témoignent d'un écoulement vers le NO, c'est-à-dire vers l'ouverture actuelle. En revanche, les lits obliques dessinés par Laville (1973) au sommet de sa coupe 6, indiquent un écoulement de sens opposé (i.e. vers le SE). Ce constat est sans doute à mettre sur le compte d'un système d'écoulement complexe, peut-être en liaison avec des pertes. Les autres affleurements actuellement visibles à la base des coupes 2, 3, 4 et 5 sont d'épaisseur très réduite et ne permettent pas de clarifier cette question. La composition pétrographique de ces alluvions (quartz, grès ferrugineux, graviers de silice) et l'aspect corrodé de nombreux grains de quartz indiquent que ces sédiments proviennent pour l'essentiel d'une reprise des altérites qui recouvrent le plateau. Les revêtements argilo-ferrugineux observés sous le microscope sont probablement en partie hérités de ces formations originelles. Une autre partie (i.e. les ponts entre les grains) est sans doute liée à des percolations d'eaux chargées en fines. La microsparite qui consolide localement ces dépôts s'est déposée en contexte vadose. Elle correspond probablement à un phénomène diagénétique tardif car elle n'est pas affectée par le cryosol qui se développe dans les dépôts sus-jacents. En revanche, les spéléothèmes, retrouvés à l'état de fragments dans les unités 2 et 3, se sont probablement formés lors de cette phase sur le plafond et les parois de la cavité. La troisième phase correspond au dépôt de l'unité sédimentaire 2 au cours de laquelle la grotte poursuit son évolution en contexte vadose.L'organisation générale des sédiments de cette unité peut être interprétée soit comme le résultat d'écoulements en masse accompagnés de ruissellements, soit comme celui de ruissellements associés à une éboulisation modérée. La seconde hypothèse permet cependant de mieux tenir compte des différentes caractéristiques de cette unité. En effet, le ruissellement y est attesté par la présence de lits granoclassés observés sur les différentes coupes ainsi qu' à l'échelle microscopique. En outre, l'absence d'une structure litée généralisée est fréquente dans ce type de dépôt (Bertran et Texier 1997; Lenoble 2005). Elle s'explique par l'action de multiples facteurs associés au phénomène de ruissellement : mauvais classement dû aux faibles tranches d'eau impliquées dans les écoulements turbulents (Moss et Walker 1978; Raws 1987; Scoging 1989), fréquence des écoulements hyperconcentrés (Bertran et Texier 1999), éboulement de berges de rigoles (De Ploey 1974; Govers 1987), développement de petites coulées boueuses localisées (De Ploey 1971, 1974; De Ploey et Moeyerson 1975; Gerits et al. 1987), phénomène de « piping » (Govers 1987; Campbell 1989), action des phénomènes diagénétiques (bioturbation, précipitation de carbonates ,. ..) (Bertran et Texier 1997 et 1999), action concomitante du gel (Lenoble 2005). Ces dépôts non lités correspondent aux zones où la sédimentation est normalement faible (Bertran et Texier 1999; Lenoble 2005). On notera également que ce phénomène de ruissellement permet de rendre compte de l'émoussé très accentué présenté par les fragments rocheux contenus dans cette unité sédimentaire. La plus ou moins grande abondance des cailloux et des blocs calcaires s'explique par le fait que l'activité de l'éboulisation a varié à la fois dans l'espace (i.e. selon les secteurs de la cavité) et dans le temps. En effet, il n'existe pas dans l'unité 2 de niveaux caillouteux spécifiques pouvant être suivis sur toutes les coupes. De plus, l'absence d'orientation des clastes et/ou de macrostructures caractéristiques ne permet pas de retenir l'hypothèse d'une mise en place dominée par la solifluxion (Bertran et al. 1995). Les variations de couleurs constatées sont vraisemblablement le résultat à la fois de phénomènes synsédimentaires (différences de proportions entre sédiments provenant des altérites et sédiments dérivant de la désagrégation du calcaire encaissant, plus ou moins forte teneur en matière organique) et de phénomènes diagénétiques (imprégnations carbonatées). L'existence de sols rouges lessivés avancée par Laville et attribués aux Interstades Riss I - Riss II et Riss II - Riss III (Laville 1973), ne peut être maintenue. En effet, ces niveaux rouges ne présentent pas de continuité latérale et, comme l'avait déjà montré Goldberg (1979), ne comportent aucun trait caractéristique des luvisols (i.e. revêtements argileux in situ). De plus, la présence de fragments de spéléothèmes dans les coupes 1 (cf. Laville 1973) et 2 (cf. supra) indiquent que l'unité 2 s'est déposée à l'intérieur de la cavité alors que l'ouverture de celle -ci se situait probablement à l'ouest de l'actuelle. Les phénomènes sédimentaires inférés pour la mise en place de l'unité 2 ne permettent pas de décrire une ambiance climatique très spécifique. En effet, le ruissellement est un mécanisme susceptible de se manifester dans une gamme climatique très large (surtout en grotte). En outre, l'éboulisation y est globalement peu active et peut simplement s'expliquer par des phénomènes de fatigue ou de détente des parois (Renault 1967; Whalley 1984) ainsi que par des phénomènes d'ajustement de la voûte à un profil d'équilibre plus stable (White 1988). Cependant, la structure granulaire de type ovoïde observée à l'échelle microscopique indique qu'un gélisol peu profond a accompagné la formation de ces dépôts. En effet, de telles structures se rencontrent habituellement dans les horizons de surface soumis à de nombreuses alternances gel-dégel (Bertran 1993). Elles témoignent de contraintes internes, responsables de la déformation et de la rotation des agrégats cryogéniques (Van Vliet Lanoë et al. 1984; Harris and Cook 1988). La structure lamellaire de la matrice qui témoigne du développement d'un gélisol profond ou d'un pergélisol (Van Vliet Lanoë 1988), semble avoir été acquise postérieurement à la mise en place des dépôts (cf. infra). La présence d'une structure lamellaire non triée au sommet de l'unité s'explique par la plus grande richesse en argiles de cette zone. En effet, plusieurs auteurs (e.g. Mermut and St Arnaud 1981; Van Vliet Lanoë 1985) ont souligné que les structures triées s'exprimaient essentiellement dans les sédiments à dominante sableuse ayant une teneur en argile inférieure à 15 %. D'ailleurs, les deux types de structure (lamellaire triée et lamellaire non triée) coexistent dans la partie inférieure de l'unité et leur développement est visiblement lié à la texture plus ou moins argileuse des sédiments. La quatrième phase évolutive correspond, pour l'essentiel, à un épisode d'éboulisation généralisé à l'ensemble de la cavité avec, pour corollaire, la mise en place de l'unité sédimentaire 3. Les phénomènes évoqués pour la phase précédente (détente, fatigue, ajustement de la voûte) ont sans doute joué un rôle dans la fragmentation des parois, notamment dans le détachement des grandes dalles calcaires observées sur la coupe 4. Cependant, plusieurs éléments permettent de penser que le gel a eu un rôle majeur dans la formation de cette unité : la morphologie des fragments rocheux (plaquettes), très différente de celle des cailloux et blocs présents dans les unités sus - et sous-jacentes, évoque l'intervention d'un front de gel pénétrant parallèlement aux parois de la cavité et débitant celles -ci en écailles identiques à celles formées actuellement en milieu actif dans les calcaires massifs; la généralisation du phénomène à l'ensemble de la cavité suggère l'intervention de facteurs extrinsèques de type climatique; les grandes dalles issues de la voûte sont elles -mêmes découpées en écailles parallèles à leur surface. Lors de cet épisode, les écoulements semblent s' être réduits de façon drastique. Seuls les sables qui colmatent plus ou moins les vides, témoignent de percolations locales, sans doute épisodiques, chargées en produits détritiques. Leur coloration variable est probablement à mettre en liaison avec l'origine des sédiments : « sidérolithique » pour les sables à dominante rouge, désagrégation du calcaire encaissant pour les sables à dominante jaune. Cette dernière proposition est notamment étayée par les résultats granulométriques exposés plus haut. Les sédiments rouges sont en effet plus argileux que les sédiments de couleur claire et présentent une texture voisine de celle des altérites qui recouvrent les plateaux de la région. Le gel évoqué pour la genèse des fragments rocheux est également responsable de la structuration en lamelles de la matrice de cette unité (unité 3) ainsi que de celle de l'unité sous-jacente (unité 2). Cette phase évolutive, fortement marquée par les phénomènes cryogéniques, serait donc en liaison avec une importante dégradation climatique au cours de laquelle le gel occasionne une desquamation très active des parois de la cavité ainsi que la formation d'un gélisol profond (voire d'un pergélisol) dans les dépôts sous-jacents. Les involutions observées dans l'unité 3 s'interprètent comme des cryoturbations et procèdent du même phénomène. La présence de fragments de spéléothème au niveau de la coupe 2 indique que l'ouverture de la grotte se situait toujours à l'ouest de l'actuelle. La phase suivante (phase 5) correspond au dépôt de l'unité sédimentaire supérieure (unité 4). La sédimentogenèse est à nouveau dominée par le ruissellement associé à des chutes modérées d'éboulis. Les lithofaciès présents dans cette unité sont en effet fondamentalement les mêmes que ceux observés dans l'unité 2 : niveaux lenticulaires lités et granoclassés, intercalés dans des sables massifs et présence d'éboulis émoussés plus ou moins abondants selon les secteurs de la cavité. Le niveau à petits cailloux et granules arrondis qui débute cette unité peut être interprété comme un niveau de résidualisation, également lié au phénomène de ruissellement. Les variations de couleurs des sédiments sont également à mettre sur le compte soit d'un héritage (« Sidérolithique » vs désagrégation du calcaire encaissant), soit d'une diagénèse (carbonatation, phosphatisation, imprégnation par des matières organiques). Les concrétions carbonatées nodulaires de même l'amorce de plancher stalagmitique, visibles sur la coupe 2 au sein de cette unité (fig. 4 et 6), sont liées à des phénomènes d'égouttement, ce qui implique que cette partie du site était alors encore recouverte par un toit. Les petites plages de sables lavés et de granules observés dans la même zone témoignent d'un phénomène identique et marquent l'emplacement d'anciens trous de stillation. D'une façon plus générale, on constate que ce secteur a été, tout au long de l'histoire de la cavité, une zone où des suintements importants se sont produits. Ceci explique non seulement la formation localisée de spéléothèmes et de concrétionnements, mais aussi probablement l'effacement du litage et l'aspect massif des sédiments de cette zone. La phase 6 qui succède, est caractérisée par le développement d'un cryosol profond, voire d'un pergélisol, comme en témoigne la structure lamellaire conservée dans la partie inférieure de l'unité 4. La très forte polarisation des coiffes à la partie supérieure des lithoclastes et la bonne conservation des structures sédimentaires (litage) impliquent en effet que cet épisode froid est postérieur à la mise en place des dépôts. Dans la partie supérieure de l'unité, les traits cryogéniques ont probablement été effacés à la suite du dernier épisode diagénétique subi par cette série sédimentaire (phase 7, cf. infra). La phase 7 représente la phase d'évolution ultime du site. Elle est caractérisée par un effondrement du toit de la cavité, comme en témoignent les gros blocs plus ou moins jointifs qui surmontent les dépôts de la coupe 5 (fig. 5), par une bioturbation très importante du sommet des dépôts et par des concrétionnements carbonatés variés : concrétions racinaires, pseudomycéliums, imprégnations. Ces dernières affectent non seulement le sommet des dépôts, mais aussi l'ensemble des unités au voisinage de la paroi rocheuse (coupe 5, fig. 5). A l'échelle microscopique, les feutrages micritiques localisés dans les biotubules s'interprètent comme le résultat d'une biominéralisation de filaments de champignons saprophytes développés autour des racines (Verrecchia and Verrecchia 1994). Les hypocutanes calcitiques, associés aux traits précédents, sont probablement dus à une précipitation rapide de carbonate de calcium par suite d'une dessiccation locale des sédiments provoquée par le métabolisme des plantes (Wieder and Yaalon 1982; Becze-Deak et al. 1997). La bioturbation se manifeste par le développement de nombreux tubules et par d'abondants agrégats fécaux de type collembole ou enchytrée, parfois redistribués par les percolations autour des grains du squelette pour former des revêtements plus ou moins continus. Les propositions faites ci-dessous sont basées sur une tentative « d'harmonisation » entre, d'une part, les dates numériques obtenues (Schwarcz et Blackwell 1983; Grün et Stringer 1991; Grün et al. 1991) et, d'autre part, les résultats géologiques présentés plus haut. Mises à part quelques dates attribuables au début du stade isotopique de l'oxygène 5 (OIS 5), la plupart des dates ESR obtenues dans les niveaux 5, 6, 7, 8 et 9 de H. Laville (= unités 2 et 3) se situent à l'intérieur de l'OIS 6 (Grün et Stringer 1991; Grün et al. 1991) (fig. 1). Il est donc logique de penser que la mise en place de ces unités s'est effectuée au cours de cet épisode climatique. Dans cette hypothèse, l'unité 2 qui traduit un froid modéré (3ème phase évolutive), pourrait être mise en relation avec la première partie de ce stade tandis que la phase suivante, beaucoup plus froide (cf. supra), en représenterait la fin. On notera qu'une évolution climatique globale identique a été mise en évidence à l'échelle régionale par les faunes de grands mammifères (Delpech et Prat 1995). Aucun des processus sédimentaires identifiés dans l'unité 4 n'est caractéristique d'un environnement froid. La présence d'un plancher stalagmitique incipient formé in situ laisse envisager un climat contemporain relativement tempéré. En effet, ce type de concrétion a tendance à se former plutôt durant les phases interglaciaires ou interstadiaires (Baker et al. 1993; Gascoyne et Ford 1984; Onac et Lauritzen 1996). C'est pourquoi, malgré les dates ESR contemporaines des OIS 4 et 3 obtenues dans cette unité (fig. 1), on privilégiera l'hypothèse de dépôts formés au cours l'OIS 5. Cette hypothèse se trouvepar ailleursen bon accord avec la date Th/U de 103 +33 - 25 Ka (Schwarcz et Blackwell 1983) fournie par le spéléothème que nous venons d'évoquer ainsi qu'avec un certain nombre de dates ESR (fig. 1). Le gélisol profond ou le pergélisol qui succède au dépôt de l'unité 4 (phase évolutive 6) s'est probablement développé au cours de l'OIS 4 ou de l'OIS 2. Les connaissances acquises dans le nord de l'Aquitaine montrent en effet que ces deux épisodes ont pu générer de telles structures cryogéniques (Bertran et Texier 1990; Texier et Bertran 1993; Texier 1996; Texier 2003b). La phase évolutive finale, caractérisée par l'effondrement de l'avant de la cavité, une bioturbation très active et des phénomènes de concrétionnement variés, se rapporte logiquement à l'Holocène (OIS 1). Il n'est actuellement pas possible de situer chronologiquement les deux premiers stades évolutifs inscrits dans ce site (Creusement du conduit karstique et dépôt des sables fluviatiles). On soulignera néanmoins qu'ils représentent vraisemblablement des durées relativement longues. La date de 240 ± 30 Ka obtenue sur les fragments de spéléothèmes contenus dans l'unité 3 (= couche 5 de Laville) (Schwarcz et Blackwell 1983) laisse supposer que la phase évolutive 2 s'est vraisemblablement achevée au cours de l'OIS 7, si on admet que ces concrétions se sont bien formées sur la paroi de la cavité lors de cet épisode morphologique (cf. paragraphe 7). On soulignera enfin que le « calage » chronologique proposé ici pour les phases évolutives 3, 4 et 5 (mise en place des unités 2, 3 et 4) est en bon accord avec celui avancé par F. Delpech à partir des biozones définies en Aquitaine septentrionale (Delpech 1999 in : Texier et al. 1999). Le site du Pech-de-l'Azé II a enregistré sept principales phases morpho-sédimentaires. La première correspond au creusement de la cavité, probablement en contexte phréatique. La deuxième voit la mise en place de dépôts fluviatiles endokarstiques (Unité sédimentaire 1). L'épisode suivant (phase 3), au cours duquel se manifeste un froid modéré (gélisol), est caractérisé par l'action du ruissellement accompagné par une éboulisation peu active; l'unité 2 se met alors en place. Lors de la phase 4, l'éboulisation devient prédominante, les écoulements sont réduits et le froid s'intensifie; un gélisol profond ou un pergélisol se développe dans les unités 2 et 3 et des phénomènes de cryoturbation affectent localement l'unité 3. Le dépôt de l'unité 4 (phase 5) résulte de l'action prédominante du ruissellement associé à une éboulisation modérée; des concrétionnements carbonatés (nodules, spéléothèmes) se forment localement en liaison avec des phénomènes d'égouttement. A la fin de cet épisode, la cavité est presque complètement colmatée. Les phases suivantes correspondent essentiellement à une évolution diagénétique des dépôts : d'abord, formation d'un gélisol profond ou d'un pergélisol (phase 6) puis, développement d'une bioturbation très active et précipitation de concrétions carbonatées (phase 7). C'est également au cours de cette phase ultime que se fragmente et s'effondre la partie la plus externe du toit de la cavité. En s'appuyant sur les datations numériques disponibles (Grün et Stringer 1991; Grün et al. 1991; Schwarcz et Blackwell 1983), il est possible de situer chronologiquement certaines de ces phases évolutives : les phases 3 et 4 seraient contemporaines respectivement du début et de la fin du stade isotopique 6, la phase 5 du stade 5, la phase 6 du stade 4 ou 2, la phase 7 de l'Holocène. Parmi les mécanismes sédimentaires identifiés, le ruissellement joue un rôle prédominant dans toute l'épaisseur du remplissage (excepté dans l'unité 3). Or, ce processus est potentiellement très perturbateur vis-à-vis des niveaux d'occupations préhistoriques (Lenoble 2005). Ceci explique probablement en partie l'incohérence apparente et le groupement des dates ESR obtenues au sein des unités 2 et 3 d'une part, et 4 d'autre part (Texier 2001a). Aussi, dans l'état actuel de nos connaissances et en l'absence d'étude géoarchéologique approfondie, il semble plus prudent de considérer les objets archéologiques contenus dans ces unités comme des ensembles cumulant les données d'une période de temps relativement longue que de se référer à des niveaux plus minces dont la pertinence n'est pas certaine . | Cette nouvelle approche géologique du site du Pech-de-l'Azé II a permis de mettre en évidence sept phases évolutives principales. La première date d'une période indéterminée de la fin du Tertiaire ou du début du Quaternaire. Au cours de la deuxième, se mettent en place des sables fluviatiles endokarstiques; leur âge est également incertain. La troisième phase, dominée par le ruissellement associé à une éboulisation modée et un gélisol peu profond, a été rapportée à la première partie du stade isotopique de l'oxygène 6 (OIS 6). Lors de la quatrième, en liaison avec une intensification du froid, l'éboulisation devient prédominante et un gélisol profond se développe dans les dépôts sous-jacents; cet épisode a été attribué à la partie supérieure de l'OIS 6. Ensuite, lors de la phase 5 corrélée avec l'OIS 5, le ruissellement devient à nouveau prépondérant. Enfin, les phases 6 et 7 correspondent, pour l'essentiel, à une évolution diagénétique des dépôts antérieurs avec formation d'un gélisol profond (OSI 4 ou/et 2) puis, développement d'une importante bioturbation et de phénomènes de carbonatation (OIS 1). Le ruissellement, potentiellement très perturbateur vis-à-vis des documents archéologiques, joue un rôle majeur dans la mise en place des unités sédimentaires 2 et 4 qui contiennent les niveaux acheuléens (niveaux 6 à 9) et moustériens (niveaux 2 à 4). Ceci explique probablement en partie l'incohérence apparente des dates ESR obtenues. Ce constat incite également à être relativement circonspect vis-à-vis de l'intégrité et de la pertinence des niveaux archéologiques définis dans ce site. | archeologie_08-0040099_tei_252.xml |
termith-121-archeologie | La dendrochronologie utilise l'impact de la météorologie sur la largeur du cerne pour dater les bois (Douglass, 1914; 1921). L'information recueillie sur l'arbre permet entre autres de retrouver les facteurs climatiques qui ont favorisé sa croissance à un moment donné. Pour tenter de retrouver, à partir des cernes, les faits météorologiques qui ont marqué la Guerre des Gaules, le dendrochronologue doit non seulement considérer la région touchée mais aussi une période suffisante avant et après les événements à expliquer. Ce recul lui permet de placer l'information dendrochronologique ponctuelle – la largeur du cerne –, dans un contexte évolutif, à la fois spatial et chronologique. L'information dendrochronologique du i er siècle av. J.-C. en Gaule du Nord est mobilisée ici. L'extraction complexe de l'information climatique du cerne nécessite de considérer en même temps plusieurs modèles et de procéder en deux étapes. Dans une première étape, trois modèles chronologiques sont d'abord construits. Une méthode progressive permet de passer du signal annuel, qui sert à la datation (haute fréquence), à un signal discontinu qui vise à mettre en valeur des années particulières (années caractéristiques). Un modèle intermédiaire (moyenne fréquence) permet d'évaluer l'importance relative d'une année particulière dans la période de dix ans qui l'encadre. Dans la deuxième étape, des ensembles ont été construits de deux façons différentes. Les bois de chaque site constituent une population élémentaire. Les bois de plusieurs sites, dont le « type » de croissance est le même, sont associés dans des assemblages plus larges. Les années caractéristiques (H uberet Giertz-Siebenlist, 1969) de ces derniers sont cartographiées, chaque carte étant susceptible de caractériser la dominante climatique d'une année. Particulière du point de vue dendrochronologique, l'année 54 av. J.-C. est discutée à la lumière des textes de l'époque, en particulier le Bellum Gallicum de Jules César. Le raisonnement de l'historien permet d'étendre aux années suivantes le discours appliqué à la stricte année 54 av. J.-C. La dendrochronologie appliquée à l'archéologie reste tributaire des conditions de conservation des bois et de la progression des découvertes archéologiques. Les archéologues comprennent rapidement que la dendrochronologie est une réponse essentielle à la question du temps, leur permettant d'introduire dans leur démarche des repères chronologiques dont la précision peut atteindre l'année, voire la saison, avec toutes les questions que cela pose (Joly et al., 2007). Ainsi depuis plus de vingt ans, la normalisation de la recherche archéologique en France a permis de constituer un corpus dendrochronologique de plus de 2000 chênes datés du deuxième âge du Fer et de l'époque romaine. Ces données dendrochronologiques, issues des bases de données de sept laboratoires français et étrangers, publics et privés (cf. Remerciements), ont fait l'objet d'une vérification et d'une mise en commun dans un référentiel nommé Classic-Oaks (Durost, 2005). Ce travail a permis d'établir une révision des datations dendrochronologiques du Nord de la France à l' âge du Fer et au début de l'époque romaine (Durost et Lambert, 2007). De ce corpus couvrant la période 546 av. J.-C. à 193 apr. J.-C., 866 échantillons, répartis dans 34 chronologies de sites, documentent le i er siècle av. J.-C. Ces séries font de cette période la mieux échantillonnée en France par dendrochronologie pour les 2500 dernières années (Fig. 1). Ces chronologies se répartissent sur la moitié nord de la France dans un espace de plus de 300 000 kilomètres carrés compris du Nord au Sud entre Amiens (Somme) et Pérols-sur-Vézère (Corrèze) et d'Ouest en Est entre Tours (Indre-et-Loire) et Biesheim-Kunheim (Haut-Rhin). Aux marges de l'espace délimité, la documentation s'amoindrit : un ensemble de sites provient de Bretagne (Visseiche-la-Chaussée, Ille-et-Vilaine) et des Pays-de-la-Loire (Saint-Martin-de-la-Place, Maine-et-Loire); le Sud-Ouest est représenté par la chronologie de la fouille de la place Camille-Jullian à Bordeaux (Gironde). Chaque site intègre en moyenne 25 séries individuelles, mais on constate une forte disparité d'un site à l'autre liée principalement à la difficulté de conservation de l'artefact bois (Pillonel, 2007) et à la nature des structures archéologiques. Ces dernières peuvent se classer en trois catégories : puits, ponts, et bois divers. Si les deux premières indiquent clairement la nature des structures, la dernière regroupe des éléments plus disparates comme des pieux, poteaux, sablières, caniveaux liés à des contextes d'habitats, des éléments de palissades, d'aménagements de berges, de fontaines, de pêcheries, etc. Les ressources forestières locales devaient suffire pour la mise en œuvre de ces structures. Que ce soit à l'échelle des séries individuelles ou de la chronologie locale de chaque site, la dendrochronologie dispose de données inégalement réparties dans le temps. Ainsi pour le i er siècle av. J.-C., le nombre de chronologies de sites disponibles pour chaque année varie de 27 à 31 (Fig. 3). L'augmentation rapide du nombre de séries individuelles entre 100 et 50 av. J.-C., la stabilisation puis la lente décroissance témoignent avant tout d'une distribution large de l' âge des bois abattus tout au long du siècle. En effet, à partir des phases d'abattages déterminées pour chaque site, le bilan de l'occupation à La Tène et au début de l'époque romaine indique une intensification progressive de la prédation de l'homme sur les ressources forestières à partir de 150 av. J.-C. qui atteint son optimum avec la période augustéenne (Durost et Lambert, 2007). Cette pression anthropique croissante permet d'obtenir au final, pour le i er siècle av. J.-C., un échantillonnage des plus représentatif pour les 2 500 dernières années de la diversité des peuplements exploités. Classiquement le cerne élaboré par chaque arbre pour une année est considéré comme la résultante d'une combinaison linéaire de plusieurs signaux endogènes et exogènes (Lebourgeois, 1997). En conséquence les calculs de corrélation, destinés à quantifier les synchronismes entre chronologies issues d'arbres ou de lieux différents, posent des questions de normalisation du signal dendrochronologique. La comparaison de séries de cernes issues d'arbres différents ne peut s'exprimer correctement que si les largeurs des cernes se développent dans un même ordre de grandeur (Guibal et al., 1991). Or dans ce domaine, la nature ne fait pas de grands efforts. Comme le montrent les différentes courbes de croissance (Fig. 2), le comportement des arbres est très variable au cours du temps. À mesure que ceux -ci vieillissent, ils tendent normalement à produire un cerne de plus en plus petit (Fig. 2, A et B). Mais pour certains, la croissance peut être stable (Fig. 2, C et D) voire augmenter (Fig. 2, E et F) ici probablement en raison de la concurrence intraspécifique. De plus la dendrochronologie appliquée à l'archéologie étudie des bois souvent porteurs de stigmates dus à l'homme (Bernard, 1998). Les deux dernières courbes de croissance semblent témoigner de pratiques sylvicoles (Fig. 2, G et H). Marques qui doivent être distinguées d'autres, plus naturelles et plus ou moins locales, comme le battement de la nappe phréatique (Girardclos, 1999). Il devient alors malaisé d'évaluer et quantifier les changements de pression de l'environnement subis par l'arbre au cours de sa vie sans avoir recours au préalable à une calibration des données. Basée sur des régressions polynomiales (Cook et al., 1990), la correction employée, nommée méthode du Corridor (Lambert et al., 2005), consiste à tracer un couloir ou corridor courbe qui s'ajuste au mieux aux variations générales de la croissance au cours du temps (Fig. 4). L'idée directrice est d'éliminer, entre autres, l'effet dépressif de l' âge de l'arbre sur l'élaboration des cernes en réduisant les grands cernes du début de la croissance et, inversement, en dilatant les cernes étroits terminaux. La courbure du corridor est modulée en changeant le degré des polynômes de régression afin de s'adapter à la diversité des peuplements forestiers représentés et à l'activité de l'homme dans l'environnement immédiat des arbres. Le résultat aboutit à un indice de croissance qui conserve le potentiel informatif de la série de cernes. Une des propriétés principales de cette méthode de correction des largeurs de cernes est de maintenir une partie du signal de moyenne fréquence que l'on extrait par un lissage polynomial : les reprises et les chutes de croissance – mouvements s'effectuant sur plusieurs années – de la série d'origine ne sont pratiquement pas perturbées. Le résultat obtenu permet d'engager des calculs efficaces de corrélations (Durost, 2005; Lambert, 2006). Ces derniers sont le coefficient de corrélation (r) et la valeur t de Student qui permettent de calculer une probabilité théorique de la sécurité du résultat. L'analyse de l'intégralité des corrélations obtenues entre les 34 moyennes de site permet de dégager pour chaque site un panel spécifique d'affinités dendrochronologiques. Le seuil déterminant ces relations privilégiées est fixé à une valeur de sécurité de la corrélation supérieure ou égale à 0,9999. Cette méthode conduit, pour chaque site, à connaître quelles chronologies du corpus lui ressemblent le plus. La diversité de l'aspect et de l'étendue des faisceaux de corrélation suggère une dynamique des facteurs régionaux qui influencent la croissance du chêne (Fig. 5). On remarque que la croissance moyenne de certaines populations d'arbres supposés avoir vécu à plusieurs centaines de kilomètres de distance présente des similitudes importantes, en même temps que des différences marginales évoquent un zonage du signal. Ainsi les 34 moyennes de sites et les 866 individus qui les composent sont ventilés en quatre ensembles (Fig. 6). La construction de ces groupes a été déterminée, par agglomérations successives des chronologies de site, avec la contrainte pour chacune d'elles qu'elle obtienne, au minimum, avec l'ensemble des constituants du groupe 70 % de corrélations avec une sécurité supérieure ou égale à 0,9999. Par cette méthode itérative, basée uniquement sur la qualité des synchronismes entre chronologies, une typologie de la croissance du chêne au i er siècle av. J.-C. est ici proposée sous la forme de quatre types se distribuant d'Est en Ouest. Cette répartition découpe le territoire en bandes d'environ 200 kilomètres de large. Du Nord au Sud, ces types intègrent des sites distants de plus de 500 kilomètres indiquant pour cette portion du territoire – les trois-quarts Nord de la France – que la latitude, à cette échelle, n'est a fortiori pas une contrainte déterminante dans la structure du signal de moyenne fréquence de la croissance. Les marges de chacune des zones construites sont obtenues par les éléments les plus périphériques qui les composent, mais il faut garder à l'esprit qu'elles n'en constituent pas les limites réelles. Cette division du territoire par la dynamique de la croissance du chêne pose d'emblée la question de l'information contenue dans les largeurs de cernes. En effet, la superficie couverte par chacune de ces zones comprend une variété de situations géologiques et pédologiques, un relief changeant et une futaie dans toute sa diversité. Comme d'autres auteurs l'ont déjà exposé à l'échelle de l'Europe tempérée (Pilcher et al., 1996), l'homogénéité de la croissance du chêne sur de si grands espaces ne peut s'expliquer que par les variations générales du climat. Dès lors pour chacun des quatre types, la dynamique de la croissance obtenue par la moyenne de toutes les populations constituant le groupe synthétise au mieux la réponse du chêne aux stimuli climatiques de la zone délimitée. Sur les cent ans de chronologies analysées, cette typologie montre des profils de croissance différents avec toutefois huit moments synchrones où la croissance de l'ensemble des chênes est ralentie. Cependant cette régression de la croissance marque plus ou moins chaque type (Fig. 6). Nous émettons alors l'hypothèse que des événements météorologiques de forte ampleur et persistants pendant la saison de végétation ont ainsi contraint la croissance de près d'un millier d'arbres, échantillon qui représente en réalité une population de plusieurs centaines de milliers. Ces événements s'inscrivent dans la variabilité interannuelle du climat – ou plutôt de la météorologie – comme autant de marqueurs temporels et géographiques de situations atmosphériques théoriquement identifiables (Neuwirth et al., 2007). Afin de caractériser ces situations, tant dans l'espace que dans le temps, nous avons eu recours à une notion ancienne et largement utilisée en dendrochronologie : l'année caractéristique (Kelly et al., 1989; Romagnoli et Codipietro, 1996). La notion d'année caractéristique (event year), dérivée de celle d'année remarquable (pointer year), est, en fait, à l'origine une notion germanique (Huber et Giertz-Siebenlist, 1969). Une année remarquable est une année marquée par un cerne exceptionnellement grand ou petit dans une série. L'idée est de retrouver ces années particulières d'arbre en arbre. Cependant après avoir trouvé un certain nombre de synchronismes, il apparaît que ces années remarquables, au détail, ne se reproduisent pas systématiquement sur tous les échantillons. L'idée est alors venue de distinguer celles qui apparaissaient dans 100 % des cas, des autres vues sur une partie seulement des arbres. Les auteurs germaniques ont ensuite généralisé cette notion de répétition d'un phénomène sur un lot important d'échantillons, en chiffrant simplement, l'itération de la chute ou de la reprise de croissance, d'une année sur l'autre, sans tenir compte de l'ampleur du mouvement (pointer intervall). Ici, pour chaque site, la décision a été prise de caractériser les années qui marqueraient, soit positivement (cerne plus large que le précédent), soit négativement (cerne moins large que le précédent), au moins 70 % des arbres (Fig. 7). Ainsi, l'année caractéristique est ici une notion liée au groupe, au peuplement : plus le nombre d'échantillons observés est important, plus la signification de l'année caractéristique devient symptomatique d'un événement fort qui a affecté les arbres. Ces années particulières dans la vie d'un peuplement ont été déterminées pour chacune des 34 populations comme le montrent les exemples de la figure 7. Or certaines de ces années caractéristiques sont visibles sur tout ou partie du corpus témoignant alors d'événements dont la signification dépasse largement le cadre du secteur ou de la région et sont, par conséquent, le produit de facteurs climatiques cohérents affectant de larges espaces. Sur l'ensemble de la France tempérée, au i er siècle av. J.-C, chacun des quatre types de croissance identifiés précédemment est maintenant décrit par l'ensemble des années caractéristiques (positives et négatives) des populations qui le constituent (Fig. 8 et 9). Pour chaque type, la liste des années caractéristiques est filtrée en deux étapes. La première ne conserve que les années marquées dans au moins 50 % des sites, puis la deuxième élimine du résultat obtenu celles qui n'apparaissent pas simultanément dans deux types immédiatement voisins. Le filtrage livre 52 années particulières, positives (reprises de croissance) et négatives (chutes de croissance) confondues. Parmi les 31 années favorables, 10 sont communes à l'ensemble de la zone étudiée (Fig. 8). Remarquons que le type IV qui décrit le secteur le plus à l'Ouest ne porte pratiquement plus de signal positif dans le dernier quart du siècle. Nous avons déjà évoqué la possibilité d'un effet anthropique de large ampleur qui altérerait, dans le cerne, l'impact climatique. Cette hypothèse reste à discuter (Durost et Lambert, à paraître). Parmi les 20 années défavorables à la croissance, sept sont communes à l'ensemble de la zone étudiée (Fig. 9). On note que le graphe donné par ces années -là n'est pas distribué comme le précédent. Cela suggère une alternance de moments équilibrés dans lesquelles les reprises sont susceptibles de compenser les chutes de croissance et des moments de déséquilibres dans lesquels l'une ou l'autre réponse de la largeur du cerne l'emporte, moments qui sont soit particulièrement favorables soit particulièrement défavorables. Un « moment d'équilibre » n'est pas forcément un indicateur de calme météorologique. Bien au contraire, un tel moment peut être marqué par une alternance de situations météorologiques contrastées qui se succèdent pendant quelques années et stimulent le cerne de façon contradictoire. Ainsi la période 50-30 av. J.-C. est marquée par une « signature » de la croissance en dents-de-scie, particulièrement bien marquée dans le type III. Le même genre de comportement de la croissance a été observé dans la première moitié du xvi e siècle (Huber et Giertz-Siebenlist, 1969). Cette période comprise entre 1530 et 1540, nommée « signature des vendangeurs », est interprétée comme une pause dans le processus de refroidissement du Petit Âge Glaciaire (Le Roy Ladurie, 1983; 2004). Le filtrage utilisé pour retenir les 52 années visibles au moins dans deux zones voisines, conduirait logiquement à distinguer six combinaisons géo-typologiques, mais cinq sont réellement observées. Classées d'Ouest en Est, ces combinaisons sont : A = types IV et III; B = types IV, III et II; C = types IV, III, II et I; D = types III, II et I; E = types II et I. Chaque combinaison, selon que la croissance observée pour l'année concernée est favorisée (A1, B1, C1, D1 et E1) ou défavorisée (A2, B2, C2, D2 et E2), décrit deux situations opposées (Fig. 10). La cartographie de ces situations permet de mettre en évidence le contraste des réponses du cerne dans l'espace. Il en résulte dix situations schématiques qui résument les différences d'état entre l'ouest et l'est. Les 52 années se distribuent inégalement dans les dix situations. Une majorité d'entre -elles se regroupent naturellement dans les situations C1 et C2 (toute la zone étudiée), car elles sont à la source du signal original qui a été construit au départ de l'analyse. Elles représentent des événements météorologiques marquants. En particulier la situation C2 évoque un déficit hydrique qui est mis en évidence par l'étroitesse exceptionnelle du cerne. Cette relation entre cerne étroit et défaut de précipitations durant la saison de végétation du chêne, en France, pour l'époque actuelle, est décrite par plusieurs auteurs à l'échelle locale (Lebourgeois et al., 2004) ou régionale (Lambert et al., 2005). Nous postulons que la pluviométrie déterminante sur la zone considérée vient du sud-ouest. Il reste alors à expliquer comment un déficit hydrique peut être visible à l'ouest et non à l'est. Ceci conduit à schématiser des positionnements théoriques de masses d'air, anticyclones et dépressions, qui détournent les masses nuageuses de telle sorte qu'il ne pleuve pas à l'ouest alors qu'il pleut à l'est. On ajoute aux paramètres de ce modèle que les cernes les plus étroits (situation C2) sont également significatifs de fortes chaleurs estivales. On aboutit alors à un jeu de combinaisons possibles de situations anticycloniques susceptibles d'expliquer, en tout ou partie, chacune des dix situations modélisées (Fig. 11). Il conviendra d'établir la nature de l'adéquation de ces situations dendrochronologiques du i er siècle av. J.-C. à celles qui sont observées dans les périodes récentes pour lesquelles nous disposons de données météorologiques instrumentales. Toutefois la figure obtenue, évidemment prospective, permet déjà de supposer que les situations D1, E1 (étés frais et humides) et C2, D2 (chauds et secs) identifient des années dont les conditions météorologiques globales induisent des déséquilibres écologiques défavorables à la productivité des zones agricoles. Vu sous cet angle, le jeu des interactions entre les deux milieux, anthropogénique et non anthropogénique, dans une temporalité courte – une ou deux années –, commence à se dessiner. Il doit être alors possible d'appréhender l'un des risques naturels qui touchaient les sociétés de la Gaule de la fin de la protohistoire et du début de l'époque romaine. La confrontation des hypothèses dendroclimatiques avec les sources historiques procède par étapes. Tout d'abord, il convient de rassembler des témoignages de stress climatiques et d'en évaluer la convergence avec les données dendrochronologiques. Dans un deuxième temps, étant donné que ces témoignages directs sont peu nombreux, l'historien cherche à compléter cette liste d'années particulières en remontant des conséquences aux causes dans une démarche semblable à celle du dendrochronologue. Partant d'indicateurs sociologiques, il estimera un certain nombre d'autres situations météorologiques annuelles. La vulnérabilité des sociétés anciennes aux variations climatiques est grande. Les conséquences d'une mauvaise météorologie sont multiples : problèmes frumentaires, disettes, tensions sociales, épidémies. Cette vulnérabilité agraire explique toutefois la forte réactivité de ces sociétés à des dégradations naturelles brusques. Il conviendra de tenir compte aussi de tous les facteurs non climatiques qui jouent dans ces processus dont la complexité est bien mise en valeur pour d'autres périodes (Le Roy Ladurie, 2004; 2006). De ce fait, la convergence des phénomènes sociaux antiques et des proxys climatiques ne permet pas de postuler un déterminisme simpliste entre les conditions naturelles et les événements d'ordre économiques, sociaux ou politiques. Pour la période et la zone considérées, les sources sont archéologiques et écrites. L'étude de l'alluvionnement d'un site, par exemple, peut fournir des indications riches sur le climat et son évolution. Mais contrairement aux données dendrochronologiques, l'exploitation de ces artefacts paléoécologiques (pollens, macrorestes végétaux, restes d'insectes, sédiments, etc.) issus de fouilles archéologiques requiert l'établissement parallèle d'une échelle chronologique, dont le pas de temps est généralement bien plus large, variable, et toujours imparfaitement délimité. Ainsi, une situation climatique peut gâcher les récoltes d'une année sans pour autant laisser de trace pérenne dans la stratification d'un site. Sauf exception, ce sera plus sur le moyen ou le long terme que la comparaison pourra jouer. Les sources écrites sont nettement plus susceptibles de nous renseigner sur une temporalité courte. Elles sont cependant marquées par un biais important car elles ne reflètent pas tant les conditions naturelles que la perception, la mémoire, les représentations, et les comportements des sociétés passées face à ces conditions. Même si les sources écrites ne mentionnent que très ponctuellement l'existence de difficultés agraires dues à des causes météorologiques, les anciens avaient bien conscience de tels problèmes. Une littérature existait qui se préoccupait des signes du temps, de la récurrence des saisons, à partir de considérations plus ou moins empiriques, scientifiques, calendaires, ou encore astrologiques (Bruschön, 2007). Cette sensibilité aux événements météorologiques, fondée sur la capacité de comparer une année à l'autre et le sentiment de pouvoir évaluer les récoltes à l'échelle pluriannuelle (Pline, Histoire Naturelle, XVIII, IV, 16), n'appartenait pas nécessairement au domaine du mémorable. Au contraire, seuls des événements particuliers pouvaient justifier qu'ils soient notés dans un ouvrage où l'interprétation pouvait vite s'écarter de la constatation agricole ou météorologique pour se placer dans le domaine moral et politique, diminuant d'autant la crédibilité de certains témoignages (Pline, Histoire Naturelle, XVIII, IV, 19-21). Mentionnons aussi la délicate question des lieux communs de la rhétorique. La littérature antique s'est le plus souvent fortement pensée et légitimée comme mimésis des grands prédécesseurs. L'imitation des morceaux de bravoure des auteurs anciens était à la base de la formation antique. Telle description peut donc plus correspondre à une inspiration littéraire qu' à une observation factuelle. Toutefois, le bon auteur devait mettre la mimésis des oeuvres au service de la mimésis du vrai, et reprendre un lieu commun précisément parce qu'il correspond bien à la situation qui était alors vécue (Pernot, 2005). Pour chaque observation météorologique, il faut se demander dans quel type de texte elle s'insère, quelle justification elle peut trouver, à quelle observation elle peut correspondre. Malgré son hétérogénéité, La documentation écrite a pour avantage d' être très bien étudiée (Duval, 1971). Si Diodore de Sicile et Strabon nous ont laissé des descriptions de la Gaule à l'époque considérée, ils dépendent fortement des écrits de Poseidonios d'Apamée qui la visita au début du siècle. En recopiant très largement ce dernier auteur, Diodore de Sicile dresse le portrait du climat gaulois tel qu'un Grec ou un Romain peut le percevoir et le restituer à ses compatriotes plusieurs décennies avant l'arrivée de César. La Gaule est le domaine du froid. Ce sont l'hiver et son abondance de neige, les fleuves gelés et leurs traversées à pied sec qui impressionnent le voyageur méditerranéen (Diodore de Sicile, V, 25-27). Les échos du témoignage de Poseidonios sont importants en ceci qu'ils nous livrent les lieux communs que l'on peut attendre de la part d'un auteur ancien écrivant à propos du climat gaulois. Le cœur de notre documentation est le récit de la Guerre des Gaules par César. Il nous ouvre une fenêtre très précise sur le milieu du premier siècle avant notre ère. N'échappant pas à son époque, César a certainement dû lui aussi puiser dans Poseidonios (Brunaux, 2006), mais l'examen de son témoignage soulève la question, fort discutée, de la déformation des faits à laquelle il peut se livrer pour servir ses fins politiques (Krebs, 2006). Rappelons que tout phénomène météorologique peut d'abord être vu par les Romains comme signe de la volonté des dieux, message à interpréter et qui ne manquait pas d' être instrumentalisé, parfois a posteriori, à des fins politiques. Le récit de la catastrophique expédition de Crassus, contemporaine des actions de César en Gaule en est un bon exemple. Orages et nuées annoncent le destin funeste des troupes (Plutarque, Crassus, XIX, 4-5). Mais si l'on croit certains de ses détracteurs, César, ayant suffisamment confiance en sa fortune, pouvait mépriser ces signes (Lucain, La Pharsale, V, 542-677). Pour aucun autre moment de la période considérée, nous ne possédons de sources aussi riches et précises que le texte de César. Une fois la Guerre des Gaules refermée, seules des notations allusives sont disponibles dans la correspondance de Cicéron, les résumés de Tite-Live, les vies de Suétone. Le Bellum Gallicum offre plusieurs observations de types météorologiques bien datées et bien localisées, ainsi qu'un ensemble riche et vaste d'informations sur la vie politique et sociale des civitates gauloises entre 59 et 51 av. J.-C. L'occasion rare d'une rencontre entre un marqueur climatique indépendant et le témoignage d'une source antique est offerte. Nous proposant de revenir ailleurs sur les détails des événements, il s'agira ici seulement d'indiquer les principales rencontres des deux types de documents, et les perspectives qui s'en trouvent ouvertes. Les notations météorologiques du Bellum Gallicum sont en général de signification très ponctuelle, par exemple de fortes pluies chez les Ménapes et les Morins durant l'automne 56 (César, Guerre des Gaules, III, 29). Mais une observation de César nous semble avoir une valeur bien plus forte. Plus générale que les autres, elle décrit en effet un contexte climatique à l'échelle d'une saison et d'un vaste espace, au moins toute la Gaule centrale et la Gaule Belgique. Elle est donc directement susceptible d' être confrontée aux données dendroclimatologiques en notre possession. Au moment de décrire le schéma d'hivernage de ses troupes pour l'hiver 54-53 av. J.-C., César indique que cette année -là la récolte de blé fut maigre en Gaule en raison de la sécheresse, le contraignant alors à disperser ses troupes (César, Guerre des Gaules, V, 24 : « comme cette année en Gaule le blé était venu avec moins d'abondance à cause de la sécheresse (quod eo anno frumentum in Gallia propter siccitates angustius provenerat) ».). Pourtant peu coutumier de notations sur le temps qu'il fait, nous disposons en plus du témoignage de Cicéron à propos de chaleurs exceptionnelles et d'une extrême sécheresse en Italie pour la même année 54 (Cicéron, Correspondance, t. III, édition et traduction L.A. Constans, C.U.F., Paris, 1940, Ad Q. fr. III, 1 = CXLV, pp. 82-88 : « J'ai réparé les fatigues des grandes chaleurs (nous n'avons pas souvenir d'en avoir vu de pires) dans ma villa d'Arpinum en jouissant des agréments de la rivière (Ego ex magnis caloribus [non enim meminimus maiores] in Arpinati summa cum amoenitate fluminis me refeci) »; « j'y ai vu Mescidius et Philoxène, et l'eau qu'ils amenaient d'un point assez proche de la villa : elle coulait vraiment bien, surtout étant donné l'extrême sécheresse (maxima siccitate). » Peut-on faire confiance ici à César ? Il pouvait certes avoir d'autres raisons de disperser ses troupes (Reddé, 2003). Mais il ne pouvait guère arguer pour cela d'une situation fictive. À Rome, les moyens ne manquaient pas de contrôler la base factuelle de ses affirmations. En Italie, lorsque Cicéron mentionne la sécheresse de 54 c'est précisément dans une lettre à son frère qui sert en Gaule sous les ordres de César. Notons encore que la nécessité de ravitailler une armée aussi importante que celle qui se trouvait sous ses ordres était un défi logistique sans doute presque quotidien qui reposait en grande partie sur ses alliés gaulois. La qualité et l'abondance des moissons étaient pour César des informations stratégiques essentielles, et cela à l'échelle d'une grande partie de la Gaule. Précisément pour l'année 54 av. J.-C., la dendrochronologie suggère une forte sécheresse. La convergence du texte antique et du marqueur dendroclimatique autorise l'historien à les faire jouer l'un avec l'autre. Bien que les cultures, notamment les céréales, ne répondent pas systématiquement à la météorologie de la même façon que le chêne, il y a des rencontres entre les deux réponses. La situation dendrotypologique C2, à laquelle appartient l'année 54 av. J.-C., en est l'illustration. Dans ce cas, la démarche dendrochronologique et la démarche historique se confirment mutuellement. Il est donc raisonnable d'accepter l'idée que les difficultés de ravitaillement ont joué un grand rôle dans les opérations de l'année 54-53 av. J.-C. En offrant un élément de contexte jusqu'alors inédit aux campagnes de César en 54 et 53, les cartes tracées ici appellent à une relecture du texte césarien et à reconsidérer les interprétations existantes des événements de la fin de la guerre des Gaules, sinon pour les récuser, au moins pour les nuancer ou les enrichir d'éléments nouveaux. Par ailleurs, l'année 53 ne fut pas bonne non plus (Fig. 10). Quoique légèrement moins marqué, le stress climatique est réparti sensiblement de la même façon que l'année précédente. Une conclusion semble s'imposer. Plusieurs des grandes cités de la Gaule centrale ont du vivre une deuxième année de disette aggravée par les prélèvements des troupes romaines. La comparaison des situations dendroclimatologiques de 54 et de 53 avec les mouvements de César, les zones de tensions politiques et les lieux de garnison de ses soldats sont alors riches en enseignements. (Fig. 12). Nous constatons, en particulier, que les peuples les plus importants qui se trouvent au cœur des difficultés militaires et politiques de César entre 54 et 51 ont leur territoire dans les zones où le stress climatique est bien attesté en 54 et 53 av. J.-C., en particulier les Carnutes, les Sénons, les Trévires et les Éduens. La présence d'un important personnage chargé de la logistique frumentaire des armées césariennes parmi les victimes du massacre d'Orléans au début 52 (César, Guerre des Gaules, VII, 3 : « honestum equitem romanum, qui rei frumentariae iussu Caesaris praeerat. » prend un sens nouveau, ainsi que l'indication de pillages de convois ou de stocks de blé chez les Éduens (César, Guerre des Gaules, VII, 42 et 55). La concentration de six légions chez les Sénons (César, Guerre des Gaules, VI, 44) en pleine zone de stress climatique se répercuta sans doute par des demandes accrues en ravitaillement aux peuples de l'axe rhodanien et de l'axe ligérien. Ravitaillements qui ont eu probablement à circuler par la cité des Éduens ou par la cité des Carnutes et le port d'Orléans (Cenabum). Des facteurs d'ordre très concrètement alimentaire ont donc pu jouer un rôle dans les événements de 52 av. J.-C, en particulier le massacre d'Orléans et la défection des Éduens. La pression de l'armée romaine sur les civitates gauloises fut d'autant plus forte dans ces années que les conditions naturelles avaient été défavorables. Il faudra désormais en tenir compte pour écrire l'histoire de cette période. Les conséquences de ces mauvaises années se font sentir longtemps, car, en nombre d'endroits, les dévastations occasionnées par les mouvements militaires de l'année 52 ne purent sans doute pas permettre une récupération cette année -là, même si le temps y fut plus clément. Bien qu'après 51 av. J.-C., aucune autre source textuelle n'offre des données météorologiques en abondance, il est envisageable, à partir de données sociologiques, de soulever, avec le concours de la dendrochronologie, la question d'autres périodes de difficultés. Les occurrences de la situation C2 du modèle spatial dendrochonologique sont des années auxquelles nous devons accorder de l'attention (Fig. 13). L'analyse historique doit prendre en compte le fait que les conséquences d'une météorologie désastreuse peuvent s'étendre sur plusieurs années et provoquer des troubles, éventuellement différés. Ainsi l'année 47 av. J.-C. a probablement connu une sécheresse estivale qui précède une importante, mais très mal connue, révolte en Gaule, celle des Bellovaques (Tite Live, Periochae, CXIV : « Brutus legatus Caesaris in Gallia Bellovacos rebellantes proelio vicit. »). Les possibles conséquences agricoles du stress climatique dont témoigne l'année 45 eurent-elles un rôle important dans les tensions des années 44 et 43 av. J.-C., essentiellement connues par la correspondance de Cicéron, et dont au demeurant l'extension exacte nous échappe (Cicéron, Ad fam., X, 8 et 10; Reddé et al., 2006) ? Quelques-uns des troubles qui agitèrent la Gaule dans les années qui suivirent le départ de César ont donc pu avoir des causes en partie frumentaires liées aux conséquences d'événements climatiques. De même, il est possible de songer à des liens entre ce que nous montrent les cartes des années 63-62 av. J.-C. et les conflits entre cités gauloises qui débouchèrent sur la défaite des Éduens et l'ambassade de Diviciac à Rome en 61 av. J.-C. Ces observations, qui croisent données dendrochronologiques et sources littéraires antiques, pourraient être discutées dans un cadre plus large qui intègre les causes des perturbations météorologiques supposées. Une étude intéressante suggère le rôle du volcanisme dans la perturbation climatique de 54-52 av. J.-C. (Zielinski, 1995). L'intégration d'autres proxys dans le tableau des données est évidemment intéressante, mais demande un travail de préparation (Rossignol et Durost, à paraître). Mais déjà, l'apport de la dendrochronologie à l'histoire nous semble significatif quant à ce moment clé de la conquête de la Gaule . | La comparaison entre données dendrochronologiques et historiques demande une préparation des unes et des autres qui aboutit à confronter plusieurs modèles. La dendrochronologie produit trois modèles chronologiques, un modèle de haute fréquence continu et annuel, un modèle lissé de moyenne fréquence et le modèle discontinu des années caractéristiques. Bien que déduits les uns des autres, ces modèles offrent des points de vue différents sur la signification environnementale et climatique du signal considéré. Ces trois modèles ont été combinés pour aboutir à un modèle spatial. Pour le Ier siècle av. J.-C. en France du Nord, ce modèle spatial permet d'entrevoir pour 52 années des situations météorologiques particulières. Ces situations ont été rangées en dix classes. La classe C2 caractérise une forte sécheresse estivale. Elle a marqué l'année 54 av. J.-C. qui précède une reprise de troubles en Gaule. L'analyse détaillée de l'information historique disponible pour cette période permet d'asseoir l'hypothèse de la sécheresse de 54. De plus en utilisant des arguments du type « effet-retard », des propositions sont avancées quant aux causes des troubles des années 53-52 av. J.-C. | archeologie_11-0115762_tei_376.xml |
termith-122-archeologie | L'analyse des signes en « palissades », « panneaux », « échelles » et autres « Pi » (π), telle que proposée dans une étude antérieure (Wolff 1997, p. 80-81), nous avait permis de souligner leur importance dans les gravures du Sud marocain. La distinction portait par exemple sur le nombre des jambages de ces signes, voire le manque de contour complet du rectangle de base. L'accroissement actuel des documents mène à constater que désormais ces désignations multiples, utiles lors de l'analyse initiale du phénomène, tendent en réalité à brouiller la vue et limiter le recul qu'on doit prendre pour en apprécier l'essence. Par conséquent, nous pensons qu'il n'y a plus lieu de maintenir ici ces désignations initiales, qui résultent largement de l'héritage des devanciers, pour les regrouper sous le terme de « barrière ». De même, certaines figurations avaient trouvé en leur temps une désignation provisoire qu'il est possible maintenant de préciser, par exemple celle de l' « ovoïde quadrangulaire » sur lequel nous reviendrons. Pour leur part, les « barrières » sont d'abord des signes, c'est-à-dire des dessins de sens non immédiatement perceptible. Leur abondante présence autour d'un motif central fait qu'on les soupçonne, non sans quelque raison, d' être une sorte de proto écriture, presque des hiéroglyphes. Nous verrons qu'on peut leur attribuer un sens plus approprié, en particulier lorsqu'ils figurent en compagnie d'animaux. Ces signes, réalisés au trait poli ou incisé, sont très répandus parmi les gravures rupestres du style de Tazina. Cette appartenance est a priori assez paradoxale, puisqu'il s'agit de dessins géométriques, plutôt abstraits, inscrits dans un ensemble d'où l'harmonie des courbes et les formes étirées - parfois exagérément - devraient les exclure. En outre, le schéma de base étant un rectangle, avec ses diagonales tracées ou non, on ne peut les admettre dans ce style que lorsqu'ils sont associés dans un même site à des gravures reconnues taziniennes, et de patine en gros comparable, c'est-à-dire d'ancienneté équivalente, de manière à éliminer les tracés tardifs, « passe-temps » de graveurs désœuvrés. Un aspect est acquis : rectangles et carrés sont très nombreux sur les blocs et les dalles rocheuses, bien que de nombreux sites aient souffert, et continuent de souffrir, de destructions. Une conséquence peu connue de ces déprédations est que dans certains sites rupestres du Sud d'Alnif, ainsi qu'entre Akka et Tata par exemple, on constate des concentrations étonnantes de certaines figurations, celles justement des signes géométriques, ainsi que des pièges (les « nasses » de certains auteurs), c'est-à-dire des images certainement jugées abstraites et donc sans valeur. Nous nous intéresserons ici à la première catégorie, avec l'intention seconde de mieux connaître les graveurs du style (ou de l' « école ») de Tazina du Sud marocain. Le graphisme le plus simple est un rectangle, ou un carré, souvent pourvu de ses deux diagonales, voire même de traits reliant ses quatre côtés et passant par son centre de gravité (Talm'Adârt, fig. 1, à l'extrême droite). S'il apparaît souvent dans les gravures sub-actuelles, il n'y a pas lieu pour autant de le négliger dans les visites des sites, car de bonnes surprises sont possibles : à Anou n'Ouamer Zemlal, on peut voir deux outardes dont l'une a les pattes accolées à un carré diagonalisé, relié au bec par un trait. Dans le cas de la figure 2, du site voisin d'Aït Ouazik Centre, le rectangle contient un unique petit trait, et il s'inscrit entre deux traits fins qui semblent le soutenir. C'est aussi un premier exemple gravé le long d'une limite du rocher, en fait un gradin naturel en surface. Cette figuration située au cœur d'un véritable haut lieu du style de Tazina, est aussi de patine totale. Postérieurement, on a tenté de dédoubler le rectangle au trait fin mais l' œuvre ancienne apparaît sans confusion possible. Un autre exemple de rectangle simple apparaît au jebel Bou Kerkour (fig. 3), de nouveau appuyé contre l'arête du rocher. Il contient plusieurs traits, et ainsi l'hypothèse se dessine d'une barrière, avec son barraudage, ici assez dérangé, avec des manques. Une extrémité du rectangle vient toucher une figuration ovale, bien connue dans les gravures rupestres du Sud marocain, puisqu'il s'agit du « corps » d'un piège (Wolff 1997, p. 66-67), avec son « axe ». Ce que nous nommons ses « antennes » (les appendices supérieurs) est remplacé par l'arête sinueuse d'un gradin de la dalle, en « calembour graphique » (Le Quellec 1993, p. 71-79). D'autres traits parallèles surmontent la barrière. Cette association suggère une seconde hypothèse : nous aurions là la description d'un système piégeant dont le rectangle serait, à tout le moins, un des éléments canalisant les proies vers l'engin de capture, ce qui est un principe élémentaire du piégeage. Ici, ce n'est pas non plus une partie d'un enclos d'un bétail invisible. En effet, ces hommes en sont au mieux au stade de l'apprivoisement, en ce qui concerne le bovidé, et en tout cas de celui majoritairement gravé, aux cornes « tournées vers l'avant ». On peut trouver aussi des figurations de rectangles emboîtés les uns dans les autres, comme au site d'Amda (fig. 4, à droite) : des traits légers et peu patinés dénotent une figuration tardive, ce qui est fréquent dans ce type. C'est également le cas du carroyage gravé sous le rectangle de gauche, dont il paraît être la copie. Néanmoins, les traits profonds et patinés des carrés emboîtés d'Aït Ouazik Sud (fig. 5, à droite) nous prouvent qu'il peut s'agir en réalité d'un motif ancien. Il peut se compliquer, comme dans cet exemple vu à la station de Tibasksoutine (fig. 6), où apparaît un enclos extrêmement élaboré, à moins qu'il ne s'agisse d'une fosse de capture : aucun contexte ne vient nous éclairer. Dans ces rectangles, les traits internes peuvent donc se multiplier, ce qui dessine une authentique barrière, munie de ses barreaux et de traverse(s), comme au site d'Amda (fig. 4, en haut et à gauche). Le dessin peut même aboutir à une sorte de damier plus ou moins régulier, visible au jebel Bou Kerkour (fig. 7, à droite). Quand les traits, probablement compris comme verticaux, dépassent le cadre du rectangle externe, on peut se demander s'il ne s'agit pas de piquets pour l'érection de la barrière. Lorsque ces mêmes traits sont tout entiers contenus dans le contour, c'est plutôt un barraudage. Dans quelques cas, les traits matérialisant les côtés du rectangle sont omis, comme au Tam'Adârt (fig. 8, à gauche). Trois traits profonds sont gravés ainsi que trois autres transversaux, et il est possible que les premiers soient les piquets de la barrière. Certaines barrières comportent une traverse axiale qui se prolonge à l'extérieur sur une longueur variable : nous voulons parler de dépassements manifestes (fig. 1 et 8 [en bas]), et non de ceux liés à la pratique du trait poli, comme à Tibasksoutine (fig. 12, en haut), où il s'agit probablement de l'indication maladroite de l'attache d'une barrière à des étais externes. L'extension de la traverse n'est pas fortuite, car les graveurs du style de Tazina ont souvent voulu qu'un objet donné soit relié à une fissure, ou à un relief du rocher ou encore à l'une de ses limites, en transitant au besoin par un trait relais (fig. 1, à droite) : il s'agissait d'indiquer ainsi l'idée d'une attache à un point d'ancrage solide. Dans de nombreux cas, on constate le remplacement de l'un des côtés du rectangle par un trait naturel fourni en quelque sorte par le rocher lui -même, par exemple pour un côté en largeur (Talm'Adârt : fig. 8 [au-dessus et à droite]), ou en longueur (jebel Lourâhâne : fig. 9), quitte à repasser longuement au burin cet accident naturel pour l'intégrer à l'épure. Il s'agit là d'une pratique tazinienne courante, où le concept de substitution harmonieuse (le « calembour graphique ») se joint à un mélange subtil d'adresse, de stricte économie du trait et d'un rare sens artistique. Ceci est aussi la cause de beaucoup d'incompréhension à l'égard des hypothèses émises. Dans certains cas, le barraudage est remplacé par un treillis fin. Au Bou Kerkour (fig. 10), un rectangle en contient un second, très finement hachuré. Les côtés horizontaux de ces barrières sont dans l'ensemble réguliers, et ceci est pour nous l'indice d'une représentation d'objets réels. À la figure 11, du site de Ouaouglout, la barrière à droite de l'image a un côté incurvé parce qu'en fait ce dernier suit le rebord courbe du rocher, alors que l'autre côté et la traverse sont parfaitement droits. Il est probable que dans l'esprit du graveur, ces trois traits sont supposés parallèles et horizontaux, et que l'indication qui lui importe est plutôt celle d'accoler un côté au rebord du rocher, comme on l'a vu plus haut. À gauche de la figure, on voit une structure avec plusieurs traits, d'extrémités fourchues : on pense à des branches plantées dans le sol, disposées comme une sorte d ' oxer hippique. Un trait, placé à nouveau sur le rebord d'une micro cavité, se continue depuis cette structure jusqu' à la barrière à droite, la construction en branchages pouvant en être l'auxiliaire. La figuration rupestre qui nous préoccupe est souvent dessinée avec de petites dimensions, et parfois les côtés en longueur sont assez bombés. Comme elle se présente aussi en connexion avec des animaux par ce « lien axial », comme à Ouaouglout (fig. 13 – vers la queue), nous avons pu penser initialement (Wolff 1997 fig. 102) qu'elle procédait, avec ou sans lien externe, de la famille des ovoïdes dont la signification « piège » est quasi certaine (Wolff 1997, fig. 65 [en bas ], 93, 107, 113). Mais le terme d' « ovoïde quadrangulaire » n'est désormais plus de mise face à celui de barrière. De forme apparentée à celle -ci ou en procédant, certaines gravures laissent perplexe en l'absence d'indices, comme la barrière à barraudage et traverse du jebel Bou Inaoaï (fig. 14), qui présente un étranglement marqué. À la figure 15, d'une ride proche du jebel El Khatitîrâ, le graveur semble avoir dessiné au départ un contour de barrière, puis il l'a entourée d'un tracé qui serait soit une empreinte de pied, au pouce saillant, soit une sandale. Mais il n'a pu s'empêcher de hachurer sa figuration de traits internes, de sorte que la confusion avec une barrière se poursuit, ce qui est bien dans la manière du style de Tazina. Notons à ce sujet que de cette « sandale », pendent à l'arrière deux traits qui pourraient n' être, bien sûr, que la figuration des lanières d'attache de la chaussure. Mais pourquoi en avoir prolongé un brin jusqu' à l'arête de la dalle ? C'est là une convention de sens très différent, constante dans les gravures taziniennes de pièges. Donc l'équivoque subsiste … Les populations adeptes du style de Tazina, des chasseurs d'après la ligne générale de leurs gravures, ont pu influer sur d'autres ethnies. Celles -ci qui pratiquaient l'élevage et représentaient leur bétail au moyen du trait piqueté, ont pu voir des objets bien réels employés par l'autre communauté. C'est pourquoi on connaît quelques figurations de piège « nasse » au trait piqueté (Wolff 1997, fig. 41). De même, une barrière de Ouaouglout (fig. 16) relève de ce style. L'analogie ne s'arrête pas là, car nous voyons un rectangle dont l'un des grands côtés est constitué par l'arête terminale du bloc, un canon du style de Tazina. De plus, le côté opposé constitue avec un trait parallèle externe à la figuration, l'indication éventuelle d'un chemin, hypothèse sur laquelle nous reviendrons plus loin. Le rapprochement inter ethnies est, dans ces exemples, patent. Les figurations de barrières sont aussi mises en scène avec des animaux. Dans nos travaux antérieurs, nous avions fait état de « rectangles diagonalisés » en relation étroite avec un éléphant (Wolff 1997, fig. 124), et une girafe (fig. 132). Oiseaux, gazelles, bovidé sauvage, et même un rhinocéros (Toug er Rîh) sont concernés. D'Aït Ouazik Sud, la figure 5 montre un faisan, animal rare dans les gravures, le cou levé dans une posture caractéristique. Il est en arrêt devant une première forme de rectangles emboîtés, assez usée, à trois centimètres sous les pattes. Une seconde, presque carrée et bien plus visible, comporte aussi deux traits au centre. Elle est flanquée d'un ovoïde avec « axe » évocant un système piégeant plus qu'un simple obstacle canalisant. L'oiseau est d'ailleurs séparé de ce carré par un contour étranglé qui pourrait être, ici encore, une figuration baroque de piège avec son « corps » ovale aplati, un « collet » très étiré et une seule « antenne » donnant à l'engin une position canonique suspendue (Wolff 1997, p. 67). En bas et à gauche, il y a aussi une sorte de V pincé, un signe qui encadre couramment les gravures de la faune du style de Tazina. En résumé, il s'agit là d'une scène à sens cynégétique. Cette interprétation vient de trouver une confirmation de poids dans une découverte récente faite au Rich Merzoug (fig. 17), où apparaît un groupe de trois oiseaux (des autruches, ou à la rigueur des outardes), au trait profond et de patine totale. Celui de gauche a le tracé du cou interrompu par une barrière à une traverse, dont le barraudage semble assez chamboulé. L'examen de la gravure démontre même à cette occasion ce que l'on suppose plus que l'on ne prouve, à savoir que l'artiste trace son dessin initial au trait peu appuyé avant d'en repasser les contours, à la profondeur voulue. Or ici, l'esquisse a été clairement arrêtée au niveau du cou de l'autruche et cette dernière a donc été voulue acéphale. Et à la place de la tête, le graveur a implanté la dite barrière. Par conséquent, notre interprétation de celle -ci en tant que piège à part entière se précise. Notons en plus que le graveur a de nouveau calé cette barrière contre l'arête du rocher. Sa forme générale est trapézoïdale, et le côté en longueur est dédoublé sur le cou de l'oiseau. Même double trait sur une gravure du jebel Lourârhâne (fig. 9), reliant une barrière au cou d'une sorte d'échassier, tandis qu'un autre trait se dresse derrière l'oiseau. À une époque plus tardive de la période du style de Tazina, où le bovidé clairement domestiqué est représenté avec les cornes recourbées en cercle, le signe de la barrière est encore présent. À Ikhf n'Ouaroun/Tazigzaout, sur une même dalle (fig. 18) voisinent deux tableaux gravés séparés par un gradin : l'orientation des deux autruches du bas, et la différence de tailles, font qu'elles n'ont sans doute aucun rapport avec les deux bœufs adossés en haut. Ici, le signe est minime et, planté sur l'arête par trois traits, il précède ce pseudo attelage. Il semble plutôt emblématique, une sorte d'ex-voto. Dans le cas de la figure 13 (Ouaouglout), les diagonales multiples du rectangle situé entre les pattes de la gazelle sont prolongées jusqu'au ventre et même le pénètrent un peu. D'autres encadrent la gazelle au-dessus de la croupe, et derrière elle (avec un lien jusqu' à la naissance de la queue). De plus, un zigzag composé de trois chevrons lui barre le passage, et un signe en Y renversé s'insère sous la queue, tous signes de chasse clairement identifiés par Huard (Huard & Leclant 1980, t. 1). L'animal est donc immobilisé, et l'intention de la barrière entre les pattes est clairement vulnérante. C'est là un schéma que nous retrouvons au jebel Tiouririne (fig. 19), où l'on relève que le rectangle hachuré qui fait arquer le ventre de la gazelle est traversé au milieu par un trait en arc de cercle qui relie les deux rebords de la dalle. Notons qu'une rangée de traits fait plier le cou de l'animal, complétant le dispositif. Autre indication très intéressante, la présence derrière la gazelle d'un canidé, genre peu représenté dans les gravures taziniennes, si utile pour rabattre les proies vers les engins de capture (Wolff 1997, p. 82). Ajoutons que la facture de cet animal, et même de la scène toute entière (nature et disposition des animaux), évoque celles du Sahara marocain. Le jebel Bou Kerkour nous montre (fig. 20) une gravure de gazelle de 8 cm seulement, avec les sabots des pattes avant au contact d'une première barrière, tandis qu'une seconde, passablement disloquée, est littéralement plantée sur son dos et la queue. Les deux engins sont à nouveau reliés aux rebords opposés de la dalle par des traits. La patine est très forte. L'interprétation de ces tableaux est selon nous constante : ces gazelles sont proprement immobilisées, ce qui est le but d'un piège. Car seuls des engins à chute dits « assommoirs » sont clairement destinés à tuer, de même que le lacet qui apparaît dans les gravures taziniennes sous la forme d'une boucle (Wolff 1997, p. 79), sorte d'ellipse étirée par un lien d'extrémité, ou celle d'un ovoïde à vocation identique (Wolff 1998-1999). Revenons à la figure 1 (Talm'Adârt) où la boucle apparaît en calembour graphique sur le corps d'un bovidé aux cornes tournées vers l'avant, transformant une silhouette malingre et au dos arqué en un gros ruminant. Cette boucle décrit le contour de la croupe et les lignes de dos successives, et son lien d'extrémité est matérialisé par un trait prolongeant le cornage. L'animal semble planté sur ses pattes, comme figé. De fait, un contour à trois traits se présente devant son museau, son cou est visé par une sorte de V, et une forme en triangle est presque accolée à ses pattes avant. Mais il y a aussi, séparée de l'animal par un gros trait oblique, une barrière flanquée d'un rectangle diagonalisé. Ces deux derniers semblent lui barrer le passage, tandis qu'une autre barrière, en haut et à gauche, semble menacer la croupe. L'ensemble est clairement disposé de manière non fortuite : le bovidé est ici un gibier, et il est immobilisé, c'est-à-dire piégé. Sur une ride rocheuse proche du village de Toug er Rîh (fig. 21), un boviné de 10 cm, de patine totale, a les cornes courtes et dressées, avec un petit trait à la bouche. Il semble se trainer, éreinté par des traits qu'il tire de la tête, tandis que les pattes arrières fléchissent sous l'effort. Une structure en barrière, avec des barreaux en morceaux, incluse dans un cadre déformé, est reliée aux traits de traction au travers d'une cassure franche du rocher (configuration assez exceptionnelle car la fissure est très marquée et elle aurait dû servir de cloison au tableau gravé). En outre, le trait de liaison au bovidé dépasse la barrière pour aller rejoindre la fissure suivante. S'agissait-il pour le graveur d'évoquer entre les lignes des fissures une sorte de couloir dans lequel était placée la barrière ? Le bovidé s'efforce de se dégager de liens probablement récoltés en traversant l'obstacle qu'il a brisé. C'est un exemple de description de piège ayant fonctionné, une autre caractéristique du style de Tazina (Wolff 1997, p. 82). Outre le trait reliant les fissures, un autre est décalé plus haut et en parallèle à l'animal, suggérant un angle du couloir supposé. Le choix de l'extrémité arrondie du rocher pour le débouché de ce couloir figurerait un lieu de contention en cul de sac. Un type particulier de gravure est composé d'un trait d'où pendent une multiplicité de lignes plus ou moins obliques, filant souvent jusqu'au rebord de la dalle (Aït Ouazik Nord-ouest : fig. 22). C'est ce que nous avions appelé une « draperie » (Wolff 1997, p. 81, fig. 100). Cette gravure a -t-elle un rapport avec la barrière ? Lorsque leur tracé n'est pas dirigé directement vers une limite de la dalle, ces traits se dirigent vers ce qui en tient lieu, c'est-à-dire les limites des blocs, leurs failles et craquelures, voire de simples gradins, parfois repassés ou soulignés par rainurage au burin. De ce fait, la « draperie » pourrait correspondre tout simplement à une barrière aux barreaux implantés dans le sol. Plus haut sur la dalle, notons le petit ruminant auquel est appendu par la bouche et le cou une sorte de cadre avec deux petits points, ressemblant à un masque. Ce rapprochement « draperie » – barrière est illustré à la fig. 23, sur une ride parallèle au jebel El Khatitîrâ, où se trouvent de belles gravures taziniennes. La dalle épaisse présente une dépression axiale, dans laquelle le graveur a situé deux gazelles ainsi qu'une « draperie » (cf. agrandissement à la fig. 23 bis). Les deux gazelles étirent le cou, intriguées par cette structure qui leur barre le passage. Déjà l'animal de gauche paraît traîner par le cou un ou plusieurs traits (liens ?) qui encombrent ses pattes avant, tandis que l'autre semble buter de ses cornes contre la limite du creux qui parcourt le rocher. Cette dépression est ouverte à gauche et se termine en entonnoir à droite, là où précisément le graveur a situé l'obstacle. En résumé, à gauche nous avons l'entrée d'un couloir se terminant au piège. Nous retrouvons ainsi le scénario du couloir de capture évoqué plus haut. À la figure 23, l'animal le plus proche de la barrière montre sur le corps, quand on l'observe de près, un tracé en treillis, très usé. D'autre part, l'intervalle entre le cou de la gazelle de gauche et le dos de l'autre délimite un espace vaguement ovale, en fait le contour d'une boucle (interrompue malheureusement par l'érosion éolienne), munie d'un « axe » esquissé, et d'un « lien d'extrémité » matérialisé par le trait de nuque allongée de l'animal de droite. Tout ceci rappelle des observations faites au site voisin de Tiggane (Wolff 1997, fig. 122.1-3), où le graveur a tiré parti de la forme des corps de deux gazelles - et même de l'intervalle les séparant ! -, pour y implanter des pièges, en « calembour graphique ». Relevons aussi une assez grande concordance de forme entre la barrière de la fig. 23bis et celles déjà notées au jebel Lourârhâne (fig. 9), et même celle de Ouaouglout (fig. 16), au registre des gravures piquetées, ainsi qu' à Aït Ouazik Nord-ouest (fig. 22), malgré quelques variations de tracé. Une gravure (fig. 24), vue au site d'Ouzdine (vallée d'Ikhf n'Ouaroun), montre en haut et au milieu, et en lisière de dalle, un signe en « palmette » que Huard a identifié comme un signe des Chasseurs (Huard & Leclant 1980, 2, p. 361). Cet auteur produit à ce sujet une figuration de gazelle du Hassi Tafenna, géographiquement proche de la gravure précédente, côtoyée par une palmette et qui porte, plaquée sur une cuisse, … une barrière ! Pour Huard au départ, cette dernière est décrite comme « de petits rectangles barrés de deux diagonales ». Cependant, une gravure de Lemcaïteb (ex Rio de Oro), où un carré diagonalisé est inséré entre les pattes d'une antilope (Nowak et al. 1975, fig. 40), l'oriente vers l'hypothèse d'une « stylisation de pièges ». Puis un « rectangle de grandes dimensions (…) provenant du sud de Mecissi (Simoneau) » - sans plus de précision - vient le conforter, parce que ce signe est « lié à un animal » (p. 363). Curieusement, son tableau récapitulatif des signes (p. 506) ne reprend pas ces « rectangles ». Ces derniers sont présents sur notre dalle à la palmette (fig. 24, au centre), le premier situé à l'aplomb avec les traverses interrompues par un sillon d'abrasion. D'autres barrières de types variés l'entourent, dont une, à droite, présente un véritable décor en petits arcs de cercle convergents vers une mini cupule centrale. Enfin à droite, un bas-relief en zigzag, très élaboré, confirme que l'aspect artistique n'est pas oublié dans le style de Tazina. Le seul objet paraissant correspondre à la barrière réelle est représenté en bas et à gauche du document. Ce goût du beau allié au concret, nous le constatons aussi à Tibasksoutine (fig. 12), où la barrière du bas a subi une petite usure axiale comme dans le cas précédent. La forme du barraudage épargné suggère le sens de ces abrasions : un choc sur l'objet a fait plier le restant des barreaux, d'autant qu'il semble calé du côté opposé par un dispositif triangulaire. La gravure anecdote existe, les systèmes piégeants étant souvent gravés en l'état « après fonctionnement » (ex. : fig. 21), mais une autre dimension dépassant l'événement cynégétique est-elle envisageable ? Un étrange ensemble de gravures du jebel Bou Kerkour (fig. 7) irait dans cette direction. À première vue, la dalle est semée de cinq barrières, comme un résumé des différentes formes qu'elles peuvent affecter. À droite, sur un gradin du même bloc, on voit un signe en V, qui désigne habituellement l'aspect « chasse » des gravures du style de Tazina. Mais il y a aussi deux ovales de 5 cm, en forme de boucles avec leur lien d'extrémité. C'est alors qu'un graveur (en second ?) s'est avisé qu'en creusant les boucles et en ajoutant deux traits convergents vers une barrière (la 3e à partir de la gauche), on pouvait obtenir … le contour des pommettes d'une tête humaine, à la dentition marquée, à laquelle il suffisait de rajouter une nouvelle boucle entre les deux « yeux » pour indiquer l'appendice nasal ! Bien d'autres signes accompagnent les barrières, y compris au Rich El Kitiba où une sorte de spirale à cercles concentriques (la « cible » de certains auteurs) est environnée des diverses formes de l'objet étudié. Si ces barrières sont des objets réels, à quoi correspondaient-ils chez les chasseurs taziniens ? Dans les régions concernées, l'ethnographie nous parle surtout de la survivance du « piège radiaire » à épines concentriques – identifié dans les gravures – et d'un piège en fermoir de type « arbalète ». Mais il n'y a rien là qui évoque une barrière. Nous pensons plutôt à un système de filet. D'après l'iconographie rupestre des pièges, il pourrait n' être pas constitué de mailles de ficelles, mais plutôt tressé de baguettes fines. Deux méthodes d'emploi se présentent : soit ce filet est étendu au sol et entrebaîllé plus ou moins largement suivant le gibier visé, sur lequel il vient s'abattre (surtout s'il est équipé de barres en lisière, pour les oiseaux), soit il est monté sur un cadre vertical et accroché à des arbres ou des étais. Dans ce cas, il peut être mis en tension par un système de déclenchement (fig. 25, Gabon et Vietnam, in Mérite 1942 : fig. 29 et 40), ou bien il est déployé de manière plus ou moins lâche, presque en poche. Pour ce faire, le filet est installé à plusieurs exemplaires pour barrer le parcours, et le gibier vient s'y empêtrer. Ce système se retrouve jusque dans une gravure du XVIe siècle (fig. 26, in Monbrison et al. 1974, p. 98), où l'on voit des filets montés sur cadre et fixés entre les arbres, tandis que d'autres canalisent latéralement les cerfs pressés par des chiens. Un treillis monté sur un cadre, telle serait donc la barrière (fig. 17) du Rich Merzoug, qui repose sur le cou de l'autruche, alors qu' à la figure 9 (jebel Lourârhâne), le cadre (barres de lisière ?) semble séparé. Dans nos illustrations les plus explicites, lorsque des mammifères sont visés, le cadre est vertical (fig. 23 bis), mais l'engin a pu être complété de liens flous pour ceinturer les proies (fig. 22, 15 ?). Lorsque l'animal n'est pas figuré ainsi entravé, la difficulté d'interprétation dans le style de Tazina est que, dans presque tous les cas, il ne fait que toucher le piège (Wolff 1997, fig. 71-95) par l'une des parties vitales du corps (cou, tête, ou ventre). Lorsque son corps apparaît saisi d'un lien, c'est la queue qui très souvent est prise (Ouaouglout, fig. 13) ! Cependant, ces chasseurs avaient bien compris la nécessité d'installer de véritables « champs de pièges », imparables par leur nombre, et c'est sans doute ce qu'ils ont voulu exprimer lorsque la proie est environnée de plusieurs barrières (fig. 1, 5, 13). L'anecdote peut avoir aussi son côté psychologique, propitiatoire par exemple. La barrière est donc plus qu'un « simple » tracé géométrique. Et l'on ne peut qu'admirer dans le style de Tazina cet usage éclairé de l'angle droit, du trait oblique, du triangle, du carré et du cercle, y compris les assemblages de ces formes (par emboîtement). Cependant, la figuration ancienne d'une barrière n'est pas forcément un « passe-temps » quelconque, comme dans les figurations de rectangles tardives. Mais il semble aussi qu'elle puisse représenter un obstacle physique passif, celui qui canalise, et souvent l'engin actif où elle est un piège. Dans nos études antérieures, notre hypothèse de barrière-piège s'appuyait sur une scène d'un bovidé du Talm'Adârt (1997, fig. 94), au cornage tourné vers l'avant, environné de diverses « palissades » et « signes en Pi ». Tous ces éléments, en fait des barrières, apparaissent bouleversés, centrés sur un long trait prolongeant la queue de l'animal, qui s'arc-boute pour s'en dégager. Le piégeage est, là encore, avéré. Le graveur tazinien a observé au préalable les divers accidents naturels du support rocheux choisi, en les « repassant » au besoin, pour les intégrer à la scène et même pour déterminer l'ordonnancement de ses divers composants. Pour lui, ce qui est beau doit recouper le concret. Cependant, si l'intention cynégétique est clairement le fondement de nombre de ces œuvres, un second sens est possible, d'intention plus élevée, c'est-à-dire dépassant l'anecdote (fig. 18). Un autre indice en serait la présence concomitante du piège « nasse » (fig. 3 du Bou Kerkour, mais on connaît aussi plusieurs exemples aux Aït Ouazik). Celui -ci est une gravure ubiquiste au Sahara, et il confirme indirectement la pluralité de sens du graphisme de la barrière. En effet, tous deux sont des instruments utiles, couramment employés, mais le nombre même de leurs représentations montre combien ils ont obsédé la pensée des graveurs : ils ont donc valeur d'emblème. À ce titre, la barrière pourrait être considérée comme l'un des indicateurs du style de Tazina . | Cet article examine un type de gravure bien délaissé par les auteurs, parce que trop souvent assimilé à un «passe-temps» tardif. Or, le rectangle est authentiquement une gravure au trait poli ou incisé du style de Tazina, pour autant que le contexte prête à cette insertion. L'auteur propose de rapprocher ses diverses formes élémentaires en les regroupant sous le terme de « barrières ». L'analyse de ces formes, puis l'examen attentif des scènes où la barrière côtoie la faune, ou leur est reliée, voire même paraissant abattue par son action, conduisent à d'autres significations que celle de la géométrie dans laquelle le graveur tazinien excelle. Il peut s'agir soit d'un simple obstacle conduisant les proies vers leur destin, soit de l'engin lui-même destiné à les capturer. L'article vise notamment à donner quelques clés pour se retrouver entre ces directions diverses, par exemple la prise en compte du modelé naturel, ou rectifié, des surfaces rocheuses. Car les auteurs de ces gravures ont joué de tout pour exprimer des anecdotes cynégétiques aussi bien que d'autres intentions, plus élevées. Des modèles réels sont proposés. Au final, la barrière pourrait être l'un des indicateurs du style de Tazina. | archeologie_08-0169166_tei_320.xml |
termith-123-archeologie | Découvert sur le tracé de l'autoroute A 28 (Alençon – Le Mans), ce site 1, 2 est localisé dans le département de la Sarthe (fig. 1), à 25 km au nord du Mans, au sein du territoire des Aulerques Cénomans. Il est implanté sur un plateau calcaire à couverture argileuse dont l'altitude varie de 65 à 75 m NGF. La Sarthe coule légèrement en contrebas du site, à quelques centaines de mètres. La stratigraphie montre sous 0,35 à 0,40 m d'épaisseur de terres végétales, une mince nappe limoneuse puis un banc de calcaire épais de 20 à 40 cm, surmontant lui -même une couche sableuse. L'environnement archéologique de la Gaudine est dense; en témoignent les sites protohistoriques mis au jour dans la même commune de Vivoin sur le tracé de l'A 28 (Bouvet, 2001; Maguer et al., 2003) (fig. 1). Suite à un décapage mécanique d'environ 9 000 m 2, effectué sur une épaisseur de 0,35 à 0,40 m et à l'établissement d'un plan détaillé du site (fig. 2), l'opération de fouille a consisté en un relevé de coupes régulièrement réparties dans les fossés afin d'en observer la stratigraphie et de permettre leur interprétation fonctionnelle. Elle a également permis de déterminer la chronologie relative de certaines des structures. La fouille exhaustive de chaque fossé a été entreprise par sections de 1 ou 2 m afin, lors de l'étude du mobilier, d'en préciser la répartition. Leur numérotation s'est faite du fossé 1 au fossé 7 et, pour chacun, du sondage 1 au sondage n (fig. 2). Sur les coupes stratigraphiques présentées, il a été utilisé un code de description unique des unités de remplissage. L'observation des différentes intersections de structures fouillées (fig. 3) et les remarques qui en découlent déterminent une chronologie relative du site découpée en trois états (fig. 4), sans que nous sachions la durée de chaque état. Il est constitué du fossé 5 et des structures excavées 10 et 12, tous antérieurs à la construction de l'enclos trapézoïdal. Le fossé 5 délimite une enceinte dont la surface interne, de 140 m 2 environ, a été détruite par une perturbation contemporaine. Ce fossé, qui dessine un enclos de 14 à 15 m de côté, de plan carré, a vu ses côtés nord et est oblitérés par les creusements des fossés 6 et 4 de l'état II. Il épouse sur toute sa longueur le profil d'un V aigu, ce qui favorise une fonction drainante en accélérant le ruissellement de l'eau qui devait stagner sur son côté sud, le plus bas. La stratigraphie de son remplissage se divise en cinq formations attestées dans pratiquement toutes les coupes (fig. 5). La première, lessivée et hydromorphe, est née du ruissellement et de la stagnation de l'eau au fond du fossé. La seconde est proche de la première tandis que la troisième suggère la présence de poteaux, principalement au niveau de l'angle sud-ouest. La nature de la quatrième formation évoquerait un remblaiement (apporté lors de l'arasement d'un talus adjacent ?), correspondant à l'abandon de l'enclos carré au profit du nouvel enclos trapézoïdal. La cinquième est un remblai d'abandon marqué par des rejets détritiques. Elles sont antérieures au fossé 2 (fig. 2 et 6). Elles mesurent respectivement en surface 3 x 2,50 m, 2 x 2 m et 2,20 x 3 pour une profondeur de 0,90 à 1,25 m. Leurs parois incurvées sont creusées en sape sous le banc calcaire (parfois effondré dans la structure : fig. 6, coupe 1). Malgré la dégradation de ces parois, la forme en sape du creusement initial de ces trois fosses constitue une caractéristique essentielle, chacune étant marquée par une ouverture étroite, restituée a minima par les dimensions des effondrements du banc calcaire : – structure 10a : ouverture de 0,80 m (pour un diamètre de 2,50 m environ), – structure 10b : ouverture de 0,70 m (pour un diamètre de 2 m environ), –structure 12 : ouverture maximale de 1 x 1,50 m (pour un diamètre de 2,20 à 3 m environ). Une ouverture étroite, un diamètre interne important et une localisation de ces structures sous un talus (hypothétique) indiqueraient une fonction de silo. Une autre hypothèse peut être émise, celle de fosses d'extraction, mais leur localisation serait curieuse. Leur implantation par rapport au fossé 2 (état II) n'est pas sans appeler quelques remarques. En effet, la fosse 12 est localisée à l'intersection des fossés 1 et 2, tandis que les fosses 10 a et b sont recoupées en leur milieu par le fossé 2. Plus qu'un hasard, ce fait révélerait la présence en surface d'une structure encore visible lors du creusement de ces fossés. Il pourrait s'agir d'une palissade, d'un petit talus ou de tout autre élément sous lequel les silos pourraient avoir été dissimulés (fig. 4) : nous pouvons envisager que le fossé 5 représenterait la partie visible d'un système d'enclos, difficilement discernable par l'archéologie, pour lequel il ne subsisterait qu'une trace indirecte et que l'état suivant matérialiserait d'une manière plus lisible pour les archéologues. Il est constitué des fossés 1, 2, 4, 6 et très probablement des bâtiments A et B (fig. 4). Ces fossés déterminent une nouvelle enceinte de forme trapézoïdale; elle clôt une surface de 1 620 m 2 environ, longue de 54 m et large de 36 à 28 m (fig. 2). Cette enceinte se caractérise par un fossé ouest qui dépasse de 10 à 15 m du quadrilatère de l'enclos. En suivant l'hypothèse émise supra, ces fossés reprendraient, en les effaçant, les tracés de structures antérieures moins profondément marquées dans le sol. Le fossé 1 ne sera pas traité ici car son comblement appartient pour l'essentiel à la phase suivante. Nous ne présenterons que les fossés 2, 4 et 6. Le fossé 2, qui matérialise le côté sud de l'enclos trapézoïdal, est long de 54 m. Son profil est régulier, le plus souvent en forme de V ouvert, à fond arrondi. Sa stratigraphie se divise essentiellement en trois formations (fig. 7, coupes 1 et 2). La première est lessivée et présente une stratification liée aux ruissellements; elle témoigne d'un mode de fonctionnement ouvert lié à une fonction drainante. La seconde formation peut être liée au remblaiement par le talus externe et se composerait de matériaux extraits lors du creusement. Enfin, la troisième correspond à l'obturation du fossé par l'apport d'éléments exogènes, riches en mobilier archéologique. Le fossé 4, qui constitue le côté est de l'enclos, a été observé sur une longueur de 28 m. Il présente une anomalie dans son tracé, liée à son raccordement sur le fossé 5 (état I). Ce fossé 4 a une stratigraphie relativement complexe qui se scinde en quatre formations (fig. 7, coupes 3 et 4). La première est identique à celles des fossés 2 et 5 (cf. supra). La seconde formation résulte d'une sédimentation lente en mode ouvert, marquée par des rejets détritiques liés à l'occupation de l'enclos. La troisième signale un apport d'origine anthropique (curage de surface ?). La quatrième formation inaugure une succession d'horizons anthropisés, témoignant de l'érosion lente d'un talus externe, de réaménagements de l'occupation (réfections de bâtiments, nettoyage d'aires d'activité, curages…) et du remblaiement par une partie du talus adjacent. Le fossé 6, rectiligne, ferme le côté nord de l'enclos. Sa longueur est de 55 m et son profil est en forme de V. Son comblement révèle une stratigraphie divisée en trois formations (fig. 7, coupes 5 et 6). La première est identique à celle des fossés 2, 4 et 5. La deuxième formation serait liée à un processus de sédimentation lente en mode ouvert et a vraisemblablement été nettoyée lors de curages destinés à faciliter l'écoulement des eaux. La troisième correspondrait au remblaiement et à l'abandon de l'enclos. Par ailleurs, les relevés d'altitude au fond des fossés dessinent un pendage d'ouest en est qui concorde avec la pente ouest-est du fossé 2 ainsi qu'avec le sens d'écoulement du fossé 5. Ces observations indiquent que, dès la mise en place du premier enclos, les fossés permettaient un drainage vers le sud-est du site, dans le sens de la pente naturelle du terrain. Le bâtiment A, recoupé par la structure excavée 3 de l'état III (fig. 2), est matérialisé par cinq trous de poteau érodés. Il pourrait éventuellement être attribué à l'état I. Le bâtiment B, à six poteaux et à abside, présente deux états, l'un mesurant 3 x 3 m et l'autre 3 x 4 m; il se situe dans l'angle nord-ouest de l'enclos (fig. 2). Une réfection du bâti a consisté en un réaménagement de son côté sud, sans que nous sachions s'il a été agrandi ou diminué. Les trous de poteau, simples et circulaires, parfois munis de pierres de calage en calcaire, présentent un diamètre de 40 à 45 cm et une profondeur conservée de 15 cm. Aucun mobilier n'y a été mis au jour. Des structures comparables, apparentées à des habitations, ont été trouvées dans les Pays de la Loire : les Genâts à Fontenay-le-Comte en Vendée (Nillesse, 1997), Hélouine 2 à Marcé dans le Maine-et-Loire (Nillesse, 2003) et la Pièce de Bildoux à Vivoin dans la Sarthe (Maguer et al., 2003). Nous relevons aussi des découvertes en Normandie, par exemple à Quetteville dans le Calvados (Lepaumier, 2002). Le troisième état est constitué du fossé 1 (dans sa phase de recreusement), du fossé 7 qui matérialise l'extension de l'enclos vers l'est, du bâtiment C qui lui est lié et de la structure 3 (fig. 4), creusée au détriment du bâtiment A. Ce fossé 7 délimite une nouvelle surface semi-circulaire, de 400 m 2 (fig. 2), qui s'ajoute à celle de l'état II, portant la surface enclose à environ 2 000 m 2. À ce stade, le bâtiment B serait à notre sens encore fonctionnel : son réaménagement pourrait lui être attribué. Les fossés 2, 4 et 6, sont alors probablement comblés, mais leurs emplacements doivent encore être signalés (talus…). Orienté nord-sud, il mesure 62 m de long, dont 35 jouxtant l'aire interne de l'enclos puisqu'il le dépasse de 10 m au nord et de 17 m au sud. Son profil est en forme de V et ses extrémités sont taillées verticalement dans le calcaire. Son remplissage se décompose en trois formations (fig. 7, coupes 7 et 8). La première témoigne d'une sédimentation lente en mode ouvert. La seconde est un dépôt interprété comme un remblaiement à partir du talus externe. La troisième correspondrait au fantôme d'une palissade, aménagée après un temps de fonctionnement ouvert (état II). Elle aurait été calée dans le fossé par un remblaiement constitué du talus externe supposé autour de l'enclos. Son profil épouse la forme d'un U ou d'un trapèze (fig. 3, coupe 2; fig. 7, coupes 7 à 10), qui s'est arrêté sur le banc calcaire. Il présente un remplissage non stratifié : un limon brun homogène, sans mobilier et recoupe partiellement le comblement supérieur du fossé 6. Il n'en constituerait qu'un recreusement, légèrement décalé vers le nord. Implanté au milieu de l'arc de cercle formé à l'est par le fossé 7 et orienté nord-sud, il était constitué de huit poteaux (un est restitué dans son angle sud-est; fig. 2). Ce nouveau bâtiment mesure de 4 à 5 m de large sur 14 à 15 m de long, sa surface est de 65 m 2. Les trous de poteau présentent un diamètre régulier d'environ 40 à 50 cm, une profondeur conservée de 13 à 15 cm et des fonds plats réguliers. Ce plan en allée simple, largement reconnu à La Tène, par exemple en Normandie (Dechezleprêtre et al., 2000, p. 329), n'a pas de statut nettement défini. Recoupant le fossé 2 vers son milieu (fig. 2), la structure 3 consiste en une succession de quatre lobes successifs (fig. 8) creusés, semble -t-il, au détriment du bâtiment A. Leur comblement a livré de rares petits tessons non tournés. Il s'agirait soit de silos creusés successivement soit de petites fosses d'extraction de matériaux. Elles présentent, comme les fosses 10a, 10b et 12, une liaison étroite avec un des fossés d'enclos. Le mobilier (céramique, lithique, terres cuites et ossements) a été comptabilisé en nombre d'artefacts et en poids (tabl. 1). En outre, la fouille exhaustive du site a permis d'établir une répartition de chaque catégorie de mobilier recueilli. Les différentes concentrations ainsi mises en évidence devraient donc permettre de mieux appréhender l'organisation interne de ce petit établissement rural en s'inspirant de l'approche de F. Gransard et al. (1997). Le site a livré une modeste quantité de poteries : 1 476 tessons seulement (pour un poids de 34,4 kg), la plupart découverts dans les fossés (tabl. 2). Les céramiques sont modelées au colombin (85,5 %) ou montées à la plaque puis, parfois régularisées à la tournette, ou façonnées au tour rapide (8,2 %); 6,3 % présentent un façonnage indéterminé. La variété des types de vases et de décors recensés rend ce lot particulièrement intéressant. Les comptages identifient 199 vases. Seuls les exemplaires dont les profils sont bien conservés, au nombre de 47, furent retenus pour l'élaboration de la typologie (fig. 9 à 12) déclinée en 14 types. Un recensement des décors complète cette étude. La présentation respecte le classement suivant : un premier groupe est constitué de « coupes » à profil simple tronconique ou arrondi et d' « écuelles » à profil en esse, un second groupe figure les « jattes » de taille moyenne et, enfin, un troisième ensemble regroupe des vases hauts à profil en esse. – Les vases à profil simple tronconique ou arrondi Le type 1, un « gobelet tronconique » représenté par quatre vases (fig. 9), est attesté en Bretagne, en Normandie et dans les Pays de la Loire. Sa chronologie est délicate tant son profil varie peu au second âge du Fer. Il se raréfierait toutefois à la fin de cette période. Le n° 11, sans fond dès l'origine, est comparable à un vase mis au jour à Cottevrard (Seine-Maritime), de la fin de La Tène moyenne, interprété comme un entonnoir (Blancquaert, 1994). Le type 2 regroupe les coupes à bord festonné (deux vases; fig. 9). Fréquentes dans les contextes de l' âge du Fer de l'est et du nord du Bassin parisien, leur présence dans la Sarthe peut surprendre. Toutefois, depuis les travaux de B. Lambot (1989), des découvertes plus occidentales se sont faites jour. Des fragments datés de La Tène moyenne et finale ont été trouvés en Seine-Maritime (Blancquaert et Desfossés, 1994); plus près de nous, signalons leur découverte à Saulges (Mayenne) (étude en cours), ou sur le tracé de l'A 28, à Vivoin, la Petite Némerie (Maguer et al., 2003). La coupe n° 113 est munie de perforations obliques réalisées dans l'épaisseur du vase depuis sa panse jusqu'au fond, sans en percer la paroi interne et pouvant être destinées à passer des liens pour la suspension du vase ou pour maintenir des poignées dans l'hypothèse d'un pot couvre-feu. Plusieurs « bols » ou « coupes » de type 3 (fig. 9), caractérisées par un profil simple arrondi, se déclinent selon plusieurs variantes en fonction de la forme de leur rebord. – Le sous-type 3a possède une lèvre arrondie ou aplatie au sommet (trois exemplaires). Les sites de la Plaine de Caen de la fin de l' âge du Fer (à Ifs : Cherel, 2004) ont livré des coupes de ce type, fréquemment ornées d'un décor au peigne. – La forme 3b, très ouverte, est caractérisée par une lèvre aplatie formant un renflement externe (six exemplaires). De rares comparaisons existent dans la péninsule armoricaine, à Pen Ar Quinquis en Commana (Finistère) (Le Goffic, 1987), en contexte La Tène ancienne – La Tène moyenne mais aussi dans le Maine-et-Loire et en Mayenne. – Les coupes 3c possèdent une lèvre rentrante. Des comparaisons fréquentes existent à la fin du deuxième âge du Fer dans la Plaine de Caen et en Mayenne. – Le sous-type 3d offre une fine cannelure au sommet de sa lèvre. La panse de l'exemplaire recueilli (n° 63) est ornée d'un décor au peigne. Il trouve de rares parallèles sur la ferme des Jeusseries à Retiers (Ille-et-Vilaine) au début de La Tène moyenne – début de La Tène finale (Le Goff et Maguer, 1997) ou encore sur l'établissement rural de la fin de La Tène de Fleury-sur-Orne (Calvados) (San Juan et al. 1994). Le vase miniature de type 4 (fig. 9, n° 152) est issu du fossé 2. Son profil simple arrondi avec sa lèvre légèrement rentrante, offre des parallèles sur la nécropole de Léry (Eure) (Les Celtes en Normandie, 1990, p. 90) et sur l'habitat de La Tène moyenne de Barbeville (Calvados) (Morzadec, 1998). – 5a correspond au « bol mayennais » selon une appellation usuelle (fig. 9) (quatre vases). Outre leur présence en Mayenne où ils sont fréquemment ornés d'un décor peigné sur la panse, on mentionnera des poteries similaires à Hédé (Ille-et-Vilaine) (Béguin, 1995), au ii e et à la 1 re moitié du i er siècle av. J.-C. Enfin, les sites sarthois de La Tène finale de Saint-Jean-d'Assé, les Rues Vertes (Berga, 1997) et de Teillé, les Petites Landes (Mendoza y Almeida, 1996), datés de la fin de La Tène moyenne-début de La Tène finale, ont livré des récipients identiques. – La forme 5b s'en distingue par une rupture légère du profil au niveau de l'épaulement surmonté par un petit col concave (deux vases). On trouve de nombreux parallèles régionaux, notamment pour La Tène finale, à Saint-Jean-d'Assé (Berga, 1997) ou encore en Mayenne à Jublains (Bouvet, 1997). Les comparaisons avec les sites de la Plaine de Caen pour la fin du deuxième âge du Fer (Cherel, 2004) sont à souligner. – Les écuelles à profil en esse la forme 6 offre des profils en esse plus ou moins marqués (fig. 9; neuf exemplaires). Deux fonds annulaires caractéristiques se rattacheraient à ce type. Trois variantes se distinguent en fonction de la présence ou non d'une fine cannelure labiale et du profil général du vase. – La variante 6a, plus ou moins galbée, est munie d'une lèvre éversée arrondie. – Le sous-type 6b diffère du précédent par une cannelure labiale interne. – Enfin, la variante 6c comporte un profil en esse plus souple et une cannelure large, où un cordon orne sa panse. Cette dernière trouve des équivalences au cimetière de Poses (Eure) (collectif, 1990) pour La Tène moyenne -La Tène finale. Ces écuelles, en particulier les sous-types 6a et b, sont très courantes dans les contextes de la fin de La Tène sur les sites de l'Ouest de la France (Bretagne, Normandie et Pays de la Loire). Cette catégorie est représentée par quatre types et quelques variantes (fig. 10). La forme 7 est une jatte à profil en esse, carénée, très ouverte et évasée. Sa lèvre est légèrement débordante par rapport au diamètre maximum de la panse. Les correspondances sont nombreuses dans la région : à Léry (Eure) (collectif, 1990), pour la première moitié du i er siècle av. J.-C., sur le tracé de l'A 29 (Blancquaert et Desfossés 1994) à La Tène moyenne, ou en Loire-Atlantique à la fin de La Tène moyenne. Le type 8, bien représenté (12 exemplaires), se distingue du précédent par son ouverture moins prononcée. Trois variantes, a, b et c, s'y reconnaissent : 8a est marquée par une carène douce, tandis que la 8b possède une panse globulaire; enfin, 8c se caractérise par une fermeture plus prononcée et son épaulement galbé. Les comparaisons relèvent de La Tène moyenne ou du début de La Tène finale. Les rapprochements les plus pertinents sont à établir avec des sites de la Plaine de Caen (Cherel, 2004). Les vases de type 9 se caractérisent par une carène prononcée et un col droit, voire rentrant. La forme n° 62 est décorée d'impressions digitées au sommet de sa lèvre. Les parallèles sont très nombreux dans la région, comme à Ifs (Cherel, 2004), depuis la fin du 1 er âge du Fer jusqu' à La Tène moyenne. Des vases similaires existent à Poses (Eure) (collectif, 1990), au ii e siècle av. J.-C., dans le Bassin Parisien ou dans la péninsule armoricaine. La forme 10, une jatte à haut col, possède une panse bien galbée. Son col est décoré d'un cordon dans sa partie médiane et une fine cannelure orne l'intérieur de la lèvre éversée. Elles sont fréquentes dans la péninsule armoricaine à La Tène moyenne. De rares exemplaires furent mis au jour dans la Plaine de Caen, à Ifs (Cherel, 2004), dans des contextes attribués à la seconde moitié du iii e - première moitié du ii e siècle av. J.-C. Cette catégorie, la mieux représentée, correspond aux formes hautes, fermées, à profil en esse et déclinées selon différentes variantes. La forme 11 est une poterie grossièrement modelée et à fort dégraissant. Son profil est peu commun car sa panse tronconique est surmontée d'une petite lèvre à peine marquée (fig. 11, n° 118). Le site de Barbeville (Calvados) (Morzadec, 1998) attribué à la fin du iv e siècle av. J.-C.-milieu du ii e siècle av. J.-C., en a fourni deux exemplaires. On mentionnera également ceux découverts à Plouegat-Moysan (Finistère) (Giot et al., 1968), datés du ii e siècle av. J.-C. La forme 12 (fig. 11) est la version haute du type 7. Cette forme au profil en esse doux et régulier, avec une lèvre éversée, parfois effilée, est originale. Un fin cordon peut orner son épaulement (n° 40). Des analogies peuvent être émises avec des récipients du site d'Ifs (Cherel, 2004) pour La Tène moyenne. Enfin, le n° 143 est original par ses dimensions. Le type 13 (fig. 11) se démarque du type suivant par l'absence de cannelure labiale interne. On y distingue quatre sous-types. Les variantes 13a et 13b sont illustrées par un nombre important de récipients. 13a est dotée d'une panse plutôt tronconique, tandis que 13b offre un profil plus globulaire. Parfois ces poteries sont ornées de stries peignées irrégulières, horizontales ou verticales. Elles sont largement présentes sur presque tous les sites de La Tène dans l'ouest de la France. Leur caractère ubiquiste rend leur attribution chronologique délicate. On constate toutefois qu' à la fin de La Tène, les vases ovoïdes supplantent progressivement les récipients similaires caractérisés par une panse tronconique, comme sur l'habitat de la Pièce de Bildoux situé sur la même commune, attribué à la seconde moitié du ii e siècle av. J.-C. et/ou au début du i er. (Maguer et al., 2003). La variante 13c (un seul exemplaire) se caractérise par un épaulement arrondi bien marqué, surmonté d'une lèvre peu éversée. Des parallèles sont attestés à Plouegat-Moysan (Finistère) (Giot et al., 1968) au début du ii e siècle av. J.-C. Enfin, un micro-vase vient agrémenter ce corpus (variante 13d : n° 144). Le type 14, le plus représenté (dix-sept individus), correspond aux grandes formes fermées à profil en esse, à épaulement bien marqué surmonté d'un col plus ou moins prononcé. Ce dernier est prolongé d'une lèvre éversée munie d'une cannelure interne. Les variantes a, b, et c ont été distinguées en fonction de la forme de leur lèvre (fig. 12). – La variante 14a (un vase, n° 148) comporte une large cannelure labiale peu marquée en forme de gorge. Elle est fréquente tant en Bretagne occidentale qu'au sud-ouest des Îles britanniques et leur chronologie la situe généralement vers la fin de La Tène ancienne-début de La Tène moyenne. À Barbeville dans le Calvados (Morzadec, 1998), un vase semblable est daté de la fin du iv e - milieu du ii e siècle av. J.-C. Dans la plupart des cas (variante 14b, treize vases), la lèvre éversée est munie d'une fine cannelure interne. En outre, une cannelure externe assez large orne fréquemment l'épaulement du vase délimitant ainsi la partie inférieure d'une ornementation réalisée au lissoir. On distingue des décors lissés ondulés, des groupes de deux ou trois traits obliques régulièrement espacés ou alternativement opposés et des croisillons lissés. L'application répétée d'un peigne sur la panse du récipient ou encore à l'intérieur du rebord dessine des stries irrégulières parallèles, parfois verticales ou obliques. En outre, le vase n° 103 présente sur sa surface externe une enduction de graphite. Les correspondances régionales sont très fréquentes, en Mayenne (Jublains) pour La Tène finale (Bouvet, 1997) ou en Loire-Atlantique à Guérande à la fin de La Tène moyenne -La Tène finale. On en trouve de nombreux exemplaires dans la péninsule armoricaine pour La Tène moyenne et plus rarement dans la Plaine de Caen. – Le vase tourné n° 159 (fig. 12), exceptionnel par son ornementation, associe décors estampés, motifs lissés et bandes de peinture rouge, sous la forme de registres délimités par des cannelures et des cordons. Il est légèrement érodé. C'est le seul récipient de ce type ayant conservé son fond débordant. À titre de comparaison, on peut citer la forme 13, plus tardive, du site de la Pièce de Bildoux à Vivoin, sans cannelure labiale, et simplement décorée de deux cordons en relief (Maguer et al., 2003; fig. 10). Mentionnons aussi, sur la nécropole de Tartigny dans l'Oise (Massy, 1986), quelques vases dont la forme et l'agencement des registres décoratifs offrent des traits similaires. – Enfin, la variante 14c se caractérise par une fine cannelure au sommet de la lèvre éversée (trois vases). En Ille-et-Vilaine, à Retiers, un vase de ce type est attribué aux iii e - ii e siècles av. J.-C. (Le Goff et Maguer, 1997). On peut citer un exemplaire à Barbeville dans le Calvados (Morzadec, 1998). Enfin, dans la péninsule armoricaine, on trouve ce type de lèvre sur de grands pots plus ou moins bien tournés, tels ceux du souterrain de Plouegat-Moysan dans le Finistère (Giot et al., 1968) au ii e siècle av. J.-C. L'estampage est un procédé décoratif utilisé dans l'ornementation du seul type 14b, où il est réalisé par l'application répétée d'un peigne. Cette technique, couramment utilisée en Bretagne occidentale pendant La Tène ancienne puis à La Tène moyenne, disparaît progressivement dans la seconde moitié du ii e siècle av. J.-C. (Cherel, 1996). Les zones géographiques limitrophes en sont pauvrement pourvues. On connaît cependant quelques décors estampés en Mayenne, à Jublains (Bouvet, 1997), à des phases antérieures à la fin de La Tène moyenne. Leur présence est signalée en Ille-et-Vilaine, en Basse-Normandie (Cherel, 2004), en Vendée et dans le Bassin Parisien. Les enductions de peinture rouge ornent encore le n° 159, seule poterie complète du type 14b, sous la forme de bandes organisées en registres. Cette ornementation suggère des affinités étroites avec une production luxueuse se développant en Bretagne occidentale dès la fin de La Tène ancienne et pendant La Tène moyenne (et qui perdurerait à La Tène finale sur de rares exemplaires). Hors de cette aire géographique, les comparaisons sont rares : Villejamme à Guérande en Loire-Atlantique, le Château d'Angers (communication J.-P. Bouvet), ou encore Ifs dans le Calvados (Cherel, 2004). Les décors lissés ou lustrés sont réalisés au lissoir avant cuisson. Ils sont assez fréquents à « La Gaudine », où l'épaulement de certaines poteries de type 14b est décoré de traits obliques groupés par deux ou trois, de croisillons ou d'ondulations. Ces ornementations, très rares à la fin de La Tène ancienne, caractérisent plutôt une période couvrant La Tène moyenne et La Tène finale et sont très courantes dans les contextes de l'ouest de la France (Bretagne, Normandie et Pays de la Loire). Les décors peignés sont de deux types. Des stries plus ou moins parallèles décorent l'extérieur du récipient, souvent à partir de l'épaulement ou de la carène (formes 5b, 13a et b ou 14b), jusqu'en bas de panse. L'ornementation est aussi conçue plus librement et s'organise en registres : les stries parallèles alternent avec des stries verticales organisées en casiers, plus rarement on a des stries obliques (forme 14c). Ces décors sont fréquents en Mayenne, à Jublains (Bouvet, 1997), ou dans le Maine-et-Loire à Angers ou aux Alleuds (information J.-P. Bouvet). Ils sont connus dans le sud-est de l'Ille-et-Vilaine et demeurent très courants en Basse-Normandie (Plaine de Caen). L'enduction graphitique est une technique ornementale courante prisée dès La Tène ancienne dans le Massif armoricain sous la forme de larges plages graphitées, tandis que s'amorce une évolution vers une enduction plutôt partielle à La Tène finale. Trois formes fermées (type 14b) : le n° 85 et deux petits tessons non figurés sont concernés par ce procédé. En dehors de la péninsule armoricaine, les comparaisons sont minimes. En Mayenne, des céramiques graphitées de La Tène moyenne ont été mises au jour à Athée (information J.-C. Meuret). Signalons quelques exemplaires dans le Calvados, à Ifs (Cherel, 2004). Ce lot souligne un aspect de la vie matérielle des Aulerques Cénomans pour une période méconnue localement et même régionalement. La variété des influences culturelles décelées est frappante, participant ainsi à la définition même des populations résidant dans cette aire géographique. En effet, les comparaisons relèvent du domaine armoricain, de la Normandie, des Pays de la Loire, et même parfois de régions plus continentales (Centre et Bassin parisien). Cependant, certaines formes originales, sans correspondance régionale, impliquent une production locale probable. Enfin, la spécificité de cet ensemble réside également dans le caractère peu commun de certaines poteries, tel le beau vase décoré (n° 159, fig. 12). Les traits propres à la culture matérielle des Aulerques Cénomans se situent donc à la confluence d'identités culturelles variées, mais plutôt armoricaines. D'après l'étude de la céramique, on pourrait distinguer plusieurs moments dans l'occupation du site. La découverte, en position de rejet dans le comblement du fossé 5, d'un haut vase fermé à profil en esse muni d'une large cannelure labiale (forme 14a) suggère une occupation ancienne du site, antérieure à la fin de La Tène ancienne ou au début de La Tène moyenne. La phase principale d'occupation est représentée par les poteries issues des fossés 4 et 6. D'après les comparaisons, la majorité des vases pourrait être attribuée au début de La Tène moyenne, soit vers la fin du iii e siècle av. J.-C. ou peu après, sur une durée d'une ou deux générations. Par exemple, la forme 9 et le décor d'impressions digitées au sommet de la lèvre d'un vase de taille moyenne sont plutôt considérés comme des caractères archaïques; au contraire, la forme 5a serait plus tardive. En outre, les lèvres à fine cannelure interne sont très abondantes sur le site, notamment sur les nombreuses formes hautes. Leur présence est attestée dans un contexte géographique large (Bretagne, Pays de la Loire, Basse-Normandie). En Bretagne, où il est un bon marqueur chronologique, ce type de lèvre est très fréquent durant le ii e siècle av. J.-C. et tendrait à disparaître au début du Ier. Dans la même aire géographique, les motifs estampés semblent perdurer sous une forme appauvrie jusqu' à la fin de La Tène moyenne, vers le milieu du ii e siècle av. J.-C. ou peu après. D'après les analogies observées, la majorité des vases pourrait donc être attribuée à La Tène moyenne, aux environs du début du ii e siècle av. J.-C. Pour connaître la répartition des différentes catégories de mobilier, il a fallu recourir à un système de représentation graphique approprié. Le support retenu (fig. 13), s'inspire de la méthode mise en œuvre sur le site du Camp du Roi à Jaux dans l'Oise (Gransard et al., 1997). Le mobilier est présenté selon différentes classes définies par cinq cercles de diamètres croissants. Dans les fossés, les artefacts sont localisés en fonction de secteurs de 2 m de largeur, correspondant à des regroupements de sondages (fig. 13). Le traitement graphique des données liées aux différentes catégories de mobilier a été normalisé (fig. 13 et infra, fig. 16). Ces cartes correspondent à la répartition des artefacts au moment de l'abandon du site, elles sont le reflet des activités menées lors des états II et III. Les données antérieures sont plus difficiles à appréhender. On observe cinq concentrations (C1 à C5), dont quatre paraissent liées aux bâtiments A, B et C (tabl. 3) et aux activités qui y étaient menées (Gransard et al., 1997). La concentration C4 ne paraît pas liée explicitement à un bâtiment mis au jour, mais peut-être à une zone d'activité ou à un bâtiment disparu. Les artefacts furent trouvés dans les fossés et aucun élément ne fut ramassé dans les bâtiments et les zones de passage. En ce sens, et en tenant compte de la faible dispersion de chaque vase, ces concentrations résulteraient de rejets peu remaniés. Il est constitué essentiellement de matériel de mouture (148,2 kg). Dans les fossés 1, 2 et 4, sa proportion (en poids) varie de 9 à 11,5 % du lot, tandis que le fossé 6 en concentre 62,9 % (tabl. 1). Il est composé de meules à va-et-vient, façonnées essentiellement en quartzites et granites. Les molettes, de section triangulaire, présentent une face de travail polie, rarement plus (fig. 14, n° 1 à 5). Les meules passives, grossièrement mises en forme par bouchardage, sont identifiables à leur surface de travail, polie, légèrement déprimée (fig. 14, n° 6). Il semble qu'au moins 90 % des pièces ait subi l'action du feu : les pièces de mouture hors d'usage auraient été recyclées comme pierres de foyer avant d' être rejetées dans les fossés et sur les talus. Ce matériel de mouture, inscrit dans un contexte technologique « ancien », correspond à une longue tradition suivie depuis l' âge du Bronze jusqu' à La Tène ancienne. Le site de Teillé, les Petites Landes dans la Sarthe, daté de la fin de La Tène moyenne au début de La Tène finale (Mendoza y Almeida, 1996), a révélé la présence d'une meule rotative, au sein d'une série de meules à va-et-vient. Attribué au début de La Tène finale, le site de Saint-Jean-d'Assé, les Rues Vertes (Sarthe), a livré une série lithique comprenant trois meules rotatives et plusieurs meules à va-et-vient (Berga, 1997). Il semble que localement le début du remplacement progressif du système à va-et-vient par le système rotatif ait débuté entre le milieu et la fin de La Tène moyenne. La présence exclusive, à « La Gaudine », de meules à va-et-vient, est un trait ancien par rapport aux sites précités et inciterait sa datation à La Tène moyenne, vraisemblablement dans la première moitié de celle -ci. Traditionnellement, les meules sont considérées comme du mobilier domestique. Toutefois, leur présence massive à la Gaudine (148 kg et plusieurs dizaines d'individus), trahirait l'élaboration de produits céréaliers (farine…) hors d'une sphère domestique. Les meules sont en forte concentration dans le fossé 6, plus précisément au nord-est du bâtiment B (concentration C5; fig. 13 B). Cette répartition correspond à peu près à celle de la céramique (fig. 13 A). Hormis le fossé 5, quatre autres secteurs présentant une concentration moyenne à faible sont à distinguer (C1 à C4). Quantitativement, elles sont moins importantes que C5 qui représente à elle seule 56,6 % du poids total du lithique mis au jour (tabl. 4). Les rejets C1 à C3 paraissent lâches, sans grande cohésion; peut-être sont-ils en position secondaire ? La terre cuite représente 35,8 kg de mobilier, dont 32,5 kg de fragments de plaquesfoyères. Le reste est constitué de torchis rubéfié (issu d'habitats incendiés ?) ainsi que de parois de fours. Contrairement au mobilier lithique, sa répartition dans les fossés 1, 2 et 4 présente des taux (en poids) variant de 5,6 à 28,1 % (tabl. 1). Le fossé 6 est particulièrement bien doté, avec la moitié des éléments découverts. Elles contiennent toutes un dégraissant sableux fin et abondant. Leur teinte varie du rouge orangé sur la face supérieure au brun sur la face inférieure. Nombre d'entre elles devaient être façonnées sur des supports lisses et plats. Leur face inférieure, plane, est souvent grossièrement lissée, tandis que le dessus de la plaque est soigneusement lissé ou peigné. Deux types sont définis. Un premier est figuré par des plaques de forme circulaire (fig. 15, n° 1 à 4); l'une d'elles présente un diamètre d'environ 60 cm (n° 4); leur épaisseur varie de 3 cm à plus de 4 cm dans la partie centrale; le dessus de la pièce peut être peigné (n° 1). Le second type correspond à des pièces rectangulaires (n° 5 à 8), parfois peignées en surface (n° 5 et 6). Cette dernière forme est mentionnée dans une vaste zone intégrant la Loire-Atlantique, l'est du Morbihan et le sud de l'Ille-et-Vilaine (Le Goff, 2003, p. 112-113); plus près de nous signalons leur découverte dans le Maine-et-Loire (Nillesse, 2003), en Mayenne à Entrammes (étude en cours) ainsi que sur le site tout proche de la Pièce de Bildoux (Maguer et al., 2003). On observe une forte concentration de terres cuites dans le fossé 4 (C3, fig. 16 A); leur répartition ressemble à celles déjà observées précédemment pour la céramique et le silex (fig. 13), mais il n'existe pas cette fois de concentration dans le fossé 1. Cette répartition montre une nette prédominance des concentrations C3, C4 et C5 (tabl. 5) et pose le problème, déjà évoqué, de l'attribution à une structure précise de C4. Les trois autres concentrations seraient liées aux bâtiments A, B et C et pourraient résulter de rejets peu remaniés. Les restes osseux recueillis (13,2 kg), en assez mauvais état de conservation, sont fragiles et fracturés. Leur répartition dans les fossés montre peu de points communs avec les autres types de vestiges (tabl. 1). Le site a livré 775 fragments osseux dont 452 (soit 58 %) ont été déterminés au niveau de l'espèce et de la partie anatomique. Ils proviennent des fossés de l'enclos avec une concentration notable dans le fossé 4 qui représente 50 % de l'échantillon étudié (388 os sur 775). Les ossements sont caractérisés par une forte altération des surfaces, conséquence du contexte limoneux acide dont ils sont issus, ce qui a entraîné parallèlement la disparition des éléments les plus fragiles. Les espèces représentées sont le bœuf (Bos taurus), le porc (Sus domesticus), les caprinés (Ovis aries/Capra hircus), le chien (Canis familaris) et le cheval (Equus caballus) pour les espèces domestiques (98 %), elles sont complétées par le cerf (Cervus elaphus) et le sanglier (Sus scrofa) pour les espèces sauvages (2 %). L'espèce dominante est le bœuf tant en nombre de restes (45 %; tabl. 6) qu'en nombre minimum d'individus (36 têtes; tabl. 7). Le porc suit de près avec 34,7 % des os et au moins 28 têtes. Les caprinés complètent le spectre faunique avec 15,9 % et 12 individus au minimum. Cette image est sensiblement identique à celle renvoyée par le seul fossé 4, avec toutefois un écart moins important entre le bœuf et le porc et un nombre équivalent de têtes avec 17 bœufs et 17 porcs (tabl. 7 et 8). Parmi les os de bœufs du fossé 4 nous avons répertorié la plupart des os longs comme provenant de jeunes animaux de moins de 15 mois. Il semble toutefois plus raisonnable de traiter le système des quatre fossés dans leur ensemble, puisqu'ils appartiennent à la même entité; les 12 os piégés dans le fossé 5 n'interfèrent pas sur les résultats. à la lecture des tableaux de répartition anatomique pour les principales espèces domestiques (tabl. 9 et 10), on observe une forte représentation des éléments du crâne pour le bœuf et le porc, en adéquation avec le grand nombre de mandibules pour les deux espèces, mais aussi le nombre élevé des dents « isolées ». Ceci (fig. 17) témoigne d'un corpus fortement altéré pour les trois espèces (Wilson, 1985). Afin de minorer l'importance de ces dents isolées (c'est-à-dire sorties du corps des mandibules et des maxillaires), nous avons établi de nouveaux pourcentages. La vision globale de la répartition des grandes parties anatomiques reste inchangée (tabl. 10). On note un très net déficit du squelette axial (alors que les vertèbres et les côtes devraient être en grand nombre pour chaque squelette par rapport aux membres et aux ceintures) chez les trois espèces (et pour le bœuf en particulier), comparativement aux nombres d'individus représentés sur le site (tabl. 11; fig. 18 A). Deux scénarios sont envisageables pour expliquer ces disproportions : soit les morceaux concernés ont été exportés tels quels (avec les côtes et les vertèbres) : côtes découvertes, entrecôtes, paleron, côtes couvertes, faux-filet, aloyau, filet, rumsteck, culotte, soit les ossementsdéficitaires sont vraiment très mal conservés, mais un tel différentiel semble très improbable (9). Nous sommes donc amenés à la conclusion suivante : les animaux sont abattus sur place comme en témoignent les rejets des mandibules, puis la plupart des morceaux de viande sont consommés in situ (bas de pattes) mais le squelette axial – qui correspond aux morceaux les plus nobles – est consommé ailleurs (fig. 19). Les conclusions sont les mêmes pour le porc (tabl. 11, fig. 18 B). L'estimation des âges d'abattage des bœufs (tabl. 12), montre une grande homogénéité (autour de 40/50 mois); toutefois la présence de très jeunes animaux repérés sur les os longs, les métapodes et sur une mandibule prouve l'élevage in situ. Mais ce n'est pas le cas pour les petits mammifères domestiques, en particulier le porc (tabl. 13). La conservation différentielle des os de jeunes animaux n'est pas exclue et pourrait expliquer en partie leur absence du corpus. Pour les porcs, on observe une grande constance dans la sélection, avec un abattage quasi systématique aux environs de 2 ans. L'ensemble des porcs est composé de 23 mâles contre seulement 2 femelles, ce qui est contraire à toute règle dans le cadre d'un élevage raisonné. La présence des verrats sur ce site était peut-être liée à des activités spécifiques que nous ignorons ou tout simplement étaient-ils amenés sur pied pour l'abattage, et ce pour des raisons difficiles à cerner. Parmi les sept mandibules de caprinés permettant d'estimer les âges d'abattage, une est âgée de 25/26 mois, quatre de 26/28 mois et deux ont plus de 2 ans et demi. Le nombre minimum de chevaux est estimé à 1. La présence des animaux sauvages sur le site est anecdotique et ne participe guère à l'alimentation carnée (1,8 % des NR déterminés). Il n'y a aucun doute sur la destination agricole du site tant au niveau de l'élevage qu' à celui de l'utilisation des produits céréaliers. Toutefois, il ne semble pas s'agir d'une simple exploitation rurale mais d'un site voué à des activités spécialisées, dont les produits ont certainement été redistribués. En témoigne l'absence de certains morceaux de viande, en particulier de bœuf. L'éventail des âges livrés par les mandibules et les os longs atteste son élevage in situ. Puis la sélection raisonnée d'une partie du troupeau ayant atteint sa maturité pondérale et propice à une production de viande (40/50 mois) oriente le site vers une production spécialisée qui n'a rien à voir avec une consommation domestique courante. L'importance de l'élevage du bœuf, déjà mise en évidence à partir du début de La Tène finale dans la vallée de l'Aisne (Auxiette, 2000), où de nombreux ensembles d'une grande importance permettent de pressentir une organisation des exploitations agricoles différente des périodes précédentes – plus axées sur les productions domestiques – est ici évidente. À partir des études menées jusqu'alors dans la vallée de l'Aisne, nous pensons qu' à cette période, des sites agricoles spécialisés se mettent en place pour répondre aux besoins des populations résidant sur les sites fortifiés de plaine ou de hauteur, de type oppida. S'instaure alors au début de La Tène finale de véritables réseaux de productions qui lient sites urbanisés et campagnes. Dans l'état actuel de l'avancement des recherches sur les établissements ruraux, le site de la Gaudine est un des rares témoins de l'émergence de profondes mutations dans l'organisation de l'économie agricole dès La Tène moyenne. Elle fait apparaître une forte concentration dans le seul fossé 4 (fig. 16, B et tabl. 14). Le rapport direct entre ces rejets et le bâtiment C est probable. Même si les restes sont en plus petit nombre dans les fossés 1, 2 et 6, leur nature n'est pas différente du fossé 4. On note des éléments osseux épars dans les fossés 1, 2 et 6 : il semble, à la lumière des précédents plans de répartition, que l'on puisse les attribuer aux bâtiments A (concentration C1) et B (C2). Par contre, C4 et C5 sont lâches et peu caractérisées. La mise en relation de concentrations d'objets (C1 à C5) entre les fossés et les structures présumées comme émettrices permettrait d'esquisser une approche des activités (production et consommation) des habitants (fig. 13 et 16). Le rapport entre C1 (fossé 1) et le bâtiment B serait attesté par la localisation des rejets vers le sud-ouest de l'édifice. Pour chaque type de mobilier, cette concentration ne recèle qu'une faible proportion de l'ensemble : elle n'est pas privilégiée (tabl. 15). La concentration C2, au sud du bâtiment A, ne refléterait pas une importante activité. La concentration C3 est localisée dans la moitié sud du fossé 4. Les proportions des ossements, de la céramique et de la terre cuite y atteignent leur maximum (tabl. 15). C3 peut-être mise en relation avec le bâtiment C (boucherie). La concentration C4 se dessine dans la moitié est du fossé 6. Les artefacts y sont espacés : sont-ils remaniés ? La concentration C5 qui s'inscrirait dans la zone de rejet du bâtiment B constitue un échantillonnage conséquent de chaque catégorie de mobilier vis-à-vis des autres concentrations (tabl. 15). Au niveau des modes de dépôt, il semble que les artefacts aient peu voyagé et se soient accumulés à proximité des édifices, à l'endroit de leur rejet, tant sur les talus que dans les fossés. Quelques indices, comme la représentation relativement importante des ossements à l'est du bâtiment A, ou celle du matériel de mouture en C5, témoigneraient vraisemblablement d'aires spécifiques d'activité. L'étude de la faune menée par G. Auxiette (cf. supra), est à ce sujet révélatrice. Si la consommation alimentaire fait peu de doute, elle semble concomitante d'une activité spécialisée d'abattage massif (bœuf et porc principalement), destinée à un usage non strictement local. La présence de nombreuses meules présenterait un phénomène de convergence avec la remarque précédente. Enfin, notons des associations de différents types de mobiliers. La concentration C3 rassemble de nombreux éléments de céramique, de terre cuite et d'os, ce qui peut ne pas être fortuit. A contrario, il se dessine aussi une zone d'exclusion : En C5. Le mobilier lithique, s'il se trouve associé à de la céramique et à des terres cuite, n'est que très peu associé aux ossements de boucherie. Sont -ce là deux activités trahissant une différentiation sexuelle ou spatiale, ou bien, sont-elles antinomiques, c'est-à-dire ne mélangeant pas la farine (ou autres produits de mouture) au sang des animaux et à la proximité des carcasses ? L'intérêt de cet établissement rural de La Tène moyenne réside dans la vision élargie fournie par sa fouille intégrale et dans le fait qu'il s'agisse là de l'un des rares points d'observation pour cette période dans les Pays de la Loire, mais aussi plus largement dans l'ouest de la Gaule. Sa morphologie le rattache à la catégorie des « fermes indigènes », qui constitue la forme d'habitat la plus répandue sur le territoire de la Gaule à partir de La Tène moyenne (Ménez, 1996). Quelques éléments de comparaisons régionaux peuvent être proposés. Le principe du plan à deux enclos quadrangulaires emboîtés, l'un situé dans un angle de l'autre, trouve quelques parallèles dans le département de la Mayenne à Gastines ou à Athée (Naveau, 1992). Dans les deux cas, la longueur de l'enclos principal atteint 60 et 70 m, ce qui est très proche des dimensions de la Gaudine. Une configuration similaire été repérée en prospection aérienne à Neuvillalais dans la Sarthe (Leroux, 1996-1997). Au contraire de nombreux sites plus tardifs qui s'inscrivent dans un parcellaire parfois très formalisé, nous observons que le site de la Gaudine paraît isolé : le territoire est marqué de parcelles plus tardivement, et même l'espace situé autour de l'enclos trapézoïdal n'est pas découpé. De tels phénomènes ont été observés par exemple dans le Pays de Caux (Rougier, 2000, p. 415-419). La culture matérielle des habitants a été abordée en fonction des différentes catégories de vestiges exhumés : la céramique, le mobilier lithique, les terres cuites et les ossements animaux. L'abondant lot céramique révèle différentes influences, des Pays de la Loire, de Normandie ou de régions plus continentales, mais surtout du domaine armoricain. Si la prime occupation se situe dès le début de La Tène moyenne et formerait l'état I, l'essentiel du mobilier est attribuable à la charnière iii e - ii e siècle av. J.-C., marquant ainsi l'état II. Certaines formes céramiques offrent ainsi des traits anciens (type 9) tandis que d'autres se rapprocheraient de la fin de La Tène moyenne (type 5), pouvant par exemple déterminer l'état III. Quoi qu'il en soit, le panel recueilli montre une nette antériorité vis-à-vis des formes plus tardives et moins variées du début de La Tène finale, à l'image du site tout proche de la Pièce de Bildoux à Vivoin (Maguer et al., 2003). Peut-être pouvons -nous voir dans ces occupations (successives ?), un simple déplacement de l'habitat. La présence importante de meules à va-et-vient, allant nettement au-delà d'un simple besoin domestique, traduirait une fabrication de produits céréaliers (ou autres) travaillés dans un dessein d'échange ou de commerce. Nous pensons que la mise au jour de possibles silos (structures 3, 10a, 10b et 12) pourrait être liée aux mêmes besoins, plus précisément dans un but de production et de stockage de céréales (ou autres produits). L'étude de la faune révèle une très forte prédominance des espèces domestiques. On note un net déficit du squelette axial pour les trois espèces principales, qui correspond à la consommation hors du site ou à l'exportation des morceaux les meilleurs. Notons aussi, qu'exception faite du bœuf, les autres animaux ne semblent pas avoir été élevés sur le site. D'une façon générale, le mobilier de « La Gaudine » évoque un établissement de taille réduite (sa surface n'est au plus que de 2000 m 2), que l'on pourrait considérer comme une unité de « production spécialisée », dont les produits ont très vraisemblablement été redistribués (quartiers de viande et produits de mouture). Aucun élément dit « de prestige » – même relatif – n'a été recueilli sur le site. Ces éléments reflètent la triple vocation du gisement, domestique, agricole et de transformation. Ce niveau de production et de consommation correspond sans doute à un groupe réduit d'occupants, du type « maisonnée », vivant dans un espace au caractère rural bien marqué, mais qui commence à refléter une évolution de la société vers un espace où se tisseraient de plus en plus de liens entre sites urbanisés et sites ruraux. Si, d'évidence, les Aulerques Cénomans ne relèvent pas directement de l'Armorique telle qu'elle est décrite par César (Fichtl, 2004, p. 139-141), ce dernier les mentionne toutefois dans un regroupement de cités qualifiées de maritimes (Duval, 1990, p. 280-281). Différents parallèles, par exemple liés à la numismatique, à la céramique, formes et décors et à la répartition des plaques-foyer posent le problème de l'appartenance des Cénomans à la sphère d'influence armoricaine, au moins pour son faciès oriental (Le Goff, 2003, p. 113). Ce faciès semblant se diluer ensuite à La Tène finale dans une sphère ligérienne . | Les fouilles préventives liées aux travaux autoroutiers de l'A 28 (Alençon - Le Mans) ont permis la découverte, près d'un méandre de la Sarthe, d'un établissement rural datable de la Tène moyenne. Il est formé d'un modeste enclos fossoyé de forme trapézoïdale, d'environ 2000 m2 de surface. L'abondant mobilier livré par les fossés (céramique, lithique, terres cuites et ossements) reflète les activités menées sur le site: domestiques, agricoles (élevage du boeuf) et de transformation (boucherie et meunerie). | archeologie_08-0169210_tei_178.xml |
termith-124-archeologie | Le sous-sol jurassique de la Plaine de Caen, dans le sud du Calvados et le nord de l'Orne, a été l'objet d'importantes extractions minières de silex pendant le Néolithique. Des puits ont été depuis longtemps reconnus à Soignolles, Potigny et Soumont-Saint-Quentin (Calvados), mais seule la minière de Bretteville-le-Rabet a été véritablement explorée par Jean Desloges dans les années 1980 (Desloges 1999). Celle de Ri, reconnue depuis quelques décennies par des ramassages de nombreuses ébauches et outils, a fait l'objet d'une importante fouille préventive de juin à novembre 2007, liée à l'aménagement de l'autoroute A 88 (Marcigny et al. 2007). La partie basse du site, en très faible pente, a été décapée sur 30 m de large et 600 m de longueur, révélant environ 600 puits d'extraction régulièrement espacés sur les près de deux hectares concernés. Ces structures ont exploité une nappe crayeuse d'une soixantaine de centimètres dans laquelle des nodules de silex sont disposés de manière anarchique. Vers le sud de l'emprise, là où le silex est sub-affleurant, il s'agit de fosses peu profondes avec de rares diverticules. Plus au nord, des puits de deux mètres de diamètre et de courtes galeries rayonnantes, fréquemment communicantes d'un puits à l'autre, ont été creusés jusqu' à deux mètres de profondeur. Vers l'extrémité nord, les puits les plus vastes prennent la forme d'un large entonnoir de quatre à 10 mètres de diamètre, tandis que d'autres descendent jusqu' à quatre à six mètres de profondeur et peuvent desservir deux à trois niveaux de galeries superposés. La plupart des puits ont livré des outils d'extraction en bois de cerf, de plusieurs types, et aussi quelques percuteurs du même matériau (matériel en cours d'étude, comme le mobilier lithique qui atteint sept tonnes). Des lambeaux de sols piégés et des amas de restes de taille ont été rencontrés et fouillés, révélant que l'objectif principal de l'extraction était la fabrication de haches. Parallèlement aux études en cours, différentes approches expérimentales ont été initiées. Un puits expérimental a été réalisé afin de comparer les marques observées dans les puits fouillés avec celles déterminées par différents outils d'extraction expérimentaux, ces derniers étant conservés comme référentiel tracéologique. La reproduction expérimentale des opérations de taille, elle, a pour objectifs d'éclaircir les différentes options de taille retenues par les premiers exploitants et de participer à l'estimation quantitative du nombre de haches produites – ou productible – selon la conformation et la densité de la matière première. C'est pourquoi, les nodules bruts récupérés entre les puits au cours de la fouille ont été systématiquement conservés dans l'optique de tests de taille après leur description (fig. 1). Dans la plus grande partie de la minière, ces nodules apparaissent disposés de façon anarchique au sein d'une matrice crayeuse formant une strate d'une soixantaine de centimètres. Les nodules de silex de la minière de Ri présentent deux caractères assez originaux : leur morphologie et leur cortex. Ils affectent en effet une forme à tendance sphérique, faiblement étirée (ovoïde) ou pas, et rarement branchue. Les plus petits se présentent ainsi sous l'aspect d'un modeste boulet d'une dizaine de centimètres de diamètre, alors que les plus volumineux, en rognons arrondis, atteignent presque la quarantaine de centimètres. Leur seconde particularité tient à leur enveloppe corticale très épaisse, de deux à trois centimètres. Elle se compose en fait de trois strates : une croûte externe d'aspect crayeux, une coque plus ou moins siliceuse plus dure et une couche à nouveau plus tendre en contact avec le silex exploitable (fig. 2). Ce cortex différencié est régulièrement présent sur l'ensemble des nodules. La gélifraction a parfois décalotté partiellement ou totalement certains rognons des deux premières couches de cette enveloppe. On pressent ici que tant la forme sphéroïde sans angle de tels nodules que leur cortex épais vont compliquer leur entame, qui s'apparente alors à une « ouverture » critique sans laquelle il sera impossible de continuer… Une fois la fouille achevée fin 2007, les premiers essais expérimentaux de taille ont d'abord profité des quelques rognons déjà fendus ou fissurés par gélifraction. Le détachement de grands éclats de dégrossissage, pour façonner une ébauche tout en enlevant l'épais cortex, ne pose guère de difficultés sur ces rognons ouverts par le gel. Ces rognons consommés, les premiers essais d'ouverture de nodules entiers, en lançant un rognon sur un autre, se sont soldés par des échecs. Au lieu d'une entame franche, le rognon percuteur comme le percuté se marquent de profonds cônes incipients dont la répétition sur une même zone finissent par boucharder la surface du silex en y créant des fissures qui vont d'évidence compromettre la poursuite de la taille (fig. 3). Au mieux, après de nombreuses percussions qui ont d'abord décollé et écrasé le cortex, une esquille superficielle est détachée (esquille d'extérieur de cône incipient), dont le négatif convexe et ridé se prête mal au rôle de plan de frappe. Après vérification, ni de telles esquilles d'extérieur de cône, ni de tels stigmates d'écrasements n'ont été observés dans les restes de taille archéologiques. À l'opposé, le talon bien lisse, large et épais de nombreux éclats archéologiques renvoyait à un plan de frappe initial régulier et plan, obtenu par une entame franche. C'est ce qu'indiquaient aussi les rares demi-nodules issus de la fouille : sans traces de cônes incipients et comme fragmentés selon un plan de fracture plan et régulier, sans concavité ou convexité bulbaire (fig. 4). Il s'agissait donc bien d'une fracture en split, comme celle qui peut être obtenue par percussion verticale sur enclume, posée ou lancée, afin de fendre en deux des petits galets. Mais, pour ces gros nodules à cortex épais, il fallait trouver autre chose que le simple entrechoquement de 2 nodules l'un contre l'autre… Par ailleurs, la fouille n'a pas livré de percuteurs en roches tenaces. C'est alors que nous avons pensé à fendre le nodule lancé non pas contre un autre nodule, mais sur une arête obtuse, dégagée d'un bloc de silex. Après mise au point assez rapide, nous allons voir que cette idée s'est révélée efficace et conforme au matériel archéologique. Plusieurs conditions sont apparues déterminantes pour la bonne efficacité de cette technique. La première tient à la confection d'un percuteur dormant particulier, en ce qu'il doit présenter une arête rectiligne longue d'au moins 6 cm, selon un angle dièdre de 120° à 130°. Une telle arête, sous forme d'une nervure entre deux négatifs, est obtenue en détachant un ou quelques gros éclats d'un gros nodule gélifracté, au percuteur lourd en percussion lancée (fig. 5 et 6). Sa mise en forme n'est pas toujours réussie lors des premières tentatives. Le percuteur dormant n'est pas nécessairement de grande dimension. Si sa masse propre n'est pas un facteur déterminant, sa stabilité au sol doit être rigoureuse pour un bon fendage des nodules bruts. Cette deuxième condition, la stabilité du percuteur dormant au sol, peut être assurée de deux façons : en sélectionnant pour sa face inférieure plate ou concave, ou encore en calant dans un aménagement sommaire sous forme d'une cuvette creusée au sol. La stabilité du percuteur dormant sous le choc assure une franche incision en coin de l'arête dans le cortex du nodule projeté et donc son effet de fendage. De plus, le soin apporté à cette mise en place évite une éventuelle dégradation de l'arête lors d'un lancer mal ciblé. D'autres conditions d'optimisation concernent les nodules candidats au fendage. Ils doivent d'abord présenter une large surface corticale intacte, qui subira l'impact. En effet, l'épaisseur du cortex brut paraît capitale pour que la technique puisse se réaliser. Les nodules les plus aisés à fendre peuvent peser de quinze à plus de trente de kilos. Les plus réguliers sont les plus adaptés, autorisant une prise en main favorable à un lancer plus adroit. Il apparaît également que la symétrie relative du rognon facilite son fendage en deux moitiés relativement égales. Une dernière condition tient à l'énergie cinétique nécessaire pour un bon fendage. L'énergie délivrée en guidant simplement la chute du nodule à fendre sur un percuteur dormant disposé devant soit s'est révélée insuffisante, l'impact ne produisant pas le fendage attendu. Pour augmenter cette énergie, il fallait atteindre une vitesse à l'impact plus élevée (E = 1/2mv 2) et donc lancer le nodule de plus haut pour profiter de l'accélération déterminée par l'attraction terrestre (selon g, une seconde de temps de chute augmente la vitesse de 9,1 m/s). Nous nous sommes donc rehaussé sur le haut d'un talus, nos pieds dominant le percuteur dormant d'un bon mètre, hauteur qui est apparue effectivement suffisante pour optimiser le taux de succès (fig. 7). Il était aisé, pour les néolithiques de Ri, de se positionner de même sur un tas de déblais à proximité d'un puits en activité, ou même d'installer une sorte de plateforme surplombant une enclume scellée au fond d'une fosse pour y lâcher le nodule avec précision. Le nodule lancé de plus haut doit encore atteindre l'arête de l'enclume avec précision, de façon à ce que l'impact sur l'arête porte à peu près sur l'équateur du nodule pour un fendage en deux moitiés ou tout au moins en deux fragments chacun destinés à être façonnés en une tête de hache. Il y faut une certaine expérience, et un peu d'échauffement au début d'une nouvelle session. L'arête incise alors le cortex, et, si l'énergie est suffisante, y créée une fissuration linéaire qui se propage dans le silex, selon un plan vertical régulier (fig. 8 et 9). Ainsi, ce contact linéaire à la fois facilite le fendage et guide l'orientation de la fracture selon un plan équatorial, les deux pôles du nodule étant empaumés par les deux mains. Consécutivement à l'impact, les deux fragments roulent dans un rayon de un à trois mètres aux abords du percuteur dormant. Cette technique de fendage détermine sur chaque fragment une surface de fracture tout à fait plate et bien régulière, idéale comme plan de frappe initial du façonnage ou débitage à suivre. Sur ce silex de grain moyen, les rides de propagation sont à peine discernables à l' œil, et, comme il s'agit d'une fracturation en split « pure », il n'y a aucune concavité ou convexité en regard de la ligne d'impact, relief qui évoquerait un mécanisme ou une composante de fracture conchoïdale (fig. 9). Ce résultat est bien celui observé sur le matériel archéologique (fig. 4). L'exercice de cette technique, sur une trentaine de nodules lors d'une première série de tests, n'a rencontré que très peu d'échecs, même si certains de ces rognons ne se sont pas fendus au premier impact et ont dû être relancés jusqu' à 4 ou 5 fois. Cela dit, nous sommes loin d'avoir toujours obtenu un fendage en deux moitiés à peu près égales, à cause de l'approximation du lancer qui peut faire tomber l'impact à proximité d'un pôle du nodule alors simplement décalotté d'un quart ou même moins (fig. 10). Quelques rares rognons ont refusé l'ouverture, perdant uniquement de larges esquilles corticales (fig. 11). Ces échecs paraissent dépendre du percuteur dormant instable et/ou d'un lancer peu adroit. L'arête du percuteur dormant, par son angulation obtuse, résiste assez bien à ce traitement, même si la formation d'un esquillement modéré est constaté (fig. 12). Cette dégradation ne semble pas affecter son efficacité lors des fendages ultérieurs. La durée de vie d'un percuteur dormant est difficile à déterminer, essentiellement dépendante de l'adresse de l'utilisateur. Les nôtres ont chacun permis le traitement d'une douzaine de rognons. Ainsi, au vu de son efficacité et de la similarité des stigmates obtenus avec le matériel archéologique, nous pensons que cette technique expérimentale est très proche sinon identique dans son principe à celle que les tailleurs néolithiques de la minière de Ri ont mise en jeu pour entamer les nodules sphéroïdes qui s'y trouvaient. Sur le plan mécanique, cette technique met en jeu le mécanisme de la fracture en split (par fente verticale lancée ou posée sur enclume) mais avec la spécification d'une « touche linéaire » de l'impact, qui en améliore l'efficacité et le contrôle. Elle s'apparente ainsi à la « percussion verticale à touche linéaire » déjà mise en jeu dans le gisement moustérien ancien des Tares (Faivre et al. 2009), et, bien plus tard et avec des outils de métal, à celle décrite par A. Turq (2009) pour la fragmentation et le façonnage des blocs de silex-meulière du plateau de Born près de Domme . | Une minière de silex néolithique à haches a été récemment fouillée sur près de deux hectares à Ri, dans le nord de l'Orne, par une équipe de l'Inrap dirigée par C. Marcigny. Les centaines de structures d'extraction fouillées, depuis de simples fosses jusqu'à des puits et galeries de six mètres de profondeur, ont exploité un banc de calcaire crayeux jurassique riche en nodules de silex arrondis et à cortex épais. Parallèlement à l'étude en cours du riche mobilier osseux et lithique, des programmes de reconstitution expérimentale ont été initiés, dont l'un porte sur les aspects qualitatifs et quantitatifs de la fabrication des têtes de haches. L'entame de tels nodules s'est avérée poser un réel problème devant l'échec de la solution la plus évidente consistant à jeter un nodule comme percuteur contre un autre placé au sol. Il a été alors imaginé de les fendre en les projetant sur l'arête d'une enclume en silex, l'arête jouant comme un coin dans l'épaisseur du cortex. Cette technique s'est révélée efficace, moyennant une bonne stabilité de l'enclume et un surhaussement du tailleur pour assurer un impact suffisamment violent. L'incision de l'arête de l'enclume sur plusieurs centimètres provoque le fendage franc du nodule projeté selon un plan de fracturation équatorial bien régulier, comme cela a été observé sur le matériel archéologique. Le mécanisme de cette technique est celui de la fracture en split, avec la spécification d'une arête faisant coin dans un cortex épais. En cela, elle rappelle la percussion lancée verticale à « touche linéaire » observée dans le Moustérien ancien des Tares (Faivre et al. 2009), de même que la technique de taille de meules en silex meulière (Turq 2009). | archeologie_12-0217486_tei_188.xml |
termith-125-archeologie | L'abri Reverdit (Sergeac, Dordogne) fait partie des sites associant art pariétal et occupations humaines. Les abris-sous-roche occupés et ornés se retrouvent depuis l'Aurignacien, pendant toute la durée du Paléolithique supérieur. Ils constituent un moyen privilégié pour tenter d'appréhender les rapports que pouvaient entretenir les Paléolithiques avec leur art pariétal : ces sites doivent-ils être perçus comme des sanctuaires et/ou comme des habitats (Pinçon, Iakovleva 1997) ? Dans le cadre de notre doctorat portant sur une approche territoriale et identitaire des abris ornés au Magdalénien moyen, nous avons réalisé, avec l'autorisation du Ministère de la Culture et du propriétaire, au cours de l'année 2007 le relevé analytique de la frise sculptée de l'abri Reverdit. Découverte anciennement, elle n'avait jamais fait l'objet d'une étude approfondie. Ce travail permet de préciser l'art pariétal de ce site et de le percevoir dans une dynamique géographique et culturelle. À neuf kilomètres au sud-ouest de Montignac, l'abri Reverdit appartient à la “Province préhistorique des Eyzies” (Cleyet-Merle 1995). Il s'ouvre au pied d'une falaise de calcaire coniacien, sur la rive gauche du vallon de Castelmerle où coule le ruisseau des Roches, affluent tributaire de la Vézère. La confluence est à 200 mètres en aval. Reverdit se situe dans un contexte archéologique paléolithique particulièrement riche, puisque ce vallon ne compte pas moins de 11 gisements, avec de multiples occupations échelonnées depuis le Moustérien jusqu'au Magdalénien supérieur, dont les abris Castanet et Blanchard, ou encore l'abri Labattut. Les dimensions de l'abri sont relativement modestes : d'un développement de 15 m et d'une hauteur maximale de 3 m, il est profond de 5 m au maximum. Il est limité en amont par un cône d'éboulis et en aval par une source. Il est orienté à l'est et s'étend vers l'avant par une terrasse en pente douce. L'abri porte le nom de son découvreur, Alain Reverdit, qui mit le gisement au jour en 1878 (Reverdit 1878). A l'époque, l'abri devait servir de bergerie (Laming-Emperaire 1962). Plusieurs chercheurs s'y succédèrent rapidement : M. Féaux et M. Hardy en 1879 (Hardy 1880), M. Castanet en 1909, L. Didon et D. Peyrony en 1910. De 1911 à 1914, F. Delage fouille systématiquement les couches résiduelles sous l'aplomb et reprend les déblais de Reverdit. Il étend surtout ses recherches au talus en avant de l'abri. Il met alors en évidence deux niveaux d'occupation comprenant des foyers, séparés par une mince couche d'éboulis (Delage 1935 - fig. 2). Les sculptures ne sont repérées sur la voûte de l'abri qu'en 1923 par le propriétaire, M. Castanet. Elles sont expertisées par L. Capitan et D. Peyrony qui demandent le classement de l'abri, effectif le 5 juillet 1924. L'abri est mis au noir la même année. A l'occasion de travaux d'aménagement du site, une reprise de coupe est réalisée par D. Robin et A. Roussot à l'extrémité sud de l'abri. De 1985 à 1987, ils ouvrent une petite fouille; ils y retrouvent plusieurs foyers superposés et identifient trois phases d'occupation distinctes (Robin 1986). Le gisement a beaucoup souffert de sa découverte ancienne. Les premières campagnes - dont très peu de renseignements nous sont parvenus - ont presque entièrement vidé le remplissage de l'abri. Bien qu'elles soient conduites avec plus de rigueur, les recherches de F. Delage continuent de délaisser les vestiges les plus petits. Aucun tamisage ni aucune répartition spatiale du matériel récolté n'ont été réalisés avant les fouilles Robin-Roussot. À l'ancienneté des recherches répond, de plus, une importante dispersion des collections : des lots étaient, à l'époque, régulièrement vendus à des institutions ou à des particuliers pour financer les campagnes. Ainsi, certaines pièces, dont la collection Sturge, appartiennent désormais au British Museum (Roussot 1985). Peu d'informations nous sont parvenues des prédécesseurs de F. Delage. Seule une petite partie des vestiges de l'occupation du site est repérée actuellement. Les fouilles ont mis en avant une forte occupation paléolithique de l'abri, ainsi que du talus qui s'étend à l'avant. L'abri Reverdit a livré un matériel archéologique diversifié : une abondante industrie lithique, de nombreux restes fauniques, une industrie osseuse plus rare dont certains supports sont ornés, des éléments de parure, quelques galets et plaquettes gravés. Le gisement est traditionnellement daté du Magdalénien moyen. Selon F. Delage, les deux niveaux de l'abri contenaient un matériel identique qu'il rapporta par l'industrie osseuse au Magdalénien III (sagaies à rainures et baguettes demi-rondes); il les regroupa d'ailleurs en un seul lot (Delage 1935). Confortée par l'étude comparative du matériel lithique réalisée par D. de Sonneville-Bordes avec le Magdalénien III de Laugerie-Haute (Sonneville-Bordes 1960), cette attribution chronologique semble confirmée par les fouilles Robin-Roussot (Robin 1986). Elle est admise par tous. La faune chassée – étudiée par M. Vaufrey – est largement dominée par le Renne, avec une présence ponctuelle du Cheval, du Cerf, du Bouquetin et d'un Grand Bovidé (Delage 1935). La frise occupe le fond de l'abri, dans sa partie supérieure. Elle se développe sur environ 3,50 mètres, à hauteur d'homme (fig. 3). Elle n'a jamais bénéficié d'une véritable étude. F. Delage en livre une première esquisse à la plume en 1927 (fig. 4), puis publie dans son article général de 1935 un croquis plus complet de H. Breuil (fig. 4), réalisé à main levée, qui était jusqu' à présent le seul document d'ensemble produit sur ce site. Ce sont d'ailleurs ces dessins qui sont repris et reproduits par A. Roussot dans la notice de l ' Atlas des grottes ornées paléolithiques françaises, bien qu'il précise qu'ils “sont grandement embellis et complétés par rapport à ce qui existe actuellement” (Roussot 1984 - p. 224). Dans sa Préhistoire de l'Art occidental, A. Leroi-Gourhan propose un nouveau croquis de l'une des figures (fig. 4), probablement fait à partir de la photographie qui l'accompagne (Leroi-Gourhan 1965). Les divers auteurs ne s'accordent pas sur le nombre et la nature des représentations. Ces discordances sont très certainement imputables à l'état très dégradé de la paroi. Trois figures principales sont cependant unanimement reconnues : un avant-train de cheval et deux bisons, disposés en file. Franck Delage et Henri Breuil voient également une tête de cheval superposée au premier cheval au niveau de sa croupe et, entre les deux bisons, un troisième petit bison intercalé (Delage 1935). Enfin, A. Leroi-Gourhan ajoute une probable tête de carnassier, décalée sur la droite mais dans le même registre (Leroi-Gourhan 1965). Ces sculptures sur paroi constituent la principale manifestation, mais non unique, de l'art pariétal de l'abri Reverdit qui compte aussi plusieurs blocs sculptés et gravés, notamment une moitié inférieure de bison – conservée au Musée national de Préhistoire (Cleyet-Merle et al. 1994) et un arrière-train de bovidé (Delage 1935). De nombreux blocs à cupules ont également été mis au jour, ainsi que des “morceaux de calcaire “(Delage 1935 - p. 315) portant des reliquats de peinture noire et rouge qui avaient poussé F. Delage à se demander si les sculptures n'étaient pas rehaussées de couleur, supposition renforcée par la présence de colorants dans les couches. Dans l'état actuel des connaissances, il est impossible de savoir si ces blocs sont des éléments effondrés de la frise pariétale ou des œuvres semi-mobilières (Cleyet-Merle et al. 1994). Ces vestiges ne seront pas considérés dans le cadre de cet article, strictement limité à la frise toujours en place dans l'abri. Le cadre chronologique des œuvres pariétales est toujours délicat à établir. L'un des avantages des abris ornés sur les grottes ornées réside dans les possibilités de datation relative offertes par les niveaux d'occupation. Bien qu'aucun élément ne soit disponible quant à la relation des œuvres avec le remplissage archéologique (recouvrement de la frise, position stratigraphique des blocs), la présence exclusive d'occupations du Magdalénien III rapporte la frise et les blocs ornés de l'abri Reverdit au Magdalénien moyen. Cette attribution est renforcée par la présence de pics, traditionnellement considérés comme des outils de sculpteur dans les niveaux (Roussot 1984). Face à cette connaissance partielle, tout un travail d'inventaire et d'analyse de ces œuvres s'avérait nécessaire, en nous intéressant à la paroi ornée et à ses facteurs d'altération. L'analyse d'une œuvre pariétale ne peut se passer d'un examen attentif de son état de surface (Pinçon, Iakovleva 1997). Elle vise, en effet, à distinguer les tracés anthropiques de lignes purement naturelles d'une part, les tracés paléolithiques de reprises modernes d'autre part. Doivent ainsi être discernés les impacts naturels liés à la conservation des parois et à leur évolution dans le temps, mais également les actions anthropiques susceptibles d'avoir modifié l'aspect du support depuis l'exécution des figures. Deux méthodes d'enregistrement complémentaires - destinées à archiver, restituer et analyser les sculptures - ont été couplées. L'enregistrement photographique est d'un recours indispensable par la quantité d'informations qu'il contient, par sa rapidité et sa relative facilité d'acquisition et de traitement (Pinçon 2004). Il reste cependant tributaire de l'angle de vue et de l'éclairage choisis. Ces deux paramètres sont particulièrement cruciaux dans la perception des œuvres en trois dimensions que sont les sculptures, leur lecture évoluant en fonction des effets d'ombre et d'estompage créés par le placement de la source lumineuse. La frise a été entièrement couverte avec l'aide d'un photographe professionnel, selon différents éclairages artificiels. Ils ne parviennent cependant pas à rendre l'éclairage solaire qui devait jouer un rôle important dans l'appréciation de ces sculptures, créées à la lumière du jour. Elles ne peuvent non plus prétendre à restituer l'éclairage paléolithique - variable et mobile - dont l'animation devait faire plus ou moins ressortir les reliefs. Le relevé graphique analytique est essentiel à toute étude d'art pariétal. Comme le souligne D. Vialou, “la finalité d'une étude d'art pariétal n'est pas d'abord celle de reproduire : elle est de donner les moyens d'une première compréhension, de traduire l'intelligence et la sensibilité des hommes du Paléolithique supérieur” (Vialou 1986 - p. 22). Le relevé s'affirme ainsi comme un outil d'analyse. Il vise à comprendre et à faire comprendre, et non à restituer (Pinçon et al. 2008). Il est un support visuel servant à déchiffrer la paroi et saisir la nature des œuvres représentées (technique, sujet, etc) et leur évolution depuis leur exécution. La paroi est ainsi cartographiée. Chaque élément est symbolisé et reproduit par une association de motif et de couleur propre. Ont été utilisées les normes employées pour l'étude de l'art pariétal sculpté du Roc-aux-Sorciers (Angles-sur-l'Anglin, Vienne) et de la Chaire-à-Calvin (Mouthiers-sur-Boëme, Charente), avec la même méthode d'analyse (Pinçon, Iakovleva 1997). Sont étudiés et reproduits l'état de surface et les manifestations anthropiques, en différenciant les stigmates anciens des plus récents (depuis la mise au jour des œuvres). La technique de relevé, par vidéo-projection, fut celle mise en place à la Chaire-à-Calvin depuis 2005 et qui a prouvé toute son efficacité (Pinçon et al. 2005). La saisie se fait sur tablette graphique reliée à un micro-ordinateur portable, lui -même relié à un vidéo-projeteur. Cette technique requiert la contribution de plusieurs personnes (fig. 5), mais s'est avérée économique dans ses processus d'élaboration et de restitution du relevé en supprimant la reprise des documents sur polyane puis sur papier. De plus, elle permet de reprendre ou compléter très simplement un relevé, sans avoir à recommencer tout le processus depuis le relevé au transfert sur support papier. Cette souplesse est particulièrement précieuse face à un support aussi tourmenté et des œuvres aussi abîmées dont la perception évolue et s'affine progressivement. La nécessité de travailler à plusieurs personnes oblige enfin à confronter les points de vue et à créer un échange, indispensable face à un état de surface si complexe. Tout en contraignant la subjectivité individuelle, elle permet soit de conforter les lectures, soit de limiter les interprétations en cas de désaccords. Cette analyse se révèle particulièrement indispensable en amont de l'étude de l'art pariétal de l'abri Reverdit, découvert anciennement et qui a subi, depuis sa mise au jour, de nombreuses altérations aussi bien naturelles qu'anthropiques. L'abri s'ouvre à la limite entre les séquences du Coniacien moyen et du Conacien supérieur (Guillot 1979). Cette démarcation est très prononcée dans le paysage de la moyenne vallée de la Vézère puisqu'elle correspond à la grande incision sub-horizontale qui scinde la partie médiane des falaises calcaires depuis Montignac jusqu'aux Eyzies-de-Tayac-Sireuil (Aujoulat 2002). Profonde et haute (jusqu' à 10 m d'encorbellement), elle abrite la plupart des grands gisements locaux (la Madeleine, Laugerie-Haute et Laugerie-Basse). Cette formation exokarstique a pris naissance dans une partie plus tendre et plus poreuse de la fin de la séquence du Coniacien moyen, ainsi plus sensible à la gélifraction (Aujoulat 2002). L'arrivée d'eau à ce niveau de l'entablement est venue amplifier ce phénomène. L'abri Reverdit renferme ainsi une source qui sourd en permanence, tandis qu'une deuxième se situe à proximité immédiate. Ce contexte géologique influe sur la conservation des œuvres pariétales. Si elles se préservent bien sous sédiment, elles sont confrontées à cette gélifraction particulièrement importante dès qu'elles sont à l'air libre. La paroi de l'abri s'organise en deux étages horizontaux sub-parallèles, décalés, lui donnant un profil en marches d'escalier (fig. 6). Elle est scindée par une diaclase verticale qui vient imprimer un changement d'orientation de la paroi qui fait alors un coude. La zone ornée concerne la moitié supérieure de l'abri. La frise a, en effet, été réalisée sur le second étage horizontal, sur un support oblique (fig. 6) parfaitement délimité : en haut par le surplomb rocheux, en bas par les écaillages ayant creusé la partie basse de l'abri, à gauche par l'ouverture de la diaclase, et à droite par une avancée de la paroi sur laquelle vient s'appuyer le mur de protection. Le support se courbe ainsi vers son extrémité de droite. Le support est relativement homogène d'un point de vue général, il est très peu fissuré. Il est, en revanche, irrégulier, creusé de très nombreuses écailles de gélifraction plus ou moins étendues, anciennes et récentes. Ce phénomène est particulièrement marqué dans la partie droite de l'abri où de grandes lentilles se sont détachées de la paroi (fig. 3 et 6). Dans sa moitié inférieure, la zone ornée est accidentée par de multiples écailles et cupules lui donnant un aspect très tourmenté. La surface supérieure – amorce de voûte et surplomb rocheux – est plus régulière, montrant des fracturations de gélifraction plus étendues (fig. 7). Le degré hygrométrique élevé de l'abri a favorisé le développement de mondmilch, particulièrement dans la moitié inférieure de l'abri où d'épaisses nappes recouvrent entièrement le support (fig. 6). Ce mondmilch est plus limité sur les sculptures où il disparaît même par endroits. Il y est nettement moins épais, cette relative finesse laissant entrevoir la couleur de la roche : ocre clair en surface, les éclats révélant le blanc crayeux du calcaire. Cette altération physico-chimique de la paroi a rendu le support particulièrement tendre sur quelques millimètres. Des végétaux verts et violacés tapissent la paroi en de nombreux endroits, surtout dans sa partie inférieure et médiane (fig. 6). Le mur de protection de l'abri comporte une porte à persiennes et une fenêtre à travers laquelle la lumière arrive à percer. Les végétaux se sont donc principalement développés face à ces ouvertures. Ils se retrouvent plus ponctuellement dans la zone ornée, logés dans les aspérités du support, en particulier à son extrémité gauche (fig. 8). Le niveau de remplissage de l'abri n'est pas connu. Le bas de paroi est enduit de plaquages de sédiment uniformes et continus (fig. 6). Ils se raréfient en remontant et apparaissent jusque dans la partie inférieure de la zone ornée, sous forme de petites plages emprisonnées dans les anfractuosités de la paroi. À côté de ces dégradations naturelles, plusieurs actions anthropiques post-paléolithiques ont également endommagé la paroi. Les sculptures semblent avoir été recouvertes par le remplissage sédimentaire, au regard des coups d'outils métalliques (burin, piochon) qui s'observent régulièrement tout le long de la zone ornée, sur les œuvres et même au-dessus (fig. 8 et 9). En les exposant à l'air libre et aux intempéries, le dégagement des œuvres a par ailleurs modifié leurs propriétés conservatoires et accentué les mécanismes d'érosion naturels. Les sculptures ont également subi des modifications sous la forme de tracés digités venus détourer les figures, voire les compléter, certainement pour en faciliter la lecture (fig. 8 et 10). Ils donnent aux contours cet aspect trouble, flou alors que le cliché est net. De nouveau, ces tracés soulignent le peu d'induration du support. D'autres apparaissent de manière plus aléatoire, sans intention figurative manifeste et semblent plus correspondre à des empreintes laissées par des visiteurs curieux de toucher la paroi. Enfin, la paroi ornée a subi deux nettoyages effectués pendant les années 1970 et, plus récemment, dans les années 1990 (communication orale R. Castanet). Les végétaux qui avaient proliféré dans l'abri ont été traités au formol et brossés (fig. 8). Cette première analyse des états de surface souligne que la paroi ornée a subi d'importantes altérations naturelles (gélifraction et bio-altéragènes principalement), ainsi que des interventions anthropiques post-paléolithiques variées l'ayant également affecté. Elle incite à prendre du recul vis-à-vis des différentes interprétations de la frise. Toute la bande sur laquelle se développe la frise a été relevée et étudiée, depuis sa bordure inférieure abrupte jusqu'au surplomb rocheux. La frise sera présentée de gauche à droite, selon le sens de lecture traditionnel (fig. 7 et 11). Deux grandes lentilles de gélifraction ont profondément emporté le support à l'extrémité gauche de la frise. Sur une longueur de 50 centimètres environ, la paroi est ainsi amputée de plusieurs centimètres (fig. 7 et 11). Il est désormais impossible de percevoir le moindre relief de la surface originale, naturel ou anthropique. Suit une zone très tourmentée dans laquelle s'inscrit une première sculpture : un cheval (Roussot 1984), sur la croupe duquel reposerait une seconde tête de cheval (Delage 1935; Laming-Emperaire 1962; Leroi-Gourhan 1965). Ce secteur est assez abîmé (fig. 7). Le support est globalement creusé de grandes et profondes écailles auxquelles s'ajoutent des cupules de gel, plus petites et superficielles. Ces enlèvements ont particulièrement attaqué la moitié supérieure d'où la surface d'origine semble avoir quasiment disparu. Elle est ainsi abaissée par rapport à la moitié inférieure qui a conservé d'importants reliefs. Deux volumes horizontaux allongés en ressortent, séparés par une ligne de coups plus ou moins profonds et plus ou moins réguliers, stigmates d'un martelage paléolithique; de multiples cupules et petites écailles s'en sont aussi détachées. Des coups d'outils métalliques, plus nombreux qu'ailleurs, incisent le support, profondément pour certains (fig. 8 et 9). Ils se situent dans la moitié inférieure, en son centre surtout. De multiples tracés digités sont venus détourer les principaux reliefs, avec des passages parfois répétés (fig. 8). Deux points au feutre rouge ont été isolés dans le coin supérieur gauche. Les volumes de la partie droite dessinent un avant-train de cheval de profil droit (fig. 11) : le cou puissant bien conservé porte une tête arquée dont la partie haute a complètement été arrachée du support et dont ne subsistent que quelques reliefs amoindris qui ébauchent une tête de cheval néanmoins parfaitement identifiable. Le poitrail très courbé se prolonge sans démarcation abrupte par la ligne ventrale. Deux petits volumes allongés, obliques partent du poitrail et du ventre. La figure est de grandes dimensions : longueur de 84 cm, hauteur maximale de 50 cm (du poitrail à la pointe du cou). La sculpture est un bas-relief, son épaisseur variant de 3 à 6 centimètres (base du cou) selon le degré d'altération du support. Le dégagement est profond et large, de la matière ayant été retirée sur plus de 15 cm pour la moitié inférieure de l'animal; la zone de dégagement visible pour le contour supérieur est plus étroite (entre 4 et 7 cm). Aucun détail n'est visible. Cette absence reflète -t-elle la volonté de l'artiste ? Résulte -t-elle uniquement d'un état de surface bien trop dégradé ? “L' œil” est ainsi une cupule qui se situe probablement sous le haut de sculpture originel. Le cheval a la tête baissée. Comme l'avait noté A. Roussot, si le protomé est bien net, les pattes antérieures se distinguent mal en revanche (Roussot 1984). Passés le cou et le poitrail, la figure se perd rapidement. Il est ainsi difficile d'interpréter les deux petits volumes sortant du poitrail et du ventre. Ils ne peuvent correspondre au départ des deux pattes antérieures qui seraient alors très décalées, dans une position aberrante. Si le relief partant du poitrail pourrait bien coïncider avec le dessin d'une patte antérieure, que représenterait le relief accolé au ventre ? Cet élément insolite vient porter l'attention sur la morphologie singulière de ce cheval, au cou très épais lui donnant un port de tête non réaliste. Bien que le haut du cou et de la tête aient disparu, un volume arrondi en arc-de-cercle se lit clairement (fig. 7 et 11). Il n'est pas sans évoquer la bosse du bison, tout comme le cou épais rappelle cet animal. Nous pourrions ainsi être face à une sculpture de bison retaillée dans un second temps en cheval, figure pour laquelle nous retrouvons la morphologie si typique de l'avant-train puissant doté d'une voussure dorsale. Le petit volume allongé partant du poitrail pourrait reproduire le fanon de l'animal. Néanmoins, au regard des dimensions de la bosse, il semblerait plutôt qu'il soit le vestige de la ou des patte(s) antérieure(s). Le second petit relief serait alors le reliquat de la ou des patte(s) postérieure(s) (fig. 12). Des retailles bison-cheval se rencontrent dans les autres abris-sous-roche sculptés : au Roc-aux-Sorciers (Saint-Mathurin 1984), à la Chaire-à-Calvin (Laming-Emperaire 1962) et au Cap-Blanc (Leroi-Gourhan 1965; Roussot 1972). Cette représentation s'apparente énormément au cheval n° 2 du Cap-Blanc (fig. 13) : “un cheval, le mieux conservé de la frise, porte un anneau taillé sur ses reins. Son encolure est assez étrange, en bosse de bison et l'on s'aperçoit effectivement qu'une tête de bison est taillée dans sa joue, l'oreille du cheval jouant le rôle de corne “(Leroi-Gourhan 1965 - p. 287). Les volumes de la partie gauche – qui devraient correspondre à l'arrière-train du cheval – sont de lecture beaucoup plus confuse (fig. 7 et 8). Ils sont entamés d'innombrables écailles, créant une surface particulièrement tourmentée dans laquelle il est difficile de reconnaître d'éventuelles interventions paléolithiques. Le grand relief en arc-de-cercle – moins épais que le volume du cheval – paraît être anthropique. Nous ne pouvons cependant nous rallier à l'interprétation de F. Delage et H. Breuil qui y voyaient une tête de cheval, qui serait ainsi venue se superposer à la croupe du premier (fig. 4). Aucun élément pouvant relever d'un arrière-train de cheval n'a pu être identifié. Seul un avant-train semble avoir été représenté. A quelques centimètres sous le museau du cheval s'inscrit la deuxième sculpture de la frise qui est aussi la mieux préservée : un bison sur lequel tous les auteurs s'accordent, bien que les relevés divergent quelque peu (fig. 4). Cette tranche de la frise est moins abîmée que toute la zone précédente (fig. 7 et 8). La partie supérieure continue d' être creusée de profondes écailles. Deux gros reliefs (l'un allongé, l'autre arrondi) faisant saillie juste au-dessus de la sculpture illustrent l'importance de cette érosion. La moitié inférieure en revanche a été plus épargnée. Bien que nombreuses, les écailles - plus ou moins grandes mais toujours assez minces – n'ont pas fortement altéré la sculpture qui a conservé de beaux volumes. Le corps est, néanmoins, surcreusé par endroits (arc-de-cercle depuis l'arrière du ventre jusqu'en avant de la patte postérieure, arrière de la patte postérieure). Toute la partie basse du support a été emportée par une grande lentille. Le mondmilch est quasiment absent de la sculpture, à la différence des autres figures qu'il recouvre encore largement mais très superficiellement. Cette disparité est peut-être due à une inégalité de traitement (de conservation) entre cette représentation, la plus conséquente de l'abri, et les autres, plus dégradées et aussi moins impressionnantes. D'ailleurs, comme le remarque P. Paillet, “le contour a perdu de sa netteté tant il a été brossé, presque patiné et poli “(Paillet 1999 - p. 180-181). Patrick Paillet évoque ici deux interventions humaines distinctes (fig. 8) : le brossage dont a fait l'objet la sculpture, apparemment plus appuyé et plus méticuleux que sur les autres représentations, et dont les stries tapissent l' œuvre, et le détourage au doigt – dont les empreintes sont parfaitement lisibles (fig. 10) – du corps et des membres. Quelques coups d'outils métalliques épars incisent plus ou moins profondément la figure. De grandes dimensions (1 m de long et 70 cm de haut), ce bison de profil droit est la figure la plus complète de l'abri Reverdit (fig. 11). Profondément incisé, le contour de l'animal se suit parfaitement depuis la fesse arrondie jusqu'au fanon en triangle, pointu. De la queue longue et fine ne subsiste que le départ, le relief ayant été emporté par des écailles; le contour se devine cependant par le fond de sculpture qui est toujours imprimé dans le support. L'artiste a doté ce bison d'une voussure dorsale particulièrement impressionnante : elle se développe sur 30 cm de hauteur et 53 cm de longueur et occupe, ainsi, près de la moitié du corps de l'animal. La masse de cette bosse - “le plus important ressaut que nous ait donné à voir l'art magdalénien “(Paillet 1999 - p. 181) - et sa morphologie carrée sont tout à fait singulières. La moitié inférieure du bison (ventre et membres) est partie dans la fracture qui a amputé la partie basse du panneau. Demeure un avant-bras dont le contour postérieur est clairement indiqué. Tout le modelé du membre, du coude jusqu' à l'épaule, paraît avoir été reproduit. Il reste cependant difficile de savoir si ce volume témoigne effectivement d'un rendu soigné des différentes masses corporelles de la part de l'artiste paléolithique ou s'il est un leurre, uniquement créé par les écailles du support et renforcé par les lissages au doigt dont il a été l'objet. Cette question vaut également pour les autres modelés internes, de la cuisse et du flanc, entièrement repassés au doigt (fig. 8 et 11). A nouveau, le degré de détail de la représentation est impossible à apprécier. Ce bison fut exécuté en bas-relief. Malgré l'intense écaillage de la figure, les 6 cm de relief de la voussure dorsale, atteignant 10 cm pour la fesse, laissent entrevoir l'importance du volume originel. La sculpture devait faire forte saillie sur la paroi (fig. 14). La technique de mise en relief est assez particulière (fig. 7 et 11) : le support a été profondément creusé pour faire ressortir la figure (entre 11 et 12 cm au niveau de la fesse où la paroi est la plus fortement entamée). Ainsi, bien que relativement large (10 cm), la zone de dégagement est finalement perçue comme ramassée et très abrupte au regard de la profondeur du dégagement. Comme la sculpture précédente, la puissance du dégagement paraît fortement se réduire dans la partie supérieure de l'animal, avec une zone de dégagement moins marquée et plus étroite. Le piquetage du support, ayant servi à mettre en relief la figure et à délimiter sa silhouette, est encore visible sur tout le contour (fig. 11). Des stigmates du façonnage se remarquent également sur le haut de sculpture, sous la forme de petits enlèvements oblongs jointifs alignés le long de la ligne cervico-dorsale. Malgré le réalisme des lignes et leur relativement bonne conservation, le contour de l'animal se perd entre l'extrémité frontale de la voussure dorsale et le départ du fanon, au niveau de la tête où le support est creusé d'une large et profonde concavité en fer à cheval inversé (fig. 7 et 11). Les chercheurs ne parviennent d'ailleurs pas à s'accorder sur le dessin de la tête (fig. 4). Franck Delage et Henri Breuil parlent d'une “tête, allongée et étroite, avec une corne haute et un grand œil ovalaire, [qui] ressort d'un espace vide, creusé à dessein “(Delage 1935 - p. 311). Ils la placent sur un volume triangulaire en avant de la voussure dorsale, entre les bras du fer à cheval. André Leroi-Gourhan, quant à lui, voit la tête plus bas : il intègre la courbure de la concavité et le tracé du fanon pour esquisser une tête baissée dotée d'une barbiche, tandis que la corne très courbée vers l'arrière est reproduite par le bourrelet du relief triangulaire. Alain Roussot et Patrick Paillet n'adhèrent pas à ces interprétations sans pour autant proposer de nouvelles lectures, et soulignent juste son caractère incompréhensible. Cette tête apparaît d'autant incompréhensible que, selon nous, elle est absente. A cet endroit, la sculpture a en effet été complètement détruite par ce creusement très profond de la paroi qui a gommé le volume de la tête. Cette concavité n'est pas naturelle, mais résulte bien d'un travail anthropique dont les facettes du piquetage sont encore nettement visibles (fig. 11). Elle ne correspond pas au dégagement de la sculpture : au regard de l'arrière-train, cette “zone de dégagement” ne se prolonge pas le long de la voussure dorsale mais s'arrête brutalement; elle est, en outre, trop en avant de la figure. Nous sommes donc face à une retouche volontaire des Paléolithiques qui n'ont pas hésité à s'attaquer à cette sculpture en l'effaçant partiellement. F. Delage et H. Breuil l'avaient déjà bien senti : “on a l'impression que c'est peut-être moins la tête primitive qu'une réfection qui aurait été effectuée après quelques dégradations “(Delage 1935 - p. 311). Comme la sculpture précédente, les Paléolithiques sont intervenus sur une œuvre pré-existante qu'ils n'ont cependant modifié que partiellement. La troisième sculpture se situe à 45 cm à peine de la précédente, dans sa continuité. Elle est unanimement identifiée comme bison, mais sa lecture varie énormément. À nouveau, la paroi se dégrade (fig. 7 et 8). Toute l'extrémité droite a été emportée par une cassure de gel de plusieurs centimètres d'épaisseur. Il n'est ainsi plus possible d'y percevoir le moindre relief – naturel ou anthropique – de la surface originale. Une lentille plus petite mais néanmoins conséquente s'est aussi détachée dans la partie basse du panneau. Les écailles grandes et profondes creusent de nouveau tout le support, la moitié supérieure comme la partie basse. Si elle avait conservé de beaux volumes jusque -là, la zone inférieure est ici très altérée, fortement aplanie. Les quelques reliefs toujours appréciables, bien qu'adoucis, se concentrent dans la partie supérieure. Les petites cupules de gel continuent de ponctuer la surface. Des stigmates d'outils métalliques incisent le support plus ou moins franchement sur presque toute sa hauteur (fig. 8). Comme ailleurs, des tracés digités marquent les principaux volumes. De nombreuses autres empreintes sont également perceptibles, notamment dans la moitié inférieure, sans intention figurative manifeste. La sculpture occupe le même registre que la figure précédente (fig. 11). Nous retrouvons un arrière-train de bison de profil droit tout à fait similaire au précédent, dans des dimensions comparables (75 cm de longueur et 65 cm de hauteur). Seul le contour – depuis la fesse jusqu' à la voussure dorsale – demeure cependant, le modelé de la sculpture ayant complètement disparu. Le départ de la queue se devine plus qu'il ne s'observe réellement. La bosse dorsale est rehaussée et emprunte une forme carrée. A la différence du premier bison, toute la moitié inférieure est fracturée, membres y compris. Franck Delage et Henri Breuil y voient encore la tête détaillée (corne et œil) et le début de la ligne ventrale (fig. 4). Ils livrent ainsi une image assez complète de l'animal, où la voussure dorsale est surmontée d'un important chignon à la manière des bisons de Font-de-Gaume (fig. 15). Patrick Paillet refuse le dessin de la tête qu'il impute “à des accidents naturels de la paroi ou à des altérations secondaires “(Paillet 1999 - p. 182) mais reconnaît le contour thoracique. Ces éléments anatomiques sont en fait uniquement suggérés par des cassures du support, le contour du “poitrail” et de la “tête” étant donné par le pan de fracture de la grande lentille de gélifraction ayant emporté toute l'extrémité droite de la zone (fig. 7). D'ailleurs, le tracé de la voussure s'arrête clairement sans entamer la descente vers la tête, artificiellement rendue par des lissages au doigt modernes sans qu'aucun impact de piquetage n'émerge dessous (fig. 8 et 11). La sculpture dans son état actuel est un bas-relief, son volume oscillant entre 2 et 6 cm (ressaut de la voussure dorsale). Au regard de son intense érosion, son relief était probablement beaucoup plus vigoureux originellement. De nouveau, le dégagement de la figure est large (14 cm) et surtout profond, avec un creusement de 12 cm au niveau de la fesse (fig. 7 et 11). Le creusement s'atténue et se rétrécit à partir de la croupe. Le piquetage est toujours visible, particulièrement sur le haut de la voussure (fig. 11). De petits enlèvements de façonnage, identiques à ceux observés sur le bison précédent, se rencontrent sur la ligne cervico-dorsale. Selon F. Delage et H. Breuil, “ce bison […] a été sculpté aux dépends d'un animal analogue, plus ancien et plus petit, dont on aperçoit les vestiges au-dessus de la croupe “(Delage 1935 - p. 312 - fig.4). Un troisième bison existerait donc entre les deux bas-reliefs, à hauteur de leur bosse dorsale, sous la forme d'une petite ligne cervico-dorsale de profil droit (50 cm environ). Alain Roussot et Patrick Paillet restent prudents quant à cette interprétation qu'ils ne corroborent pas, sans pour autant la réfuter. En arrière du second bison, plusieurs petits reliefs animent la paroi et laissent, en effet, penser à une vague ligne sinueuse qui pourrait ébaucher le contour cervico-dorsal du bison avec sa voussure (fig. 7 et 8). La concavité censée reproduire la chute de reins et la croupe – qui est d'ailleurs surmontée d'une concavité similaire que H. Breuil n'inclut pas dans son dessin – est en fait le négatif d'un coup. Le volume du haut de la “voussure” est purement naturel. Seule la montée de la “voussure” pourrait être anthropique. Comme le supposaient F. Delage et H. Breuil, le bison n° 2 aurait-il remplacé une première figure qui aurait été effacée, détruite comme en témoignent ces deux coups ? Si la réalité de cette sculpture est incertaine, il n'en demeure pas moins que le second bison a bel et bien été exécuté aux dépens d'une autre œuvre. Un grand volume en marche d'escalier coiffe sa voussure (fig. 16). Sa double courbure convexo-concave nous semble anthropique. Le tracé du second bison entame ce volume. Cette entaille est manifeste pour le haut de la voussure. Ce que F. Delage et H. Breuil avaient interprété comme le chignon du second bison (fig. 4), est en fait le volume “originel” que les Paléolithiques ont du décaisser pour réaliser le bison que nous admirons aujourd'hui. La double courbure de ce volume surplombant évoque de nouveau la silhouette de la voussure dorsale et du chignon du bison. Comme pour la première figure (l'avant-train de cheval), une sculpture de bison aurait-elle existé dans un premier temps de la frise, puis été supprimée au moins partiellement et substituée par une nouvelle œuvre ? Cette retaille indiquerait non plus une volonté de modifier la thématique mais une évolution autre dans la tradition artistique et symbolique (dimensions, technique, stylistique, etc.) qu'il fallait imprimer dans le support et qui nécessitait ainsi une nouvelle sculpture, avec l'idée de cacher, de recouvrir l'ancien décor. Quelle que soit la nature de cette figure sous-jacente, il est intéressant de remarquer qu'une fois de plus la seconde sculpture de bison n'a pas été achevée, son contour n'étant pas fermé. L'extrémité droite de la zone ornée est un secteur très altéré dans lequel F. Delage et H. Breuil, mais aussi A. Leroi-Gourhan ont identifié des éléments de sculpture. Comme signalé pour l'extrémité droite de la figure précédente, de grandes lentilles de gélifraction se sont détachées de la paroi qui change de morphologie. Jusqu'alors l'étage supérieur qui porte la frise formait une avancée très nette vis-à-vis de la partie basse de l'abri, avec une angulation suffisamment appuyée pour être perçue comme un panneau, une unité indépendante du reste de la paroi (partie basse et surplomb rocheux). A partir de ce point, le support a été considérablement aplani (fig. 3). L'étage supérieur s'inscrit désormais dans la continuité directe de la partie basse, ne marquant plus qu'un léger ressaut. La paroi très oblique fuit vers le fond de l'abri. Elle entame également un léger retour vers le mur de protection et se courbe donc sensiblement. La surface est creusée de nombreuses écailles, larges et profondes qui ont fait naître de nombreux petits reliefs obliques dont l'orientation varie. Des cupules de gel plus réduites ont aussi affecté le support. Bien que la paroi ait été nettoyée comme le prouvent les stries de brossage qui balaient toute la zone, le mondmilch se densifie; les nettoyages ont peut-être été moins fréquents et/ou moins soignés dans ce secteur où les indices de décor pariétal se faisaient plus ténus. L'extrémité droite où A. Leroi-Gourhan a reconnu une tête de carnassier fait cependant exception. Peu abondants jusqu'alors, les végétaux se multiplient, se développant dans les anfractuosités du support. Une fenêtre dans le mur, à ce niveau, pourrait expliquer cette recrudescence, la lumière parvenant faiblement à pénétrer bien que l'ouverture soit obstruée par des planches. Des coups d'outils métalliques sont toujours observables, certains situés dans la moitié inférieure, particulièrement larges et profonds. Des empreintes de doigt ponctuent régulièrement la surface. Franck Delage et Henri Breuil évoquent des vestiges de sculpture juste en avant du troisième bison, au niveau de ce qu'ils avaient interprété comme sa tête : “en avant de cette figure on aperçoit des reliefs et des creux, qui, bien que très vagues, donnent cependant à penser qu'il y avait là encore un animal sculpté “(Delage 1935 - p. 312). Sur son dessin, H. Breuil a esquissé quelques formes indistinctes dans lesquelles aucun élément figuratif ne peut être véritablement isolé (fig. 4). L'épaisseur des lentilles de gel qui sont tombées nous empêche d'apprécier le moindre volume de la surface originelle sur laquelle les figures furent ou purent être exécutées. Ces vestiges nous apparaissent ainsi comme les reliefs issus des nombreuses cassures dont le support a souffert. À l'extrémité droite, juste avant que la paroi rencontre le support, A. Leroi-Gourhan devine une tête sculptée “qui n'est ni de cheval ni de bison, et qui peut être interprétée comme un carnassier “(Leroi-Gourhan 1965 - p. 288), dont il ne livre malheureusement aucun relevé ni aucun cliché. Cette lecture est reprise par A. Roussot qui la nuance néanmoins en ne se prononçant pas sur la nature de l'animal figuré (Roussot 1984). Une protubérance de la paroi adopte, en effet, la forme d'une tête animale de profil gauche, depuis le haut du contour céphalique jusqu' à la mandibule (fig. 17). La morphologie du chanfrein doté d'un stop accusé et du museau pointu suggèrerait la représentation d'un ours, détermination généralement admise pour cette sculpture. Une observation minutieuse de la paroi ne révèle cependant aucun élément anthropique paléolithique (fig. 18). Le relief a, en revanche, été détouré au doigt, ces tracés ayant créé “un sillon assez large et arrondi “(Roussot 1984 - p. 224) par lequel A. Roussot avait également conclu à la réalité de cette sculpture. La figure n'existe qu' à travers ces lissages. A nouveau, aucun volume anthropique n'a pu être discerné. Ce gros relief très tourmenté, né de la desquamation de la paroi, indique uniquement la puissance de l'érosion à l'abri Reverdit, qui a ici creusé la surface sur plusieurs centimètres. La prospection que nous avons menée sur les parois de l'abri dans le cadre de cette campagne de relevé pariétal nous a amené à découvrir une nouvelle sculpture dans la zone située à gauche de la diaclase (et de la zone ornée), jusqu'alors considérée comme dépourvue d' œuvres. Notre attention s'est tout d'abord portée sur un anneau, perforé dans une concrétion à l'entrée de la diaclase, sur son pan gauche (fig. 19). Aucun n'avait été jusqu' à présent signalé sur la paroi, bien que les blocs en fournissent de nombreux exemplaires. Sachant par expérience que ces éléments peuvent être directement associés à des sculptures (Roc-aux-Sorciers, Cap-Blanc), nous avons donc ouvert notre champ d'observation et constaté que cet anneau se trouvait en effet sur le cou d'un animal très altéré (fig. 19). La figure se trouve sur un support naturellement bien délimité : à gauche par le coude que fait la paroi qui change à cet endroit d'orientation, à droite par une grosse convexité qui marque le resserrement de la diaclase, en haut par le surplomb rocheux et, en bas par un ressaut horizontal de la paroi qui s'incurve alors qu'elle entre dans sa partie basse. Elle s'inscrit ainsi dans un cadre rectangulaire, dans un registre légèrement plus bas que celui de la frise. Cette zone de la paroi est très abîmée. Sa surface est très accidentée. Elle est creusée de multiples écailles dont deux particulièrement larges et profondes, ont respectivement emporté l'extrémité gauche du panneau et un grand morceau de sa partie inférieure (fig. 19 et 20). Un gros volume allongé sub-horizontal fait saillie dans la partie médiane. La surface est, de plus, tourmentée par des concrétions qui recèlent anfractuosités et autres trous, et qui renforcent l'aspect très irrégulier du support, surtout dans sa moitié supérieure. Les végétaux profitent de la lumière offerte par la porte pour proliférer dans le fond de ces concavités. Bien que très développé dans la partie gauche et dans la partie supérieure, le mondmilch disparaît complètement au centre et dans le quart inférieur droit. Ce secteur semble pourtant n'avoir bénéficié d'aucun nettoyage, du moins d'aucun brossage. Il comporte de grandes plages de sédiment qui lui donnent une coloration ocrée. Trois impacts francs d'outils métalliques assez fins tranchent le support, venant soutenir les placages de terre dans l'hypothèse d'un recouvrement du panneau par le dépôt sédimentaire. La sculpture, très dégradée, occupe toute la longueur du panneau (fig. 20). Se distinguent clairement le cou sur lequel a été perforé l'anneau et une tête longue et fine, au chanfrein droit, au museau allongé et à la mandibule modelée; aucun détail interne ne se devine. Le relief du poitrail se dessine, prolongé par le contour nettement abaissé d'une patte antérieure projetée en avant. En arrière de ce membre, un volume allongé, parallèle et dans des dimensions similaires indiquerait-il la seconde patte antérieure ? Le reste du corps est très évanescent. Sa masse est donnée par le volume qui scinde le panneau. Tout l'arrière-train et la moitié inférieure ont été détruits par l'écaillage. Même la ligne cervico-dorsale est amputée de gros enlèvements qui ont certainement modifié légèrement son tracé. Dans son extension actuelle, la figure mesure 83 cm de longueur pour une hauteur de 50 cm, soit des dimensions assez proches de celles des bas-reliefs de la frise. Sa nature n'est pas si évidente au regard de son altération. Néanmoins, la morphologie de la tête dépourvue d'appendices frontaux, portée au-dessus de la ligne cervico-dorsale et le cou long mais épais évoquent le cheval. La sculpture est un bas-relief dont le volume varie entre 2,5 cm pour la tête et 7 cm pour le flanc. L'épaisseur originelle est difficile à déterminer, le relief de la tête étant sûrement diminué par l'érosion tandis que le flanc peut avoir été exhaussé par des concrétions. La technique de mise en relief diffère de celles décrites pour les œuvres précédentes : le dégagement est ici assez étroit et n'a pas profondément attaqué le support (fig. 19 et 20). Le piquetage ayant servi à mettre en forme la figure se lit encore très bien autour de la tête et le long de la patte antérieure (fig. 20). En avant de la sculpture, au niveau de sa patte antérieure, deux lignes parallèles et superposées de cupules entament la paroi (fig. 19 et 20). Les cupules jointives et calibrées ne laissent planer aucun doute quant à leur origine anthropique. L'état de conservation très dégradé de la frise incite à prendre du recul vis-à-vis des interprétations émises jusqu' à présent. La première tête de cheval et le troisième bison décrits par F. Delage et H. Breuil nous semblent sur-interprétés. De même, la tête de carnassier évoquée par A. Leroi-Gourhan nous apparaît être un leurre de la paroi. Cette étude accompagnée de campagnes de relevés confirme les trois sculptures principales (cheval, bison, bison) et propose de nouvelles lectures. Une prospection plus élargie de la paroi est également venue enrichir la frise d'une œuvre inédite (cheval ?) et, associé à cette sculpture, du premier anneau en place sur la paroi. Quatre unités graphiques ont ainsi été mises en avant : deux chevaux dont l'un reste hypothétique et deux bisons, de tailles comparables, tous de profil droit, se dirigeant vers l'aval en direction de la Vézère. Ces figures forment véritablement un ensemble structuré, une composition : une frise. Elles sont alignées sur une même horizontale et se situent toutes à proximité immédiate les unes des autres sans se chevaucher, à l'exception de la première sculpture (cheval ?) séparée des autres par la diaclase. Elles se sont d'ailleurs certainement appuyées sur la ligne de sol fictive que créait le rebord inférieur de la paroi, à la manière de la première figure. Cette homogénéité graphique est enfin renforcée par l'emploi du bas-relief. Deux d'entre elles montrent des phénomènes de retailles : d'anciennes figures sont reprises, intégrées, modifiées et partiellement effacées dans la réalisation de nouvelles œuvres. Le deuxième cheval a ainsi probablement été exécuté aux dépens d'un bison. Le deuxième bison est taillé dans le volume d'une sculpture antérieure, possiblement un bison. Ce sont donc six sculptures qui ont été reconnues dans l'abri Reverdit, avec comme thématiques exclusives le cheval et le bison. L'observation minutieuse de la paroi a permis de préciser la composition de la frise. Elle a amené de nouveaux éléments quant à la chronologie des faits pariétaux, en révélant au moins trois moments d'intervention. Un premier décor, très vestigiel actuellement, dont ne subsistent que deux sculptures très fragmentaires de bisons, aurait cédé la place à un second, composé de bas-reliefs imposants reproduisant chevaux et bisons. A l'exception du premier cheval, les autres figures témoignent d'une technique singulière, avec un dégagement large et surtout profond, notamment pour les bisons dont la partie basse est surcreusée, le dégagement s'atténuant dans la partie haute du contour. Dans un troisième temps, le premier bison est retouché, sa tête supprimée. La frise paraît dès lors avoir été laissée à l'abandon, pourtant inachevée puisque aucun des bas-reliefs n'est terminé. Il est, pour le moment, impossible d'estimer le laps de temps écoulé entre chacune de ces trois phases de décor. La frise montre de profondes analogies avec celle de Cap-Blanc (Marquay, Dordogne), autre abri orné distant de quelques kilomètres. La technique de mise en relief si particulière de Reverdit est uniquement connue sur les bas-reliefs monumentaux, très épais, du Cap-Blanc où le support est évidé sur plusieurs dizaines de centimètres (Roussot 1972). Ces similitudes concernent également la composition. Le deuxième cheval s'apparente étroitement au cheval n° 2 de Cap-Blanc (fig. 13) : tous deux seraient issus d'une retaille de bison et montrent des formes semblables, avec une silhouette qui a conservé la voussure dorsale du bison et une crinière qui est incorporée au volume du cou sans être individualisée. Les rapprochements formels ne peuvent aller plus loin en raison de l'altération des parois de Reverdit. Le premier cheval diffère en revanche. Par sa technique comme par sa morphologie, il rappelle plus les chevaux de l'abri Bourdois au Roc-aux-Sorciers, abri orné au Magdalénien moyen, éloigné de près de 200 kilomètres, en particulier la finesse et le modelé de sa tête (fig. 21). Ses deux influences distinctes sont-elles à rapprocher des deux niveaux d'occupation mis au jour par F. Delage lors de ses fouilles ? Si l'incertitude plane quant à l'attribution chronologique des œuvres pariétales de Cap-Blanc, celle de la frise du Roc-aux-Sorciers est, en revanche, mieux connue : un millénaire d'occupation entre 15 000 et 14 000 BP (Pinçon, Iakovleva 1997). À côté de ces analogies, l'art pariétal de Reverdit affiche aussi des conventions graphiques propres. Les “hyper-bisons “(Paillet 1999 - p. 181) exhibent un traitement spécifique avec leur voussure dorsale hypertrophiée de forme carrée. Seule une lecture très partielle de l' œuvre originale nous est offerte. D'autres œuvres ont ainsi certainement été détruites, effacées par l'érosion, tant dans le fond de l'abri que sur le plafond. La voûte est, en effet, largement effondrée; seuls deux mètres environ d'avancée ont été conservés. L'avancée originelle reste difficile à déterminer en raison de l'ancienneté des fouilles et du manque de données (notamment de la répartition spatiale des blocs). Cependant, en nous fondant sur la coupe stratigraphique est-ouest de F. Delage (fig. 2), nous pouvons l'estimer à sept mètres environ, soit un abri assez profond. F. Delage évoquait l'hypothèse d'une frise sculptée et peinte, ayant mis au jour dans les niveaux archéologiques “plusieurs morceaux de calcaire portant des vestiges de couleur : manganèse, et surtout ocre rouge “(Delage 1935 - p. 314). Nous n'avons observé aucun reliquat de peinture, ce qui n'est guère étonnant étant donnés les nettoyages dont la paroi a fait l'objet. Un examen minutieux du support à l'aide de lampes UV et IR serait indispensable. Il est également possible qu'une partie de l'art pariétal de Reverdit ne soit plus accessible, masquée par le remplissage sédimentaire. L'abri est limité sur sa gauche par un cône d'éboulis. Or, la présence de niveaux archéologiques en place dans la coupe stratigraphique reprise par D. Robin et A. Roussot, sous un important éboulis de blocs, atteste que l'occupation du site se poursuit en amont. En outre, l'abri Second des Roches (autrement appelé Reverdit II) s'ouvre à quelques mètres. Seul un sondage y a été pratiqué par A. Reverdit pour lequel le matériel récolté est similaire à celui de l'abri Reverdit (Reverdit 1882). L'abri Second des Roches pourrait ainsi constituer l'extension de l'abri Reverdit. L'étude des blocs ornés devrait venir compléter cette vision de l'art pariétal de l'abri Reverdit. L'analyse du matériel archéologique serait nécessaire à une caractérisation chronologique et géographique plus poussée du gisement. Rappelons que F. Delage avait arbitrairement regroupé le matériel de chacun des niveaux archéologiques en un seul lot et que ces artefacts n'ont, à notre connaissance, jamais fait l'objet d'étude en dehors de celle de D. de Sonneville-Bordes sur l'industrie lithique dans les années 1950. Or, l'homogénéité supposée du site est remise en question par les sculptures. Peut-être cette reprise du matériel permettrait -t-elle aussi d'affiner la chronologie des œuvres. Elle pourrait, en outre, préciser les liens entrevus avec d'autres abris-sous-roche ornés de la même période. Elle s'avère essentielle à notre connaissance et à notre perception des occupants-artistes magdaléniens de l'abri Reverdit dont notre étude ne constitue que la première étape . | Dans le cadre de notre doctorat, nous avons réalisé en 2007 le relevé analytique de la frise sculptée de l'abri Reverdit (Sergeac, Dordogne), abri-sous-roche occupé et orné au Magdalénien moyen. L'art pariétal de cet abri, peu étudié jusqu'ici, a donné lieu à des interprétations diverses, voire contradictoires tant dans le nombre que dans la nature des sujets (Delage 1935 ; Laming-Emperaire 1962 ; Leroi-Gourhan 1965 ; Roussot 1984). Il a, en effet, subi de multiples et profondes dégradations qui rendent son déchiffrement particulièrement complexe. Notre intervention visait à discerner et à comprendre la nature des oeuvres paléolithiques en tenant compte des facteurs d'altérations (naturels, anthropiques) du support. Cette analyse met en avant quatre sculptures principales, regroupées en frise. Elle reconnaît la réalité des trois entités graphiques (cheval, bison, bison) admises par tous, et en donne cependant des lectures nouvelles. Elle révèle également une oeuvre inédite (cheval ?) sur un autre panneau à proximité des autres représentations. Deux de ces bas-reliefs montreraient des phénomènes de retailles de sculptures de bisons antérieures. Trois moments d'intervention sur la frise ont été repérés: aux premiers bisons très vestigiels font suite les imposants bas-reliefs de chevaux et de bisons, très épais. Puis, l'un des bisons est retouché. La frise reste inachevée. Le registre rencontré est uniquement sculpté: aucune gravure ni trace de peinture n'a pu être isolée. Des liens se manifestent avec d'autres abris ornés de la même période. Les oeuvres de l'abri Reverdit montrent de profondes similitudes (technique de mise en relief, composition) avec les sculptures du Cap-Blanc (Marquay, Dordogne), distant de quelques kilomètres. Des rapprochements plus ténus apparaissent aussi avec le Roc-aux-Sorciers (Angles-sur-l'Anglin, Vienne), nettement plus éloigné. Reverdit garde néanmoins une identité propre, notamment dans le traitement formel de ses bisons. | archeologie_10-0039798_tei_204.xml |
termith-126-archeologie | En présence d'un menhir, d'un dolmen, d'un monument « mégalithique » quel qu'il soit, le touriste intrigué se demande volontiers comment l'architecte néolithique, considéré comme « primitif », pouvait faire ériger des blocs aussi énormes. À la limite, certains vont jusqu' à imaginer des sortes de sauvages hirsutes assistés - sinon supplantés par quelque Extraterrestre. .. Excluant a priori pareilles extravagances, il faut bien reconnaître que les témoignages archéologiques concernant la construction des mégalithes sont des plus maigres, sauf en ce qui concerne la façon de se procurer les pierres qui les constituent. Des carrières ont été retrouvées, notamment à Bougon dans les Deux-Sèvres (Mohen 1989), où se trouvaient encore des pics en bois de cerf ayant pu servir à attaquer les fissures de la roche, ou à en élargir les plans de stratification. L'utilisation expérimentale de pics, réalisés dans un même matériau, a montré que cette hypothèse était probable, d'autant que les outils expérimentaux présentèrent des traces d'utilisation de même nature et de même localisation que leurs homologues archéologiques. Sans doute fallait-il, pour atteindre une efficacité maximale, une connaissance approfondie du grain de la pierre, et plus généralement des particularités de la roche envisagée. © D. Jagu Trouvés également sur les lieux, des percuteurs en chaille ou en silex ont pu servir à enfoncer les pics dans la roche, ou à la mettre en forme par « bouchardage ». Cette technique consiste à frapper à petits coups la surface qu'on veut modifier, pour en détacher peu à peu de la poussière ou de menus éclats. À condition de disposer du temps nécessaire, on arrive ainsi à façonner les roches les plus dures, voire à les détacher de leur carrière originelle. Pareille technique, qui laisse sur les surfaces traitées des traces reconnaissables, est attestée aussi bien dans l' Égypte antique et à l' île de Pâques, que dans l'Europe néolithique. Enfin à Bougon une omoplate d'aurochs, ailleurs des omoplates de bœuf, servaient apparemment de pelles pour l'enlèvement des déblais. La façon dont les pierres étaient véhiculées depuis leur lieu d'extraction n'a laissé, par contre, à peu près aucune trace archéologique. Le paysage à travers lequel se fit ce transport a changé plusieurs fois depuis les quelque cinq ou six mille ans qui nous séparent de ces opérations architecturales, et il n'en a donc gardé aucun témoignage. L'érection d'une dalle nécessitait probablement des échafaudages, mais leurs auteurs n'avaient aucune raison de les conserver, et de toute façon le bois sans doute utilisé à cet effet n'aurait pas subsisté. On note souvent la dissymétrie du trou d'implantation : un menhir ne se fichait pas dans le sol comme une météorite. Il était, selon toute apparence, amené en position horizontale, puis peu à peu relevé. On s'en serait douté. Dans un cas au moins, à Sainte-Pallaye dans l'Yonne, il restait trace de madriers horizontaux ayant supporté, avant son érection, les cinq tonnes d'une dalle; ils auraient été progressivement détruits par le feu afin de faciliter le basculement de cette grosse pierre (Carré 1963). Sevré de documentation archéologique, on est donc réduit à des comparaisons et à des simulations. Guère plus récentes que nos érections néolithiques, des gravures égyptiennes ou mésopotamiennes montrent les techniques employées alors en Orient. On voit, par exemple, un gigantesque monolithe solidement arrimé à une sorte de traîneau de bois auquel sont fixées des cordes. Sous la direction d'un personnage installé sur le traîneau, beaucoup d'hommes tirent sur ces cordes (peu importe leur nombre : il dépend surtout des dimensions de la gravure). Autour d'eux s'activent des porteurs d'eau qui viennent mouiller le sol devant le traîneau, des musiciens appelés à rythmer et à coordonner l'effort, des porteurs de fouets chargés sans doute de rappeler aux participants les inconvénients de la paresse. Pour nous modernes, ils rappellent surtout à quel genre de société nous avons affaire. Dans cet Orient classique où naît l' État, la paysannerie est déjà serve : convoquée après la moisson pour servir le roi, elle n'attend de lui que le pain quotidien pendant la durée des travaux. Rien n'oblige à penser qu'il en était de même dans notre Occident néolithique où d'autres indices suggèrent au contraire une hiérarchie sociale encore discrète : la présence des « pères fouettards » n'y est donc point assurée. L'importance de la main-d'œuvre n'implique pas nécessairement une très grande dimension des collectivités locales : comme autrefois d'une ferme à l'autre en temps de battage, ou d'un village à l'autre, on pouvait s'entraider, à charge de revanche, naturellement. D'aussi grandes réunions n'allaient sans doute pas sans festivités, sans dépenses d'alimentation pour le moins. La communauté demanderesse (ou l'autorité responsable) ne pouvait guère se dispenser de nourrir ses invités, et y voyait même sans doute une source supplémentaire de prestige, dans la mesure où la quantité de nourriture, mesure de l'abondance de la main-d'œuvre, était elle -même un reflet de l'immensité de la tâche envisagée. Un fait divers survenu à Paris en 1818 vient compléter ces observations historiques : le transport de la statue d'Henri iv jusqu'au square du Vert-Galant. Fondue aux dépens de plusieurs statues ayant représenté notamment « l'usurpateur » déchu, Napoléon, elle n'atteignait pas moins de vingt-cinq tonnes; et même quarante si l'on ajoute son traîneau et son dispositif de protection. Pour la remorquer on avait prévu dix-huit paires de bœufs. L'affaire faillit pourtant mal tourner car, s'il est difficile de mettre en mouvement une lourde charge, il n'est guère plus facile de l'arrêter une fois lancée lorsqu'elle prend une mauvaise direction. Cette lourde masse allait verser, quand la foule des badauds, s'emparant des cordes, procéda avec succès au remorquage. La popularité d'Henri IV y était-elle pour uelque chose ? Aurait-on obtenu le même résultat s'il s'était agi de Louis xviii ou même de Louis xiv ? Toujours est-il que la foule manifestait, paraît-il, un certain enthousiasme (Lafolie 1819). Cet exemple montre qu'il importe de pouvoir s'adapter sans délai à des situations susceptibles de changer brusquement, ce qui met en lumière l'intérêt de la main-d'œuvre humaine, de préférence à la traction animale. Des observations ethnologiques permettent de compléter ces exemples, et aussi de mettre en avant d'autres possibilités. Comme dans l' Égypte antique, l'usage du traîneau est attesté en divers endroits : à Madagascar, par exemple, au siècle dernier (Joussaume et Raharijaona 1985). On sait qu'il fallait alors régulariser le sol sur le parcours prévu, ce qui semble avoir été le cas dans certains de nos sites néolithiques européens. Utilisée en Asie du Sud-est, la technique du panglong permet le transport de billots pouvant peser plusieurs tonnes (Garfitt 1979). On dispose, côte à côte, sur la longueur du parcours prévu, deux lignes parallèles de troncs d'arbres sommairement ébranchés, dont la surface supérieure a été aplanie. Des traverses, assemblées à mi-bois, reposent sans faire de saillie sur ces rails. Fixé à une sorte de traîneau en bois dur, le bloc à déplacer peut être halé avec, paraît-il, peu d'effort, surtout si l'on enduit de graisse la surface supérieure du panglong. Ce dispositif est réutilisable, avantage appréciable s'il dessert une carrière susceptible de fournir plusieurs blocs. Un autre procédé, observé en 1991 par Anne Debut dans l' île indonésienne de Sumba, consiste simplement à porter la pierre à dos d'hommes, à l'aide d'un système de cordes et de perches. D'après ce témoignage il fallait dix-neuf hommes pour environ une tonne (communication personnelle). Il est à noter que, pour des poids plus élevés, les habitants de Sumba connaissent aussi l'usage du traîneau : il y est attesté il y a un quart de siècle pour une dalle de onze tonnes, déplacée sur trois kilomètres; on avait utilisé à cet effet les efforts de 552 personnes (Heizer 1966). Parallèlement à ces exemples historiques ou ethnologiques ont été tentées des simulations. On peut sans doute assimiler à une simulation une observation réalisée pendant la Première Guerre mondiale par un préhistorien allemand, le professeur Jacob-Friesen. Alors commandant d'artillerie, il avait à faire transporter des canons lourds en terrain difficile. Pendant l'hiver, quand la terre était durcie par le gel, il réussissait en trois jours ce qui lui aurait demandé, écrit-il, quatre semaines en été. Appliquant cette observation au transport des mégalithes, il pensait que cette opération aurait grandement profité des conditions hivernales, saison pendant laquelle, précisément, les paysans sont libérés des travaux des champs. Dans un tel contexte, de simples leviers auraient alors suffi à déplacer une grosse pierre par très courtes distances, en un cheminement qu'on pourrait assimiler à des sauts de puce. Intéressante, cette idée n'est pas envisageable sous tous les climats; ne serait -ce qu'au Portugal dont les dolmens comptent parmi les plus anciens d'Europe. Des expériences à base de traîneaux ont été réalisées à plusieurs reprises et dans divers endroits : dans l' île de Pâques par exemple (Heyerdahl 1958); dans les environs de Stonehenge en Angleterre, où l'essai fut complété par la traversée d'un cours d'eau sur une sorte de radeau (Atkinson 1956). L'expérience la plus notoire, tant par la masse du monolithe en jeu que par la technique et le type de main-d'œuvre utilisés, est celle que réalisa Jean-Pierre Mohen en 1979 à Bougon dans les Deux-Sèvres. Appliquant une suggestion émise dès le siècle dernier par le roi archéologue Frédéric vii de Danemark, il fit construire, en utilisant à cette fin des haches polies, une sorte de chemin de halage semblable à un panglong dont les traverses auraient été remplacées par des troncs d'arbres de section circulaire servant de rouleaux. À l'aide de cordes d'une technologie également néolithique, l'archéologue réussit ainsi, avec l'aide d'environ 200 habitants d'un village voisin, à déplacer une masse de béton pesant trente-deux tonnes. Les troncs libérés à l'arrière par le mouvement du bloc étaient replacés à l'avant; quand le bloc tendait à dévier de sa course, de simples leviers suffisaient à le remettre dans le droit chemin. L'un des enseignements les plus intéressants de cette expérience est l'espèce d'atmosphère ludique dans laquelle elle s'est passée, le plaisir de réaliser ensemble une action sortant de l'ordinaire (Mohen 1989 : 176 sq.). À mes yeux, l'aspect le plus instructif de ces tentatives est le contraste entre leur diversité. .. et leur même succès. Somme toute, on peut s'y prendre comme on veut : dès qu'on est capable de réunir un ssez grand nombre d'hommes (d'hommes, non d'animaux de trait, trop peu maniables), et qu'on a une idée claire de ce qu'on veut réaliser, cela marche. La même constatation peut être faite à propos du relèvement des blocs tombés : que ce soit à l'aide de leviers permettant de glisser sous la pierre des petits cailloux, comme le fit Thor Heyerdahl dans l' île de Pâques (1958), ou par divers types d'assemblages de madriers permettant, grâce à des cordes, de modifier la direction des forces appliquées au monolithe (Coles 1973), celui -ci finit toujours par se redresser. Ajoutons que nos ancêtres néolithiques disposaient à coup sûr de traditions et de tours de main leur facilitant la tâche. Chacun des exemples précités ne saurait donc être qu'une suggestion, dont la réalité pouvait d'autant plus s'écarter que les conditions étaient plus variables. L'emploi du panglong en Asie, celui de rondins à Bougon, ne sont attestés que pour des masses ne dépassant pas quelques dizaines de tonnes. On peut douter nous le verrons plus loin, qu'ils aient été bien adaptés à des charges beaucoup plus importantes. Or une dalle de « La Cueva de Menga » à Antequera en Andalousie pesait quelque 180 tonnes; le grand menhir brisé « Men er Hroek » de Locmariaquer dans le Morbihan atteignait près de 350 tonnes. Reste alors le traîneau dont l'expérience montre qu'il peut supporter plusieurs centaines de tonnes. La mise en place des dalles de couverture sur des piliers verticaux pose des problèmes un peu différents. On pouvait, par exemple, remorquer la dalle le long d'un plan incliné réalisé à cet effet, procédé attesté tant dans l' Égypte ancienne qu' à Sumba en 1966. Dans notre Néolithique européen, un tel plan incliné aurait pu constituer déjà une partie du tumulus destiné plus tard à enrober le dolmen. Une variante de ce procédé, d'une étonnante économie de moyens, a été imaginée en Tchécoslovaquie en 1991. La petite ville de Strakonice ayant décidé de s'offrir une réplique en béton d'un des trilithes de Stonehenge, utilisa délibérément à cet effet des moyens à la portée d'une population néolithique. Sous la direction du professeur Pavel fut construit un plan incliné qui n'était formé que de deux troncs de chêne, longs de dix mètres, soigneusement écorcés et enduits de graisse; leur extrémité supérieure reposait à 3 mètres 90 de hauteur, sur les sommets des orthostates préalablement érigés. Pour remorquer, sur cette pente de quelque 25 degrés un linteau qui pesait plus de cinq tonnes, des cordes le reliaient, par-delà les orthostates, à deux leviers également en chêne, longs de 4 mètres 50 pour un diamètre de 25 centimètres. Grâce à ce procédé renouvelé d'Archimède, dix hommes seulement, pas un de plus, réussirent ainsi à hisser le linteau et à l'installer sur son emplacement définitif. Sans plan incliné et de façon plus rustique, J.-P. Mohen utilisa pour un projet analogue un édifice formé de barres de bois posées à angle droit les unes sur les autres. On soulevait à l'aide de leviers, tour à tour, chacune des extrémités du bloc qu'on voulait hisser; on glissait sous elles d'abord des cales, puis des barres supplémentaires. En pareil cas, la mise en place des orthostates aurait donc pu être réalisée après l'arrivée sur les lieux de la dalle de couverture, à travers la charpente qui l'aurait soutenue. .. À ma connaissance, personne n'a essayé. Si la fouille est peu loquace sur la façon de construire les monuments mégalithiques, elle fournit en revanche des indications sur les sociétés qui s'exprimaient à travers leur érection. Ces lourdes pierres furent mises en place avec une certaine économie de moyens. Un menhir n'est guère enfoncé dans le sol de plus du cinquième de sa hauteur. Il est solidement maintenu par des « blocs de calage » qui prennent appui à la fois sur sa surface et sur les parois de la fosse dans laquelle il est implanté, système qui permet au mégalithe d'affronter les millénaires. Dans beaucoup de dolmens et d'allées couvertes, des piliers verticaux, dits « orthostates », furent trouvés en position oblique. Que cette disposition ait été ou non voulue par le constructeur, force est de constater qu'elle résista pendant bien des siècles aux sollicitations de la gravité. Certains nivellements paraissent avoir été de bonne qualité. À Méréaucourt (Somme), dans une allée couverte dont nous reparlerons, la surface supérieure d'une couche de condamnation est tout à fait horizontale, alors que celle du sol environnant est déclive. Un autre exemple est fourni par des monuments dont la couverture mégalithique est composée d'énormes dalles qui reposent sur des murettes en pierres sèches : ce résultat suppose une bonne horizontalité de la surface supérieure des murettes. Il serait vain d'espérer retrouver les instruments dont se servaient à cet effet les Néolithiques. Pour les besoins du nivellement, l'Antiquité classique utilisait de longues planches soigneusement aplanies sur lesquelles on versait de l'eau; quand celle -ci ne coulait plus d'aucun côté, on savait que l'horizontalité était atteinte. Si rustique soit-il, cet instrument suffisait aux exigences, pourtant rigoureuses, de l'édification des aqueducs; sans doute fallait-il un entraînement qui ne s'acquérait pas en un jour. Peut-être peut-on créditer les Néolithiques d'un outillage comparable. De toute façon, on ne saurait douter que l'érection d'un monument mégalithique n'ait exigé une autorité, politique ou religieuse, capable d'assurer la coordination nécessaire. Elle suppose aussi la présence d'experts, dépositaires des traditions techniques : un architecte qui sache maîtriser le transport de lourdes pierres et pour qui leur mise en place n'eût point trop de secrets; sans doute aussi des cordiers, des charpentiers, des géomètres peut-être, voire des musiciens. La société qu'évoque la présence de tous ces techniciens n'est pas des plus simples. Ces hypothèses en recoupent d'autres faites à partir d'observations réalisées sur des squelettes de la même époque. L'existence de trépanations réussies, même dans des parties de la boîte crânienne où ce genre d'opérations est connu comme particulièrement délicat, indique que ces antiques communautés rurales n'étaient pas exclusivement agraires, et qu'elles incluaient aussi des spécialistes de bon niveau. Peu prolixe sur la façon dont étaient érigés les monuments mégalithiques, la fouille se montre plus loquace en ce qui concerne leur destruction. La plupart d'entre eux furent en effet trouvés ruinés, leurs orthostates renversés, leurs tables effondrées ou manquantes, leurs tumulus disparus. Il était autrefois d'usage d'attribuer ces dégradations aux outrages du temps, à une maladresse éventuelle des constructeurs de mégalithes, à l'action d'une Église médiévale soucieuse d'extirper les dernières traces du paganisme, à des prélèvements opérés en vue d'empierrer les routes ou d'édifier à bon compte les habitations du voisinage. Sans sous-estimer l'importance de ces derniers types de destruction, mettons hors de cause les architectes néolithiques : les fouilles les plus récentes ont clairement fait apparaître leur compétence. Elles ont montré surtout qu'une partie des dégradations les plus anciennes étaient tout à fait intentionnelles. À la Chaussée-Tirancourt (Somme), nous sommes en présence d'un monument mégalithique érigé au fond d'une fosse : une sorte d'allée couverte dépourvue de couverture, dont les orthostates les plus grands n'atteignent pas le niveau du sol environnant. On peut voir sur le plan qu'il manque deux orthostates dans la zone d'entrée (figure 1). La fouille a montré que ceux -ci avaient jadis été présents : à leur emplacement, la craie picarde était entaillée et présentait des traces d'écrasement; par ailleurs il s'y trouvait encore en place un fragment d'orthostate ainsi que quelques blocs de calage. L'une de ces empreintes était fossilisée sous deux couches d'inhumations indubitablement néolithiques. L'extraction de l'orthostate correspondant datait donc, sinon des touts débuts, du moins d'une époque ancienne de l'utilisation du monument (Leclerc et Masset 1980). Des constatations de même ordre ont été effectuées par Henri Duday lors de la fouille du dolmen de Villedubert dans l'Aude (inédit). Après une première période dans l'utilisation funéraire de ce sépulcre, des orthostates en furent extraits, d'autres y furent brisés; une partie des débris servit de plancher pour une nouvelle période sépulcrale. Si le caractère délibéré d'une dégradation est évident dans le cas d'une extraction d'orthostate, en est-il de même quand un pareil bloc est trouvé simplement basculé ? la fouille d'une autre allée couverte dans la Somme permet de répondre affirmativement. À Méréaucourt, sur les os d'un premier niveau d'inhumations (couche V) fut déposée une mince couche de terre et de cailloux (couche IV), sur laquelle bascula un orthostate. Les inégalités de sa surface vinrent s'imprimer sur la couche IV, et même à travers elle sur le sommet de la couche V. Ce bloc servit ensuite de limite aux inhumations de la couche III. Suggéré par la chronologie, le caractère intentionnel de cette chute est confirmé par la technique qu'ont employée pour ce faire les Préhistoriques. Erigé au fond d'une petite fosse, sorte de « rail d'implantation », un orthostate tient debout, nous l'avons vu, par le jeu d'éléments plus petits, blocs de calage, qui le coincent solidement. À Méréaucourt, du côté où avait basculé cet orthostate, il n'y avait pas, il n'y avait plus de blocs de calage : ils avaient été enlevés avant l'arrivée de la couche III, plus précisément alors que les Néolithiques mettaient en place la couche IV. À Guiry-en-Vexin (Val d'Oise), l'allée couverte de « La Ferme Duport » est en partie hypogée : l'extrémité la plus éloignée de l'entrée se trouve, sur une longueur de plusieurs mètres, creusée dans la roche. On y a constaté que la couverture ainsi constituée s'effondra un beau jour, entraînant dans sa chute les orthostates du fond, sans interrompre pour autant la succession des inhumations. Les orthostates de la zone d'entrée s'effondrèrent d'ailleurs aussi, à une époque indéterminée, sans que s'interrompe non plus la succession des inhumations (Peek 1975 : 86-87). Si ces phénomènes n'avaient été que de simples accidents, on ne pourrait qu'admirer le courage des fossoyeurs qui fréquentaient sans faiblir un monument manifestement des plus dangereux ! Je serais plutôt tenté d'y voir des déprédations volontaires, semblables à celles observées dans les monuments précités. La publication définitive de la fouille de « La Ferme Duport » permettra peut-être de mettre en relations ces accidents, que je crois intentionnels, avec des variations dans la stratigraphie, et peut-être de préciser la technique employée à cette fin par les Néolithiques. Nous pouvons donc observer ces gestes de destruction partielle alors que se poursuivait l'utilisation du monument : le basculement d'un orthostate jouait apparemment, à moindre frais, le même rôle qu'une extraction. Cette technique a pu être générale et serait alors une des causes de l'état misérable dans lequel ont été trouvés tant de dolmens. Si nous ne sommes pas en mesure de retrouver tout le sens de ces déprédations, nous pouvons toutefois constater, chaque fois qu'a été suffisante la précision de la fouille, qu'elles sont liées au passage d'une phase d'utilisation à une autre. Les destructions intervenant en fin d'utilisation bouleversent de larges surfaces. Dans un petit nombre de cas leur caractère néolithique a pu également être mis en évidence. L'exemple de la Chaussée-Tirancourt est particulièrement démonstratif. Après le dépôt du dernier corps, une couche de limon mêlée de pierres vint uniformément recouvrir le monument et ses abords, laissant toutefois dépasser le sommet des orthostates. Un certain temps s'écoula. Un jour, vers 1800 av. J.-C., vinrent des gens qui, autour de chaque orthostate creusèrent des fosses et allumèrent de grands feux. Sous l'effet de la chaleur, le grès landénien éclata en milliers d'écailles brûlées, retrouvées sur les lieux. La plupart des orthostates perdirent alors leurs sommets. Le caractère préhistorique de cette opération est attesté non seulement par le radiocarbone, mais aussi par la présence de percuteurs en silex mêlés aux éclats de grès. La technique utilisée n'est pas connue dans le détail. Les Préhistoriques ont pu jouer sur les différences de température entre les deux extrémités d'un même bloc de grès. Une expérience, réalisée en 1974 à la Chaussée-Tirancourt par Philippe Andrieux, a montré qu'un feu très vif attisé par un courant d'air bien dirigé, pouvait casser un bloc de grès landénien de cinquante kilos, à condition que la chaleur n'affecte qu'une seule extrémité du bloc. C'est pourtant autour de chaque orthostate que s'observent les traces d'incendies préhistoriques. Il y a bientôt trois siècles, J. Aubrey décrivait la façon dont des paysans détruisaient par le feu les énormes menhirs de grès du grand cromlech d'Avebury dans le Wiltshire (cité par Burl 1979 : 44). Après avoir renversé un de ces blocs, ils allumaient un grand feu le long de la future ligne de fracture. Une fois atteinte la température voulue, ils arrosaient le menhir d'eau froide et aussitôt après frappaient l'emplacement désiré d'un coup de marteau. Si intéressantes que soient ces expériences, elles s'appliquent mal à la Chaussée-Tirancourt où les écailles du grès avaient perdu toute qualité mécanique : on peut les casser entre les doigts. Plutôt qu' à une récupération de matière première, comme à Avebury s'agissait-il seulement de diminuer artificiellement la hauteur des orthostates, afin de pouvoir inhumer le monument dans sa totalité et de récupérer ensuite, à des fins agricoles, la surface occupée ? L'exemple de Méréaucourt, distant seulement d'une trentaine de kilomètres, incite à exclure cette dernière hypothèse. Là aussi le monument fut presque entièrement réenfoui, mais par un ensemble de dalles et de rognons de silex qui en rendait la superficie presque totalement infertile. Nous avons affaire, semble -t-il, à une destruction symbolique. Si le but recherché pouvait être de marquer spectaculairement la fin d'une époque, il paraît avoir été plutôt de soustraire ce qui restait du monument aux regards des hommes. Un geste analogue s'observe à Changé (commune de Saint-Piat), près de Maintenon dans l'Eure-et-Loir, sous une couche de condamnation assimilable à celles de la Chaussée-Tirancourt et de Méréaucourt. Mais ici, nulle trace de feu. Une dalle de couverture y fut cassée en plusieurs morceaux dont l'un, mesurant près de sept mètres carrés, fut transporté à quelques mètres au sud-ouest du monument; la plupart des autres fragments avaient disparu. Un orthostate avait basculé. Les sommets des autres avaient été attaqués à coups de percuteurs; par endroits sont même observées les traces de « boîtes de débitage », procédé employé par les carriers pour briser les pierres. Il consiste à introduire dans des trous relativement peu profonds, mais de forme allongée, des coins de bois bien secs, qu'on fait ensuite gonfler à l'eau. Leur force se révèle souvent suffisante pour déterminer des lignes de fractures, à condition, là encore, de bien connaître le grain de la pierre. L'existence d'anciennes fouilles intempestives empêche d'affiner à coup sûr la position stratigraphique de ces « boîtes de débitage ». Certaines d'entre elles, pourtant, paraissent bien avoir été recouvertes par la couche de condamnation du monument, couche dont le caractère néolithique ne fait aucun doute, quoiqu'elle ait été, hélas, cruellement amputée en 1924. Ajoutons qu'un premier cairn englobant le dolmen avait été entièrement démonté avant la succession de ces diverses opérations (Jagu et Van Vliet 1991). Un autre dolmen de Changé, dit du « Berceau », a gardé sa dalle de couverture, mais celle -ci est fracturée; elle présente des « boîtes de débitage » qu'on ne peut malheureusement pas dater. La fouille a montré qu'un des morceaux de ce bloc énorme, basculé, repose sur le dallage de fond de la chambre funéraire : celle -ci était donc vide quand il est tombé. Encore vide (donc néolithique) ? - Déjà vidée (très soigneusement) ? il n'est pas possible d'en dire davantage; mais l'exemple de son voisin, dont la dalle partit en morceaux au début du quatrième millénaire avant notre ère, suggère là aussi un geste très ancien. Nous n'avons pas à Méréaucourt de trace certaine de telles déprédations intentionnelles. Une des deux dalles de couverture y fut toutefois trouvée brisée en quatre morceaux, restés sur place. Ancienne, sa fracture ne peut malheureusement pas être datée avec quelque précision; la roche est de médiocre qualité et aucune « boîte de débitage » n'a été retrouvée. L'autre dalle, épaisse de près d'un mètre, aurait été difficile à casser; mais elle avait basculé dans la tombe, et cela d'une bien curieuse manière. Débordant largement la paroi méridionale de l'allée couverte, elle n'en atteignait pas la paroi septentrionale (figure 2) ! Selon toute apparence, à une époque qu'il n'est pas possible de déterminer, on l'avait fait riper en direction du sud, jusqu' à ce qu'elle basculât. Il ne s'agit pas ici, non plus qu' à la Chaussée-Tirancourt, de récupérer un matériau convoité, et ce travail a exigé évidemment l'intervention d'un grand nombre d'hommes. On est donc tenté de voir dans ces deux formes différentes de déprédation la manifestation d'une même intention, celle d'abaisser un monument qui ne servait plus pour l'usage funéraire, afin de le soustraire, ainsi que je l'ai suggéré, à l'attention des vivants. Ces gestes de destruction volontaire nous surprennent surtout dans la mesure où ils s'adressent à des monuments mégalithiques, édifices par nature très résistants. Mais il y a sans doute lieu de rapprocher ces dégradations des incendies en fin d'utilisation, bien attestés dans les sépultures collectives non mégalithiques de Grande-Bretagne connues sous le nom de long barrows. Ces monuments étaient des sortes de « maisons des morts » en bois, auxquelles, un beau jour, on mettait le feu. Le fait que leurs décombres étaient par la suite recouverts de plusieurs milliers de tonnes de sédiments, atteste du caractère non accidentel de l'opération. L'exemple de déprédation le plus célèbre et le plus frappant est celui d'un immense menhir orné de gravures qui se dressait jadis, sur quelque quatorze mètres de hauteur, au voisinage du golfe du Morbihan. Il pouvait peser une centaine de tonnes. Un de ses morceaux constitue aujourd'hui la dalle de couverture du dolmen des Marchand à Locmariaquer; un autre recouvre celui de Gavrinis à cinq kilomètres du premier, dans la commune de Larmor-Baden : les gravures de l'une continuent exactement celles de l'autre. Un troisième fragment, quoique dépourvu d'ornementation, paraît bien former la table d'un autre dolmen de Locmariaquer, au sein du long tumulus dit « Er Vringlé ». Qu'on ait réutilisé, faute de mieux, les éléments d'une stèle abattue accidentellement est une hypothèse envisageable, d'autant plus qu'on n'y voit nulle trace de « boîte de débitage ». Mais le cas n'est pas isolé. Sans quitter les parages du golfe du Morbihan, on peut citer plusieurs autres exemples de réemplois comparables : « Les idoles qu'on abat », titrait déjà J. L'Helgouach en 1983, avant même la découverte du « recollage » entre Gavrinis et Locmariaquer. Le caractère incontestablement volontaire de certaines autres destructions, comme celles évoquées plus haut à Villedubert et à la Chaussée-Tirancourt, invite certes à voir également un caractère intentionnel dans les dégradations prodigieuses observées autour du golfe du Morbihan; mais la question n'est pas réglée. Un jeune chercheur, Eric Gaumé, familier du travail de la pierre, se montre réservé dans une thèse encore inédite. Les fractures, remarque -t-il, ne présentent pas trace de travail humain, et ne suivent pas les plans de clivage naturel de la pierre; elles se seraient plutôt produites lors de la chute des stèles, et cela à des emplacements non prévus à l'avance. Il observe par surcroît que ces immenses mégalithes sont tous tombés dans la même direction : l'hypothèse d'un cataclysme suivi de réemploi ne lui paraît donc point à exclure (Gaumé). Il faudrait être en mesure de citer un bien plus grand nombre de sites. La médiocre qualité des anciennes fouilles, qui constituent hélas la grande majorité de nos documents, ne le permet malheureusement pas. Sans vouloir sous-estimer l'étendue des déprédations plus récentes, les éléments dont nous disposons permettent du moins d'affirmer que les Néolithiques aussi cassaient volontairement leurs propres monuments, tant en cours d'utilisation, qu'au moment où ils décidaient d'en terminer l'usage. Les techniques employées à cette fin ont pu être reconnues dans un petit nombre de cas : éclatement par le feu à la Chaussée-Tirancourt, percussion à coups de pierre dure dans ce dernier site ainsi qu' à Changé, usage probable aussi de « boîtes de débitage ». Quand l'opération consistait seulement à renverser une pierre levée, on retirait ses blocs de calage du côté où l'on désirait la voir tomber (c'est peut-être ce qui s'est passé à Locmariaquer ?). Dans d'autre cas on est réduit à des conjectures plausibles, comme à Méréaucourt où le basculement d'une dalle de couverture paraît avoir été obtenu par un mouvement latéral lui retirant le soutien d'une partie de ses supports. Souvent, hélas, si le geste proprement dit de destruction peut être attribué sans erreur aux Néolithiques, le procédé employé reste dans l'ombre. * Il est important de savoir que l'état dans lequel nous, préhistoriens, trouvons aujourd'hui les monuments mégalithiques n'est pas un simple état d'abandon, plus ou moins suivi d'avatars divers. il s'agit bien de sites intentionnellement mdifiés, condamnés, clos. Cette situation ne facilite pas la recherche de ce qui, il faut l'avouer, intéresse le plus : l'utilisation funéraire de ces sépulcres monumentaux et ce qu'ils représentaient, jadis, pour les groupes humains qui leur confiaient les restes de leurs membres disparus. Toutefois, ce qui n'est plus pour nous que gestes de destruction avait jadis sans doute, pour ceux qui s'y employaient, une signification des plus riches sur le plan symbolique. Faute de pouvoir accéder au sens de ces symboles, une meilleure connaissance de ces gestes, ainsi que des techniques utilisées à cette fin, représente un pas de plus dans la connaissance des populations néolithiques . | Sauf pour l'exploitation des roches en carrières, la fouille apporte peu d'indication sur la façon dont furent jadis construits les monuments mégalithiques. On est réduit à des démarches indirectes qui sont d'ailleurs suggestives, ne serait-ce que sur le plan des structures sociales concernées. La destruction de ceux d'entre eux qui étaient utilisés comme sépulcres s'est montrée riche d'enseignements. Leurs propriétaires néolithiques n'hésitaient pas, lors du passage d'une phase d'utilisation à une autre, à extraire ou à renverser des piliers, voire à faire effondrer le plafond d'une cavité. Des remaniements de plus grande ampleur intervenaient en fin d'utilisation: incendies, fractures, élimination ou au contraire apport de dalles de couverture, démontage ou érection de tumulus, etc. Décevante pour le préhistorien qui remonte difficilement, de ces ruines délibérément léguées par les Néolithiques, aux sépulcres originels, ces destructions livrent en revanche des témoignages d'ordre technique. | archeologie_11-0501275_tei_135.xml |
termith-127-archeologie | Le gisement de plein air de Mauran est adossé à une barre rocheuse calcaire qui appartient à l'un des chaînons prépyrénéens : le massif oriental des Petites Pyrénées. Situé à une soixantaine de kilomètres au sud de Toulouse (Haute-Garonne), il domine la vallée de la Garonne sur sa rive droite (fig. 1). Cette implantation privilégiée autorise notamment : le contrôle d'une voie de passage, donc la possibilité d' être près du parcours de grands herbivores caractérisés par des migrations saisonnières et un comportement grégaire; une disponibilité locale de matières premières lithiques; une proximité avec un point d'eau douce (Geneste et Jaubert 1999; Rendu 2007). Découvert en 1972 par M. Orliac, ce gisement a été fouillé sous la direction de C. Farizy de 1976 à 1981 et l'industrie lithique a été étudiée par J. Jaubert (Jaubert 1993; Farizy et al. 1994). Plusieurs sondages ont été réalisés afin d'évaluer l'étendue du gisement; les tranchées de 1976 et l'exploration de la coupe de 1981 sur 80 m de front et sur 10 m vers l'ouest, ont révélé une étendue du site proche de 1 000 m². Plusieurs secteurs furent fouillés à 20, 30 et 60 m du secteur principal et dans tous les cas, les niveaux archéologiques repérés et fouillés étaient comparables au secteur principal en termes de densité et de contenu (op. cit.). L'analyse stratigraphique réalisée par V. Krier décrit le gisement comme une « accumulation détritique, épaisse au moins de 9 m, et constituée d'une alternance de dépôt limono-argileux de couleur verte, brune ou rouille et de formation soit de cailloutis, soit de gros blocs calcaires. » (Krier in Farizy et al. 1994 p. 29). Au sein de cette accumulation, deux ensembles archéologiques ont été individualisés (C1 niveau XV6 et C2 niveau XV2, fig. 2). (relevé Jaubert et Mourre, in Jaubert et al. 1996) (by Jaubert and Mourre, in Jaubert et al. 1996) Ces deux niveaux archéologiques pourraient avoir représenté, à l'origine, un seul ensemble affecté par un jeu complexe de flexures entraînant des déplacements verticaux du niveau initial. Cette unité a également pu subir un glissement de terrain, « tout en conservant les relations de proximité des objets entre eux » (Girard et al. 1975 - p. 179). L'étude taphonomique des vestiges osseux et lithiques permet de conclure que les perturbations au sein de l'accumulation sont faibles : « les ossements ont été brisés sous le poids des sédiments et ont souvent été étirés dans l'argile qui a subi de faibles déplacements latéraux et de nombreuses flexures après le dépôt archéologique. Cependant l'analyse des plans et les nombreux remontages lithiques qui ont pu être faits malgré la faible surface fouillée montrent que l'ensemble a été peu perturbé. » (Farizy et al. 1994 - p. 239). Pour des raisons d'étagement des formations alluviales, l' âge de la séquence ne peut être antérieur au Dernier Interglaciaire. Les quelques éléments de biochronologie ne contredisent pas cette estimation. Une série de datations ESR a été obtenue par R. Grün à partir d'échantillons dentaires du niveau principal; elles s'échelonnent entre 31 700 ± 2 100 et 47 400 ± 3 400 BP, donnant un âge moyen de 44 ± 3 ka BP (Grün in Farizy et al. 1994). Si les différentes études ne permettent pas d' être catégorique, un âge contemporain de l'interpléniglaciaire (OIS 3) est généralement admis pour Mauran (Jaubert et Bismuth 1996). La faune mise au jour dans le secteur principal se compose presque exclusivement de restes de Bison (98,97 %) auxquels s'ajoutent quelques fragments d'os de Cheval (0,88 %) et de Cerf (0,12 %). L'état de conservation de certains vestiges fauniques attesterait un enfouissement non immédiat, mais constitué par étapes successives sur une longue période (Farizy et al. 1994). L'analyse des vestiges osseux de Bison montre que l'accumulation des carcasses s'est effectuée au cours de plusieurs occupations entre l'été et l'automne. L'industrie lithique de Mauran a fait l'objet de publications et de travaux détaillés (Girard et al. 1975; Jaubert 1993; Farizy et al. 1994; Jaubert et Mourre 1996; Thiébaut 2001) dont nous nous contenterons de rappeler les grandes lignes. Les matières premières utilisées à Mauran proviennent pour l'essentiel d'un environnement local. La diversité des matières premières représentées est importante. On retrouve par ordre d'importance décroissante (en nombre de vestiges), des quartzites, silex, quartz, schistes, quartzites micacés, schistes à andalousite (cornéennes), gneiss, leptynites, granites, lydiennes, micaschistes, cherts, roches éruptives cristallines, roches métamorphiques très siliceuses, roches vertes (ophite, serpentine), roches sédimentaires détritiques et microgranites. Cette diversité des matières premières ne se traduit pas par une diversité aussi prononcée en ce qui concerne les schémas de production mis en œuvre. En effet, les principales matières premières utilisées pour la confection d'outils bruts ou retouchés (quartzites, silex, quartz, schistes à andalousite et lydienne) ont été exploitées suivant les mêmes schémas de production : mise en œuvre principalement d'un débitage Discoïde pour la production d'éclats à dos débordant et de pointes pseudo-Levallois, complétée ponctuellement par un débitage sur enclume. Les supports obtenus sont restés bruts ou ont été transformés en denticulés, en coches et, de manière plus anecdotique, en racloirs. Parallèlement à la production de cet outillage léger, un outillage lourd composé de galets aménagés ou percutés a été réalisé. Les supports retouchés, au nombre de 116, représentent 9,8 % des éclats et sont dominés par les denticulés et les encoches (62,9 %), nettement plus fréquents que les racloirs (17,2 %). Les encoches et les denticulés sont produits majoritairement sur des supports en silex puis en quartzite, plus rarement sur quartz, schiste à andalousite, gneiss et autres roches métamorphiques siliceuses. Tandis que les encoches sont principalement clactoniennes (n = 22 /24, fig. 6 – en annexe), trois types de denticulés sont présents (Thiébaut 2005) : L'importante diversité morphologique des denticulés de Mauran nous a conduits à nous interroger sur les techniques de retouche employées. Depuis les travaux précurseurs de L. Henri-Martin (1906), de nombreux chercheurs ont démontré que des matériaux très divers pouvaient être utilisés comme retouchoirs (pierre dure, pierre tendre, bois végétal et animal. ..) (p.ex. Tixier et al. 1980). Plusieurs chercheurs ont attiré l'attention sur l'importance des gestes effectués lors de la retouche (percussion directe perpendiculaire ou trajectoire rectiligne, percussion directe tangentielle ou trajectoire curviligne, trajectoire à infléchissement, pression, égrisage, etc. (cf. notamment Bourguignon 1997 et Pelegrin 2004) ainsi que sur la morphologie et les propriétés physiques et mécaniques des percuteurs. Ce dernier auteur décrit notamment la morphologie de la surface active du percuteur, désignée par le terme « touche », emprunté au vocabulaire de la technologie des outillages modernes. Les touches des percuteurs qu'il décrit sont convexes ou planes. Des techniques plus originales ont été décrites, dont la retouche par percussion à partir du bulbe d'un éclat (travaux de S.A. Semenov et V.E. Shchelinskiï, cf. Plisson 1988; Tixier 2000), la retouche par pression avec les dents chez les aborigènes d'Australie (Gould et al. 1971). L'hypothèse de l'utilisation de grattoirs circulaires au Néolithique pressignien (Berthouin 1963) ou de l'angle de chasse d'éclat au Solutréen supérieur (Cheynier 1944) a aussi été avancée de même que la retouche à l'aide d'un tranchant d'éclat (Escalon de Fonton 1979; Bocquet 1980; Pelegrin 1995). L'utilisation d'un tranchant d'éclat pour la confection par pression de denticulés à microdenticulation a été identifiée au sein d'industries diverses, du Paléolithique moyen jusqu'au Néolithique (Deffarges et Sonneville-Bordes (de) 1972; Pelegrin op. cit; Bourguignon et al. 2000; Plisson in litteris). A ce jour, l'utilisation d'un tranchant par percussion directe semble plus rarement signalée. Seuls les travaux en cours de J. Airvaux et F. Lévêque, concernant l'industrie châtelperronienne du niveau 8 de Chez-Pinaud à Jonzac en Charente-Maritime, ont mis en évidence l'emploi de cette technique pour la confection de denticulés (Airvaux comm. pers., mars 2004). Il convient également de mentionner pour mémoire que, selon L. Leakey, les caractéristiques des « pièces esquillées » d'Afrique orientale pouvaient résulter de leur utilisation comme retouchoirs (Leakey 1931 cité par Chauchat et al. 1985). La présente étude se propose de mettre en évidence l'emploi en percussion directe au Paléolithique moyen de percuteurs à touches dièdres (tranchant d'éclat, galets plats fractionnés longitudinalement sur enclume, etc.) Afin de tester l'éventuelle corrélation entre la technique utilisée et les types de denticulés présents à Mauran, nous avons confectionné 12 encoches simples, 16 denticulés à macrodenticulation, 9 denticulés à moyenne denticulation et 30 denticulés à microdenticulation (tabl. 1), tous en silex et selon différentes techniques utilisant des percuteurs en pierre dure ou en matière dure animale (tabl. 2 et fig. 11 – en annexe). Les encoches et les coches des denticulés, réalisées en un seul coup, présentent des types d'impacts différents et des morphologies variées (fig. 12 à 16 – en annexe). L'utilisation d'un percuteur à touche convexe et ce, quelle que soit la trajectoire qu'il effectue, produit principalement des encoches présentant un impact diffus (40,6 %) ou localisé (45,8 %), parfois trop esquillé pour être identifiable (13,6 %). Les encoches confectionnées avec des percuteurs à touche dièdre présentent en revanche des impacts ponctuels (61,0 %) ou localisés (33,3 %) mais rarement diffus (2,5 %, fig. 17 - en annexe). Une encoche retouchée a été produite sur un tranchant aigu (30°) en un seul coup de percuteur (fig. 14, n° 1 - en annexe). La morphologie de l'encoche semble également varier en fonction du type de percuteur utilisé. En effet, alors que l'utilisation d'un percuteur à touche convexe produit des encoches dont la morphologie est principalement arrondie, celles confectionnées par des percuteurs à touche dièdre présentent majoritairement des morphologies arrondies mais aussi en « V » (fig. 18 - en annexe). D'autres différences peuvent être mises en évidence à l'aide de critères métriques tels que la longueur d'ouverture de l'encoche et la distance entre les coches des denticulés (fig. 19 – en annexe). Les denticulés à microdenticulation présentent des coches dont les longueurs d'ouvertures sont différentes selon le type de percuteur utilisé et le geste employé (fig. 20 – en annexe). Les coches des denticulés confectionnés avec des percuteurs à touche convexe présentent des longueurs moyennes d'ouvertures nettement supérieures à celles des coches confectionnées avec un percuteur à touche dièdre. Les gestes d'arrachement et de pression permettent l'obtention de coches très étroites. De façon similaire, la distance entre les coches des denticulés à microdenticulation sera plus importante pour les denticulés confectionnés à l'aide d'un percuteur à touche convexe que pour ceux confectionnés avec un percuteur à touche dièdre. La grande précision que procure un geste d'arrachement ou une pression sur un tranchant permet d'obtenir des coches très proches les unes des autres (fig. 21 - en annexe). Les encoches de Mauran présentent principalement un impact diffus ou localisé arrondi, rarement ponctuel et des morphologies arrondies, rarement rectilignes ou en « V » (fig. 22 et 23 – en annexe). L'ouverture des encoches est majoritairement supérieure à 5 mm (fig. 24 - en annexe). De fait, la grande majorité d'entre elles a certainement été produite avec un percuteur à touche convexe (fig. 25, n° 1 et 4 à 6 - en annexe). Cependant, la présence d'un petit nombre d'encoches comportant un impact ponctuel et dont la longueur d'ouverture est inférieure à 3 mm pourrait attester l'utilisation de percuteurs à touche dièdre (fig. 25 n° 2 et 3 – en annexe). Les coches des denticulés à moyenne et macrodenticulation ont un impact principalement localisé avec une morphologie arrondie, puis diffus de morphologie rectiligne ou arrondie (fig. 22 et 23 et fig. 30 n° 1 et 3 et fig. 31 – en annexe). Les denticulés à microdenticulation présentent majoritairement des impacts ponctuels et de morphologie en « V » ou arrondie (fig. 30, n° 2, fig. 32, n° 1 et 2 - en annexe), parfois localisés arrondis (fig. 32 n° 4 et 6), plus rarement diffus (fig. 22 et 23 – en annexe). Au sein des denticulés à microdenticulation, les encoches ont une ouverture moyenne inférieure à 4 mm (fig. 26 et 28 – en annexe) associées à des distances entre les encoches de moins de 5 mm en moyenne (fig. 27 et 29 – en annexe). Ces dimensions semblent se rapprocher de celles obtenues avec un percuteur à touche dièdre utilisé en percussion directe, perpendiculairement ou tangentiellement. L'utilisation d'un ou plusieurs percuteurs à touche convexe, selon une trajectoire tangentielle ou perpendiculaire, semble attestée par la présence de nombreuses encoches au point d'impact localisé ou diffus, généralement arrondi, et par la présence de denticulés à macro et moyenne denticulation. L'utilisation de percuteurs à touche dièdre semble également envisageable, principalement pour la confection de denticulés à microdenticulation. La nature exacte de ce percuteur à touche dièdre reste difficile à déterminer et il est malaisé de trancher entre l'utilisation d'un galet fractionné sur enclume ou celle d'un tranchant d'éclat. Cependant, certains galets fractionnés sur enclumes présentent un léger émoussé du tranchant et un piquetage sur le plan d'intersection entre la surface naturelle et celle débitée. Ces stigmates ne se retrouvent pas sur des galets expérimentaux non utilisés mais sont présents de façon plus soutenue sur ceux utilisés pour la confection des denticulés expérimentaux. Il était tentant de voir dans ces galets les « retouchoirs à denticulés ». Toutefois, un premier examen réalisé à la loupe binoculaire semble indiquer que les stigmates des pièces archéologiques et expérimentales ne sont pas de même nature. Pour les galets de Mauran (fig. 33 - en annexe), le piquetage est très prononcé tandis que sur les galets expérimentaux, l'émoussé est beaucoup plus marqué (fig. 34 - en annexe). Si ces galets fractionnés en split ont probablement été utilisés en percussion sur un matériau dur, leur fonction précise reste pour l'instant indéterminée. L'approche expérimentale mise en œuvre pour faciliter la reconnaissance des techniques utilisées pour la production des encoches et des denticulés de Mauran par les groupes humains préhistoriques, montre l'existence d'une corrélation entre, d'une part, le type de percuteur employé et le geste effectué et, d'autre part, les différentes caractéristiques morphologiques et métriques des encoches. En effet, les encoches confectionnées par des percuteurs à touche convexe présentent généralement des impacts diffus ou localisés et des morphologies arrondies tandis que l'utilisation de percuteurs à touche dièdre permet d'obtenir des impacts ponctuels et des encoches présentant une morphologie en « V ». Les denticulés à microdenticulation n'auront pas non plus les mêmes caractéristiques métriques selon le type de percuteur et le geste effectué lors de leur confection. Si les différents types de denticulés ne nécessitent pas systématiquement l'emploi de techniques distinctes (Arcy-sur-Cure, couches H et G de la Grotte du Bison et couche IVb1 de la grotte de l'Hyène), il semble que deux types de percuteur aient été utilisés pour la confection des denticulés à Mauran : La mise en évidence d'une diversité des techniques de retouche au Paléolithique moyen peut sembler a priori relever de l'anecdote. Si elle découle directement d'un examen toujours plus attentif du matériel archéologique, elle conduit aussi à reconnaître aux artisans tailleurs moustériens une richesse comportementale jusqu'ici insoupçonnée. L'utilisation de plusieurs techniques lors de la confection d'encoche et de denticulés entraîne une diversité morphologique des produits encochés qui reflètent probablement des besoins diversifiés. L'une des conséquences de la présente analyse concerne également l'emploi du terme générique « denticulé » lors de décomptes typologiques : il apparaît que celui -ci regroupe artificiellement des outils très différents et qu'il masque d'une certaine façon une réalité plus complexe . | Les vestiges mis au jour à Mauran résultent d'un cumul de plusieurs occupations saisonnières de plein air liées principalement à une exploitation et une consommation monospécifique de bisons. L'industrie lithique, caractérisée par une grande diversité des matières premières, est rattachée à l'une des manifestations du Moustérien à denticulés. L'étude des encoches et des denticulés montre une certaine variabilité morphologique des tranchants retouchés ainsi que des négatifs d'encoches (morphologie en section, en plan d'angle de l'encoche). Les tranchants n'ont donc pas les mêmes caractéristiques morphologiques et n'offrent pas les mêmes potentialités fonctionnelles. Ces particularités sont à mettre en relation avec les différentes techniques utilisées lors de leur confection. L'objectif de ce travail est de déterminer, par une approche technologique et expérimentale, les techniques à l'origine des caractéristiques très particulières des négatifs d'enlèvements observés sur les encoches et les denticulés archéologiques de Mauran. | archeologie_12-0217490_tei_184.xml |
termith-128-archeologie | Le gisement de Gandil fait partie des habitats magdaléniens dits “abris du château ”, qui se succèdent sur 250 mètres environ le long de la rive gauche de l'Aveyron (fig. 1). Ils sont désignés, d'amont en aval, sous les noms de Plantade, Lafaye, Gandil et Montastruc et s'ouvrent au pied de la corniche calcaire qui porte le château médiéval dominant le village de Bruniquel. La richesse archéologique de ces gisements a été révélée au XIX e siècle par la construction d'une voie ferrée entre Montauban et Lexos (Cartailhac 1903). L'édification du remblai qui porte la voie a nécessité un important volume de sédiments. C'est ainsi que le remplissage des habitats magdaléniens a été en partie éventré. L'Abri Gandil avait échappé aux premiers travaux (Brun 1867; Peccadeau 1867; Bétirac 1952) jusqu'en 1928, année au cours de laquelle M. Chaillot, professeur de lycée et conservateur bénévole du Musée d'Histoire Naturelle de Montauban, entame ses fouilles et identifie le remplissage archéologique du site. Ces travaux, menés avec les méthodes de l'époque (tranchées creusées à la pioche par des terrassiers) n'ont abouti qu' à un compte-rendu dans lequel l'auteur donne une coupe très sommaire et des indications peu approfondies sur le matériel mis au jour (Chaillot 1929). Celui -ci, conservé au Musée d'Histoire Naturelle de Montauban, a été étudié du point de vue typologique par B. Pajot dans le cadre de sa thèse (Pajot 1969). Manifestement triées, la faune comme l'industrie lithique et osseuse ne portent pas mention de leur niveau d'origine. L'absence de harpon tend à montrer que l'occupation du site n'est pas strictement contemporaine de celle des abris voisins où le Magdalénien supérieur est richement représenté. Dans les années 1980, la multiplication d'interventions sauvages menaçant le site justifiait une demande de sauvetage. Les travaux commencés en 1987 se sont poursuivis jusqu'en 1996 sous la responsabilité de l'une d'entre nous (Ladier 1995 et 2000). Le gisement présente la configuration classique de l'abri - sous-roche : un surplomb rocheux de quatre mètres environ de profondeur sur une trentaine de mètres de longueur, à la base d'une corniche calcaire. Orienté globalement nord-sud, il est parallèle à l'Aveyron, distant actuellement d'une trentaine de mètres. Contrairement à ceux des abris voisins, son remplissage n'a jamais été amputé par la construction de bâtiments appuyés à la paroi. Sa puissance totale atteint 5,70 mètres, et comporte 31 niveaux séparés par des séquences sédimentaires fluviatiles stériles (fig. 2). Selon l'étude réalisée par J.-P. Texier, l'ensemble des dépôts témoigne de deux unités lithostratigraphiques. L'ensemble inférieur (c.20 à c.31) est composé de galets emballés par des sables correspondant à l'accrétion d'une barre latérale caillouteuse (Texier 1997) et l'ensemble supérieur (c.1 à c.19) est constitué de limons et de sables fins déposés pendant les périodes de crue de l'Aveyron (op. cit.). Les niveaux archéologiques, au nombre de 15, cumulent un remplissage de 4,10 mètres. Nous nous intéresserons plus particulièrement à ceux de l'ensemble inférieur : c.20, c.23 et c.25. La superficie des niveaux augmente à mesure que l'on descend dans la stratigraphie car ils ont été amputés par les fouilles Chaillot, sous la forme d'un entonnoir. Vers le sud, ces travaux antérieurs ont atteint la c.20 sur une superficie d'un peu plus de 4 m 2 comme l'indique un remblai pulvérulent dans lequel une pièce de monnaie de 1926 a été trouvée. Vers l'est, en direction du talus de l'ancien chemin de fer, les niveaux sont remaniés jusqu' à la c.11 incluse, soit par les fouilles antérieures, soit par les travaux d'entretien de la voie ferrée. La couche 20 est fouillée sur plus de 130 m 2. Elle correspond à une nappe de blocs de calcaire et de galets de matériaux et de dimensions variées (quartz, gneiss, schistes, granit, etc.). Des galets et pierres calcaires rubéfiés sont éparpillés sur toute la surface de la couche. Deux possibles foyers ont été identifiés à la fouille. La couche 23 (90 m 2) est marquée par une nappe de galets et de pierres calcaires moins dense que la c.20. Enfin, la couche 25 (70 m 2) est composée de pierres calcaires et de galets moins abondants que dans c.20 et c.23. Des galets rubéfiés sont éparpillés sur la surface. Lors des premières études typo-technologiques des ensembles c.20 (Millet-Conte 1995) et c.25 (initiée par S. Lacombe), plusieurs interrogations se sont posées sur la nature de l'ensemble inférieur. Ainsi, les quelques remontages entre c.20-23 et c.20-c.25 (op. cit.) sont concentrés dans un secteur limité où les trois couches sont en contact, alors que ceux, plus nombreux, effectués par S. Lacombe entre c.23 et c.25, s'étendent sur la totalité de la surface fouillée. L'étude archéostratigraphique, réalisée par F. Lacrampe-Cuyaubère, montre l'existence de deux nappes principales de vestiges archéologiques; la couche 20 se distinguant des ensembles sous-jacents c.23 et c.25 (fig. 3). Au regard des premiers résultats concernant le matériel lithique et les projections stratigraphiques, nous avons pris le parti d'étudier l'ensemble inférieur de l'Abri Gandil comme deux séries distinctes, c.20 d'une part, et c.23-25, d'autre part. La faune chassée se caractérise dans l'ensemble de la séquence par la présence dominante du Renne, associé au Cheval et à deux ongulés rupicoles, le Bouquetin et le Chamois (Griggo 1997). “Le climat contemporain des dépôts inférieurs (couches 25 à 20) était froid et correspondait à un environnement de type toundra dans lequel évoluaient de nombreux rennes. Pour les niveaux supérieurs, la sensible augmentation du groupe des steppes continentales, surtout représenté par le Cheval, pourrait indiquer un climat toujours très froid mais peut-être un peu plus sec” (op. cit., p. 284). La séquence inférieure de l'Abri Gandil, datée entre 17 500 et 15 000 BP, soit 20 500 - 18 000 cal BP) est attribuée aux premières phases du Magdalénien (Ladier 2000; Langlais 2007b). À l'échelle quercynoise, elle permet de combler un hiatus chronostratigraphique entre le Badegoulien, bien représenté dans la vallée du Lot (Lorblanchet 1989; Ducasse 2004; Castel et al. 2006), et le Magdalénien moyen quercinois (Pajot 1969; Lorblanchet op. cit.). L'étude des industries lithiques et osseuses de cet ensemble participe pleinement à la caractérisation du Magdalénien inférieur qui succède au Badegoulien dans le Lot (Ducasse et Langlais 2007; Langlais et Ducasse soumis). Ce travail, qui s'appuie sur des données chronostratigraphiques et technologiques régionales se raccroche à une problématique géographique plus large sur les industries de la fin du Dernier Maximum Glaciaire en Europe du sud-ouest attribuées à un Magdalénien inférieur distinct du Badegoulien (Lenoir et al. 1991; Cazals, 2000; Ladier 2000; Le Brun-Ricalens et Brou 2003; Djindjian 2003; Langlais 2004; Brou et Le Brun-Ricalens 2005; Primault et al. 2007; Langlais, 2007a). En outre, la subdivision de la séquence inférieure de l'Abri Gandil en deux séries (c.20 et c.23-25) conduira à s'interroger sur l'évolution interne du Magdalénien inférieur et la genèse du Magdalénien moyen classique. Cet article offre un premier éclairage sur certains aspects techno-économiques et typologiques des équipements lithiques et une première mise au point sur les industries osseuses dont l'étude exhaustive sera présentée dans une monographie en cours de réalisation sous la direction de l'une d'entre nous (E.L.) À la suite d'un travail universitaire réalisé sur la c.20 qui avait mobilisé plusieurs spécialistes (Millet-Conte 1995) l'actualisation de ces données et la caractérisation des matériaux siliceux de c.23-25 ont été menées par l'un d'entre nous (P. C.). Ainsi, à partir d'un corpus de plus de 9 000 pièces, différents types de silex et jaspes ont pu être identifiés (tabl. 1). L'essentiel des vestiges en silex sont attribuables aux silex tertiaires locaux, ramassé sur les terrasses de la Vère. La surface corticale peut être grenue ou érodée (néocortex). En effet, l'Abri Gandil est proche de la confluence de l'Aveyron et de la Vère. Or, cette dernière charrie encore actuellement des nodules de silex, dont les gîtes les plus connus se situent aux alentours du Verdier (Mouline 1983). Par ailleurs, des prospections récentes ont démontré l'existence de petits gisements de matières premières tertiaires à la périphérie du Causse de Limogne sur la commune de Montricoux (Astruc et al. 1998; Chalard et al. 1996). Des indices discrets récoltés en rive gauche de l'Aveyron (Chalard 1998) montrent, d'autre part, que ces silex en plaquettes à cortex scoriacé existaient ponctuellement sur les plateaux, aux abords immédiats du site. Ces matériaux locaux sont dans leur grande majorité azoïque. Cependant, on retrouve de très rares gastéropodes (lymnae) sur des cortex grenus (Chalard et al. 2003). Parmi les silex allochtones présents dans les deux séries c.20 et c.23-25, les éléments sénoniens “indifférenciés” rassemblent plusieurs matériaux aux teintes variées (grises à noires, blondes), mais dont l'origine géologique est assurée (Turq et al. 1999), soit à 70-80 km du site. Le silex du “Fumélois” (Morala 1985; Séronie-Vivien 1987; Turq 2000) provient de formations distantes de 70 km au nord-ouest. Le silex de “Gavaudun” est issu de silicifications qui affleurent à près de 80 km au nord-ouest du site (Morala 1985; Turq 2000). Enfin, le silex de “Chalosse” à Lepidorbitoides, pour lequel on connaît des affleurements bien circonscrits à près de 200 km de l'Abri Gandil (Normand 1986; Bon et al. 1996) et que nous distinguons de celui à Lepidorbitoides et orbitoides media des Pyrénées centrales (Simonnet 1998; Séronie-Vivien et Foucher 2006; Chalard et al. sous presse), est également représenté dans les deux séries (fig. 4). La couche 20 présente une plus grande diversité lithologique. Des silex jaspéroïdes proviennent vraisemblablement de gîtes allochtones, bien connus dans la région de Najac (Servelle 1995) en Périgord (Turq 2000) ou dans l'Infralias, en bordure du Massif central (Séronie-Vivien 1987). Le silex de “Belvès” provient d'environ 90 km au nord-ouest de l'Abri Gandil (Turq 2000). Les pièces en silex du “Flysch pyrénéen” proviendraient d'affleurements décrits autour de Salies-de-Béarn, soit à 200 km à vol d'oiseau du gisement quercinois (fig. 4). Quelques pièces en silex tertiaires à characées témoignent d'un prélèvement de matériaux dans des gîtes plus lointains. Ces éléments sont notamment signalés dans les silicifications du plateau de Bord à Domme en Périgord (Astruc et al. 1990; Capdeville et Rigaud 1987; Chalard 1998) et dans les bassins lacustres d'Asprières en Aveyron ou de Saint-Santin-de-Maurs dans le Cantal (Muratet 1983). De plus, quelques matériaux cénozoïques se distinguent par leurs colorations, leurs aspects (marbré, veiné ou jaspéroïde) et la qualité du grain. L'hypothèse d'une exploitation des gîtes tertiaires de la région de Beauville (Pays des Serres) avait été proposée (F. Le Brun-Ricalens cité dans Millet-Conte 1995). Pour finir, quelques matières premières très spécifiques présentent une origine géographique encore sujette à caution. Une pièce de c.20 d'aspect marbré (couleur blanche et « lie-de-vin »), comporte des fragments de spicules de spongiaires, témoignant d'une formation à partir de niveaux marins. Les ressemblances entre les “jaspes de Fontmaure” (Vellèches, Vienne) et cet élément sont frappantes : coloration et contenu micropaléontologique semblent identiques. Par ailleurs, dans l'ensemble c.23-25, trois pièces pourraient appartenir aux silex dits du “Bergeracois” (A. Morala obs. pers.). Enfin, cinq pièces en cinérite de Réquista (C. Servelle com. orale), issues de c.23-25, proviennent vraisemblablement des plages de l'Aveyron (cortex secondaires). En définitive, l'ensemble inférieur de Gandil montre une certaine continuité dans la provenance des silex (Chalosse, Périgord, Haut-Agenais) mais la c.20 se distingue de c.23-25 par une diversification et une intensification dans l'exploitation des silex allochtones (fig. 4, tabl. 1). Concernant le Magdalénien inférieur, des travaux récents et en cours sont menés à travers le prisme de la technologie lithique dans plusieurs régions (Le Brun-Ricalens et Brou 1997 publié en 2003; Cazals 2000 et 2005; Langlais 2004, 2007a et b; Cazals et Langlais 2006; Primault et al. 2007; Ducasse et Langlais 2007). L'ensemble de ces études constitue une base méthodologique et comparative de notre analyse qui a pour but de décrire les comportements techniques et économiques exprimés dans les deux séries lithiques de l'ensemble inférieur de l'Abri Gandil afin d'en mesurer l'évolution diachronique. Formé par 643 éléments (Langlais 2007b), soit 6,8 % de la totalité du matériel en silex et jaspes, l'équipement lithique se répartit différemment au sein des deux séries c.20 et c.23-25 (tabl. 2). Du point de vue quantitatif, la part de l'outillage est plus forte en c.20. Ainsi, le taux de transformation (hors esquille) s'élève à environ 20 % en c.20 et 6 % en c.23-25. L'analyse typologique sera détaillée dans le cadre de la monographie en cours et nous présentons ici les tendances générales. Les outils domestiques d'extrémité et mixtes (fig. 5 n° 4-5, 8; fig. 6 C) sont dominés par le couple grattoir et burin, suivis par quelques pièces appointées et tronquées (tabl. 2). En c.20, les supports sont prioritairement des lames et notamment, des pièces à crête et néocrête, alors qu'en c.23-25, la part des éclats, plus ou moins allongés, est plus importante. Concernant les matériaux, on retrouve une diversité lithologique plus marquée en c.20. Les outils latéraux sont essentiellement représentés par des lames retouchées, de possibles couteaux (fig. 6 D, G-H) et des éclats à retouche marginale. Les deux premiers sont en silex local ou allochtone alors que les derniers sont essentiellement en silex local. Les pièces esquillées, relativement nombreuses en c.20, sont réalisées sur des fragments mésiaux de lames ou des éclats (fig. 5 n° 7). Au sein des armatures (selon la présence de stigmates d'impact), nous avons distingué les pointes à cran (fig. 5 n° 1-3, 6) et les microlithes (fig. 5 n° 9-30). Par rapport au décompte précédemment publié (Ladier 2000), les pointes à cran (n = 22) sont uniquement représentées en c.20. En outre, certaines pièces et, notamment, des fragments mésiaux de lames portant une simple retouche latérale, n'ont pas été pris en compte du fait de leur caractère ubiquiste au sein de l'outillage. De plus, les deux fragments mésiaux marqués c.23 raccordent avec deux extrémités (une base et un apex) attribuées à c.20. La projection stratigraphique de ces pièces permet de les localiser dans un secteur de contact entre les couches c.20 et c.23 alors que les autres pointes à cran appartiennent clairement à la couche 20. Enfin, une pièce considérée comme un élément de pointe à cran en c.25 correspondrait plutôt à un fragment de perçoir. En ce qui concerne les matériaux utilisés, les études précédentes ont permis de proposer l'hypothèse d'un certain “choix lithologique” (Ladier 2000, p. 195) orienté, notamment, vers le silex campanien de Belvès (Millet-Conte 1995). Un fragment de cran en Sénonien et une pièce en silex du Fumélois complètent les pièces en silex allochtone. Le reste est en silex Tertiaire local. Parmi les supports de pointes à cran, nous pouvons distinguer deux gabarits, à savoir, un module plutôt laminaire (fig. 5 n°1-3) et un autre lamellaire (fig. 5 n° 6). Les premières (n = 15) présentent en moyenne, une longueur de 60 mm (pièces entières), 14 mm de large et une épaisseur de 3,5 mm. Les pointes à cran de gabarit lamellaire (n = 7) mesurent en moyenne, 35 mm de long, 9,4 mm de large et 3 mm d'épaisseur. La fabrication des pointes à cran de c.20 (cran, limbe, etc.) est réalisée selon des normes plus ou moins souples qui ont déjà été décrites (Ladier 2000; Langlais 2007b). La quasi-totalité des pointes à cran réalisées sur des supports laminaires montrent des surfaces de cassures, apicales ou au niveau du cran, présentant des stigmates diagnostiques d'utilisation en projectile axial. Une étude expérimentale et fonctionnelle approfondie serait nécessaire. Deux groupes typologiques de microlithes, correspondant à deux objectifs économiques autonomes (cf. infra), ont été distingués (tabl. 3) : d'une part, les lamelles et pointes à dos (65 %, fig. 5 n° 9-17) qui se déclinent en quatre sous-types et d'autre part, les microlamelles à dos (35 %, fig. 5 n° 18-30). Les premières, de profil rectiligne et de grand module, présentent un dos abrupt assez épais opposé à un tranchant rectiligne alors que les secondes sont munies d'un dos marginal opposé à un tranchant convexe. Le spectre lithologique des lamelles à dos (LD) est diversifié en c.20 et représente une bonne part des matières premières disponibles dans un rayon de 100 km autour du site. En c.23-25, l'essentiel des lamelles à dos est en silex local. Du point de vue typologique, les lamelles à dos simples dominent largement l'ensemble (tabl. 3). Néanmoins, ce nombre doit être relativisé car plusieurs fragments mésiaux ont été classés dans cette catégorie par défaut d'extrémité. Au sein des éléments appointés, il est parfois difficile de distinguer une pointe à dos d'une lamelle à dos acuminée (fig. 5 n° 10). Dans l'ensemble, les dos sont majoritairement façonnés à l'aide d'une retouche abrupte directe (87 %) ou croisée (selon l'épaisseur initiale du support). Malgré le faible nombre de pièces, une tendance à la latéralisation du dos sur le bord dextre peut être notée. Les talons sont lisses, fréquemment abrasés et certaines pièces présentent des stigmates d'une percussion minérale. Les bords tranchants opposés au dos peuvent être conformés par une retouche rasante souvent marginale et directe ou laissés bruts et présentent une délinéation rectiligne, plus rarement denticulée (tabl. 3). La grande majorité des supports présente un profil rectiligne (97 %). La forte fragmentation des lamelles à dos limite l'observation des longueurs. Ainsi, les pièces entières mesurent entre 30 et 40 mm de long en c.20 et 20 mm en c.23-25. Les gabarits sont relativement stables avec une largeur qui varie entre 4 et 7 mm et une épaisseur entre 2 et 3 mm (fig. 7). Contrairement aux lamelles, les microlamelles à dos (MLD) sont essentiellement réalisées en silex tertiaire local, sauf deux exemplaires en Fumélois en c.20. La fragmentation de ces pièces est également importante mais une partie est due à des processus post-dépositionnels comme la désilicification de certains micro-vestiges. Le dos, préférentiellement dextre (70-80 %), est façonné par une retouche abrupte directe (60-70 %), parfois marginale, ou semi-abrupte inverse (10-15 %). Les talons sont lisses et fréquemment abrasés. Du point de vue typologique, quelques pièces sont appointées ou tronquées (fig. 5 n° 22, 24, 27). Les supports arqués, parfois de profil tors, présentent un bord opposé au dos, naturellement convexe et rarement repris. D'autres pièces portent une retouche marginale ou un appointement distal. Les microlamelles entières mesurent moins de 20 mm de long. Les largeurs se situent entre 2 et 4 mm et les épaisseurs autour de 1 mm (fig. 7). Au sein du corpus étudié (n = 9 349), quatre grands types de supports ont été distingués. À côté du trio formé par les éclats (avec talons), les lames et les lamelles dont la distinction s'appuie, notamment, sur des différences de gabarits, la catégorie “autres” regroupe les esquilles et débris, les fragments diaclasés et les cassons (sans talon), ainsi que les rognons et galets (tabl. 4). Ces “autres” supports constituent, soit des déchets de taille, soit des volumes à débiter. Les éclats (n = 2 880) regroupent plusieurs types de pièces. Les déchets de taille, parmi lesquels se distinguent des éclats laminaires (10,5 % en c.20 et 0,8 % en c.23-25) ou lamellaires (9,5 % en c.20 et 12 % en c.23-25), des éclats fronto-latéraux de cintrage (extraits à la jonction de la surface de débitage et d'une face latérale du nucléus; 3,5 % en c.20 et 6 % en c.23-25) et des tablettes de ravivages de plan de frappe (8 % en c.20 et 2 % en c.23-25), composent l'essentiel des éclats (80 %) dans les deux séries. Certains d'entre eux ont été récupérés et utilisés secondairement comme outils de transformation et nucléus à lamelles. Parmi les éclats recherchés, deux types se distinguent selon leur morphologie. Le besoin de supports épais, destinés prioritairement aux nucléus à lamelles ou microlamelles et comme outils d'appoint, permet d'expliquer une grande partie de la production d'éclats. Le schéma de débitage se caractérise par une production alternée d'éclats, effectuée à la jonction de deux surfaces formant un angle relativement fermé (fig. 8 n° 2). La percussion à la pierre selon un geste rentrant (en retrait de la corniche) favorise la recherche d'épaisseur. Selon la qualité du bloc, ce concept est mis en œuvre de manière plus ou moins organisée et change régulièrement d'orientation. Quelques rognons ont été fracturés de manière assez anarchique afin d'en sortir quelques supports de nucléus à lamelles ou microlamelles. Le second type d'éclat recherché est constitué de supports minces et courts. Dans ce cas, c'est plutôt le potentiel tranchant qui est désiré et ce besoin implique des procédés de production différents du précédent. Il s'agit d'un débitage de type “facial ”, effectué à l'intersection de deux plans sécants offrant une courte surface de débitage. Il peut être mené sur des rognons naturellement plats, à partir de l'exploitation de la face inférieure d'un éclat ou sur un nucléus à lamelles repris. Il s'agit généralement de courtes séquences d'enlèvements “superposés et juxtaposés” (talons parfois en aile d'oiseau) et sur certains volumes, la recherche d'une récurrence leur confère une surface de débitage à négatifs centripètes (fig. 8 n° 1). Alors que les éclats épais tiennent une place économique importante dans les deux séries (nucléus), les éclats minces demeurent marginaux (2 % en c.20 et 1,5 % en c.23-25). La quasi-totalité des éclats est en silex tertiaire local, débitée sur place. La présence d'éléments en silex allochtones peut être interprétée de deux manières. Il s'agit, soit de déchets de taille provenant d'un débitage laminaire ou lamellaire réalisé sur le site, soit de pièces importées comme par exemple en c.20, un éclat mince non retouché en Flysch pyrénéen provenant de 200 km. La composante laminaire n'est pas la même en c.20 et en c.23-25. Cette différence se lit, non seulement, dans le nombre de supports mais également à travers les déchets du débitage laminaire, abondants en c.20 et relativement rares en c.23-25. Différents types de lames (n = 364) ont été distingués selon des critères technologiques (Langlais 2007b). Les lames de plein débitage dominent (46 % en c.20 et 56,5 % en c.23-25) suivies notamment de supports latéraux de cintrage (33 % en c.20 et 13 % en c.23-25) ou d'éléments à crête, néocrête et sous-crête (9 % en c.20 et 6 % en c.23-25). En c.20, les lames constituent le support principal des outils domestiques et des pointes à cran (cf. supra). Une part importante est en matériaux allochtones (46 %) et certaines ont été produites sur place, comme en témoigne leur association à des déchets de taille caractéristiques. D'autre part, des supports laminaires, débités en dehors du site et destinés à une utilisation différée, ont été importés. À côté de quelques lames de profil courbe, la majorité présente un profil rectiligne. La tendance est aux talons lisses abrasés portant des stigmates diagnostiques d'une percussion tendre, réalisée selon un geste tangentiel. Dans l'état actuel de nos travaux, des percuteurs tendres organiques et minéraux semblent avoir été employés. Une étude plus fine des stigmates devra être effectuée. Des lames à crêtes antérieures et postérieures et néocrêtes antérieures témoignent du soin porté aux convexités du volume lors du débitage (fig. 6 B-F). D'autre part, quelques négatifs bipolaires, dépassant rarement le tiers de la longueur du support, illustrent l'ouverture d'un plan de frappe opposé, au cours du débitage, afin de corriger la carène distale et de nettoyer la surface de débitage. En c.23-25, les lames sont utilisées strictement dans l'outillage domestique (pas de pointe à cran). Elles sont produites pour l'essentiel en silex local (80 %) et présentent plus fréquemment un profil rectiligne, même si quelques supports sont courbes (fig. 6 A). À côté d'éléments en silex allochtone ou local, débités vraisemblablement au percuteur tendre selon un geste tangentiel, la plupart porte les stigmates d'une percussion rentrante à la pierre (talon plus épais). Les premiers montrent une récurrence laminaire et des négatifs d'aménagements transversaux (sous-crête distale, notamment) alors que les seconds ont des nervures moins régulières et sont parfois à la limite entre une lame et un éclat allongé. Si l'absence de nucléus à lame peut s'expliquer par une reprise de ces volumes pour d'autres objectifs (éclats, lamelles), le faible nombre de déchets de taille laminaire témoigne d'une production laminaire largement moindre qu'en c.20. Les différences quantitatives et qualitatives précédemment observées pourraient s'expliquer du point de vue des objectifs économiques respectifs et de la mobilité des groupes. En c.20, la production de supports de pointes à cran intègre la récupération de supports laminaires de seconde intention, afin de compléter l'outillage domestique. De plus, l'apport de pointes et d'outils domestiques en silex allochtones témoigne d'une relative planification des besoins. En c.23-25, quelques outils sur lames sont également importés alors que la production sur place est marginale, parfois simplifiée, et strictement d'ordre domestique. Trois schémas ont pu être distingués. Un débitage laminaire élaboré de type unipolaire “semi-tournant” est réalisé préférentiellement sur bloc et documenté essentiellement en c.20. Il s'appuie sur un plan de frappe principal, parfois secondé par un plan de frappe opposé d'entretien. Cette option s'observe plus fréquemment sur les petites lames rectilignes (fin de séquence). Par ailleurs, des crêtes antéro-axiales et postéro-axiales participent activement à l'aménagement et l'entretien du volume (fig. 6 B). Les premières initialisent également le débitage et, tout au long de celui -ci, des néocrêtes antérieures contrôlent l'axe du débitage et la carène. Des lames latérales (semi-corticales ou non) et des éclats laminaires, unipolaires, souvent courbes en partie distale, participent au maintien d'une surface d'exploitation laminaire relativement cintrée. Au niveau du plan de frappe, des tablettes partielles de ravivages présentent quelques négatifs centripètes (indices d'un débitage “semi-tournant”). Les plans de frappe sont généralement lisses et abrasés. Ce choix permet de limiter la nécessité de nettoyer le plan de frappe par de grandes tablettes de ravivages consommatrices de matière (Pigeot 1987). Il s'agit plutôt de ravivages partiels, destinés à la correction localisée de l'angle de frappe. À côté de supports à nervures régulières et au profil parfois courbe en silex allochtones ou local, des lames étroites de profil rectiligne sont également recherchées. En l'absence de remontage de séquences entières de production, il est difficile de préciser si ces deux objectifs sont obtenus successivement et/ou alternativement au sein d'un même volume (fig. 8 n°3). L'examen comparatif des largeurs des lames brutes (pic autour de 14-16 mm), des outils d'extrémité (autour de 22 mm) et des pointes à cran (autour de 14 mm) appuierait l'hypothèse d'une succession : des lames plus larges et plus longues puis des lames plus légères destinées, notamment, aux pointes à cran (hypothèse 1). D'autre part, des produits de seconde intention, présentant sur la face supérieure des négatifs de lames étroites, sont utilisées dans l'outillage domestique de c.20. Ces produits participeraient à la prédétermination des supports étroits et rectilignes de pointes; les deux objectifs alternant (hypothèse 2). Dominant en c.20, ce projet laminaire élaboré est peu documenté en c.23-25. Une production laminaire “sur tranche” est également réalisée sur place. Il s'agit de l'exploitation de gros éclats ou de fragments diaclasés (fig. 8 n° 5), selon une progression frontale du débitage, gérée à partir d'un plan de frappe principal. Les convexités sont corrigées à l'aide de néocrêtes antéro-latérales (lames et éclats laminaires à pan revers), voire d'un plan de frappe opposé d'entretien. Ce type de production est mis en œuvre en c.20 et en c.23-25, sur des silex locaux ou allochtones. Dans ce dernier cas, la facilité de transport en volumes à débiter des lames peut également être mise en avant. En c.23-25, des débitages simplifiés de supports allongés sont mis en œuvre sur quelques blocs en silex local de qualité médiocre (fig. 8 n° 4). Le volume est exploité de manière strictement unipolaire. L'utilisation des convexités naturelles permet de produire des supports allongés sans mise en forme complexe. Le débitage est réalisé à la pierre selon un geste plutôt rentrant. L'exploitation de blocs parallélépipédiques (plaquette) sur la tranche a également permis de produire quelques éléments allongés sans aucune préparation préalable. Hormis de rares nucléus abandonnés au stade laminaire suite à des accidents de taille ou de défaut dans la matière, la conservation différentielle des nucléus à lames peut s'expliquer par leur reprise afin de produire des lamelles ou quelques éclats à la suite d'une réorientation du volume. Les lamelles et microlamelles constituent l'objectif principal des productions lithiques de l'ensemble inférieur de Gandil (n = 1 504). Plusieurs caractères techniques (Langlais 2007b) ont permis de distinguer des supports de plein débitage (30 % en c.20 et 43 % en c.23-25), latéraux (13 % en c.20 et 24 % en c.23-25), à néocrête (2,5 % en c.20 et 2 % en c.23-25) ou à pan revers (2,5 % en c.20 et 3 % en c.23-25). Les supports recherchés sont, pour l'essentiel, destinés à la confection des microlithes. Deux populations ont été distinguées du point de vue morphologique et typo-technologique : des lamelles plutôt épaisses et à profil rectiligne, transformées en lamelles et pointes à dos abrupt; elles représentent près d'un tiers des supports en c.20 et y montrent une diversité lithologique; des microlamelles se distinguent certes, par des gabarits plus petits mais également et surtout, par leur silhouette dissymétrique et latéralisée (cf. supra); presque exclusivement en silex local, elles présentent un profil fréquemment arqué à tors. Elles sont transformées en microlamelles à dos marginal. Le débitage lamellaire est essentiellement réalisé sur place. L'analyse des déchets de taille et des supports, ainsi que 287 nucléus permet de caractériser plusieurs schémas de débitage en c.20 et c.23-25. Une description détaillée de chaque modalité a été présentée récemment (Langlais 2007b, soumis). Nous nous attacherons donc ici à rappeler les lignes de force des débitages lamellaires et microlamellaires de l'ensemble inférieur. Tandis que les grandes lamelles sont extraites à partir de modalités “enveloppantes” sur rognons, parfois en continuité avec les lames, ou sur tranche d'éclat, les microlamelles proviennent d'une diversité de modalités opératoires. Alors que 74 % des nucléus de c.20 sont en silex tertiaire local, ces mêmes éléments représentent 96 % en c.23-25. Outre le caractère local ou allochtone des silex exploités, les types de supports de nucléus ont également été pris en compte dans notre analyse. Plus de 80 % des débitages lamellaires sont réalisés sur des éclats et des fragments diaclasés. Les rognons se présentent sous différentes formes, depuis le bloc de dimensions décimétriques (reprise de nucléus laminaire réorienté en lamelles) jusqu'au petit galet centimétrique (débitage lamellaire autonome). Conformément à des travaux réalisés récemment (Fourloubey et al. 2006; Ducasse et Langlais 2007; Langlais soumis), nous avons pris le parti d'utiliser des termes strictement descriptifs, basés essentiellement sur l'orientation et la localisation des surfaces de débitage. Selon la morphologie des nucléus et l'orientation des débitages lamellaires, différentes modalités ont été distinguées dans l'ensemble inférieur de l'Abri Gandil (tabl. 5, fig. 8 n°6-7). Le débitage “sur tranche” longitudinale ou transversale représente plus d'un tiers des nucléus (tabl. 5). Il est réalisé à partir d'éclats ou de fragments diaclasés présentant une morphologie naturelle, propice à l'installation des surfaces d'exploitation sans mise en forme importante. L'organisation du volume est simple (Langlais, soumis). En c.20, un tiers des nucléus “sur tranche” est en silex allochtone et en c.23-25, les deux seuls volumes importés proviennent de Chalosse. Ce procédé permet de produire, soit des grands supports rectilignes (fig. 9 n° 1-2), soit des microlamelles selon différentes options. La nécessité d'une surface d'extraction courte et plutôt carénée afin de produire des microlamelles est alors matérialisée par une sélection de supports de nucléus de petit gabarit ou une orientation différente des surfaces sur le volume. Par exemple, des éclats allongés, présentant une surface d'exploitation microlamellaire installée transversalement au support, sur une extrémité souvent distale, sont exploités selon une progression strictement frontale (fig. 9 n° 5-6). Dans certains cas, des enlèvements frontaux du type tablette ont été réalisés afin de réduire la largeur du support initial. Dans d'autres cas, en c.23-25, une encoche distale est effectuée à la manière d'un “burin busqué” (fig. 9 n° 7). Le changement techno-fonctionnel qui replace ces pièces en amont de la chaîne technique se marque depuis quelques années à travers plusieurs publications (Bordes et Lenoble 2002; Klaric et al. 2002; Le Brun-Ricalens et Brou 2003; Le Brun-Ricalens 2005; Le Brun-Ricalens et al. 2006; Ducasse et Langlais 2007). Ces schémas de débitage sur face étroite sont désormais plus volontiers englobés au sein des nucléus dits “sur tranche d'éclat ”, adoptant ainsi une terminologie préexistante pour des pièces considérées dès le départ comme des nucléus. Le débitage enveloppant unipolaire de type “pyramidal” représente 1/5 e des nucléus et exploite des petits rognons et des éclats épais (fig. 9 n° 4). L'exploitation successive de surfaces sécantes donne un rythme de débitage de type “frontal décalé” qui progresse sur une large surface (Langlais 2007b, soumis). À côté de rares éléments en silex allochtones, la plupart des pièces sont en silex local. Le débitage enveloppant unipolaire ou à deux plans de frappe (fig. 9 n° 3) réunit 12 % des nucléus. Le volume s'organise sur des flancs parallèles à l'axe de débitage et non pas convergents (nucléus pyramidaux). La progression enveloppante du débitage (surface large), peut être menée de manière unipolaire ou à partir de deux plans de frappe “opposés-décalés” qui, selon la lecture diacritique des derniers enlèvements, sont plutôt successifs et non hiérarchisés. À côté de quelques pièces en silex allochtone en c.20, le reste est en silex tertiaire local. Ce schéma est mis en œuvre afin de produire des lamelles de profil rectiligne d'assez grand gabarit. Le débitage “sur front dorsal ”, feu “grattoir caréné ”, représente 16 % des nucléus. Ces pièces en silex tertiaire local présentent une certaine variabilité morphologique (fig. 9 n° 8-9, fig. 10 B n° 4) marquée par différents degrés de cintrage du “front” microlamellaire (Langlais soumis). Dans certains cas, des éclats lamellaires permettent d'obtenir une nervure principale à partir de laquelle des enlèvements microlamellaires sont réalisés, selon une percussion déjetée par rapport à cette nervure, afin d'obtenir des supports dissymétriques de profil tors. D'autres pièces montrent une récurrence plus enveloppante avec une alternance de produits latéraux et centraux. Dans ce cas, les produits recherchés peuvent être rectilignes à courbes, se rapprochant de nucléus pyramidaux sur éclat. Bien connu pour l'Aurignacien (p. ex. Le Brun-Ricalens 2005), le terme de “grattoir caréné” recouvre plusieurs réalités chronologiques. Il se retrouve dans plusieurs contextes dits “de transition” tout au long du Paléolithique supérieur, comme aux débuts du Solutréen (Demars 1985; Aubry et al. 1995; Zilhão et al. 1999), dans le Badegoulien (Ducasse 2004) et le Magdalénien inférieur (Lenoir et al. 1991; Langlais 2007b) ou encore au sein des faciès “épi-aurignaciens” (Rigaud 1976; Djindjian 1996). Dans le même ordre d'idée, les difficultés de caractérisation chronoculturelle d'industries à grattoirs carénés (Bazile et Bazile-Robert 1973; Bernardini et al. 1997; Street et Terberger 1999; Bodu 2005), témoignent d'une nécessaire remise à plat des critères de définition (Brou et Le Brun-Ricalens 2005). En Espagne cantabrique, ce type de nucléus est considéré comme un véritable marqueur du Magdaleniense inferior cantábrico tipo Juyo (Utrilla 1981; Cazals 2000; Cazals et Langlais 2006). Le débitage “sur front ventral déjeté” représente 10 % des nucléus. Il s'agit ici d'un débitage réalisé sur l'extrémité d'un support plus ou moins allongé. Le front microlamellaire est oblique (déjeté) par rapport à l'axe technologique de l'éclat et investit la face inférieure (ou ventrale). La latéralisation préférentielle du plan de frappe est corrélée avec le type de torsion observé sur les microlamelles (Langlais soumis). Dans certains cas, la nervure principale correspond à une languette de fracture. Le débitage est récurrent et ne montre pas de rythme préférentiel (op. cit.). L'ensemble des nucléus exploités selon ce type de débitage est en silex local, sauf deux pièces en c.23-25. À Gandil, certaines pièces (fig. 10 A2, B1, C à E) pourraient être rapprochées morphologiquement des pièces de la Bertonne (Daleau 1910; Lenoir 1976 et 1987) ou des “grattoirs de Saint-Sourd” (Leysalles et Noone 1949), difficiles à attribuer. Néanmoins, ils rappellent plus fortement la variante “nucléus grattoir-burin” reconnue à Thèmes (Le Brun-Ricalens et Brou 2003) et documentée dans le Magdalénien inférieur de Saint-Germain-La-Rivière (Langlais 2007b). Le débitage “sur tranche à encoche” (4 % des nucléus) est essentiellement mis en œuvre sur des éclats en Tertiaire local. La surface de débitage est installée de manière longitudinale ou transversale par rapport à l'axe technologique de l'éclat (fig. 9 n° 10). La spécificité de cette modalité réside dans l'encoche, procédé de préparation ou de ravivage latéral du plan de frappe. Cette modalité microlamellaire se distingue des nucléus type “burin transversal sur encoche” du Badegoulien selon la récurrence des enlèvements (Ducasse et Langlais 2007). Enfin, la coexistence de deux schémas de débitage réalisés de manière autonome, partageant et exploitant le même volume, nous a amené à employer le terme de “mixte ”. Cesdébitages (4 % des nucléus) témoignent d'une certaine convergence dans les différentes options techniques précédemment décrites. Globalement, si les nucléus à grandes lamelles sont essentiellement présents en c.20, la pluralité des modalités opératoires mises en œuvre sur éclats afin de produire des microlamelles sont identiques au sein de l'ensemble inférieur (fig. 8 n° 6-7). L'industrie en matière dure animale de l'Abri Gandil est abondante (n = 317) et se répartit différemment entre les deux ensembles inférieur et supérieur. La série Chaillot comporte 240 objets et la série Ladier seulement 77, dont 44 provenant de l'ensemble inférieur (tabl. 6). En raison de son importance numérique, la série Chaillot a servi de base pour l'étude morpho-typologique de l'ensemble des sagaies. Cette collection est analysée de manière globale, aucun objet n'étant rapportable à un niveau précis. De plus, elle provient des niveaux supérieurs du remplissage, pour lesquels la série Ladier est pauvre, en raison des faibles superficies laissées par les fouilles initiales. Les deux séries apparaissent immédiatement comme sensiblement différentes en terme quantitatif puisque le nombre de sagaies de la série Chaillot est presque 6 fois plus important (tabl. 6). Les 155 exemplaires provenant de la collection Chaillot ont été étudiés du point de vue typologique et morphologique. L'analyse technologique globale reste à mener et permettra de compléter cette présentation. L'importante fragmentation (94,2 %) de la série rend sans objet une étude morphométrique fine selon les critères élaborés par ailleurs (Delporte et al. 1989; Bertrand et Pinçon 2003). L'effectif a donc été trié selon les modalités suivantes : les pièces les plus complètes ont été regroupées en fonction de leur morphologie et de leurs dimensions. Les pièces plus fragmentées ont été rapprochées de ces catégories en effectuant des comparaisons (largeur des fûts, épaisseur, morphologie). Quinze groupes ont donc été identifiés : Les biseaux doubles (incluant les biseaux doubles arrondis ou bombés) dominent très largement et sont préférentiellement associés aux fûts de section ovale Les biseaux simples et les autres (coniques, émoussés, etc.) sont très peu représentés. En outre, les armatures décorées constituent près du tiers de cette série (n = 47, soit 30,32 %). Les décors sont exclusivement géométriques, basés sur des combinaisons simples de traits droits et de bâtonnets. On ne trouve pas de point, ni de plan élémentaire (Sauvet 1990). Les motifs décoratifs sont par ordre de fréquence : l'agrégation de bâtonnets en faisceaux ou croisillons, les alignements de traits obliques horizontaux ou en épi, les alignements de croisillons et enfin les combinaisons de traits en zigzag. On ne rencontre qu'un seul exemple de décor curviligne, constitué d'arceaux disposés en alternance. Les compositions rythmées (répétition de motifs) ne sont présentes que deux fois. Sur le total de la série Chaillot, les rainures seules (6,4 %), ou associées à un décor (1,9 %), sont peu fréquentes, de même que les rainures ventrales (5 exemplaires, 3,2 %). Pour l'ensemble supérieur, on peut donc noter : l'extraction des supports à l'aide d'un double rainurage multiple; la prédominance des sections ovales sur les sections quadrangulaires, quel que soit le module des fûts; la présence de pièces à section plano-convexe avec une face ventrale parfois rainurée; une relative abondance des décors; la présence de très gros modules; une diversité typologique. Les sagaies de l'ensemble inférieur sont peu nombreuses (tabl. 6), très fragmentées et mal conservées. Au nombre de 32, elles se répartissent comme suit : 14 exemplaires en c. 20, 10 en c.23 et 8 en c.25 (fig. 11). La comparaison de ces pièces avec les groupes définis à partir de la série Chaillot montre des similitudes dans les techniques d'extraction (double rainurage multiple) mais de nettes différences typo-morphologiques. Un seul exemplaire issu de c.25 porte une rainure. Malgré le faible nombre de pièces, surtout compte tenu des superficies explorées (cf. supra), on peut tout de même noter : l'extraction des supports à l'aide d'un double rainurage multiple; une prédominance des éléments de section rectangulaire; la présence de pièces de section plano-convexe; une faible diversité typologique comparativement à la collection Chaillot. L'art mobilier, présent dans toute la séquence de l'abri, a déjà fait l'objet de plusieurs publications (Ladier 2002, 2004 et 2005). Les objets de parure sont rares et proviennent essentiellement des niveaux profonds c.20 à c.25 mais la pauvreté des niveaux supérieurs est à relativiser par le biais éventuel des méthodes de fouilles. L'art mobilier sur support organique de l'Abri Gandil apparaît particulièrement pauvre, tant par le nombre d'objets (cinq dans la série Chaillot, trois dans les niveaux profonds) que par leur qualité esthétique. Il n'existe aucun décor figuratif. Les représentations animales sont en revanche présentes dans l'art mobilier sur support lithique qui consiste essentiellement en plaquettes de calcaire gravées ou peintes (13 supports). Un cerf peint en noir sur une plaquette de la c.23 est superposable à la biche n° 8 de la galerie A de la Pasiega (M. Gonzales-Morales cité dans Ladier 2000), ce qui indiquerait des relations avec l'Espagne cantabrique (cf. infra). Une tête de biche gravée rappelle fortement des exemplaires del Castillo et del Mirón dans les Cantabres (Langlais 2007b). La comparaison de ces pièces avec celles de la séquence supérieure permettra d'envisager les évolutions entre les deux ensembles inférieur et supérieur. La séquence inférieure de l'Abri Gandil, datée entre 17 500 et 15 000 BP, offre deux séries c.20 et c.23-25 présentant des traits techno-économiques caractéristiques du Magdalénien inférieur (Langlais 2007b). En ce qui concerne les outils domestiques, la différence principale entre les séries c.20 et c.23-25 réside dans la laminarité plus forte des supports d'outils de c.20 et de fait, la plus forte normalisation de l'équipement domestique. Si l'association des lamelles et microlamelles à dos se vérifie sur l'ensemble de la séquence inférieure, les rapports s'inversent à partir de c.20, parallèlement à l'apparition des pointes à cran (fig. 12). Ces pointes à cran sont dites “atypiques” (Ladier 2000) en raison de leur originalité par rapport aux autres spécimen du Dernier Maximum Glaciaire. Elles se distinguent des pièces solutréennes (e.g. Plisson et Geneste 1989; Tiffagom 2006), salpétriennes (Bazile 1980; Boccaccio 2005), badegouliennes (Ducasse 2004) ou épigravettiennes (Palma di Cesnola et Bietti 1983; Brochier et Livache 2003). Par contre, des comparaisons avec les séries magdaléniennes de Fontgrasse (Gard) et Jaurias (Gironde) ont pu être proposées (Millet-Conte 1995; Bazile 1999; Ladier 2000; Lenoir 2003; Bazile 2006) pour des pièces associées pour le premier à un sous-système techno-économique similaire à celui de c.20 (Langlais 2007b). Malgré des différences quantitatives, c.20 étant relativement plus riche en outils lithiques que c.23-25, les mêmes associations typologiques s'observent dans l'ensemble de la séquence inférieure (pas de spécialisation fonctionnelle). De plus, le rapport entre armatures et outils domestiques est équilibré (autour de 50 %). La rentabilisation des ressources locales est un trait identitaire relevé sur l'ensemble de la séquence inférieure. Toutefois, un changement s'opère en c.20 où les exigences techniques des productions laminaires et lamellaires (grands gabarits) sont satisfaites par un apport conséquent de matériaux allochtones, de meilleure aptitude au débitage. Ces choix impliquent des contraintes différentes en terme de planification des besoins et de mobilité des groupes. Le sous-système techno-économique est articulé sur une dichotomie entre des débitages simplifiés et des productions élaborées (fig. 13). Les premiers répondent à une variété d'objectifs économiques autonomes. La production d'éclats minces et courts, marginale dans les deux séries, est mise en œuvre selon un schéma “facial” qui rappelle le Magdalénien inférieur cantabrique (Cazals 2000). Concernant le débitage de supports de nucléus carénés, des travaux menés dans d'autres contextes géographiques et chronologiques permettront de mieux cerner, dans l'avenir, la spécificité ou l'ubiquité de ces schémas (Aubry et al. 1995; Bodu 2005). Pour les débitages microlamellaires, le choix d'exploiter une surface large ou étroite n'est-il qu'une simple adaptation aux volumes disponibles ? Dans cette hypothèse, les différents types de débitage constitueraient alors des modalités techniques intégrées à un même concept opératoire, comme cela a été observé à Thèmes dans l'Yonne (Le Brun-Ricalens et Brou 2003) ou à Saint-Germain-La-Rivière (Langlais 2007b). La disponibilité en volumes morphologiquement variés dans l'environnement immédiat de l'Abri Gandil semble donc exploitée à partir de débitages d'éclats épais qui sont ensuite optimisés par plusieurs modalités techniques. En c.23-25, le schéma laminaire simplifié rappelle certaines séries du Magdalénien ancien d'Aquitaine dans lesquelles la sélection du volume permet de limiter la mise en forme et facilite une rapide mise en place du plein débitage (Fourloubey 1998; Cretin et al. 2007). Ces débitages simplifiés permettent d'obtenir des supports d'outils domestiques d'appoint et de microlithes. Les débitages élaborés présentent des contraintes techniques (savoir-faire) et économiques (matière première) plus importantes. Ils intègrent des supports d'outils domestiques sur lames et des éléments de l'équipement de chasse (pointes à cran, grandes lamelles et pointes à dos). L'équipement en matière dure animale est relativement pauvre, dominé par des sagaies de section rectangulaire (fig. 11), bipointes et d'éléments montrant une utilisation en pièce intermédiaire. Un débitage de baguettes en double rainurage multiple est documenté par quelques matrices et déchets techniques particuliers. L'étude technologique globale reste à mener en collaboration avec J.-M. Pétillon. Quelques pièces du Magdalénien inférieur de Gandil peuvent être rapprochées des couches 4 et 3 de Saint-Germain-La-Rivière (étude menée en collaboration avec M. Lenoir). De plus, certains exemplaires à section quadrangulaire robuste, avec un biseau double court (groupe 5) s'apparentent à des armatures connues dans le Magdalénien inférieur Cantabrique d'Erralla V (Altuna et al. 1985) ou de Balmori (Corchon Rodriguez 1986). Ces relations avec les Cantabres rappellent les liens stylistiques observés dans l'art mobilier (Ladier 2000) mais également dans les styles de débitage lithique (Langlais 2007b). Dans l'industrie en matière dure animale, la comparaison des ensembles supérieur et inférieur permet d'ores et déjà de dégager des tendances évolutives. Les sections rectangulaires et quadrangulaires sont antérieures aux sections ovales; celles -ci semblent les remplacer au fil du temps, puisque les proportions respectives des deux types de sections s'inversent depuis les niveaux profonds jusqu' à la séquence supérieure (fig. 14). La proportion des sections plano-convexes à face plane dorsale diminue depuis c.23-25 jusqu'aux niveaux supérieurs. Ce type semble donc être plus ancien, et tend à diminuer avec le temps. Les sagaies à face plane, portant parfois une rainure ventrale, absentes des niveaux profonds, mais représentées dans la série Chaillot, paraissent plus récentes, au même titre que les sections ovales et les sections quadrangulaires robustes. La dilatation stratigraphique de la séquence inférieure de Gandil offre donc la possibilité d'appréhender sous un nouveau jour la variabilité interne du Magdalénien inférieur entre 17 500 et 15 000 BP. La série c.20 à pointes à cran, qui peut être rapprochée de Fontgrasse dans le Gard (Bazile 2006), est postérieure à l'ensemble c.23-25 (fig. 3). Ce dernier, dépourvu en pointe à cran, rappelle, entre autres gisements, le niv. III du Taillis des Coteaux dans la Vienne (Primault et al. 2007) ou Thèmes dans l'Yonne (Le Brun-Ricalens et Brou 2003). En définitive, l'interprétation diachronique des variations internes du Magdalénien inférieur devra être précisée par de nouvelles études comparatives de séries lithiques et des équipements en matière dure animale. D'autre part, les travaux en cours sur l'évolution interne du Badegoulien permettront de mieux cerner les différences et continuités avec le Magdalénien inférieur (Bodu et al. 2007; Cretin et al. 2007; Ducasse et Langlais 2007). La seconde perspective de recherches qu'ouvre cette nouvelle étude de l'Abri Gandil concerne les réflexions sur la genèse du Magdalénien moyen dans le Sud-Ouest de la France. Ainsi, dans la continuité des observations faites à Saint-Germain-La-Rivière où un ensemble inférieur à microlamelles et nucléus carénés laisse la place à un ensemble supérieur à lamelles scalènes (Lenoir et al. 1991 et 1994; Langlais 2007a), la séquence totale de l'Abri Gandil contient vraisemblablement une des clés de compréhension des changements techno-économiques importants qui se sont déroulés avec l'avènement du Magdalénien moyen dans le sud-ouest européen au cours de Heinrich 1 (Langlais 2007a) . | La séquence stratigraphique de l'Abri Gandil (Bruniquel, Tarn-et-Garonne) documente l'évolution des premiers temps du Magdalénien. Cet article fait le point sur les industries lithiques et osseuses de la séquence inférieure (couches 25, 23 et 20), datée de la fin du Dernier Pléniglaciaire (17 500 - 15 000 BP). La caractérisation du Magdalénien inférieur de l'Abri Gandil s'appuie sur une analyse du sous-système lithique et de l'équipement en matière dure animale. Les matières premières siliceuses sont préférentiellement locales dans l'ensemble, même si on note une évolution en c.20 avec l'augmentation des silex régionaux, de meilleure aptitude au débitage laminaire. Concernant les productions lithiques, il s'agit essentiellement de débitages lamellaires et microlamellaires mis en oeuvre selon une diversité de modalités. Le débitage laminaire, peu investi en c.23-25, prend une place plus importante en c.20, en relation avec la confection de pointes à cran. L'équipement en matière dure animale montre également des changements au sein de la séquence inférieure et se distingue assez fortement du matériel des fouilles Chaillot (ensemble supérieur). L'étude des séries c.23-25 et c.20 permet donc, non seulement, de mieux caractériser les traits techno-économiques du Magdalénien inférieur du sud-ouest européen, d'envisager une évolution interne du Magdalénien inférieur marquée notamment par le développement des débitages laminaires dévolus aux pointes à cran et aux outils et par une augmentation des grandes lamelles, mais également de réfléchir à la genèse du Magdalénien classique. | archeologie_09-0062861_tei_226.xml |
termith-129-archeologie | La grotte XVI est l'une des vingt-deux cavités recensées par J. Lachastre (1968) le long de la falaise du Conte (commune de Cénac-et-Saint-Julien, Dordogne). En 1960, un sondage pratiqué par cet auteur dans le fond de la grotte a livré de la poterie, peut-être d' âge chalcolithique (Rigaud 1982). Il faut cependant attendre 1977 et un second sondage réalisé par J.-Ph. Rigaud pour révéler une occupation paléolithique (aurignacienne) du site (Rigaud op. cit.). En 1983, des fouilles systématiques y sont entreprises sous la direction de J.-Ph. Rigaud et de J. Simek. Elles dureront jusqu'en 2001 et mettront en évidence plusieurs niveaux de Moustérien ainsi que des occupations attribuables à la plupart des cultures du Paléolithique supérieur (tabl. 1). Il s'agit donc d'un gisement de référence qui permet de documenter plusieurs thématiques importantes de la préhistoire comme le passage du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur, l'implantation et le développement de l'Homme anatomiquement moderne en Europe de l'Ouest ou encore la succession et la caractérisation des cultures du Paléolithique supérieur. Ce site a déjà donné lieu à plusieurs publications à large diffusion. En 1995, Rigaud et alii attirent l'attention sur de grandes aires de combustions associées à des niveaux moustériens datés entre 53900 et 65600 ans BP. Sur la base d'une étude micromorphologique approfondie, ils qualifient ces structures de « multiphasées et de polycycliques », et indiquent qu'elles témoignent de l'utilisation de lichens comme combustible principal. Néanmoins, cette assertion est infirmée quelques années plus tard par Karkanas et collaborateurs qui, à partir d'une étude portant sur les phytolithes, soulignent qu'elles résultent plutôt de la combustion de bois et, secondairement, d'herbes (Karkanas et al. 2002). Ces mêmes auteurs réalisent une analyse approfondie des phosphates et montrent que les sédiments qui incluent les aires de combustion moustériennes ont subi une évolution diagénétique plus poussée dans le centre de la cavité qu' à la périphérie. Ils en déduisent que les ossements contenus initialement dans ce niveau ont probablement en grande partie disparu dans la partie centrale du site (Karkanas et al. 2002). Ils notent également qu'un niveau d'Aurignacien (A base brune) est plus carbonaté que les niveaux encaissants et livre de nombreux phytolithes de bois et d'herbes. Ils en concluent que ce niveau est composé majoritairement de cendres, bien que les structures de combustion ne soient actuellement plus visibles (Karkanas et al. op. cit.). Enfin, en 2001, Grayson et al. publient une étude sur le contenu faunique de cette cavité. Ils montrent que l'augmentation constante des restes de Renne du bas vers le haut de la séquence n'est due ni à l'importance relative des assemblages analysés, ni au degré de fragmentation des ossements, ni même à un problème de représentation des différents éléments du squelette, mais se corrèle à une diminution des températures d'été durant la période considérée. En outre, à cette occasion, ils publient la liste des différentes datations numériques obtenues (tabl. 1). Dans le cadre de cet article, nous nous proposons de contribuer à la connaissance de ce gisement-clé par l'établissement de la lithostratigraphie du remplissage et par la mise en évidence des processus géologiques qui ont conduit à sa formation. Nous tenterons également de caler chronologiquement les différents événements identifiés. Les objectifs que nous nous sommes fixés ont impliqué la mise en œuvre de méthodes à la fois descriptives (à différentes échelles d'observation) et analytiques. Les méthodes descriptives incluent une analyse du cadre géomorphologique ainsi que l'étude macroscopique et microscopique (micromorphologie) des dépôts représentés dans le site. L'analyse du cadre géomorphologique a pour but d'intégrer le gisement dans son environnement, d'apprécier la représentativité des coupes étudiées, d'évaluer les sources possibles du matériel sédimentaire et de sérier la gamme de processus susceptibles d' être intervenus dans la genèse du gisement. Elle a nécessité des études de terrain ainsi que l'analyse des cartes topographiques et géologiques disponibles. L'étude macroscopique des dépôts s'est appuyée sur la lecture des coupes disponibles afin de définir les milieux sédimentaires et diagénétiques qui se sont succédés lors de la formation du site. Elle a consisté à décrire les sédiments prenant part au remplissage de la cavité, à identifier les macrostructures sédimentaires et pédologiques inscrites dans les dépôts ainsi qu' à reconnaître leur organisation spatiale et leurs inter-relations. C'est principalement sur cette base qu'a été établie la lithostratigraphie. L'étude micromorphologique a été développée en fonction des problèmes posés en amont (i.e. lors de la lecture macroscopique des dépôts). Elle a permis de caractériser les principaux constituants des sédiments et d'étudier leur organisation microscopique. Cette étape a impliqué la réalisation de lames minces de grand format selon une technique mise au point par Guilloré (1980) : les lames sont taillées à partir de blocs orientés de sédiment, consolidés par imprégnation sous vide par une résine polyester. La terminologie utilisée pour la description de ces lames est adaptée de celle définie par Bullock et al. (1985). Les analyses réalisées en complément de l'approche descriptive comprennent des analyses granulométriques, des analyses de calcimétrie et des analyses de minéraux lourds. D'autres analyses, comme celles des minéraux argileux, le calcul des limites d'Atterberg et des analyses bidimensionnelles de fabriques, ont également été effectuées. Dans la mesure où elles n'apportent pas d'éléments déterminants à la compréhension du site, il n'en sera pas question ici. Les analyses granulométriques ont été effectuées sur la fraction sédimentaire inférieure à 2 mm (sables, limons, argiles). Elles peuvent apporter des éléments d'information sur l'origine des sédiments ainsi que sur leurs processus de mise en place et de transformation. Elles ont concerné l'ensemble de la séquence sédimentaire et, à fin de comparaison, des dépôts observés dans l'environnement du site (formation endokarstique prélevée dans la grotte XV voisine, formations superficielles localisées sur le plateau au-dessus du site, résidu de décarbonatation du calcaire). Elles ont été réalisées par densimétrie selon la méthode Mériaux (Mériaux 1957) et par tamisage mécanique. Les analyses calcimétriques sont destinées à mettre en évidence les variations de teneur en carbonates totaux de la fraction sédimentaire inférieure à 2 mm. Elles ont été effectuées au calcimètre Bernard à partir de 1 g de sédiment brut. Les analyses de minéraux lourds ont pour objectif de déterminer l'origine des sédiments qui constituent le remplissage. Elles ont porté sur la fraction 100 à 200 mm. Les valeurs données correspondent aux pourcentages non pondérés des différentes espèces minéralogiques transparentes établis à partir du comptage de plus de 100 grains par lame. La grotte XVI est localisée sur le flanc droit d'une petite vallée encaissée drainée par un affluent de rive droite de la Dordogne, le Céou (fig. 1). Elle s'ouvre à plus de 110 m au-dessus du fond de la vallée, au pied d'une paroi de calcaire coniacien haute d'une trentaine de mètres. Cette dernière correspond à une calcarénite brun très pâle, comportant généralement une forte charge détritique, essentiellement quartzeuse. Le plateau qui fait suite à l'abrupt est recouvert d'altérites sablo-argileuses plus ou moins remaniées. La cavité (fig. 2) débute par un vaste porche orienté à l'ouest. Lui succède une salle longue d'environ 25 m dont le creusement a été guidé par deux diaclases espacées de 6 à 10 m. L'une, orientée N 105°, a déterminé le façonnement de la paroi sud; l'autre, orientée N 95°, celui de la paroi nord. Des concrétions se développent dans le fond de la salle. Elles forment des draperies ou des coulées qui, localement, passent vers le bas à un plancher stalagmitique. À la suite de la salle, prend naissance une galerie d'environ 7 m orientée NO-SE. Celle -ci se prolonge sur près de 4 m par un étroit diverticule (fig. 2). La paroi NO de la galerie est exclusivement calcaire alors que sa paroi SE est en grande partie recouverte par plusieurs générations de concrétions calcitiques. Les plus récentes scellent les dépôts paléolithiques. Au plafond de la salle et de la galerie, s'observent des poches de dissolution. Les fouilles ont porté sur l'ensemble des dépôts de remplissage de la salle et sur ceux de la partie proximale de la galerie. Le substratum calcaire n'a pas été atteint. Un log synthétique des dépôts de remplissage de la cavité est présenté figure 3. On observe de bas en haut les unités lithostratigraphiques suivantes : Unité VII (= niveaux I et H de la stratigraphie archéologique) Epaisseur visible : 25 à 70 cm. Ne s'observe que dans des sondages profonds réalisés dans la partie ouest du remplissage, près de l'entrée de la grotte. Constituée de sables limono-argileux lités, cryoturbés et contenant des cailloux et des blocs disséminés dans la masse (fig. 4). Le litage s'exprime par une alternance de niveaux d'épaisseur centimétrique à pluricentimétrique et de lamines d'épaisseur millimétrique à plurimillimétrique. Des lits de graviers sont localement présents. La couleur de ces niveaux et de ces lamines est variable : jaune à jaune brun (10 YR 7/6 à 6/6), brun à brun foncé (5 YR 4/4), blanc à brun très pâle (10 YR 8/2 à 8/3). Présence d'une structure lamellaire et de bioturbations. Les clastes (cailloux et petits blocs) comprennent essentiellement des fragments calcaires, souvent fortement altérés et recouverts d'un enduit phosphaté. Des fragments de spéléothèmes sont également présents. Les analyses minéralogiques (diffractométrie X) montrent que la fraction fine du sédiment est fortement phosphatée. Cette unité livre du Paléolithique moyen. Unité VI (= niveaux G, F et E de la stratigraphie archéologique) Epaisseur : 50 à 75 cm. S'observe dans le même secteur que l'unité précédente. Diamicton composé principalement de petits cailloux et de graviers calcaires ou calcitiques, anguleux à sub-anguleux, inclus dans une matrice de sables limono-argileux (fig. 4). Structure à support clastique ou matriciel. Présence locale de granules phosphatés blanchâtres. Couleur de la matrice : jaune à brun jaune clair (10 YR 7/6 à 6/4). Vers l'est, les dépôts s'enrichissent en phosphates; les fragments calcaires sont alors plus ou moins fortement altérés et entourés de croûtes phosphatées. Les déformations qui se manifestent dans l'unité VII, affectent également cette unité (fig. 4). La matrice des dépôts montre une structure lamellaire. Cette unité contient également du Paléolithique moyen. Sa limite inférieure est nette, contournée. Unité V (= niveau D de la stratigraphie archéologique) Epaisseur maximum visible : 1 m. Elle se limite au secteur N-NO du site. Cette unité forme un cône surbaissé dont la partie apicale est localisée à proximité de la paroi nord de la cavité. Très fortement hétérométrique, elle est constituée de dalles, de blocs et de cailloux dont les vides d'entassement sont plus ou moins colmatés par des graviers, des granules ainsi que par des sables limoneux peu cohérents, de couleur jaune pâle à brun jaune (10 YR 6/6 à 5/6). La fraction grossière de la partie basale de cette unité est composée principalement de fragments anguleux de spéléothèmes. Celle de la partie sommitale comprend exclusivement des fragments calcaires plus ou moins fortement émoussés. À la surface de ce cône, se développe une croûte phosphatée noirâtre pouvant se détacher en plaquettes. La limite inférieure de cette unité est nette, régulière. Unité IV (= niveaux C, B et A de la stratigraphie archéologique) Epaisseur : 0,50 à 1,80 m. Les fouilles ont porté principalement sur cette unité qui s'observe largement, sur presque toute la surface de la salle principale. Elle comporte plusieurs lithofaciès qui se relaient latéralement. Vers l'entrée de la cavité (i.e. vers l'ouest), se développe un faciès lité à organisation entrecroisée. Il est composé de sables limoneux et de graviers granoclassés. Des cailloux et des blocs calcaires sont disséminés dans la masse des dépôts qui montrent une structure lamellaire bien exprimée. Vers le fond de la salle principale, à proximité de la paroi nord de la cavité, on note la présence d'un éboulis composé de blocs et de cailloux principalement calcaires, plus rarement calcitiques. Les vides interstitiels sont plus ou moins colmatés par des sables imprégnés de carbonates et présentant une structure lamellaire. On note un gradient latéral de la carbonatation qui s'accentue en direction de la paroi et disparaît progressivement vers le centre de la cavité. Dans tout le reste de la cavité, cette unité est constituée par un diamicton présentant des involutions sur toute son épaisseur (1,20 à 1,80 m) (fig. 5). Le sédiment comprend des blocs, parfois très volumineux (jusqu' à 1,50 m de diamètre), et des cailloux de taille très variable distribués dans un sable limono-argileux montrant une structure lamellaire très bien exprimée (fig. 6). Des organisations litées s'observent très localement dans la matrice. La densité des fragments rocheux varie selon les secteurs de la cavité; elle est en moyenne plus importante vers le nord que vers le sud. La couleur de la matrice est généralement brun jaune (10 YR 5/6) à brun jaune clair (10 YR 6/6). Néanmoins, le niveau archéologique Abb, enrichi en matière organique, est de couleur plus foncée (brune - 7,5 YR 5/4 -). De plus, dans la partie centrale de la cavité, cette unité inclut à sa base des aires de combustions empilées (Rigaud et al. 1995) qui forment des lits d'épaisseur centimétrique à pluricentimétrique, alternativement charbonneux noirs (5 YR 2/1) et cendreux brun pâle à brun jaune pâle (10 YR 6/3 à 6/4). Des bioturbations plus ou moins abondantes recoupent localement ces structures. À proximité de la paroi sud de la grotte, dans la partie supérieure du diamicton, se développe une zone enrichie en carbonates. Les déformations qui affectent ces dépôts se caractérisent dans la partie centrale et vers le nord de la cavité par des plis pincés principalement symétriques dont le coeur est généralement occupé par un bloc calcaire à disposition verticale (fig. 5). Vers le sud, ces déformations affectent la forme de plis déversés en direction du fond de la cavité (fig. 7); des étirements et des boudinages bien visibles dans niveau brun Abb sont également présents. On note que, vers le fond de la cavité, à proximité de la galerie, les cailloux prennent une disposition imbriquée et relevante. La limite inférieure de cette unité IV n'est visible que vers l'entrée de la grotte, là où se développe le faciès lité. Le contact avec les unités sous-jacentes est net et localement érosif. L'unité IV a livré du Moustérien, du Châtelperronien, de l'Aurignacien, du Gravettien et du Solutréen (tabl. 1 et 2). Unité III (= niveau 0 de la stratigraphie archéologique) Epaisseur moyenne : 25 cm. N'existe que dans la partie la plus profonde de la salle principale et à l'entrée de la galerie. De couleur noire (5 YR 2.5/1) ou brun jaune (7,5 YR 5/4), sa constitution est très fortement influencée par les produits de l'activité humaine (Magdalénien) : richesse en matière organique, présence de nombreux galets de quartz, de roches cristallines diverses, de calcaires rubéfiés, abondance des pièces archéologiques ,. .. Son faciès général est celui d'un diamicton organique à support matriciel ou clastique (fig. 8). Ces dépôts ne sont pas affectés par les déformations observées dans l'unité sous-jacente. Une structure lamellaire se développe dans la matrice. Sa limite inférieure est nette et de type érosif (fig. 8). Unité II Plancher stalagmitique qui scelle les dépôts paléolithiques aux abords des parois au fond de la salle principale et dans la galerie. Les sédiments qu'il recouvre sont cimentés par de la calcite. Il dépasse parfois 40 cm d'épaisseur et comprend deux niveaux séparés par une discontinuité. Le niveau inférieur a un aspect tufacé et lacunaire; il renferme des vestiges archéologiques et des charbons. Unité I Dans la salle principale, elle correspond à plusieurs niveaux, plus ou moins organiques et probablement en grande partie remaniés, qui surmontent le remplissage paléolithique. La limite inférieure de cette unité est abrupte. Son épaisseur peut dépasser 0,50 m et son sommet est généralement tronqué par des aménagements récents ou des fouilles clandestines. Dans la galerie, elle apparaît localement concrétionnée et susbsiste sous forme de placages qui contiennent notamment des vestiges protohistoriques. Il est nécessaire de souligner que les unités VII à III incluses comportent une proportion appréciable de petits galets de micaschiste, de granite et de basalte assez bien calibrés (1 à 2 cm de diamètre en moyenne) et généralement peu altérés. Une étude statistique de leur répartition spatiale conduite par J.-Ph. Rigaud et J. Simek a montré que ces objets avaient une distribution plus ou moins homogène, indépendante des niveaux archéologiques (Rigaud et Simek, renseignement oral). Le granoclassement des dépôts de remplissage de la cavité est variable; il peut être assez bon ou très mauvais (fig. 9). D'une manière générale, il tend à se dégrader de la base de l'unité IV, où l'on observe un mode bien net entre 1 et 0,15 mm, à l'unité III où aucun mode n'est clairement visible. Cette évolution pourrait résulter à la fois de l'influence des occupations humaines, parfois importantes, et d'une diminution de la compétence des flux hydriques. Les courbes représentatives des unités de base VI et VII présentent des morphologies assez voisines de celles obtenues à la base de l'unité IV. Le calcaire coniacien (fraction insoluble dans HCl) et les dépôts fluviatiles endokarstiques provenant de la grotte voisine (Grotte Vaufrey) montrent un très bon classement sur la même fraction granulométrique que celle constatée pour la base de l'unité IV (i.e. entre 1 et 0,15 mm) (fig. 10). Ceci indique que les sédiments du remplissage comme ceux qui transitent dans le karst ont probablement une origine principale commune, à savoir des altérites du calcaire coniacien. On note également que les formations prélevées sur le plateau sont très mal classées (fig. 10) et correspondent donc sans doute à des colluvions d'altérites. Des constats analogues peuvent être faits à partir de la lecture des diagrammes triangulaires des textures (fig. 11 et 12). Les points représentatifs des unités IV et III s'étirent du voisinage du pôle des sables en direction du centre du diagramme, mettant en évidence le caractère de plus en plus limoneux des sédiments au fur et à mesure que l'on monte dans la stratigraphie. Les points représentatifs des unités VI et VII se situent dans la même zone que ceux de la base de l'unité IV, tandis que le Coniacien et les dépôts fluviatiles endokarstiques sont représentés par des points accolés au pôle des sables. Les prélèvements destinés à la calcimétrie ont dû être effectués en trois endroits différents de la cavité : dans la galerie, au centre de la salle et à l'entrée de la grotte. En effet, l'unité III n'existe que dans le fond de la salle et dans la galerie; l'unité IV n'est pleinement développée qu'au centre de la salle alors que son épaisseur est très réduite à l'entrée de la cavité; enfin, les unités inférieures V, VI et VII ne sont accessibles qu' à proximité de l'ouverture de la grotte où elles sont proches de la surface. C'est pourquoi sur le diagramme stratigraphique de la figure 13, les résultats concernant ces trois loci sont séparés. En outre, la prise en compte de ces éléments permet de constater que l'enrichissement en carbonates observé d'une part au sommet de l'unité IV et, d'autre part, dans l'unité V et au sommet de l'unité VI ne correspond pas à deux horizons distincts mais à un seul qui affecte le sommet des dépôts du remplissage. Cet horizon, clairement post-sédimentaire, est probablement d' âge holocène comme le spéléothème qui, dans le fond de la cavité, scelle les dépôts magdaléniens. On notera que, contrairement à Karkanas et collaborateurs (2002), on n'observe pas d'augmentation du taux de carbonates dans le niveau A base brune dont la position sur le diagramme est indiquée par une flèche (fig. 13). On soulignera enfin que la forte teneur en carbonates de l'unité III est à mettre en liaison avec la formation du plancher stalagmitique qui la recouvre. Les diagrammes établis à la suite des analyses de minéraux lourds sont quasiment tous du même type. Ils comportent deux modes : l'un concerne des minéraux fragiles (pyroxènes, épidotes et amphiboles), l'autre des minéraux résistants (tourmalines et staurotides) (fig. 14 et 15). Généralement, le mode sur les minéraux fragiles est mieux représenté que celui sur les minéraux résistants. Les autres espèces minérales identifiées comprennent des sphènes, des disthènes, des andalousites, des grenats, des minéraux titanés ainsi que des minéraux regroupés dans la catégorie des divers comme les zircons, les olivines et les micas. L'unité V (niveau D) fait exception au type de distribution évoquée. En effet, les tourmalines et staurotides ne sont que peu représentées tandis que les grenats atteignent un pourcentage élevé inhabituel (17,31 %). Tourmalines et staurotides proviennent vraisemblablement du calcaire encaissant dans lequel ces minéraux se retrouvent en quantité (fig. 15). Il en est de même pour un certain nombre d'espèces minérales secondaires comme le disthène, le sphène et les minéraux titanés. En revanche, l'origine des pyroxènes, épidotes et amphiboles doit être recherchée ailleurs. Dans la région, lorsqu'on retrouve de tels minéraux éminemment altérables dans des sites localisés en position haute, au-dessus de la plaine alluviale et des basses terrasses des cours d'eau majeurs (dans ce cas, la Dordogne), on invoque habituellement l'action du vent (Texier 2009). Néanmoins, dans le cas étudié ici, il est possible de faire appel à une autre explication et de rapprocher la présence des pyroxènes et des amphiboles de celle des galets de micaschistes, de basaltes et de granite trouvés en abondance dans l'ensemble du remplissage (cf. supra). En effet, ces galets exogènes dont la distribution spatiale indique qu'ils n'ont pas de relation avec les occupations humaines (Rigaud et Simek renseignement oral), pourraient provenir de vieilles alluvions de la Dordogne piégées dans le karst et remobilisées à la suite de l'évolution des conduits. Une telle hypothèse a déjà été évoquée pour la grotte voisine de Vaufrey dans laquelle on retrouve ces mêmes éléments (Kervazo et Laville 1989). Elle permet d'expliquer également la présence en quantité importante de minéraux lourds fragiles dans cette cavité. Leur abondance généralement plus élevée que celle des minéraux résistants est probablement due au fait que les alluvions de la Dordogne contiennent 50 à 100 fois plus de minéraux lourds que le calcaire encaissant. L'existence de nombreux grenats dans le prélèvement effectué dans l'unité V est probablement à mettre en relation avec des produits d'altération de galets de micaschiste dans lesquels ce minéral est particulièrement bien représenté. L'unité I qui correspond principalement à des remaniements récents (historiques), n'a pas été prélevée. Les caractéristiques micromorphologiques des autres unités stratigraphiques sont décrites ci-après en partant de la plus ancienne. Unité VII (= Archéostrates I et H) La fraction la plus grossière comprend des fragments de spéléothèmes, des graviers calcaires et des fragments osseux imprégnés par des phosphates. Un gravier de schiste altéré a également été observé. On note l'existence de lits de grains phosphatés et de lits de sables quartzeux. Le sédiment présente une structure lamellaire plus ou moins bien exprimée. Au sein des agrégats structuraux, la plupart des éléments du squelette sont enrobés par des revêtements argilo-silteux à litage plus ou moins net. Dans les zones où la structure lamellaire est peu ou mal exprimée, apparaît une structure de type ovoïde (Fédoroff 1966; Huijzer 1993; Van Vliet-Lanoë 1985). Le squelette est dominé par des grains de quartz, parfois polycristallins, de taille et de forme variables. Ils sont associés à de nombreux grains phosphatés et à des fragments osseux plus ou moins phosphatisés. Le plasma est constitué d'argiles limoneuses brunes massives ou formant de petits agrégats, souvent plus ou moins fusionnés. La porosité est de type structural (liée à la structure lamellaire), d'entassement (des ovoïdes) ou biologique. Les traits texturaux comprennent des coiffes litées à la partie supérieure des éléments les plus grossiers, et des enrobements autour des grains du squelette (cf. supra). On observe également des hypocutanes micritiques autour des vides biologiques ainsi que des imprégnations noires d'oxydes ferro-manganiques. Unité VI (= Archéostrates G, F et E) La fraction grossière est dominée par les fragments de spéléothèmes associés à des fragments calcaires. Le squelette comprend en majorité des grains de quartz de taille et de forme très variées. Ils sont associés à de nombreux grains phosphatés ainsi qu' à des fragments osseux et calcitiques (spéléothèmes). La plasma est constitué d'argiles brunes, poussiéreuses (petites particules de quartz, de micas et de calcite). On observe une structure lamellaire très bien exprimée. La plupart des éléments du squelette inclus dans les agrégats structuraux sont, ici aussi, enrobés par un revêtement argilo-silteux (fig. 16). La porosité est de type structural et biologique. Les traits pédologiques comprennent : ‑des coiffes litées à la partie supérieure des gros clastes allongés; ‑des revêtements lités autour des grains du squelette et de certains agrégats de sol; ‑des agrégats imprégnés par des oxydes ferro-manganiques; ‑des imprégnations micritiques du fond matriciel en liaison avec la porosité biologique. On note que les traits ferro-manganiques et phosphatés sont un peu moins abondants que dans l'unité VII. Unité V (= Archéostrate D) Seule la base a pu être prélevée car, dans le reste de l'unité, la matrice fine est très peu abondante. Parmi les éléments les plus grossiers (calcaires), on note la présence d'un fragment de pendant imprégné de phosphates à sa périphérie (fig. 17). Le squelette est toujours dominé par des grains de quartz de taille et de forme variées. Il comprend en outre des lithoclastes calcaires généralement peu altérés mais parfois phosphatisés, des fragments de spéléothèmes, quelques fragments de pendants, de rares micas et quelques grains de glauconie. Le plasma, peu abondant, est formé d'argiles brunes poussiéreuses (quartz, micas, calcite). Une structure lamellaire mal exprimée se superpose à une structure ovoïde. Les traits texturaux comprennent des coiffes du même type que celles notées précédemment et, dans les grands vides, des colmatages constitutés de limons argileux granoclassés et lités et/ou de sables lavés (fig. 18). Unité IV, faciès lité (= partie inférieure de l'archéostrate C) Le squelette est constitué de quartz abondants, de fragments de spéléothèmes parfois imprégnés de phosphates, de grains phosphatés, de fragments osseux, de lithoclastes calcaires peu altérés (quelques uns sont phosphatisés), et de quelques grains de glauconie. Le plasma est identique à celui décrit ci-dessus. On note la présence d'une structure lamellaire très bien exprimée. Elle est recoupée par quelques biotubules. Des lits de quartz lavés s'intercalent dans le fond matriciel. Les traits texturaux comprennent essentiellement des coiffes disposées sur la face supérieure des éléments grossiers. En outre, les biotubules les plus gros sont colmatés par des sables lavés et triés. Unité IV, faciès « aires de combustion » (Archéostrate C) Deux principaux microfaciès ont été observés : 1) un microfaciès constitué d'un matériel noir profondément affecté par des biotubules, très sinueux et assez larges (diamètre plurimillimétrique) et colmatés par un matériel jaune; 2) un microfaciès lité comprenant des lits d'épaisseur pluricentimétriques formés soit par un matériel noir dans lequel s'intercalent de minces lits jaunes, soit par un matériel rougeâtre. Ce second microfaciès est également affecté par des biotubules (peu nombreux) colmatés par un matériel jaune. Le matériel noir comprend de nombreux grains de quartz de taille et de forme variées, associés à de rares fragments d'os brûlés (fig. 19) et à quelques fragments de spéléothème et paillettes de mica. Le squelette est inclus dans un fond matriciel noir à brun rouge très foncé, constitué de petites particules plus ou moins agrégées, probablement des particules charbonneuses. Le matériel rougeâtre contient une fraction quartzeuse semblable à celle incluse dans le matériel noir. Cependant, elle est ici associée à de nombreux grains phosphatés jaunes et à des fragments rouge jaune d'os brûlés. Les particules charbonneuses sont rares et dispersées mais peuvent parfois être groupées et former de petites plages. Le plasma rouge brun présente une structure microagrégée fondue. Il est poussiéreux et contient de petites particules de quartz, de charbon et de mica. Il est fortement opaque en lumière polarisée et contient probablement beaucoup de phosphates. Le matériel jaune ,qu'il participe au colmatage de biotubules ou à la constitution des lits intercalés dans le matériel noir, présente des caractéristiques identiques. Celles -ci sont par ailleurs très semblables à celles du matériel rougeâtre (mise à part la couleur). Le squelette est composé des mêmes éléments : grains de quartz, nombreux grains phosphatés jaunes, fragments rouge jaune d'os brûlés, rares particules charbonneuses. Le plasma, jaune brun, comporte une structure microagrégée fondue et contient de petites particules charbonneuses et phosphatées, des petits quartz et des micas. Il est sans doute fortement phosphaté (extinction presque complète en lumière polarisée). On note que certains biotules sont colmatés par un matériel riche en petits fragments de calcite (spéléothèmes). L'ensemble du matériel sédimentaire est recoupé par une structure lamellaire très bien exprimée (fig. 20). Les biotubules affectent tous les types de lits. À côté de ceux qui sont colmatés par du matériel jaune, on trouve des biotubules remplis par des sables lavés ou encore des biotubules (plus récents) qui contiennent des racines à cellules calcitisées et sont associés à des hypocutanes micritiques. Unité IV, faciès éboulis concrétionnés (= archéostrates C, B et A) Les éléments les plus grossiers comprennent des fragments de calcaire et de spéléothèmes. Ces derniers sont parfois imprégnés par des phosphates. Le squelette, non trié, comprend majoritairement des grains de quartz associés à de nombreux lithoclastes calcaires et calcitiques. Des micas, des fragments osseux, des grains phosphatés et quelques grains opaques (charbons de bois et oxydes métalliques) sont également présents. Le plasma est brun gris, poussiéreux. Les poussières correspondent à de petites particules de quartz et de calcite ainsi qu ' à des micas. Une structure lamellaire, plus ou moins bien marquée selon les endroits, se développe dans le fond matriciel (fig. 20). Des coiffes litées se développent à la partie supérieure des gros clastes. De la micrite imprègne le fond matriciel ainsi que les coiffes. Il n'y a pas de revêtements calcitiques dans les vides structuraux. Unité IV, faciès diamicton (= Archéostrates B, A infrabase, A base brune, A base et A sommet) Les caractéristiques micromorphologiques générales ne varient pas à l'intérieur de ce diamicton. Néanmoins, dans les niveaux A, A base brune et A infrabase, on a observé la présence de nombreuses coquilles entières ou fragmentées de gastéropodes. Celles -ci ne semblent pas exister dans le niveau B. La fraction grossière comprend essentiellement des fragments arrondis de calcaire peu ou non altéré et des fragments de spéléothème. Dans A base, on a également noté la présence d'un gravier de grès ferrugineux et de fragments de pendants phosphatisés. Quelques fragments de calcaire cryptocristallin ne semblant pas provenir de l'encaissant ont également été observés.Le squelette, non granoclassé, est composé majoritairement de grains de quartz, associés à une quantité variable de grains phosphatés, de lithoclastes calcaires (peu altérés), de fragments osseux et de micas. On remarque aussi la présence occasionnelle de grains de glauconie et de fragments de coquilles de gastéropodes (cf. supra). De rares sphérulites calcitiques, interprétés comme des excrétions de glandes calcifères de vers de terre (Becze-Deak et al. 1997), s'observent dans toute l'épaisseur du diamicton. Le plasma, brun à brun jaune, est argilo-limoneux et contient des poussières constituées de petits grains de quartz, de calcite, de grains opaques (charbons et/ou oxydes de fer) et de paillettes de mica. Dans les niveaux B et A infrabase, il est relativement opaque en lumière polarisée et contient sans doute d'abondants phosphates. Une structure lamellaire, généralement bien développée (fig. 21), est visible dans tous les échantillons prélevés dans ce diamicton. Elle est recoupée par des biotubules plus ou moins nombreux. Les traits pédologiques comprennent des coiffes limono-argileuses litées localisées au sommet des gros clastes ainsi que des imprégnations micritiques qui sont plus abondantes vers le haut de la coupe et sont généralement associées à des biotubules. Dans le niveau B, on a également noté la présence de taches ferro-manganiques à contours diffus. Unité III (= Archéostrate 0) La fraction la plus grossière est composée de fragments de spéléothème et de calcaire. Parmi les calcaires, on note l'existence d'un calcaire cryptocristallin analogue à ceux observés dans le diamicton de l'unité IV. Le fond matriciel présente une structure ovoïde (fig. 22) pouvant passer à une structure lamellaire mal exprimée dans les zones où le plasma est le plus abondant Le squelette est composé majoritairement de grains de quartz et de lithoclastes calcaires et calcitiques associés à des fragments d'os souvent brûlés. Le plasma, de couleur brune, est limono-argileux et contient des particules opaques (probablement des charbons de bois). Il forme des enrobements autour des grains du squelette ou constitue des agrégats. Les traits texturaux comprennent des coiffes enrobantes autour des graviers et des cailloux, de même qu'autour des grains du squelette et des agrégats de sol. Unité II (= spéléothème sur archéostrate 0) La plus grande partie du spéléothème comprend des lits de 2 à 3 mm d'épaisseur composés de cristaux aciculaires disposés en gerbes ou présentant une fabrique columnaire ouverte ou encore une disposition désordonnée (fig. 23). Des pelletoïdes et des grains phosphatés sont associés aux lits à fabrique désordonnée qui sont également recoupés par des vides biologiques. Intercalés dans les lits à cristaux aciculaires, s'observent des lits de cristaux en mosaïque, plus ou moins « salis » par de la matière organique. Ces cristaux, dont la taille varie de 15-20 mm à 80-90 mm, sont probablement la conséquence d'une phase de recristallisation (Couchoud 2007). La partie la plus superficielle du spéléothème, fortement enrichie en produits détritiques, comprend des lits de composition variable : lits formés de pelletoïdes, de grains phosphatés et de quartz, lits de cristaux aciculaires associés à de la matière organique et de nombreux pelletoïdes, lits micritiques gris ondulés de type stromatolithique, lits composés de cristaux de calcite en mosaïque. Des fragments de charbons sont associés à ces différents lits. Ils deviennent très abondants dans la zone la plus externe qui est également très riche en pelletoïdes et grains de quartz. Les résultats obtenus permettent d'aborder trois principaux types de questions : la genèse et l' âge de la cavité, l'origine des sédiments prenant part au remplissage, les processus de formation des dépôts. En outre, sur la base des dates numériques disponibles (tabl. 1), on tentera de caler chronologiquement les événements identifiés. Deux principaux arguments permettent de penser que la Grotte XVI s'est formée en contexte phréatique : 1) la présence de poches de dissolution visibles au plafond de la salle et de la galerie (Bretz 1942; White 1988), 2) son altitude identique à celle des vingt-et-une autres cavités identifiées le long de la falaise du Conte. Sa formation a été guidée par des directions structurales sub-méridiennes (salle) et armoricaines (galerie et diverticule) dont l'influence sur la morphogenèse régionale est bien connue (Delfaud 1972 et 1975) et dont le rôle dans la formation du karst périgourdin a fréquemment été souligné (Aujoulat 2004; Texier 2009). La relation des grottes du Conte avec la vallée du Céou est claire et permet de penser que la phase phréatique responsable de leur formation correspond à un épisode ancien de l'installation du réseau hydrographique, alors que le processus était tout juste initié. D'après les données régionales (Dubreuilh 1976; Texier 1982), cet épisode remonte probablement au début du Pléistocène ancien, voire à la fin du Tertiaire. Les éléments les plus grossiers (graviers, cailloux, blocs), composés de calcaire ou de fragments de spéléothème proviennent, pour l'essentiel, de la dégradation des parois de la grotte. Cependant, on a noté la présence, dans les unités IV et III, de fragments de calcaire cryptocristallin qui ne semble pas appartenir à l'encaissant, normalement constitué par une biocalcarénite. Ils pourraient avoir été introduits dans le site par l'Homme dans un but qui reste à établir. La plus grande partie du squelette composant le fond matriciel trouve également son origine dans la roche calcaire encaissante et les spéléothèmes qui recouvraient les parois. C'est le cas d'une grande partie des grains de quartz, des lithoclastes calcaires et calcitiques ainsi que des grains de glauconie rencontrés épisodiquement. Une autre partie de cette fraction détritique est à mettre sur le compte de l'activité humaine ou animale (fragments osseux brûlés ou non, charbons, fragments de coquille, sphérulites calcitiques). On a constaté que les fragments de spéléothème se rencontrent dans toutes les unités sédimentaires et dans tous les endroits de la cavité. Or, les concrétions calcitiques ne s'observent plus actuellement qu'au fond de la salle et dans la galerie qui lui succède. On peut donc supposer que les parois de la grotte étaient primitivement recouvertes de spéléothèmes générés lors d'une phase évolutive ancienne du système karstique, alors que l'entrée se situait nettement plus à l'ouest (i.e. vers le Céou). Ceci implique donc que la falaise a subi un recul notable depuis cette période (Pléistocène ancien ?). Une telle évolution a également été constatée à partir des données de la grotte Vaufrey voisine (Kervazo et Laville 1989). À côté de ces sources autochtones, il faut ajouter des apports exogènes arrivés dans la cavité via le réseau karstique. La présence dans l'ensemble des sédiments du remplissage de graviers de roches cristallines, d'une quantité importante de minéraux lourds labiles et de paillettes de mica nous a incité à penser que ces éléments provenaient de la remobilisation d'alluvions anciennes de la Dordogne piégées dans le karst (cf. supra). Cette hypothèse nous paraît d'autant plus crédible qu'un phénomène analogue a été observé dans la grotte Vaufrey voisine (Kervazo et Laville 1989). Il faut également évoquer les apports en provenance des altérites localisées sur le plateau au-dessus du site comme l'indiquent notamment les fragments de grès ferrugineux trouvés à différents niveaux dans le remplissage. Le matériel argileux a probablement plusieurs origines. Il peut avoir été généré sur place lors de la dissolution des calcaires encaissants ou à la suite de phénomènes diagénétiques mettant en jeu la production de guano (phosphates). Il provient aussi probablement d'apports exogènes ayant cheminé par le réseau karstique (i.e. altérites du plateau, argiles de revêtement des conduits karstiques) comme le montrent les proportions assez fortes de kaolinite dans le remplissage (25 à 40 %), minéral mal représenté dans les calcaires coniaciens mais abondant dans les altérites du plateau (Kervazo 1973). Un certain nombre de phases évolutives peuvent être déduites des données lithostratigraphiques et analytiques recueillies. Phase 1 : Elle correspond à la mise en place de l'unité la plus ancienne (unité VII). Son faciès lité traduit une dynamique sédimentaire dominé par le ruissellement. Conjointement à celui -ci, se manifeste une éboulisation peu active responsable de la mise en place des fragments rocheux qui parsèment le dépôt. L'importance prise par les phosphates dans la fraction fine du sédiment, confirmée par les analyses géochimique de Karkanas et al. (2002) impliquent une fréquentation importante de la cavité par la faune. L'enduit phosphaté qui recouvre les éléments rocheux est fréquent dans ce type de milieu (Goldberg et Nathan 1975; Kervazo et Laville 1989; Martini et Kavalieris 1978). Généralement constitué de dahlite, il a été dénommé « reaction rim » (« frange de réaction ») par Weiner et al. (1995) qui expliquent sa formation par l'interaction de la calcite et des eaux de percolation riches en phosphates dissous. Les déformations subies par ces dépôts ne permettent pas de définir de direction d'écoulement. Etant donné la faible surface d'affleurement de cette unité, il n'est pas possible de dire si la dynamique inférée concerne l'ensemble de la cavité ou seulement une partie très limitée de celle -ci. Si l'on considère la continuité assez importante des lamines et l'absence d'organisations entrecroisées, la zone observée pourrait correspondre à un petit cône colluvial dont l'emplacement de la source d'alimentation reste à localiser. Les enrobements argilo-silteux observés à l'échelle microscopique autour des grains du squelette laissent à penser qu'un cryosol peu profond a accompagné la mise en place de ces dépôts (Bertran 1993). Phase 2 : Au cours de cette phase, se met en place le diamicton qui constitue l'unité VI. Celui -ci peut résulter d'écoulements en masse de type coulées de débris ou de ruissellements associés à une éboulisation modérée des parois. En effet, dans de nombreux cas, le ruissellement ne se traduit pas par des structures litées mais par un faciès massif. Il en est par exemple ainsi lorsque le ruissellement est de type diffus (Bertran et Texier 1999) ou lorsqu'il est pénécontemporain d'une phase de gel (Lenoble 2005) ce qui semble être le cas ici si l'on en juge par les enrobements argilo-silteux observés en micromorphologie autour des grains sableux. Comme l'indiquent leurs limites diffuses, les concrétions ferro-manganiques observées dans cette unité comme dans l'unité VII sous-jacente se sont probablement formées in situ. Peu abondantes, elles traduisent de courtes périodes d'engorgement des sédiments, peut-être en liaison avec la fonte saisonnière de la glace du gélisol pénécontemporain de la formation de ces dépôts et/ou du cryosol qui a succédé (phase 3, cf. infra). Les phosphates, toujours présents en abondance, impliquent, comme pour la phase précédente, une importante présence faunique. Ils ont eu des conséquences identiques sur les fragments rocheux : développement de croûtes et d'imprégnations phosphatées sur les éléments calcaires et calcitiques. Phase 3 : Elle correspond à un épisode de déformation des dépôts précédents (fig. 4). La relative faible épaisseur (inférieure à 1 m) de dépôts concernés ainsi que la présence dans les unités VI et VII d'une structure lamellaire fine laissent à penser qu'un phénomène de cryoturbation du type « gonflement cryogénique différentiel » (Pissart 1987; Van Vliet-Lanoë 1985) en est à l'origine. Phase 4 : Au cours de cette phase, l'unité V se met en place. Composée principalement de très grandes dalles de calcaire sous lesquelles sont écrasés des spéothèmes, elle témoigne d'un effondrement localisé du plafond de la cavité (près de l'entrée, côté nord). Elle ne représente donc qu'une période très brève, peut-être un instantané de l'histoire de la cavité. Elle a néanmoins modifié sensiblement le modelé du sol de la grotte et déterminera en partie la distribution des faciès qui s'expriment dans les dépôts sus-jacents. Les sédiments qui colmatent très partiellement les vides d'entassement sont à mettre en relation avec les percolations qui ont transité ultérieurement à travers les dépôts. Phase 5 : Lors de cet épisode sédimentaire, deux mécanismes ont joué conjointement : le ruissellement et l'éboulisation, l'un prenant le pas sur l'autre selon les secteurs de la cavité. Dans l'entrée de la grotte, le ruissellement est alors dominant, bien que toujours associé à une éboulisation faible à modérée. Il est responsable du colmatage partiel des vides d'entassement de l'éboulis formant l'unité V et de la mise en place du faciès lité à stratification entrecroisé prenant part à l'unité IV (cf. paragraphe 4 « Lithostratigraphie »). Les petits berceaux qui se recoupent les uns les autres représentent des rigoles à tracés instables qui divaguent à la surface et en aval du cône détritique formé par l'unité V. D'après l'organisation des dépôts, les écoulements semblent provenir de la zone nord de la cavité, mais il n'est pas exclu qu'une autre partie soit issue du fond de la grotte. À proximité de la paroi nord de la grotte, l'éboulisation devient le processus dominant. La dégradation particulièrement active de cette paroi pourrait être liée au fait qu'elle était plus humide que les autres, à l'instar de ce qui se passe actuellement. Les flux hydriques qui percolaient à travers ces éboulis sont responsables de leur colmatage partiel par des sédiments fins. Les carbonates qui imprègnent ce fond matriciel sont pénécontemporains de sa mise en place ou un peu plus tardifs mais sont, en tout état de cause, antéholocènes. Ils sont en effet affectés par une structure lamellaire (fig. 20) qui implique donc qu'un gelisol profond est intervenu postérieurement à leur formation. Ailleurs, c'est-à-dire dans le centre et le long de la paroi sud, les deux mécanismes (i.e. l'éboulisation et le ruissellement) ont joué concurremment pour aboutir au faciès diamicton de l'unité IV. La plus ou moins grande richesse en éboulis ou en éléments fins des dépôts (structure à support clastique ou matriciel) s'explique par l'importance relative prise localement par l'un ou l'autre de ces mécanismes. À côté de ces processus naturels, il faut souligner la part prise par l'activité humaine dans la genèse des sédiments de l'unité IV. On notera en particulier qu'au centre de la cavité, la base de cette unité IV est principalement constituée par un empilement d'aires de combustion (cf. supra, paragraphe « Lithostratigraphie »). Le fonctionnement et la diagénèse des aires de combustion ont été abordés antérieurement par des analyses géochimiques et l'analyse des phytolithes associés (Karkanas et al. 2002). Globalement, nos observations sont en bon accord avec les résultats obtenus par ces méthodes. L'alternance de niveaux noirs et de niveaux blancs plus ou moins teintés de rouge semble bien correspondre à celle résultant d'un empilement d'aires de combustion (Courty 1984; Courty et al. 1989; Rigaud et al. 1995). Ces niveaux ont subi d'importants phénomènes de décarbonatation et de phosphatisation. Les cendres carbonatées ont en effet totalement disparu et le plasma des niveaux clairs contient d'abondants phosphates. La couleur rouge plus ou moins accentuée est probablement à mettre sur le compte de la présence d'hématite comme le suggèrent les résultats de Karkanas et collaborateurs (2002). Ce minéral a pu être généré par l'action du feu (déshydratation de la gœthite) et remobilisé sous l'action des percolations. Néanmoins, contrairement aux prédictions de ces auteurs (Karkanas et al. op. cit.), on trouve de très nombreux fragments d'os brûlés, répartis essentiellement dans les niveaux clairs. On constate en outre que les phénomènes de phosphatisation affectent très spécifiquement ces derniers. Ceci tendrait à montrer que ce processus diagénétique est pénécontemporain de la constitution des dépôts de combustion et que les différentes aires de combustion sont séparées les unes des autres par des intervalles de temps assez conséquents mais difficiles à évaluer. Les fragments charbonneux associés aux niveaux noirs sont très fragmentés, probablement par le gel, et ne constituent plus que de très fines particules de 5 à 10 microns de diamètre en moyenne. Au sein de l'unité IV, l'archéostrate Abb, de couleur brune, apparaît particulièrement riche en matière organique. D'après Karkanas et al. (2002), ce niveau se distingue également des niveaux encaissants par une teneur remarquablement élevée en carbonates ainsi qu'en phytolithes de bois et d'herbe. Ce constat a conduit les auteurs cités à émettre l'hypothèse qu'Abb était constitué principalement de cendres (Karkanas et al. op. cit.). Plusieurs éléments nous empêchent d'adhérer sans réserve à cette proposition. Tout d'abord, d'après nos résultats, la teneur en carbonates d'Abb est équivalente à celle du niveau sous-jacent et sensiblement inférieure à celle du niveau sus-jacent (fig. 13). D'autre part, il ne se différencie pas des autres niveaux archéologiques par une richesse particulière en éléments brûlés (J.-Ph. Rigaud, renseignement oral). Enfin, la présence en abondance de phytolythes ne signifie pas que les végétaux dont ils proviennent ont été brûlés. Ils peuvent être simplement reliés à des accumulations végétales d'origine anthropique (litières) ou même naturelle (débris apportés par le vent ou par d'autres processus), ce qui expliquerait également le caractère organique de ce niveau. D'une manière générale, on relèvera qu'au fur et à mesure de son accrétion, cette unité IV a été soumise à une bioturbation relativement active. En témoignent les biotubules, les fragments de gastéropodes et les excrétions de glandes calcifères de ver de terre intégrés dans les structures de gel qui affectent les dépôts (structure lamellaire). Le colmatage de certains biotubules par des sables lavés ou des limons sablo-argileux lités implique des percolations importantes. Celles -ci se relient probablement à des phénomènes de ruissellement en surface. On soulignera néanmoins que la plupart des bioturbations observées en lames minces est récente (subactuelles ou holocènes) et sont associées à des racines à cellules calcitisées. Phase 6 : Au cours de cette phase évolutive, les dépôts de l'unité IV subissent d'importantes déformations dans toute la partie centrale de la salle. Eu égard à l'épaisseur de la zone affectée (jusqu' à 1,80 m), il est probable qu'elles résultent d'un phénomène de charge en liaison avec la fonte d'un pergélisol riche en glace (French 1996; Murton and French 1993; Vandenberghe 1992). Leur absence vers l'entrée de la cavité s'explique probablement par un meilleur drainage des dépôts qui n'a pas permis d'aboutir à leur liquéfaction, condition nécessaire au déclenchement du processus. Ce n'est pas le cas vers l'intérieur de la grotte où les sédiments se sont transformés en une masse visco-plastique qui, soit s'est déformée sur place, soit a flué en direction de la galerie où existait alors probablement une zone déprimée. Ce dernier phénomène a affecté essentiellement le secteur sud du remplissage, comme en témoignent les plis déversés, les étirements et les boudinages décrits plus haut (fig. 7). Phase 7 : Elle est contemporaine de l'installation des hommes du Magdalénien supérieur. Dans le fond de la salle et dans la galerie, leurs activités ont généré d'abondants sédiments anthropiques qui s'ajoutent aux éléments d'origine naturelle : éboulis en provenance des parois, sédiments fins en provenance du karst interne. Cette occupation s'est faite dans un contexte où le ruissellement est important comme en témoigne notamment la morphologie érosive de la base de l'unité III. Phase 8 : Un cryosol profond affecte à nouveau les dépôts. Il se marque par une structure ovoïde ou finement lamellaire dans sa partie la plus superficielle (i.e. l'unité III) et, plus profondément (i.e. dans l'unité IV), par une structure lamellaire très fortement exprimée. Phase 9 : Cette phase tardive correspond principalement à des phénomènes de carbonatation qui viennent se superposer aux dépôts existants. C'est le cas de l'horizon carbonaté qui apparaît vers le sommet du remplissage de la salle, le long de la paroi sud et à l'entrée de la cavité. C'est également le cas du plancher stalagmitique qui recouvre les dépôts de l'unité III à contenu magdalénien. L'habitus des cristaux constitutifs de la plupart des lamines de ce plancher (cristaux aciculaires) ainsi que leur fréquente organisation aléatoire ou en gerbes nous laissent à penser qu'il est constitué principalement d'aragonite, les zones à cristaux en mosaïque correspondant très probablement à de la calcite néoformée (Couchoud 2006 et 2007). De telles concrétions s'édifient généralement dans des milieux où les égouttements sont déficients ou lorsque les phénomènes d'évaporation sont importants (Couchoud 2006; Railsback et al. 1994). Les lits micritiques bruns à morphologie plus ou moins ondulée s'interprètent comme des niveaux de type stromatolithique qui viennent s'intercaler dans la série (Freytet et Verrecchia 1989). La partie la plus externe du spéléothème, fortement enrichie en produits détritiques et en éléments charbonneux, est probablement contemporaine d'une occupation humaine de la cavité. Peut-être s'agit-il de l'occupation chalcolithique perçue par Lachastre (1968) ou d'occupations plus récentes encore. Les hypothèses concernant la chronologie des événements identifiés sont présentées sur le tableau 2. Elles prennent appui sur les datations numériques obtenues (tabl. 1 et 2) ainsi que sur les éléments paléoclimatiques identifiés à partir des données pédo-sédimentaires (i.e. les cryosols). Faute de datations, il est difficile de caler précisément les quatre premières phases évolutives décrites plus haut. Néanmoins, dans la mesure où les phénomènes pédo-sédimentaires reconnus, ne permettent pas de suspecter un important hiatus entre la base de l'unité IV (datée de la charnière SIO 4 – SIO 3) et les précédentes, il nous est apparu logique de rapporter ces phase évolutives aux stades isotopiques immédiatement antérieurs. À cause de sa situation stratigraphique, on a donc attribué l'unité V (= phase 4) au SIO « froid » 4 bien qu'elle ne dénote aucune tendance climatique particulière. Le cryosol profond qui précède (phase 3) et affecte les unités VI et VII, a été rapporté au même stade isotopique. L'édification des unités VI et VII semble être contemporaine d'un gélisol superficiel (cf. supra). Dans la mesure où le SIO 4 est réputé très froid, nous avons préféré attribuer ces unités à la seconde partie du SIO 5, période au cours de laquelle se manifestent des épisodes de froid modéré. Les nombreuses dates réalisées sur les niveaux archéologiques associés à l'unité IV permettent de situer la formation de cette dernière entre environ - 65 et - 20 ka BP. Le passage du SIO 3 au SIO 2 n'est marqué par aucune différence dans la sédimentogenèse. De même, on n'a noté aucune particularité susceptible d' être rapportée aux événements d'Heinrich censés se produire au cours de ce laps de temps (Elliot et al. 2002). Cependant, les intenses déformations subies ultérieurement par cette unité (cf. supra) ont pu effacer les traces de ces phénomènes. La phase à pergélisol qui affecte les dépôts de l'unité IV a pu s'établir au cours de la mise en place de cette unité, par exemple lors de l'événement Heinrich 2 daté entre 20,5 et 22 ka BP (Grousset 2001; Elliot et al. 2002), c'est-à-dire pendant le développement de la culture solutréenne (Roque et al. 2001). Cependant, jusqu' à présent, aucun phénomène susceptible d' être interprété comme le témoignage d'un pergélisol n'a été observé régionalement dans les dépôts contemporains de cette industrie, par exemple aux Jamblancs (Bertran, 1994), à Laugerie-Haute Ouest (Texier 2009), ou encore à Pataud (Lenoble, renseignement oral). En revanche, il existe dans le nord de l'Aquitaine de nombreuses observations témoignant de l'installation d'un pergélisol postérieurement au Solutréen et au Badegoulien (Texier et Bertran 1993; Lenoble, renseignement oral3). C'est pourquoi nous privilégierons l'hypothèse du développement d'un pergélisol au cours du Dryas ancien, peut-être en liaison avec l'événement d'Heinrich 1 daté d'environ 13,5-15 ka BP (Elliot et al. 2002). En conséquence, nous placerons la fonte de ce pergélisol ainsi que les phénomènes thermokarstiques qui en ont découlé (i.e. les déformations affectant la couche IV) au début de la phase tempérée suivante, autrement dit le Bölling-Alleröd. C'est également au cours de cette période Bölling-Alleröd que se met en place l'unité III qui contient du Magdalénien daté de 12400 BP environ. Le cryosol qui se développe sur cette unité III et sur les unités sous-jacentes ne peut donc être imputé qu' à la dernière période froide du Tardiglaciaire, c'est-à-dire le Dryas récent. Enfin, le spéléothème qui recouvre les dépôts contenant le Magdalénien ainsi que l'horizon carbonaté qui se développe au sommet du remplissage se sont formés au cours de l'Holocène. Sept unités lithostratigraphiques et trois cryosols majeurs ont été identifiés dans le remplissage de la grotte XVI. Les données recueillies ont permis de décrire neuf phases évolutives principales. Les deux phases les plus anciennes correspondent à la mise en place des unités VII et VI. Celles -ci témoignent d'une dynamique dominée par le ruissellement associée à une éboulisation modérée. Un cryosol superficiel semble avoir accompagné leur formation. La phase 3 se caractérise par un épisode de cryoturbation qui affecte les unités sous-jacentes alors que la phase 4 se traduit par un effondrement localisé du toit de la cavité (Unité V). La mise en place de l'unité IV (phase 5) met en jeu le ruissellement, dominant à l'entrée de la grotte, et l'éboulisation, dominante le long de la paroi NO. Ailleurs, les deux mécanismes agissent de concert et aboutissent à la formation d'un diamicton. Les déformations qui affectent l'unité IV sur une épaisseur de 1,80 m caractérisent la phase 6. Elles ont été interprétées comme le résultat d'un phénomène thermokarstique consécutif à la fonte d'un pergélisol riche en glace. La phase 7 voit l'édification de l'unité III par ruissellement et éboulisation. Ensuite, un cryosol profond se développe et affecte la partie sommitale des dépôts (phase 8). Enfin, intervient une phase de carbonatation (phase 9) qui se traduit par la formation d'un plancher stalagmitique dans le fond de la cavité (Unité II) et par un horizon concrétionné au sommet du remplissage. On notera que, tout au long de la formation de ces dépôts, s'est manifestée une importante diagenèse phosphatée. Celle -ci a été plus particulièrement active lors de l'édification des unités les plus anciennes VII, VI et à la base de la couche IV. Du point de vue chronologique, les quatre phases évolutives les plus anciennes ont été attribuées à titre d'hypothèse à la seconde partie du SIO 5 (phases 1 et 2) et au SIO 4 (phases 3 et 4). Les nombreuses datations numériques obtenues permettent de caler la phase 5 (= unité IV) entre ca. - 20 et - 65 ka. La phase à pergélisol qui a succédé (phase 6) s'est probablement développée au cours du Dryas ancien (durant H1 ?) tandis que sa dégradation et les phénomènes thermokarstiques qui en ont résulté ont dû se produire au début de l'interstade Bölling-Alleröd. La mise en place de la couche 0 incluant le Magdalénien (phase 7) se rapporte sans ambiguïté à cet interstade grâce à deux dates 14 C convergentes. En conséquence, la formation du cryosol profond qui suit (phase 8) ne peut être mise en relation qu'avec le dernier épisode froid du Tardiglaciaire, c'est-à-dire le Dryas récent. C'est, à notre connaissance, la première fois dans le sud-ouest de la France, qu'un tel phénomène cryergique peut clairement être attribué à cet épisode climatique. Enfin, la dernière phase évolutive qui voit le développement d'un plancher stalagmitique et d'un horizon carbonaté (phase 9) a été mise en relation avec le climat tempéré et humide de l'Holocène . | La grotte XVI comporte une importante séquence archéologique du Paléolithique moyen et supérieur. Elle s'est formée en contexte phréatique, sans doute à la fin du Tertiaire ou au début du Quaternaire. Sept unités lithostratigraphiques ont été identifiées dans les dépôts de remplissage. Pour l'essentiel, elles résultent de phénomènes de ruissellement et d'éboulisation, mises à part l'unité II qui correspond à un spéléothème et l'unité I qui est constituée de dépôts de remaniement récents. Leur édification, qui a sans doute débuté au cours de la seconde partie du stade isotopique de l'oxygène 5 (SIO 5), s'est poursuivie tout au long des SIO 4, 3, 2 et 1. Elle a été accompagnée par d'importants phénomènes de diagenèse liés à l'action de solutions phosphatées. Ceux-ci ont été plus particulièrement actifs lors de la formation des unités VII et VI ainsi qu'à la base de l'unité IV. Trois cryosols majeurs ont été mis en évidence. Le plus ancien a été attribué à titre d'hypothèse au SIO 4. Le deuxième, qui correspond probablement à un pergélisol, s'est sans doute développé au cours du Dryas ancien, peut-être au cours de l'événement Heinrich 1. Enfin, le dernier s'est manifesté postérieurement à l'unité III, datée de l'interstade Bôlling-Allerôd. Il ne peut donc se rapporter qu'à la dernière phase froide du Tardiglaciaire, c'est-à-dire au Dryas récent. C'est, à notre connaissance, la première fois dans le sud-ouest de la France qu'un tel phénomène cryergique peut être attribué sans ambiguïté à cet épisode climatique. | archeologie_12-0023832_tei_193.xml |
termith-130-archeologie | Dans le cadre de notre étude des grandes feuilles de laurier du site solutréen de production des Maîtreaux (Aubry et al. 1998, 2003 s.p.; Aubry et Walter 2003), nous avons entrepris de comparer les différents ensembles lithiques où ces outils sont présents. Nous nous sommes particulièrement intéressés aux feuilles de Volgu (Saône-et-Loire) qui sont parmi les rares à avoir été découvertes entières. Ces pointes foliacéessont à l'origine du type J, proposé par P. Smith (1966). Afin de comparer leurs matériaux et leurs modalités de fabrication, nous avons étudié les 13 pièces présentées au Musée de Chalon-sur-Saône et l'exemplaire exposé au Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye.Nous avons bénéficié des renseignements fournis par J. Pelegrin en ce qui concerne la dernière feuille de Volgu publiquement connue, conservée au British Museum. La découverte d'au moins 15 grandes feuilles de laurier, lors du creusement d'un canal dans les alluvions de l'Arroux proche de sa confluence en rive droite de la Loire, est singulière dans le contexte solutréen. Les circonstances de la découverte faite en 1874 ont été relatées en détail dans le rapport établi par F. Chabas (1874). Celui -ci permet d'établir que les pièces se trouvaient enterrées à 1 mètre au-dessous du niveau du sol, disposées sur leur tranche, séparées par une fine couche de sédiments, dans un dépôt de limons superposéà une nappe alluviale située à 10 mètres environ de l'étiage de l'Arroux. La découverte de fragments d'une meule romaine et de céramiques, non positionnés en stratigraphie, ne fournit pas de renseignements sur la chronologie des dépôts. Les observations effectuées lors de la découverte indiquent qu'aucun autre objet de pierre taillée n'accompagnait les feuilles dans ce qui a été décrit comme la “cache” de Volgu. L'indice d'une fréquentation solutréenne de la région la plus proche de Volgu est le site de Solutré, distant de 60 km vers l'est (fig. 1B, nº 8). Dès la présentation du rapport par F. Chabas, la nature exceptionnelle du silex des feuilles de Volgu a été remarquée. Pour lui, il ne peut être local : “l e silex avec lequel ces lames ont été fabriquées est de l'espèce appelée pyromaque; quelques lames sont de couleur blonde et entièrement diaphanes, mais la plupart sont parsemées de tâches noirâtres, qu'on n'aperçoit qu' à l'aide de la transparence. (…) Les silex naturels de la localité n'offrent pas les mêmes conditions de texture et de dimension ”. Pour A. Arcelin (1874), il n'est pas nécessaire de chercher une origine allochtone à ces silex : les gîtes de Charbonnière, dans les monts du Mâconnais (fig.1B, nº 5), recèleraient des silex de module et d'aspect macroscopique similaires qui auraient pu convenir à la taille des feuilles de Volgu. L'auteur note cependant que “tandis que le silex de Volgu ne renferme d'après M. Chabas, aucune trace de corps organisés, ceux de Charbonnières sont généralement parsemés de débris de bryozoaires, qu'on aperçoit comme des taches blanchâtres dans toute la masse du silex ”. D'autres auteurs envisagent une source d'approvisionnement encore plus proche. Pour J.-B. Jost (1927), le silex blond des feuilles qu'il identifie comme issu de la craie (ce qui le différencie du silex alluvionnaire jaune foncé de Volgu même), proviendrait de quelques kilomètres à peine de de la cache : à La Motte-Saint-Jean (fig. 1B, nº 3), notamment, ce chercheur a rencontré “plusieurs gros blocs de ce silex blond ”. R. Desbrosse et R. Horiot (1972) font les mêmes constatations. Ils évoquent La Goulaine (fig. 1B, nº 2), à 4 km de Volgu, riche en “rognons d'un silex blond et diaphane, parfois parsemé de tâches noirâtres, dont certains pèsent plus de 10 kg ”. C'est sur cette commune qu'un grand nucléus magdalénien, découvert en 1893, a été déterminé comme provenant de sources tertiaires du centre ou sud du Bassin parisien (Surmely et al. 2002). Jean Combier (2002) a étudié les vestiges lithiques gravettiens provenant du site de Solutré et noté qu'ils sont confectionnés majoritairement dans des silex d'origines régionales, distincts des feuilles de Volgu : “le silex de haute qualité de ces pièces, probablement originaire de Touraine et du Gâtinais (des étages du Turonien et Sénonien) est tout différent de celui du Mâconnais qui est opaque, souvent carrié et riche en bryozoaires; il n'existe aucun site solutréen intermédiaire qui puisse permettre d'envisager une relation entre ces deux points (Volgu et Solutré) ”. Lors de l'observation des feuilles de Volgu, nous avons décrit, macroscopiquement et à la loupe binoculaire, le microfaciès et le contenu paléontologique de chacune des pièces. Trois microfaciès siliceux peuvent être distingués : le plus fréquent (1) est de texture mudstone, homogène et à grain très fin, translucide, gris (P-71, R-73, P-73, N-73, N-92 du code des couleurs des sols de A. Cailleux), brun clair (N-67), gris rose (N-70), brun (P-30). Les feuilles montrent de rares inclusions grenues de quartz opaque, de teinte grise, entourée par une zone millimétrique plus claire, opaque, ou des tâches diffuses de teinte rouge jaune (P-59), gris rose (M-30), rouge faible (S-20) qui révèlent leur séjour dans des altérites. Deux feuilles possèdent des vestiges de cortex tellement réduits qu'ils ne fournissent pas d'information pertinente. Les deux pièces du British Museum et de Saint-Germain-en-Laye pourraient être isolées du groupe par leur teinte plus claire et leurs inclusions plus fréquentes. la seconde variété (2), représentée par deux pièces (l'une référencée en rouge nº2 et l'autre, une base cassée, sans référence) est de même texture mudstone, à structure zonée par endroits, légèrement plus opaque, de teinte brun clair (N-67) à brun très pâle (M-75). La pièce complète possède des inclusions en quartz autour desquelles s'organise la zonation. le troisième groupe (3) est représenté par deux feuilles (nº 10 et nº 5) de microfaciès distinct. Leur texture est semblable. L'une est gris foncé (T-31) avec des zones diffuses, plus claires et légèrement plus opaques, l'autre possède deux zones, l'une translucide de teinte brun rouge foncé (T-30) et l'autre opaque grise (M-30). La première conserve un petit fragment de cortex brun jaune à sa base. Comme l'avait remarqué F. Chabas, l'examen systématique à la loupe binoculaire n'a permis d'observer que de rares fragments de fossiles, dont plusieurs coupes et plaques d'échinides (dans les catégories 1 et 2), quelques spicules de spongiaires (1), des fragments de bryozoaires (1) et des tubes de vers (1). Suivant les indications disponibles (Arcelin 1874; Rat 1987; Combier 2002; Surmely et al. 2002) nous avons collecté des échantillons sur les gîtes de la région de Charbonnières, Verchiseuil, Cluny et de Buxy (fig.1B), attribués à la décalcification de formations du Crétacé supérieur à partir de l'Eocène (Rat 1987). Ce sont des silex riches en silice fibreuse avec de nombreuses inclusions de quartz, de teinte gris bleu à brun pâle, se distinguant nettement des silex des feuilles de Volgu par la présence des fragments de bryozoaires qu'avait notés A. Arcelin. Le silex de Saint-Boil et de Buxy, dépourvu de ces fossiles, ne correspond plus à celui des feuilles de Volgu, beaucoup plus translucide. Quant aux échantillons provenant de la formation G2-e1, de la région de Volgu, ils possèdent des teintes et une structure zonée, liée à une épigénie secondaire en altérite qui ne peuvent aussi être confondues avec les matériaux des feuilles de Volgu. Il en va de même pour le silex tertiaire vacuolaire de La Motte-Saint-Jean, qui, pourtant, peut se présenter en gros blocs blonds translucides. Le microfaciès des feuilles de Volgu se distingue donc nettement des différentes variétés disponibles localement et évoque, comme le remarque J. Combier (2002), celui des silicifications de la craie blanche de la base du Turonien inférieur du sud du bassin versant du Cher (fig. 1A, nº 3, 4 et 6) dont la diffusion est attestée dans la région Centre (Aubry 1991), vers l'Auvergne, pendant tout le Paléolithique supérieur (Masson 1981; Bracco 1996; Surmely et al., 1998) et postérieurement (Thevenot 1991). Toutefois, cette hypothèse ne peut être retenue après notre examen car les feuilles de Volgu ne contiennent que de trop rares restes de bryozoaires, de spicules de spongiaires et de terriers de vers, indiquant une formation dans un milieu sédimentaire distinct. Une recherche bibliographique des formations géologiques susceptibles de contenir des accidents siliceux formés dans un milieu sédimentaire correspondant a orienté notre prospection. Les craies du Crétacé supérieur de la région de Magny-Saint-Médard, au nord-est de Dijon (fig. 1A, nº 16), contiennent de rares nodules de silex de module et de microfaciès complètement distincts des feuilles. Après avoir éliminé plusieurs autres possibilités (fig.1A, nº 1, 2, 5 et 7), en prenant la Loire comme premier axe d'orientation et en croisant les données géologiques avec l'existence de vestiges d'industries magdaléniennes taillées sur des blocs de silex de grand module, dans la région de Saint-Brisson-sur-Loire (Allain, 1981), notre attention a été retenue par les silicifications du Turonien inférieur de la région de Gien (fig. 1A, nº 10). La vérification sur le terrain nous a permis de retrouver un microfaciès proche du premier groupe des pièces archéologiques, dans les altérites formées à partir de bancs continus de silex contenus dans les biomicrites du Turonien inférieur des deux rives de la Loire autour de Gien (Gigout 1977), soit à 160 kilomètres en aval de Volgu. Ce microfaciès est semblable à celui utilisé par les Magdaléniens de Saint-Brisson-qur-Loire proche de ces gîtes (nous remercions monsieur P. Bazin pour avoir mis à disposition cette série). Le deuxième groupe n'a pas été retrouvé de manière certaine et le troisième, hétérogène nous l'avons vu, n'a pas été détecté sur le terrain même si l'hypothèse d'une modification nette de la teinte dans les altérites n'est pas à éliminer. Ces indices nous ont conduit à considérer d'autres sources possibles. Le Sénonien et le Cénomanien supérieur de la même région (fig. 1A, nº 8 et 9) ne nous ont pas révélé de silex correspondant. Ceux des craies cénomaniennes, turoniennes et sénoniennes qui affleurent entre la Loire et l'Yonne (fig. 1A, nº 11 à 15) ne nous ont pas révélé de microfaciès semblables au premier groupe et plus convaincants que des échantillons du Turonien inférieur de la région de Gien. Cependant les silex du Santonien récoltés à La Celle-Saint-Cyr présentent des convergences avec les caractéristiques du troisième groupe pétrographique. Si nous ne sommes pas encore en mesure de proposer une origine précise pour toutes les feuilles de Volgu, il nous paraît établi qu'elles ont été déplacées depuis plusieurs sources de la bordure méridionale du Bassin parisien. Cette hypothèse implique que les nombreux vestiges liés à leur fabrication, comparables à ceux mis en évidence sur le site des Maîtreaux, doivent exister à proximité immédiate des affleurements. Les conditions géomorphologiques relevées sur ce dernier site indiquent que la prospection minutieuse du fond des vallées affluentes du réseau hydrographique principal qui ont mis au jour et déstabilisé des dalles de silex formées dans les craies, pourrait permettre de mettre en évidence des indices solutréens. La découverte de groupements de pièces foliacées bifaces, sans contexte archéologique, décrits sous le terme de “cache ”, a plusieurs fois été évoquée pour des vestiges attribués au Solutréen :à Volgu, à Montaud dans les Landes, à La Guitière (Vienne) et sur le site de plein airde Monte da Fainha, au sud du Portugal (Roche et al., 1968). Si à Volgu le façonnage est poussé à son stade ultime, dans les deux autres cas, il s'agit de préformes évoquant les pièces bifaciales signalées dans un tout autre contexte géographique et chronologique, en plusieurs points de l'Amérique du Nord. Ces dernières, confectionnées dans des matériaux provenant de sources distantes de plusieurs dizaines de kilomètres, ont été interprétées comme un moyen rentable de déplacement de réserves de matière première (Baker 2001). Les observations que nous avons pu effectuer sur les fragments de grandes feuilles de laurier des sites du bassin versant de la Creuse et d'autres régions indiquent l'absence de stigmate de fracture d'impact en percussion lancée (contrairement aux pièces de moins de 15 cm), leur réutilisation systématique après fracture accidentelle lors de l'amincissement ou fracture intentionnelle par percussion sur une face (Aubry et al. 2003). Leur fonction première, l'intérêt fonctionnel de leur grand module, leur éventuel rôle symbolique et leurs lieux d'utilisation restent encore des énigmes . | L'étude des feuilles de laurier solutréennes de Volgu nous a permis de mettre en évidence que plusieurs microfaciès siliceux, formés dans des craies, ont servi à leur fabrication. Leur comparaison avec des échantillons géologiques collectés sur un vaste secteur géographique indique que les sources de ces matières premières se situeraient à plus de 150 kilomètres du lieu de leur découverte. Cette constatation et la comparaison avec les modes d'exploitation d'autres sources de silex du Crétacé supérieur servent de départ à une discussion sur le mode de diffusion de cette catégorie d'objets solutréens. | archeologie_525-07-10137_tei_265.xml |
termith-131-archeologie | Les deux gisements étudiés se situent dans des régions différentes et n'appartiennent pas au même faciès du Gravettien. Celui de la grotte d'Isturitz, situé dans les Pyrénées-Atlantiques relève de la phase moyenne à burins de Noailles; celui de Laugerie-Haute, situé en Dordogne est attribuable à la phase récente du Gravetien (ex Périgordien VI). La grotte d'Isturitz est située sur deux communes : Isturitz et Saint-Martin-d'Arberoue à une dizaine de kilomètres au Sud-est d'Hasparren. Elle correspond au niveau supérieur d'un ensemble karstique comprenant les grottes d'Oxocelhaya Hariztoya (au niveau moyen) et d'Erberua (niveau inférieur). Longue de 120 m, la caverne d'Isturitz est formée de deux galeries dénommées : la Salle de Saint-Martin ou Galerie Sud (longue de 120 m, large de15 m) et la Salle d'Isturitz, dite aussi Grande Salle ou encore Galerie Nord (longue de 100 m et large de 15 m et dont le plafond monumental atteint par endroits 20 m de hauteur). Ces deux salles étant reliées par plusieurs diverticules et possédant chacune une entrée indépendante (Passemard 1944; Saint-Périer 1952). L'industrie en matière osseuse d'Isturitz constitue le plus important corpus connu en France pour le Gravettien. Il a en effet, livré plus d'un millier d'artefacts en os et en bois de cervidé et quelques-uns en ivoire. Les objets présentés dans cet article proviennent exclusivement du niveau F3/IV (collections Passemard et Saint-Périer). Laugerie-Haute est un vaste abri, de 180 m de long sur 35 m de large, situé sur la rive droite de la Vézère non loin des Eyzies-de-Tayac. Une zone non fouillée, en raison de la présence d'un habitat troglodytique, divise le gisement en deux : Laugerie-Haute Est et Laugerie-Haute Ouest (Peyrony 1938; Bordes 1958). L'étude générale conduite dans le cadre d'une recherche doctorale a porté sur les produits des fouilles de D. Peyrony et F. Bordes conservées au Musée National de Préhistoire des Eyzies-de-Tayac. Cependant, dans le cadre de l'analyse des « matrices-outils », seule la collection Peyrony est ici concernée. L'une des particularités du gisement d'Isturitz est l'abondance des outils biseautés, au nombre de 188 dans le niveau étudié (F3/IV). Majoritairement à biseau simple et plus rarement double, ils sont réalisés sur baguettes, andouillers ou tronçons de perche (Tableau 1). Ce type d'outil est nettement moins représenté à Laugerie-Haute (Tableau 2) ou seulement 23 pièces ont été dénombrées. Au sein de ces deux gisements, la catégorie des outils biseautés se compose d'objets à fonction double, que nous avons appelés « matrices-outils ». Il s'agit de pièces ayant servi à la fois de matrices de débitage et d'outils biseautés, excepté une pièce provenant du gisement d'Isturitz qui a été transformée en une sorte de gros poinçon appointé mousse. Elles sont au nombre de 12 à Laugerie-Haute et de 5 à Isturitz. L'analyse des matrices-outils a révélé deux intentions économiques différentes : la première reflète la volonté de créer simultanément un outil biseauté et de produire un support. Ceci nécessite une gestion particulière du bloc de matière, afin ne pas nuire à l'un ou l'autre de ces objectifs. Nous les avons dénommées les « matrices-outils de première intention » et celles -ci ne sont présentes qu' à Laugerie-Haute. la seconde attestée sur les deux gisements relève d'une récupération opportuniste de déchets de débitage transformés par la suite en outils de deuxième intention. À Laugerie-Haute : elles sont exclusivement en bois de renne (Tableau 3) et sont réalisées sur base/perche A, sur tronçons de perche A, ABC, C ou BC (fig. 1) et exceptionnellement sur andouiller de glace. Les bois exploités sont majoritairement de moyen module (Tableau 4) sauf trois pièces (une de gros module et deux de moyen/gros module). Une autre pièce pourrait appartenir à la catégorie des « matrices-outils ». Il s'agit d'une base/perche A de renne de moyen/gros module présentant une extraction de baguette sur sa face postérieure. Un raclage est ensuite intervenu sur le négatif d'enlèvement de la baguette comme si on avait voulu aménager une partie active à l'image des matrices-outils précédemment évoquées (fig. 2). La pièce est cassée au niveau de la perche A, non loin de l'andouiller de glace, il est donc impossible de dire s'il y a eu ou non aménagement d'un biseau et par -là même transformation en outil. À Isturitz : cette fois encore, ce sont majoritairement des bases et des tronçons de perche (ABC, A ou B) qui ont été exploités, provenant de bois de renne et dans un cas de bois de cerf (cf. tabl. 3). Quant au module, il s'agit dans deux cas de bois de moyen module et dans deux autres de bois de gros module (cf. tabl. 4). Enfin, une pièce se distingue en raison de sa provenance anatomique puisqu'il s'agit d'un épois de cerf de moyen-gros module. © M.N.P.E, cliché Ph. Jugie, modifié. Le débitage transversal des tronçons relève exclusivement d'une percussion tranchante directe périphérique ou semi-périphérique. Les entailles sont scalariformes, moyennement profondes et s'organisent en plages envahissantes suivant un axe de percussion très oblique. À Laugerie-Haute, ce procédé de tronçonnage n'est observable qu' à l'extrémité proximale des matrices-outils. L'extrémité distale, aménagée en biseau, est façonnée de façon à créer un front convexe, sur lequel il n'est plus possible de lire le moindre stigmate de débitage transversal. À Isturitz, seules les deux matrices sur tronçon de perche et celle sur épois témoignent d'un tronçonnage par entaillage unipolaire (pour l'épois) ou bipolaire (pour le tronçon de perche). Les « matrices outils » ont également subi une extraction de baguette. Les procédés en jeu dans ce débitage sont le double rainurage longitudinal (Isturitz et Laugerie-Haute) et deux procédés jusqu'alors inédits dans le Gravettien français (à Laugerie-Haute seulement) : le refend et le rainurage/fendage (Goutas 2003). Dans le cadre des matrices-outils de « première intention », majoritaires (n : 9) à Laugerie-Haute, pour que le double objectif visé soit possible (production d'une baguette et création d'un outil biseauté), il était nécessaire de recourir à un débitage relativement contrôlé. C'est sans doute pourquoi, le refend n'a pas été utilisé sur les matrices-outils de « première intention », tandis qu'il est attesté sur une matrice-outil de « deuxième intention ». Ce procédé n'était probablement pas aussi bien adapté à une extraction précise que ne l'est le double rainurage et dans une moindre mesure le rainurage/fendage. En effet, le double rainurage permet l'extraction d'un support parfaitement prédéterminé, tandis que le rainurage/fendage et le refend ne permettent que la production de supports faiblement normalisés, larges et épais (ibid.). Cela dit, le procédé de rainurage/fendage a l'avantage sur le refend de permettre un meilleur contrôle de l'extraction grâce à un rainurage préparatoire (que suit l'onde de la fracture lors du fendage). Enfin, sur ce même gisement, plusieurs pièces partiellement ou totalement rainurées présentent des traces d'écrasement et d'enfoncement du tissu compact vers l'intérieur de la perche et résultant de l'utilisation d'une pièce intermédiaire en percussion indirecte afin d'extraire la baguette de la matrice (fig. 3). © M.N.P.E, cliché Ph. Jugie, modifié. La réalisation de l'outil paraît aussi importante que la production d'un support, puisqu'il ne s'agit pas d'une récupération opportuniste d'une matrice de débitage. Au contraire, dès les premières phases du débitage (fig. 5), voire dès la sélection de la partie anatomique exploitée, une intention première de créer un outil biseauté semble exister. Ainsi, la réalisation de ce dernier ne se fait pas au hasard mais répond à des règles très strictes : en effet, tout en créant un biseau, le débitage (par double rainurage ou par rainurage/fendage) du tronçon (support du futur outil) conduit à l'extraction d'une longue baguette pouvant parfois couvrir la longueur totale de la matrice. Si dans le cas présent, les procédés d'extraction ne relevaient que d'une étape de mise en forme de l'outil, afin de créer un biseau, il n'était pas nécessaire que ce dernier soit si long, puisque fonctionnellement cela semble inutile. En outre, cela suppose un effort somme toute peu rentable pour un aménagement qui aurait tout aussi bien pu se faire par raclage et abrasion et sur seulement quelques centimètres de longueur. Ceci est confirmé par les macro-traces fonctionnelles que nous avons pu observer sur certaines pièces et qui ne couvrent pas toute la longueur du biseau mais sont au contraire strictement localisées sur son extrémité. Les stigmates observés (écrasements et esquillements distaux et proximaux parfois accompagnés d'un poli sur le biseau) attestent dans certains cas d'une utilisation en outil intermédiaire et donc dans le cadre d'une percussion indirecte. D'autres, en revanche, témoignent d'une action liée à un frottement (poli et émoussé en partie distale). L'hypothèse que nous avons formulée selon laquelle, l'intention de réaliser l'outil est tout aussi importante que celle d'extraire un support est mise en évidence par le fait que toutes ces pièces présentent une seule extraction de baguette. De plus, la localisation de celle -ci est judicieusement choisie afin de ne pas nuire à la réalisation du futur outil. C'est pour cette raison que l'extraction prend place sur des tronçons de perche A, ABC, C ou BC et presque toujours sur la face antérieure et exceptionnellement sur la face postérieure de façon à préserver la convexité naturelle de la perche. Dans la majorité des cas, le profil du biseau des matrices-outils est courbe, ce qui amène à se demander si la carène que présente alors l'outil n'a pas été volontairement recherchée. En définitive, les matrices-outils de « première intention » témoignent d'un comportement d'anticipation et d'une importante rationalisation dans le travail du bois de cervidé à Laugerie-Haute : par une même opération technique l'artisan crée simultanément un outil (ou du moins sa préforme) et produit un support de forme hautement (rainurage parallèle) ou moyennement (rainurage/fendage) prédéterminé, par extraction sélective dans l'épaisseur du bloc de matière. Ce dernier étant par la suite utiliser pour fabriquer un autre objet. © M.N.P.E, cliché Ph. Jugie. © M.N.P.E, cliché Ph. Jugie, modifié. Certaines matrices-outils (n : 3) témoignent au contraire d'un comportement « opportuniste » reposant sur la récupération d'un déchet de débitage morphologiquement adapté à un réemploi en outil biseauté. Plusieurs éléments caractéristiques distinguent les matrices-outils de « deuxième intention » des précédentes : la partie anatomique exploitée : il s'agit soit d'andouiller de glace de bois de gros module (1 cas), soit de la partie base/perche A (2 cas). En revanche, les « matrices-outils de première intention » sont presque exclusivement sur tronçons de perche A, BC et ABC. le procédé de débitage : le seul exemple d'extraction par refend sur les matrices-outils n'est attesté qu'au sein de cette catégorie (sur l'une des deux matrices-outils réalisées sur partie basilaire). Concernant, les deux autres pièces, l'une (sur andouiller) présente un débitage par double rainurage tandis que pour la seconde, le façonnage ne permet plus de déterminer le procédé d'extraction employé. La matrice-outil sur andouiller (fig. 6) présente deux extractions de baguette par rainurage parallèle et longitudinal, l'une sur la face interne (anatomique), l'autre sur la face externe. Les négatifs d'extraction sont presque aussi larges que la matrice et s'étendent en longueur sur la presque totalité de l'andouiller. Cette extraction bifaciale a entraîné un amincissement du volume de ce dernier, dont la morphologie s'apparente désormais à celle d'une baguette. Cette nouvelle morphologie a été mise à profit : l'extrémité a été façonnée en biseau à front convexe de façon à devenir un outil. Aucune trace de percussion n'est ici présente mais un émoussé et un léger poli sont observables sur l'extrémité distale. © M.N.P.E, cliché Ph. Jugie, modifié. Les deux autres matrices-outils appartenant à cette catégorie ont aussi été aménagées à partir du négatif d'enlèvement d'une baguette. La première est réalisée sur une base de bois de massacre de moyen-gros module et présente, à ses deux extrémités, des stigmates de percussion (fig. 7). Sur la partie proximale, ces derniers résultent de deux objectifs différents : suppression du pédicule par percussion lancée tranchante directe, afin de permettre le détachement de la ramure du crâne, mais peut-être aussi pour aménager une surface de « plan de frappe » pour le futur outil. utilisation en outil intermédiaire : en effet, d'autres stigmates de percussion sont présents, or leur localisation (sur l'extrémité de la partie proximale), leur nature (écrasements importants des fibres osseuses) et leur orientation (de la face antérieure vers la face postérieure) n'ont pas de relation avec l'ablation du pédicule et résultent de la fonction de l'outil. Ces stigmates s'accompagnent d'une fracture d'une partie de la meule et de la base du bois. Enfin, la partie distale, biseautée, présente une fracture (sur bois frais, en dent de scie) par flexion qui semble être d'origine fonctionnelle. © M.N.P.E, cliché Ph. Jugie, modifié. La deuxième matrice-outil, similaire à la précédente, présente elle aussi une ablation partielle du pédicule (fig. 8). La meule et ce qu'il reste du pédicule ont subi d'importantes modifications morphologiques puisque cette zone forme une importante protubérance. Celle -ci est bombée et formée par la convergence de deux surfaces comme si elle avait été martelée bifacialement. La localisation quasi-périphérique et envahissante de ce « piquetage » ne coïncide pas avec une utilisation en percuteur (com. pers. J. Pelegrin). En revanche, l'utilisation en pièce intermédiaire n'est pas entièrement convaincante car bien que la base du bois présente des impacts de percussion, nous n'avons pas observé de stigmate d'origine fonctionnelle sur la partie biseautée, dont le tranchant résulte de la fracture de la perche au niveau du négatif d'enlèvement de la baguette. À moins que cette fracture ne soit d'origine fonctionnelle, ce qui pourrait expliquer l'absence de stigmates d'écrasement. © M.N.P.E, cliché Ph. Jugie, modifié. Cette catégorie particulière d'objets comprend 5 pièces (3 en bois de cerf et 2 en bois de renne) : 4 matrices réemployées en outils biseautés et une en poinçon de gros module (fig. 9). Il semble que l'objectif premier du débitage soit la production d'un support. Ce n'est que dans un deuxième temps que l'artisan, pour répondre à un besoin, a récupéré parmi les déchets de débitage une matrice dont la morphologie lui paraissait adaptée à la réalisation de l'outil et ce en un minimum de gestes techniques. Ainsi, pour 4 pièces, l'artisan a réutilisé une zone de la matrice présentant une extraction de baguette, afin de créer dans trois cas un biseau et dans un autre une grosse pointe. Pour la cinquième matrice-outil, réalisée sur épois d'empaumure de cerf, l'artisan a dans un premier temps extrait une baguette sur le fût de l'épois, avant de créer un biseau sur son extrémité distale. Cela étant, nous pourrions aussi envisager pour ce dernier que l'utilisation en tant que matrice est postérieure à celle d'outil, or, les stigmates fonctionnels (au niveau basilaire et traduisant une utilisation en percussion) recouvrent le double rainurage. Ils attestent ainsi de l'antériorité du débitage et donc de la fonction de matrice. © M.A.N., cliché L. Hamon. Nous proposons de décrire ici deux matrices-outils de façon plus précise. L'une parce qu'elle est assez atypique et la seconde parce que, en revanche, elle est représentative de cette catégorie d'objets à Isturitz : la première pièce est un épois de cerf de moyen module (fig. 10). Un premier entaillage a permis son détachement de la ramure, puis une courte baguette de forme triangulaire a été prélevée sur son fût. La localisation de l'extraction ne permettant pas de créer un biseau, l'artisan a utilisé l'extrémité distale de l'épois, qu'il a façonnée par raclage bifacial afin de l'amincir et de créer un biseau double. Un lustre important est présent à cet endroit ainsi que de nombreux écrasements et ébréchures ayant entraîné une déformation du tranchant. La base de l'épois, ayant servi de « plan de frappe », présente également des écrasements du tissu compact. la deuxième pièce est réalisée sur base/perche A de bois de renne de mue de gros module (fig. 11). Les deux andouillers ont été tronçonnés. L'andouiller de glace par un entaillage bifacial et l'andouiller d' œil selon un procédé qui reste indéterminé. © M.N.P.E, cliché et dessin N. Goutas : dessin du bas; d'après Billamboz 1979 : dessin du haut. Cliché et dessin N. Goutas. Sur sa face antérieure, la perche A présente le négatif d'une extraction de baguette. En mesurant l'espace séparant les rainures parallèles et la longueur du négatif d'extraction, on peut supposer que la baguette extraite devait mesurer plus de 56 mm de long et 19 mm de large. Sa section devait être plus ou moins planoconvexe, son profil légèrement courbe et elle possédait un tissu compact épais de 7 mm. C'est donc sur les vestiges de cette extraction qu'a eu lieu une fracture, peut-être intentionnelle, puisque elle crée le tranchant de l'outil. Ce dernier, irrégulier, présente un lustre très envahissant attestant d'une utilisation intensive. Celui -ci s'étend sur 30 mm de long sur la face inférieure du biseau ou le tissu spongieux est parfaitement lisse; il se poursuit sur la face supérieure et couvre au moins l'un des bords latéraux (l'autre présente des traces de vernis qui empêchent toute observation). Une usure et un écrasement particulier sont à signaler au niveau de la meule et de la base débitée de l'andouiller d' œil. Les stigmates reconnus témoignent d'une utilisation en percussion qui reste à élucider : ces stigmates sont-ils uniquement liés à une utilisation de la pièce en outil intermédiaire, comme les macro-traces de la partie distale le suggèrent (lustre et déformation de la partie active) ? Ou résultent-ils aussi d'une utilisation en percuteur ? En effet, ce bois présente encore une masse importante et offre une bonne préhension, mais l'observation à la loupe binoculaire de la meule n'a pas fournis d'éléments permettant d'accréditer cette dernière hypothèse. À l'issue de cette analyse ayant permis de mettre en évidence l'existence de deux types de « matrices-outils », on peut reconnaître deux comportements'économiques différents : le premier dont témoignent les « matrices-outils de deuxième intention », repose sur la récupération opportuniste de déchets de débitage, en l'occurrence de matrices, afin de les transformer en outils biseautés. Cette récupération n'est cependant pas aléatoire. Elle repose sur une sélection stricte des matrices les plus adaptées morphologiquement aux impératifs fonctionnels de l'outil recherché. le second, représenté par les « matrices-outils de première intention », nécessite une gestion plus complexe de la matière première afin de ne pas nuire à l'équi-finalité recherchée. Le caractère original de ce mode de production repose sur la combinaison de deux opérations majeures et bien distinctes de la chaîne opératoire : le débitage et le façonnage, qui sont dès lors indissociables dans la mesure où le support et l'outil découlent l'un de l'autre. Ce comportement récurrent et organisé, et cette rationalisation dans la conception de l'exploitation du bois témoignent d'une importante capacité d'anticipation des besoins puisqu'en une seule opération (l'extraction), l'artisan crée à la fois la préforme d'un outil biseauté et extrait un support à la forme et aux dimensions recherchées. Plusieurs de ces pièces présentent des macro-traces fonctionnelles caractéristiques d'une utilisation en pièce intermédiaire. D'autres présentent des stigmates traduisant plutôt une utilisation par frottement. La double vocation d' « outils-nucleus » pour un même objet a depuis longtemps été suggérée et débattue en industrie lithique notamment pour des périodes comme l'Aurignacien, le Magdalénien et plus récemment pour le Gravettien (Klaric 1999). Des travaux récents sur le Gravettien moyen à burins du Raysse ont montré que ces burins avaient servi de nucleus à lamelles sur les gisements de Plasenn-Al-Lomm dans les Côtes d'Armor (Le Mignot 1998), de la Picardie en Indre et Loire (Klaric et al. 2002; Klaric 2003) et du Flageolet I en Dordogne (Lucas 2002). Il en est de même pour le Gravettien récent : ainsi sur le gisement du Blot (Haute-Loire), certains pièces interprétées comme des burins se sont avérées être des « nucleus sur lames » intégrant un schéma de production d'armatures microlithiques (Klaric 1999). Bien qu'il reste communément admis pour le Gravettien que ces pièces sont aussi des outils, ceci reste à démontrer par des analyses tracéologiques. Si cela venait à se confirmer, il serait intéressant de voir si les comportements techno-économiques sous-jacents à leur exploitation présentent ou non des similitudes conceptuelles avec les « matrices-outils » en bois de cervidé. Dans cette quête, il reste aussi à savoir si les « matrices-outils », notamment celles de « première intention », sont présentes tout au long du Gravettien ou au contraire, si elles s'avèrent caractéristiques de sa phase finale ou même du seul gisement de Laugerie-Haute ? Plus largement retrouve t-on ce type d'objets dans d'autres périodes du Paléolithique supérieur et si oui sous quelle forme ? | Le Gravettien moyen à burins de Noailles d'Isturitz et le Gravettien récent de Laugerie-Haute ont livré une riche industrie osseuse au sein de laquelle nous avons isolé un type d'objet particulier, les « matrices-outils », que nous avons subdivisé en deux catégories. La première, présente sur les deux gisements, repose sur une récupération opportuniste de matrices de débitage transformées en outils biseautés de deuxième intention. La seconde, attestée uniquement à Laugerie-Haute, est constituée de matrices-outils de « première intention », témoignant d'une volonté de produire simultanément un support et un outil biseauté. Ces deux objectifs sont étroitement liés et répondent à des règles précises dans le choix de la partie anatomique exploitée ainsi que dans les procédés de débitage employés. La création de l'outil n'est pas ici subordonnée à la production d'un support, mais on constate au contraire que le débitage de la matrice a été conduit de façon à ne pas nuire à la réalisation de cet outil. Ainsi, les Gravettiens de Laugerie-Haute ont su combiner, au sein d'une même opération technique, deux concepts a priori bien distincts: le débitage et le façonnage. | archeologie_08-0168754_tei_325.xml |
termith-132-archeologie | Développée dans les années cinquante par les biologistes spécialistes de l'étude des populations animales (Scheffer 1950; Laws 1952; Sergeant et Pimlott 1959), la cémentochronologie repose sur l'observation des marqueurs saisonniers de croissance au sein du cément dentaire. Cette méthode est désormais très largement utilisée en archéologie pour documenter la saisonnalité de prédation des animaux trouvés en contexte préhistorique (Pike-Tay 1991; Pike-Tay et al. 1999; Martin 1994; Peck 2004; Wall 2005). Alors que beaucoup de travaux ont abordé les mécanismes de la cémentogenèse (Lieberman et Meadow 1992; Lieberman 1993; Burke et Castanet 1995), peu d'études se sont concentrées sur les problèmes qui découlent de son application au contexte archéologique. Ces dernières années cependant, la recherche s'est davantage intéressée aux modifications susceptibles d'intervenir sur l'enregistrement saisonnier après la mort de l'animal et qui, dans certains cas, peuvent avoir de lourdes conséquences sur les résultats (Geusa et al. 1999). En particulier, les phénomènes de modifications diagénétiques de l'apatite (un des principaux constituants du cément) peuvent entraîner l'apparition de faux marqueurs saisonniers, non perceptibles avec les méthodes couramment employées (Stutz 2002a, 2002b). Nous nous baserons sur l'analyse d'une série précédemment étudiée, le niveau 4 du Pech-de-l'Azé I (Armand et al. 2001), pour mettre en évidence les biais que peuvent induire ces phénomènes sur les résultats cémentochronologiques. Le cément est un tissu osseux, constitué d'hydroxy-apatite et de fibres de collagène, qui se dépose le long des racines des dents de mammifères, depuis leur formation jusqu' à la mort de l'animal (Lieberman et Meadow, 1992; Diekwisch, 2001). Son apposition répond à un cycle annuel constitué du dépôt successif d'une bande à croissance rapide (qui apparaît claire au microscope en lumière polarisée, fig. 1) et d'une bande à croissance lente (qui apparaît sombre dans les mêmes conditions d'analyse). La première, appelée zone ou bande de bonne saison, se forme généralement du printemps à l'automne; la seconde, appelée annulus ou bande de mauvaise saison, se développe en hiver. De très nombreux référentiels, réalisés sur des individus actuels dont l' âge et la saison de mort étaient connus, ont permis de valider ces processus sur l'ensemble des mammifères testés (Mitchell 1963; Lowe 1967; Klevezal ' et Kleinberg 1969; Klevezal et Pucek 1987; Gordon 1988; Pike-Tay 1991; Martin 1994; Burke 1995; Moffit 1998). Au microscope polarisant à fort grossissement (x20-x200), il est possible de déterminer la saison de mort de l'individu concerné, par l'identification de la nature de la dernière bande et de son stade de croissance. L'excellente reproductibilité de la méthode et sa possible application à l'ensemble des individus présents sur un site expliquent l'intérêt qu'elle a suscité chez les archéologues pour aborder la saisonnalité de prédation (Saxon and Higham 1968; Gordon 1988; Pike-Tay 1991; Martin 1994; Burke 1995; Rendu 2007). L'utilisation de la cémentochronologie en contexte archéologique conduit à observer des structures microscopiques vieilles parfois de plusieurs dizaines de milliers d'années. Il est donc essentiel d'identifier les phénomènes qui peuvent gêner l'observation et en biaiser potentiellement l'interprétation. La météorisation, ou « weathering », est le phénomène le plus souvent évoqué (Stallibrass 1982; Lieberman et al. 1990; Pike-Tay 1991; Miracle et O'Brien 1998). Son expression consiste d'abord en l'apparition puis le développement d'une fissuration de la racine et de plages de décollement au contact de la dentine. La région affectée correspond à une zone de changements minéralogiques et structuraux majeurs (Diekwisch 2001), donc une zone de faiblesse (fig. 2). Un deuxième réseau de fissures peut ensuite être généré. Les fissures partent alors de la surface externe du cément jusqu' à la zone granuleuse de Tomes et sont perpendiculaires aux bandes de cément (Stallibrass 1982; Lieberman et al. 1990; Pike-Tay 1991; Miracle et O'Brien 1998). Poussée, cette altération peut entraîner une perte de l'ensemble des dépôts de cément. Si ces modifications engendrent une gêne indéniable lors de l'étude cémentochronologique, les dents présentant ce type de modification sont facilement identifiées et écartées de l'étude. D'autres phénomènes post-dépositionnels récemment identifiés, telles les recristallisations de l'apatite, sont des problèmes beaucoup plus importants car les biais induits dans la détermination de la saison de mort ne sont pas forcément perceptibles avec les méthodes couramment utilisées (Geusa et al. 1999; Stutz 2002a, 2002b). Pendant l'enfouissement et notamment sous l'effet des micro-organismes et de la moisissure, les fibres de collagène peuvent se fragmenter et être dissoutes par les eaux d'infiltration au sein du sédiment (Hackett 1981; Pate and Brown 1985; Child 1995). Les vides ainsi formés constituent des régions favorables aux précipitations de néo-cristaux d'apatite (Gilbert 1989; Child 1995; Geusa et al. 1999). Ces derniers vont alors grandir avec leur axe d'allongement aligné suivant l'axe d'allongement principal des fibres de collagène dissoutes (Ziv et al. 1996). Comme les structures saisonnières ont des dimensions comprises entre 1 µm et 1mm, si cette recristallisation cesse à un niveau « ultrascopique » (inférieur au micromètre), l'extension et la perte de collagène restent limitées et les structures du cément seront alors parfaitement préservées (Ziv et al. 1996). Cependant, si la croissance des cristaux d'apatite post-mortem se poursuit jusqu' à un niveau microscopique, une oblitération des structures saisonnières pourra se produire (Stutz 2002a; 2002b). Les cristaux d'apatite biogénique sont trop petits pour influer sur la lumière qui les traverse et se comportent comme des matériaux transparents isotropes (Ziv et al. 1996; Stutz 2002a, 2002b). Ainsi, à l'état frais, seules les fibres de collagène sont optiquement actives sous les conditions d'observation énoncées (Schmidt et Keil 1971; Ziv et al. 1996). Il faut que la taille des cristaux d'apatite augmente sous l'effet des processus de diagénèse, jusqu' à une dimension minimale de 390 nm (plus petite longueur d'onde des rayonnements du spectre visible), pour affecter la lumière visible transmise (Schmidt et Keil 1971). Deux cas particuliers de recristallisation/déstructuration peuvent avoir des conséquences sur les études cémentochronologiques (Stutz 2002a, 2002b) : en l'absence de recristallisation, les zones qui perdent leur collagène présentent des cristaux d'apatite de trop petite dimension pour arrêter la lumière. La lumière polarisée les traverse sans être affectée et arrive jusqu' à l'analyseur qui la stoppe. La zone en question apparaît éteinte, quelle que soit sa position par rapport aux deux polariseurs. Ainsi présente -t-elle les mêmes propriétés optiques qu'un annulus, d'où une possible erreur d'identification; l'apatite néo-formée possède les mêmes caractéristiques optiques sous microscope polarisant que les fibres de collagène (Gilbert 1989). Sa couleur de biréfringence (sous lumière polarisée - analysée) est grise du premier ordre. Comme son axe d'allongement principal est de même direction que celui des fibres de collagène, l'extinction se produit en même temps pour ces dernières (Schmidt and Keil 1971; Gilbert 1989). Par conséquent, ces dépôts cristallins imitent à la perfection les zones et si un annulus est recouvert par un tel dépôt, l'analyste se trompera dans la détermination de l' âge au décès ou même de la saison de mort. La principale différence optique existant entre l'apatite diagénétique et le collagène, porte sur leur biréfringence qui est positive pour le collagène, négative pour l'apatite (Gilbert 1989). Une technique issue de la pétrologie minéralogique et développée par A. J. Stutz (2002a, b) permet de s'appuyer sur cette différence pour discriminer les deux types de dépôts. L'insertion d'un cristal biréfringent entre la lame mince et le polariseur va augmenter la différence de réfringence des deux cristaux et entraîner une coloration différentielle des dépôts (Stutz 2002a, 2002b). La lame (ou lambda) aussi appelée wave plate ou encore red 1 plate, est utilisée dans ce but. Cette lame génère des différences de teintes très marquées entre des substances de biréfringence opposée (Stutz 2002a, 2002b). Dans la position de luminescence maximale, quand la lame lambda est insérée, l'apatite apparaît bleue quand le collagène est jaune et apparaît jaune quand le collagène est bleu (fig. 3 a et b). Par contre, quand les bandes sont alignées avec les axes d'un des polariseurs (suivant les directions N-S ou E-O), leur couleur est magenta quelle que soit leur nature. Les régions déstructurées, appauvries en collagène, présentent, quant à elles, une coloration rose magenta quelle que soit leur orientation (fig. 3c). Cette technique permet donc de déterminer facilement l'origine biogénique ou diagénétique de la partie du cément observée. Pour illustrer le propos, nous présentons ici un exemple d'application de la lame lambda (Rendu 2007). La Figure 4a est une photographie sous lumière polarisée d'une lame mince réalisée à partir d'une dent de Cerf provenant du gisement de Pech-de-l'Azé I, niveau 7. L'observation en lumière polarisée permet de distinguer deux régions dans ce cément : une région extérieure (a), présentant un enregistrement saisonnier bien préservé au sein duquel quatre couples de bandes sont lisibles. La partie la plus intérieure (b) montre une organisation des tissus particulièrement difficile à analyser. Ces deux principales régions sont séparées par une large bande noire (c) délicate à interpréter sous ce mode d'observation. L'observation sous lumière polarisée avec insertion de la lame lambda (fig. 4b) apporte des éléments de réponse. La partie externe du cément présente une coloration bleue (a), qui atteste de la conservation du collagène dans cette zone. À l'inverse, la partie la plus interne apparaît rose (b), témoignant d'une probable disparition du collagène. La ligne noire précédemment signalée (c) semble résulter d'une disparition complète du collagène et, si elle avait été plus fine, aurait pu être confondue avec une bande de mauvaise saison en lumière polarisée analysée. Une première étude du niveau 4 du gisement du Pech-de-l'Azé I a été réalisée par une partie des auteurs (D.A., E.P., M.S.). Les deux taxons dominants, le Cerf et le Bison, ont été analysés cémentochronologiquement (Armand et al. 2001). Douze individus, représentés par autant de dents ont permis l'obtention de 24 lames minces. L'observation a été conduite sous microscope polarisant à fort et très fort grossissement (X40-X200) de manière directe et assistée par ordinateur (Lieberman et al. 1990). Lors de cette première étude, la possibilité d'altérations post-dépositionnelles n'avait pas été envisagée puisque les modifications diagénétiques n'avaient pas encore été identifiées. À l'exception d'une dent, toutes présentaient un cément lisible permettant aux auteurs de proposer une saison de mort pour les différents individus étudiés. Ce travail mettait en évidence une prédation du Cerf s'étendant sur l'ensemble de l'année, à l'exception de la fin de la bonne saison, et du Bison, ayant lieu pendant la mauvaise saison (fig. 5). En se fondant sur ces résultats, une chasse hivernale du Bison pour la constitution de réserves alimentaires avait été proposée. Une étude ultérieure portant sur le niveau 6 de ce même gisement, conduite avec l'emploi de la lame lambda, a mis en évidence un abattage du Cerf pendant la même période. L'analyse des incréments de cément des dents de Bison a révélé un abattage (et donc une présence dans l'environnement) durant la bonne saison (Rendu 2006). Trois hypothèses permettent alors d'expliquer cette différence d'abattage entre le niveau 4 (abattage pendant la mauvaise saison) et le niveau 6 (abattage pendant la bonne saison) : soit le Bison a occupé en continu le vallon pendant l'année et donc ce taxon ne migrait pas; soit le statut de la région du Pech-de-l'Azé I est passé de zone d'hivernage à zone d'estive pour la population de Bovinés, entre les deux occupations; soit des problèmes taphonomiques ont modifié le cément au sein du niveau 4 et ont conduit à des erreurs d'interprétation. Il est ainsi apparu essentiel de vérifier sur le premier échantillon si de telles modifications avaient pu perturber le spectre saisonnier. L'ensemble du matériel (à l'exception d'une lame mince qui avait été cassée avant notre étude) a été réexaminé. L'observation a été réalisée au microscope polarisant avec et sans insertion de la lame lambda, sans connaissance des résultats précédemment obtenus pour chacune des lames mince. Les résultats ont ensuite été comparés à l'étude antérieure. Outre quelques rares modifications liées à la météorisation du matériel, deux types de problèmes gênant l'étude ont été identifiés : il s'agit des remobilisations diagénétiques et d'un dépôt noir. Au total, cinq individus (tabl.1) présentent des déstructurations du collagène et/ou des phénomènes de recristallisations identifiables par la lame lambda. Un dépôt noir se développe sur trois échantillons (tabl. 1). Ce dépôt apparaît sur la surface extérieure de la racine ne recouvrant pas directement les structures du cément. Sous les conditions d'observation habituelle (lumière polarisée analysée), ce dépôt rend difficile l'identification des limites extérieures du cément et donc perturbe la détermination du dernier incrément. Ainsi, il est malaisé de savoir si un annulus (qui lui aussi apparaît sombre) le précède. Or, l'emploi de la lame lambda, qui colore différemment les matériaux en fonction de leur constituant, permet aisément de faire la distinction entre les dépôts de cément, qui apparaissent bleu, jaune ou magenta suivant leur orientation et leur origine, et le dépôt qui apparaît noir sous les mêmes conditions d'observations. Au total, quatre lectures sont en désaccord avec celles précédemment proposées. Ainsi, neuf dents ont présenté un cément suffisamment bien préservé pour permettre une détermination de la nature et de l'état d'avancement de la dernière bande de croissance. PAI - 100 (fig. 6) Sur la photographie en lumière polarisée, quatre bandes à croissance rapide sont clairement visibles (identifiées par les croix). Un dépôt brun-noir clôt l'enregistrement (matérialisé par la flèche blanche). Ce dernier dépôt a été précédemment identifié comme étant un annulus. L'observation avec insertion de la lame lambda montre que le cément coloré en orange n'a pas totalement perdu ses constituants. Cependant, le dernier dépôt colorié en noir n'est vraisemblablement pas d'origine organique. Il en résulte que le dernier incrément est une zone en fin de croissance. L'animal a donc été abattu à la fin de la bonne saison et non durant la mauvaise saison comme précédemment proposé. PAI – 263 (fig. 6) Tout comme pour la lame précédente, un dépôt brun-noir surligné sur la photographie par la flèche blanche, clôt l'enregistrement et a été interprété comme un annulus. L'emploi de la lame lambda souligne la nature non biologique de ce dépôt. Ici aussi, le dernier incrément est une zone en fin de croissance. PAI – 33 (fig. 6) En lumière polarisée, la partie la plus interne du cément est très mal définie à tel point que la limite dentine/cément n'est pas perceptible. Le dernier dépôt (matérialisé par les flèches blanches) apparaît lumineux, ce qui avait conduit précédemment à proposer un abattage pendant le début de la bonne saison (Armand et al. 2001). L'observation avec insertion de la lame lambda montre que la région la plus interne a subi une déstructuration comme l'atteste la coloration rose des tissus dentaires L'estimation de l' âge n'est donc pas envisageable. La partie la plus externe, quant à elle, présente une double coloration bleu et jaune. Cette recristallisation qui affecte le dernier dépôt empêche toute estimation saisonnière. L'hypothèse d'un animal abattu en début de bonne saison doit être rejetée. PAI – 145 (fig. 6) L'observation en lumière polarisée souligne la mauvaise préservation des structures saisonnières qui sont très difficiles à individualiser les unes des autres. De plus, un dépôt brun-noir clôt la séquence saisonnière compliquant l'identification de la nature du dernier incrément et la limite extérieure du cément. Après insertion de la lame lambda, la coloration rose-magenta de l'ensemble du cément atteste que celui -ci a subi une déstructuration expliquant l'impossibilité d'individualiser des structures biologiques. Le dernier dépôt apparaît ici noir témoignant de son origine non biologique. Celui qui le précède a vraisemblablement perdu la majeure partie de ses constituants empêchant ainsi d'en identifier la nature. Aucune estimation de l' âge et de la saison de mort de l'individu concerné ne peut être proposée. PAI–69 L'observation en lumière polarisée souligne la mauvaise préservation des structures saisonnières qui ne sont pas individualisables. L'emploi de la lame lambda atteste d'un cément largement recristallisé. Tout comme lors de l'étude précédente, nous concluons ici à l'impossibilité de proposer un âge au décès et une saison de mort pour l'individu concerné. PAI–216 En lumière polarisée, la partie la plus interne du cément est mal définie et une partie des structures de la dentine est également illisible. Le dernier dépôt apparaît sombre et a été déterminé comme annulus, ce qui avait conduit précédemment à proposer un abattage pendant la mauvaise saison (Armand et al. 2001). L'observation avec insertion de la lame lambda montre que la région la plus interne a subi une déstructuration comme l'atteste la coloration rose des tissus dentaires. L'estimation de l' âge n'est donc pas envisageable. En revanche les dépôts les plus extérieurs ne sont pas affectés, permettant de valider l'hypothèse d'un abattage pendant la mauvaise saison. PAI–272 L'observation en lumière polarisée souligne la bonne préservation des structures saisonnières les plus externes, les plus internes étant plus difficiles à percevoir. Un dépôt brun-noir clôt la séquence saisonnière compliquant l'identification de la nature du dernier incrément et la limite extérieure du cément. L'insertion de la lame lambda permet d'identifier des recristallisations locales des premières structures saisonnières, cependant les dernières ne sont pas affectées par ces remobilisations post-mortem. De plus, il est, sous les mêmes conditions d'observation, aisé de distinguer la limite externe du cément. Ainsi, bien que l'estimation de l' âge ne puisse être avancée, il est possible de confirmer l'hypothèse d'un abattage au début de la bonne saison. PAI–C14-378 Tout comme pour les lames PAI – 272, PAI-263 et PAI-100, un dépôt brun-noir clôt l'enregistrement saisonnier. Comme précédemment, l'emploi de la lame lambda souligne la nature non biologique de ce dépôt. Aucune recristallisation des structures saisonnières n'a été identifiée. Le dernier dépôt est une zone en début de croissance. L'animal a donc été abattu en début de bonne saison. En résumé, cinq dents affectées par des phénomènes de recristallisation ne permettent pas une estimation de l' âge. Pour trois d'entre elles, PAI-69, PAI-33 et PAI-145, les perturbations qui affectent le dernier dépôt, n'autorisent pas la détermination de la saison de mort. Le dépôt noir est à l'origine de deux erreurs d'appréciation lors de l'étude précédente. PAI-100 et PAI-263 proviennent en effet d'individus abattus à la fin de la bonne saison et non pas à la mauvaise saison comme formulé précédemment. Les résultats modifiés, prenant en compte l'étude taphonomique, sont présentés dans la figure suivante (fig. 7). Sur les neuf dents de Cerf analysées, quatre présentent des remobilisations conduisant à rejeter deux d'entre elles de l'analyse la dent PAI-69, qui avait été considérée comme illisible lors de l'étude précédente, et la dent PAI-33 pour laquelle une zone en fin de croissance avait été observée. Par conséquence, le spectre saisonnier n'est que peu modifié (fig. 7) par rapport à celui proposé par D. Armand et collaborateurs (2001). Une dent de Bison présentant des remobilisations a été rejetée de l'analyse. Pour les deux autres, la prise en considération du dépôt noir conduit à modifier la détermination saisonnière précédemment avancée. Les résultats obtenus pour la saisonnalité de prédation du Bison sont donc différents de ceux présentés par nos prédécesseurs. La proposition d'un abattage pendant la mauvaise saison doit désormais être rejetée au profit d'un abattage pendant la bonne. L'implication des modifications taphonomiques sur les courbes d' âge et le spectre saisonnier apparaît conséquente. Cinq estimations de l' âge sur douze ne peuvent être établies. De la même manière, lors de la précédente étude, la non-identification des phénomènes taphonomiques a conduit à proposer une chasse hivernale du Bison (Armand et al. 2001). Or, il s'avère que les dépôts de cément analysés ont été modifiés par la présence de cette bande noire et/ou une perte de la structure de collagène. Suite à ce réexamen, cette hypothèse ne peut donc plus être soutenue. Une chasse à la fin de la belle saison est proposée pour ce taxon. Ainsi, considérant les nouveaux résultats, l'hypothèse de changement de statut du vallon pour la population de Boviné doit être écartée. Les données saisonnières ne permettent plus de discuter de la question de l'occupation continue du vallon par le Bison (et donc la présence de migration chez cet Ongulé). Suite à la reprise des fouilles sur le gisement (Soressi et al. 2002; 2008), le niveau 4 a été ré-échantillonné (Rendu 2007, 2010). Six dents de Cerf et trois de Bison ont été analysées. Des remobilisations des structures saisonnières ont été identifiées conduisant au rejet de deux dents de bisons de l'étude. Le dernier incrément de la troisième dent de boviné analysée était une zone en fin de croissance renforçant l'hypothèse d'un abattage de ce taxon à la fin de la bonne saison. Les dents de Cerf présentaient des structures bien conservées permettant de proposer un abattage en début (NMI =1), milieu (NMI =2) et fin (NMI =3) de la bonne saison. La présence de cerfs abattus à la fin de la bonne saison (c'est-à-dire pendant la même période que pour le Bison) nous a conduits à proposer l'hypothèse de l'absence de complémentarité saisonnière de prédation entre les deux espèces chassées (Rendu 2007; Soressi et al. 2008). Notons que la prise en compte de ces résultats, qui documentent une chasse aux cerfs sur l'ensemble de l'année, ne nous ont pas permis de défendre l'hypothèse de l'occupation saisonnière de la cavité qui avait précédemment été avancée (Armand et al. 2001). Alors que la cémentochronologie est une méthode dont le potentiel pour l'étude des saisons de chasse n'est plus à démontrer, la recherche systématique des modifications taphonomiques de l'enregistrement saisonnier doit devenir un préalable à toute étude. Appliquée au gisement de Kébara au Proche-Orient, la recherche de modification post-mortem a montré la fréquence importante de ce type d'atteintes sur les restes dentaires (Stutz and Lieberman 2007), conduisant au rejet d'un tiers de l'échantillon précédemment publié. Dans l'étude cémentochronologique du gisement aurignacien des Rois en Charente (Michel et al. 2008) quatre dents, représentant autant d'individus, ont été analysées et pour trois d'entre eux un abattage à la fin de la bonne saison avait été proposé. Cependant, la quatrième dent a présenté un cément profondément modifié avec une perte de la structure en collagène et donc de l'ensemble de l'enregistrement saisonnier. L'emploi de la méthode développée par A. J. Stutz (2002a, 2002b) a conduit au rejet de cet individu qui, sinon, aurait été interprété comme ayant été abattu au début de la bonne saison, élargissant ainsi artificiellement le spectre saisonnier. La révision de l'analyse cémentochronologique de E. Pubert (cité in Costamagno 1999), conduite sur l'Antilope saïga du gisement magdalénien de Saint-Germain-la-Rivière (Rendu, com. orale) a abouti à des conclusions proches. La révision taphonomique des quarante-huit dents analysées a montré que sept présentaient des problèmes de recristallisation, n'autorisant pas la détermination de la saison de mort. Ainsi, une partie des problèmes de cohérence dans les résultats portant sur l' âge au décès des antilopes pourrait s'expliquer par la non identification des modifications taphonomiques du cément. En outre, l'exclusion des dents aux structures altérées a permis de réduire le spectre saisonnier du niveau 3, pour lequel un abattage s'étendant de la mauvaise saison au milieu de la bonne avait été proposé. Pour ce niveau, seul un abattage en milieu de bonne saison peut être désormais retenu. Ici, l'utilisation de la lame lambda a précisé la saisonnalité de prédation de l'Antilope saïga. La prise en compte des modifications post-mortem des structures du cément des restes dentaires du Pech-de-l'Azé I a conduit à une réévaluation des saisons de prédation du niveau 4 du Pech-de-l'Azé I, pour lequel quatre déterminations ont été modifiées par rapport à l'analyse précédente. Cette reprise a notamment dégagé une autre saison de chasse pour le Bison, modifiant ainsi les hypothèses quant aux stratégies développées par la population néandertalienne pour l'exploitation de celui -ci. Bien que la plupart des séries cémentochronologiques étudiées ne soit pas affectée par les recristallisations des structures saisonnières, leur fréquence est suffisamment importante pour rendre leur recherche et leur identification indispensables. Ces modifications peuvent en effet avoir des conséquences considérables, en particulier sur les faibles échantillons. Cependant, il est important de souligner que, bien que des modifications taphonomiques de l'enregistrement saisonnier puissent intervenir, l'emploi de la lame lambda permet d'identifier ce type d'altération. Cette technique (Stutz 2002a, 2002b) apporte ainsi davantage de fiabilité à la cémentochronologie qui reste une méthode de premier plan pour aborder la saison de chasse des animaux en contexte archéologique . | Alors que la cémentochronologie est une méthode de plus en plus utilisée pour reconstituer la saisonnalité de prédation des animaux présents en contexte archéologique, peu d'études incluent la recherche systématique des modifications taphonomiques qui peuvent affecter le cément. Ce travail propose une présentation des phénomènes de remobilisations diagénétiques de l'enregistrement saisonnier. À travers la reprise de l'analyse du niveau 4 du gisement du Pech-de-l'Azé I, nous proposons une illustration de leurs conséquences sur les études cémentochronologiques. | archeologie_12-0023831_tei_194.xml |
termith-133-archeologie | La Brèche de Genay est située sous le promontoire Sud de la Montagne de Cras, sur la commune de Genay (Côte-d'Or), lieu-dit « Montagne de Girault ». Le gisement fut découvert fortuitement en 1834, et a fait l'objet de nombreux travaux et visites durant les deux derniers tiers du XIX e siècle. Après quelques décennies d'oubli, de nouvelles fouilles furent entreprises par J. Joly et J.-J. Puisségur de 1953 à 1960 (fig. 1). C'est au cours de celles -ci, qu'en avril 1955, furent découverts les restes du crâne d'un Néandertalien adulte et probablement masculin étant donné sa robustesse (Joly 1955; Joly 1968; de Lumley 1987). Il est identifié comme Genay 1 (Vandermeersch 1971). Ce fossile a été récemment restauré (Gommery 2005), et c'est au cours de ce travail qu'une incisive latérale inférieure droite a aussi été isolée. Elle n'a pas été associée à Genay 1 et pourrait représenter un second individu alors identifié comme Genay 2 (Pautrat et Gommery 2005). Cette dent est toujours inédite. (Document : Y. Pautrat). Le gisement de Genay correspond à ce que J. Joly a appelé un « système de base de corniche » (Joly 1968, 1987). Des barres rocheuses, constituées par des pans de roche détachés d'une corniche calcaire (Bajocien) glissent sur des argiles sous-jacentes (Lias), tout en basculant et en se disloquant. Derrière les barres rocheuses sont accumulés des matériaux variés : pierrailles, sables cryo-clastiques et limons, disposés suivant une stratigraphie souvent perturbée par le déplacement des masses rocheuses. Des ossements fossiles et des industries lithiques se rencontrent fréquemment dans les couches de matériaux retenus derrière ces barres rocheuses. À Genay, c'est derrière la barre inférieure (la plus basse) qu'ils sont le plus abondants. J. Joly y a distingué deux niveaux d'occupation dont l'industrie est moustérienne. Le niveau inférieur est partout consolidé en brèche alors que le supérieur ne l'est pas toujours. Les espèces fauniques qui dominent sont le Cheval, le Bison, le Mammouth et les cervidés (Pautrat 1987; Patou-Mathis 1987; Renault-Miskovsky and Hakim 1987). L'Hyène et le Lion des cavernes ainsi que le Loup ne sont représentés que par quelques pièces. Il s'agit donc d'une faune de milieu ouvert qui fut en partie chassée par l'homme. Les os longs sont d'ailleurs presque tous fracturés, les fragments portant de nombreuses traces de décarnisation, et certains transformés en outils (lissoirs, ciseaux, etc.). La présence d'une industrie lithique moustérienne, d'une faune sélectionnée par la chasse, de pierres de foyers et d'os brûlés, enfin la découverte du crâne néandertalien attestent clairement de l'occupation préhistorique de cet environnement particulier. Il s'agit probablement de campements de chasseurs revenant périodiquement à l'abri des barres rocheuses, lesquelles leur permettaient une bonne surveillance de la vallée. La brèche a été datée de 82 000 ± 20/16 000 ans (Th-230/U-234; Yokoyama 1987), ce qui l'inclurait à l'OIS 4. Une visite du gisement, à la fin de l'hiver 1984 a permis de constater un certain nombre de dégradations dues à des fouilles clandestines récentes. L'une d'entre elles avait dégagé une défense de mammouth brisée et exposée aux intempéries. Une fouille de sauvetage fut donc décidée, sous la responsabilité de Y. Pautrat (autorisation n° 85-04 du 20 mars 1985). Elle a permis le prélèvement et la consolidation de cette défense, située dans une zone marginale du gisement, très perturbée par des phénomènes périglaciaires (Pautrat et Verjux 1987). D'autres sondages clandestins intéressaient la zone de découverte des restes néandertaliens (tranchée V). Il fut donc décidé d'y implanter un décapage de quelques mètres carrés, dans le but de préciser la stratigraphie et d'évaluer la présence ou l'absence d'autres vestiges humains. La stratigraphie localement relevée est caractéristique du gisement de Genay. Elle montre des blocs de brèche à ossements, glissant sur un calcaire marneux jaunâtre, et donc très fractionnés par leurs déplacements sur la pente. Cette brèche est recouverte d'un limon rougeâtre, également fossilifère, de même origine sédimentaire, mais non solidifié, puis d'un gravier limoneux rouge moins dense en vestiges. Ces niveaux préhistoriques sont enfin scellés par des limons argileux bruns et un éboulis cryoclastique de versant. C'est à la partie supérieure d'un des blocs de brèche osseuse que fut trouvé (Pautrat et Verjux 1987) le bourgeon dentaire néandertalien (Genay 3) décrit ici, parmi une faune abondante (Patou-Mathis 1987), constituée d'esquilles osseuses de tailles variées, cimentées entre elles (Cheval majoritaire, Bovinés, petits carnivores). Un racloir latéral simple convexe en silex gris-bleu à retouche envahissante irrégulière a été trouvé dans le voisinage (Pautrat 1987). Aucun autre vestige humain n'a été mis au jour et l'absence de relevés précis dans le rapport de 1955 ne permet pas d'étudier la relation spatiale de ce bourgeon dentaire avec les restes, très fragmentés, de Genay 1. Bien que les deux appartiennent clairement à la même unité stratigraphique, il y avait environ trois mètres de distance entre les débris de l'adulte et la dent de l'enfant. Au cours de travaux récents de nettoyage et consolidation de l'individu Genay 1, D. Gommery (Gommery et Pautrat 2005) a identifié une dent incomplète, correspondant à une incisive latérale inférieure droite usée qu'il a attribuée à un second individu adulte. Tenant compte de cela, il se pourrait que des restes très partiels et incomplets de deux individus âgés, aient été trouvés à Genay, en plus du bourgeon dentaire objet de ce travail et que nous avons décidé de nommer Genay 3. La dent a été mesurée trois fois et c'est la moyenne des trois mesures qui est reportée ici. Les diamètres ont été obtenus, selon la méthode de Martin (Martin et Saller 1957), entre les points les plus éloignés de la couronne tant dans le sens mésio-distal que dans le vestibulo-lingual. Pour la description des caractères morphologiques nous avons utilisé le « Système ASU-DAS » (Turner et al. 1991), ainsi que toutes les autres références citées dans le texte. Pour les comparaisons, l'ellipse d'équiprobabilité a été calculée en utilisant toutes les dents disponibles (donc, en intégrant dans l'effectif les dents droite et gauche d'un même fossile) des Prénéandertaliens et des Néandertaliens (tabl. 2). Nous pensons que cette démarche est légitime en raison de la faiblesse de l'effectif fossile et du fait que l'on tente d'apprécier au mieux une variabilité métrique. De plus, les dents droite et gauche d'un même sujet ne sont pas totalement similaires (par exemple en ce qui concerne l'usure interproximale). Dans cette comparaison, nous avons aussi utilisé les données des dents de plusieurs séries sub-actuelles (Spitalfields, Poundboury et Coxyde), qui se trouvent aussi dans la base de données de l'un de nous (B. M.). La dent isolée nommée Genay 3 correspond à la couronne dentaire d'un germe de molaire inférieure permanente droite d'un enfant. Elle est de grandes dimensions relativement à notre échantillon de comparaison (tabl. 1) et très bien préservée, sauf une fissure sur le coté lingual. Nous l'avons identifiée (Kraus et al. 1969; Hillson 2002) comme une première molaire (M1) en fonction de la longueur de son plan occlusal, de l'extension semi-triangulaire de la partie distale, de la courbure accusée du profil vestibulaire, par la présence d'un petit tuberculum intermedium (plus fréquent sur les M1), et par la similitude avec les M1 de différents jeunes Néandertaliens qui seront cités plus loin. Compte tenu de la hauteur de la couronne (6,14 mm max.) et de sa morphologie, et d'après les schémas de Moorrees et al. (1963), le développement correspond à la catégorie 5 (Cr3/4), presque 6 (Cr c), ce qui indiquerait 1,8/2,4 ans pour une fille et 1,9/2,5 pour un garçon (Smith 1991). En tenant compte des données de TenCate (in Schwartz 2007) l' âge serait un peu inferieur à 2,6 ans pour une fille et 2,7 pour un garçon, et en appliquant le schéma d'Ubelaker (1989) pour une série archéologique d'Amérindiens (et en ayant conscience de l'incertitude inhérente à ce type de collection), on obtiendrait un âge d'environ 2 ans ± 8 mois. (Document M. D. Garralda). La couronne s'inscrit globalement dans un ovale dissymétrique, avec le côté vestibulaire beaucoup plus long que le lingual; le mésial est large et moins courbe, et le distal plus arrondi. Le plan occlusal est pentagonoïde, en raison de la saillie de la cuspide 5 (hypoconulide). Le côté vestibulaire est divisé en trois segments convexes séparés par les sillons mésio - et disto-vestibulaires, accentués et marqués vers le collet. La proéminence de ce côté sous la cuspide disto-bucale (hypoconulide) et l'angle mésio-bucal, ainsi que la convergence des profils mésial et distal vers le bord lingual, et le sillon central de ce dernier, sont bien visibles. Les reliefs des cinq cuspides principales sont accusés. Logiquement, le protoconide est nettement le plus grand, suivi du métaconide et après de l'hypoconide et l'entoconide. De nombreux sillons et plusieurs crêtes descendent des cuspides vers la fovea centrale de la couronne, formant un dessin très compliqué. La fossa mésiale est large et profonde, plus que le degré 4 (maximal) de la plaque 19 du système ASU-DAS (Turner et al. 1991). Elle montre deux petites crêtes d'émail, et son bord antérieur est bas, mais bien marqué. Les crêtes qui partent du protoconide et du métaconide sont très développées et délimitent bien ainsi la fossette mésiale. Mais elles ne forment pas un pont continu (ou « mid trigonid crest »). Cette formation est similaire à celle de la catégorie 1A de la plaque 26 (Turner et al. 1991) et correspond au degré 1 de Bailey (2002a et b). Le métaconide présente, sur son bord distal, un profond sillon dirigé distalement vers la fosse centrale et qui ressemble à la catégorie 2 de la plaque 13 de Turner et al. (1991). Entre cette cuspide 2 et l'entoconide apparaît un petit tubercule 7, le métaconulide ou tuberculum intermedium, dont le degré d'expression est comme celui de la catégorie 2 (« petit ») de la plaque de l'ASU-DAS. La fossa distale est interrompue par un petit entoconulide (cuspide 6) dont le développement correspond au degré 2 de la plaque 23 (système ASU-DAS; Turner et al. 1991), c'est-à-dire qu'elle est plus petite que la cuspide 5 (hypoconulide). Cette dernière a une taille réduite qui semble correspondre à la catégorie 3 de la plaque 22 (système ASU-DAS; Turner et al. 1991). (Document M. D. Garralda). Elle montre une différence de taille entre les trois cuspides 1, 3 et 5 qui sont arrondies, le protoconide se détachant par sa hauteur et sa largeur. Les deux sillons séparant les cuspides sont profonds et longs, spécialement le mésial, qui se termine dans un foramen marqué. (Document M. D. Garralda). Elle laisse voir deux cuspides 2 et 4 de taille et de volume très proches, séparées par le sillon lingual, à droite duquel il apparaît le déjà décrit tuberculum intermedium. Les deux cuspides mésiales sont visibles, la vestibulaire (protoconide) un peu plus élevée que la linguale; au dessous d'elle le bord mésial est très développé et avec un petit tubercule un peu décalé lingualement. Elle permet de voir les cuspides 3, 4 et 5, ainsi que le faible développement de la 6 ou tuberculum sextum. (Document M. D. Garralda). Toute la cavité du germe est remplie d'un sédiment bréchifié, le même qui apparaît au fond des sillons de la face occlusale. Étant donné le degré de développement de la couronne, il n'est pas possible d'estimer la taille de la cavité pulpaire ni d'apprécier sa morphologie. La couronne est si fragile que nous avons décidé de ne pas retirer ce sédiment, ce qui pourrait être fait virtuellement après un enregistrement microtomodensitométrique. En fonction de l'ensemble des données métriques et morphologiques présentées ci-dessus, nous pouvons considérer que ce germe de molaire inférieure mis au jour dans un contexte moustérien se rapporte à un enfant Néandertalien. Nous avons mentionné dans l'introduction que J. Joly et J.-J. Puisségur avaient trouvé en 1955 les restes du crâne d'un adulte dénommé ici Genay 1. L'étude de M. A. de Lumley (1987) décrit la dentition comme à la fois assez bien représentée mais dans un état de conservation variable (cet état semble malheureusement s' être dégradé depuis pour des raisons inconnues; cf. Gommery 2005). De Lumley (1987) signale les grandes dimensions des dents, malgré l'usure inter-proximale très accentuée. La première molaire inférieure droite a cinq cuspides, mais la face occlusale est trop usée pour pouvoir apprécier sa morphologie en détail. Ses diamètres coronaires (tabl. 1) sont aussi altérés, entre autre en raison du fort développement de la facette d'usure interproximale mésiale. Plus intéressants pour les comparaisons de Genay 3 sont les restes d'enfants qui n'ont pas subi d'attrition (ou très peu), comme ceux de Combe-Grenal 1, Devil's Tower, La Ferrassie 8, Roc de Marsal, Chateauneuf 2 (Tillier 1979), ou encore de l'adolescent de Montgaudier. Genay 3 (fig. 6) montre une face occlusale plus compliquée que Combe-Grenal 1, avec le tuberculum sextum, le tuberculum intermedium, la grande fosse centrale et les nombreux et profonds sillons entre les cuspides et les crêtes. Une complexité voisine est observable sur la M1 de Devil's Tower, La Ferrassie 8 et Chateauneuf 2. Le dessin des deux grands fissures est en Y sur Combe-Grenal 1, Montgaudier, Genay 3 et Devil's Tower, bien que la morphologie générale soit bien plus complexe sur les deux dernières, et encore plus sur La Ferrassie 8 et Chateauneuf 2. En ce qui concerne La Ferrassie 8, la complexité de la face occlusale du germe ne permet pas de distinguer un schéma en Y5, malgré l'individualisation très nette des cinq cuspides. Cela est principalement la conséquence du sillon médian particulièrement profond, de la fossette distale à la mésiale, qui divise la couronne en deux zones distinctes. Les M1 inférieures de Genay 3, Combe-Grenal 1, Devil's Tower, La Ferrassie 8 et Chateauneuf 2, et Montgaudier ont une fossette mésiale profonde, bien délimitée en arrière. Mais alors, à nouveau sur les six sujets immatures, la crête est discontinue entre le proto - et le métaconide, interrompue au niveau moyen de sa longueur. Il y a en effet une nette dépression centrale ou un profond sillon (fig. 6) ce qui correspondrait donc au degré 1 de Bailey (2002a). Ainsi, d'après le système de cet auteur, la « mid trigonic crest » serait considérée comme « semi-absente », ne formant pas un pont sur ces individus. Bailey (2002a et b) signale qu'une crête continue entre les deux cuspides mésiales pourrait être considérée comme un trait diagnostique des Neandertaliens. Elle donne une fréquence de 96 % de son échantillon de fossiles. Mais on doit souligner que l'effectif de ce dernier n'était pas très important (n = 20, Bailey 2002a - p. 154, ou n = 25, Bailey 2002b - p. 93) et que beaucoup peuvent correspondre aux dents de l'impressionnante série de Krapina. Les enregistrements microtomodensitométriques de plusieurs fossiles néandertaliens (Roc de Marsal, ou de quelques spécimens de La Chaise, etc) réalisés récemment par plusieurs chercheurs (R. Macchiarelli, J.-J. Hublin entre autres) devraient permettre de mieux discuter la variabilité morphologique de la face occlusale de la dentition permanente des Néandertaliens immatures (Macchiarelli et al. 2006). Mais, en fonction de nos observations, on doit s'interroger sur la fréquence du degré 2 de la « mid trigonid crest » sur les Néandertaliens décédés lors de leur enfance. Elle ne serait pas similaire à celle observée chez les adultes. Les diamètres coronaires de Genay 3 ont des valeurs très similaires (tabl. 1) à ceux de l'enfant Combe-Grenal 1 (d'environ 7 ans; Garralda et Vandermeersch 2000), de Devil's Tower (4/5 ans environ; Dean et al. 1986; Zollikofer et al. 1995; Stringer et Dean 1997), ou de la moyenne de Krapina (Wolpoff 1979). Les valeurs révèlent (tabl. 1) les grandes dimensions de la M1 de ces trois enfants, et de ceux de la série de Krapina. La M1 en place de l'adolescent de Montgaudier, d'environ 13 ans (Mann et Vandermeersch 1997), est plus petite, probablement en raison de l'attrition (facettes d'usure inter-proximale) et de la variabilité inter-individuelle. Celles de La Ferrassie 8 (d'environ 2 ans, Heim 1982) se situent entre ces deux groupes de fossiles. La hauteur de la couronne de cet enfant (6,2 mm; Heim 1982) est très proche de celle de Genay 3 (6,14 mm), indiquant un degré de calcification similaire. Si nous considérons maintenant l'ensemble des premières molaires inférieures des membres de la lignée néandertalienne (et donc pas seulement les fossiles des stades isotopiques 5 à 4, et en excluant, logiquement, Genay 3 de l'échantillon), le diamètre mésio-distal est en moyenne de 11,5 mm (n = 109 et σ = 0,79; mais nous avons conscience que l'usure interproximale des dents tend à diminuer la valeur moyenne de leur longueur comme cela a été souligné par Trinkaus, 1978, ou Semal, 1988) et le diamètre vestibulo-lingual est de 10,9 mm (n = 106 et σ = 0,7). Pour le même échantillon, l'indice de la couronne est en moyenne de 94,7 (n = 106, σ = 5,08) et le module de robustesse est de 126,0 mm 2 (n = 106, σ = 15,92). Genay 3 se caractérise donc par une couronne rectangulaire, avec une surface occlusale importante, et comme une molaire plutôt longue pour une largeur moyenne. À partir du même échantillon de fossiles rapportés à la lignée néandertalienne et d'une série conséquente (plusieurs centaines; Maureille, 2001) d'Hommes modernes récents, l'étude bivariée des deux diamètres coronaires de Genay 3 (fig. 7) nous permet de souligner que cette dent est exclue de 95 % de la variabilité actuelle et se situe en marge de la variabilité de la lignée néandertalienne du côté des dents assez longues (entre autres par l'absence de facettes interproximales) et moyennement larges. Rappelons qu'il y a dans cet échantillon des fossiles chronologiquement bien plus anciens et plus « robustes » que les Néandertaliens les plus récents. Échantillons d'après Maureille 2001. Samples from Maureille 2001. L'étude du germe dentaire Genay 3 a permis non seulement d'apporter de nouvelles données sur la présence des Néandertaliens dans ce site de Bourgogne, où le NMI est donc de 3 (deux adultes et un enfant de près de 2 ans), mais aussi de présenter une première molaire permanente droite, très bien préservée et de grandes dimensions, non altérée par l'usure interproximale. La complexité de la couronne avec sept cuspides, de nombreuses ridules et une fosse mésiale bien marquée est similaire à celle trouvée aussi sur d'autres enfants Néandertaliens, comme Devil's Tower ou La Ferrassie 8. En revanche, elle est bien plus grande que d'autres, par exemple Combe-Grenal I. Sur aucun d'eux n'apparaît la « mid trigonid crest » complète (degré 2), montrant ainsi une variabilité non suspectée au sein des Néandertaliens immatures. Selon nous, cela nécessite donc des recherches plus précises sur ce caractère qu'une partie importante de la communauté scientifique accepte comme un caractère autapomorphe des Néandertaliens. La comparaison bi-variée en utilisant les deux diamètres de la couronne, avec une grande série actuelle et des membres de la lignée néandertalienne disponibles dans la littérature, place Genay 3 parmi les dents assez longues et modérément larges, confirmant la variation métrique déjà connue de ces populations fossiles et en raison de l'absence d'usure interproximale de ce germe . | En 1985, un germe isolé d'une molaire inférieure était mis au jour par Y. Pautrat dans le site de Genay en Côte-d'Or (France) durant des fouilles de sauvetage. Ce germe a été trouvé avec du matériel lithique attribué au Moustérien et des vestiges fauniques qui pourraient être rapportés au stade isotopique 4. Toutefois, il n'est pas possible d'établir précisément la position spatiale de ce nouveau vestige, numéroté Genay 3, avec le crâne fragmentaire de Genay 1 (et la dent isolée de Genay 2) mis au jour lors des fouilles de J. Joly et J.-J. Puisségur en 1955 (Joly 1955). Le fossile Genay 3 est identifié comme un germe de première molaire permanente droite ayant appartenu à un enfant de 2/3 ans étant donné la calcification de la couronne dentaire. Les diamètres mésio-distal et vestibulo-lingual sont importants avec des valeurs voisines de celles de la série de Krapina ou d'autres Néandertaliens. Cette pièce se caractérise par ses dimensions et une morphologie assez tourmentée de sa face occlusale avec sept cuspides, une fossette mésiale profonde et bien individualisée, comme cela est documenté chez d'autres Néandertaliens immatures. L'étude de ce germe permet de mieux connaître la variabilité des populations qui peuplaient la Bourgogne au Moustérien. Cela nous conduit aussi à présenter des réflexions préliminaires quant à celle de certains traits morphologiques (la mid trigonid crest) et métriques des membres de la lignée néandertalienne. | archeologie_10-0039789_tei_213.xml |
termith-134-archeologie | Nous allons, dans cet article, nous intéresser au site de l'Abri Pataud, localisé au sud-est du département de la Dordogne, sur la rive droite de la Vézère, qui traverse la commune des Eyzies-de-Tayac (fig.1). Ce site, connu depuis la fin du XIX e siècle, a été fouillé notamment par H. L. Movius (Movius 1975, 1977) et a fait l'objet, plus récemment, d'une opération archéologique programmée dirigée par deux d'entre nous (Nespoulet et Chiotti 2007a). L'Abri Pataud est un vaste abri-sous-roche qui s'est effondré à plusieurs reprises durant le Pléistocène supérieur. Son remplissage, formé d'une part de débris calcaires provenant des parois (les plus importants en volume), d'autre part de sédiments éoliens et de débris introduits par l'homme, atteint une épaisseur maximale de plus de 9 m. H. L. Movius y a identifié une succession de 14 niveaux archéologiques principaux, dont certains sont extrêmement riches en matériel archéologique (Nespoulet et Chiotti 2007b). Afin de distinguer les niveaux archéologiques des niveaux considérés comme archéologiquement stériles, H. L. Movius a désigné les premiers par des chiffres (par exemple Level 4) et les seconds par une numérotation intermédiaire (par exemple Eboulis 4/5) (Movius 1977; Chiotti et Nespoulet 2007). La séquence culturelle de l'Abri Pataud comporte neuf niveaux aurignaciens, quatre niveaux gravettiens et un niveau solutréen datant, pour le plus ancien, de - 34 000 ans et pour le plus récent de - 20 000 ans. W. R. Farrand, lors de son étude du remplissage, a proposé un découpage en six unités stratigraphiques principales (Farrand 1975, 1995) (tab. 1). Notre étude, qui vient en complément de nombreuses autres études antérieures (chronologiques, sédimentologiques, palynologiques ou archéologiques), ne peut en être dissociée. En effet, elle ne peut être vraiment utile que si elle est associée ou comparée à d'autres approches. Elle permet alors de préciser la stratigraphie (les méthodes magnétiques permettent de révéler des variations, notamment dans le mode de dépôt, qui ne sont pas forcément évidentes à l' œil nu), de proposer une interprétation paléoclimatique (une comparaison avec des études faunistiques ou palynologiques s'avère alors utile) et de détecter la présence de foyers (parfois confondus avec des zones riches en matière organique) (Thompson et al. 1975; Dearing et Flower 1982; Rummery 1983; Zhou et al. 1990; Maher et Thompson 1992). Par le biais de l'utilisation de différents paramètres magnétiques, dont nous détaillons la signification dans le tableau 2 (dans la mesure du possible, car nous ne pouvons pas donner ici la signification de toutes les notions physiques évoquées), et après avoir décrit la méthodologie utilisée, nous allons nous efforcer d'apporter une contribution à l'étude de ce site préhistorique de référence. Deux types de méthodes ont été employés : des méthodes de terrain et des méthodes de laboratoire. - Les analyses de terrain consistent en la mesure de la susceptibilité magnétique volumique (k), à l'aide d'un susceptibilimètre portatif (type Bartington MS2 (fréquence 958 Hz) connecté à une sonde de type MS2F). Ces mesures, très fastidieuses (en effet, une mesure doit impérativement être réalisée au plus tous les cinq centimètres, parfois moins en cas de variations notables de l'apparence des sédiments), permettent en général d'obtenir de très bons résultats quant à la différentiation des différents niveaux stratigraphiques ou pour le repérage de sédiments contenant de nombreux éléments chauffés. La susceptibilité magnétique volumique peut être utilisée en première approche pour estimer la concentration en grains magnétiques dans les sédiments (magnétite, maghémite, etc.) (Liu et al. 2004a). Une illustration parlante en est fournie sur la figure 3. En outre, pour chaque niveau de prélèvement, une description précise a été réalisée (texture, couleur approximative ou autres caractéristiques utiles). - Pour effectuer les analyses en laboratoire, de loin les plus conséquentes, 90 échantillons ont été prélevés sur toute la hauteur du remplissage, sur les cinq coupes stratigraphiques transversales suivantes : 69/70, 70/71, 72/73, 74/75 et 76/77 (tab. 3 et fig. 2). Un certain nombre de paramètres, détaillés ci-après (et résumés dans le tableau 2), ont pu être déterminés : - La susceptibilité magnétique massique (χ), mesurée à basse fréquence (0,46 kHz) et à haute fréquence (4,65 kHz), permet de calculer la dépendance en fréquence de la susceptibilité magnétique (χ fd) (Maher 1986, 1988; Mullins 1977)(appareil MS2 connecté à une sonde MS2B, laboratoire de Tautavel, France). Au-delà d'un certain diamètre, la susceptibilité magnétique massique, ainsi que la susceptibilité volumique (κ et χ bf) (fig. 3 et 4), est peu sensible à la variation de la taille des grains de magnétite (Heider et al. 1996) : elle peut donc être utilisée pour estimer la concentration en grains magnétiques dans les sédiments (Liu et al. 2004a). - L ' aimantation rémanente isotherme à saturation (ARIs) a été mesurée en utilisant un électro-aimant, grâce auquel un fort champ magnétique (1 T) est appliqué sur l'échantillon suivant une direction déterminée, à la suite de quoi l'ARI s est mesurée à l'aide d'un magnétomètre (de type “spinner ”, au laboratoire de pétrophysique de l'université de Genève). Finalement, une aimantation rémanente anhystéritique (ARA) est induite en appliquant un faible champ direct de 0,2 mT, puis un fort champ alternatif de 0,12 T sur l'échantillon dans le sens inverse de l'aimantation à saturation. L'ARA acquise est ensuite mesurée dans le magnétomètre (Liu et al. 2004b). Ce dernier paramètre est très influencé par la présence de grains de taille MD et PMD (Hunt et al. 1995), et donc le rapport ARIs/ARA peut être utilisé pour estimer la contribution de chaque type de grains magnétiques (MD, PMD et PD). Dans notre expérience, l'ARI acquise à 100 mT et à 1000 mT caractérise la présence de grains magnétiques de champ coercitif fort, comme l'hématite et la goethite, et les grains de taille MD (Robinson 1986; Bloemendal et al. 1992). Par ailleurs, il est important de noter que certains paramètres peuvent indiquer la présence d'un minéral particulier. Par exemple, le rapport ARI s /χ bf est souvent utilisé pour indiquer la présence de pyrrhotite. Dekkers (1988) a observé que la présence de pyrrhotite était corrélée avec des valeurs élevées de ce rapport de même pour l'hématite, la goethite et la greigite (Peters et Dekkers 2003; Roberts et al. 1995). De faibles valeurs de ce rapport (inférieures à 4 kA/m) indiquent au contraire la présence de maghémite, de magnétite ou de titanomagnétite (aux propriétés magnétiques douces). - Le champ coercitif de la rémanence (H cr), qui est le champ nécessaire pour annuler l'aimantation à saturation, est mesuré de la façon suivante : un champ à palier croissant (à partir de 5 mT) est appliqué dans le sens inverse de l'aimantation à saturation, puis l'échantillon est placé dans un magnétomètre et l'intensité de l'aimantation est mesurée; - enfin, l ' aimantation à saturation (M s), l ' aimantation rémanente spontanée (M rs), le champ coercitif (H c) et le champ coercitif rémanent (H cr) sont définis à l'aide du cycle d'hystérésis, procédure par laquelle un corps magnétique acquiert une aimantation rémanente. La forme du cycle d'hystérésis ainsi que les valeurs des rapports M rs /M s et H cr /H c dépendent de la microstructure, principalement de la forme et de la taille des grains magnétiques (Collombat 1993; Hartstra 1982). Hcr/Hc augmente avec la taille des particules tandis que M rs /M s montre une évolution inverse (Dekkers 2003). Les mesures de cycle d'hystérésis ont été effectuées au laboratoire du CEREGE à Marseille. Par ailleurs, quelques échantillons ont également subi la procédure proposée par Lowrie (1990). Tout d'abord, une ARI est appliquée le long de l'axe Z de l'échantillon (champ de 1T), une seconde ARI le long de l'axe X (champ de 100 mT) et enfin une troisième suivant l'axe Y (champ de 50 mT). Finalement, les échantillons sont désaimantés thermiquement. Cette procédure permet une bonne séparation des différentes composantes magnétiques et de leurs champs coercitifs (Lowrie 1990; Westphal et al. 1998). La valeur du champ coercitif peut donner une indication sur la nature des grains magnétiques (fort champ coercitif pour les grains d'origine détritique “antiferromagnétiques” qui résultent de la désagrégation de la roche mère sous des conditions climatiques rigoureuses (froid et sec) (Heller et Liu 1982), et faible champ coercitif pour les grains de magnétite et de maghémite (etc) formés sous un climat humide et chaud (Deng et al. 2000). Sous un climat froid, la roche calcaire se désagrège sur place pour donner des cailloux gélifs et du sable calcaire. Le calcaire contient souvent de la sidérite (FeCO 3, qui est une matière paramagnétique) et d'autres minéraux de fort champ coercitif. Avant d'entamer la présentation des résultats, il est utile d'apporter quelques précisions sur la notion de susceptibilité magnétique. Tout matériel placé sous un champ magnétique devient magnétique. La susceptibilité magnétique est indicatrice de l'intensité de cette magnétisation. Elle est différente de la rémanence des roches (qui est l'aimantation rémanente naturelle fossilisée par les grains magnétiques au moment de leur formation ou de leur mise en place). La susceptibilité magnétique est généralement considérée comme révélatrice de la concentration en minéraux magnétiques dans les différents types de roches. Elle peut être mesurée facilement et rapidement sur le terrain, et au laboratoire sur de petits échantillons. La plupart des minéraux, et plus principalement ceux qui contiennent du fer, sont susceptibles d' être magnétisés dans un champ magnétique. Le Borgne (1955, 1964) a signalé que la susceptibilité magnétique augmentait dans les foyers par la réduction de l'hématite (α-Fe 2 O 3) en magnétite (Fe 3 O 4) ou en maghémite (γ-Fe 2 O 3). La goethite aussi peut se convertir en magnétite pendant la chauffe et en présence de matière organique (bois ou autres végétaux) (Mullins 1977; Rummery et al. 1979). Par ailleurs, il est important de souligner que dans les grottes et abris-sous-roche, dont l'encaissant est une roche calcaire, les oxydes de fer sont en général relativement peu abondants. Ils peuvent cependant provenir de la dissolution de la paroi calcaire, qui libère du fer à partir de la sidérite (FeCO 3) ou de la lépidocrocite (γFeOOH). Ces deux minéraux, qui sont qualifiés de primaires, peuvent subir des transformations. Ainsi, la déshydratation de la lépidocrocite donne naissance, sous l'effet de la chaleur, à de la maghémite, tandis que l'oxydation de la sidérite donne de l'hématite, qui est une forme stable, accompagnée de deux oxydes instables (magnétite (Fe 3 O 4) et de maghémite (γFe 2 O 3)) selon les deux réactions suivantes : 2FeCO 3 + 1/2O 2 <==> γFe 2 O 3 + 2CO 2 3FeCO3 + 1/2O2 <==> Fe 3 O 4 + 3CO 2 Les deux oxydes obtenus (maghémite et magnétite), très instables, vont subir plusieurs oxydations complexes et être transformés en hématite (Ellwood et al. 1986). La réaction chimique peut durer plus de 1000 ans dans le cas des grains MD de sidérite les plus volumineux, et seulement quelques heures ou quelques jours dans le cas de grains fins. Cette étude nous a permis de mettre en évidence six ensembles magnétostratigraphiques (EMS) de susceptibilité différente, caractérisés par des propriétés magnétiques distinctes (tabl. 4). Chacun de ces ensembles magnétostratigraphiques incluant des niveaux archéologiques, il est important de tenir compte de la présence de l'Homme dans ce site préhistorique, celui -ci ayant pu modifier les caractéristiques lithologiques, pétrographiques et géochimiques des sédiments. Dans ce qui suit, et pour chaque ensemble magnétostratigraphique (en partant de la base), après une brève description de leurs caractéristiques sédimentologiques, nous allons détailler chacun des paramètres évoqués plus haut, et, dans la mesure du possible, en proposer une interprétation. Des références à l'étude palynologique de Fellag (1996, 1998) sont fréquemment effectuées. Celles -ci, même si elles peuvent être discutées, permettent bien souvent de corroborer nos propres interprétations. Le tableau 4 reprend les valeurs des principaux paramètres magnétiques pour chaque ensemble. Exposé des résultats : Ensemble magnétostratigraphique (EMS) 1 : Epais de 72 cm (– 855 à – 783 cm), il est inclus dans l'unité stratigraphique f de Farrand (éboulis de base) et correspond à la partie inférieure du remplissage (fig. 3). Il ne contient aucun niveau archéologique. Il s'est formé sur place par l'accumulation des cailloux et blocs tombés de la paroi calcaire sous un climat froid. Ces résultats sont corroborés par ceux de l'étude palynologique effectuée par Fellag en 1996, dans laquelle il montre que les pollens sont représentés presque exclusivement par des herbacées xérophiles et/ou steppiques qui témoignent de conditions rigoureuses (climat froid). Il s'agit d'un niveau sableux riche en cailloux, de couleur brun clair, qui présente un fort pourcentage en CaCO 3 (matière diamagnétique qui donne de très faibles valeurs en susceptibilité magnétique) (Djerrab 2001). Les valeurs de χ bf et κ bf (fig. 4) sont très faibles, de même que celles de χ fd. Il est important de savoir que les résultats de ce dernier paramètre ne sont pas fiables, car il s'agit d'échantillons à très faible signal magnétique, et de plus, la sonde utilisée, de type Bartington, n'est pas assez sensible. La variation de χ fd n'apporte pas de renseignements sur la nature des grains magnétiques (Forster et al. 1994). Cependant, des valeurs de χ fd supérieures à 10 %, inexistantes dans notre étude, attesteraient de la dominance de grains SP (Thompson et Oldfield 1986). Les deux paramètres magnétiques ARI s et ARA (fig. 4) présentent de très faibles valeurs, qui sont probablement dues à une faible concentration en oxydes de fer. Les valeurs du rapport ARI-100/ARI s sont très faibles (inférieures à 0,5) [fig. 5 ]. Ce résultat confirme la dominance des grains magnétiques d'origine détritique (Lanci et al. 1999). Le rapport ARI s /χ bf (fig. 5) présente de fortes valeurs, ce qui pourrait indiquer la faible concentration en éléments magnétiques de taille fine (magnétite et maghémite). Les valeurs de ce rapport diminuent quand la taille des grains augmente (uniquement pour les grains dont la taille est supérieure à la taille limite SP / MD) (Stockhausen et al., 1999). Les grains SP ne portent pas de rémanence (rémanence nulle), et donc ne contribuent pas aux valeurs de l'ARI s. Par contre, leur présence dans les sédiments provoque une augmentation des valeurs de la susceptibilité magnétique. Les fortes valeurs du rapport ARI s /χ bf mettent en évidence l'abondance des grains magnétiques d'origine détritique. Le rapport ARI s /ARA (fig. 5) présente de fortes valeurs. Il faut savoir que de faibles valeurs de ce rapport indiquent que la taille des grains magnétiques est très fine (Banerjee et al. 1981; Maher 1988), tandis que dans le cas de la dominance de grains MD, les valeurs de ce rapport se rapprochent de 1. Dans notre cas, les valeurs sont fortes, ce qui pourrait indiquer la dominance de grains PD. Les grains de petite taille donnent de hautes valeurs de l'ARA parce qu'ils sont très efficaces pendant l'acquisition de la rémanence, particulièrement les grains MD (Maher 1988; Dunlop 1995). Les valeurs de K arm sont faibles (grains magnétiques peu abondants), de même que le rapport K arm /κ bf (fig. 6). K arm et κ bf évoluent de façon continue, mais en sens inverse : κ bf augmente, tandis que K arm diminue quand la taille de grains magnétiques augmente (Collombat 1993). Le rapport K arm /κ bf reflète donc les variations relatives de taille des grains (Banerjee et al. 1981; King et al. 1982; Hartstra 1982; Bloemendal et al. 1992). Ainsi, les faibles valeurs obtenues pour ce rapport indiquent la dominance des grains PD. Pour résumer, les grains magnétiques présents dans cet ensemble magnétostratigraphique d'éboulis sont d'origine détritique (c'est-à-dire résultant de la désagrégation mécanique et ne s'exposant à aucune forme d'évolution géochimique postérieure) et sont dominés par des grains de fort champ coercitif, tels que l'hématite, et probablement la goethite. La magnétite, de taille PD, n'est présente qu'en faible quantité. Sous un climat froid et sec, les carbonates de fer présents dans les roches calcaires (sidérite) et les oxydes de fer restent à l'état primaire et ne se transforment pas en oxydes de fer secondaires (pédogenèse nulle). Ensemble magnétostratigraphique (EMS) 2 : Epais de 153 cm (– 783 à – 630 cm) [fig.4 ], il se présente comme un niveau sablo-limoneux riche en cailloux, de couleur brun foncé à brun clair. Deux lits limoneux de couleur brun foncé sont visibles. Les valeurs de χ bf sont plus élevées que dans le niveau sous-jacent (1 à 162*10-8 m3/kg) (fig. 4), et la présence de quelques pics de susceptibilité, par exemple à – 685 cm (162*10-8 m3/kg), est liée à celle des niveaux contenant de nombreux éléments chauffés. En effet, les foyers et leurs zones de vidange, reconnus sur le terrain par la présence de charbon et de couleurs sombres, donnent de fortes valeurs de κ bf (mesurée directement sur les coupes). Cet ensemble magnétostratiographique, inclus dans l'unité stratigraphique f de Farrand, contient 6 niveaux archéologiques aurignaciens, de couleur noire ou ocrée. Le niveau archéologique 13 (Aurignacien ancien), daté de 34000 ± 675 BP (laboratoire de Groningen in Movius, 1975) correspond à la légère augmentation de χ bf enregistrée à –775 cm (5*10-8 m3/kg). Le niveau archéologique 12 (Aurignacien ancien), daté de 33260 ± 500 BP (laboratoire de Groningen), se localise entre – 760 et – 766 cm. Le niveau archéologique 11 (Aurignacien ancien), daté de 32600 ± 800 BP (laboratoire de Groningen), se localise entre – 750 et – 730 cm. χ fd est très faible (0 à 7 %) (fig. 4). Les niveaux archéologiques 10 et 9 (Aurignacien ancien), ainsi que le niveau 8 (Aurignacien évolué), ne sont pas décelables. χ fd est très faible dans les niveaux clairs, qu'ils soient stériles ou riches en matériel archéologique, et plus forte (7 %) dans les niveaux archéologiques (foncés), riches en éléments brûlés. Ce résultat révèle l'absence de grains SP dans les niveaux clairs, et la présence d'un mélange de grains de taille variée dans les autres niveaux, notamment au sein des foyers (nous appliquons le terme foyer aux sédiments brulés in situ ou redistribués lors de la vidange des foyers). Les valeurs de l'ARI s, comprises entre 200 et 17000 mA/m, sont relativement fortes (fig. 4). La courbe de l'ARA présente une allure similaire à celle de l'ARI s, avec des valeurs comprises entre 17 et 280 mA/m (fig. 4). Le rapport ARI-100/ARI s (0,4 à 1) est très faible dans les niveaux clairs et plus fort dans les niveaux archéologiques (fig. 5). Les grains magnétiques présents dans les premiers niveaux saturent difficilement et ont un fort champ coercitif. Au contraire, les grains magnétiques des niveaux sombres saturent plus rapidement et plus facilement. Le rapport ARI s /χ bf, est élevé dans les niveaux clairs, et plus faible dans les niveaux archéologiques riches en matériels brulés, ce qui signifie que la taille des grains magnétiques diminue au niveau des couches archéologiques. Au contraire, les valeurs de K arm et du rapport K arm /κ bf sont fortes dans les niveaux archéologiques riches en matériels brulés et faibles dans les niveaux clairs (fig. 6). Les grains magnétiques présents dans les niveaux sablo-limoneux de couleur brun clair sont identiques à ceux contenus dans l'ensemble magnétostratigraphique 1, c'est-à-dire qu'il s'agit de grains de fort champ coercitif, à faible signal magnétique, d'origine détritique. La présence de ces seuls grains détritiques indique que la fraction magnétique est héritée de l'encaissant à la suite de la désagrégation de ce dernier sous climat froid. Cette interprétation paléoenvironnementale est confirmée par l'étude palynologique qui montre la dominance de taxons steppiques de climat froid, donc un climat froid (Armaranthacées-Chénopodiacées, Astéracées type fenestré et échinulé). Les principaux oxydes de fer sont l'hématite, accompagnée probablement de goethite et de grains PD de magnétite. Au contraire, les grains magnétiques du niveau archéologique 12 sont d'origine secondaire, issus de la transformation des oxydes de fer primaires par des phénomènes complexes d'oxydation – réduction (transformation des oxydes de fer suite aux températures élevées dans les foyers). Ces grains magnétiques ont un faible champ coercitif, il s'agit essentiellement de magnétite, de maghémite et probablement d'hématite. La taille de ces grains est variable, ils semblent cependant dominés par les grains SP et PMD. La présence de sédiments contenant de nombreux éléments chauffés est attestée par leur couleur, la présence visible de cendre et de charbon et bien entendu par les fortes valeurs des différents paramètres magnétiques. Ensemble magnétostratigraphique (EMS) 3 : D'une épaisseur de 130 cm (– 630 à – 500 cm) (fig. 4), il s'agit d'un ensemble d'éboulis de couleur claire, riche en sable, qui contient un niveau archéologique aurignacien évolué : le niveau 7. Ce dernier n'est pas décelable en termes de susceptibilité magnétique. Les valeurs des différents paramètres magnétiques mesurées sont très faibles et identiques à celles de l'ensemble magnétostratigraphique 1. Le diagramme de Lowrie de l'échantillon AP-65 (niveau archéologique 7) (fig. 7), montre l'évolution de l'ARI en fonction de la température selon les trois axes X (champ coercitif faible), Y (champ coercitif moyen) et Z (champ coercitif fort). L'ARI selon l'axe X montre une rupture de pente à 200°C, qui révèle probablement la présence de goethite (αFeOOH) ou de titanomagnétite. La goethite est un hydroxyde de fer, antiferromagnétique (accompagné d'un faible ferromagnétisme fortement anisotrope (Rochette et Fillion 1989). Elle est instable à partir de 180-400°C et se déshydrate en hématite (Hedley 1968; Özdemir et Dunlop 1996; Ruan et al. 2001; Przepiera et Przepiera 2003). Une deuxième chute, moins importante, est observée entre 300 et 400°C (transformation de pyrrhotite ou de maghémite). La courbe de l'ARI selon l'axe X poursuit sa chute et s'annule à 580°C (point de Curie de la magnétite). Tout comme l'ARI selon l'axe X, l'ARI selon l'axe Y diminue entre 300 et 400°C (transformation soit de pyrite, de pyrrhotite ou de maghémite). Quant à l'ARI selon l'axe Z, après une chute brutale à 100°C (transformation de goethite, présente dans certains calcaires (Heller 1978; Lowrie et Heller 1982), elle chute une deuxième fois entre 300 et 400°C. La courbe d'acquisition de l'aimantation à saturation de cet échantillon (fig. 8) montre que les grains magnétiques ne saturent pas à 100 %, même en présence d'un champ magnétique fort (1 T), ce qui reflète la présence des composantes magnétiques de fort champ coercitif (hématite et goethite). Le diagramme proposé par Day et al. en 1977, modifié (Dunlop, 2002), (fig. 9) (M rs /M s en fonction de H cr /H c) montre que l'échantillon AP-63 (éboulis 5/7), se localise dans la zone caractéristique des grains PD. La susceptibilité ferromagnétique (κ ferro), mesurée à partir du cycle d'hystérésis, représente plus de 85 % de la valeur totale de κ 0. La valeur des susceptibilités κ par + κ dia + κ antiferro est relativement importante (plus de 15 %). En conclusion, cet ensemble magnétostratigraphique présente des propriétés magnétiques semblables à celles de l'ensemble magnétostratigraphique 1. Les grains magnétiques présents sont d'origine primaire, essentiellement composés d'hématite et de goethite. Les valeurs de la susceptibilité magnétique sont contrôlées par les minéraux antiferromagnétiques et diamagnétiques. Ensemble magnétostratigraphique (EMS) 4 : Epais de 215 cm (– 500 à – 285 cm) [fig. 4 ], il peut être décomposé en plusieurs zones : sables jaunes micacés dans la partie inférieure (– 500 à – 490 cm) [coupe stratigraphique transversale 69/70 ]. Cette zone se situe dans l'éboulis 5/7 de Movius; sédiments bruns rouges à bruns foncés, cendreux, riches en matériel archéologique (– 490 à – 450 cm). Cette zone inclut le niveau archéologique 5 attribué au Gravettien ancien; sédiment limoneux de couleur jaune clair, très caillouteux, surtout à la base, où on note également la présence de radicelles (450 à – 435 cm) [partie supérieure de la coupe stratigraphique transversale 69/70 ]. Cette zone inclut le niveau archéologique 4 attribué au Gravettien moyen; sédiment sablo-limoneuse de couleur brun foncée, à rares cailloux, riche en en matériel archéologique et en charbon (– 435 à – 285 cm) [base de la coupe 70/71 ]. Cette zone inclut le niveau archéologique 4 attribué au Gravettien moyen et le niveau 3 attribué au Gravettien récent; Les valeurs de χ bf sont élevées (54 à 160*10-8 m3/kg (fig. 4), ce qui révèle la présence d'une concentration importante en oxydes de fer. χ fd confirme la présence d'un mélange de grains magnétiques de taille variable, toutefois dominés par des grains fins, plus particulièrement à la base du niveau (fig. 4). Les valeurs de l'ARI s (6 000 à 17 000 mA/m) et de l'ARA (500 à 2 200 mA/m) sont fortes, ce qui suggère une importante concentration en grains magnétiques. Les grains magnétiques saturent à 90 % en présence d'un champ magnétique faible (100 mT). Les faibles valeurs des deux rapports ARI s /χbf et ARIs/ARA indiquent la dominance de grains magnétiques de taille fine (SP, PMD et MD), attestation qui est renforcée par les fortes valeurs de K arm et du rapport K arm /κ bf. Le diagramme de Lowrie de l'échantillon AP-50, (niveau archéologique 5) (fig. 7), confirme la dominance de maghémite, selon les trois axes (X, Y et Z). Selon l'axe X, on signale une diminution importante de l'ARI entre 300 et 400°C (transformation de la maghémite ou de la pyrrhotite), puis la courbe continue à diminuer jusqu' à 580°C (point de Curie de la magnétite). On n'observe aucune trace ni d'hématite, ni de goethite. L'ARI selon l'axe Y montre également la présence de maghémite, la courbe est en effet marquée par la même forte rupture de pente entre 300 et 400°C. L'ARI selon l'axe Z révèle aussi la dominance de maghémite. La courbe d'acquisition de l'aimantation à saturation du même échantillon (fig. 8) présente une saturation de plus de 90 % des grains magnétiques dans un champ magnétique inférieur à 100 mT. La saturation totale des grains magnétiques dans un champ magnétique inférieur à 200 mT est une caractéristique de la dominance de maghémite ou de magnétite. Le champ coercitif de saturation (B 0) cr est faible (inférieur à 20 mT). Quant à la courbe d'acquisition de l'aimantation à saturation de l'échantillon AP-33 (niveau archéologique 3) (fig. 8), elle montre des propriétés magnétiques identiques à celles de l'échantillon AP-50. Le diagramme proposé par Day et al. en 1977 (M rs /M s en fonction de H cr /H c) montre que l'échantillon AP-49 (niveau archéologique 5), se localise dans la zone dominée par les grains PMD (fig. 9). Cet échantillon, prélevé dans les sédiments contenant de nombreux éléments chauffés, est caractérisé par un faible champ coercitif de rémanence et par de fortes valeurs de M rs, ce qui semble être dû à une forte concentration en grains magnétiques (magnétite et maghémite). Son cycle d'hystérésis montre la nette dominance de la susceptibilité ferromagnétique (plus de 99 %). Il est à signaler que la formation de maghémite dans les foyers a été démontrée par Le Borgne (1955, 1964, 1965) et Grogan et al. (2003). L'échantillon AP-34 (niveau archéologique 3), se localise dans une zone dominée par les grains PD 80 % suivi par les grains MD et PMD 20 % (fig. 9). Le cycle d'hystérésis montre la dominance de la susceptibilité ferromagnétique (plus de 84 %), avec malgré tout une contribution importante des susceptibilités diamagnétique, paramagnétique et antiferromagnétique (plus de 15 %). Enfin l'échantillon AP-23 (éboulis 2/3), se localise dans la zone dominée par les grains PD 85 %. Le champ coercitif de rémanence est de l'ordre de 29,30 mT (23,85 kA/m). Le pourcentage de grains magnétiques est plus faible que pour l'échantillon AP-14. La susceptibilité ferromagnétique présente plus de 91 % de la valeur totale de κ 0. Cet ensemble magnétostratigraphique est caractérisé par la présence de foyers et de plusieurs niveaux archéologiques (Movius 1975; Nespoulet et Chiotti 2007b). Les fortes valeurs des différents paramètres magnétiques confirment l'abondance de grains magnétiques de taille variable, dominés toutefois par ceux de taille MD et SP. Sous l'effet de la température élevée des foyers, les oxydes de fer primaires et les carbonates de fer sont transformés en oxydes de fer secondaires. Par conséquent, le signal magnétique est contrôlé par la magnétite et la maghémite. En dehors des foyers et des zones de vidange de ces derniers, cet ensemble magnétostratigraphique, constitué d'éboulis, est identique aux ensembles magnétostratigraphiques 3 et 1. Ensemble magnétostratigraphique (EMS) 5 : Ensemble dominé par les éboulis, épais de 45 cm (– 285 à – 240 cm) (partie supérieure de la coupe stratigraphique transversale 72/73). Il se situe dans l'éboulis 2/3 de Movius. L'ensemble des paramètres magnétiques présente de faibles valeurs et révèle une faible concentration en grains magnétiques. χ fd (inférieur à 4 %) est plus faible que dans le niveau sous-jacent, ce qui pourrait indiquer la présence d'un faible pourcentage en grains magnétiques de taille fine (fig. 4). Les courbes des deux paramètres magnétiques (ARI s et ARA) évoluent d'une manière identique à celle de χ bf. En observant les valeurs du rapport ARI-100/ARI s, on constate que les grains magnétiques ne saturent pas à 100 %, ce qui est une caractéristique de la présence de grains goethite ou d'hématite (Djerrab 2001). Les valeurs des différents paramètres magnétiques de cet ensemble magnétostratigraphique sont légèrement supérieures à celles des ensembles magnétostratigraphiques 1 et 3 (tabl. 4), mais cette différence est peu significative. Ces trois ensembles magnétostratigraphiques se sont formés sous des conditions climatiques très proches, et l'augmentation observée ici peut s'expliquer par un pourcentage plus élevé de grains magnétiques d'origine détritique. Ensemble magnétostratigraphique (EMS) 6 : Il occupe la partie supérieure du remplissage. Plusieurs zones sont distinguées : des éboulis calcaires jaune pâle, formés de sédiments relativement fins, contenant quelques charbons de bois, quelques lits de terre noirâtre et de terre rubéfiée (sédiments contenant de nombreux éléments chauffés). Cette zone occupe la partie supérieure de la coupe stratigraphique transversale 74/75 et la partie inférieure de la coupe stratigraphique transversale 76/77 (– 240 à – 125 cm). Elle correspond à l'éboulis 1/2 de Movius et au niveau archéologique 2 (Gravettien final); un petit lit de terre rubéfiée (– 125 à – 120 cm), contenant des traces de charbon et des radicelles. Cette zone correspond au niveau archéologique 1 (Solutréen), daté de 20400 ± 450 BP; des éboulis calcaires jaune pâle (– 120 cm à – 75 cm) (partie supérieure de la coupe stratigraphique transversale 76/77). Cette zone correspond aux éboulis stériles situés au-dessus du niveau archéologique 1. χ bf, comprise entre 5 et 145.68*10-8 m3/kg (fig. 4), est plus élevée que dans le niveau sous-jacent et augmente légèrement à – 135 cm. Les deux paramètres magnétiques ARI s et ARA présentent de faibles valeurs dans les niveaux à éboulis et de fortes valeurs dans les foyers et les paléosols, et confirment les résultats de χ bf. Les grains magnétiques saturent plus rapidement que ceux du niveau sous-jacent, mais, en présence d'un champ moyennement fort (500 mT), tous les grains magnétiques saturent à 100 %. Le rapport ARI-100/ARI s se rapproche de 1. Les oxydes de fer ont un champ coercitif moyen. Les deux rapports ARI s /χ bf et ARI s /ARA révèlent la présence d'un mélange de grains SP, PMD, MD et PD. Les valeurs de Karm et du rapport K arm /κ bf augmentent légèrement et plus particulièrement à – 135 cm (fig. 6). Il paraît évident que les grains magnétiques de cet ensemble magnétostratigraphique sont de taille variable, à l'exception de la zone comprise à la profondeur de – 240 et – 190 cm, où les grains de taille fine dominent. Le diagramme de Lowrie de l'échantillon AP-4 (éboulis 0/1) (fig. 7), montre une chute de l'ARI selon l'axe X entre 300 et 400°C. Cette chute pourrait indiquer la présence de pyrrhotite, et qui se transforme en magnétite. L'ARI poursuit sa chute et s'annule à 580°C (point de Curie de la magnétite). L'ARI selon les deux axes Y et Z indique probablement la présence de goethite (diminution de l'ARI entre 100 et 150°C). Ensuite, l'ARI augmente à 200°C, puis diminue à 300°C (transformation de lépidocrocite en maghémite, puis de maghémite en hématite), et enfin diminue légèrement à 580°C (point de Curie de la magnétite). Elle ne s'annule pas au-delà de 580°C, ce qui prouve la présence d'un résidu d'hématite. La courbe d'acquisition de l'aimantation à saturation du même échantillon (fig. 8) montre la dominance de la magnétite toutefois avec une faible présence d'hématite et de goethite. Le champ coercitif de saturation est moyen (25 mT). Le diagramme proposé par Day et al. en 1977 (M rs /M s en fonction de H cr /H c) montre que l'échantillon AP-14 (niveau archéologique 2) présente des propriétés magnétiques identiques à celles de l'échantillon AP-49 (fig. 9). Le rapport H cr /H c présente une valeur proche de 2,37, ce qui révèle probablement la présence, soit de magnétite, soit de maghémite (Parry 1965; Rahman et al. 1973; Day et al. 1977; Parry 1981; Hartstra 1982; Özdemir et Banerjee 1982; Bailey et Dunlop 1983; Dunlop 1986). Le cycle d'hystérésis de cet échantillon montre une grande dominance de grains ferromagnétiques (SP et PMD). La susceptibilité ferromagnétique est très forte, elle représente plus de 99 % de la susceptibilité totale. Quant à l'échantillon AP-05 (éboulis 0/1) (fig. 9), il se localise dans une zone caractéristique des grains de taille PD (90 %). Le rapport H cr /H c de cet échantillon est de l'ordre de 6,62. Il contient probablement soit des grains PD de magnétite (Parry 1965; Rahman et al. 1973; Day et al. 1977; Parry 1981; Hartstra 1982; Özdemir et Banerjee 1982; Bailey et Dunlop 1983; Dunlop 1986), soit des grains de maghémite. Le champ coercitif de rémanence (H cr) de cet échantillon est de l'ordre de 31,28 mT (25,03 kA/m), ce qui prouve la présence de grains PD de magnétite. La susceptibilité ferromagnétique (κ ferro), mesurée à partir du cycle d'hystérésis, représente plus de 92 % de la susceptibilité totale de l'échantillon. Les résultats obtenus montrent donc la grande contribution des matières ferromagnétiques aux valeurs de κ 0. Cet ensemble magnétostratigraphique, caractérisé par une légère hausse de la fraction fine (limon et argile), montre une concentration modérée en grains magnétiques d'origine secondaire (magnétite et maghémite). Il s'agit principalement de grains magnétiques, de taille fine, formés sous l'effet de la pédogenèse (entre – 120 et – 125 cm). En plus du phénomène de pédogenèse, certains oxydes de fer de ce niveau peuvent être issus de la combustion des sédiments et de matière organique dans les foyers. Ci-après sont évoqués deux graphes, qui concernent des échantillons prélevés tout le long du remplissage (figures 7D et 10). Il s'agit des représentations de Thompson et Oldfield (1986) d'une part, et de King et al. (1982) d'autre part. Ces deux représentations permettent d'avoir une idée sur la taille et la concentration en grains magnétiques, la première étant utilisée en particulier pour la magnétite. Sur le premier diagramme (variation de k en fonction de l'ARI s, fig.7D), on observe que les échantillons prélevés dans les niveaux sablo-limoneux riches en sédiments brûlés se localisent dans la zone de forte concentration en magnétite (entre 0.1 et 0.001 %). Au contraire, les échantillons prélevés dans les ensembles magnétostratigraphiques dominés par les éboulis se localisent dans la partie inférieure gauche du diagramme et contiennent une très faible concentration en grains magnétiques (moins de à 0.001 %). La seconde, qui représente k arm en fonction de κ bf (fig. 10), montre que les grains de petite taille donnent de hautes valeurs en k arm, et ce, parce qu'ils sont très efficaces pendant l'acquisition de la rémanence (Maher 1988; Dunlop 1995). Cependant, la susceptibilité magnétique permet uniquement d'estimer la concentration en grains magnétiques. Le diagramme montre que la quasi-totalité des échantillons prélevés dans les niveaux archéologiques riches en matériel brûlé se localisent dans la zone caractérisant des grains de magnétite de taille fine. Les échantillons prélevés dans les éboulis montrent de faibles valeurs des deux rapports. Terminons cet exposé des résultats en insistant sur certains points importants. Cette étude nous a permis d'une part d'identifier des ensembles magnétostratigraphiques, et d'autre part de connaître la nature, la taille et les propriétés des grains magnétiques. Elle a permis également d'avancer des hypothèses en termes de paléoenvironnements. Toutefois, il faut reconnaître les limites de la méthode, notamment lorsque les sédiments sont très pauvres en oxydes de fer (soit à cause de problèmes de dilution ou de migration du fer, soit du fait d'une roche mère elle -même très pauvre en fer). Par ailleurs, bien que dans la majorité des cas les éléments formés sous un climat humide présentent de fortes valeurs des différents paramètres magnétiques, il arrive parfois que certains éléments (planchers stalagmitiques, matière diamagnétique) présentent de très faibles valeurs, ce qui peut fausser les interprétations paléoclimatiques. Pédogenèse ou foyer ? Il est important de clarifier les choses. D'une façon générale, les valeurs de la susceptibilité magnétique augmentent dans les sédiments exposés à la pédogenèse, dans les foyers et dans les sédiments qui leur sont proches. Cependant, Ellwood et al. (1995, 1996, 2001), à travers l'étude de plusieurs sites préhistoriques dans le sud-ouest de l'Europe, ont signalé que l'effet des foyers était minime sur les valeurs de la susceptibilité magnétique. Ils affirment par conséquent que la pédogenèse contrôle la majeure partie du signal magnétique. Woodward et al. 1992 montrent que les sédiments non protégés des agents atmosphériques (comme dans les abris-sous-roche et les sites en plein air) ne donnent pas de bons résultats en termes d'interprétation paléoclimatique. Dans le cas de l'Abri Pataud, nous signalons que : les niveaux d'éboulis, contemporains d'un climat froid et sec, pauvres en minéraux magnétiques, sont majoritaires; il n'y a pas de trace de pédogenèse, excepté dans la partie supérieure du remplissage (niveau archéologique 1, Solutréen) et dans la partie médiane (ensemble magnétostratigraphique 4), qui ont subi une très faible pédogenèse (valeurs de χfd supérieures à 7 %, fig. 4B); les fortes valeurs des différents paramètres magnétiques correspondent aux foyers et à leurs zones de vidange, la nature des oxydes de fer présents dans les foyers étant fonction du nombre de chauffe et de leur intensité, de la nature des grains magnétiques primaires présents et de la température atteinte dans les foyers; dans les zones de prélèvements, il semble n'y avoir eu ni lessivage, ni migrations des éléments fins sur les plans vertical et latéral (les zones correspondant aux foyers sont limitées, et les fortes valeurs concernent uniquement ces foyers). Cette constatation, confirmée par le fait que les grains de taille SP de magnétite et de maghémite (facilement transportables par les eaux interstitielles) se concentrent uniquement dans les foyers et leurs zones de vidange, est toutefois en contradiction avec les interprétations de Farrand (1995) et Agsous et al. (2007). Une discussion plus précise avec les autres approches (essentiellement géoarchéologique) permettrait peut-être de lever cette contradiction. Les conditions climatiques qui régnaient pendant la mise en place du remplissage (froid et sec) ne sont pas favorables au développement d'une pédogenèse (humidité, température, activité de micro-organismes et présence de matière organique), la susceptibilité magnétique des sédiments de l'abri Pataud est donc contrôlée soit par les grains magnétiques formés dans les foyers lors de la combustion (magnétite et maghémite), soit par les minéraux diamagnétiques ou antiferromagnétiques présents dans les niveaux à éboulis. Le site de l'abri Pataud est caractérisé par la succession de plusieurs niveaux archéologiques (datés de l'Aurignacien jusqu'au Solutréen), séparés par des niveaux d'éboulis stériles, formés sous un climat globalement froid entre - 35 000 et - 20 000 ans (stades isotopiques 2 et 3). Les foyers sont très abondants dans les niveaux d'habitats. Il est important de noter que le remplissage de ce site présente un enchevêtrement de blocs, cailloux et sédiments plus fins, entrecoupé par des foyers et des nappes de vestiges caractérisant les niveaux dits archéologiques. Notre étude magnétique a cependant permis de détecter plusieurs ensembles magnétostratigraphiques, trois caractérisés par de fortes valeurs des paramètres magnétiques (EMS 2, 4 et 6) et trois autres par de faibles valeurs (EMS 1, 3 et 5) : - Les premiers (fortes valeurs), correspondant aux niveaux archéologiques sablo-limoneux, riches en nombreux éléments chauffés, présentent un fort pourcentage en grains magnétiques d'origine secondaire (magnétite et maghémite), de taille fine, issus de la transformation des minéraux primaires sous l'effet de la température. Les oxydes de fer présents dans les ensembles magnétostratigraphiques 2 et 4 ne pouvant pas être formés à la suite de phénomènes de pédogenèse, ils sont donc forcément issus de phénomènes de combustion. En effet des oxydes de fer (magnétite) sont formés par réduction de la matière paramagnétique (sidérite) suite à l'augmentation de la température dans les foyers (> à 800 C°). La maghémite est ensuite issue par oxydation de la magnétite (Maher 1986). L'accroissement de la température peut également former la maghémite (déshydratation de la lépidocrocite) sans passer par la magnétite (Mullins 1977; Guo et al. 2001). L'ensemble magnétostratigraphique 6 occupe la partie supérieure du remplissage, riche en matière organique (traces évidentes de pédogenèse : racines, couleur brune, etc.) et contient de nombreux éléments chauffés (charbons, silex et os brûlés, etc.). Les fortes valeurs de χbf et de l'ARIs dans ce niveau sont dues en grande partie au fort pourcentage de grains de maghémite (γ-Fe2O3) et de magnétite de taille très fine (SP < 20-25 nm). Ces particules ultrafines se forment pendant la pédogenèse (Zhou et al. 1990; Verosub et al. 1993; Heller et Evans 1995; Deng et al. 2000; Liu et al. 2004a). Par ailleurs, la présence de ces minéraux secondaires est attestée par le faible champ coercitif de ces grains, leur saturation rapide et les fortes valeurs de susceptibilité ferromagnétique. - Les seconds niveaux (faibles valeurs) concernent les niveaux d'éboulis, formés sur place par l'altération mécanique des cailloux et blocs tombés de la paroi calcaire, mêlés à des sables éoliens. Tous ces éléments se sont formés sous un climat froid et sec. Les grains magnétiques sont d'origine détritique, et sont essentiellement formés par des grains de sidérite (matière paramagnétique), d'hématite (matière antiferromagnétique), et de goethite. Cette fois -ci, les faibles valeurs de χbf, de l'ARIs et de l'ARA, les fortes valeurs du champ coercitif, la non-saturation des grains (avec champ magnétique fort) et la contribution importante des grains para -, dia - et antiferromagnétiques prouvent véritablement l'origine détritique des grains . | Le site de l'Abri Pataud, daté du Pléistocène supérieur (stade isotopique 3 à 2), est caractérisé par une grande richesse en faune et en industrie et par la succession de plusieurs niveaux d'habitats riches en éléments brûlés et en matériel archéologique. L'étude magnétique a permis de faire la distinction entre deux types d'ensembles magnétostratigraphiques, d'une part les éboulis caractérisés par un faible pourcentage en grains magnétiques et par de faibles valeurs des paramètres magnétiques, et d'autre part des niveaux sablo-limoneux, riches en foyers, et présentant de fortes valeurs magnétiques. Dans les éboulis, les grains magnétiques sont plutôt grossiers (poly-domaines), essentiellement d'origine détritique (hématite, sidérite et goethite). Au contraire, les niveaux archéologiques présentent des grains magnétiques de taille fine (MD, PMD et SP), résultant de la transformation, sous l'effet de la température des foyers, d'oxydes, d'hydroxydes (goethite) et de carbonates de fer (FeCO3) en oxydes de fer secondaires de taille fine (magnétite et maghémite). | archeologie_09-0062862_tei_225.xml |
termith-135-archeologie | En 1666, la stèle d'Argiotalus, fils de Smertulitanus, cavalier namnète enrôlé dans l'armée romaine, est trouvée à Worms, en Rhénanie-Palatinat (Allemagne). Un moulage de ce monument est désormais conservé au musée départemental Dobrée, à Nantes, et c'est l'occasion de rappeler ce que ce monument apporte à notre connaissance. La stèle funéraire d'Argiotalus a été trouvée dans la nécropole nord de la ville romaine des Vangions, devant la porte Saint-Martin (Martinspforte ou Stadttor St. Martin) lors de la rénovation des fortifications médiévales, dans une zone qui n'a pas fait l'objet de véritables fouilles archéologiques et qui n'est plus exploitable aujourd'hui (Boppert 1998, p. 21-22). Trois autres monuments funéraires ont été trouvés dans la même nécropoleen 1666 : la stèle de Veiagenus, un Rhète de la natio Montanus (Rhétie ou Norique), soldat dans la cohorte des Rhètes et des Vindéliciens (CIL, XIII, 6240; Boppert 1998, n° 58), celle de Q. Carminius Ingenuus, citoyen romain et signifer del'ailedes Espagnols (CIL XIII, 6233; Esp. 6014; Boppert 1998, n° 49), et celle de l'Helvète Licinus,cavalier de cette même aile (CIL, XIII, 6234; Esp. 6016; Boppert 1998, n° 48). La stèle du Trévire Partus, cavalier de l'aile Agrippiana, a été trouvée dans la même zone mais quatre ans plus tard, en 1670 (CIL, XIII, 6235; Boppert 1998, n° 50). Les stèles de Veiagenus et de Partus ont été détruites dès 1689. La stèle d'Argiotalus est mentionnée pour la première fois en 1671 par J. Tollius dans In adnotatione ad Ausonium (manuscrit, Amsterdam, p. 791) et sa première édition figure dans les Acta Academicae Theodoro-Palatinae (I, Mannheim, 1766, p. 26). En France, elle est connue dès 1899 par le CIL XIII, I, 1, p. 483, en 1905 par le CIL XIII, II, 1, 6230, puis en 1916 (ILS, 2496). Sa photographie est publiée en 1922 dans le Recueil d'Espérandieu (VIII, 6011), puis par Walburg Boppert en 1992 et en 1998 (avec bibliographie détaillée p. 80). La première évocation de cette inscription dans l'Ouest est due au chanoine Georges Durville, bientôt conservateur du musée départemental d'Archéologie à Nantes, qui la publie dans un long article de L' Écho de la Loire, le 17 septembre 1922 : « Le plus ancien soldat Nantais inhumé chez les Boches au i er siècle » (sic !). Nous sommes dans le contexte qui succède au traumatisme de la Grande Guerre et l'archéologue nantais, trop âgé pour avoir été mobilisé, ne cite pas le CIL, récemment paru (mais à Berlin !); il renvoie à l'édition de la Notitia Dignitatum et Administrationum par Edouard Bocking (Bonn) et à sa bibliographie de la stèle (1839, I, p. 828 et 1197). Ce n'est qu'en 1927 que Durville publie une photographie de la stèle en frontispice de son Catalogue du Musée archéologique de Nantes, 2 e partie, Musée lapidaire : ce cliché avait été obtenu dès 1922 par un capitaine dans l'armée d'occupation, le fils de Pitre de Lisle du Dreneuc, second conservateur du musée départemental d'Archéologie de Nantes et prédécesseur de Durville à la tête du musée Thomas Dobrée (Durville 1927, p. 52-57). La photo est ainsi légendée : « Stèle d'un soldat nantais mort sur les bords du Rhin au i er siècle de l'ère chrétienne d'après un cliché communiqué par M. le Directeur de la Bibliothèque de Worms », avec ce commentaire : Argiotalus « était en garnison dans la Germanie, sur les bords du Rhin, au poste d'honneur, contre l'envahissement des barbares d'Outre-Rhin ». (re - sic !).Durville situe la mort du cavalier namnète « probablement au temps de l'empereur Trajan » (p. 52). « L'armée romaine avait une aile dite “l'aile Indienne ”, autrefois sur les bords du Rhin. Cette aile y cantonnait, d'après les indications fournies par d'autres épitaphes, sous le règne de Trajan » (p. 53). Le monument original a été taillé dans un calcaire coquillier gris beige à reflets roux, rubéfié par incendie à hauteur du champ épigraphique. Cette pierre provient de la région de Mayence et a été apportée à Worms par le Rhin tout proche. De belle apparence, cette stèle reste en assez bon état de conservation bien que brisée en cinq morceaux, recollée au ciment gris avec deux puissantes agrafes de fer scellées sur les côtés (restauration ancienne). Une fracture presque horizontale coupe l'inscription au niveau de la ligne 4 tandis qu'une seconde longe en diagonale l'arrière-main et le dos du cheval en traversant le cavalier, puis se divise vers les bords, près des oreilles, des yeux et de la bouche du cheval. Les bords de la stèle et de sa niche sont épaufrés. Le pied droit et les mains du cavalier ont disparu. La partie haute de la javeline et son talon ont été brisés et perdus; sa pointe déborde sur le rampant gauche du fronton. Le relief est très usé par une longue exposition aux intempéries et tavelé d'une croûte de pollution noirâtre, pourtant allégée par le « dépoussiérage » de 1980. Le dos de la stèle est grossièrement épannelé et légèrement cintré. Toujours exposé à l'air libre, le monument est désormais à l'abri du cloître de l'ancien chapitre (fig. 1 et 2). Le monument est complet de ses éléments informatifs mais, son pied ayant été brisé horizontalement sous la moulure basse du champ épigraphique, on ne peut plus vérifier si la stèle avait été scellée sur un socle à loculus. Rectangulaire, verticalement allongée, elle est encore haute de 1,36 m, large de 0,59 m et épaisse de 0,36 m. Son couronnement presque triangulaire imite les rampants d'un fronton, arrondis selon le périmètre de la conque inscrite, avec trois acrotères grossièrement sculptés de palmettes simplifiées, dégénérées. Elle est divisée en deux registres. Au-dessus du champ épigraphique, le défunt figure en « portrait » équestre dans une niche en cul-de-four à godrons gravés en coquille, inscrite dans les rampants du pseudo-fronton. Il est montré dans l'exercice de ses fonctions : cavalier, il charge l'ennemi sur un cheval cabré à droite, dont la queue tendue, « touffue et longue » (Xénophon, cité par Vigneron 1968, p. 8, n. 1 et 2), prolonge l'oblique du corps traité en un volume quasi cylindrique. Malgré l'usure, on reconnaît différentes courroies du harnachement, un anneau, la selle et sa chabraque ornée. Protégé, à gauche, d'un long bouclier ovale de tradition gauloise, le cavalier brandit une javeline du bras droit lancé en arrière. La maladresse de son geste est accrue par l'érosion qui abolit la position du visage et le sens du regard. D'une mise en page très classique, l'inscription est incisée en capitales sur huit lignes de hauteur décroissante, dans un champ en creux à double encadrement à doucine (sauf sur la bordure inférieure), haute de 61 cm et large de 43. La hauteur des lettres est de 6 cm (l. 1 et 2), 5,5 cm (l. 3, 4 et 5), 5 cm (l. 6 et 7), et 4,5 cm (l. 8). Des ponctuations triangulaires, pointe en bas, séparent les mots (hedera douteuse lue par Boppert, l. 1) et terminent quatre des huit lignes. Le texte est aligné à gauche et le lapicide a calibré l'espacement des lettres pour utiliser tout le champ épigraphique. c'est-à-dire « Argiotalus, fils de Smertulitanus, Namnète, cavalier de l'aile Indiana, a servi 10 ans, (est décédé à) 30 ans. Il repose ici. Ses héritiers ont érigé [ce monument] ». Les lignes se terminent par un mot complet ou par une abréviation, sauf l'avant-dernière où le verbe posuerunt est coupé. La graphie gauloise des A et des E n'est pas utilisée : le monument provient de Germanie et du milieu militaire, étroitement soumis aux habitudes romaines. À la 4 e ligne, on lit « ala Indiana », un ablatif employé à la place du génitif plus fréquent « equ(es) alae Indianae »; c'est l'indice d'une datation pré-flavienne de l'épitaphe. La graphie « eredes » pour « heredes », héritiers, n'est pas inconnue. La formule « hic situs est » et l'absence du numéro de l'aile témoignent également d'une datation pré-flavienne (Saddington 1975, p. 184). La formulation du texte, la graphie, les abréviations, la forme des lettres et la ponctuation sont caractéristiques de la première moitié du i er siècle. La disposition de la tombe n'est pas connue avec précision. Dans les nécropoles de Worms, les stèles et monuments funéraires étaient entourés d'une haie ou d'un muret déterminant un enclos d'environ deux mètres sur trois. Toutes les tombes du i er siècle y sont à incinération, les cendres étant placées dans une urne et enterrées. Dans le sol, l'urne était protégée par un coffre de bois ou de pierre, ou placée dans la logette (loculus) du socle enterré de la stèle (Grünewald 1990a, p. 76-77). Le socle du monument de Maris, à Mayence, mesure 0,66 m de hauteur pour une stèle, complète, haute de 2,10 m et qui obturait la logette de l'urne. Le monument funéraire d'Argiotalus est comparable aux stèles du i er siècle de la Steinhalle du Landesmuseum de Mayence (Selzer 1988). Il fait partie des plus anciennes stèles de cavaliers du « groupe de Mayence » : stèles de Maris, complète (H. 2,10 m + socle de 0,66 m, l. 0,90 m, ép. 0,28 m : CIL XIII, 7029; Année épigraphique 1959, n° 188, p. 130-131, n° 29, pl. 27 et 1967, 339; Holder 1980, n° 672, fig. 3B), ou de C. Romanius Capito (H. 1,63 m, l. 0,87 m, ép. 0,20 m : Esp. 5852; Boppert 1992, n° 31). Mais la stèle d'Argiotalus a des proportions nettement plus élancées malgré la perte de son pied dont la naissance est marquée par un léger évasement de la base sur les quatre faces. La stèle du cavalier Leubius, à Worms, semble avoir conservé l'intégralité de son pied : elle est plus étroite encore et plus élancée (H. 1,92 m, l. 0,61 m, ép. 0,33 m : CIL XIII, 11709; Esp. 6018; Boppert 1998, n° 51). La composition à deux registres de la stèle d'Argiotalus relève d'un type de monument funéraire connu dès la première moitié du i er siècle de notre ère chez les militaires mais aussi chez les civils de Rhénanie (Feugère 1993, p. 174), dans quelques monuments de cavaliers gallo-romains morts en Bretagne insulaire et, à Rome, chez les corporis custodes, gardes impériaux montés, sélectionnés parmi les troupes auxiliaires principalement germaniques (stèle de Flavius Proclus, archer arabe de la garde impériale, à Mayence, fin du i er siècle : Année épigraphqiue, 1962, 289; Junkelmann 1991, p. 74-75, fig. 33; Speidel 1994, n° 1). Le cadre architectural des stèles funéraires s'inspire de la façade d'un temple et, comme dans les laraires où la divinité apparaît parfois, en épiphanie, debout ou assise entre des antes, des pilastres ou des colonnes comme à la porte de la cella de son temple, le relief funéraire montre moins un portrait qu'une représentation idéalisée du soldat plus ou moins sacralisé, ici figé en héros, vainqueur pour l'éternité. Le brandissement de la javeline et l'attitude du cheval cabré dans la posture de la charge victorieuse évoquent clairement la bravoure et la valeur guerrière du défunt héroïsé. Cette attitude met en valeur l'exploit et suggère l'assurance de la victoire au combat, sans pour autant commémorer une bataille spécifique. Mais elle évoque aussi sans doute la victoire sur la mort et une vague notion de vie d'outre-tombe, pour l'éternité. Référence aux niches abritant les divinités (Santrot 2007, p. 81 et 83, n. 63 et 64), la conque marine godronnée qui encadre et protège l'effigie du défunt est assez peu fréquente en Germanie, mais elle peut être observée à Mayence sur une stèle du iii e siècle figurant Mercure domesticus (Esp. 5857; Selzer 28), à Coblence sur un relief à plusieurs divinités (Esp. 6184) et à Cologne sur des autels aux Matrones Axsinginehae et Afliae (Esp. 6401 et 6412). Ce décor est également utilisé à Cologne sur la stèle du soldat C. Gesatus, représenté héroïsé, couché sur le lit de son banquet funéraire (Esp. 6472), et à Mayence sur les stèles du cavalier helvète Rufus (Esp. 5788), de son compatriote Iulius Ingenius (Esp. 5800; Selzer 78, i er siècle), de l ' aquilifer de la legio XIIII Gemina Cn. Musius (Esp. 5790, av. 43 apr. J.-C.), de l'archer Monimus (Esp. 5861; Selzer 80, 1 re moitié du i er siècle), du duumvir Licinius Tugnatius Publius (Esp. 5862), et même sur des stèles familiales du i er siècle (Selzer 63 et Esp. 5823 =Selzer 105). Il faut peut-être attribuer à la précocité de la stèle d'Argiotalus, l'une des plus anciennes de Rhénanie, la taille anormalement grande de cette conque. Dans les régions rhénanes, ce type de représentation est plus fréquent au i er siècle et au début du ii e siècle (Gabelmann, 1972, p. 65 sq.). Au i er siècle, la plupart des monuments funéraires de la rive gauche du Rhin étaient ornés d'un décor végétal très simple, probablement d'origine indigène (Hatt, 1970, p. 77-83; 1986, p. 400-405), placé au-dessus de l'inscription, dans le champ du fronton ou limité à l'arc sommital lorsque la niche en cul-de-four mange le fronton (stèle du cavalier helvète Licinus à Worms, avec arc orné de feuilles imbriquées et écoinçon à fleur à cinq pétales : Esp. 6016). À l'évidence, ces motifs végétaux ne sont pas seulement décoratifs mais ont une valeur symbolique : ils sont porteurs d'une notion de renaissance, de résurrection et d'immortalité, par référence à la végétation qui revit à chaque printemps (Hatt, 1970, p. 77-83). Plus encore, la fleur de carline et les deux rameaux de lierre du fronton de la stèle du boucher C. Vescius, à Bingen, évoquent l'immortalité car la carline séchée se conserve longtemps en s'ouvrant ou se fermant selon l'humidité ambiante et le lierre reste agrippé à son support en gardant ses feuilles vertes tout au long de l'année. Les dauphins affrontés font sans doute référence à leur amitié pour l'homme et à la fidélité que l'on attribuait alors à cet animal (Esp. 6126; Hatt 1970, p. 68-69). Les trois fleurs de pavot (?) du fronton cintré de la stèle de l'archer C. Iulius Hastaius, à Bingen, pourraient bien évoquer le sommeil éternel du défunt (Esp. 6131). Dans le contexte des monuments funéraires gallo-romains, il semble bien que le lierre perde sa seule référence bachique, d'origine grecque, pour acquérir la symbolique, peut-être d'origine indigène, qu'on lui connaît encore : immortalité, attachement, fidélité. À Worms, dans le même contexte que la stèle d'Argiotalus, le monument du cavalier signifer Q. Carminius Ingenuus montre un fronton encore plus dégénéré : le décor d'acanthe des acrotères, quasiment disparus, s'est reporté sur les rampants feuillus du fronton (Esp. 6014). À Mayence, les deux palmes qui encadrent le buste sous coquille de l'archer Monimus ne marquent pas seulement la victoire au combat mais aussi le triomphe sur la mort, tandis que les rinceaux de lierre des rampants du fronton symbolisent l'attachement et l'éternité (Esp. 5861; Selzer 80, 1 re moitié du i er siècle). En Germanie, la représentation du défunt sur sa stèle funéraire est fréquente chez les légionnaires et les auxiliaires, davantage chez les cavaliers que chez les fantassins, mais elle n'est pas systématique loin s'en faut. Argiotalus chevauche une monture de petite stature à la croupe « charnue », au dos légèrement « concave », à l'encolure « à bord droit » et « à la crinière épaisse qui retombe à chaque mouvement sur l'épaule droite » comme le préconisent Xénophon et Virgile (Vigneron 1968, p. 6, n. 3). Le cheval semble figuré au troisième temps du galop (ibid., 2, pl. 3) mais ce n'est qu'illusion car le galop du cheval n'a réellement été décomposé et rendu perceptible qu'en 1882 par la chronophotographie d' Étienne Jules Marey. Curieusement, la tête est assez basse pour cette attitude et les oreilles sont rabattues en arrière : le cheval paraît tendu, stressé, prêt à se lâcher brusquement pour une ruade, un saut ou un galop débridé. C'est une posture originale mais bien observée dans l'imagerie funéraire romaine. Sur les stèles de Worms et de Mayence, les chevaux sont souvent petits par rapport aux cavaliers : à Mayence, les monuments de Maris (Boppert, 1992, p. 29), Togitio (ibid. 32; Esp. 5870), Annauso (Boppert 1992, p. 34; Esp. 5785) ou Andes (Boppert 1992, 35; Esp. 5854) montrent le même type de petits chevaux trapus, d'allure ramassée, que celui d'Argiotalus, tandis que C. Romanius Capito (citoyen romain : Boppert 1992, 31; Esp. 5852), Flavius Proclus (citoyen romain, eques de la garde impériale : Boppert 1992, p. 36) et Petronius Disacentus, fils de Dentubrise (pérégrin : Boppert, 1992, p. 33; Esp. 5786) montent des chevaux de plus grande taille. Cette différence tient-elle à la maladresse du sculpteur, à une convention privilégiant le défunt sur sa monture ou correspond -t-elle à une représentation fidèle des chevaux et à un choix militaire ? La petite taille du cheval d'Argiotalus pourrait en effet n' être qu'une maladresse de sculpteur parmi d'autres ou une convention iconographique privilégiant le défunt. D'ailleurs, la représentation des chevaux sur les stèles funéraires n'est jamais assez précise ni fiable pour permettre de distinguer une race particulière (Dixon et Southern 1992, p. 164). Pourtant, les archéozoologues vérifient peu à peu que les montures des cavaliers gaulois et germains étaient bien issues de races indigènes de petite taille comme le remarquait César : « Les Germains n'importent même pas de chevaux, qui sont la grande passion des Gaulois et qu'ils acquièrent à n'importe quel prix; ils se contentent des chevaux indigènes, qui sont petits et laids, mais qu'ils arrivent à rendre extrêmement résistants grâce à un entraînement quotidien » (BG, IV, 2, p. 98). La description des méthodes de combat des cavaliers germains dans la Guerre des Gaules montre bien que leurs chevaux n'avaient pas une grande hauteur au garrot : les fantassins accompagnaient la cavalerie en s'agrippant à la crinière des chevaux (BG, I, 48, 7, p. 41) et l'infanterie gauloise de Vercingétorix procédait de même (BG, VII, 18, 8, p. 222). Au temps de César, les chevaux gaulois ont une hauteur moyenne au garrot inférieure à 1,29 m, avec des hauteurs variant de 1 m à 1,45 m (Arbogast et al. 2002, p. 45). La petite taille des chevaux figurés sur les stèles du i er siècle en Germanie pourrait ainsi s'expliquer par l'origine des cavaliers : reconnaissables à leur surnom et à leur ethnique, les indigènes devaient probablement être recrutés avec leur propre monture, qu'ils connaissaient bien, et la remonte devait être assurée par l'importation de chevaux issus de leurs régions d'origine ou bien, pour Worms et Mayence et comme le suggère César quatre générations plus tôt, de la Germanie libre toute proche. César laisse entendre qu'il en allait différemment des montures des officiers d'origine italienne, ou de celles des cavaliers romains : « César, qui savait la supériorité de l'ennemi en cavalerie. .. envoie des messagers au-delà du Rhin, en Germanie… et se fait fournir par eux des cavaliers avec les soldats d'infanterie légère qui sont habitués à combattre dans leurs rangs. À leur arrivée, comme ils avaient des chevaux, petits [ou laids ?] et difformes [prava – ou parva ? – atque deformia ], il les échange contre ceux des tribuns militaires, des autres chevaliers romains, des évocats, et les leur donne » (B.G., VII, 65, p. 258). Sur la taille des chevaux gaulois et romains, voir Arbogast et al. (2002, p. 44-49). Si cela semble bien montrer que les montures romaines étaient assez généralement plus grandes que celles des Germains, on ne peut aller jusqu' à affirmer que, pour des raisons de prestige, les chevaux des officiers étaient eux -mêmes systématiquement plus grands que ceux de la troupe. C'est pourtant l'hypothèse proposée pour interpréter la différence de taille des ossements de chevaux sur certains sites de l'armée romaine : sur 31 chevaux romains des i er et ii e siècles recueillis dans le camp de Krefeld-Gellep (Grande-Bretagne), seuls deux étaient hauts de 1,14 et 1,24 m. Les autres avaient une hauteur variant entre 1,34 et 1,53 m (Dixon et Southern 1992, p. 166-167). On a songé alors que les chevaux étaient sélectionnés par la taille selon la fonction qui leur était assignée : les plus petits comme animaux du train, ceux de taille moyenne comme montures classiques des cavaliers et les plus grands réservés aux officiers. Pour plausible et logique qu'elle soit, cette hypothèse ne peut être établie actuellement en raison de la faiblesse de la documentation. De même, il n'est pas davantage possible d'étayer suffisamment celle selon laquelle les chevaux des ailes auraient été plus grands que ceux des cohortes equitatae, du fait que les premières étaient plus prestigieuses que les secondes ou auraient eu un rôle tactique différent. D'ailleurs, cela ne serait pas corroboré par la stèle d'Argiotalus ni par celles des autres cavaliers d'ailes mentionnées supra. En réalité, les connaissances actuelles ne permettent pas d'expliquer aujourd'hui la grande variété de la taille des chevaux montés par la cavalerie romaine (Dixon et Southern 1992, p. 166-167 et 170-171). Pour autant, les chevaux des armées de César n'étaient sans doute pas très grands; en effet, une des ruses des Romains était de faire passer pour de la cavalerie les mules du train des équipages et leurs muletiers (BG, VII, 45, p. 242) : certains animaux réservés au transport des bagages devaient donc être d'une taille proche de celle des chevaux de combat. Ainsi, les Romains semblent avoir accordé davantage d'importance aux performances de leurs chevaux qu' à leur taille, même s'il n'est pas improbable que l'on ait réservé des montures exceptionnellement hautes et belles aux officiers supérieurs et aux gardes impériaux car il y avait là une évidente raison de prestige. La littérature ne donne pas de précisions chiffrées sur la hauteur d'un « petit » ou d'un « grand » cheval mais on observe que les montures antiques atteignaient au plus la taille du poney d'aujourd'hui : d'après Vianney Forest (à paraître), en Gaule et en Germanie, la hauteur au garrot des chevaux ayant vécu entre 300 av. et 50 apr. J.-C. se situait entre 1 m et 1,35 m (contre 1,48 m en moyenne pour un poney d'aujourd'hui). Elle s'élève, en moyenne, à partir des Flaviens, pour s'établir, de 100 à 400, entre 1,30 et 1,55 m (qu'il faut comparer au 1,80 m des chevaux de selle d'aujourd'hui). Cette évolution doit sans doute moins à l'apport de races méditerranéennes et orientales, de plus grande taille semble -t-il, qu' à l'amélioration du cheptel indigène, sans doute principalement par l'apport d'une alimentation choisie, par la maîtrise de l' âge de la mise à la reproduction et, mais c'est moins sûr, par la sélection. C'est ce qui apparaît sur le site de Chelmsford (Grande-Bretagne), bien qu'on ne sache si l'on doit attribuer la croissance des chevaux sur quatre siècles à une sélection de races ou à l'apport de races extérieures (Dixon et Southern 1992, p. 171-172). C'est également vers le milieu du i er siècle que se fait l'évolution des métatarses des bovins qui, de « petits » et « moyens » auparavant, deviennent « grands » et « très grands » ensuite (Forest et Rodet-Belarbi 2002, p. 284) : la corpulence des bovins augmente en effet d'environ 15 % à partir du milieu du i er siècle (ibid., p. 294-296). Fidèlement sculpté, le harnachement du cheval d'Argiotalus est du modèle sans phalères, le plus fréquent sur les stèles d'auxiliaires (Forest à paraître). Les phalères ornent indistinctement les chevaux des auxiliaires et des légionnaires, et ne semblent donc pas relever d'un type d'unité particulier. Elles ornent ainsi plusieurs stèles de cavaliers auxiliaires, simples cavaliers ou sous-officiers, comme Andes, Vonatorix, Togitio, Flavinius (signifer), Valerius Genialis (signifer), Carminius Ingenuus (signifer), Vellaunus, etc. (Junkelmann 1991, fig. 26, 55, 76, 78, 79, 81). Au contraire, les montures des cavaliers légionnaires Flavius Proclus et Gaius Marius ne portent aucune phalère (Speidel 1994, n° 1; Junkelmann 1991, fig. 25). Du harnais de tête, on distingue la muserolle et la courroie de chanfrein à double bourrelet, moins distinctement le porte-mors et le frontal, épaufrés, et peut-être une sous-gorge. La forme du mors n'est plus perceptible. Du harnachement, on reconnaît les courroies de la queue et de l'arrière-main (la croupière), celles du poitrail (la bricole et la martingale) et celles du flanc (sangles) ainsi que, sur la jambe avant, un pendant de lanière qui ne figure pas sur la cuisse arrière. La rêne droite, partiellement épaufrée, est posée sur l'encolure. La petite selle, très plate mais à l'arçon arrière légèrement saillant (Vigneron 1968, p. 83, n. 9, et 2, pl. 29, e), est posée sur une couverture – ou un tapis de selle (chabraque) – ornée de croisillons losangés; elle semble maintenue par deux sangles pour protéger le ventre du cheval. À l'arrière-main, la courroie de croupe est reliée par un anneau au bord arrière droit de la selle et à la sangle arrière. Le tapis de selle est orné de motifs originaux, aujourd'hui peu perceptibles mais jadis sans doute très colorés, alors que, habituellement, ce n'est qu'une simple pièce de tissu rectangulaire sans décor apparent, au mieux bordé d'un ourlet (stèle de Flavinus : Junkelmann 1991, fig. 76), ou d'une frange (stèles de Vonatorix et de Valerius Genialis : ibid., fig. 26 et 78). À l'arrière-main, la courroie de croupe est reliée par un anneau au bord arrière droit de la selle et à la sangle arrière. Le harnachement du petit cheval d'Argiotalus montre en particulier les anneaux de réglage des sangles et le chanfrein, rarement visibles ou représentés. Le harnais et les différentes sangles des montures antiques sont semblables, quelle que soit l'unité concernée : le harnais le plus simple est constitué d'une muserolle et d'un frontal relié à une têtière. Le mors est relié aux rênes et au porte-mors, parfois à l'aide d'un anneau. On observe également une sous-gorge et plus rarement un chanfrein. Le harnachement de la monture d'Argiotalus correspond au harnachement « standard » des cavaliers légionnaires et auxiliaires observé sur les stèles funéraires du i er siècle. Argiotalus est figuré sur son cheval au galop (ou cabré), chargeant un ennemi invisible, vers la droite, côté favorable. À défaut de réalisme – la perspective n'est guère de mise dans ce type de relief – mais pour donner l'impression de mouvement, le bassin, la cuisse et la jambe droites sont de profil tandis que le torse semble de face. C'est l'attitude, ici inversée, que l'on constate sur un cavalier de la frise occidentale du Parthénon qui, lui, regarde bien en arrière (Vigneron 1968, 2, pl. 3). Imberbe, il semble se retourner (une barbe préciserait la direction du regard malgré l'érosion du relief). Pourtant, cette impression n'est due qu' à l'usure de la pierre et à un défaut d'implantation du cou, trop déporté à gauche si le torse est bien représenté de face, mais assez bien placé si le cou et la tête sont de profil, car, à la différence du cavalier de la frise occidentale du Parthénon, l'homme ne se retourne jamais dans l'iconographie du type. Sur les stèles adoptant la même iconographie, le cavalier a la tête de profil, ou de trois-quarts, et regarde l'ennemi qu'il s'apprête à transpercer. L'érosion de la tête ne permet pas ici de vérifier la présence du casque dont sont habituellement dotés les cavaliers (Feugère 1993, p. 181-184) : seul l'élargissement du crâne, très arrondi et peut-être surdimensionné, pourrait éventuellement plaider en faveur de la présence d'un casque à timbre sphérique. Comme C. Romanius Capito à Mayence (Esp. 5852), Argiotalus chevauchait pieds nus sans doute, les jambes ramenées sous le ventre du cheval pour s'assurer une bonne assiette mais aussi pour le diriger puisqu'il ne semble pas tenir les rênes, habituellement dans la main gauche mais ici posées sur l'encolure. Paradoxalement, les cavaliers chaussés de sandales semblent rares (à Mayence : Cantaber : Esp. 5784; Boppert 1992, n° 30; Andes, 2 e moitié du i er siècle : Selzer 1988, fig. 45; Romanius : ibid., fig. 48; etc.) et, sans que cela soit constant, bien des fantassins en armes, légionnaires ou auxiliaires, sont également figurés les pieds nus (Esp. 5792, 5835; Boppert 1992, n° 7 à 10. A Mayence, à la seconde moitié du i er siècle, Q. Luccius Faustrus : Selzer 1988, fig. 17; Genialis : ibid., fig. 27; P. Flavoleius Cordus : ibid., n° 26; etc.). Peut-être les lanières des sandales, indispensable équipement du militaire, étaient-elles détaillées par la peinture ? Ou bien la nudité du pied était-elle considérée comme un signe supplémentaire d'héroïsation et d'assimilation à la divinité ? Ici, le pied a tout bonnement disparu. L'armement défensif n'est guère perceptible : le probable casque est effacé et le torse aurait été protégé jusqu'aux reins par ce que Boppert a identifié comme une cotte de mailles (lorica hamata), une protection que l'on ne distingue guère aujourd'hui (Boppert 1998, p. 80). C'est, en effet, une cotte de mailles que porte Togitio (Mayence, milieu du i er siècle : Esp. 5870; Boppert 1992, n° 32) : même si le relief est particulièrement usé, on y distingue nettement les protections renforcées des épaules et des bras, peut-être encore lisibles sur les bras d‘Argiotalus. Malgré l'usure de la pierre, on peut identifier sur notre stèle un baudrier en sautoir sur l‘épaule gauche et un mince ceinturon de cuir à boucle en losange, orné et renforcé par deux plaques triangulaires, pointe vers la boucle, de part et d'autre de celle -ci, à moins que la torsade du bourrelet de la taille, également figurée sur la statue du guerrier de Vachères (Vaucluse, fin du i er siècle), ne montre la présence d'un enserrement souple de la taille, et par conséquent la présence, non pas d'un ceinturon décalé, mais d'une sorte de « ceinture de flanelle » analogue à celle du paysan et du militaire de la première moitié du xx e siècle, ce qui correspondrait à son évolution générale à partir du i er siècle av. J.-C. (communication d'André Rapin). Seul est encore bien lisible le grand bouclier celtique qui protège la jambe, le flanc et l'épaule gauches du cavalier ainsi que le ventre de la monture (Zieling 1989, p. 352, fig. 22) : on en voit la face interne derrière l'encolure du cheval et, à l'extrémité du bras gauche, un léger surcreusement marque peut-être le creux de l ' umbo métallique. Il est ovale pour ne pas blesser la monture. L'armement offensif se borne ici à une lance courte (hasta) ou plutôt une javeline, arme caractéristique du cavalier romain de harcèlement (Flavius Josèphe, BJ, III, V, 5, 27, 96-97; Vigneron 1968, p. 269). Argiotalus ne la brandit pas pour percer un ennemi à terre mais la saisit à mi-hampe, de la main droite relevée en arrière, dans un geste large qui annonce le jet. C'est à peu de choses près la posture, rare, du cavalier C. Tutius, à Mayence, qui porte cependant une épée longue sur la cuisse droite (Esp. 5789). Paradoxalement, Argiotalus, comme Maris, son voisin de la nécropole de Worms, ne porte aucune arme de combat rapproché telle que la longue et large « latte » de cavalerie des Gaulois (spatha), ordinairement portée au flanc droit; pas même une épée courte de type gaulois, à poignée anthropomorphe, arme plus « aristocratique » dont le type celtique est originaire d'Europe centrale, ni même un poignard. « Quant aux cavaliers, ils portent une grande épée au côté droit, une longue pique à la main, un bouclier long posé en écharpe contre le flanc du cheval, et, dans un carquois, trois dards ou davantage, à large pointe et aussi longs que des javelots. Leurs casques et leurs cuirasses sont les mêmes que ceux des gens de pied. Les cavaliers d'élite qui forment l'escorte du général sont armés comme leurs camarades de la ligne. » Flavius Josèphe, BJ, III, V, 5, 27 (96-97). L'absence d'épée est relativement rare sur les reliefs funéraires des cavaliers d'ailes (à Bonn, Esp. 6248, par ex.). Les rares stèles de cavaliers ne portant pas la spatha sont celles, plus tardives, de légionnaires et d'archers montés : l'épée longue ne fait pas partie de leur armement offensif. L'iconographie du cavalier chargeant un ennemi à terre dérive de la stèle grecque de Dexileos (Athènes, musée du Céramique, 394 av. J.-C. : Brilliant 1963, p. 54). De nombreuses stèles rhénanes reproduisent cette charge (stèles de Caius Romanius, de Petronius Disacentus, d'Annauso ou d'Andes). Sans vaincu à terre foulé par le cheval, comme sur les reliefs funéraires de Maris, Togitio ou Flavius Proculus à Mayence, le monument d'Argiotalus ne reproduit qu'une partie du poncif. La présence d'une chabraque, l'allure du cheval, son port de tête et l'étonnante absence de spatha pourraient évoquer un exercice de parade, mais les stèles funéraires qui représentent des chevaux défilant sans cavalier sous la conduite du calo, montrent un long tapis purement décoratif posé sans selle sur le dos du cheval et non la fine selle avec chabraque de la monture d'Argiotalus. Si aucune trace de polychromie n'a été conservée sur ce relief endommagé par les intempéries, la pollution et la lumière, il faut bien évidemment l'imaginer rehaussé de couleurs vives posées en aplats sur un épais enduit blanc, comme le montre la polychromie restituée d'après les traces relevées sur la stèle du cavalier Silius, de Dienheim, conservée à Mayence (Cüppers 1990, pl. coul. 4). Aussi violente que celle des urnes étrusques ou des santons de Provence, cette polychromie en précisait les détails : du gris ou du jaune pour la cotte de mailles et le casque métalliques, du rouge ou du brun sur la ceinture de cuir, du brun pour la robe du cheval et le bois de la javeline, du rose pour les carnations, du noir ou du brun pour les yeux et les sabots et du rouge pour rendre plus lisible l'inscription. Cette stèle est d'un schéma bien connu en Germanie mais son interprétation, originale à certains égards, précède la fixation définitive du type ou s'est libérée de certaines contraintes : le geste large est inhabituel, la mise en espace du sujet est de piètre qualité et son intégration dans la conque nie le fronton qui l'abrite. Le traitement « géométrique » du corps du cheval et des membres, grêles, ainsi que le caractère sommaire du décor végétal, incompris sur des acrotères informes, désignent une sculpture peu savante et assez maladroite. Bref, ce n'est pas du grand art !Comme celle de Maris, par exemple, cette stèle présente un relief assez mal proportionné, à l'intégration presque maladroite. Mais la datation précoce de ce monument, qui emprunte pourtant aux traditions funéraires gréco-romaines, en fait un quasi prototype : la stèle d'Argiotalus fait partie des premiers monuments funéraires figurés en Rhénanie, sous le règne de Tibère (Holder 1980, p. 147). Par son type, par le style de sa sculpture, par la graphie de l'inscription, et même par la taille de la monture, cette stèle doit être datée de la première moitié du i er siècle. L'histoire de l ' ala Indiana permet de préciser la date de la mort du cavalier et, donc, de l'érection de son monument. Argiotalus appartenait à l ' ala Indiana, un corps de cavalerie auxiliaire, étranger, dont le nom complet, ala Gallorum Indiana, figure sur un diplôme militaire daté de 134 (CIL XVI, 80; Alföldy 1968, p. 19). L'épithète « Gallorum » indique le peuple parmi lequel l'unité a fait son premier recrutement. Seules les unités d'auxiliaires recrutées entre Garonne et Seine sont dites « Gallorum », par référence aux grandes divisions ethniques de la Gallia comata ,antérieures à la réforme administrative d'Auguste entre 27 et 16-13 av. J.-C. (Tassaux 1996, p. 153-154), ce qui exclurait la région de Trêves si cette épithète avait été attribuée précocement, et aurait renforcé l'hypothèse d'un recrutement dans le Val de Loire lors de la première « affaire » de 21. Pour autant, Trêves se situe bien dans l'une des Trois Gaules, la Belgique. Sur l'ensemble du cours du Rhin, à l'époque julio-claudienne, les unités de cavaliers et de fantassins auxiliaires étaient en grande partie originaires de Gaule et de Germanie (Alföldy 1968, p. 136-137). Comme le précise Tacite (Ann., III, 42, 1), l ' ala Gallorum Indiana a donc été créée à Trêves, en Gaule Belgique, non loin du camp de sa légion de rattachement (Mayence) et dans la cité du chef qui donna son nom à l'unité : l'aile Indiana tient son nom de l'un de ses commandants, sans doute le premier, Iulius Indus, un Trévire mentionné par Tacite pour avoir combattu dans l'armée romaine, à la tête d'une unité de cavalerie recrutée dans son peuple, contre les insurgés du grand soulèvement de la Gaule du nord-est suscité par son compatriote, le Trévire Iulius Florus, et par l' Éduen Iulius Sacrovir. Cette insurrection faisait suite à la révolte, dans l'Ouest, des Andécaves et des Turons, voisins des Namnètes, en 21 (Ann. III, 42 et 46). Iulius Indus fut sans doute récompensé de sa loyauté et de ce fait d'armes par l'octroi de son nom à l'unité, formellement constituée ou non, qu'il commandait déjà (Birley 1978, p. 257 et 267, n° 13). Il n'est pas impossible que l ' ala Indiana procède d'un corps franc privé : la troupe était commandée par un chef trévire bénéficiant de la citoyenneté romaine, qui dut « amener avec lui ses clients et ambactes, ses hommes liges » (Tassaux 1996, p. 148-149). Initialement constitué des « vassaux » de son chef, ce corps franc avait peut-être été rassemblé par Iulius Indus de sa propre initiative pour contribuer à réprimer l'insurrection mais, lors du soulèvement de Florus et Sacrovir dans les Ardennes et en Bourgogne, la seconde « affaire » de 21, ces cavaliers gaulois semblent constituer déjà une unité régulière de l'armée romaine : Tacite précise que cette troupe de combat avait la discipline et les modes de combat des Romains (« militia disciplinaque nostra habebatur », Ann., III, 42, 1). En outre, cette unité ne manifeste déjà plus d'homogénéité ethnique : elle comprend des cavaliers trévires, mais aussi, pour autant qu'on le sache par les épitaphes antérieures à 43, date du départ de sa légion de rattachement accompagnée de ses corps d'auxiliaires pour la conquête de la Britannia, elle comprend alors aussi au moins un Namnète (estuaire de la Loire) et un Ubien (région de Cologne), plus sans doute des cavaliers d'autres civitates gauloises, car l ' ala Indiana est l'une de ces unités dont le recrutement est mixte dès la fin de l'époque augustéenne (Alföldy 1968, p. 19). Au sein de troupes indigènes que l'on peut comparer aux goums de l'armée française durant la seconde guerre mondiale (Louis Maurin), les ailes de cavalerie représentent une élite relative (« une troupe d'élite », écrit Tacite à propos de l ' ala Indiana). L'organisation militaire, telle qu'on la connaît pour le cours inférieur du Rhin et dans d'autres provinces (Alföldy 1968, p. 141), devait compter presque autant d'auxiliaires (« étrangers ») que de légionnaires (20 000 auxiliaires environ pour 22 000 légionnaires) avec, parmi les auxiliaires, un cavalier pour trois ou quatre fantassins. L'unité d'Argiotalus est une aile quingénaire (à 500 hommes), avec 16 turmes de trois décuries, soit 480 hommes commandés par un préfet appartenant à l'ordre équestre et par un sous-préfet, officiers assistés d'un décurion princeps et de 16 décurions (Le Bohec 1989, p. 26-27; Junkelmann 1991, p. 59 et 62; Dixon et Southern 1992, p. 23). Ses missions étaient la reconnaissance en territoire ennemi, le harcèlement, la riposte rapide, les escarmouches mais aussi le maintien de l'ordre et la police des populations indigènes. Sans doute très peu de temps après la création de l'aile Indiana, l'un de ses cavaliers, Argiotalus, a été recruté en Gaule Lyonnaise, dans la cité des Namnètes : cette aile de cavaliers trévires a eu l'opportunité de compléter sa troupe en enrôlant un Namnète et sans doute d'autres gens de l'Ouest au printemps ou au début de l'été 21, lors de l'opération en Val de Loire de la legio XIIII Gemina, dont elle dépendait, pour mater la rébellion des Andécaves et des Turons avant de revenir « traiter », dans les Ardennes, celle du Trévire Iulius Florus et de l' Éduen Iulius Sacrovir (Ann. III, 42 et 46; Birley 1978, p. 257, et 267, n. 13). Tacite raconte comment le Trévire révolté Iulius Florus tente d'entraîner dans sa rébellion une aile de cavalerie levée à Trêves – donc principalement composée de ses compatriotes – pour la retourner contre Rome; certains cavaliers se laissent corrompre mais la majorité des recrues reste fidèles à Rome. « Sur ces entrefaites, Florus poursuivait ses projets et tâchant de gagner à sa cause une aile de cavalerie qui, enrôlée parmi les Trévires, était exercée à la romaine et soumise à notre discipline, l'engageait à commencer la guerre par le meurtre des trafiquants romains. Quelques cavaliers seulement se laissèrent corrompre. Les plus nombreux demeurèrent dans le devoir. Mais la foule des débiteurs et des clients de Florus prit les armes et tous se dirigeaient déjà vers les défilés boisés que l'on nomme Ardenne, quand ils furent repoussés par les légions de l'une et l'autre armées que Visellius et C. Silius avaient lancées à leur rencontre par des chemins opposés. On envoya aussi en avant-garde, avec une troupe d'élite, Iulius Indus, de la même cité que Florus, mais qui ne partageait pas ses idées et était par conséquent plus ardent à faire bonne besogne. Il avait affaire à une multitude encore en désordre : il la dispersa. Florus, à la faveur de retraites mal connues, trompa d'abord ses vainqueurs; mais enfin, à la vue des soldats qui occupaient les issues, il se suicida. Telle fut la fin de la révolte des Trévires. » (Ann., III, 42, 1-4.) Commandées par Visellius Varro et C. Silius Caecina, commandant de l'armée du Rhin supérieur de 14 à 21 (Franke 2000, p. 192), les légions XIV e Gemina et XVI e Gallica marchent contre Florus mais c'est surtout Iulius Indus, son compatriote « qui ne partageait pas ses idées » qui, « envoyé en avant-garde avec une troupe d'élite », disperse les révoltés et provoque la fuite puis le suicide de Florus, chef des rebelles. À quoi Tacite fait-il référence lorsqu'il écrit « cum delecta manu », c'est-à-dire « avec une troupe d'élite » ? S'agit-il de l ' ala Indiana entière ou seulement d'un détachement de cette unité, ou encore d'un corps constitué de détachements (vexillations) de plusieurs unités différentes ? Au cours de son récit, l'historien revient sur ces événements et confirme qu'il s'agissait bien d'une aile seulement : « una ala Trevirum […] profligavere » : « une aile de cavalerie[a suffi] à vaincre le Trévire » (Ann., III, 46, 3). En tout état de cause, cette troupe de cavaliers restés loyaux, au rôle décisif, a pu être récompensée par le légat C. Silius Caecina, ou par son successeur Sulpicius Galba en étant constituée en unité régulière si elle ne l'était déjà, ou plutôt en se voyant attribuer le nom de son glorieux commandant si l'unité était bien déjà constituée. L'attribution à l'aile de son nom permanent, sinon sa création, est donc sans doute immédiatement consécutive aux événements de 21 (ILS 2496; Alföldy 1968, p. 19; Birley 1978, p. 267, n° 13, et p. 272-273; Holder 1980, p. 21). Iulius Indus et les chefs insurgés étaient du même monde, et sans doute tous trois officiers dans l'armée romaine. Leur gentilice « Iulius » indique que leurs familles bénéficiaient de la citoyenneté romaine depuis quatre générations au plus et avaient obtenu le droit de cité pour bons et loyaux services envers César, plutôt qu'Auguste. Aristocrates l'un trévire et l'autre éduen, Florus et Sacrovir utilisèrent le mécontentement provoqué par la pression des negociatores et la levée des tributs pour trahir, se rebeller et soulever leurs compatriotes contre les Romains. Tacite montre l'importance de cette insurrection : plusieurs cités gauloises se révoltèrent, des commerçants romains furent massacrés et le chef-lieu de la cité des Éduens, « peuple frère » et fidèle allié de Rome, Autun, l'une des rares villes précocement remparées de la Gallia comata et protégée d'une puissante muraille augustéenne de 6 km de long, fut même prise et pillée par les insurgés. Cette révolte frappa les imaginations et suscita l'envoi des légions depuis Mogontiacum - Mayence. Elle était d'autant plus dangereuse pour Rome que les Trévires et les Nerviens, peuples gaulois de la rive gauche du Rhin, étaient parents des tribus germaines de la rive droite restées indépendantes. En outre, pour avoir servi comme officiers de l'armée romaine, ces chefs gaulois étaient formés à ses méthodes de combat et les retournaient contre Rome lorsqu'ils se révoltaient. Ils représentaient un risque d'autant plus grand. Les Namnètes semblent s' être définitivement soumis à Rome après la défaite des Vénètes en 56 : César ne les cite pas au nombre des peuples qui contribuent à l'armée de secours à Alésia et Tacite les ignore lorsqu'il évoque la révolte de leurs voisins Andécaves et Turons en 21. Argiotalus pourrait donc avoir été recruté peu avant l'intervention contre Florus et Sacrovir par la legio XIIII Gemina (ou seulement un détachement de cette légion ?) lancée contre les Andécaves et les Turons pour mater, dans l'Ouest, une révolte qui s'est développée peu après dans l'Est. Il est donc possible qu'Argiotalus ait fait partie d'un contingent de cavaliers fourni à l'armée romaine à titre de tribut par les civitates armoricainesplacées « dans la catégorie la moins favorisée, celle des cités sujettes (ou stipendiaires)” (Galliou1983, p. 41). Sous Tibère, l'aile « gauloise » d'Argiotalus est stationnée sur la frontière nord de l'Empire, une région qu'Auguste s'est employé à sécuriser face aux Germains après l'échec de la tentative de constitution d'une Germania Magna par la conquête de la Germanie jusqu' à l'Elbe (15-13 av. J.-C.) et le désastre de Varus (9 av. J.-C.). L'armée romaine avait alors pour mission de contrôler le Rhin, à la fois frontière et voie de communication. L'aile Indiana appartenait ainsi à l'organisation défensive de l'Empire contre les Germains, fondée sur les puissants camps légionnaires de Mayence et sur des « points d'appui » secondaires qui, comme Worms, jalonnaient la rive occidentale du Rhin. Ces petites garnisons étaient constituées de plusieurs corps d'auxiliaires associés, voire de détachements de différentes unités et de vexillations légionnaires. Stationnée à Worms, l'aile Indiana dépendait de la legio XIIII Gemina et aurait donc quitté avec elle les rives du Rhin pour Cirencester lorsque cette légion y fut engagée par Claude à partir de 43 pour la conquête de la Bretagne insulaire. La présence de sa stèle à Worms, en Germanie, lieu de garnison précoce de l ' ala Indiana, montre qu'Argiotalus a disparu avant le transfert de son unité en Britannia, en 43. Outre Argiotalus, on connaît plusieurs cavaliers de l'aile Indiana (Spaul 1994, p. 152-153, n° 52, Ala Gallorum Indiana), dont les dates sont malheureusement imprécises. – À Mayence-Weisenau, stèle funéraire du cavalier ubien Fronto, datée de la 1 re moitié du i er siècle (Selzer 1988, n° 76). – À Mayence, sarcophage de Sequentia Faustina, épouse de Fl. Flavianus Aventinus, décurion de l'aile Indiana (CIL XIII, 7028). – À Klein-Winternheim (près de Mayence), sarcophage de Marcellinia Marcella, épouse de Iulius Paterninus, décurion de l'aile Indiana (CIL XIII, 7257). – À Cologne, Albanius Vitalis, cavalier trévire de l'aile Indiana, de la turme de Barbus, ayant probablement servi entre 80 et 100 en Germanie Inférieure, est représenté héroïsé, drapé à la romaine et à demi étendu sur le lit de son banquet funèbre, avec table aux victuailles et serviteur, tandis qu'un second registre montre son valet cuirassé et armé d'un faisceau de javelines, conduisant par la bride son cheval richement caparaçonné (CIL XIII, 8519; Esp. 6460; Alföldy 1968, p. 20 et n° 31); Alföldy estime que Albanius Vitalis possédait le droit latin. – À Neckarburken, diptyque en bronze, diplôme de Trajan pour les cavaliers et fantassins des ailes I (dont l ' ala I Indiana Gallorum) et des cohortes XV (CIL XIII, 6495). Les quatre soldats dont les monuments ont été trouvés à côté de celui d'Argiotalus appartenaient à des unités de fantassins ou de cavaliers différentes de la sienne, ce qui montre la multiplicité des détachements présents simultanément à Worms. La présence à Mayence-Weisenau et à Cologne, en Germanie Inférieure, entre 80 et 100, donc après le départ de leur unité en Bretagne, de deux cavaliers de l'aile Indiana, l'Ubien Fronto, de la région de Cologne (Selzer 76, 1 re moitié du i er siècle) et le Trévire Albanius Vitalis, montre qu' à certaines périodes, l'aile était partagée en plusieurs cantonnements et il n'est donc pas impossible que seul un détachement de ce corps ait pu stationner à Worms, un autre à Cologne (?), le reste de l'unité étant demeuré à Mayence, à proximité de sa légion de rattachement, ou, plus tard, l'accompagnant en Britannia. Au i er siècle, la cavalerie auxiliaire était principalement recrutée dans les régions celtisées, en Belgique, en Lyonnaise et en Germanie notamment. Les unités devaient être régulièrement complétées de recrues « indigènes » sélectionnées au gré des garnisons successives, malgré l'ethnique d'origine de l'unité. Rien d'étonnant, donc, à la présence d'un Namnète dans les rangs de l'aile Indiana. L'iconographie de la stèle et l'armement d'Argiotalus confirment l'épitaphe : l'homme au bouclier ovale et à la javeline caractéristiques appartient bien à une unité auxiliaire de cavalerie formée de supplétifs de cultures diverses, mais barbares et issus de régions conquises par Rome. Dans la grande majorité des cas, surtout au début de l'Empire, sous les Julio-Claudiens, les auxilia, cohortes d'infanterie ou ailes de cavalerie comme l'aile Indiana, sont des unités de pérégrins. Leurs soldats obtiennent habituellement la citoyenneté romaine au terme de leur carrière militaire, après quelque vingt-cinq années de service s'ils ont la chance d' être encore en vie, mais l'attribution de la citoyenneté romaine à la fin du service n'est réellement attestée, par des diplômes militaires, qu' à partir du règne de Claude, donc un peu après l'époque d'Argiotalus (Junkelmann 1991, p. 63-65). Argiotalus ne devint jamais citoyen romain puisqu'il mourut après dix ans de service militaire seulement : il en fallait alors environ vingt-cinq pour être rendu à la vie civile et récompensé du droit de cité. S'il s'était enrôlé – ou l'avait été d'autorité au titre de la livraison de soldats par les cités stipendiaires – peu avant ou peu après 21, il mourut au plus tard entre 31 et 43, date du départ de son unité pour la conquête de la Britannia. La coutume étant d'arrondir l' âge du défunt à un chiffre se terminant par 0 ou par 5, à sa mort, Argiotalus avait à peu près 30 ans. Il aurait donc été enrôlé à l' âge d'environ 20 ans, entre 18 et 21 ans comme le voulait la pratique (Le Bohec 1990, p. 65-66 et 76). Il serait donc né en Armorique entre 1 et 13, à la fin du règne d'Auguste. Les soldats pouvaient financer leur propre monument funéraire en économisant sur leur solde. Les deux dernières lignes de l'épitaphe d'Argiotalus précisent que son monument a été commandé et payé par ses héritiers, c'est-à-dire soit par ses enfants et leur mère – même s'ils ne pouvaient légalement se marier, beaucoup de militaires vivaient en concubinage – soit plus probablement par ses compagnons d'armes, qui se seraient cotisés pour ériger sa stèle comme c'était fréquemment le cas. Voisin de nécropole d'Argiotalus, le Trévire Partus a été incinéré à la charge de ses frères – ils étaient donc au moins deux – qui avaient aussi payé l'érection de son monument : c'est donc toute la fratrie de Partus qui semble s' être enrôlée en même temps, sans doute dans la même unité. Les critères typologiques, stylistiques et archéozoologiques ainsi que le contexte historique et militaire permettent de situer l'existence d'Argiotalus durant la première moitié du i er siècle, et même avant le règne de Claude. L'oblique presque rectiligne tracée par la queue, la croupe, le dos et la tête du cheval est comparable à celle que l'on observe sur le relief tibérien du cavalier Maris. Enfin, le volume allongé et cylindrique du cheval et la petite taille caractéristique des montures gauloises antérieures au milieu du i er siècle sont semblables à ceux des stèles de Cantaber et de Rufus, datées de la fin du règne de Tibère, dont la selle, les rênes et la cotte de mailles sont similaires à celles d'Argiotalus (Mayence, Esp. 5784; Boppert 1992, n° 30). On peut raisonnablement conjecturer que ce cavalier servit dans l'armée romaine dès les premiers temps de l'aile Indiana, sous le règne de Tibère, sans doute peu avant ou à l'occasion des événements de 21 qui peuvent justifier la constitution de l'aile ou l'honneur fait à son chef, d'une part, et le recrutement d'un Gaulois dans l'Ouest de la Lyonnaise, d'autre part. L'origine d'Argiotalus est cohérente avec l'épithète Gallorum officiellement conférée à l ' ala Indiana et sa carrière peut sans doute être mise en relation avec l'origine de l'unité : au vu de la datation haute proposée, antérieure au règne de Claude, il est assez probable que le Namnète a servi sous les ordres du Trévire Iulius Indus lui -même, premier préfet de l'aile, et qu'il a participé à la répression des révoltes de 21. Le Val de Loire avait précédé les Trévires et les Éduens dans le soulèvement gaulois : « Il n'y eut presque pas de cités où ne fussent semés les germes de cette révolte, mais ce furent les Andécaves [voisins des Namnètes] et les Turons [voisins des Andécaves] qui éclatèrent les premiers. Les Andécaves furent réduits par le légat Lucilius Aviola qui fit marcher une cohorte tenant garnison à Lyon. Les Turons furent défaits par un corps de légionnaires que le même Aviola reçut de Visellius Varro, gouverneur de Germanie inférieure et auxquels se joignirent des nobles gaulois. » (Tacite, Ann., III, 41, 1-3). Comme le souligne Tacite, à l'instar du Trévire Iulius Indus peu après cette révolte, des aristocrates gaulois de l'Ouest de la Lyonnaise, et peut-être des Namnètes (mais Argiotalus n'est qu'un simple cavalier), ont également combattu aux côtés de l'armée romaine pour mater la révolte des Andécaves et des Turons, prolongée dans l'Est par celle de Iulius Florus et de Iulius Sacrovir. On ne connaissait jusqu'ici aucun témoignage archéologique du soulèvement de certaines cités de l'Ouest en 21 mais, sous réserve du contrôle archéologique indispensable, il est possible que l'archéologue aérien Gilles Leroux (INRAP) ait fait, en 2006, au moins deux découvertes majeures à ce sujet : au lieu-dit Les Vordeaux, dans la périphérie de Cholet (Maine-et-Loire), il a photographié une vaste enceinte fortifiée rectangulaire d'environ deux hectares, à fossés palissadés, dotée de deux tours d'angle circulaires protégées de fossés ou de douves (?), d'une entrée unique à titulum interne et de traces d'agrandissements progressifs (fig. 3). Une enceinte similaire, très régulière, a également été repérée au sud de la Loire, à La Chapelle-Heulin (Loire-Atlantique), au lieu-dit le Moulin-des-Landes (fig. 4), et d'autres encore dans le Morbihan, l'Ille-et-Vilaine et le Maine-et-Loire voisins (comm. pers.). Ces sites évoquent l'organisation de camps d'aile ou de cohorte (celle de Lyon ?). Découvertes par archéologie aérienne, ces anomalies végétales n'ont pour l'instant fait l'objet d'aucune vérification au sol et ne sont pas datées. Malgré une typologie inhabituelle, elles pourraient encore faire partie de ces myriades d'enclos laténiens déjà identifiés, mais si l'attribution à l'armée romaine de ces installations était prochainement confirmée par la prospection au sol, des sondages ou une fouille, ces sites pourraient concerner soit l'hivernage de troupes de Crassus, de L. Titurius Sabinus ou de D. Brutus lors de la Conquête en 57-56, soit plutôt le cantonnement de troupes d'Aviola ou de celles dépêchées de Germanie Inférieure par Visellius Varro lors de la révolte de 21 (détachements des XIV e et XVI e légions de Mayence), soit encore celui d'une garnison de maintien de l'ordre ou de construction de voies stratégiques peu après cette révolte. Les fouilles du camp d'Aulnay-de-Saintonge (Charente-Maritime) – une garnison justifiée par les révoltes de 21 (Tronche 2006) – ont montré que, sous Tibère, la Gaule n'était pas « inermis » comme le prétendait Tacite sans doute par esprit de propagande (Tassaux 1984, p. 149-150, n. 73). Pour autant que l'on sache et malgré des recherches attentives, aucune agglomération préromaine n'a été trouvée à Worms : la région n'est plus habitée à partir de 70 av. J. C. car les intrusions germaniques sur la rive occidentale du Rhin y interdisent toute installation pérenne. Celles -ci provoquent finalement l'intervention de César contre Arioviste dans cette région. Le Rheinhessen, c'est-à-dire la région de Worms, à l'ouest du Rhin, n'a été réellement occupé par les Romains que sous Tibère, vers 20-30 apr. J.-C. et semble avoir été peuplé de populations loyales à Rome, installées là par les Romains (Grünewald 2006, p. 15-17). On n'y connaît pas d'agglomération civile contemporaine d'Argiotalus (fig. 5) mais il existe quelques indices ténus d'une présence romaine précoce sur le site de Worms, à la fin du règne d'Auguste et sous Tibère : ce sont, avec les stèles de militaires, quelques tessons de céramique sigillée italique, estampillés Ateius, Macca, MPV, Camus, Attius, etc. (Grünewald, 1990b, p. 673), qui ont été trouvés sur toute l'emprise actuelle de la ville, toujours sur la première terrasse du lit majeur du fleuve, une zone non inondable où une agglomération pouvait effectivement s'établir. Cette céramique « fine » à la couleur rouge vif et au brillant jusqu'ici inégalé dans ces régions est sans doute arrivée d'Italie pour les militaires, que ce soit dans leurs propres bagages, dans le train des équipages ou par des marchands. Le toponyme Borbetomagus apparaît pour la première fois dans la Géographie de Ptolémée (II, 9, 9), donc dans la première moitié du ii e siècle de notre ère. Dans l'Itinéraire d'Antonin, entre 355 et 374, on lit Borbitomago, et Borbetomagi dans la Table de Peutinger (dont la copie a précisément été retrouvée à Worms au xv e siècle !) Ce n'est que dans la Notitia Galliarum (VII, 5) que l'on trouve mentionnée la civitas Vangionum, chef-lieu de la cité des Vangions. Le nom correct de l'agglomération semble être celui indiqué sur une borne milliaire de Tongres : [Borb]itomag(us) mais rien ne permet de préciser la date d'apparitionde l'agglomération ni de son toponyme (Desjardins 1876-1893, IV, pl. VI; Ihm1897, col. 719-720). Sauf nouvelles découvertes, il faut considérer aujourd'hui que les militaires romains ont probablement bâti un ou plusieurs camps de troupes auxiliaires en rase campagne, sur un site favorable en bordure du Rhin, le fleuve étant alors, à la fois une frontière, une voie de communication et un élément défensif pour ce camp.À cette époque il n'existait pas encore de civitas Vangionum. Depuis le désastre de Varus (9 apr. J.-C.), tout le territoire situé à l'ouest du Rhin(rive gauche), était placé sous l'autorité du commandement militaire de Mogontiacum - Mayence, siège de deux légions, la XIV a Gemina et la XVI a. Comme les vexillations des légions auxquelles elles étaient rattachées, les unités auxiliaires étaient réparties en diverses garnisons. Dès l'époque augustéenne, le légat de Mogontiacum - Mayence avait placé à Worms un fortpuis un ou plusieurs camps de troupes auxiliaires comme le montrent les stèles funéraires de soldats qui y ont été trouvées. Jusqu' à la construction du limes, la rive gauche du Rhin reste du ressort du commandement militaire de Mayence; un gouverneur civil n'est apparu qu'ultérieurement. Le commandement militaire de la zone de Mogontiacum - Mayence est exceptionnel, vu le nombre de légions stationnées en Germanie : il s'agit d'un commandement supérieur exercé sur la circonscription administrative de l'armée du Rhin supérieur (exercitus superior), ayant son siège à Mayence, et sur celle de l'armée du Rhin inférieur (exercitus inferior), ayant son siège à Cologne (Decker et Selzer 1976, p. 465-466; Fischer 1999, p. 59 et 68). Après 89-90, date à laquelle les deux provinces de Germanie sont réellement créées, le gouverneur de la province de Germanie supérieure siège naturellement à Mogontiacum - Mayence; c'est un gouverneur issu du Sénat, un legatus Augusti pro praetore. Durant l'époque romaine, quatre ailes de cavalerie et quatre cohortes d'infanterie ont été partiellement ou totalement stationnées à Worms (Bernhard 1990, p. 88). – L ' ala Indiana était l'unité dans laquelle servait Argiotalus (Holder 1980, n° 381 et p. 220). – L ' ala Agrippiana = ala II Flavia Agrippiana, ainsi nommée en l'honneur d'Agrippa, le gendre d'Auguste. Son nom complet n'est connu que par le cursus honorum CIG 3497 (époque d'Antonin le Pieux ?). C'est en tout cas la même aile que l'ala Agrippiana mentionnée sur une stèle funéraire de Worms, datée de la période pré-claudienne (CIL XXIII, 6235). De cette époque daterait également l'inscription d'un sous-préfet de l'aile, originaire de Gaule Narbonnaise (CIL XII, 2231; Cichorius 1893, col. 1229). L'aile est recensée en Bretagne par un diplôme de 122, mais peut-être y est-elle arrivée avant la période flavienne (Holder 1980, n° 331 et p. 220; Holder 1982, p. 108). – L ' ala Sebosiana = ala II Gallorum Sebosiana est l'aile II des Sébosiens ou Ségusiaves, peuple de la Gaule Lyonnaise, région de Feurs (Loire). L'inscription funéraire d'un cavalier de Worms témoigne de sa présence en Germanie au i er siècle (CIL XIII, 11709 = CIRh 894). Tacite (Histoires, III, 5) la mentionne dans l'armée de Vitellius, en compagnie de trois cohortes, lors des événements de 69. On a des traces de l'unité en Bretagneinsulaireau ii e siècle, où elle a peut-être participé aux campagnes d'Agricola. Elle est ensuite attestée dans la même province en 103 par le diplôme XXXII (XXI), ainsi que par d'autres inscriptions jusqu'au iii e siècle. Au vu de son surnom de Gallorum, ses premiers membres auraient été recrutés en Gallia comata (Holder 1980, n° 442 et p. 221; Holder 1982, p. 109; Cichorius 1893, col. 1246). – L ' ala I Hispanorum : l'aile I des Espagnols est recensée à Mayence à l'époque julio-claudienne (Holder 1980, n° 494, 496 et 497. Selzer 1988, p. 71). Le musée municipal de Worms conserve la stèle funéraire de Carminius Ingenuus, signifer de l'Ala Hispanorum, probablement l'Ala I Hispanorum. Elle daterait du milieu du i er siècle (Holder 1980, n° 495; Junkelmann 1991, p. 138-139, n° 79). L'aile, sans épithète supplémentaire, est mentionnée dans une autre inscription à Worms; il s'agit très probablement de la même unité, basée en Germanie Supérieure à Mayence ou à Worms à la période julio-claudienne (Holder 1980, n° 493). – La cohors I Thracum : une cohorte de Thraces (nord de la Grèce), mais dont le surnom de Germanica dans plusieurs diplômes datés de 74, 82, 90 et 116 (diplômes XI, XIV, XXI et XL) montre qu'elle a séjourné longtemps en Germanie (avec un recrutement local ?). On ne sait si c'est cette cohorte ou une autre du même nom qui participa à la campagne de Caecina contre les Helvètes en 69. On possède également l'épitaphe d'un préfet de la cohorte à Worms (CIL XIII, 6213= CIRh 897), entre 69 et 100. Ensuite, elle serait partie sur le Danube, lors des campagnes contre les Daces vers 100 ou 101, probablement en compagnie de la legio I Adiutrix (Holder 1980, p. 228 [cohors I Thracum C (ivium) R (omanorum) eq (uitata)]; Cichorius 1893, col. 335-337). – La cohors VII Breucorum = cohors VII Breucorum c. R. equitata : Cette cohorte des Breuques (Pannonie, Hongrie) est une cohorte montée composée, principalement (car il y a des exceptions) de citoyens romains (c(ivium) R(omanorum). Son stationnement à Worms semble tardif. Des diplômes précisent qu'elle était en Pannonie en 85, puis en Pannonie inférieure en 167. L'inscription mentionnant un préfet de la cohorte à Worms n'est pas datée (CIL XIII, 6213 = CIRh 897); Holder 1980, p. 225). L'unité est également stationnée à Mayence durant la même période (Holder 1980, n° 1241; Cichorius 1900, col. 259-260). – La cohors Raetorum et Vindelicorum : la cohorte des Rhètes et des Vindéliciens (région d'Augsbourg, Bavière) n'est mentionnée qu'au i er siècle et en Germanie Supérieure par des stèles funéraires de soldats, l'une à Mayence (CIL XIII, 7048) et l'autre à Worms (CIL XIII, 6240, Veiagenus). Il s'agit peut-être de la cohors Raetorum mentionnée par des stèles funéraires de soldats à Mayence (CIRh 1236) et à Worms (CIRh 895), et elle aurait participé à la campagne de Germanicus contre Idistavisus (Tacite, Ann., III, 17 : « Raetorum Vindelicorumque et Gallicae cohortes » : Holder 1980, p. 233; également n° 2032 et 2033 pour sa présence à Mayence; Cichorius 1900, col. 328). On remarquera la fréquence des mentions d ' auxilia à la fois à Mayence et à Worms, ce qui tend à confirmer les hypothèses suivantes : – la complémentarité évidente de Mayence et de Worms dans le dispositif militaire du Rhin supérieur : Mayence était le siège central d'une puissante garnison légionnaire et le lieu de rattachement des auxilia associés; à Worms et en d'autres points de stationnement sur le Rhin, des forts secondaires étaient défendus par les auxilia; – les auxilia, ailes et cohortes, étaient soit envoyés par unités entières pour une période donnée à Worms, soit stationnés à Worms sous forme de détachements, ce qui expliquerait les mentions de ces unités dans les deux cantonnements, Worms et Mayence. Le monument d'Argiotalus apporte deux noms de Namnètes, ce peuple gaulois établi principalement sur la rive nord de la Loire et de son estuaire. Latinisé, son nom gaulois Argio-talos signifierait « front blanc », « front de neige », « front brillant » ou « front lumineux » (Fleuriot 1978, p. 25; Delamarre 2003, p. 31, 54 et 288). Il est seul à porter ce cognomen, d'après les indices du CIL et la base de données de l ' AE, et on ne connaît pas d'autre nom de personne construit sur la même racine. Le nom de son père, Smertulitanos, qui signifierait « qui prévoit large », « à la large attention » ou « à la vaste sollicitude » (Fleuriot 1978, p. 25; Delamarre 2003, p. 277 et 438) est unique lui aussi, mais sa racine smero - ou smerto -, qui signifierait « prévoyant », « qui prend soin de », « pourvoyeur », est associée à l'onomastique divine de Smertrius/Smertrios ou Smertulus, l'Hercule celtique du pilier des Nautes de Paris (CIL XIII, 3026; Esp. 3133; Hatt 2005, p. 35 et 60), naturellement utilisée pour de nombreux noms de personne (Smertae, Smertatius, Smertomara, Smertorix, Smertullus, Smertus : Delamarre 2003, p. 277); Smertuccus, chez les Frisons, à Vechten (près d'Utrecht, Pays-Bas : CIL XIII, 8822); Sme(rtullus ?) chez les Mandubiens d'Alésia (CIL XIII, 2876); Smertucus(estampille SMERTV du potier Smertucussur céramique sigillée moulée, à Reims : CIL XIII, 10 010, 1823; Keune 1927, col. 713); Smerca chez les Éduens d'Autun (CIL XIII, 2741) et Smerius à Vienne (Rémy 2005, 665b). On note également à Mayence une Iulia Smertuca (CIL XIII, 8822). Que savons -nous d'Argiotalus, fils de Smertulitanus, ce Gaulois originaire de la région nantaise ? Sa stèle nous apprend qu'il s'est enrôlé (ou a été recruté) dans un corps d'auxiliaires étrangers de l'armée romaine et comme simple cavalier (eques) car, pérégrin, il ne possède qu'un nom unique. La stèle de Worms est l'un des cinq documents connus relatifs aux Namnètes, un peuple de la Gaule chevelue dont Auguste dut, vers 27-13 av. J.-C. confirmer le territoire dans le cadre administratif de la civitas Namnetum, la cité des Namnètes, appartenant à la province de Lyonnaise (Deschamps 1992, p. 112-113; Santrot 2008, p. 63-69). L'épitaphe d'Argiotalus est la plus ancienne preuve archéologique de l'existence des Namnètes. À la 3 e ligne, la graphie Namnis pour Namnetis pourrait être due à la méconnaissance de l'origine du défunt par les héritiers commanditaires du monument ou bien à l'interprétation fautive du lapicide chargé de graver l'épitaphe. Il ne faut pas écarter la possibilité d'un défaut dialectal ou de prononciation : les fautes sont courantes sur les stèles de militaires car le latin des auxiliaires, comme celui des lapicides, est souvent approximatif ou populaire. Étrangers et barbares par nature, au sens premier du terme, comme Argiotalus, les auxiliaires maîtrisaient assez mal le latin, tout comme certains de nos modernes légionnaires leur français d'adoption. Mais une autre hypothèse est plausible : Namnis serait le nom celtique du peuple tandis que Namnetis, l'orthographe correcte attendue, serait l'appellation latinisée de son territoire : « chez les Namnètes ». Assez puissants pour frapper monnaie (Aubin 1987, p. 17-31; Aubin etBarrandon 1994, p. 205-227), ce peuple installé sur le cours inférieur de la Loire n'est mentionné qu'une seule fois par César, vers 50 av. J.-C. (BG, III, 9, 9-10, p. 154-155) puis, sous le vocable de Samnites, par Strabon citant Posidonios, un contemporain de César, vers 18 après J.-C., puis par Pline l'Ancien, vers 70 (NH, IV, 107). Sur les occurrences littéraires des références aux Namnètes, voir Cancik 2000, Der Neue Pauly, col. 701. Premier témoignage épigraphique de la cité des Namnètes, la stèle d'Argiotalus, fils de Smertulitanus, donne le nom des deux plus anciens habitants connus de la région nantaise, à une époque de « romanisation » active des Gaules mais où des révoltes « nationales », à causes principalement économiques, persistaient. Elle montre comment un Gaulois, dont le peuple avait été soumis par César, a pu intégrer l'armée romaine par le biais des auxilia, en tant que volontaire ou bien comme contingent livré en « tribut » par la cité sujette des Namnètes on ne sait, mais avec possibilité, au terme d'un long et périlleux service militaire, de prétendre à la citoyenneté romaine. Cela répondait aux besoins de l'armée romaine : les cavaliers gaulois et germains lui apportaient un savoir-faire précieux dans les combats… contre les Germains . | Un moulage de la stèle figurée d'Argiotalus, fils de Smertulitanus, Namnète, cavalier de l'ala Indiana Gallorum, mort à Worms sous Tibère, est entré au musée départemental Dobrée, à Nantes. La relecture du monument funéraire du plus ancien Namnète connu est l'occasion de le situer parmi les stèles de cavaliers auxiliaires de Worms et de Mayence, dans le contexte historique et militaire d'une Gaule en voie de romanisation, mais encore agitée de révoltes comme celle, en 21, des Andes et des Turons, puis du Trévire Iulius Florus et de l'Éduen Iulius Sacrovir. | archeologie_10-0139967_tei_163.xml |
termith-136-archeologie | Au début des années 1980, nous avons pu vérifier, avec J. Flenniken, que les industries lithiques de la fameuse région archéologique de Lagoa Santa avaient été produites sur enclume. À partir de ce moment, nous avons procédé à de nombreuses expériences qui ont contribué à vérifier les caractéristiques des restes de débitage (Prous et Alonso 1986) – jusque là souvent mal comprises par les chercheurs (p. ex. : Kobayashi 1975 et Miller 1975 et 1979); surtout, nous avons pu montrer les particularités des instruments de taille - percuteurs et enclumes - qui avaient été jusqu'alors délaissés (Moura et Prous 1989). Par la suite, nous avons été amenés à identifier l'utilisation du débitage sur enclume dans d'autres industries du Brésil, ainsi que d'Uruguay, d'Amérique centrale, d'Australie, d'Italie et d'Espagne. L'utilisation de l'enclume pour la fabrication d'outils ne se limite d'ailleurs pas au travail de la pierre et nous l'avons observée et reproduite expérimentalement pour le travail des coquilles au Brésil. L'emploi d'enclumes de pierre brute est traditionnel au Brésil, où l'on trouve encore dans les fermes, au pied des palmiers, des blocs de pierre destinés au bris des noix de palme natives (beaucoup plus petites que les noix de coco d'origine africaine consommées en France). Le couple enclume-percuteur pour casser les noix, mentionné au début du XIX e siècle par le naturaliste J. M. Rugendas (1835) comme un instrument omniprésent dans les habitations indigènes, pourrait même être antérieur à l'arrivée de l'Homme sur le continent américain. En effet, nous avions observé, en 1971, des singes du genre Cebus cassant des noix entre deux pierres dans le Jardin zoologique de Rio de Janeiro. Nous nous demandions si cela ne serait pas une conduite influencée par la proximité des traiteurs; mais notre collègue E. Fogaça (communication personnelle, faite il y a une dizaine d'années) recueillit auprès de paysans de l'état de Goiás une information selon laquelle des singes à l´état sauvage procèderaient de même aux alentours des fermes isolées. Quoi qu'il en soit, les enclumes sont extrêmement nombreuses dans les sites archéologiques du Brésil, où elles étaient traditionnellement identifiées comme des casse-noix (quebra cocos). Passer du bris des noix à celui des pierres est une opération très simple qui put se réaliser il y a fort longtemps. Lors d'une présentation de nos recherches, faite au laboratoire du CNRS « Préhistoire et Technologie » à Meudon en 1985, Hélène Roche nous montra des éclats et fragments en provenance d' Éthiopie, associés à des sites du Paléolithique archaïque; ils avaient évidemment été produits sur enclume et nous sommes persuadés que cette technique dut être découverte par les hominidés dès l'aurore de la taille de la pierre, peut-être même avant la percussion à main libre. Traditionnellement dédaigné, trop souvent ignoré par les chercheurs, nous croyons que le débitage sur enclume fut un des modes de travail les plus répandus au cours de toute la préhistoire dans une bonne partie du monde. Non par faute de connaissance d'autres techniques ou lorsqu'on ne disposait pas de matières premières de qualité suffisante pour contrôler la taille, mais surtout parce qu'il s'agit d'une technique extrêmement efficace et qui permet d'obtenir facilement presque tous les types de tranchants et parties actives désirables. Nous présenterons d'abord l'extension des territoires brésiliens dans lesquels les industries lithiques privilégient le débitage sur enclume et expliquerons les raisons de ce choix. Ensuite, nous montrerons les formes reconnues dans les collections, leur mode d'obtention – à partir de nos expériences – et les difficultés pour identifier l'origine de certains éclats. Nous verrons ensuite les différences que présentent les produits du travail sur enclume en fonction des matières premières travaillées et des objectifs des tailleurs. Une partie spéciale exposera nos premières expériences en vue de tester la fonction ou l'origine de certaines pièces esquillées. Finalement, nous montrerons la différence entre les stigmates laissés sur le couple enclume-percuteur par le débitage de la pierre ou des pointes et ceux qui proviennent du bris de produits végétaux. Notons que, dorénavant, nous désignerons par l'expression « taille bipolaire » (déjà utilisée par Breuil et Lantier 1951) ce que les chercheurs formés par J. Tixier appellent « taille sur enclume ». Le premier ensemble régional correspond à une bonne partie de l' État de Minas Gerais (Brésil central) - premier producteur mondial de cristal de quartz monocristallin. Dans les régions cristallines, le silex est souvent absent et le quartz est la meilleure roche disponible qui permette de créer des pointes ou des tranchants très aigus et ne s'émoussant pas trop rapidement. Les outils qui exigent un tranchant plus robuste sont faits sur des plaquettes de quartzite (Serra do Cipó, près de Lagoa Santa). Le quartz, seul, est travaillé sur enclume. L'outillage lié au débitage sur enclume comporte, outre le quartz comme matière à débiter, des percuteurs et des enclumes en roches ultra basiques (Lagoa Santa), en tillites (Serra do Cipó) ou en granite (vallée du Rio Doce). Le second ensemble correspond au littoral central et méridional du Brésil, à la vallée du rio Doce ainsi qu' à la côte nord de l'Uruguay. Cette région côtière offre des filons de quartz intrusifs dans les roches cristallines et des dykes de basalte et de diabase; au sud, les druses d'agate sont nombreuses dans les coulées basaltiques. Bien que les basaltes se taillent – assez mal, à vrai dire – ce sont les quartz et les agates qui fournissent généralement les tranchants aigus et les pointes de projectile, presque exclusivement à partir d'un travail bipolaire. Dans le Pantanal du Mato Grosso du sud, la taille semble avoir été exclusivement sur enclume et a été appliquée aux matériaux les plus divers : au quartz, bien sûr, mais aussi aux quartzites, à la calcédoine, à l'hématite compacte et même aux schistes, au calcaire et aux siltites (Schmitz et al. 1998). Partout ailleurs à l'intérieur des terres, là où abondent les silex et les quartzites d'excellente qualité (dits « grès silicifiés » dans la nomenclature américaine) on trouve des industries taillées essentiellement à main libre. On constate cependant par endroits l'utilisation épisodique de la taille sur enclume, dans les mêmes ensembles industriels dominés par la percussion directe (cours moyen du Rio São Francisco, par exemple). Ce sont alors aussi bien des objets de quartz (minoritaire) que de silex ou de quartzite. En Amazonie, les industries lithiques sont encore très peu étudiées mais S. Rostain (1994) a pu vérifier l'existence de la taille bipolaire sur enclume sur les quartz de Guyane, tandis que nous l'avons identifiée sur les quartzites de la région de Manaus étudiés par F. Costa. Signalons enfin que les indiennes Baniwa du haut Rio Negro concassent encore la pierre pour obtenir des dents de racloir à manioc. On voit donc que les industries sur quartz – cristallin ou de filon – ou sur agate sont particulièrement liées au débitage sur enclume, à toutes les époques de la préhistoire locale, alors que cette technique n'a été utilisée qu'occasionnellement pour le silex, le quartzite, voire pour des roches tenaces. V. Mourre (1996) a écrit que la percussion sur enclume permet « d'obtenir des séries d'éclats fonctionnels de formes [statistiquement] prévisibles » (le mot « statistiquement » est de nous), à partir de blocs défavorables en raison de leur matière première (quartz), de la forme des blocs (galets ovoïdes, blocs massifs ne présentant pas d'angles pour l'attaque) ou de leurs faibles dimensions. Outre le fait qu'elle est extrêmement efficace, elle a l'avantage d' être très facile à appliquer. Il ne s'agit pourtant pas toujours d'un pis-aller, mais parfois d'un choix volontaire pour obtenir quelques-unes des formes spécifiques produites par cette technique. On voit en effet de très bons silex, voire des obsidiennes (nous l'avons identifiée pour la première fois dans le Panamá dans cette matière, sur une série où elle était la technique dominante) et des andésites débités de cette façon. Bien des blocs de forme massive fendus initialement sur enclume pourraient être exploités ensuite à main libre, mais continuent à être travaillés par percussion bipolaire, même dans des groupes qui connaissent la percussion libre. Par ailleurs, la percussion sur enclume permet d'exploiter des blocs ou des galets de dimensions très restreintes (moins de 2 cm), puisque la limite est seulement l'épaisseur des doigts qui les maintiennent (fig. 3). De plus, les éclats pouvant traverser toute la pièce nucléiforme et ce, sans risquer un phénomène d'outrepassage, on peut exploiter au maximum la dimension du bloc travaillé. Finalement, l'absence de bulbe ou de contrebulbe sur la presque totalité des produits permet d'obtenir des éclats très minces et de profil rectiligne, particulièrement adaptés à l'emmanchement. En effet, l'extraction des éclats se fait beaucoup plus par fracture plane que selon un système d'ondes hertziennes; cela fait que la fracture est rarement conchoïdale, même sur les roches fragiles et que cette technique est applicable aux roches tenaces. Cette caractéristique explique pourquoi beaucoup de chercheurs ne savent pas « voir » les produits de cette forme de débitage qui ne présentent souvent aucun des caractères classiques décrits par les préhistoriens depuis le XIX e siècle (talon, bulbe, voire ondes). Ce ne sont pas seulement ces particularités des éclats et des pièces de rebut (lesquelles ne ressemblent pas non plus à des nucléus classiques puisqu'elles ne présentent pas de plan de frappe) qui rendent cette méthode incompréhensible pour qui est habitué aux industries de débitage à main libre (unipolaire dans son acception originale) : la procédure mentale est inverse. Dans le cas du débitage unipolaire, on a la démarche présentée à la figure 4. Dans le cas du débitage bipolaire, on a la démarche présentée à la figure 5. L'objet à débiter est placé sur une enclume à surface plane (fig. 6, 7, 8); il est maintenu verticalement, entre le pouce et l'index et disposé de manière à présenter au choc une arête ou un point, jamais une surface. On le frappe avec un percuteur lourd, souvent légèrement aplati; le percuteur attaque perpendiculairement à l'enclume, frappant par une de ses faces (pour permettre de frapper avec le maximum de force et sans risquer d'abîmer la main qui tient le bloc). Quelques coups légers permettent d'abord d' « asseoir » l'objet par le retrait de petites esquilles qui régularisent sa base, puis des coups violents permettent de le fendre; chaque partie détachée devient un nouveau bloc à débiter. Il n'y a donc pas de différence réelle entre nucléus et éclats, mais entre ce que nous avons appelé des pièces nucléiformes (qui peuvent encore être débitées) et des produits plus minces – que nous appelons éclats bipolaires (fig. 9 et annexe). La différence n'est pas dans la présence d'une face interne (avec bulbe) opposée à une face externe (qui déterminerait les éclats) ou d'un bloc avec des contrebulbes (identifiant un nucléus). En effet, hormis les parties externes corticales, tous les produits (nucléiformes inclus) sont délimités par deux, trois ou quatre faces d'éclatement, d'où les bulbes sont généralement absents (il y a normalement fracture de ce qui serait la partie bulbaire dans un éclat bipolaire); quant aux extrémités distale et proximale, ce sont des « talons » linéaires et/ou punctiformes écrasés. Dans le cas du quartz, la partie de la pièce nucléiforme frappée par le percuteur est souvent punctiforme (partie proximale conique), alors que la base posée sur l'enclume est plus fréquemment linéaire (droite ou virgulée). De nombreux produits sont biconiques avec deux talons punctiformes (surtout les pièces nucléiformes en fin de débitage) et d'autres sont plus ou moins rectangulaires (particulièrement dans le cas des roches plus résistantes comme le silex), étroits et présentent deux longs « talons » linéaires opposés : ce sont les objets que la bibliographie appelle « pièces esquillées ». En conséquence, le percuteur garde généralement des marques profondes, surtout punctiformes, alors que les stigmates laissés sur l'enclume sont plus souvent virgulés et plus ras. Certains produits de débitage traversent tout le nucléiforme, car le débitage sur enclume permet d'obtenir facilement des éclats aussi longs que le bloc à débiter; ils présentent donc un double talon écrasé. Les produits qui n'ont pas traversé – particulièrement ceux qui ont été détachés par des coups légèrement obliques par rapport à l'axe de la pièce à débiter – peuvent présenter un talon (unique) linéaire ou punctiforme sans marque d'écrasement très visible et être parfois confondus avec des éclats de débitage unipolaire. C'est aussi le cas des esquilles et des éclats qui sortent latéralement au moment de la stabilisation. Il faut donc être prudent quand on a affaire à des industries utilisant la technique bipolaire, réservant une catégorie spéciale pour les pièces dont l'origine de débitage est « douteuse ». Si cette technique est appliquée au quartz, les déchets peuvent être très nombreux, surtout quand on a peu d'expérience (jusqu' à 30 % de poudre et micro débris polyédriques, lors de nos premiers essais) ou quand la matière est très saccharoïde. On apprend vite à diminuer le gâchis en « sentant » (par les doigts) et « écoutant » (par l'oreille) le bloc, en le tenant bien ferme, en le comprimant avec les doigts pour diriger les ondes de choc et en dosant la force de percussion. Le silex produit moins de poudre et plus de nucléiformes rectangulaires que le quartz; cette matière, pour sa part, laisse surtout des pièces nucléiformes biconiques fusiformes. On arrive finalement à être assez conscient des produits qui vont sortir; il est possible d'obtenir assez facilement des produits laminaires ou lamellaires (surtout en utilisant les angles qui délimitent les facettes des cristaux de quartz) ce qui peut suggérer à l'archéologue l'existence de débitage lamellaire classique dans des industries de quartz; nous l'avons remarqué aussi bien en Galice que dans le Brésil central (fig. 10); l'examen des photographies des lamelles de quartz de Zitny (Moravie) publiées par Jelinek (1976) nous suggère qu'il s'agit bien de produits « bipolaires ». Nous verrons que l'on peut obtenir aussi des éclats initiaux de forme déterminée sur des galets ovoïdes. De toute façon, le contrôle est en général très relatif et la technique bipolaire revient surtout à produire un grand nombre de fragments, parmi lesquels on trie ceux qui présentent les caractéristiques désirées (éclats et/ou nucléiformes). En effet, les amas de débitage bipolaire offrent toute la gamme désirable de tranchants bruts plus ou moins aigus ou robustes, de dos naturel, voire d'extrémités pointues directement utilisables comme perçoirs. Dans le centre de Minas Gerais, des cristaux ont été aussi fracturés couchés sur l'enclume; cela provoque une fracture en étoile (fig. 11) (ou « en aile de papillon » selon l'expression de J. Pelegrin) qui génère quatre fragments de forme typique. Pour différencier, sur les dessins, les pièces débitées sur enclume, nous avons adopté un symbole spécial, placé au-dessus du talon écrasé des éclats ou de la ligne d'attaque des pièces nucléiformes, et qui évoque la multiplicité des coups reçus (fig. 12 b). Selon que l'on veut fendre une pièce épaisse (galet, bloc ou ancien nucléus), débiter des lames latérales ou des éclats longitudinaux, façonner une pièce bifaciale ou retoucher un tranchant, la position relative de l'enclume et de la masse travaillée varie, ainsi que le geste du tailleur et l'angle de percussion : pour fendre (recherche d'une fracture « en split ») : la masse à débiter est placée (verticalement ou horizontalement) sur une surface plane de l'enclume, la percussion – violente – est portée verticalement avec une surface plane ou peu convexe du percuteur; pour obtenir un éclat initial ovale à partir d'un galet, on l'inclinera très légèrement et la percussion doit être plus modérée; pour tenter d'obtenir un produit laminaire latéral à partir d'une pièce nucléiforme rectangulaire, la position relative de l'enclume et du support est la même mais le coup est porté obliquement, pour frapper un dièdre latéral et non l'ensemble de la ligne écrasée du talon; pour favoriser l'obtention de produits laminaires longitudinaux minces le long d'un monocristal, il faut avoir retiré la couronne, puis placer le prisme légèrement en oblique et frapper au sommet d'une des arêtes naturelles formées par la rencontre des facettes du cristal. Si le prisme est placé verticalement, on peut obtenir un produit beaucoup plus épais (fig. 13). La technique de taille sur enclume n'est pas réservée au débitage : elle s'applique aussi au façonnage. Nous avons identifié et reproduit la fabrication de préformes de lames de hache par taille bifaciale sur enclume, à partir de blocs, gros éclats et de galets de grès silicifiés dans les sites de la région de Manaus (Costa 2003) et le nord du Maranhão (collections réunies par l'équipe de S. Caldarelli); l'objet est alors appuyé sur l'enclume, mais légèrement incliné, (fig. 14) le coup aussi est porté obliquement, pour éviter de fendre la pièce. Les éclats qui sortent ont alors un tranchant linéaire écrasé (typiquement bipolaire) mais la face interne ressemble à celle d'un éclat unipolaire. Il s'agit alors d'une technique intermédiaire entre la taille à main libre et la taille sur enclume, que l'on pourrait appeler « taille appuyée sur enclume ». Nous n'insisterons pas sur la retouche dite « écrasée », très efficace pour la création de certains bords abattus. Elle est souvent obtenue par percussion sur une enclume; la partie à abattre est alors appuyée sur un bord dièdre de l'enclume et non pas sur une face d'appui. La même position est utilisée quand on veut fractionner une lame pour produire des microlithes. Le percuteur est alors beaucoup plus petit que dans les cas précédents et le geste limité à un mouvement du poignet; en effet, ce qui importe n'est plus la puissance du choc mais la précision de l'impact. Les risques de cassures sont importants; J. Pelegrin (communication personnelle) les réduit en utilisant une enclume en bois. D'autres types de travail sur enclume sont théoriquement possibles et nous avons vu J. Tixier s'amuser à retirer des chutes de burin d'angle sur enclume, percutant la pièce au milieu du tranchant, le contrecoup sur l'enclume faisant filer l'éclat. .. Mais d'une manière générale, la retouche à main libre est plus simple et permet de mieux contrôler le résultat, encore que la retouche de bord appuyée sur enclume puisse être utile quand on travaille des roches relativement tenaces comme le basalte. Les produits du débitage bipolaire sont rarement façonnés ou retouchés car, comme nous l'avons dit plus haut, cette technique de débitage produit facilement tous les types de tranchants désirables : très aigus (les éclats minces), semi-aigus ou abrupts (particulièrement les pièces nucléiformes), abrupts (la fréquence des fractures de type Siret est grande, particulièrement quand on travaille le quartz), permettant de couper, racler, gratter ou de disposer de dos naturels. Les esquilles en formes d'aiguille fournissent d'excellents perçoirs, alors que les bâtonnets ont des fils et des coins semblables aux burins (fig. 15). Il apparaît donc que les producteurs des industries « traditionnelles » d'Europe, du Moyen-Orient et d'une bonne partie de l'Afrique qui travaillent en « mode unipolaire » investissent dans la retouche pour une raison d'esthétique traditionnelle et non parce que cela permettrait une plus grande efficacité technique ou fonctionnelle. Nous n'avons jamais produit d'éclats avec un bulbe à chaque extrémité de la même face, au contraire de ce que mentionne Kobayashi (1975). Pour obtenir un tel éclat, il faut percuter un plan de frappe sans détacher l'éclat, retourner le nucléus et frapper à l'opposé; avec beaucoup de chance, il sortira un éclat à deux bulbes symétriques (cela nous est arrivé une seule fois, accidentellement), obtenu par taille à main libre. Quant à l'éclat à « bulbe interne mésial » observé et décrit par T. Miller (1975), produit lors du débitage d'un bloc sur enclume par un Indien Xeta du Paraná (Brésil) et qu'il a cru caractéristique du débitage bipolaire, nous avons pu vérifier qu'il s'agissait d'un éclat thermique « virtuel » en formation, effectivement détaché lors du travail sur enclume : le centre de l'éclat est la partie la plus épaisse et présente un petit renflement qui a été confondu avec un bulbe par ce chercheur. Certains auteurs peu habitués aux industries de quartz ont cru reconnaître des grattoirs retouchés alors qu'ils observaient des éclats à talon écrasé ou des pièces nucléiformes à extrémité écrasée (Hurt 1960; Hurt et Blasi 1969, dans les industries brésiliennes de Lagoa Santa). Les petits éclats courts qui sortent des parties percutées (« talons » bipolaires caractéristiques) peuvent en effet être confondus avec des fronts retouchés par un observateur non averti. De notre côté, dans un article préliminaire sur l'archéologie de Santana do Riacho (Prous 1981) nous avions interprété certaines pièces nucléiformes (fig. 16) comme de vrais nucléus à lamelles, avant de vérifier que le retrait non contrôlé d'enlèvements lamellaires était un phénomène spontané assez fréquent. Des éclats et des lames d'apparence « unipolaire » peuvent provenir de coups portés latéralement sur les pièces nucléiformes. Nous avons obtenu expérimentalement de telles lames courbes sur quartz au Brésil (fig. 10), et une étudiante en a produit une très belle en silex lors du cours que nous avons donné en Galice en 2003. On peut normalement les reconnaître, soit que leur face supérieure présente des stigmates perpendiculaires à l'axe de débitage les faisant ressembler à des lames à crête (si le support a été retourné de 90°), soit que leur talon porte des stigmates d'écrasement. J. Flenniken (1981) a cru pendant un temps que le débitage bipolaire provoquait des ondes extrêmement prononcées; les expériences que nous avons faites avec lui en 1984 sur du quartz (hyalin ou non) et sur certaines silexites ont montré qu'il n'en est rien. Bien que quelques pièces de quartz montrent effectivement de tels stigmates, il s'agit d'exceptions, surtout rencontrées sur les petits éclats de stabilisation (ou à l'emplacement de leurs négatifs, sur les pièces nucléiformes), bien que nous l'ayons parfois observé lors du débitage de cristaux (fig. 13); en fait, c'est l'absence d'ondes, sur une face souvent très plane, qui caractérise le mieux les grands éclats extraits sur enclume. Finalement, on ne doit pas oublier que des pièces esquillées peuvent se former spontanément par concassage dans les endroits riches en débris de quartz (action des machines travaillant dans les gravières, par exemple). Lagoa Santa/ Serra do Cipó/Serra do Espinhaço Bien qu'il existe dans cette région des cristaux de très grandes dimensions (jusqu' à près d'un mètre de hauteur !), les outils de quartz étaient surtout produits à partir de cristaux de taille modeste. Au début de l'Holocène, les éclats provenant de la couronne des cristaux étaient souvent détachés par percussion à main libre et servaient de support à des grattoirs très soignés de deux à trois centimètres de longueur (fig. 12). Le débitage continuait ensuite sur enclume, permettant éventuellement d'obtenir des enlèvements laminaires le long des arêtes et surtout, des éclats. Dans le cas de très grands cristaux très hyalins, la taille sur enclume et celle à main libre alternent parfois : unipolaire à partir de plans cristallins, bipolaire quand on ne disposait pas de surface cristalline inclinée. D'une manière générale cependant, la taille bipolaire semble avoir été responsable de la plupart des éclats et les nucléus sont très rares par rapport aux pièces nucléiformes. Vallée du Rio Doce Dans les sites tupiguarani du Rio Doce, la taille fut pratiquée presque exclusivement sur des blocs de quartz polycristallins de taille décimétrique et non sur des monocristaux. Ce quartz polycristallin présente de nombreuses fractures parallèles entre elles, qui résultent des pressions reçues par le quartz pris entre des blocs de roche magmatique encaissante progressant selon des mouvements de translation. En conséquence, les tentatives d'extraction d'éclats par percussion libre provoquent souvent des cassures mésiales au niveau des plans de fracture, que la percussion bipolaire permet d'éviter car les plans de partition traversent alors les cristaux et franchissent les discontinuités virtuelles. Les éclats bipolaires du Rio Doce présentent donc des dimensions moyennes bien supérieures à celles de Santana, et nombreux sont ceux qui atteignent entre cinq et sept centimètres de longueur (fig. 17). Aucune de ces pièces ne montre la moindre retouche. Notons que les éclats à apparence unipolaire ou d'identification douteuse sont assez nombreux dans ces sites, alors qu'on ne trouve pratiquement aucun nucléus, mais de nombreuses pièces nucléiformes – certaines encore de grandes dimensions (12 cm dans le site Florestal 2). Il semble donc que la part de la technologie bipolaire puisse être sous-estimée dans certaines collections au simple vu des éclats. Vallée du Peruaçu et du Moyen São Francisco Nous avons remarqué la présence de quelques ensembles de silex travaillés par débitage bipolaire dans un abri et dans le site tupiguarani de Vargem Grande (fig. 17) mais cette technique a été particulièrement appliquée dans le seul gisement où la présence du quartz est importante (Russinhos). Monte Alegre de Minas En étudiant le matériel recueilli dans l'atelier de fabrication de lames de haches polies en roche basique de Monte Alegre (ouest de Minas Gerais), nous avons trouvé des éclats d'amincissement très plats que nous avons reproduit avec plusieurs techniques; en particulier, nous avons montré que la ténacité de certaines roches vertes - tels les gabbros - permet de les façonner sur enclume sans que le talon (souvent punctiforme) montre de traces d'écrasement (fig. 18). On trouve des débitages classiques de galets le long du rio São Francisco : tranches de saucisson et quartiers d'orange en quartzite à Buritizeiro (Minas Gerais) et de jaspe dans les dunes d'Itaparica (état de Bahia). Mais des formes particulières ont été recherchées dans certaines industries de l'état de Goias, où les préhistoriques du début de l'Holocène ont cherché à obtenir sur enclume de grands éclats initiaux ovales retirés de galets de quartzite à faible courbure (fig. 19). Certains d'entre eux ont été produits sur enclume en évitant de frapper trop fort et verticalement - ce qui fendrait le galet, provoquant la formation d'un hémilite (selon la nomenclature de Van Riet Lowe, cité par Brézillon 1977; cf. fig. 3). L'éclat, entièrement cortical, subit ensuite un façonnage inverse. L'objectif était d'obtenir un outil plan-convexe uniface, dont la face interne seule était retouchée, alors que la partie corticale lisse, laissée intacte, servait de face plane – comme le serait la face interne d'un éclat épais transformé en rabot. On retrouve dans les mêmes séries quelques seconds éclats (en « tranche de pain ») obtenus de la même manière, immédiatement après le retrait de l'éclat initial. Nous avons observé que si le débitage du quartz sur enclume produit un grand nombre de pièces nucléiformes biconiques, celui du silex crée surtout des formes rectangulaires aplaties (les typiques « pièces esquillées »). Alors que nous étudiions le traitement sur enclume des agates par les groupes tupiguarani de Santa Catarina, le géologue Joël Quémeneur nous a montré que les tailleurs percutaient les pièces dans le sens des fibres de calcédoine pour obtenir des produits allongés – en majorité, des aiguilles (fig. 20), mais aussi des pièces nucléiformes rectangulaires extrêmement plates et étroites (fig. 21) qui correspondent en fait à des tronçons de section quadrangulaire provenant du fractionnement longitudinal spontané des éclats selon un processus de type Siret multiple, selon des plans parallèles. Façonnage des préformes de hache L'industrie de pierre amazonienne est encore presque totalement inconnue mais nous avons pu avoir accès aux premières collections recueillies au cours de ces trois dernières années par l'équipe de Scientia dans le Maranhão et par celle de l'Université de São Paulo près de Manaus. Nous avons alors vérifié que, dans ces deux régions, des préformes de hache en quartzite avaient été façonnées sur enclume (fig. 22, 23). Il s'agit de bifaces épais, que nous avons pu reproduire expérimentalement à partir de blocs de quartzites ramassés près de Manaus. Pour éviter que les pièces ne se fendent sur toute leur largeur, nous avons incliné les préformes, réalisant une percussion « oblique appuyée sur enclume » et non la percussion verticale, propre au débitage bipolaire. Les arêtes présentent un écrasement typique qui ressemble aux stigmates d'un bouchardage, et les éclats de façonnage restent suffisamment marginaux pour ne pas diminuer l'épaisseur et la résistance de l'objet. Nous avons ensuite vérifié que les époux Pétrequin avaient également observé une technique de façonnage sur enclume semblable dans l'Irian Jaya (Pétrequin et Pétrequin 1993). Production des dents de racloir à manioc Banìwa Les indiens Baniwa de haute Amazonie fabriquent (et vendent aux communautés qui vivent tout au long des affluents du Rio Negro) des râpes à manioc formées par une planche de bois tendre (fig.24, 25) dans laquelle sont plantés des petits éléments aigus de quartzite ou de gneiss (selon l'ethnologue B. Ribeiro), de diabase selon l'identification pétrographique faite sur notre exemplaire ethnographique par le géologue J. Quémeneur. D'après Reichel-Dolmatoff (1997), les Desana de Colombie utiliseraient des dents en quartz pour ce même usage. Nous avons parlé – avec difficulté, car ils ne connaissent guère le portugais – avec des hommes Baniwa pour savoir comment étaient fabriquées ces dents, mais ils répondirent tous que c'était un travail féminin et qu'ils ne savaient rien à ce sujet. Les Wai Wai de la Guyane brésilienne fabriquent également des râpes à dents de pierre (fig. 26). La morphologie et la faible dimension de ces pointes nous ont suggéré qu'elles ne pourraient être obtenues que par percussion bipolaire. Nous avons effectivement pu reproduire facilement ces mêmes formes par une percussion sur enclume de pierre (fig. 27). Les expériences faites par l'un de nous (F. A.) sur quartz, silex, agate, diabase, quartzite et gneiss ont montré que toutes ces matières fournissaient par concassage sur enclume des fragments utilisables, éventuellement après un égrisage effectué par raclage sur enclume, surtout nécessaire pour le quartz, destiné à renforcer la pointe active. Ils sont ensuite disposés en quinconce et insérés dans des encoches (ouvertes avec un ciseau en os lors de nos expériences). J. Flenniken pensait que les pièces esquillées pourraient se former par utilisation d'un éclat robuste comme coin pour fendre du bois. A. Ravere (in Swanson 1975) considérait déjà qu'elles étaient excellentes pour cet usage, alors que Dickson (1977), un ingénieur très objectif, ne leur trouve aucun avantage; Mazière (1984) posait clairement la question : la pièce esquillée était-elle un outil ou un déchet ? Nous avons, quant à nous, vérifié que des éclats robustes (aussi bien obtenus à main libre que sur enclume) ou des pièces nucléiformes étaient fort efficaces pour fendre des branches d'une dizaine de centimètres de diamètre. Les expériences (réalisées par F. A. et G. S.) montrent que les pièces esquillées sont efficaces comme ciseaux pour creuser des cavités dans du bois assez tendre (préparation d'un manche pour une lame polie) mais seulement jusqu' à une faible profondeur, puisqu'elles ne sont jamais très allongées; elles sont ainsi insuffisantes pour terminer la perforation d'un manche de type direct mâle destiné à recevoir une lame triangulaire (système le plus courant dans le Brésil central, cf. Prous et al. 2002), mais permettent parfaitement de creuser la dépression nécessaire pour une hache à tenon semblable à celle que les Masheo de l'Amazonie péruvienne utilisaient encore vers 1970 (A. Distel 1972-1973). Cette même restriction vaut pour l'usage comme coin. Dans ce cas, l'extrémité frappée avec un percuteur en pierre présente à la fois des marques de piquetage et des éclatements semblables à celui que provoque la taille sur enclume (fig. 28). Son apparence est donc fort distincte de celle des pièces esquillées classiques. L'extrémité active opposée, par contre, est assez semblable à celles de pièces esquillées communes et présente souvent des enlèvements fortement rebroussés (fig. 29). Des éclats robustes de quartz, de silex et d'agate obtenus par percussion libre (unipolaire) se sont montrés également très efficaces pour fendre des branches d'une dizaine de centimètres de diamètre. Les formes les plus efficaces ont été des éclats larges, à talon épais et tranchant assez aigu; quand cette forme n'était pas celle de la pièce originale, elle se formait progressivement au cours du travail. Les tranchants bruts se sont parfois cassés mais ne se sont que rarement machurés. Par contre, l'extrémité percutée à la pierre s'esquillait fortement, formant parfois une concavité prononcée rappelant une coche robuste (fig. 30) – une caractéristique que nous avons observée également dans l'industrie de Santa Catarina et aussi sur quelques pierres à fusil. L'enfoncement des coins par un percuteur en bois, par contre, n'a laissé que fort peu de stigmates. On voit donc que, d'une manière générale, les pièces d'origine unipolaire utilisées comme coin, malgré les stigmates qu'elles portent, ne se confondent pas avec des nucléiformes bipolaires ou avec des « pièces esquillées » classiques. Rappelons enfin, que les pierres à fusil – taillées aussi bien en quartz qu'en silex - fabriquées dans des ateliers familiaux au Brésil jusque vers les années 1930, sont des éclats quadrangulaires qui sont percutés et retournés en cours d'usage. Cela leur laisse une morphologie et des stigmates d'écrasement sur deux lignes opposées (fig. 31) qui les rapprochent fort des « pièces esquillées » classiques. Le marteau… Nous avons vu que, dans tous les cas observés au Brésil, le percuteur pour débitage bipolaire porte ses stigmates sur une face et non aux extrémités (comme c'est le cas pour les percuteurs unipolaires) ou en périphérie (cas fréquent dans les bouchardes brésiliennes) (fig. 32). Ces stigmates peuvent se trouver presque au centre d'une ou de deux faces opposées d'un percuteur massif (c'est le cas dans le Minas Gerais où les percuteurs sont des galets ovoïdes) ou fortement décentrés sur un percuteur allongé (Rio Grande do Sul, cf. Schmitz et al. 1990, où il s'agit de galets provenant probablement de colonnes de basalte). Les marques d'impacts sont plus profondes que celles que laisse la percussion libre car le contact est généralement punctiforme, parfois linéaire et vertical – tandis que les percuteurs unipolaires n'ont qu'un contact tangentiel diffus avec la matière travaillée. Les marteaux en hématite que nous avons utilisés pour enfoncer les coins destinés à fendre du bois ont particulièrement souffert et ont développé une véritable cupule, de contour et de surface irréguliers – ce qui les différencie des quebra cocos destinées à casser les noix de palme. Le percuteur d'aroeira (un bois plus dense que le buis) a également beaucoup souffert de ce travail. … et l'enclume Les enclumes destinées au bris des petites noix de palme indigènes (coquinhos) sont omniprésentes au Brésil. Faites en roches tenaces (diabase, calcaire) ou en galets de quartz faute de mieux, elles peuvent être portables (mesurant alors une dizaine de centimètres) ou peser plusieurs kilogrammes et rester au pied des palmiers. Les chocs répétés provoquent la formation d'une surface déprimée et piquetée fort utile, car elle évite que les noix – lisses et sphériques – ne soient chassées latéralement par un coup mal dirigé. Après un temps variable selon la résistance de la roche, se forme une cupule parfaitement circulaire, de fond finement piqueté, abandonnée quand elle atteint deux centimètres de profondeur (fig. 33). Beaucoup plus rares, les enclumes du Rio Doce probablement destinées au bris d'autres semences dures mais plus grandes et de formes anguleuses (Cansanção) présentent une dépression plus large, irrégulière en plan comme en coupe (notons que nous avons observé des dépressions semblables dans un marché du Haut Atlas marocain, sur des enclumes qui servaient à casser du sucre). Les pièces archéologiques présentant une surface centrale piquetée sur une ou plusieurs faces ont été systématiquement confondues avec ces casse-noix. Pourtant, une fois reconnue l'existence d'un intense débitage bipolaire, il fallait bien trouver les enclumes qui lui correspondaient. Nous avons alors montré que les enclumes pour le débitage de la pierre présentaient des stigmates bien distincts; les cicatrices sont généralement linéaires (souvent virgulées), parfois punctiformes; cela correspond bien aux lignes (qui, dans le cas du quartz, se forment surtout sur l'enclume) ou aux points d'écrasement (plus souvent formés du côté du percuteur) qui caractérisent plus particulièrement les extrémités percutées des pièces nucléiformes (fig. 34). Comme les pièces lithiques ne dérapent pas comme les noix sphériques, il n'est pas intéressant de développer une dépression pour les caler; au contraire, on recherche une surface très dure, alors que les contrecoups successifs provoquent un émiettement qui amortit les chocs. Aussi, les débitages s'étalent-ils sur la surface disponible, au lieu de se focaliser. En conséquence, la surface de travail présente un contour irrégulier et les marques de choc sont moins concentrées. Notons que certaines roches comme l'hématite compacte réagissent de manière différente et s'écaillent, perdant les marques virgulées, comme le montre la surface d'une des enclumes expérimentales qui nous ont servi à préparer des « dents » de râpe à manioc (fig. 35). Loin d' être un pis-aller, le débitage sur enclume est bien souvent la méthode la plus efficace si l'on regarde le rendement de tranchant par poids de matière première et la facilité du travail. Elle est moins intéressante quand on désire des supports de morphologie très spéciale et surtout, de grandes dimensions (comme c'est le cas pour certaines industries à lames) et utilisés sans manche. Les industries à lames nous paraissent donc être une exception et non le modèle plus ou moins consciemment recherché – et rarement appliqué dans la plus grande partie du monde - par les tailleurs préhistoriques. Évidemment, la grande convergence morphologique et la similitude de stigmates rencontrés sur les produits de la taille sur enclume rendent difficile l'identification de « méthodes technologiques » comme celles qui ont permis de différencier les « faciès culturels » sur lesquels se fondent les chronologies européennes, celles du Proche Orient et d'une bonne partie de l'Afrique. Les comparaisons entre les séries archéologiques doivent alors utiliser d'autres éléments que l'industrie lithique taillée, ce qui explique les approches très différentes qu'on observe entre les chercheurs européens et ceux de nombreuses autres régions – trop souvent considérées « périphériques » jusqu' à ce jour. La taille sur enclume n'est pas marginale, elle pourrait bien être la mieux représentée dans l'ensemble du monde. Ruth Benedict et Pierre Clastres réclamaient une « révolution copernicienne » en Anthropologie, par laquelle la vision eurocentrique se trouverait relativisée; il en faut également une en Préhistoire et la présente Table-Ronde suggère qu'elle est en train de s'effectuer dans l'étude des industries lithiques . | Les industries taillées sur enclumes sont très abondantes au Brésil et dans le nord-est de l'Uruguay. Cette technique domine particulièrement dans les industries sur quartz (région de Lagoa Santa depuis le Pléistocène final ; sites mésolithiques coquilliers du littoral méridional ; horticulteurs Tupiguarani), sur agate (extrême sud du Brésil) voire sur basalte dans certaines régions (Pantanal du Mato Grosso) mais intéresse aussi certaines pièces de silex ou de quartzite, même dans les ensembles où domine la taille à main libre. À partir de nos expériences de fabrication et de l'observation de nombreux ensembles archéologiques, nous exposons les caractéristiques de la taille sur enclume sur les éclats, les percuteurs et les enclumes, ainsi que certaines causes d'erreur de diagnostic relevées dans la bibliographie. Il est en effet possible de différencier les enclumes et percuteurs utilisés pour la taille de ceux qui ont servi au broyage de pigments ou à casser des noix de palmes et autres végétaux durs. On montre que la taille sur enclume n'est pas seulement une technique utilisée par de mauvais tailleurs ou quand on ne dispose pas de matières premières de qualité, de forme ou de dimensions adéquates: elle est également très rentable et efficace, permettant d'obtenir presque tous les principaux types de tranchants et de pointes sans nécessité de retouche. Cette utilisation préférentielle de la taille sur enclume par des populations qui dominaient d'autres techniques est illustrée par les industries du Brésil central (Lagoa Santa, Serra do Cipó, Diamantina dans l'état de Minas Gerais), constituées pour l'essentiel d'éclats obtenus sur enclume, mais qui comportent au début de l'Holocène de très beaux grattoirs retouchés et de magnifiques pointes de trait bifaciales en quartz. Le marteau et l'enclume ont été utilisés non seulement pour l'extraction d'éclats, mais aussi pour la préparation de préformes de lames de hache en quartzite ou diabase (façonnage appuyé sur enclume) et pour la fabrication - encore pratiquée en Amazonie sur le haut Rio Negro - de dents de râpes à manioc (percussion sur enclume de quartz et de diabase). Nous concluons que la taille à main libre - suivie ou non de la pratique de la retouche - n'est pas indispensable et que la recherche de produits standardisés par des méthodes de taille spécifiques à main libre et des retouches systématiques illustrent un choix culturel et non une amélioration technique en soi. Les produits du débitage sur enclume peuvent parfaitement répondre à la plupart des nécessités remplies par des outils de pierre. | archeologie_12-0217491_tei_183.xml |
termith-137-archeologie | De nombreuses études ont concerné la fin des temps glaciaires de cette région (fig. 1) dans le domaine de la Préhistoire comme dans celui de l'environnement. La fluctuation des nappes glaciaires avant leur retrait complet offre l'opportunité d'observer les variations de faunes et de végétations dans un laps de temps très court sur l'échelle géologique. Chaque avancée glaciaire tend à créer un hiatus dans le peuplement et un renouvellement avec le réchauffement qui suit. La microfaune, très sensible à ces variations, devient un marqueur incontournable, fuyant devant le flot de glace et conquérant avec son retrait. Malheureusement, les exigences de son étude dans la récupération et le tri lui ont beaucoup porté préjudice et les fouilles anciennes n'attachent que peu ou pas d'intérêt à son égard. Quelques commentaires accompagnent parfois des listes d'oiseaux, d'insectivores et de rongeurs annexées à des études archéologiques. Onze sites ont fourni des données, souvent incomplètes et dispersées en raison de la spécialisation des auteurs. Nous avons tenté de rassembler ces informations. Pour quelques sites, ne disposant pas du matériel, nous avons dû nous contenter des listes figurant dans la littérature (tabl. 1). Le classement chronologique se réfère le plus souvent aux nombreuses datations isotopiques 14 Cet aux biozones localisées par les palynologues, fréquemment confortées par la typologie des industries lithiques et osseuses. La liste des gisements contenant quelque microfaune est donnée dans le tableau 1 dans l'ordre chronologique des plus récentes datations 14 C à titre de repère. Le tableau 2 dresse la liste des espèces signalées dans les niveaux tardiglaciaires des divers sites étudiés. Leur distribution détaillée se retrouve dans les tableaux de répartition de chaque gisement. Les espèces exclues de cette période peuvent également figurer dans ces tableaux. Les oiseaux n'étant pas utilisés dans le cadre de nos recherches ont été retirés des listes. Les sites ne comportant qu'un seul niveau à microfaune (Les Freydières, l'Abri Gay et la Grotte de la Passagère) n'ont pas fait l'objet de diagramme individuel. Exceptionnellement, la Grotte de la Chênelaz est traitée en graphique bien qu'un seul niveau concerne le Tardiglaciaire. Á l'aide des cortèges de microfaune, à titre de synthèse, nous tenterons de réaliser une courbe des températures du milieu continental à l'instar des courbes isotopiques O 18 /O 16 réalisées en milieu marin et polaire. Quelques auteurs ont abordé le sujet de la quantification : Hokr semble avoir ouvert la voie (Hokr, 1951). Il associe grande et petite faune, en dépit de conditions taphonomiques et physiologiques bien différentes. F. Fabre (Fabre, 1964) suivra son exemple et Griggo (Griggo, 1996) reprend le même principe d'association. S. Martinutilise le potentiel écologie des Mollusques pour mettre en évidence les modifications de l'environnement imputables à l'anthropisation (Martin, 2004). Puisségur (Puisségur, 1976) met au point une méthode rassemblant les Mollusques par groupes écologiques, copiée par Chaline (Chaline, 1977) pour l'adapter aux Rongeurs (Chaline, Brochet, 1989; Marquet, 1994). Comme ces auteurs, Hernandez Fernandez se limite aux rongeurs et utilise le nombre minimal d'individus pour dresser une échelle chronobiologique des derniers 125 000 ans (Hernandez Fernandez, Pelaez Campomanes, 2005). Ce procédé permet de comparer les variations à l'intérieur d'un même gisement si l'on admet que le même prédateur est responsable des accumulations d'ossements, mais ne supporte pas le transfert d'un site à l'autre, en raison des problèmes orographiques (effets « stationnels »). Plus récemment nous avons découvert les travaux de Ph. Ponel (Ponel et alii, 1992) sur les insectes coléoptères des tourbières et constaté que, sans aucune concertation, notre méthode s'avérait être identique concernant la définition du potentiel climatique des espèces. Le principe de l' « Écologie quantifiée » préconisé est simple : il consiste à calquer le domaine climatique de chaque espèce sur son domaine géographique. La méthode de calcul et d'application est sensiblement plus sophistiquée. Elle recense les stations climatiques de la périphérie du domaine géographique de l'espèce et totalise les moyennes des divers paramètres climatiques trentenaires. Plutôt que de reprendre une longue description littéraire de l'environnement et de la chorologie des espèces, nous avons dressé le tableau des valeurs afférentes résumant le potentiel climatique (tabl. 3a à 3f) et l'estimation chiffrée du biotope (tabl. 4) de chaque taxon. Ces valeurs sont à la base de l'élaboration des divers diagrammes. Le cumul du potentiel climatique des espèces fixe la cote du niveau sous forme de moyennes. On réitère l'opération pour chaque niveau et les divers paramètres. Leur succession permet d'élaborer une série de diagrammes et de visualiser l'évolution de l'environnement au fil du temps. À titre d'exemple, le tableau 5 présente les données climatiques relevées dans une localité durant 30 ans (ici Moscou) (Lansberg éd., 1969-1984). Ces données sont le produit d'appareils calibrés et de calculs rigoureux. Les stations n'offrent pas toutes la même quantité ou le même type d'informations. C'est pourquoi certaines ne sont pas reprises dans l'étude (la radiation globale, la pression atmosphérique, la vitesse et le sens du vent, etc.). Certaines valeurs (humidité relative) doivent être recalculées dans les stations semi-désertiques à partir du point de rosée (Dew Point), moment précis mais variable où se dépose la rosée avant de s'évaporer. Le tableau 6 donne les valeurs climatiques relevées durant 30 ans dans les stations météorologiques périphériques du domaine géographique d'une espèce (ici le Campagnol roussâtre – Clethrionomys glareolus) (Corbet, 1978). Dans le même ordre d'idée, deux composantes importantes du biotope sont détaillées : la végétation et l'hygrométrie du sol. Ces données émanent d'ouvrages de vulgarisation et de revues spécialisées. Les valeurs affichées tentent de décrire en pourcentages estimés l'utilisation faite par l'animal des divers éléments de son domaine vital, pour son alimentation, sa reproduction, son repos ou sa protection. L‘exemple-type pourrait être le Crapaud commun : il est aquatique pour sa reproduction dans les mares et les ruisseaux à courant faible, riches en végétation. Après métamorphose, il devient terrestre, recherche la chaleur mais fuit le plein soleil qui dessècherait sa peau, se tient à l'abri de tas de feuilles mortes en putréfaction ou de pierres qui lui assurent la chaleur humide, la protection et la nourriture en invertébrés qu'il consomme. À la mauvaise saison, on le rencontre sous les pierres, les souches et dans les tas de compost ou dans les fissures de rochers, voire dans ses propres forages dans le sol meuble forestier. L'estimation en pourcentage de la part de chaque élément de ces biotopes est inévitablement subjective. Les exigences animales ne sont pas toutes aussi complexes, mais on constate que par le jeu d'une cascade de valeurs conjuguées, cinq ou six espèces suffisent pour réaliser une estimation assez fiable et entraîner une incontestable crédibilité. Les 12 paramètres climatiques émanent de 10 à 30 années d'observations pour chaque station météorologique. Les données de 9 à 27 stations sont rassemblées pour chaque espèce (donc un minimum de 100 données par taxon). Le nombre de données est multiplié par le nombre d'espèces rencontrées dans le niveau. Pour une couche contenant 10 espèces, les calculs portent donc sur un minimum d'un millier de valeurs compilées et 3000 pour les taxons de vaste extension géographique. Dix paramètres décrivant le milieu végétal et l'hygrométrie du sol du domaine, soit une centaine de valeurs par niveau de 10 taxons, sont ajoutées. À ce stade, il est clair que le célèbre N.M.I. et ses pourcentages sont un peu dépassés face à une telle avalanche de valeurs et de précisions pour chaque paramètre et pour chaque strate. La simple comparaison des chiffres des tableaux de données remplace avantageusement les commentaires indispensables, tendancieux et imprécis des auteurs compensant l'insuffisance des valeurs du N.M.I. dans ce domaine. Initialement, l'étude vise à réaliser une courbe pour chaque paramètre climatique sur l'ensemble des sites, des biozones et de tout le Tardiglaciaire. Dans ce but chaque gisement fait l'objet d'une étude climatique et écologique concrétisée par six diagrammes et un bref commentaire. Cette petite caverne ouverte au nord-ouest dans le Défilé de Pierre-Châtel fut de nombreuses fois visitée, mais seules deux fouilles approfondies ont réellement donné des informations de base sur son occupation : celle de Raymond Vanbrugghe de 1966 à 1969 (Vanbrugghe, Bill, 1968) et celle de Pierre-Yves Nicod de 1993 à 1995 (Nicod et alii, 2000). La microfaune conservée au Service Régional de l'Archéologie à Lyon est relativement peu abondante mais très diversifiée (tabl. 7). Les ossements d'oiseaux, constamment présents, restent à déterminer. Quelques particularités nous semblent intéressantes à souligner pour éviter tout malentendu. Les deux espèces commensales Rattus rattus et Mus musculus (le Rat noir et la Souris grise) sont vraisemblablement venus mourir dans des niveaux incompatibles avec leur véritable période d'existence qui coïncide sans doute avec l'invasion romaine et ses relations avec le Proche-Orient. Plus inexplicable est la présence du Lézard ocellé (Lacerta lepida) dans le niveau gallo-romain. Il est impensable que cette espèce strictement méridionale ait pu venir d'elle -même dans cette contrée préalpine. Le tableau enregistre un net appauvrissement de la faune vers les niveaux profonds, à partir du Mésolithique. Les niveaux extérieurs à la grotte (série 1e à 4e) sont trop démunis pour autoriser une évaluation. Comme le pense P. -Y. Nicod, la couche 7i se situe à la charnière entre le Dryas III et le Préboréal. La couche 8i contient des espèces boréales, l'une de milieu marécageux (Microtus oeconomus, le Campagnol nordique)et l'autre steppique (Microtus gregalis, le Campagnol des hauteurs), qu'on ne retrouve plus ultérieurement. Le diagramme des températures confirme ce changement climatique, la moyenne annuelle des températures passant de 4,9° C en 8i à 7,9° C en 7i, pour ne plus baisser. La durée de l'enneigement (courbe I) comme celle du gel (courbe N) confirme nettement la rigueur du Dryas III en 8i précédant le réchauffement post-glaciaire. Comme le montre la courbe P c'est aussi à partir de cette période que la forêt prend de l'extension. Elle décroît à partir du Moyen-Âge où l'exploitation comme on le sait, devient intensive. Ce fait est confirmé dans le diagramme D. Les surfaces dénudées et la prairie, dominantes dans les couches inférieures, reculent face aux taillis et à la futaie. La proximité du Rhône laissait espérer la présence d'un important lot d'espèces aquatiques. Le diagramme E ne comporte qu'une quantité négligeable, voire une absence totale d'espèces d'eaux vives. Il est probable que la violence du courant et les rives abruptes gênent leur fréquentation. Les terrains secs et les prairies humides se partagent largement les espaces découverts. Les surfaces bourbeuses sont faiblement représentées. L'humidité de l'air (humidité relative) se maintient constamment à un niveau élevé (supérieur à 75 %) en raison de la présence permanente du cours d'eau. En 1976, la Grotte des Romains à Virignin (Ain) fit l'objet d'un ensemble d'études concernant les pollens, les oiseaux, les chiroptères, les rongeurs, les poissons, les mollusques, les sédiments et les industries. Du moins peut-on dire que ces sujets ont été abordés à l'occasion d'une réunion pluridisciplinaire, car hormis la thèse d'Andréas Loebell (1979), aucune publication ne vint conclure les observations. Quelques données nous sont restées, comme la liste des oiseaux et les datations (encore débattues et reprises à l'occasion du PCR sur le Tardiglaciaire sous l'égide de G. Pion (Pion, Mevel dir., 2009) et que nous avons adoptées) et des bribes de conversations notées en cours d'assemblées. Ces informations verbales sont évoquées ci-dessous sous réserve de corrections éventuelles par les spécialistes eux -mêmes. La liste des oiseaux est particulièrement fournie et C. Mourer qui l'a dressée en déduit une importante influence méditerranéenne et, de la couche III vers la couche IIa, une raréfaction des espèces aquatiques compensée par un afflux d'espèces forestières. Les autres données paléontologiques évoquées verbalement ne sont rattachées à aucun contexte stratigraphique défini. Pour L. Chaix, aucune forme ancienne de mollusque n'a été recensée et on constate un réchauffement sec, à l'instar des oiseaux. Les observations de P. Mein sur les chiroptères et les musaraignes confirment les déductions faites sur les autres groupes. Les chauves-souris affichent un cachet méditerranéen et les Pipistrelles sont les plus abondantes. La Barbastelle est morphologiquement différente de la forme actuelle. La Musaraigne aquatique présente dans les couches III et IIb est absente de la couche IIa. P. Mein note également la disparition des espèces « humides » en IIa. J. Desse décompte le cortège des poissons entre la Lotte (80 %), le Corégone (15,25 %), la Truite (3,40 %) et l'Anguille (0,64 %). Pour les grands herbivores, J. Bouchud partage à parts égales le renne et le bouquetin. Dans sa thèse, A. Loebell précise l'évolution sédimentaire du remplissage. Globalement, la couche III renferme un maximum de plaquettes gélives et de cailloutis formant une coulée de blocs témoignant d'un climat très rigoureux. Ses observations de terrain le conduisent à conclure que la couche IIb ne constitue pas une couche véritable mais la partie basilaire de la couche IIa infiltrée entre les blocs de la couche III, tendant eux -mêmes à s'enfoncer dans cette formation. La couche IIa nettement sableuse couvre l'ensemble des strates sous-jacentes et contient une importante quantité de débris de concrétions (signe de dessiccation). Cette étude détaillée permet à A. Loebell de placer la couche III à la base du Dryas II; la formation de IIb serait intervenue durant le Dryas II et IIa au début du réchauffement de l'Alleröd. Cette position chronologique semble satisfaire l'ensemble des disciplines (hormis les rongeurs), mais ne coïncide pas avec les datations isotopiques telles qu'elles s'ordonnent actuellement. Ces datations isotopiques sont d'ailleurs extrêmement variables avec l'époque et le matériau de réalisation. Celles figurant au tableau sont probablement les premières pratiquées et ne sont peut-être pas les plus fiables si l'on en croit les disciplines annexes. Une date ancienne annonce 14 380 BP sur charbon (comme celles du tableau) pour la couche III. Les datations récentes pratiquées sur des restes de rennes font état de 12 690 BP pour la couche III et 12 830 BP pour IIb. Ces différences justifieraient à mon sens le maintien des premières évaluations enregistrées, ne serait -ce qu'au bénéfice du doute… Les rongeurs rencontrés dans les trois principaux niveaux ne diffèrent guère d'une colonne à l'autre. Cette uniformité se concrétise dans les diagrammes de l'environnement. Les données actuelles sont ajoutées pour comparaison. Les différences de températures ne varient pas dans les trois couches tardiglaciaires et avoisinent 5° C. Elles s'élèvent en moyenne à 11° pour la période actuelle et restent inférieures à la moyenne nationale en raison de la situation géographique du site. Les écarts climatiques sont beaucoup plus marqués par les paramètres hivernaux que ne le sont le nombre de jours de gel et la durée de l'enneigement. Contrairement aux autres disciplines, les rongeurs ne mettent pas en évidence de forte humidité dans la couche III, ni l'assèchement relatif de la couche IIa. Il est fort probable que leurs restes ont subi des déplacements à l'intérieur des couches dus aux phénomènes de nivation ou de bioturbation évoqués dans l'étude sédimentologique. Selon R. Desbrosse qui a pratiqué les fouilles, l'industrie du Magdalénien supérieur recueillie évolue peu sur l'ensemble de la stratigraphie et témoignerait donc d'un faible écart chronologique entre la base et le sommet… Cette vaste cavité ouverte plein sud à 650 m d'altitude est fréquemment occupée durant les périodes protohistoriques et très sporadiquement au-delà (description empruntée à Bintz, Picavet, 1994). Les vestiges de microfaune rapportés au Tardiglaciaire sont très clairsemés. Aucune datation isotopique n'a pu être réalisée et seules les informations données par l'anthracologie et la palynologie ont permis une approche chronologique. La microfaune est banale et ne peut que confirmer les localisations établies par les autres disciplines. Aucune espèce boréale n'est présente. La couche 5inf renferme le plus d'espèces tempérées et le Campagnol terrestre y est absent. Elle se distingue par son enrichissement en espèces forestières. C'est également à partir de cette période que la Noctule fréquente régulièrement la cavité. Elle est réputée sylvicole sous climat tempéré. Cette modération du climat, évidente dans la microfaune, est en contradiction avec la sédimentologie qui enregistre des formations cryoclastiques enrobées d'argile séparées par un hiatus (Campy et alii, 1994). Le niveau E2 ne conserve que trois espèces de campagnols assez résistants et fréquentant surtout les lieux découverts de prairies et rocailles. Cette stricte sélection peut laisser supposer une certaine rigueur climatique, mais elle n'est pas évidente dans la position géographique du site. La couche E3 (la plus profonde) s'enrichit du Lièvre variable (Lepus timidus) et du Loir (Glis glis) par rapport au niveau sus-jacent (E2). Les diagrammes précisent ou confirment ces observations. Le réchauffement du Dryas I vers l'Alleröd n'est pas très évident au vu de la moyenne annuelle des températures (courbe A); on le repère mieux sur la courbe de l'enneigement (I) ou d'après la réduction du nombre de jours de gel (N). Le régime pluvial avoisine 60 cm/an et ne diffère guère de l'actuel. Pour une abondance sub-égale, la fréquence des précipitations est généralement supérieure à l'actuelle. Après une brève période de prédominance dans les deux niveaux inférieurs, les prairies et sols nus régressent constamment au profit des formations ligneuses. L'hygrométrie du sol présente ici un profil très particulier. Si les paramètres les plus « aqueux » restent stables, on remarque par contre une extension régulière des sols frais au détriment corrélatif des sols dénudés et secs. Cette situation coïncide avec l'évolution de la végétation simulant une reconstitution des sols profitant à la prairie, aux broussailles et aux taillis beaucoup plus qu' à la futaie. L'humidité de l'air (humidité relative) connaît quelques oscillations, mais se maintient constamment à un niveau moyen un peu plus élevé que la moyenne actuelle (74 %). L'élément surprenant de cet ensemble stratigraphique est l'absence de vestiges évoquant la présence de la phase périglaciaire particulièrement rigoureuse du Dryas III passant, à l'intérieur même de la couche 5, de l'Alleröd au Préboréal. L'hypothèse pouvant expliquer cette situation serait une fermeture de la cavité en période périglaciaire par un névé ou une chape de glace, et des conditions d'habitat insupportables en raison de la gélivation des parois de la caverne. La microfaune ne concrétiserait alors que les phases de radoucissement climatique, peut-être même lors du hiatus sédimentaire. Ces contradictions se retrouvent dans les analyses anthracologiques où le pin côtoie le noisetier et rendent aléatoire l'inclusion des données climatiques de la Balme Rousse dans l'ensemble des données chrono-climatiques du Tardiglaciaire régional. La Grotte des Freydières s'ouvre plein sud à 800 m d'altitude à une vingtaine de mètres au-dessus du vallon de La Vernaison. Entièrement comblée par la desquamation de la voûte, elle fut fouillée par A. Bocquet et P. Lequatre en 1965, qui recueillirent quelques outils de silex et un harpon à double rang de barbelures (Bocquet et alii, 1973). Une abondante faune de grands herbivores (d'où le renne est absent) ainsi qu'un important lot d'ossements de Marmotte des Alpes et quelques éléments de microfaune ont été étudiés par J. Bouchud et R. Desbrosse. Une datation 14 C sur les ossements fixe un âge de 11 380 BP. Tout concorde donc pour placer l'ensemble dans la biozone tempérée de l'Alleröd. La liste de microfaune reprise dans le tableau ci-joint confirme le caractère tempéré du climat entrevu par les auteurs, mais ne permet pas, par son niveau unique, d'apprécier une éventuelle évolution locale des paramètres. Bien que tempéré, le climat reste frais en raison de l'altitude, comme en témoignent le Lièvre variable et quelques oiseaux montagnards comme le Tétras, le Lagopède, l'Accenteur alpin, le Chocard à bec jaune et le Pipit spioncelle. Localement on constate que l'exposition au sud se traduit par un fort ensoleillement (220 jours par an). Pour un niveau unique, il n'est pas concevable de tracer les diagrammes élaborés pour les autres sites. Seul le tableau des données est dressé pour permettre la comparaison avec les autres gisements par insertion chronologique, dans les diagrammes de synthèse. Les premières fouilles pratiquées en 1928 par J. Pissot furent assez dommageables pour les niveaux archéologiques de l'Holocène. Devant l'ampleur des dégradations et face à l'importance du site, après avoir tenté de rassembler les informations, le matériel et multiplié les observations, R. Desbrosse et L. Bonnamour remirent courageusement au jour l'ensemble de la stratigraphie sur quelque 8 m de haut et 14 m de long (Desbrosses, Bonnamour, 1965, 1966). Les multiples interventions naturelles, éboulements, ruissellements, solifluxion gênaient considérablement la lecture d'une stratigraphie particulièrement complexe. Le mérite d'A. Lœbell n'est pas moindre d'avoir retracé pas à pas l'évolution de ce dépôt de pente (Lœbell, 1979). L'étude des pollens réalisée par M. Girard vient se corréler avec la sédimentologie (Girard, 1974). La microfaune citée dans le tableau provient de la couche azilienne G1 datée primitivement de 11 660 BP ± 240 et attribuée à la biozone de l'Alleröd. De nouvelles datations opérées sur les os de renne à l'occasion du PCR (Pion, Mevel dir., 2009) ont vieilli les vestiges en leur fixant un âge de 12 160 BP ± 160. Nous verrons dans la partie climatologie que ce n'est pas usurpé. Ce sont actuellement les seuls éléments de microfaune déterminés, bien qu'il reste un volume considérable à trier et reloger si possible dans une stratigraphie démentielle. Il n'est guère possible d'aborder le chapitre de la climatologie sans un rapprochement avec l'excellent travail d'A. Lœbell. Les valeurs climatiques émanant des micromammifères sont fortement influencées par la présence du Campagnol nordique (Microtus œconomus) et du Lièvre siffleur (Ochotona pusilla), deux espèces nettement « continentales ». Par ce biais, on peut rejoindre l'avis d'A. Lœbell qui estime que même durant l'Alleröd, les « instants » froids peuvent survenir en raison de l'exposition plein nord de l'abri. Ces espèces pourraient trouver là l'ambiance climatique de leur biotope dégradé par le réchauffement. Leur mobilité limitée et une faible exigence spatiale peuvent les contraindre ou leur permettre de se maintenir dans cet étroit espace « micro-climatisé ». Toutefois, on remarque l'absence de taxons tempérés chauds : mulot, lérot, etc. Mais ces justifications paraissent caduques en examinant la liste des oiseaux (Mourer - Chauviré, 1975) : sur quinze espèces, huit sont d'affinité montagnarde ou boréale et pour eux, rien ne les oblige à fréquenter un biotope inadéquat. Quelques paramètres seraient plutôt défavorables à une période de réchauffement : - la moyenne annuelle des températures extrêmement basse (3,8° C), - un écart inter-saisonnier de type continental (33,2° C), - une période de gel très longue (185 j.), - une période d'enneigement supportable (près de 4 mois), - des précipitations réduites assez étalées dans le temps, - une nébulosité et un ensoleillement moyens, - une végétation ligneuse peu envahissante (30 % d'espèces sylvicoles justifiant la prédominance des espaces découverts), - des faunes de sols frais et de sols secs prépondérantes sur les aquatiques en dépit de la présence du cours d'eau (Ain). Au vu de la précédente datation (11 660 BP), en examinant les courbes palynologiques, on remarque que la période concernée se situe à l'extrême début de l'Alleröd, dans une séquence où les plantes steppiques sont plus abondantes que les arbres thermophiles, alors que les graminées gagnent en extension. Cette situation expliquerait la présence des microvertébrés « continentaux » que l'on pourrait alors considérer comme un héritage du Dryas II. Les récentes et nouvelles datations 14 C (12 160 BP) (Pion, Mevel dir., 2009), portant sur les ossements de renne du niveau azilien, ont modifié le contexte chronologique et placent désormais les vestiges dans la biozone du Dryas II, confirmant ainsi nos conclusions sur la rigueur climatique et témoignant de ce fait d'un léger décalage chronologique entre les prélèvements palynologiques et l'échantillonnage de la microfaune. On ne peut guère conclure sans évoquer la difficulté de concordance entre les diverses disciplines face à une stratigraphie aussi difficile et de surcroît maltraitée dès les premières investigations. Mais c'est pourtant par cette confrontation des résultats que progressivement des conclusions crédibles parviennent à émerger. La Grotte de la Passagère s'ouvre à 1150 m d'altitude dans le Massif du Vercors, sur la commune de Méaudre (Isère). Les premières fouilles opérées par H. Müller en 1914 et 1921 furent reprises par P. Bintz dans les années 70, ce qui permit une révision de la stratigraphie et de la chronologie grâce à une datation 14 C du niveau 2, le situant dans le Dryas III à 10 280 BP ± 150. Elle nous laisse peu de documents sur la faune, hormis une importante étude archézoologique de M. Patou-Mathis (Desbrosse et alii, 1991) sur le squelette post-crânien des marmottes et une liste générale de la faune signée J. Bouchud (1956). Cet auteur a reconnu six espèces de rongeurs, dont cinq campagnols et la Marmotte. Il signale également la présence de la taupe, d'un batracien indéterminé et de quatre espèces d'oiseaux dont deux montagnards : un Lagopède alpin et l'Accenteur alpin. Hormis le Campagnol boréal, tous ces animaux seraient à leur place dans le cortège faunique local actuel. Un niveau unique ne permet pas de réaliser un diagramme et les valeurs ont simplement été regroupées dans un second tableau. Quelques paramètres attestent une certaine rigueur climatique : - moyenne annuelle des températures très basse, - un écart inter-saisonnier relativement élevé sans être excessif, - une période de gel de six mois malgré un enneigement raisonnable de trois mois, - des précipitations prolongées mais d'abondance moyenne, - un ensoleillement réduit pour une nébulosité moyenne. Ce bilan relativement contrasté ne semble pas particulièrement excessif compte tenu de l'altitude. Quelques points paraissent contradictoires en dépit d'une certaine logique et nous tenterons de nous en expliquer. À plus de 1000 m d'altitude, durant l'une des périodes les plus froides du dernier glaciaire, le Dryas III en l'occurrence, comme l'indiquerait la date 14 C de 10 280, il est logique que disparaissent les espèces tempérées chaudes comme le mulot et le lérot et que seuls perdurent les campagnols et la marmotte. Cependant, dans de telles conditions géographiques et climatiques, les glaciers et leurs formations corollaires de névé, nappes de glace ou dépôts morainiques devraient obturer l'entrée de la caverne et interdire l'accès tant aux hommes qu'aux animaux (prédateurs ou proies potentielles). Deux réponses nous semblent envisageables : ou l'entrée de la grotte est assez haute pour ne pas être totalement obstruée en période glaciaire, ou la datation de la biozone est erronée et les dépôts sont postérieurs ou antérieurs au Dryas III. L'industrie, même pauvre, est reconnue assez tardive (Épimagdalénien), donc pour le moins couplée au Dryas III. Malgré la présence de la marmotte et des seuls campagnols, dont le Campagnol nordique qui paraît être un endémique des régions préalpines, il manque tous les autres membres du cortège boréal. La présence de la Taupe commune et d'un batracien tempère également la rigueur du climat. Dans une moindre mesure l'Hirondelle des rochers (Riparia rupestris) peut être également un indicateur climatique adoucissant. Dans la succession traditionnelle des cycles climatiques, le tuf de la couche 1 reflétant un intermède chaud et très humide, le niveau 2 devrait logiquement représenter une phase froide et appartenir au Dryas III. Les remarques et objections présentées plus haut semblent contredire cette assertion. En conclusion, il est vraisemblable que les marges de la biozone Dryas III sont dépassées et qu' à la Passagère, le processus du Postglaciaire est déjà engagé par le niveau 2. La présence de Microtus oeconomus s'explique par une recherche dans l'altitude, d'une compensation de son biotope détruit. L'absence des espèces tempérées chaudes est justifiée par un sol en voie de reconstitution et une végétation arborée quasi absente. La Grotte de La Chênelaz (Hostiaz, Ain) est une caverne de faibles dimensions s'ouvrant vers l'ouest à 500 m environ au-dessus de la Cluse des Hôpitaux. Des fouilles particulièrement soignées furent pratiquées par Marc Cartonnet (inédit). La cavité se subdivise en deux locus. L'entrée est un porche se développant sur 5 m de long et se rétrécissant avant de déboucher par une étroiture de 1,50 m dans la grotte proprement dite. Elle se développe verticalement en cloche. Le porche fut habité du Tardiglaciaire au Moyen Âge, excepté au Néolithique. La grotte fut fréquentée par les Néandertaliens, les Magdaléniens et les ours… Bien que seule la séquence tardiglaciaire nous intéresse ici, toute la microfaune recueillie aux diverses époques figure dans le tableau de répartition, à titre de comparaison. Une colonne supplémentaire est ouverte pour accueillir la liste des petites espèces reconnues actuellement dans la région immédiate. La liste des mollusques se limite aux formes recueillies en fouille. La microfaune provenant des niveaux magdaléniens de la grotte (niv. 3) se limite à trois espèces. Seul le niveau magdalénien du porche (niv. 2c) est donc traité ici pour son appartenance au Tardiglaciaire. Il est daté à sa base de 12 610 BP et entre de ce fait dans la biozone tempérée du Bölling. Sauf exception (présence du Campagnol nordique dans l'ensemble 4 de la grotte), les faunes boréales sont absentes de la liste. Une nouvelle fois il faut évoquer la situation géographique du site et admettre que dans les zones proches du massif alpin, les phases périglaciaires ne laissent des micro-vestiges, que des traces infimes ou nulles. Cette situation peut s'expliquer, pour les cavernes de petites dimensions, par l'obstruction des entrées par des névés, des chapes de glace ou des dépôts morainiques. Ce n'est qu'après le retrait des glaciers et des formations périglaciaires, en période de réchauffement, que les petites faunes (proies ou prédateurs) peuvent reconquérir les espaces libérés. Cette évolution du milieu semble assez symptomatique puisqu'elle affecte également les sites tardiglaciaires de Saint-Thibaud-de-Couz et de Vénérieu -La Garenne. Nous avons constaté une situation identique à Fréchet (Hautes-Pyrénées) dans le Moustérien. Le processus diffère dans les cavités de grandes dimensions dont l'entrée ne peut être entièrement obstruée, comme la Grotte des Romains ou la Baume de Gigny (Jura). Leurs entrées sont victimes de vidanges et leurs dépôts de hiatus. Sur quatorze espèces reconnues dans la couche 2c, douze se retrouvent dans le niveau mésolithique 2b malgré 3000 ans d'écart (dates BP). Mais il en est de même avec les couches protohistoriques et plus récentes ou actuelles. Il ne s'agit pas de remaniement car inversement, de nombreux taxons figurent dans les listes holocènes mais sont absents du Bölling. Il est donc très intéressant de constater que parmi les espèces actuelles, bon nombre sont déjà présentes dans les phases tempérées du Tardiglaciaire. L'examen des cortèges se limite à la couche 2c puisque les plus proches sont hors PCR et chronologiquement assez éloignés. Il n'empêche qu'au premier regard porté sur le tableau, on décèle une incontestable homogénéité entre les divers niveaux. Comparée à d'autres sites, la particularité réside essentiellement dans l'influence de l'altitude sur les divers paramètres climatiques et écologiques. Les exemples les plus flagrants portent sur : - les températures dont les moyennes annuelles restent basses même en période tempérée, - les précipitations par leur durée excessive, - la période de gelées très prolongée, - l'ensoleillement compensant étroitement la nébulosité (50/50 %), - une faune sylvestre réduite en dépit d'une futaie bien concrétisée, - des pelouses et prairies d'alpages d'extension moyenne malgré une hégémonie des sols secs associés aux sols frais, - une humidité de l'air à peine plus élevée qu'actuellement, sans excès dans ses extrêmes. Cet état descriptif des principaux paramètres caractérise bien les phases de réchauffement dans les sites tardiglaciaires préalpins de faibles dimensions. L'Abri du Campalou est implanté au pied d'un massif rocheux calcaire sur une basse terrasse de l'Isère, non loin de son confluent avec la Bourne, à 180 m d'altitude. Suite à une découverte fortuite, J.-E. et J.-L. Brochier ont pratiqué des fouilles durant les années 1969 à 1972 (Brochier, Brochier, 1995). Ils ont décapé une quinzaine de niveaux d'habitats sur seulement 80 cm d'épaisseur. Le tableau de répartition montre une microfaune peu abondante mais variée avec trois ensembles de concentration dans les couches 3, 2 et 1B. La subdivision de la couche 2 en trois sous-couches (inférieure, moyenne et supérieure) est intéressante à examiner car on découvre une « découpe » en biseau mettant en évidence la raréfaction des campagnols (de tendance agreste continentale) et l'enrichissement en espèces sylvestres : Campagnol roussâtre (Clethrionomys glareolus), Mulot (Apodemus sylvaticus), Lérot (Eliomys quercinus). En plus du Campagnol nordique (Microtus oeconomus) bien implanté dans son milieu de prédilection et du Campagnol souterrain des Alpes (Pitymys multiplex) proche de son domaine alpin, plusieurs espèces continentales occupent la couche 3 : le Lemming à collier (Dicrostonyx torquatus), le Campagnol des hauteurs (Microtus gregalis) et le Lièvre siffleur ou Pika (Ochotona pusilla). L'ensemble faunique caractérise bien le Dryas I dans la couche 3 et s'aligne sur la datation isotopique de 13 400 BP afférant à la couche 3B. Les couches 2 (datée de 12 800 BP) et 1B qui lui succèdent sont assez semblables par leur contenu. Seul Microtus oeconomus, présent dans la couche 2, marque la différence et souligne une amélioration thermique de la couche 1B. Tous les autres taxons continentaux de la couche 3 sont absents des strates supérieures. Cette évolution climatique et environnementale est nettement évidente sur les divers diagrammes ci-joints. Les températures (diag. A). Les données comparatives actuelles sont celles de la station météorologique de Saint-Nazaire-en-Royans relevées sur 30 années. Les écarts saisonniers (D) de plus de 30° C des couches 3 soulignent la continentalité du climat. Les moyennes annuelles de 2 et 3° C renforcent également cette impression glaciale. Les courbes d'incidence climatique font toutes une remontée spectaculaire et plus particulièrement celles des mois les plus froids. Les températures des couches 2 et 1B restent un peu plus fraîches que les actuelles, mais sont néanmoins bien plus tempérées que celles des couches 3. Les précipitations (diag. B, courbes G et H) varient peu au cours de la séquence tardiglaciaire; seule la durée annuelle s'allonge par rapport à la période actuelle. Par contre, la période d'enneigement (I) s'amenuise considérablement (de 136 à 87 jours) tout comme celle du gel (N) passant de 200 à 150 jours. Le temps d'ensoleillement (R) reste modeste : le plus souvent moins d'un jour sur deux. Les espèces hygrophiles (Q) tendent d'abord à augmenter puis reviennent au stade initial. L'humidité de l'air (diag. D) imprègne la couche 3 et ses conditions périglaciaires. Elle reste un peu plus élevée qu' à l'époque actuelle, mais n'évolue pas graduellement comme les autres paramètres. La végétation (diag. E) subit également d'intenses variations. Les sols dénudés atteignent 18 % dans la couche 3 mais sont négligeables le reste du temps. Les étendues steppiques passent de 68 % dans les couches inférieures à 17 puis 30 % dans les niveaux supérieurs. Les broussailles comme les taillis ne gagnent guère plus de 10 % d'espace durant cette période. La futaie profite de l'amélioration thermique pour croître de 3 à 18 %. Comme pour la steppe, on voit les sols secs décroître (diag. F) au profit des sols frais qui restent dominants dans les phases récentes du Bölling. Les marais et les tourbières conservent une importance assez constante, mais les étangs n'ont qu'une importance négligeable de 2,5 % au maximum. La proximité de la rivière maintient la présence des eaux vives durant toute la période étudiée bien que réduite à 3 % au stade supérieur. Ce fait semble normal quand cesse la surabondance des eaux de fonte printanières. Les deux phases climatiques du Campalou, le Dryas I pour la couche 3 et le Bölling pour les couches 1B et 2, sont ici bien individualisées et bien caractérisées par la microfaune. Le Dryas I se déroule sous un climat très froid, de type continental avec des précipitations d'importance moyenne mais une durée d'enneigement et surtout de gel considérable (près de 200 jours par an). En dépit d'une humidité de l'air relativement dense, le brouillard n'a guère plus d'importance qu'actuellement (environ 40 jours par an). Il est probable que l'ouverture de la vallée vers l'ouest et la région plus tempérée de la vallée du Rhône, devait créer des zones de dépression et des conditions venteuses empêchant le maintien de nappes de brouillard. La faiblesse relative de l'ensoleillement ne permet pas de penser à de simples brumes matinales éphémères. Au cours de cette phase froide, la végétation marque une nette prédominance de la pelouse et de la steppe herbeuse laissant poindre des espaces broussailleux surmontés de quelques arbres. Simultanément, les sols secs ou frais typiques de ces milieux entretiennent une moiteur de l'air assez faible mais plus importante qu'aujourd'hui. Le Bölling quant à lui présente des conditions climatiques et environnementales totalement différentes. Tout en restant fraîches, les températures sont maintenant supportables. Les écarts inter-saisonniers se sont réduits et affichent bien le caractère tempéré du climat. Le régime pluviométrique s'accentue par la durée plus que par la quantité. L'enneigement s'étale encore sur trois mois alors qu'il se limite à deux actuellement. Malgré une importante réduction, la période de gel reste considérable (près de cinq mois, pour moins de quatre actuellement). La végétation ligneuse (arbres, taillis et broussailles) domine largement le milieu herbacé réduit à 35 % environ. Avec le redoux, les cours d'eau retrouvent leur niveau d'étiage et laissent plus de place à des sols frais moins imbibés. L'atmosphère est plus fortement chargée d'humidité qu'au Dryas I et qu'actuellement. Sans que la faune soit vraiment abondante, la précision de la fouille et le soin apporté à la récupération des micro-vestiges s'avèrent particulièrement bénéfiques pour la connaissance du climat et de l'environnement de cette séquence ancienne du Tardiglaciaire. Implanté à 570 m d'altitude, l'Abri de La Fru à Saint-Christophe-la-Grotte (Savoie) a fait l'objet de fouilles minutieuses sous la conduite de G. Pion durant cinq années, à partir de 1980. Les résultats sont spectaculaires quant à la succession des industries du Magdalénien final aux industries microlithiques évoluant du Tardiglaciaire au Postglaciaire (Pion, 1990). La microfaune, recueillie avec soin, est relativement abondante et variée mais très irrégulièrement répartie tout au long du remplissage. Cette même disparité existe pour la plupart des taxons qui apparaissent et disparaissent d'un niveau à l'autre. Les espèces les plus régulièrement représentées sont les formes forestières : Campagnol roussâtre (Clethrionomys glareolus), Lérot (Eliomys quercinus), Mulot à collier fauve (Apodemus flavicollis), Mulot gris (Apodemus sylvaticus), Loir (Glis glis); ou plus agrestes : Rat taupier (Arvicola terrestris), Taupe (Talpa europaea); voire de terrain franchement dénudé comme le Campagnol des neiges (Microtus nivalis). Cette permanence s'observe dans le diagramme de la végétation (E). En dépit de quelques fluctuations, leur présence tend à s'accroître de la base au sommet. Les pourcentages sont pourtant toujours inférieurs à ceux des milieux découverts. Paradoxalement, bien que les sols dénudés soient présents en permanence, ils sont peu étendus. Les sols secs ou frais couvrent ensemble constamment 80 % de l'espace. Cette antinomie où les sols secs et frais dépassent de loin les espaces découverts laisse penser que le domaine forestier est en grande partie couvert de pins (toujours sur sols secs). La prairie maintient un sol frais profond où évoluent la taupe et le grand Campagnol terrestre. Les eaux stagnantes et les tourbières n'ont qu'une présence sporadique mais l'eau courante, sans être abondante, est présente en permanence. Ces divers phénomènes traduisent les effets de conditions climatiques versatiles. Les températures varient assez peu en général, mais la moyenne annuelle reste basse (entre 7 et 8° C), même en regard de la localisation géographique du site. Les données actuelles, météorologiques pour Chambéry et fauniques pour la Chartreuse (inscrites dans les deux premières colonnes de la table des données), en témoignent. Deux séquences extrêmes affectent la courbe des températures, l'une tempérée chaude (c. 1C1) et l'autre nettement glaciale (c. 4A). Cette phase froide est confirmée en plusieurs points dans les divers diagrammes : par la durée de l'enneigement (diag. B - courbe I), par le nombre de jours de gel (diag. C - courbe N). On note également la réduction du nombre de jours d'orages (diag. B - courbe J), toujours moins nombreux en période froide; la baisse sensible de l'ensoleillement (diag. C - courbe R). La végétation subit également le contrecoup de la rigueur climatique. Les espèces forestières ne représentent plus que 5,7 % de la faune tandis que celles de milieux découverts (sols dénudés et prairies - courbes S et T) traduisent une occupation de 53 % de l'espace. L'importance des formations tourbeuses s'accentue nettement dans la couche 4A (20 %), l'eau étant vraisemblablement figée par le gel du sous-sol. C'est aussi en 4A que l'humidité de l'air (humidité relative) connaît son apogée (81 %), bien que la moyenne annuelle reste globalement modérée mais dominante (78 %). L'importance de cette phase de refroidissement est liée à la présence d'espèces boréales (Lemming à collier, Dicrostonyx torquatus et Campagnol nordique, Microtus œconomus) mais surtout à la raréfaction des espèces tempérées (Mulots et Lérot). L'ensemble de ces observations et conclusions rejoignent les remarques des palynologues. Incontestablement, il existe une brutale et intense période de refroidissement au cœur de la biozone tempérée de Bölling. Les datations et la nature de l'industrie ne permettent pas de la placer ailleurs. Bien que la couche 3 soit plus riche que 4A en espèces boréales (viennent s'ajouter : Sorex minutissimus, Lepus timidus, Ochotona pusilla, Marmota bobak), les courbes sont peu affectées en raison d'une plus grande abondance des espèces tempérées. Cet épisode censé représenter le Dryas II passe donc ici pratiquement inaperçu si ce n'est en consultant la liste des taxons. Cette même transparence affecte la couche 2 attribuée à l'Alleröd où les espèces sont relativement banales. Le caractère tempéré est surtout mis en évidence par l'absence d'espèces boréales, mais comme la liste des taxons s'appauvrit considérablement, les caractéristiques climatiques de l'Alleröd (chaleur et sécheresse) s'en trouvent estompées. Le Dryas III n'est pas mieux personnalisé. Cette période d'ordinaire particulièrement froide reste pauvre en espèces et quand elle s'enrichit dans sa dernière phase 1B, c'est avec des taxons tempérés et forestiers comme l' Écureuil roux (Sciurus vulgaris) et les gliridés (Loir, Lérot et Muscardin) et quelques reptiles (Lézard vert, Orvet, Couleuvre) et batraciens (Anoures et Salamandre tachetée). Ce cortège annoncerait plutôt le Postglaciaire. On remarquera dans plusieurs couches, la présence de rongeurs commensaux : Rat noir (Rattus rattus), Rat d'égout (Rattus norvegicus), Souris grise (Mus musculus). Leur présence reflète la « porosité » des dépôts de l'abri où ces animaux et leurs restes osseux ont pu pénétrer par forage ou par simple percolation entre les blocs. Cette situation se rencontre fréquemment dans les sites largement ouverts et nous l'avons observée à la Grotte des Romains (fouilles R. Desbrosse), à Thoys (fouilles R. Vilain - inédit) et au Trou du Diable à Mâlain (Côte-d'Or), fouilles P. Buvot (Buvot, Martin, 1992). Il est bien regrettable que les micro-vertébrés de La Fru ne répondent pas à ce que l'on attend d'eux habituellement : la description de l'environnement. La responsabilité en incombe avant tout au type même d'habitat en abri largement ouvert qui subit les aléas des phénomènes périglaciaires (solifluxion, bioturbation, infiltrations) et également des interventions humaines d'aménagement (nivellement du sol, creusement de fosses pour les foyers ou forage de trous de poteaux). Le point le plus positif est la similitude de constat avec la palynologie d'une séquence très nette de refroidissement à l'intérieur de la période tempérée du Bölling. La Grotte de la Garenne, ouverte à 300 m d'altitude dans le massif de l' Île Crémieu, a beaucoup souffert de sa situation géographique relativement proche de grandes zones urbaines. Toute la partie supérieure du remplissage a fait l'objet de grattages répétés de la part de fouilleurs clandestins, sur un mètre d'épaisseur. C'est sur 1,20 m que Michel Billard a pu développer ses fouilles avant d'atteindre les argiles litées stériles (inédit). Comme on peut en juger dans le tableau de répartition, la microfaune est abondante et particulièrement variée et de surcroît dans un parfait état de conservation. Ces divers critères ont permis l'élaboration de diagrammes climatiques et écologiques dont nous tentons une première analyse globale. La moyenne annuelle des températures, après avoir marqué une nette décrue en C2bs, s'élève progressivement jusqu' à notre époque, passant de 5° au plus bas à 12° actuellement. On remarque un léger décalage entre les données actuelles, qu'elles proviennent de la station météorologique de Lyon - Bron (ActMto) ou qu'elles soient déduites de l'ensemble des stations couvertes par la microfaune (Act µƒ); écarts logiques en quelque sorte, les premières étant ponctuelles et enregistrées sous abri et les autres déduites des aptitudes écologiques des espèces, plus disparates et naturellement moins favorables. Les couches 1 et 1a, bien que récentes (présence de vestiges gallo-romains), ne marquent guère de différence avec les couches profondes car elles ont subi des remaniements dus à des forages de terriers. On y trouve encore des ossements de Campagnol nordique (Microtus œconomus). Inversement, bien que n'entrant pas dans les décomptes en raison de son comportement commensal, on remarque la présence du Rat noir (Rattus rattus) dans les couches tardiglaciaires. L'abondance des précipitations (G) reste sensiblement constante tout au long du remplissage. On note cependant une nette recrudescence tant en ce qui concerne la quantité que la fréquence (H) en période actuelle, sur la station météo de Lyon-Bron (ActMto). Il semblerait que la fréquence des orages sur la région lyonnaise soit à l'origine de cet accroissement des précipitations sur la station. La durée de l'enneigement (I) est maximale en C2bs dans la phase de température la plus basse notée dans le diagramme A, bien que les précipitations y marquent un léger fléchissement. De toute évidence, il se réduit considérablement, passant de trois mois en période périglaciaire à un mois dans l' Île Crémieu et douze jours à Lyon actuellement. L'humidité au sol (Q) est maximale au cours du réchauffement (C2a) qui suit la phase la plus froide. Cette humidité s'amenuise progressivement jusqu' à l'époque actuelle où elle devient minimalecomme le confirme le diagramme D. Le brouillard (L) et la nébulosité (M) restent sensiblement constants dans les niveaux profonds. Ils fléchissent légèrement aux époques récentes. Les données de la station météode Lyon affichent au contraire une recrudescence de ces deux paramètres, à l'inverse de la microfaune actuelle de l' Île Crémieu qui marque une décrue. Cette différence pourrait se justifier par la distance séparant ces deux zones de la plaine du Rhône et l'altitude plus forte de l' Île Crémieu. La période de gel (N), comme le laissait prévoir la courbe des températures du Diagramme A, est maximale en C2bs et minimale à notre époque. L'ensoleillement (R) varie assez peu et montre un léger fléchissement en C2bs pour s'améliorer ensuite, jusqu' à nos jours. La végétation arborescente (P) suit grossièrement l'évolution de l'ensoleillement et se voit confirmée par l'histogramme de la futaie (W) du diagramme E. L'humidité relative précise la moiteur de l'air à sept heures du matin. Les valeurs sont relevées dans la littérature climatologique. Elles font l'objet d'un diagramme séparé. À titre indicatif, il faut savoir que le taux d'humidité de l'air en Europe est le plus souvent situé entre 60 et 80 %. On conçoit aisément que la seule courbe des moyennes annuelles (K) n'affichera pas de variations sensibles. Seules les courbes des maxima (Ks) et des minima (Ki) permettent de juger des variations. Le seul point remarquable se situe au niveau de C2bs où la courbe des minima (Ki) marque un net fléchissement. Il met en évidence le phénomène climatique bien connu selon lequel les milieux continentaux connaissent la plus grande sécheresse atmosphérique. On peut considérer cette variation comme relativement importante dans une région où l'influence atlantique reste permanente mais faible. Le type « pelouse » (S) est à son maximum durant la phase périglaciaire. Il est minimal aux époques récentes au profit du domaine forestier (W). Les proportions de prairies (T) restent sensiblement constantes. Les pourcentages de broussailles (U) et taillis (V) sont pratiquement identiques sur l'ensemble de la stratigraphie. Les terrains secs (AA) ont des proportions constantes durant la phase périglaciaire et se réduisent lors du réchauffement succédant à la phase froide C2bs; ils se développent dans les périodes récentes répondant logiquement à la réduction des précipitations constatée dans le diagramme B (courbe G). Les sols meubles et frais (AB) sont les mieux représentés et leurs proportions varient au gré du développement des tourbières et marécages (AC) en période froide et des sols secs à l'époque récente. Il est remarquable, mais logique, qu'au cours de la phase la plus froide (C2bs) les eaux stagnantes (AD) et courantes (AE) soient réduites au minimum, vraisemblablement sous l'effet du gel. L'importance des tourbières, en période froide, peut traduire un effet saisonnier de dégel estival. Ultérieurement, le réchauffement, provoquant le dégel, permet l'extension des étangs et surtout une amplification progressive de l'eau courante (AE). La précision du ramassage, l'abondance et le parfait état de conservation des vestiges permettent, à l'aide d'une méthode quantitative adaptée, de déceler des variations écologiques très sensibles sur un laps de temps relativement bref. Compte tenu de l'abondance des taxons et de la faible épaisseur du remplissage, tout pouvait, sans une grande rigueur de prélèvement, se confondre d'une couche à l'autre. C'est aussi pour cette raison que sera tentée une interprétation plus détaillée de ces données. Le minutieux découpage de la stratigraphie permet de déceler les variations thermiques à l'intérieur même du Dryas I. Au-dessus de la couche 3 argileuse et varvée, réputée stérile, la couche 2c est décrite comme un cailloutis à blocs aéré dont le contenu faunique paraît être un mélange de deux couches climatiquement assez différentes. La présence du Rat noir (Rattus rattus) confirmerait cette « porosité ». L'abondance des espèces tempérées neutralise l'influence des espèces continentales sur le profil des courbes. Le contenu faunique des sous-niveaux 2cs et 2cp peut être inséré dans 2c sans crainte de voir les diagrammes modifier leur silhouette. Comme très souvent dans de nombreux gisements, il semble bien que ce soit en période de fort réchauffement que se soit constitué l'amas de grands blocs de la couche 3 ayant provoqué l'ouverture de la caverne et permis la pénétration des faunes tempérées auxquelles se sont mêlées ultérieurement les faunes froides, sous l'effet de bioturbation ou de simple percolation dans les interstices séparant les blocs. La couche 2c et ses sous-niveaux appartiendraient à la phase finale de l'interstade de Lascaux. Certains auteurs prônent l'existence d'un Pré-Bölling et nous avons pu constater l'existence à La Fru d'une brève période très froide scindant le Bölling en deux sous-phases tempérées. Sans datation isotopique et sans information sur les éventuelles industries recueillies, il n'est guère possible de se forger une opinion. Toutefois, il semble que l'ampleur des variations fauniques et environnementales soit beaucoup trop importante pour simuler une simple nuance climatique à l'intérieur d'une séquence interstadiaire. La couche 2bs, datée de 13 150 BP, est attribuée au Dryas I. C'est sur elle que s'impriment les stigmates du froid le plus intense. On sait que l'extension glaciaire et ses formations morainiques ont amplement dépassé à l'ouest la localité de Vénérieu mais il est surprenant de constater, comme en altitude (à Saint-Thibaud-de-Couz comme à La Fru), une raréfaction des taxons, aussi bien de rongeurs, d'insectivores que de chiroptères sur ces séquences de froid extrême. Peut-on évoquer, à si basse altitude, l'obstruction de l'entrée de la caverne ? Ce fait est d'autant plus étonnant que simultanément, le cortège s'enrichit de reptiles… La composition faunique de 2b est identique à celle de 2bs. La couche 2a enregistre à la fois un appauvrissement en rongeurs continentaux (hormis le Lemming à collier) et en reptiles, mais s'enrichit en batraciens. Ce fait se traduit par une élévation des températures annonçant le Bölling que doit matérialiser la couche 1 sur laquelle se sont arrêtées les investigations clandestines. La liste des espèces s'appauvrit énormément. Elle perd la presque totalité des campagnols et en particulier le Lemming à collier et ne conserve accidentellement que le Campagnol nordique. Dans leur majorité, les reptiles et les batraciens ont fui pour ne laisser que deux grenouilles et un crapaud (Rana dalmatina, Rana temporaria et Bufo calamita) ainsi que la Vipère péliade (Vipera berus). Dans ce contexte on constate, avec un faible fléchissement des températures, une réduction du nombre de jours de gel et de l'enneigement. La végétation sylvestre évolue sensiblement dans le même sens que les températures. Très logiquement, l'importance des arbres décroît dans le Dryas I puis tend à s'accroître sous l'effet du réchauffement et se stabiliser au Bölling. En dépit de sa pauvreté, la couche 1a semble plus fiable que l'ensemble de la couche 1 comprenant plusieurs sous-niveaux et ayant été partiellement mélangée, comme en témoigne la présence anormale du Campagnol nordique. Cette couche 1, censée représenter le Bölling par sa position chronologique relative à 2bs, marque nettement un réchauffement accompagné logiquement d'une réduction de l'enneigement et de la période de gelées. La pluviosité reste stable, mais la durée décroît légèrement. Les sols secs ou dénudés sont en régression au profit des sols frais de prairie. Les zones détrempées (tourbières, étangs et cours d'eau) conservent leur importance. Cette sécheresse relative semble paralyser l'évolution de la futaie en dépit de l'élévation de température. Cette situation profite aux taillis et aux broussailles. L'humidité de l'air s'accroît à peine, tout comme la nébulosité, les orages et l'ensoleillement. On peut en conclure que durant le Bölling, si la mauvaise saison s'adoucit, la période estivale ne semble pas connaître une très chaleureuse ambiance. Chronologiquement, le remplissage de la Grotte de la Garenne couvre un faible laps de temps et les variations climatiques affectant chaque sous-niveau sont intéressantes à observer pour caractériser écologiquement les biozones du Dryas I et du Bölling. Les Grottes Jean-Pierre furent ouvertes accidentellement par des travaux de carrière à 25 m au-dessus du fond de la vallée et à une altitude de 500 m. Les fouilles entreprises par P. Bintz, A. Bocquet, R. Desbrosse et P. Lequatre s'étalèrent sur quatre campagnes de 1969 à 1974 (Bocquet et alii, 1973). L'étude de la microfaune se limite à celle des rongeurs par J. Chaline (1981 et 1994), dont nous utilisons les données pour les comparer aux sites voisins du Tardiglaciaire. La liste des oiseaux, déterminés par C. Mourer-Chauviré et figurant dans sa thèse (1975) pour la Grotte sud (J.P.1), n'est pas conservée, l'avifaune n'entrant pas dans notre processus d'étude de l'environnement. Les études palynologiques approfondies de M. Girard et alii (1981) ont servi de base à une chronologie relative très affinée. Les rongeurs sont abondants pour un faible nombre de taxons et se caractérisent pour la majorité par une grande pérennité. Sur dix espèces reconnues, deux seulement vivent actuellement sous climat boréal : le Campagnol des hauteurs (Microtus gregalis) et le Campagnol nordique (Microtus oeconomus). Seul ce dernier assure une présence constante de la couche 10 à la couche 6B1. Microtus gregalis pour sa part n'apparaît que deux fois dont une durant la période du Bölling et une dernière fois dans le Dryas II. On peut leur associer par indulgence le Grand Hamster (Cricetus cricetus) qui fréquente les steppes d'Europe centrale et disparaîtra bientôt de France où il ne survit plus qu'en Alsace. Toutes les autres espèces sont encore fréquentes dans nos contrées. Cette situation transparaît dans le diagramme des températures où les variations sont de faible amplitude. Il est remarquable cependant qu'en dépit des indentations de la courbe, les basses températures s'adoucissent de - 10 à - 5° C de la couche 10 à la couche 5c. La même amélioration s'observe sur la courbe des températures moyennes annuelles. Les oscillations thermiques sont confirmées par d'autres paramètres enregistrés dans le diagramme des précipitations (B) et celui de l'ambiance (C). En particulier, on constate qu' à la couche 10, modérément tempérée (7° C de moyenne annuelle), correspond un enneigement de 85 jours et 153 jours de gel par an. Ces conditions s'aggravent dans la couche 9, tant pour la température moyenne que pour son influence sur les autres paramètres. Les deux séquences de refroidissement (couches 7 et 9) sont accompagnées des plus grands écarts saisonniers (histogramme D) dépassant 31° C et attestant le caractère continental de ces deux phases climatiques. La couche 9 représenterait le Dryas I et la couche 7 le Dryas II, encadrant la période tempérée du Bölling. Dans la couche 6, la température s'élève progressivement et les périodes de gel et d'enneigement diminuent considérablement ainsi que le pourcentage d'espèces hygrophiles (Q). Cette période appartiendrait à l'Alleröd. La couche 6B1, qui voit le dernier passage du Campagnol nordique, semble appartenir au début du Dryas III plutôt qu'au pléniglaciaire car l'intensité du froid caractéristique de cette ultime phase glaciaire est réduite même dans la faune aviaire particulièrement riche ici en petits passériformes. Quelques formes à tendance continentale comme la Chouette de Tengmalm, la Sarcelle d'hiver, le Hibou des marais, le Pic à dos blanc et la Mésange boréale sont présents. Mais il manque la célèbre Chouette harfang (Mourer - Chauviré, 1975). Tout ne coïncide donc pas pour les rongeurs avec les biozones polliniques. On observe fréquemment un décalage temporel. Plusieurs éléments naturels peuvent le justifier : - la proximité du massif alpin imprime d'emblée un caractère continental à la faune locale, même en période interstadiaire et les écarts s‘estompent en période de refroidissement; - les espèces boréales évoluent le plus souvent à basse altitude, même ledit Campagnol des hauteurs habituellement très abondant, dont les colonies demandent de l'espace et recherchent les sols meubles des steppes ou les alpages des contreforts himalayens; à Saint-Thibaud, comme à La Fru, ce genre de milieu est particulièrement restreint, voire inexistant; - ces espèces associées aux formes locales influencent peu les courbes thermiques et l'amplitude reste faible car les facultés adaptatives des espèces continentales ne sont pas très différentes de celles des formes montagnardes; - les phases périglaciaires engendrent la formation de dépôts de névés et de glace entraînant la fermeture des cavernes et provoquant la raréfaction des amas de proies comme de leurs prédateurs; d'où l'appauvrissement ou la stérilité des dépôts glaciaires, voire la présence de nombreux hiatus quand le froid devient trop intense. Si les dix rongeurs se montrent moins fiables dans l'interprétation climatique que les centaines de pollens, ils confirment fréquemment leurs résultats et apportent des informations écologiques complémentaires intéressantes. Si la mobilité de la faune est un avantage pour montrer de sensibles variations environnementales à l'intérieur d'un site ou de la stratigraphie, c'est aussi un inconvénient pour comparer les gisements entre eux car la différence orographique ou climatique modifie les cortèges fauniques même synchrones et géographiquement proches. En dépit de ces incertitudes, on tente de classer, en les intriquant, les sites et éventuellement leurs niveaux avec l'appui des dates 14 C. Les biozones définies par les palynologues n'ont pas de limites chronologiques précises mais définissent des fluctuations thermiques assez importantes pour mettre en évidence les modifications du paysage. Les variations végétales influent directement sur la présence des rongeurs, l'humidité sur celle des batraciens, la chaleur et la sécheresse sur celle des reptiles et tous sont concernés par les températures. L'association de ces divers groupes et leur potentiel permettent une approche assez précise des qualités climatiques et environnementales. Climatiquement comme géographiquement, les onze gisements précédemment décrits appartiennent à la même région et la majorité, quant au relief, à l'étage de la moyenne montagne. Ainsi peut-on considérer qu'il existe entre eux une relative homogénéité. Cette situation nous incite à tenter un enchaînement chronologique de l'ensemble des sites selon les données 14 C ou le type d'industrie. Afin d'éviter un chevauchement des données et une surcharge des diagrammes, les écarts-type n'y sont pas matérialisés. La majorité des données 14 C (tabl. 18) émane des récentes données acquises par le PCR sur le Tardiglaciaire des Alpes du Nord dirigé par G. Pion (Pion, Mevel dir., 2009). L'analyse ne concerne que les caractères climatiques ayant une portée au moins régionale. Les paramètres singuliers comme le brouillard, le type de végétation ou la densité de l'humidité au sol subissent des variations locales en fonction de la qualité du sol ou de l'orientation du site et dépendent plus des conditions orographiques que des conditions générales du climat. Par ces conditions géographiques - bas montagnardes par l'altitude et semi-continentales, par l'éloignement de l'océan - l'ensemble des sites porte un cachet climatique particulier bien reflété par les courbes thermiques : - une moyenne des températures annuelles qui reste basse (entre 3 et 10° C), - une moyenne des températures du mois le plus chaud fixée entre 19 et 23° C, - des variations d'amplitudes de la courbe du mois le plus froid supérieures à celles des autres courbes, - des écarts de températures été/hiver très rarement inférieurs à 25° C (une seule fois sur l'ensemble). Sachant que les phases climatiques continentales enregistrent toujours des écarts saisonniers d'au moins 30° C, on voit ici qu'avec plus de 25° en permanence, on est bien dans une zone de climat sub-continental ou semi-montagnard, en raison de l'altitude collinéenne. Les précipitations font également l'objet d'une analyse globale ayant une portée pour le moins régionale. Leur abondance avoisine celles des chutes actuelles. Leur fréquence est trop importante pour évoquer les régions continentales et trop réduite pour simuler un type océanique. Elles caractérisent ainsi un statut particulier sub-montagnard ou collinéen. L'enneigement est assez important et ses pics d'abondance coïncident avec les maxima des biozones périglaciaires. Dans le diagramme 10C, la courbe de gel (N) conforte également cette position des biozones polliniques. Le diagramme de l'ambiance climatique (fig. 10C) affiche quelques paramètres secondaires (nébulosité, ensoleillement, gel) complémentaires des deux autres diagrammes. On remarque que le ciel reste couvert un jour sur deux. Les journées de beau temps réduisent considérablement les périodes de gel. Une dernière particularité propre à cette région accidentée de moyenne montagne est le maintien d'une végétation arborescente en dépit d'une température moyenne annuelle assez basse susceptible de limiter la germination et le développement de la plante. Le pin résiste le mieux à ces conditions rigoureuses, ce qui expliquerait que les micromammifères forestiers soient le plus souvent minoritaires, sauf lors de périodes de réchauffement interstadiaires. Trois diagrammes reprennent les valeurs des divers sites précédemment décrits et les classent en les imbriquant selon leur position chronologique. Le premier graphique concerne les températures. Les courbes traduisent les moyennes annuelles des températures des mois les plus chauds (B), les plus froids (C) et la moyenne générale (A). L'histogramme (D) représente l'écart entre les mois les plus chauds et les mois les plus froids de l'année que l'on assimile à l'écart été-hiver. Comme il a été dit dans l'étude individuelle des gisements, les phases froides sont peu marquées sur les niveaux des sites d'altitude car les dépôts périglaciaires devaient gêner sinon interdire leur pénétration et provoquer un hiatus dans l'apport de faune. Inversement, en période de réchauffement, faunes tempérées et boréales tendent à se télescoper, les premières venant reconquérir un espace libéré et les secondes cherchant à compenser la dégradation de leur biotope en fond de vallée. De ce fait, la sinuosité des courbes tend à s'adoucir. On remarque en particulier que la courbe des températures élevées (B) n'a que peu de relief. Celle des moyennes annuelles (A) accentue les amplitudes, mais c'est sur la courbe des températures minimales (B) qu'elles sont le plus marquées. Elles ne font pourtant que creuser les indentations enregistrées par les moyennes annuelles. Les biozones tempérées ou fraîches sont relativement bien marquées. Elles sont également soulignées par l'accroissement ou la réduction des écarts entre bonne et mauvaise saison (D). Les phases froides sont caractérisées par les écarts importants, comme actuellement dans les régions à climats continentaux, qui sont réputés pour l'ampleur de leurs écarts saisonniers (été torride et hiver glacial) atteignant et dépassant fréquemment 40° C comme à Irkutsk (48,1°) ou Iénisséisk (50,7°). L'application de la méthode d'écologie quantifiée sur les sites fossiles montre des variations similaires : larges écarts lors des phases périglaciaires et faible amplitude en période interstadiaire. Les mêmes bases chiffrées permettent le calcul d'un « degré de continentalité » comme le font les climatologues (Arléry et alii, 1973) et coïncidant avec nos relevés. Il n'est pas possible de le développer ici, mais on le retrouvera dans la publication de la méthode d'écologie quantifiée, actuellement sous presse. Les observations réitérées sur de nombreux sites montrent que les écarts été/hiver supérieurs à 30° C appartiennent au climat continental; 20 à 30° caractérisent un milieu tempéré frais; 12 à 20 °C traduisent un climat méridional, et des écarts inférieurs à 12° C appartiennent aux régions méditerranéennes et subtropicales, avec des variations locales imputables, dans nos régions, à l'influence océanique réduisant le degré de continentalité. Dans l'ensemble les précipitations (G) sont moyennes (60 cm par an), proches des quantités actuelles, et leur durée s'étale entre 130 et 140 jours (H) qui traduit un régime plus régulier que violent. Apparemment, les ondées n'alimentent pas de réserves d'eaux stagnantes, sans doute en raison du relief car le pourcentage d'espèces hygrophiles (Q) ne répond pas régulièrement ni à l'abondance ni à la fréquence des précipitations. La durée de l'enneigement (I) et celle du gel (N) suivent systématiquement les variations des températures minimales et confirment les phases froides du Dryas en les confortant dans leur position et leur extension. Le diagramme de l'ambiance (C) rassemble des paramètres importants mais plus disparates. La nébulosité (M), comme il se doit, évolue sensiblement en sens inverse de l'ensoleillement (R). La même opposition se manifeste entre ce dernier paramètre et le nombre de jours de gel (N) et la durée de l'enneigement (I), mais avec une amplitude beaucoup plus réduite. La courbe de la végétation forestière (P) se caractérise ici par une grande instabilité. Elle répond aux rigueurs périglaciaires le plus souvent brusquement et intensément en réduisant son importance. Elle n'est sans doute pas totalement indépendante de l'orientation des sites selon l'exposition à l'adret ou à l'ubac. Les diagrammes globaux présentant en détail la végétation et l'hygrométrie du domaine des espèces n'ont pas été tracés car ils concernent étroitement chacune des localités dans une aire très réduite dépendant du microclimat local et ne présentant pas un grand intérêt dans le cadre d'une vision régionale. La situation géographique des gisements à proximité du massif alpin confère à l'ensemble une relative homogénéité climatique en dépit de quelques disparités orographiques. Les points les plus remarquables concernent les températures qui mettent en évidence une indéniable continentalité du climat : les moyennes annuelles des températures restent basses (entre 5 et 10° C) et les maximales estivales entre 20 et 23° C. Inversement, les écarts saisonniers sont toujours supérieurs à 25° C avec des maxima de plus de 30° C lors de phases périglaciaires et caractéristiques des régions continentales où elles sont le plus souvent dépassées. Ces périodes de refroidissement sont peu évidentes car les conditions naturelles habituelles portent déjà le cachet montagnard. Les conditions pluviométriques participent également à la définition paléoécologique de cette période sous un aspect particulier. Les ondées sont fréquentes et affectent régulièrement près de cinq mois de l'année, mais la quantité reste dans les normes actuelles nationales (environ 60 cm par an), avec une réduction de 5 à 30 % au cours de phases de refroidissement. L'enneigement, par ses pics, souligne nettement ces phases périglaciaires. Quant aux valeurs reprises dans le diagramme de l'ambiance, elles sont essentiellement complémentaires de celles des autres diagrammes : la nébulosité comme l'ensoleillement se maintiennent aux environs de 50 % de leur efficacité, ce qui peut expliquer le niveau peu élevé des températures et une fréquence des gelées jamais inférieure à quatre mois. L'abondance des sites et des données, la proximité chronologique des dépôts ne nous ont pas permis de retrouver des courbes de comparaison parmi les courbes de référence palynologiques ou isotopiques de l'Oxygène obtenues des carottes de glaces polaires. Cette situation nuit sans aucun doute à la crédibilité de nos résultats, mais nous n'y pouvons rien changer. Comme le souligne P. Mellars (1995, p. 26), durant cette période les variations climatiques sont si brèves, si proches et parfois si peu marquées qu'elles entraînent une certaine confusion que les écarts-types des datations isotopiques ne peuvent plus séparer (on notera en particulier que dans cet ouvrage, les datations accompagnant les données du graphique sont très éloignées de celles utilisées couramment pour cette période, sans toutefois modifier le profil des courbes). Sur les 4 000 ans que couvre cette étude, les 45 prélèvements décryptés sont étroitement liés et ne parviennent pas à s'insérer dans le schéma des courbes GRIP (Bard et alii, 2004), bien que respectant les tendances majeures. Le plus étroit rapprochement pourrait se faire avec la courbe palynologique et entomologique élaborée sur les données du site des Échets (Guiot et alii, 1993), mais comme pour les courbes GRIP la fréquence des prélèvements ne permet pas une étroite coïncidence et une réalisation technique comparative. Si l'on envisage tous les aléas de taphonomie, de récupération, de tamisage, de tri, de détermination, de références géographique, chronologique, climatique, écologique, éthologique, biologique et de prédation affectant les vestiges de microfaune, nous pensons que les résultats obtenus sont assez cohérents et satisfaisants et que la méthode utilisée pour les obtenir est relativement fiable, bien que perfectible. C'est bien amèrement que j'évoque le regret que sa publication ait tardé à voir le jour pour des raisons techniques. Remerciements C'est à Gilbert Pion, dirigeant le PCR sur « la fin du Paléolithique supérieur dans les Alpes françaises et le Jura méridional », que s'adressent mes plus vifs remerciements. Son aide et sa confiance m'ont permis de réaliser ce travail. C'est à lui que je dois la liste des récentes datations 14 C réservées au PCR et qu'il a bien voulu me laisser utiliser pour valoriser mes résultats . | Chaque chercheur dans sa spécialité tente de définir et d'affiner les conditions climatiques et environnementales du site qu'il étudie. La comparaison aux résultats obtenus par d'autres méthodes permet une insertion dans le réseau chronologique traditionnel de référence telle que la variation isotopique de l'oxygène (O18/O16) des fonds marins ou des glaces du Groenland L'innovation n'est plus désormais dans la création de nouvelles méthodes mais dans leur adaptation aux problématiques variées de chaque site (prédation, taphonomie, saisonnalité, consommation des proies et plus largement écologie, climatologie et biochronologie, etc.). Ce principe nous offre donc la possibilité de reprendre des études anciennes dans une version différente, élargie à divers groupes de microvertébrés et quantifiée, facilitant les comparaisons entre les niveaux et les sites, ainsi que le rapprochement avec les courbes climatiques de référence. Après avoir rassemblé les listes de microfaune, chaque espèce étant définie quantitativement par les moyennes climatiques de son domaine géographique, le gisement peut alors présenter, par la succession de ses niveaux, l'évolution des courbes des divers paramètres climatiques et environnementaux. En imbriquant chronologiquement les niveaux des divers sites et les valeurs paramétriques, il est possible d'élaborer des diagrammes de synthèse régionale où les biozones tardiglaciaires sont assez clairement mises en évidence. | archeologie_10-0505472_tei_344.xml |
termith-138-archeologie | La fouille de sauvetage urgent du site Paléolithique moyen de “La Folie” a été réalisée dans le cadre d'un projet de construction d'une station d'épuration par la communauté urbaine de la ville de Poitiers. Le gisement est localisé au nord de la commune de Poitiers, au lieu-dit “La Folie ”, non loin de la zone industrielle République (Fig. 1a). L'étendue du site paléolithique de “La Folie” à Poitiers se limite à la zone de décapage qui révèle la présence d'une surface d'occupation fouillée dans son intégralité sur 580 m 2 (Fig. 1b). Cette zone est structurée par deux grands amas de débitage à l'est et à l'ouest et une organisation concentrique de blocs calcaires d'origine anthropique marquant l'emplacement probable d'une surface d'habitation (cf. infra). La particularité du site réside dans la préservation exceptionnelle du matériel archéologique qui a peu souffert des phénomènes d'altération post–dépositionnels. Le seul niveau archéologique de faible épaisseur (10 cm) a pu être traité dans sa totalité comme une unité (Fig. 2). Les remontages entre les secteurs est et ouest confortent cette interprétation (cf. infra). Le site de « La Folie » est localisé sur la rive gauche du Clain à 3 km en aval de Poitiers. A cet endroit, les plateaux, dont les assises calcaires sont entaillées par quelques vallées sèches, culminent vers 125 m NGF et dominent la rivière de 60 m. La vallée présente un profil contrasté avec, en rive droite, un coteau vertical contre lequel bute le cours actuel du Clain et en rive gauche, un versant à pente plus douce où subsiste un lambeau de nappe alluviale (Fig. 3). Ce versant est incisé par deux petits vallons secs rectilignes, très courts et d'axe ENE/WSW. Cette étude a été effectuée en trois étapes, lors des phases de prospection, évaluation et fouille (d'avril à novembre 2000), avec relevés de sondages géologiques complémentaires au fur et à mesure et réalisation d'une campagne de prélèvements malacologiques, palynologiques, micromorphologiques et sédimentologiques. Le sondage 1 qui a conduit à la découverte du site lors de la prospection, a permis de relever en détail la coupe 1 de référence (Fig. 4b). Etendu progressivement lors des phases suivantes, il a abouti à un décapage de forme rectangulaire, dont l'axe le plus long est quasi est-ouest. Les trois autres côtés de ce décapage profond ont aussi été relevés en détail (Fig. 3, 4a et 4b), excepté dans les parties éboulées ou talutées. Les autres données stratigraphiques ont été fournies par les sondages géotechniques et par les coupes relevées dans les sondages 2, 3, 6, 30 et 31. Les premiers résultats, très résumés ici, correspondent à la description synthétique des treize niveaux stratigraphiques distingués sur les neuf coupes, en intégrant les résultats des analyses granulométriques et calcimétriques, et aux premières hypothèses d'attribution chronostratigraphique qui ont été émises (Deloze 2001). De haut en bas, les neuf relevés géologiques effectués sur le site de “La Folie” ont permis de distinguer les couches suivantes, numérotées de 1 à 13 (Fig. 4a et 4b) : couche 1 : terre végétale limoneuse brun foncé décarbonatée, contenant 20 % de fragments de silex et granules calcaires et 20 % de sables. Teinte 10 YR 4/3 (); couche 2 : limon décarbonaté à 4 % de silex et de granules calcaires. Teinte 5 YR 4/4; couche 3 : limon décarbonaté contenant de rares éléments grossiers. Teinte 5 YR _; couche 4 : limon sableux décarbonaté à 40 % de granules calcaires. Teinte 5 YR 4/4; couche 5 : 17,4 % de graviers et 17,4 % de sables grossiers dans une matrice limoneuse carbonatée. Teinte 7,5 YR 6/6; couche 6 : limon sableux carbonaté à nombreux filaments calcaires et bioturbations, et contenant 10 % d'éléments grossiers. Teinte 10 YR 5/8; couche 7 : limon assez fin carbonaté à nombreux filaments calcaires. Niveau parfois compact et induré au contact de la couche 8. Poupées calcaires et graviers épars. Teinte 10 YR 6/6; couche 8 : 80 % de cailloutis moyen (module < 7 cm) composé de silex gris-bleuté et de calcaire, dans un ciment carbonaté parfois induré. Teinte hétérogène blanc-gris. Lit très irrégulier et géliturbé; couche 9 : limon sableux carbonaté. Teinte 5 YR 6/6; couche 10 : cailloutis moyen (module < 7 cm) de silex gris-bleuté et de calcaire, à ciment carbonaté et parfois induré. Teinte hétérogène blanc-gris. Lit très irrégulier et géliturbé; couche 11 : limon fin carbonaté à nombreux filaments et poupées calcaires (2 à 4 %). Teinte 5 YR 6/6. Quelques passées carbonatées de teinte 10 YR 6/6; couche 11b : limon argileux carbonaté à rares filaments et poupées calcaires. Teinte 5 YR 6/6; couche 12 : nappe alluviale sableuse brun-rouge à petits graviers alluviaux et nombreuses coquilles de gastéropodes; couche 12b : nappe alluviale gravelo-sableuse plus grossière et très meuble; couche 13 : substrat calcaire du Callovien. A la base de la séquence, le substrat calcaire (13) apparaît d'aspect fracturé et altéré au contact des formations quaternaires (couches 1 à 12); il présente un toit à profil irrégulier, à chenaux étroits et encaissés. Les couches 12 (Fig. 4a) et 12b correspondent à la partie basale grossière de la nappe alluviale Fy du Clain, épaisse selon les endroits de 0,4 à 3,5 m. Elle comprend des dépôts gravelo-sableux à la base (12b), à rares stratifications obliques incurvées et à précipitations ferro-manganiques ainsi que des dépôts sableux massifs au sommet (12), déposés par un cours d'eau à chenaux anastomosés (Campy et Macaire 1989). D'après les données cartographiques (Bourgeuil et al. 1976; Mourier et al. 1986), cette nappe serait datée du Weichsélien ancien (Pléistocène supérieur) et si on se réfère au tableau chronologique établi par Lebret et al (1993), elle pourrait se placer aux stades isotopiques 5d à 5b (?). Les limons carbonatés jaune-rouge des niveaux 11 et 11b (Fig. 4a et 4b), épais de 0,6 à 2,2 m, se caractérisent par la présence de 25 % de sables, d'accumulations carbonatées isolées (dues à la pédogenèse et à la dessiccation) et localement de lentilles plus grossières. Ils correspondent à des limons fins de débordement, mis en place dans sa plaine d'inondation par un cours d'eau à chenal unique et à méandres, dont les eaux ont une vitesse réduite et une importante charge sédimentaire fine (Campy et Macaire 1989). Cette séquence alluviale pourrait s' être mise en place sous conditions tempérées (peut-être interglaciaires ?), peut-être à la fin du Weichsélien ancien (stade 5a ?). L'unité domestique de “La Folie ”, datée du Paléolithique moyen, est localisée à la base de ces limons de débordement, témoignant d'une occupation suffisamment prolongée et temporairement à l'abri des crues (Deloze 2001). Après une phase d'érosion, ces alluvions fines ont été recouvertes par un ou deux lits discontinus de cailloutis moyen de silex gris-bleu et de calcaire (8 et 10), entre lesquels s'intercalent parfois un limon sableux rouge-jaune à ciment carbonaté (9). Leurs matériaux provenant des affleurements de nappe ancienne et de colluvions situés en amont, ont transité sur le versant à la faveur du vallon sec repéré au sud-ouest du site. Il s'agit vraisemblablement de colluvions grossières, mises en place avec le concours des eaux de ruissellement et peut-être aussi des phénomènes de solifluxion, sous climat périglaciaire. Ces dépôts sont postérieurement marqués par des déformations dues au gel (présences de fentes de gel), des perturbations racinaires et une phase d'érosion. La stratigraphie s'achève par une épaisse séquence de colluvions fines, parfois fortement érodées à leur sommet et souvent affectées par le gel et les phénomènes de décarbonatation ou recarbonatation. Difficilement datable, cette couverture est composée de : deux phases colluviales (6 et 7), à granulométrie nettement plus fine que les colluvions précédentes et représentées par des limons sableux brun-jaune dont l'épaisseur décroît du haut vers le bas du versant; une phase de dépôts à petits granules calcaires anguleux emballés dans une matrice sablo-limoneuse jaunâtre carbonatée (5), résultant de phénomènes cryoclastiques qui ont affecté le substrat calcaire gélif sur le versant, mis en place probablement sous climat périglaciaire; enfin, trois phases de colluvions, limoneuses à limono-sableuses, renfermant des granules calcaires cryoclastiques (couches 2, 3 et 4). Elles ont été piégées dans un paléorelief en creux aujourd'hui comblé et quasi invisible dans la topographie, situé presque dans le prolongement d'une vallée sèche. A côté du site paléolithique, des structures datées du Néolithique (Tcheremissinoff et al. 2000; Tcheremissinoff et al. 2001) ont été mises au jour pour l'essentiel au sommet de la couche 5, ce qui permet de rattacher cette phase de dépôts à une période antérieure (début de l'Holocène ?) et les colluvions sus-jacentes à l'Holocène sensu stricto. Dans l'hypothèse où les corrélations et attributions chronostratigraphiques seraient pertinentes, l'unité domestique de “La Folie” datée du Paléolithique moyen pourrait se situer dans le stade 5a, soit entre 84 000 et 72 000 BP. L'excellente conservation des artefacts paléolithiques serait la conséquence d'un emplacement particulièrement favorable dans la vallée du Clain sur le bord externe de la nappe alluviale Fy, au sein de limons fluviatiles sus-jacents à une nappe alluviale non altérée, auxquels se superpose une couverture conséquente de dépôts où prédomine la dynamique de versant. Malgré les nombreuses phases d'érosion, les témoins de l'occupation ont été conservés en place, même si, à cet endroit, on peut noter une légère dépression chenalisée correspondant en amont sur le versant, au prolongement d'une vallée sèche. Celle -ci a d'ailleurs pu servir de « couloir » d'évacuation des colluvions, des dépôts de versant et autres ruissellements, vers la vallée du Clain. Les limons d'inondation de la vallée du Clain ont permis le développement de sol brun calcaire marqué par une abondance de poupées calcaires en place. Enfoui à plus de trois mètres de profondeur, ce sol a révélé un degré d'enregistrement pédo-sédimentaire (Fig. 4c) exceptionnel qui s'est traduit par une bonne conservation des artefacts et de leur organisation. La préservation d'un niveau moustérien au sein de l'horizon profond a montré une occupation en place matérialisée par des assemblages de silex et par une organisation circulaire délimitée par des blocs de pierres en majorité calcaires. La surface du sol d'occupation se caractérise par des assemblages pédologiques marqués par des taches noires et diffuses pouvant être confondues avec des imprégnations de fer et par une plage blanchâtre rappelant les traces d'altération et de désagrégation en place d'ossements. Les investigations micro-morphologiques ont porté essentiellement sur l'analyse de sédiments provenant de la zone placée sous les blocs de pierre et de matériaux des assemblages pédologiques (taches noires ou blanchâtres) visibles sur le terrain. Les résultats de l'étude sont de deux types, déterminant l'origine de l'organisation des blocs de pierre et définissant l'anthropisation de la surface du sol à laquelle s'ajoute la présence des amas de silex. L'analyse pédologique du sol supportant les blocs de pierre a montré un creusement bien délimité, comblé ultérieurement par l'effondrement partiel de ses parois sous l'effet de la saturation du sol en eau. La matrice sédimentaire de ce comblement est de ce fait partiellement lavée et la masse du sol est orientée, ce qui la différencie nettement de sol encaissant naturel adjacent. Ce dernier présente une structure légèrement compacte limitée aux abords de ce creusement. Son remplissage se caractérise par la présence de réseaux de cellules végétales en connexion conservées par calcitisation. Strictement limités au comblement du creusement, ces végétaux ne correspondent aucunement aux débris de décomposition de racines. La présence d'un creusement est confirmé par la combinaison de critères : la compacité de la paroi, la dégradation de restes végétaux notamment de l'épiderme (Freytet 1992 et com. orale) et l'apport des blocs de pierres. Tout ceci, nous laisse fortement à penser que le fonctionnement de cette structure correspond à celui des trous de poteau (Fig. 5). L'étude des matériaux de certains assemblages pédologiques visibles à l' œil nu (tâches noires ou blanchâtres) et localisés sur la surface d'occupation a permis d'une part leur identification, d'autre part la reconstitution des processus de leur formation. Ainsi, les assemblages blanchâtres en bordure nord de la concentration I a et b (Fig. 16) se sont révélés être des accumulations calcitiques déposées dans des cellules d'un fragment végétal dégradé en place (bois). Le réseau cellulaire est préservé grâce à une consolidation liée à la calcitisation. Son emballage sédimentaire est caractérisé par la présence d'abondants charbons associés à des fragments brûlés de la matrice du sol reflétant une zone de combustion. Sa partie superficielle, lessivée, et l'organisation de la sole ont été partiellement réorganisées par les processus biologiques. Tout ceci suggère l'existence d'un foyer altéré avec des restes de bois (fig.6). Les taches noires, quant à elles, sont finalement limitées non seulement sur un plan horizontal, mais aussi et surtout sur un plan vertical. Leur formation n'est pas liée à la ferruginisation des sédiments. Elles sont issues exclusivement de la décomposition de matière organique végétale formant un lit relativement continu. Ce lit est emballé dans une matrice carbonatée où plusieurs réseaux de cellules végétales sont conservés par calcitisation. La limite de cet assemblage à environ cinq cm d'épaisseur et l'absence de réseau racinaire ont permis d'écarter l'hypothèse d'une dégradation d'un végétal développé naturellement. Bien au contraire, l'ensemble des critères pédologiques précédemment évoqués font penser à une accumulation de végétaux décomposés sur place. Bien qu'il soit difficile de préciser l'origine anthropique directe de cette accumulation, l'épaisseur homogène des réseaux cellulaires (environ cinq mm), permet d'évoquer la présence porbable d'un seul et même végétal. Dans ce contexte, l'hypothèse d'une sélection anthropique de ces végétaux est possible. Nous envisageons la réalisation d ' analyses complémentaires afin de déterminer la nature de la matière organique et surtout de rechercher d'éventuelles traces d'apports anthropiques expliquant ces accumulations végétales (Fig. 7) où la présence de restes osseux brûlés a été déjà attestée. L'industrie lithique moustérienne de “La Folie ”, bien que d'effectif modeste (1304 pièces en silex, coordonnées, dont 399 inférieures à 3 cm), exprime clairement les comportements techniques et économiques des hommes implantés sur cette rive gauche du Clain. Tout d'abord, en ce qui concerne l'acquisition des matières premières lithiques, ces comportements se caractérisent par une sélection de blocs bathoniens dans un territoire local, voire de proximité immédiate dans les dépôts de versants. Malgré une implantation sur les berges du Clain, les moustériens n'ont pas exploité les potentialités naturelles qu'offre ce milieu (galets alluviaux quel que soit le type de roche). Seuls treize blocs de silex ont, semble -t-il, été nécessaires aux activités menées durant l'occupation. Leurs morphologies, variables (aplaties, plus ou moins circulaires ou sous forme de grosses plaques), ont généré des comportements techniques différents bien que tous orientés vers l'obtention de produits Levallois d'assez grandes dimensions. Ces adaptations se traduisent par la présence de plusieurs chaînes opératoires Levallois de modalités récurrentes. De même, occasionnellement, lorsque les conditions étaient réunies, des supports préférentiels ont été produits en début ou en fin de chaîne opératoire (Fig. 8). Les modalités d'aménagement et d'exploitation des blocs sont conjoncturelles. À une morphologie allongée du bloc correspondent des modalités récurrentes unipolaires et bipolaires (Fig. 9), à une morphologie sub-circulaire, une modalité centripète. Au sein d'un même bloc, les modalités peuvent être strictes (unipolaires du début à la fin de la chaîne opératoire) ou bien au contraire, mixtes en s'adaptant toujours à la morphologie du nucléus dans son processus d'exploitation. Des disproportions techno-économiques dans la chaîne opératoire de débitage (Geneste 1985) apparaissent : en tout premier lieu, il ressort une faible représentation des produits retouchés. Le faible taux de transformation des supports en outils, 35 pièces au total, est une des caractéristiques majeures de cette industrie; De plus, à l'intérieur des différentes séquences de production, on remarque également des disproportions. Celles -ci apparaissent d'autant plus fortes lors d'une comparaison avec les données expérimentales obtenues par J.M. Geneste et A. Turq (Geneste op. cit. et Turq 1990) (tabl. : 1, les pourcentages obtenus pour le site de La Folie prenant en compte l'ensemble des produits débités, y compris ceux repris en outils); un pourcentage normal voire sur-représenté de produits corticaux selon l'expérimentateur concerné; une sur-représentation des produits à dos corticaux : plus de cinq fois plus que dans les séries expérimentales; une sous-représentation des produits ordinaires; une sur-représentation des produits de préparation de convexité latérale (tels que les débordants); une sous-représentation des produits Levallois. Ce dernier déficit est en général interprété comme une exportation des produits recherchés. Une partie de la production de “La Folie” semble donc avoir fait l'objet d'un transport vers d'autres lieux (ces derniers pouvant être seulement à quelques dizaines de mètres dans un secteur non fouillé ou au contraire être éloignés de quelques dizaines de kilomètres). Certains remontages, parmi les plus complets, où ces supports font défaut, tendent à confirmer cette exportation de produits prédéterminés. Par ailleurs, d'autres remontages confirment l'introduction de blocs de silex préalablement décortiqués, très probablement sur le lieu d'acquisition. Parmi les supports produits, certains ont été préférentiellement sélectionnés en vue d' être transformés par la retouche. En règle générale, ce sont les supports ayant les plus grandes dimensions, des éclats corticaux ou bien des éclats prédéterminés Levallois qui sont sélectionnés pour être aménagés. Le spectre typologique, dominé par les couteaux à dos retouchés (Fig. 10) et les denticulés, est quelque peu atypique. En l'absence de biface, on ne peut réellement attribuer l'industrie à un Moustérien de Tradition Acheuléenne, bien que ce soit le seul faciès culturel qui puisse être suggéré. S'il est aisé de déterminer et de comptabiliser les outils retouchés, il est impossible dans l'état actuel des connaissances de déterminer le taux de supports bruts potentiellement utilisables sans avoir recours à l'analyse fonctionnelle. Or le test tracéologique mené par S. Beyries sur un échantillon de 46 pièces montre au-delà d'un fort pourcentage d'utilisation (30 % de l'échantillon), une utilisation prononcée des éclats bruts (64,2 %) (Bourguignon et al. 2001). Ce n'est donc pas parce que le pourcentage d'outils retouchés est faible, que l'on n'est pas en présence d'une occupation où des activités de transformation et de consommation de biens ont été menées. À “La Folie ”, celles -ci semblent être assez diversifiées : travail du bois, de la peau et des végétaux souples (Fig. 11). Cependant, on notera, l'absence d'activité liée au travail des carcasses animales (découpe de viande, désarticulation, travail de l'os). Il serait donc intéressant de confirmer cette absence d'activité en réalisant un complément d'étude. Les caractères de l'industrie ne correspondent pas totalement à un faciès de production, ni réellement à un faciès de consommation (trop peu d'outils et de produits Levallois). Ils traduiraient plutôt un faciès mixte de production (allant jusqu' à une exportation de certains types de produits) et de consommation (tranchants bruts et retouchés ayant été utilisés). Nous aurions donc affaire à une production à la fois réalisée pour un usage différé (dans le temps et dans l'espace) et pour un usage immédiat (pendant la durée d'occupation dans le secteur fouillé) comme en témoigne l'étude fonctionnelle. Cette projection dans le temps de besoins déterminés en terme de prévision suggère une complémentarité d'activités économiques de différents secteurs de l'occupation ou de différentes implantations, ce qui nous permet ainsi de replacer l'occupation de “La Folie” dans un territoire d'exploitation latent plus large, renvoyant à une organisation de la mobilité des groupes dans cet espace inféré (ce que suggère également l'apport de l'éclat en silex turonien même si c'est en petite quantité). N'oublions pas que le gisement est localisé à la jonction de biotopes différents, d'espaces ouverts (large vallée) et d'espaces cloisonnés (vallées profondes et plateaux) ce qui, dans le cadre d'une acquisition des denrées alimentaires (animales et végétales), a dû jouer un rôle considérable. Le caractère particulier du site réside dans le fort pourcentage de remontages qui atteint 40 % (en comptabilisant les éclats inférieurs à 2 cm) et 62,5 % sans les prendre en considération. Le total des artefacts concernés par ces remontages est de 443 sur 1107 pièces, 62 remontages différents ont pu être réalisés. Parmi les 29 nucléus dénombrés sur le site, 27 d'entre eux participent aux remontages ce qui représente 93 % du total des nucléus, ce qui semble indiquer que l'essentiel des blocs a fait l'objet d'un débitage sur place. C'est l'ensemble des produits technologiques qui est concerné. La majorité des remontages est composée de deux artefacts, mais il faut souligner que pour huit d'entre eux, le nombre d'éclats par remontage est supérieur à 10 (soit 12,9 % des remontages). Parmi ces ensembles, sept de ces remontages sont constitués d'un double remontage (nb = 5) ou d'un triple remontage (nb = 2, débitage aux dépens d'éclats). Les plans de répartition des objets au sol traduisent une dispersion différentielle des vestiges. On observe tout d'abord un aménagement concentrique de blocs calcaires sur une superficie d'environ 10 mètres de diamètre. Ensuite, on note que l'essentiel des vestiges lithiques, subdivisé en deux zones principales, s'inscrit dans cette organisation circulaire. En dehors de cette “structure” (cf. infra), les densités d'artefacts sont plus faibles, voire totalement nulles (Fig. 12). Les plans de densité de l'assemblage lithique montrent clairement l'accumulation de vestiges sous forme d'amas dans les zones est et ouest de la structure et marque ainsi l'emplacement de postes de débitage plus ou moins étendus. En grande majorité, ces remontages sont “de proximité” et la répartition des artefacts constituant chacun des groupes de remontage indique à cet emplacement la présence de poste de taille. Cela est d'autant plus probable lorsque le nucléus est présent. Il faut toutefois noter que certains remontages présentent une organisation particulière : les éclats débordants et les éclats à dos corticaux se localisent le plus souvent en périphérie des postes de débitage sans qu'aucune caractéristique technique particulière ne soit observée (Fig. 13). Les remontages sur de grandes distances vers les zones de concentrations est et ouest témoignent du déplacement d'un faible nombre de produits. Ce sont avant tout des nucléus parfois, en cours d'exploitation (continuation du débitage dans un autre lieu), des outils et quelques produits de plein débitage. Les deux secteurs de taille s'organisent autour de deux blocs calcaires. Le premier se localise dans le carré BF. 108, le bloc pèse 1,8 kg et présente une forme en “L ”. Le second, de forme triangulaire, se situe dans le carré BF.101 et pèse 6,9 kg (Fig. 11). Bien qu'il soit difficile d'affirmer qu'il s'agisse véritablement d'un pôle intentionnel du “siège du tailleur ”, la forme particulière des blocs et celle de leur isolement à proximité des amas de débitage pourrait néanmoins suggérer cette hypothèse. V.II - Analyse spatiale des blocs calcaires Un total de 124 blocs calcaires a été découvert sur la surface fouillée. Plus de 68 % d'entre eux sont concentrés au nord-est (agencement 2). Les 31,5 % restant sont répartis sur le reste de la surface fouillée (agencement 1) (Fig. 12). Les données de terrain Dans la zone ouest du gisement, non loin de la plus forte concentration de silex, 85 pierres se jouxtent pour former un empierrement allongé de deux m de longueur environ sur 65 cm de large (Fig. 14a). Latéralement, quatre pierres se détachent de la concentration : trois sont regroupées au sud, et une seule se localise au nord, en bordure de la zone de rubéfaction mise en évidence par la micromorphologie. Le poids des blocs formant cet empierrement est compris entre 0,1 et 1,6 kg. Cet empierrement semble être dû à une accumulation volontaire en nappe peu dispersée, accumulation pouvant elle -même résulter du déplacement des pierres après leur usage ou pour leur usage. Les différentes coupes réalisées, notamment la longitudinale (Fig. 14a), suggère la présence d'une légère dépression au sein de laquelle viennent se disposer les pierres de façon presque jointives. Ce sont essentiellement des pierres de petits modules et régulièrement de section plano-convexe qui ont été sélectionnées. Un encroûtement calcitique vient souvent recouvrir ces éléments calcaires, voire même les sceller les uns aux autres. Hypothèse interprétative À “La Folie ”, très peu d'objets (deux éclats de silex, dont un inférieur à trois cm) attestent le contact direct plus ou moins prolongé avec le feu (coloration ou craquelures et délitages). Pourtant à l'échelle microscopique, les analyses micro-morphologiques ont montré une première zone (Z4-Fig. 16) de rubéfaction localisée en bordure nord de la concentration lithique (I a et b Fig. 16). Celle -ci est mal conservée et peu observable à cause d'un “lessivage de la partie active du foyer ”; on y observe toutefois “des restes de bois partiellement brûlés ayant servi de combustible” (Sellami 2001). Ce fait laisse donc suggérer la présence initiale d'un foyer à proximité de la zone empierrée. D'après les connaissances que nous avons sur les types de structures reconnues en archéologie paléolithique, ce type d'empierrement semble d'un point de vue morphologique correspondre à un foyer construit. Selon ce point de vue, si l'on émet l'hypothèse que l'empierrement puisse effectivement être une structure de combustion, il pourrait correspondre, parmi les trois catégories définies par M. Julien et al. 1999, aux foyers de type I qui sont “plans ou faiblement dénivelés, aux limites diffuses qui sont caractérisées par une accumulation très importante de pierres” (Coudret et al. 1989; Taborin 1989). Dans un contexte du Paléolithique supérieur, ces structures de combustions empierrées sont bien développées. Comme cela a pu être constaté sur le site de Marolles-sur-Seine par exemple (Julien et Rieu, 1999) la majorité des structures de combustion observées sur ce gisement est de ce type et ne présente pas de trace de rubéfaction (due à l'oxydation par la chaleur) visibles à l' œil nu (coloration ou changement de texture) (Fig. 14b). Les deux “structures” du gisement de “La Folie ”, comprenant l'empierrement et une zone de rubéfaction, ont polarisé d'autres activités. Celles -ci se matérialisent par une abondance d'objets lithiques sous la forme d'un gros amas bilobé (voire de deux sous-amas de débitage). Ces vestiges lithiques ont une répartition asymétrique : toujours d'un côté ou de l'autre des deux structures (Fig. 14a). Cette distribution des vestiges autour des foyers est par ailleurs assez fréquente, que ce soit pour des gisements du Paléolithique inférieur (Port Pignot et la Roche Gelatan, du Paléolithique moyen (Saint-Germain-des Vaux ou encore Paléolithique supérieur (Pincevent, Marsangy, Etiolles). Lieu de consommation, de source de chaleur et de lumière, le foyer constitue en effet un des espaces privilégiés de l'unité domestique préhistorique. C'est en s'appuyant sur la définition proposée dans le dictionnaire de la Préhistoire que nous tenterons d'étayer l'hypothèse d'une habitation sur le gisement de “La Folie” : “structure aménagée par les hommes pour constituer la partie centrale d'un site d'habitat, et dont les vestiges permettent de mettre en évidence qu'elle réalisait une opposition entre un espace intérieur, généralement abrité, et l'espace extérieur. L'intérieur d'une habitation est utilisé pour une partie des activités domestiques, et dans tous les cas, par définition pour le sommeil.” (Leclerc et Tarrête 1994 p. 482-483). Les données de terrain et les premières interprétations Si nous relions le maximum de blocs calcaires compris entre 1 et 19 kg (13/23) (Fig. 15, blocs n° 1 à 13), il semble se dessiner une forme circulaire de grand diamètre. Trois blocs supplémentaires (blocs n° 14, 15, 17) pourraient également faire partie de cette matérialisation si l'on suppose un léger déplacement vers l'extérieur. Ce cercle presque parfait pourrait constituer la matérialisation des limites externes d'une habitation. Plusieurs observations le suggèrent : les analyses micro-morphologiques montrent clairement que ces blocs ne peuvent avoir ni une origine ni une disposition naturelle (Sellami 2001). Cela induit que ces blocs calcaires ont été apportés intentionnellement dans la station, qu'ils ont pu faire l'objet d'une sélection (pour leur poids ?) et que leurs emplacements et disposition ne sont pas aléatoires; la forme même de cet agencement : un cercle parfait de grand diamètre; la présence d'un trou de poteau avec calage (Fig. 15 blocs n° 7 et 8) suggère un système d'ancrage d'une armature et/ou d'une couverture d'une habitation. Il se localise parfaitement dans la matérialisation du cercle, dans sa partie ouest; une organisation topographique interne à cette délimitation circulaire. Les zones de concentration de vestiges de fortes densités (amas de taille) sont localisées, soit à l'intérieur de ce périmètre (concentration II à V; Fig. 16), soit en limite externe/interne (concentration I; Fig. 16). Quelques objets épars ou constituant des zones de concentration de faible densité se situent essentiellement dans un périmètre rapproché des concentrations principales (I b II b et IV b; Fig. 16). L'essentiel des remontages sur longues distances relie les deux grandes zones de concentrations internes selon un axe approximatif est-ouest (Fig. 17). Néanmoins, les axes de remontages sur de longues distances montrent un comportement légèrement différent entre ces deux zones. La majorité des remontages sur de longues distances de la concentration I est orientée vers l'intérieur de la structure (notamment vers la concentration II) alors que ceux de la concentration II mettent plus souvent en relation des vestiges isolés localisés à l'extérieur (vers le nord). À l'inverse, les liaisons internes de ces différentes concentrations sont courtes. Paramètres qui d'après A. Leroi Gourhan “circonscrivent en quelques mètres carrés les limites de l'espace domestique, joignant le foyer aux amas de déchets les plus proches” (Leroi Gourhan 1983, p. 170); cette matérialisation circulaire s'ajuste souvent avec une limitation plus ou moins franche des concentrations de silex. C'est le cas pour les concentrations nord-est II et III et la concentration ouest V (Fig. 16). Ces délimitations pourraient laisser suggérer la présence d'un obstacle empêchant une dispersion latérale plus vaste des objets. Ces possibles effets de parois sont néanmoins à considérer avec précaution car des amas de taille en place gardent également des limites nettes. Les expérimentations menées par E. Boëda et J. Pelegrin pour reconstituer les amas de taille de Marsangy et tester l'hypothèse d'effet de parois sur ce gisement ont montré que des limites nettes observables n'impliquent pas forcément la présence d'un obstacle (Boëda et Pelegrin 1985); dans cet espace interne, des zones vierges de tout vestige se distinguent très nettement. La présence de matières périssables, comme des peaux, du bois et des végétaux, voire des ossements dans certains cas, laissent de telles signatures. À “La Folie ”, les espaces vides les plus significatifs se localisent, soit à proximité immédiates des zones de concentrations (Fig. 16 zones vierges Z1 et Z3), soit dans la zone qui pourrait être considérée comme le fond de l'habitation (Fig. 16 zone vierge Z2). Les premières pourraient être interprétées comme des zones de traitement ou de consommation des matières périssables, la seconde comme une zone de repos recouverte d'un tapis organique. Ce dernier, comme plusieurs échantillons micro-morphologiques l'ont démontré, est végétal (cf. supra et Sellami 2001). L'emplacement de cette couverture végétale correspond bien aux modèles ethnographiques où le fond de la tente est toujours occupé par la literie. Sur le gisement de Pincevent, l'emplacement des “couches de repos” est également localisé au fond de la tente, elles se distinguent du reste de l'habitation par une aire non teintée par l'ocre (Leroi Gourhan op. cit. p. 190-191). C'est à l'opposé de cette zone de repos, selon un axe sud-est/nord-ouest, vers l'ouverture supposée, que se localiserait le secteur de combustion. Localisation également compatible avec les modèles ethnographiques connus, où les foyers peuvent être placés à l'intérieur (indiens d'Amérique du Nord), devant la construction (Onea de la Terre de feu) devant l'entrée (Boschimans d'Afrique du Sud) ou encore sur un côté près de l'entrée (Esquimos Caribou). l'espace externe se différencie de l'espace interne par une rareté de vestiges. Ils sont le plus souvent isolés, hormis une petite concentration à l'ouest (Fig. 16 n° VI). Cette dernière est d'ailleurs assez particulière puisqu'elle est essentiellement constituée d'éléments inférieurs à trois cm et qu'elle pourrait correspondre à un poste spécialisé dans l'aménagement d'outils (Segard 2001). On notera également la présence de quelques blocs de calcaires (compris entre 0,3 et 3,9 kg) et un bloc de silex (de 2 kg) isolés de tout autre vestige et localisés en marge sud-est de l'occupation. Cette raréfaction des vestiges abandonnés autour de l'habitation concourt dans de nombreux cas à la définition de sa forme (cas de Pincevent et d'Etiolles par exemple). D'un point de vue méthodologique, l'étude abordée ici montre bien la nécessité d'appréhender les gisements de cette période selon des problématiques paléoethnographiques y compris en contexte de sauvetage. Elle souligne également le besoin d'enregistrer sur le terrain de très nombreuses informations selon la complexité des phénomènes et le développement d'analyses susceptibles d'intervenir postérieurement. Malheureusement, ce type d'analyses ne peut être que rarement prévu en amont, ce n'est qu'en cours de fouille (au plus tôt) que l'implication de telles informations semble nécessaire à la compréhension d'agencements pourtant incontestablement évidents. Le problème majeur rencontré lors de cette approche de la structuration d'un espace “habité clos” réside dans le manque important de références comparatives pour cette période chronologique. Si les premières habitations connues sont attribuables au Paléolithique inférieur (muret de pierres d'Olduvaï, habitation de Terra Amata), durant le Paléolithique moyen les traces de structures d'habitation tangibles nous manquent (hormis Molodova en Ukraine). Pourtant, certains agencements particuliers de blocs auraient pu donner suite à des développements interprétatifs plus avancés. C'est le cas, par exemple, de la structure circulaire du gisement moustérien de la Butte d'Arvigny (Gouédo et al. 1994). C'est donc essentiellement vers le corpus de données du Paléolithique supérieur, beaucoup plus riche, que nous avons orienté nos recherches documentaires. Celles -ci demanderaient à être plus largement élargies et approfondies, de même que pour le référentiel ethnographique actualiste. Les mêmes types de remarques nous empêchent de tirer de quelconques conclusions sur les autres structures potentielles du gisement. Aussi, les résultats et interprétations contenus dans cet article sont à considérer comme des hypothèses constituant des axes privilégiés de recherche que nous nous sommes fixés. Nous espérons pouvoir les développer et les argumenter plus profondément lors d'un travail ultérieur, dans le cadre d'une monographie. Le gisement moustérien de “La Folie” à Poitiers constitue un référentiel important dans le contexte régional de cette période. La très grande rareté des données concernant les occupations du Paléolithique moyen dans la Vienne fait du niveau d'habitat moustérien de “La Folie” un gisement d'un grand intérêt. En effet, les rares découvertes régionales du Paléolithique moyen de plein air se réduisent le plus souvent à des ramassages de surface. Quelques gisements en grotte ou sous abri sont toutefois présents dans les vallées principales et secondaires du département (vallées du Clain, de la Vienne, de l'Anglin et de la Creuse). Le faciès culturel le plus représenté régionalement est le Moustérien de Tradition Acheuléenne, ce qui, nous l'avons vu, malgré un caractère atypique, correspondrait le mieux à l'attribution de l'industrie de “La Folie ”. D'un point de vue technologique et typologique, l'analyse du matériel lithique a montré des caractéristiques qui semblent attribuables à ce faciès. De débitage Levallois, l'industrie se caractérise par un outillage dominé par les couteaux à dos (retouchés et naturels) et les denticulés avec une absence de biface. L'industrie lithique exprime clairement des comportements techniques et économiques du groupe implanté sur les berges du Clain. Ils illustrent une exploitation du milieu minéral local (exception faite du milieu alluvial) par une acquisition de blocs de silex et de calcaire sur les versants avoisinant le campement. Les blocs de silex sont exploités selon une conception Levallois de modalités récurrentes pour l'essentiel. Ces modalités sont adaptées à la configuration des blocs. Bien que les supports produits soient peu aménagés par la retouche, l'utilisation de la production est attestée à la fois sur des outils retouchés et sur des supports bruts. Des activités de découpe et de grattage sur diverses matières d' œuvre (peau, bois, végétal souple) ont été menées durant l'occupation, ce qui laisse suggérer qu'une part importante de la production a été réalisée pour des besoins immédiats. L'exportation de certains produits est également avérée, laissant supposer des besoins différés (dans le temps et dans l'espace) ou d'autres aires d'activités contemporaines avoisinantes. D'un point de vue paléoethnographique, ce gisement constitue un référent rare et idéal, bien que pour l'heure l'ensemble des données recueillies ne soit pas intégralement interprétable. Le niveau d'occupation, enfoui sous une accumulation sédimentaire d'une puissance de deux m, est compris dans des limons fins de débordement. Leur mise en place par un cours d'eau méandriforme à faible compétence a permis une préservation exceptionnelle des vestiges pour cette période grâce à un recouvrement rapide. Ainsi, la structure de cellules végétales, pourtant très fragile, a pu être préservée, ce qui sous-entend une absence de dynamique sédimentaire post-dépositionnelle et une préservation parfaite du niveau. De ce fait, l'ensemble des vestiges compris dans ce niveau n'a que très peu subi de remaniements (légers transferts latéraux et activité biologique) et leur disposition est quasi originelle. Cette distribution au sol des vestiges traduirait une organisation de l'espace à l'intérieur d'une structure circulaire qui pourrait correspondre aux restes d'une habitation. Ces limites se matérialisent par un agencement de gros blocs sous forme de cercle, parmi lesquels un trou de poteau avec calage a pu être déterminé. À l'intérieur de cette structure circulaire, des zones de concentrations, de déchets de production pour l'essentiel (amas de débitage), s'opposent à des zones vierges dont plusieurs peuvent être interprétées comme des empreintes de matériaux périssables (végétaux). Certaines signatures démontrent en effet l'existence d'un tapis végétal associé à la localisation d'une grande zone vierge dans le fond de l'habitation qui peut suggérer l'existence d'une aire de repos. D'un point de vue chronologique, aucune datation absolue n'a pu être entreprise. Si l'on émet l'hypothèse que la nappe alluviale sous-jacente au niveau archéologique peut se rattacher à la glaciation weichsélienne dans un contexte climatique rigoureux (stades isotopiques 5d à 5b), alors les limons fins de débordement, qui scellent l'occupation moustérienne, pourraient être attribués à une phase climatique plus tempérée de cette glaciation (stade isotopique 5a). Cette hypothèse chronologique basée sur les données géologiques placerait l'occupation entre 84 000 et 72 000 B.P. Bien que les analyses palynologiques ne permettent pas de reconstituer le contexte paléo-environnemental, certains faits s'accorderaient avec cet épisode climatique froid et l'occupation aurait pu avoir lieu lors de la régression de la pinède. Les hommes auraient ainsi pu bénéficier à la fois de l'abri de la forêt et de l'extension d'espaces découverts plus favorables au passage du gibier. Les échantillons malacologiques prélevés, en cours d'étude, pourront peut-être compléter cette reconstitution climatique. La faible densité de matériel lithique, débitage d'un maximum de 13 blocs répartis sur une épaisseur maximale de 10 cm sur toute la surface, associé à un très fort taux de remontage laisse suggérer une unique occupation. Celle -ci, selon les activités menées (débitage et utilisation sur place des objets) et les investissements engagés (manuport des blocs calcaires pour la constitution des structures agencées et leur réalisation), devait occuper une place privilégiée dans l'économie des chasseurs-cueilleurs. L'absence de faune nous prive malheureusement d'un pan entier des activités alimentaires et techniques. Elle aurait pu nous aider plus justement à l'identification de la spécificité du site. De même, on ne peut pas réellement évaluer la taille du groupe puisque le secteur fouillé, bien qu'étant homogène et formant une unité, semble faire partie d'un complexe beaucoup plus grand. L'un des points positifs de cette étude est très certainement d'avoir montré qu'il pouvait exister durant le Moustérien des contextes très favorables à l'enregistrement de diverses activités anthropiques et que ces activités traduisaient vraisemblablement une organisation économique et sociale plus complexe qu'on ne l'admettait jusqu'alors. À ce titre, il est fort regrettable de n'avoir pu développer les recherches de terrain sur ce gisement. L'archéologie préventive, bien qu'elle permette la découverte de ce type de site exceptionnel et l'enregistrement de nombreuses données en un temps réduit, constitue souvent un obstacle (faute de temps et/ou de moyens) à la connaissance des comportements socio-économiques des groupes humains. En effet, l'extension des surfaces fouillées est limitée en surface à l'emprise du projet, cette contrainte peut dans certains cas restreindre la compréhension générale du gisement ou interdire des interprétations . | Le gisement moustérien de La Folie illustre un campement de plein air en bordure du Clain d'une rare qualité de préservation. Plusieurs structures ont été mises au jour (structures empierrées, zone de combustion, trou de poteau avec calage...) révélant une organisation de l'espace claire, avec des zones d'activités bien délimitées. Ce gisement constitue un exemple exceptionnel pour cette période en Europe occidentale. | archeologie_525-04-10236_tei_277.xml |
termith-139-archeologie | Au contact de la plaine de Caen et du bocage du Bessin, la commune de Putot-en-Bessin se développe dans un paysage d'agriculture intensive et d'exploitation exhaustive des sols, à mi-chemin entre Caen et Bayeux (fig. 1). Le site de « La Corneille » est localisé sur ce plateau de faible altitude (72 m NGF), proche de la Thue, affluent du fleuve côtier la Seulles. Son attribution à la fin de l'indépendance gauloise en fait un témoin important de la pérennité de l'habitat dans ce secteur aux sols lourds et fertiles. Le site a été découvert en 1995, au cours d'un diagnostic archéologique préalable à la création d'un échangeur entre la RN 13 et la RD 217. L'une et l'autre épousent les deux axes d'une intersection vieille de 2 000 ans entre la voie antique reliant Bayeux à Lisieux, et une perpendiculaire nouvellement découverte à cette occasion (fig. 1). L'habitat gallo-romain et la léproserie médiévale également mis au jour dans le cadre de cette intervention illustrent la continuité de l'occupation depuis ce substrat possible de l'habitat de l' Âge du Fer. L'étendue des vestiges a été déterminée grâce au décapage du site et à l'exécution de tranchées complémentaires. Les prescriptions de fouille prévoyaient alors de procéder à un bref échantillonnage du gisement afin de collecter les éléments nécessaires à son attribution chronologique. En dépit d'une fouille extrêmement sommaire imposée par les délais d'exécution, le site a livré une abondante série céramique des iii e et ii e siècles avant notre ère, encore rarissime en Basse-Normandie. Si cet habitat enclos figure au sein d'une série maintenant très étoffée en Normandie, notamment grâce au développement de l'archéologie préventive, son corpus céramique continue d'en composer l'une des rares références de ce secteur pour cette période. Depuis la découverte de ce site, d'autres ensembles ont été recueillis, formant les bases d'une sériation future. C'est là l'opportunité de présenter un corpus céramique et de tenter d'établir une typologie s'y reportant. Cette première analyse d'une série des iii e et ii e siècles peut constituer l'introduction à une approche typo-chronologique des séries du second Âge du Fer, étendue à la région. Le site est établi sur un substrat calcaire, dans des sols argileux denses constitués à partir des dépôts éoliens de la fin du Weichselien. Localement, l'acidité de cette couverture géologique est peu propice à la conservation des mobiliers archéologiques, notamment des ossements mais aussi de la céramique. Les vestiges, apparaissant dans le limon décarbonaté recouvert d'une trentaine de centimètres de terre végétale, n'étaient lisibles qu'entre 50 et 80 cm sous la surface actuelle. Néanmoins, quelques trous de poteaux pourraient arguer d'une troncature maximale de 40 à 50 cm seulement, leur creusement atteignant 15 cm de profondeur par rapport à la surface du décapage. A ce niveau de lisibilité, le gisement apparaît, dans l'emprise fouillée, sous la forme d'un espace clos et cloisonné par des fossés, hébergeant des fosses de stockage, trois fours domestiques et des fosses (fig. 2). Faute de connexions stratigraphiques, il est difficile d'en établir la chronologie relative, ou d'en reconstituer les différentes étapes de l'organisation. La vision actuelle du site montre malgré tout une certaine cohérence, présentant un espace central ouvert au nord, contenant la plupart des installations, et deux parcelles attenantes au nord et au sud. Les clôtures sont matérialisées par des fossés dont la profondeur semble en relation avec leur fonction (fig. 3A). Les fossés d'enceinte de la surface principale (St. 6, 7, 53, 57 et 60) sont les plus imposants. D'une largeur comprise entre 1,30 et 2 m, ils présentent un creusement en « V » dont la profondeur atteint 1,50 à 2,10 m. Les fossés internes, au sud de l'espace central (St. 8/30b et 9), présentent une profondeur atteignant 1,30 à 1,40 m pour une largeur comprise entre 1 et 2 m. Le comblement de ces deux premiers modèles est stratifié, les couches sommitales renfermant de nombreux matériaux détritiques, notamment de la céramique. Les fossés les moins profonds (St. 7, 18, 47, 58 et 60), d'une puissance inférieure à 1 m et d'une largeur comprise entre 0,20 et 1,60 m, forment pour l'essentiel les cloisonnements internes au nord de la surface principale, laquelle est fermée au sud par l'un d'eux. Leur comblement, non stratifié, contient parfois de la céramique, comme c'est le cas pour le fossé 7. Parmi les aménagements internes les plus évidents repérés à l'intérieur de l'enclos se distinguent les plans de trois greniers à quatre poteaux porteurs (fig. 3C) de 1 ou 1,70 m²(1 et 1,30 m de côté). Les trous des poteaux mesurent 0,20 à 0,30 m de diamètre et atteignent 0,60 à 0,80 m de profondeur. A priori, les fosses les plus marquantes remplissent toutes des fonctions de stockage, bien que d'architectures et de natures probablement différentes (fig. 3D). Elles se singularisent par des parois verticales et un fond plat. Sauf exceptions (fosses 11 et 30), le comblement est composé de grandes quantités de clayonnage, d'argile rubéfiée et de charbons de bois mêlés de limon gris interstitiel. Deux fosses de plan carré atteignaient des volumes minimaux (depuis la surface du décapage) de 0,80 et 1 m 3. Un trou de poteau est installé à l'extérieur de l'angle est de la fosse 18b, un autre au centre de la fosse 31. Quatre autres fosses, de plan rectangulaire, offraient des capacités minimum de 0,30, 0,50 et 1,1 m 3. Les fosses 18c et 27 étaient marquées d'un trou de poteau extérieur centré sur le long côté est. La fosse 11b, quant à elle, présentait un comblement suggérant la présence d'un coffrage en bois maintenu par quatre poteaux d'angle dont subsistaient les traces charbonneuses. La dernière de ces excavations (St. 30) est une fosse de plan trapézoïdal atteignant une capacité très supérieure (minimum 81 m 3). L'empreinte d'un logement de poteau vertical à chaque angle témoigne de l'existence d'une couverture et/ou d'un boisage des parois. Cette fosse comportait en outre, une rampe d'accès de 2 x 4 m, comparable aux systèmes des caves de Mondeville le « MIR » (Marché inter-régional) (Peuchet-Geilenbrügge, 1995) et l'Etoile (Besnard-Vauterin, 1996) ou de la série de Ifs (Le Goff, 2002). C'est de la partie supérieure du remplissage de cette St. 30 que provient, et de loin, la plus grande part des rejets associés aux aménagements internes, et notamment de la céramique fournissant un ensemble clos d'une assez grande diversité. La disparité des fosses de stockage sur le site de « La Corneille » évoque une différence dans leur statut (fig. 3D). Si les fosses simples ont dû jouer le rôle d'espaces de stockage annexes, la grande excavation (St. 30) a pu servir de réserve principale aux occupants. L'établissement de Saint-Martin-des-Entrées (Marcigny et al., 2004), présentait par exemple une fosse de cet ordre, perçue comme la cave du bâtiment principal envisagé au-dessus. La plupart des autres fosses n'ont livré aucune information précise sur leur usage et leur mode de fonctionnement, leur profondeur n'atteignant que quelques centimètres sous le décapage. Celles -ci se rangent aux côtés des fosses inexpliquées ordinairement rencontrées sur ce type de gisement et dont même l'origine anthropique est parfois contreversée. Ici quelques-unes comportaient un peu de mobilier dans leur comblement, répondant en partie à cette question. Plusieurs fragments d'augets à sel proviennent par exemple de la fosse 25, ainsi que quelques scories de fer de la fosse 54 et plusieurs éléments de forme en céramique des fosses 50 et 52. Une fosse (St. 46) est nettement plus grande (7 x 9,6 m) mais à peine plus profonde (30 cm sous le décapage); implantée au centre du dispositif, elle pourrait évoquer une autre fonction. Si l'idée d'une mare vient à l'esprit, l'absence de traces d'hydromorphisme dans son comblement la rend discutable. Celui -ci renfermait en outre quelques fragments de sole(s) de four(s) et des tessons de céramique. Le dernier type d'aménagement interne de l'enclos central concerne trois fours excavés (fig. 3B). Aucun n'a fourni d'élément susceptible de les rattacher à une activité précise. Le plus simple (St. 61), en partie implanté sur le fossé de la clôture est, était constitué d'une chambre circulaire de 1 m de diamètre dont ne subsistait que le départ de la paroi, rubéfiée sur 1 à 2 cm d'épaisseur. Le second (St. 28) associait une chambre semblable à la précédente et une fosse d'accès de même diamètre. Le four 40, quant à lui, était constitué d'un laboratoire de plan trapézoïdal, conservé sur seulement 15 cm sous le décapage et ne présentait pas de départ de paroi. En revanche, le comblement contenait de nombreux fragments de limon rubéfié provenant vraisemblablement de l'effondrement de la voûte. La sole était renforcée d'une chape de pierres calcaires brûlées et érodées, posées à plat et recouvertes d'une fine couche de limon induré et rubéfié. La fosse d'accès, de 1,80 m de diamètre, était comblée des dernières vidanges de la structure auxquelles se mêlaient quelques tessons de céramique. En raison des contraintes méthodologiques nécessitant l'échantillonnage du mobilier, il a paru préférable d'établir une répartition pondérale afin de disposer d'éléments de comparaison semblables. Parmi les différents artéfacts collectés sur le site, la faune n'est que peu représentée et, en raison de l'acidité des sols, souvent dans un état brésillé ne permettant pas d'étude archéo-zoologique constructive. Hormis des esquilles disséminées dans plusieurs structures (fig. 4A), quelques ensembles osseux ont été ponctuellement mis en évidence. Les mieux conservés ont permis d'identifier malgré tout différentes espèces domestiques : bovidés, équidés et canidés. Ces éléments fauniques identifiables s'apparentent à des restes de consommation et proviennent tous des fossés de clôture nord et sud de l'espace principal (fig. 4A). Quelques scories (456 g), découvertes principalement dans la fosse 54 (fig. 4B) située sur la cellule septentrionale, c'est-à-dire à l'extérieur de l'enclos principal, témoignent d'une production métallurgique. Dans le prolongement de cette activité, peuvent probablement être mentionnés des fragments d'outils dans le fossé 7 et, dans la fosse 30, une fibule en fer dont l'état de conservation n'a pas permis l'identification précise; ces éléments peuvent cependant correspondre à des acquisitions extérieures. Parmi celles -ci, sans doute faut-il signaler la présence d'assez nombreux fragments de moules à sel : 630 g dans le fossé 7 et 184 g dans la fosse 25 (fig. 4B). Le travail de remontage et d'identification de ces tessons a permis de reconnaître au total six godets tronconiques (Carpentier et al., 2006). La céramique constitue l'essentiel du mobilier recueilli sur le site, totalisant environ 1 600 tessons. 106 individus représentant chacun une forme, une amorce de forme ou un décor y ont été identifiés et dessinés. L'essentiel provient des dernières phases de comblement des diverses structures évoquées plus haut (fig. 4D). Les lots les plus importants ont été recueillis dans les fossés 7 (6 966 g soit environ 680 tessons) et 53 (4 125 g soit environ 280 tessons), ainsi que dans la fosse 30 (3 417 g soit 338 tessons). Malgré de nombreuses tentatives, aucun remontage de structure à structure n'a abouti. La typologie du corpus a été établie en séparant les formes ouvertes et fermées. Au sein de ces deux catégories, les différentes formes ont été regroupées selon leurs similitudes de profil. Dix types ont ainsi été définis, au sein desquels diverses variations de silhouette, de hauteur ou de direction des cols ont donné le jour à quelques sous-types (fig. 5 et 6). Il est caractérisé par des vases à profil « simple », tronconique ou hémisphérique. Ces formes basses à moyennes et ouvertes concernent douze individus répartis en quatre sous-types. Ce sont des jattes basses à panse tronconique et lèvre plane sans col, dont certaines présentent une série de cannelures externes dans la partie supérieure. Un exemplaire (7-5) présente une surface externe lissée et un décor interne de fines bandes lissées, rayonnantes depuis le fond du vase et régulièrement espacées. On y distingue plusieurs perforations (dont l'une sur le fond), faites après cuisson par taraudage. Ce type de forme se retrouve localement sur les sites de Fleury-sur-Orne dans le Calvados (San Juan et al., 1994), daté de La Tène finale, de Thaon (San Juan et Méniel, 1999) dans un contexte daté de 250 à 100 avant notre ère et de Barbeville dans le Calvados (Morzadec, 1998), daté de la transition entre La Tène moyenne et La Tène finale. Il correspond également au type 1a de Saint-Martin-des-Entrées (Marcigny et al., 2004) où il apparaît dans un contexte de transition entre La Tène moyenne et La Tène finale, mais aussi au type 5A de Plomb dans la Manche (Jahier, 2001), dans un contexte attibué à la même période. Au-delà du cadre régional, on trouve également ce type sur le site du Camp du Roi à Jaux dans l'Oise (Malrain et al., 1996), dans un contexte de La Tène D1a soit 150 à 120 avant notre ère, à Creil dans l'Oise (Fermolant, 1989) à La Tène finale, ou sur le site de La Gaudine à Vivoin dans la Sarthe (Guillier et al., 2006), attribué à la fin de La Tène moyenne. Il regroupe les jattes basses à paroi légèrement convexe et lèvre plane et arrondie légèrement rentrante. Un exemplaire présentant une cannelure externe et une légère corniche interne dégage une lèvre presque torique (7-8); un autre présente pour décor externe deux séries de cannelures entourant une incision ondée. Ce genre de forme est présent sur le site de Fleury-sur-Orne (San Juan et al., 1994), vierge de tout décor et dans un contexte daté de La Tène finale. Il se retrouve également à Vivoin (Guillier et al., 2006), attribué à la fin de La Tène moyenne-début de La Tène finale. Trois individus de forme tronconique et de taille moyenne sont rassemblés ici. La lèvre, arrondie (9-5-I, 57-3) ou effilée (7-22), s'individualise par une très légère inflexion du haut de la panse. Celle du vase 7-22 se voit incisée d'une assez fine cannelure interne tandis que l'inflexion de la paroi est soulignée d'une large cannelure externe. Ce type de gobelet est présent sur le site de Enez Vihan dans les Côtes-d'Armor (Daire et al., 2001), dans un contexte daté de la fin du second et début du i er siècle avant J.-C., mais sans toutefois en offrir la comparaison exacte. On le trouve également sur le site du Bas-Chesnay à Hédé en Ille-et-Vilaine (Beguin et Lebouteiller, 1995), site lui aussi daté des ii e et i er siècles avant J.-C. Le premier exemplaire (30-11) est très incomplet; le second est un récipient cylindrique et lèvre effilée très éversée. On trouve ce type de forme à Thaon (San Juan et Méniel, 1999), daté de la transition entre La Tène moyenne et La Tène finale. Des formes approchantes sont également signalées en Bretagne par M. -Y. Daire (1992), dans des contextes attribués à La Tène III soit 125 à 50 avant notre ère. Il regroupe dix-sept formes très ouvertes (sauf une), moyennes et basses à profil en « S »; il se divise en quatre sous-types. Ce sont des jattes basses à profil sinueux très prononcé et très ouvert, à lèvre arrondie et éversée. À l'exception de deux individus, celles -ci portent une cannelure labiale interne. Une ou plusieurs moulurations ou une cannelure simple soulignent l'épaulement. Trois exemplaires présentent un décor sur la panse. On distingue (57-5-II) une frise de chevrons formés du jeu de quatre bandes lissées parallèles, encadrés de deux fines cannelures. Une autre jatte (7-17) présente sur sa moitié inférieure un décor lissé plus libre, de doubles chevrons alternant avec un ou plusieurs zigzags verticaux apposés dans les triangles supérieurs de la frise. Le dernier exemplaire (7-12) présente un décor formé de lignes souples et obliques. Jusqu' à une date récente, ces jattes étaient considérées comme caractéristiques du Massif armoricain, comme par exemple sur les sites de Enez Vihan dans les Côtes-d'Armor (Daire et al., 2001), dans un contexte fin ii e et début i er siècle avant notre ère, ou des Ebihens à Saint-Jacut-de-la-Mer dans les Côtes-d'Armor (Daire, 1992) dans un environnement de La Tène finale. Ce type de forme se retrouve également dans la phase III du site du Boisanne à Plouër-sur-Rance, toujours dans les Côtes-d'Armor (Menez, 1996), daté de La Tène moyenne, ou encore à Augan dans le Morbihan (Hinguant et al., 1997), attribué à la transition entre La Tène moyenne et La Tène finale. On les a retrouvés depuis en assez grande quantité sur de nombreux gisements de Basse-Normandie, et notamment sur les sites de Thaon (San Juan et Méniel, 1999), dans une ambiance datée de 150 à 100 avant J.-C. et de Barbeville (Morzadec, 1998) où elles apparaissent à La Tène moyenne, mais aussi aux Veys dans la Manche (Besnard-Vauterin, 1994), site également attribué à La Tène C2/D1, et à La Courbe dans l'Orne (Peuchet, 1993), dans un environnement La Tène D1/D2. Vers l'est, dans le Bassin parisien, on peut également signaler ces formes notamment dans l'Oise, au Camp du roi (Malrain et al., 1996), dans un milieu de La Tène D1a, ou encore à Beauvais sur le site des Aulnes du Canada (Woimant, 1983), dans un contexte daté de La Tène finale. Ces écuelles se distinguent par un profil sinueux moins affirmé que précedemment en raison d'un décrochement moins marqué de l'épaule et d'un col moins éversé. Toutes sont marquées d'une cannelure labiale interne. La plupart présentent également une ou plusieurs moulurations de l'épaulement. Ces formes s'assimilent à celles du Rubiou (Spézet, Finistère : Le Goffic, 1992), dans des contextes attribués aux v e et iv e siècles avant notre ère, où elles apparaissent sans aucune cannelure. Elles sont à rapprocher du type 24 du Boisanne (Ménez, 1996), attribué à la phase III ancienne du site entre 250 et 150 avant notre ère, mais également des exemplaires du Braden I à Quimper et de Kerilien à Plouneventer dans le Finistère (Daire, 1992), dans des milieux datés du Ier siècle avant notre ère. Cette écuelle à panse galbée, lèvre arrondie éversée et cannelure labiale interne affiche une cannelure externe qui souligne la jonction d'un col sinueux à la panse. Elle présente une seconde et très fine cannelure à mi-panse et s'asseoit sur un pied annulaire. Ce type de céramique est à rapprocher des modèles rencontrés sur le site de Bellevue à Augan dans le Morbihan (Hinguant et al., 1997), dans un contexte de transition entre La Tène moyenne et La Tène finale, mais également à Paule, Côtes-d'Armor (Ménez et Arramond, 1997), dans le début de la phase II attribuée à la fin du iv e et au début du iii e siècle avant notre ère. Il correspond également à la forme 19 de la phase II tardive du Boisanne (Ménez, 1996), attribuée à une période allant de 350 à 250 avant notre ère. Il s'agit d'une écuelle à panse globulaire, lèvre arrondie éversée et cannelure labiale interne dont la jonction col/panse est soulignée par une cannelure externe. Ce type de forme est semblable régionalement à celui trouvé sur le site de Mondeville (Peuchet-Geilenbrügge, 1995), daté de 150 à 100 avant notre ère, et à Thaon (San Juan etMéniel, 1999), placé entre 250 et 100 avant J.-C. En Bretagne, on le trouve sur les sites du Braden I à Quimper dans le Finistère, des Ebihens dans les Côtes-d'Armor, de Polvern à Hennebont ou de Kerhillo à Erdeven dans le Morbihan (Daire, 1992), à chaque fois dans des contextes de La Tène finale. On les trouve également à Augan (Morbihan : Hinguant et al., 1997), dans un environnement de transition entre La Tène moyenne et La Tène finale, mais aussi au Rubiou à Spézet dans le Finistère (Le Goffic, 1992), datés de 150 à 125 avant notre ère. Ce type de céramique se caractérise par un profil sinueux moins accentué que le type 2 mais souligné par un jeu de moulurations externes qui en fait la spécificité. La lèvre est presque systématiquement creusée d'une cannelure interne. Ce sont des jattes basses et des bols, à panse galbée à sub-hémisphérique tronquée par un fond plat. Le col est cintré, terminé par une lèvre creusée d'une cannelure interne (sauf un cas). Presque tous les individus présentent une ou plusieurs séries de moulurations sur la surface externe de la panse, en soulignant la courbure. Ce type de forme se rapproche localement du type 8 du site de L'Entretenant à Barbeville dans le Calvados (Morzadec, 1998), daté du ii e siècle avant J.-C. et s'approche de certains éléments du type 1A de Plomb dans la Manche (Jahier, 2001), attribué à la transition La Tène moyenne/finale. Il est également présent sur les sites du Braden I et II à Quimper et de Kerilien dans le Finistère (Daire, 1992), dans des contextes de La Tène finale. Dans les Côtes-d'Armor, on le retrouve à Enez Vihan en Plomeur-Bodou (Daire et al., 2001), daté de la fin du second et début du i er siècle avant J.-C., et à Paule (Menez et Arramond, 1997), où il apparaît dans la phase III attribuée au début du second siècle avant notre ère. Très proches du sous-type précédent, ces deux individus concernés s'en distinguent par un profil fermé. Ils se caractérisent par une panse galbée à globulaire, qui dégage une épaule haute soulignée de moulurations, surmontée d'un col court et rentrant terminé par une lèvre arrondie quasi-verticale creusée d'une cannelure interne. Munis d'une cannelure interne basse (18-6) à très basse (9-3), la lèvre légèrement éversée de ces deux individus apparaît plus épaisse que pour les types précédents. Le col est droit et la panse recouverte de moulurations soulignant l'épaulement. Ils annoncent déjà le type 4 tout en restant proches du type 3 par la présence des cordons. Il regroupe les formes moyennes au profil sinueux, proches du type 3 mais sans moulurations. Au nombre de vingt-six sur le site, elles se divisent en quatre sous-types. Ces neuf jattes moyennes présentent une panse sinueuse marquée d'une épaule aiguë, accentuée par un col rentrant prolongé par une lèvre arrondie plus ou moins éversée. Régionalement, ce type de forme est très répandu. Plusieurs exemplaires en sont recensés à Giéville dans la Manche (Hérard, 2001), dans un contexte situé entre 150 et 50 avant J.-C., à Fleury-sur-Orne dans le Calvados (San Juan et al., 1994), daté de La Tène finale, mais aussi à Saint-Martin-des-Entrées (Marcigny et al., 2004) ou à Barbeville (Morzadec, 1998), dans des milieux de La Tène moyenne, ainsi qu' à Plomb dans la Manche (Jahier, 2001) attribué à la fin du IIe et début du Ier siècle avant notre ère. En Bretagne, ce type de forme est présent sur le site du Rubiou (Le Goffic, 1992), dans un contexte daté de 150 à 125 avant notre ère, tout comme dans la phase IV du Boisanne (Ménez, 1996), attribuée à une fourchette chronologique allant du milieu du IIe siècle jusqu'aux dernières decennies du i er siècle avant J.-C. On le retrouve également dans l'Oise, sur les sites de Jaux (Malrain et al., 1996), où il apparaît dans un contexte daté de La Tène D1a soit 150 à 120 avant notre ère, et de Les Aulnes du Canada à Beauvais (Woimant, 1983) attribué à La Tène finale. Au nombre de dix sur le site, ces jattes moyennes présentent une panse au profil sinueux plus doux, avec un col pratiquement vertical prolongé par une lèvre épaissie et arrondie relativement éversée. Deux exemplaires portent quelques traces de lissage sur la surface externe (7-1 et 18-1), et un autre (53-5) présente une cannelure externe sur la panse. Localement, ce type de forme est également très répandu, notamment à Thaon (San Juan et Méniel, 1999) où il est attribué à La Tène C2 et La Tène D1 soit 150 à 100 avant notre ère, à Giéville dans la Manche (Hérard, 2001), dans un contexte situé entre 150 et 50 avant J.-C., et à Fleury-sur-Orne dans le Calvados (San Juan et al., 1994) où il est daté de La Tène finale. On le rencontre également à Saint-Martin-des-Entrées (Marcigny et al., 2004) ou à Barbeville (Morzadec, 1998) dans des contextes de La Tène moyenne, et à Plomb dans la Manche (Jahier, 2001), où il est attribué à la fin du ii e - début du i er siècles avant notre ère. Il est également présent au Bas Chesnay à Hédé en Ille-et-Vilaine (Beguin et Lebouteiller, 1995), daté de 150 à 50 avant J.-C., et au Rubiou (Finistère; Le Goffic, 1992), dans un milieu daté de 150 à 125 avant notre ère, tout comme dans la phase IV du Boisanne (Ménez, 1996), phase allant du milieu du ii e siècle jusqu'aux dernières decennies du i er avant J.-C., ou encore à Vivoin dans la Sarthe (Maguer et al., 2003) où il est daté de la fin de La Tène moyenne, soit 175 à 100 avant notre ère. On le retrouve aussi à Jaux dans l'Oise (Malrain et al., 1996), où il apparaît dans un contexte daté de La Tène D1a soit 150 à 120 avant notre ère. Sont regroupés dans cette catégorie des pots à profil sinueux amorti, lèvre éversée épaissie et arrondie. La panse est légèrement sinueuse. Hormis un individu qui présente une cannelure labiale, ils sont vierges de tout décor. On retrouve localement ce type de forme sur le site de Fleury-sur-Orne (San Juan et al., 1994), dans un contexte de La Tène finale, à Saint-Martin-des-Entrées (Marcigny et al., 2004) et Thaon (San Juan et Méniel, 1999), dans des ambiances datées des second et i er siècles avant notre ère, mais aussi dans la phase 3 de Falaise (Besnard-Vauterin, 2008), attribuée au ii e et à la première moitié du i er siècle avant J.-C. On le trouve également sur le site de Enez Vihan dans les Côtes-d'Armor (Daire et al., 2001), daté de la fin du ii e et du début du i er siècles avant J.-C. Cette forme correspond aussi au type 12 de Vivoin dans la Sarthe (Guillier et al., 2006), attribué à La Tène moyenne. Seuls deux individus assez incomplets constituent cette sous-catégorie. Ils se caractérisent par une lèvre épaissie et biseautée surmontant un col vertical. Ils présentent sur la panse, que l'on pressent galbée, une mouluration pour l'un et peut-être une double cannelure seulement pour l'autre. Sans toutefois lui être semblables, ils évoquent la forme 1E du site de L ' é toile à Mondeville (Besnard-Vauterin, 1996), attribuée à La Tène finale. Sont regroupés dans ce type des pots de formes plus hautes que les précédents et relativement plus fermés. Ce sont des pots à panse légèrement galbée et lèvre arrondie dans le prolongement d'un col très ramassé et éversé. Certains se caractérisent par une anse à œillet (30-6, vase sur lequel une perforation a, en outre, été exécutée par taraudage après cuisson à mi-hauteur de la panse). Cette forme est très présente dans les séries bretonnes, notamment dans la phase III ancienne (250-150 B.C.) du Boisanne (Ménez, 1996) et dans la phase III de Paule (Ménez et Arramond, 1997) datée du ii e siècle avant notre ère. Elle trouve également de nombreuses convergences locales. On l'identifie par exemple à Fleury-sur-Orne (San Juan et al., 1994), datée de la première moitié du i er siècle avant J.-C. Elle correspond également au type 6 de Barbeville (Morzadec, 1998), attribué à La Tène moyenne, ou au type 9 de Saint-Martin-des-Entrées (Marcigny et al., 2004) daté du ii e siècle avant J.-C. On les retrouve aussi à Vivoin dans la Sarthe (Maguer et al., 2003) dans un contexte laténien, et elles sont présentes sur le site de Jaux dans l'Oise (Malrain et al., 1996), dans un environnement daté de La Tène D1a soit 150 à 120 avant J.-C. Ce sous-type se différencie par un resserrement de l'ouverture; une lèvre légèrement éversée ou verticale surmonte directement une panse ovoïde ou simplement galbée. Quatre exemplaires portent une cannelure labiale interne et trois des cannelures sur la panse. Localement, ce type de forme est présent sur le site de Saint-Martin-des-Entrées (Marcigny et al., 2004) où il semble correspondre au type 4b, daté des second et i er siècles avant notre ère, ainsi qu' à Fleury-sur-Orne (San Juan et al., 1994), dans une ambiance de La Tène finale. Il est à rapprocher des formes situées dans la phase III du Boisanne (Ménez, 1996) et dans les phases III et IV de Paule (Ménez et Arramond, 1997), qui correspondent à la même fourchette chronologique. On le retrouve à Augan dans le Morbihan (Hinguant et al., 1997), dans un contexte daté de la fin de La Tène moyenne/début de La Tène finale, ou sur le site de Vivoin dans la Sarthe (Guillier et al., 2006), daté de La Tène moyenne, mais aussi à Jaux dans l'Oise (Malrain et al., 1996), où il est attribué à La Tène D1a soit 150 à 120 avant notre ère. Il regroupe les formes hautes et fermées à panse tronconique et ne compte que trois exemplaires. L'épaulement est assez marqué et les silhouettes, cependant assez différentes, induisent chacune une sous-catégorie. L'exécution du col, dont la tendance reste verticale, est très variable : court (sous-type 6c), cintré à concave (6b) ou au contraire développé (6a). Deux exemplaires portent une cannelure labiale. L'individu à col vertical présente quant à lui un cordon sur le col. Localement, on retrouve la forme du type 6b sur les sites de Thaon (San Juan et Méniel, 1999), datée de la transition entre La Tène moyenne et La Tène finale, de Fleury-sur-Orne (San Juan et al., 1994), dans un contexte daté de La Tène finale et de Barbeville (Morzadec, 1998), attribué à La Tène moyenne. Le type 6a est présent quant à lui en Bretagne, sur le site de Kermoysan en Plobennec dans le Finistère (Daire, 1992), attribué à La Tène III. Cette forme, représentée par un unicum incomplet, est inédite sur les sites locaux ou des régions environnantes. Elle se caractérise par un profil ondulé, une lèvre arrondie et rentrante. Elle présente un décor lissé sous la forme d'un croisillon que surmonte une ligne horizontale. En dehors du décor, connu par exemple dans la phase III (250 à 50 avant notre ère) du Boisanne (Ménez, 1996), type 24, ce type de forme n'a trouvé de similitude qu'en Bavière sur le site de Manching (Geilenbrügge, 1988), daté de La Tène III. Ce type de forme haute est unique sur le site. Il se caractérise par une panse tronconique, une carène, un col rentrant et une lèvre arrondie et épaissie légèrement éversée. La panse fait état d'un traitement de surface assez sommaire. Cet individu trouve un parallèle avec le type 9 de La Gaudine à Vivoin dans la Sarthe (Guillier et al., 2006), où il semble perdurer de la fin du I er Âge du fer jusqu' à La Tène moyenne. Il se range également dans la phase 3 des ensembles céramiques de la région picarde, attribuée à une fourchette chronologique allant de 375 à 300 avant notre ère (Friboulet et al., 2007). Dans la série de Putot, il s'agit donc d'un élément sans doute assez ancien, archaïque ou résiduel. Cette forme, dont on ne possède ici qu'un seul exemplaire, se caractérise par une panse globulaire de grand volume, surmontée d'un col étroit légèrement ouvert et terminé par une lèvre peu développée. Celle -ci est rectiligne sur sa face interne et arrondie sur sa face externe. Ce type de forme, dont le col paraît apte à recevoir un bouchon, est présent sur le site de Thaon (San Juan et Méniel, 1999), dans un contexte daté de la transition entre La Tène moyenne et La Tène finale, ainsi qu' à Saint-Martin-des-Entrées (Marcigny et al., 2004), attribué au ii e siècle avant notre ère. On le retrouve également en Grande-Bretagne, dans le Dorset (Cunliffe, 1987), là aussi dans un milieu daté de la transition entre La Tène moyenne et La Tène finale. Lui aussi présent à un seul exemplaire sur le site, il s'agit à l'origine d'un pot à panse sphérique, col court éversé et étroit, terminé par une lèvre arrondie moulurée sur sa face interne. Cette forme, recueillie dans la grande dépression centrale, semble préfigurer celles que l'on trouvera au début de la période gallo-romaine. On la retrouve dans le type 3 de La Couesnerie à Hébécrevon dans la Manche (Lepaumier, 1998), de La Tène tardive, ainsi qu' à Fleury-sur-Orne (San Juan et al., 1994), daté de La Tène finale. Ce pot, de type Besançon, est généralement attribuée au dernier tiers du Ier siècle avant notre ère; il s'agirait donc d'une forme assez tardive dans la série du gisement. Cependant, on la retrouve dans des séries du Centre, et notamment à Varennes-sur-Allier (Augier et al., 2007) dans un contexte attribué à la deuxième moitié du IIe siècle avant notre ère, soit au début de La Tène finale. Au total, douze modèles d'ornementation ont été identifiés au sein de ce corpus. On y distingue, selon le procédé technique, cinq grands groupes (fig. 7). De loin les plus nombreux, ces décors, réalisés par lustrage à la pointe mousse, se déclinent en sept modèles différents. Modèle A : Croisillons Ce type, regroupant les différentes formes de croisillons rencontrés sur le site, est lui -même subdivisé en trois. – Modèle A1 : il s'agit du décor visible sur l'unique exemplaire du type 7 et constitué d'un croisillon lâche et régulier que surmonte une bande horizontale. – Modèle A2 : composé de bandes lissées obliques, ce croisillon est plus dense et plus longiligne que le précédent et n'apparaît que sur la panse d'un vase de forme indéterminée; il correspond au décor de type 24 de la phase III du Boisanne (Ménez, 1996), dont la fourchette chronologique s'étend de 250 à 50 avant J.-C. – Modèle A3 : cette autre déclinaison, plus libre, est apposée sur la partie basse de la panse, sous l'épaulement; il est ici très ponctuel, sur des surfaces très abîmées, et on le trouve sur un vase de type 3A et sur un fragment de panse avec anse à œillet pouvant sans doute être rangé en 5A. – Modèle A4 : très irrégulier et formé cette fois -ci de larges bandes lissées, ce croisillon n'est apparu que sur un petit fragment de panse; on le retrouve en Grande-Bretagne, dans le Dorset (Cunliffe, 1987), en contexte de transition entre La Tène moyenne et La Tène finale. Modèle B : Chevrons Toujours situés sur la panse, les chevrons se divisent à « La Corneille » en deux sous-types : ceux à tracé multiple (B1) et ceux à tracé unique (B2). – Le modèle B1 se compose de groupes de quatre bandes lissées obliques contenus entre deux fines lignes horizontales; il apparaît sur une jatte du type 2A et on le retrouve sur le site de Kerilien à Plouneventer (Daire, 1992), à La Tène finale. – Le modèle B2 est un décor très régulier, en bandeau de chevrons simples, figurant sur un vase de type 3A; ce genre de décor a été signalé sur le site de Castel Coz à Beuzec-Cap-Sizun dans le Finistère (Daire, 1992). Modèle C : Composite (chevrons et zigzags) Deux variantes en sont attestées à « La Corneille ». – Modèle C1 : décor couvrant sur la panse, au-dessous de l'épaulement, constitué de chevrons doubles entre lesquels s'insère un zigzag vertical; il est identifié sur une jatte de type 2A et se rapproche de celui trouvé en Grande-Bretagne dans le Dorset (Cunliffe, 1987) à La Tène finale. – Modèle C2 : très ponctuel, sur un fragment de panse, ce décor est semblable au précédent, mais avec en plus de très fines lignes verticales et horizontales. Modèle D : zigzags Composé de zigzags verticaux lissés, ce décor n'a été trouvé que sur de petits fragments isolés, d'une panse de type 2 sans doute; il peut être comparé au type 23 du Boisanne (Ménez, 1996), attribué à la phase III de ce site allant de 250 à 50 avant notre ère. Modèle E : motif géométrique Décor sans doute incomplet, composé d'un registre de fines cannelures horizontales supportant de fines et courtes bandes lissées obliques et verticales évoquant une écriture en bâtons ;.il est présent sur un vase de type 3A. Modèle F : motif libre Ce type regroupe des décors incomplets composés de lignes souples ou rectilinéaires situées sur la panse; le mieux conservé compose un chevelu lâche sur une jatte du type 2A; un autre, dont la connaissance est plus partielle, se retrouve sur une base de vase et s'organise en faisceaux de quatre ou cinq lignes parallèles obliques. Modèle G : lignes verticales internes Présent sur un seul exemplaire de type 1A, il se compose de lignes verticales régulièrement espacées et organisées de façon rayonnante depuis le fond du vase. Il s'assimile au type 21a du Boisanne (Ménez, 1996) attribué à la phase III qui couvre une période allant de 250 à 50 avant notre ère. Modèle H : cannelures composites Décor très régulier composé de deux séries de deux cannelures horizontales entourant une cannelure ondée; on le retrouve sur le haut d'un vase de type 1B. Modèle I : cannelures simples Formé d'une ou plusieurs bandes horizontales régulières, ce décor se retrouve sur des vases de tous types, à l'exception des types 8, 9 et 10 pour lesquels la fourchette chronologique diffère du reste du corpus. Les décors moulurés : modèle J Très présent sur le site, il associe des cannelures et des bourrelets et se retrouve principalement, et en très grand nombre, sur les vases des types 2 et 3, formant ainsi le trait caractéristique de la série de « La Corneille ». – Modèle K : ocelles Présent sur un seul fragment de panse, ce décor couvrant est composé d'un semis dense de petites dépressions punctiformes. Il a déjà été rencontré localement sur le site de L ' é toile à Mondeville (Besnard-Vauterin, 1996), mais aussi à Nizy-le-Comte dans l'Aisne (Benredjeb, 1987) où il apparaît à La Tène III. – Modèle L : cupules Probablement incomplet, ce décor est juste composé d'une cupule ovalaire oblique sur l'épaule d'un haut vase du type 5A. Ils constituent les deux variantes du modèle M. – Le modèle M1 concerne des traces de peignage à l'extérieur du vase; il est horizontal et régulier bien que sommaire. Il se retrouve sur un vase de type 1A, associé aux lignes verticales internes. On le distingue aussi, associé à un décor en croisillons, à la perpendiculaire de la perforation d'une anse à œillet pouvant sans doute être rattachée à un vase du type 5A. – Le modèle M2, quant à lui, concerne un peignage libre interne, visible sur la base d'un vase probablement de type 2. Si les traces de peignage observées près de l'anse peuvent être considérées comme un décor, il est probable que, dans les deux autres cas, ces traces soient plutôt le signe d'une égalisation sommaire de la surface des pots. Au regard des différentes comparaisons faites avec les éléments de forme semblables trouvés sur d'autres sites de Basse-Normandie, mais aussi du Massif armoricain et du Bassin parisien, le mobilier de « La Corneille » peut être situé chronologiquement à La Tène moyenne et début de La Tène finale. A défaut de stratigraphie fine et de phasage établis sur le site, la série bénéficie d'un contexte relativement homogène comme en témoigne la grande cohérence du plan d'ensemble. Les recoupements entre structures restent en effet assez rares et l'essentiel des piégeages de mobilier correspond en réalité à la période d'abandon. Il semble donc que la fourchette chronologique de ce site soit comprise entre La Tène C1 et La Tène D1, soit de 220 à 80 avant J.-C. Certaines formes céramiques semblent cependant plus anciennes. Le type 8 par exemple, est attribué par comparaison à La Tène B1/B2 soit 400 à 300 avant notre ère et le type 2C, un peu plus récent, peut être attribué quant à lui à une période allant de 350 à 200 avant notre ère. La faible représentation de ces catégories au sein de la série en fait des éléments archaïques et très probablement résiduels, même si l'on devine une certaine filiation entre le type 8 et le type 5A ou entre le type 2C et le type 2D, tous deux plus tardifs. Le type 6B, attribué à une période allant de 225 à 125 avant notre ère, contribue à réaliser la passerelle entre les deux types archaïsants (8 et 2C) et le reste du corpus. Près de 32 % de la série se situe dans une fourchette chronologique comprise entre 200 et 100 avant J.-C.; il s'agit des types 1A, 2A, 2D, 4C, 5 et 9 qui totalisent une trentaine d'individus. Représentant la plus grande part de la série (50 %), les 47 individus des types 1D, 2B, 3A, 4A, 4B et 7 s'insèrent entre 175 et 75 avant notre ère. Quant aux types 6A et 10, attribués à des périodes couvrant de 120 à 0 avant J.-C., soit La Tène D2, ils donnent le terminus supérieur du corpus de « La Corneille ». La typologie de l'assemblage céramique ainsi établie pour ce site révèle de nouveaux aspects inattendus susceptibles d'affiner l'analyse de la série. En effet, la répartition de la céramique par types (fig. 8) permet d'établir un lien entre ceux -ci et certains contextes de conservation, le cas le plus flagrant étant la relation entre le type 3A et le fossé d'enceinte nord (St. 53), ce qui, pour le moins, valide l'unité de ce groupe. Un histogramme a été établi (fig. 9) rapprochant les types des structures ayant fourni le plus de céramique. Les quatre principales correspondant aux clôtures nord (St. 53) et sud (St. 7) de l'espace principal, à la « cave » (St. 30) et à l'ensemble des structures de stockage répertorié en St. 18. Le type 3 est presque exclusivement présent dans la clôture nord de l'espace principal (St. 53) alors que la clôture sud (St. 7) n'en a livré aucun. Celle -ci, au contraire, regroupait des quantités équivalentes de céramiques classées dans les types 1, 2 et 4. Ce dernier (type 4) provient principalement des structures 7, 18 et 30 et il est le seul à apparaître dans les quatre principales structures précitées. Faute de stratigraphie fiable, on ne peut malheureusement affiner l'interprétation de cette répartition spectaculaire, ni conclure à de « micro-césures » d'ordre chronologique. On ne peut qu'avancer l'hypothèse d'une répartition consécutive à la fonction des différents espaces du site liée à l'usage d'un type de céramique propre. Le site de Putot-en-Bessin, marqué par l'absence de stratigraphie fine, a fourni en revanche une série céramique riche et variée dont, ni l'analyse ni l'étude des divers milieux de conservation, n'ont cependant permis d'établir de phasage des différentes installations. Localement, le corpus céramique de « La Corneille », avec une majorité de formes à profil sinueux, montre des analogies avec les séries de La Tène moyenne déjà étudiées sur le Bessin, comme Saint-Martin-des-Entrées ou Barbeville, en allant jusqu'au plateau de Thaon, dans une zone globalement située à l'ouest de l'Orne. À l'opposé, à l'est du fleuve et ce jusqu'au Pays d'Auge, les séries observées présentent une majorité de formes tronconiques comme c'est le cas sur les sites de la Plaine de Caen, notamment à Ifs ou Mondeville, par exemple. Plus largement, l'intérêt de cette série céramique, centrée sur les iii e et ii e siècles avant J.-C., est sans conteste le champ d'obédiences chrono-culturelles qu'elle montre avec le domaine armoricain. On en retrouve notamment quelques-unes des spécificités (ou pensées comme telles jusqu' à présent) : abondance des cannelures labiales internes, associations de ces dernières avec des cordons extérieurs sur l'épaulement des bols et jattes du type 3, formes sinueuses du type 2. D'autres comparaisons cependant, en Basse-Normandie mais aussi au-delà de la Vallée de la Seine, montrent toutefois, dans cette dernière direction, une plus grande unité culturelle qu'attendu sur un large quart nord-ouest de la France, du moins pour ce domaine particulier de la culture matérielle . | Le site de « La Corneille » à Putot-en-Bessin a été découvert en 1995, au cours d'un diagnostic archéologique réalisé pour la création d'un échangeur routier. En dépit d'une fouille extrêmement sommaire imposée par les délais d'exécution, le site a livré une abondante série céramique des IIIe et IIe siècles avant notre ère. Si cet habitat enclos figure au sein d'une série maintenant très étoffée en Normandie, son corpus céramique continue d'en composer l'une des rares références pour cette période. Avec une majorité de formes à profils sinueux, il montre des analogies avec les séries de La Tène moyenne déjà étudiées sur le Bessin, dans une zone globalement située à l'ouest de l'Orne. Plus largement, l'intérêt de cette série céramique est le champ d'obédiences chrono-culturelles qu'elle montre avec le domaine Armoricain. Toutefois, d'autres comparaisons, en Normandie mais aussi au-delà de la Vallée de la Seine, y montrent une plus grande unité culturelle qu'attendu sur un large quart nord-ouest de la France, du moins pour ce domaine particulier de la culture matérielle. | archeologie_10-0500455_tei_155.xml |
termith-140-archeologie | Lanslevillard est situé au pied du col du Mont-Cenis, dans la Haute Vallée de l'Arc (Maurienne) (fig. 1). Au début de l'empire romain, cette région, ainsi que tout le massif du Mont Cenis, était peuplée par les Medulli qui, selon Strabon (IV, 6), « occupent les plus hautes cimes » des Alpes. Comme l'a montré G. Barruol, leur présence pourrait remonter à la fin du III e s. av. J.-C. (si ce n'est auparavant); en effet, Tite-Live (XXI, 33, 11), retraçant l'itinéraire suivi par les troupes d'Hannibal pendant l'automne 218 av. J.-C., localise, vers les sommets, un peuple anonyme « assez nombreux pour des montagnards » vraisemblablement les Medulli. C'est probablement au cours du II e s. av. J.-C. que se constitua un royaume (le futur Regnum Cotii), fédérant plusieurs peuples des Alpes françaises et du Piémont italien, parmi lesquels, peut-être déjà les Medulli. Ces derniers pourraient être d'origine celtique (Barruol 1975, 333); toutefois, si l'onomastique révèle ponctuellement une forte composante celtique entre la fin du I er s. av. J.-C. (Donnus et Cottius sont des noms gaulois) et le siècle suivant (Prieur 1983, 246-247), les sources historiques, Tite-Live en particulier (XXI, 32, 10), rapprochent les habitants de la Maurienne des Gaulois des bords du Rhône, c'est-à-dire des Celto-ligures (Barruol 1975, 150). Des découvertes funéraires attribuables à l' âge du Fer proviennent de la commune de Lanslevillard. L'une des plus anciennes est l'inhumation fouillée au lieu-dit « Mur des Sarrazins » située au nord de la commune (Chemin 1972; Gallia 1973). Datée du tout début du IV e s. av. J.-C., cette tombe de la culture de Golasecca appartenait probablement à une petite nécropole, comprenant une vingtaine de sépultures, détruite dans les années 1960. Au col (ou Collet) de la Madeleine, près de la chapelle Saint-Laurent, lors des différentes fouilles d'une nécropole mérovingienne de la fin du VI e s. ap. J.-C., il semble qu'une sépulture féminine de La Tène A ou B1 ait été découverte en (ou avant) 1827, comprenant un torque et quelques bracelets de bronze (Billiet 1828; Bellet 1940). À Lanslevillard même (fig. 2 et 3), les découvertes de la fin de La Tène sont délicates à identifier, de nombreuses sépultures gallo-romaines (et mérovingiennes) étant également présentes, généralement « sous dalles de lauzes » (Gallia 1975, 556-557). La relecture des diverses mentions et l'examen des photographies d'objets découverts dans la commune montrent en fait la rareté des parures appartenant chronologiquement à La Tène. Toutefois, on ne peut écarter l'hypothèse selon laquelle plusieurs inhumations sans mobilier seraient des sépultures de la fin du second âge du Fer, comme par exemple dans la fouille de R. Chemin en 1973, au lieu-dit « l'Adroit » (fig. 3). Jusqu' à présent, les découvertes sûres de La Tène D se limitaient aux tombes découvertes en 1980 « sous l'école » (fig. 2), à l'emplacement de la Maison Belle, sur la rive gauche de l'Arc. Malgré des relations imprécises, il s'agirait de deux tombes à inhumations, dont l'une, semble -t-il, contenait 5 fibules (ou 6, au vu d'un ardillon isolé) en bronze du type de Nauheim, et était marquée par une stèle brute maintenue par deux « énormes » galets (Prieur 1981, 36-37). Une fibule incomplète en fer à pied solidaire de l'arc, dite « de schéma La Tène II », fut à l'occasion récupérée dans les déblais et improprement attribuée au type d'Ornavasso en raison des dimensions de son ressort. Faute d'une radiographie, il est préférable de voir dans cette parure un modèle du II e s. av. J.-C. provenant d'une autre sépulture. La fouille d'urgence d'un tronçon de la route nationale 202 a permis de mettre au jour, en 1997, au lieu-dit précité « l'Adroit », de nouvelles sépultures dont trois se sont révélées être des inhumations de La Tène. Ces tombes, profondes de 0,30 à 0,50 m, larges de 0,50 m et longues de 1,80 m, sont apparues à une trentaine de centimètres sous le sol actuel sous la forme de coffres de gros blocs, alignés selon un axe grossièrement est-ouest. Ce type de sépulture, ainsi que leur orientation, semblent les plus fréquents en Maurienne (Chemin 1984, 51). La fouille a permis d'identifier du bois (probable coffre, cf. rapport anthropologique infra § 3.1.) sous un « squelette » (sépulture 7), alors qu'un entourage et une couverture de « dalles », cette dernière partiellement affaissée, protégeaient les inhumés. Ces trois tombes portaient les numéros 7, 8 et 9 lors de la fouille, identification que nous conserverons en raison de l'inventaire du mobilier. L'examen des squelettes in situ a été effectué à partir de quelques photographies partielles, et ne s'appuie pas sur un enregistrement raisonné selon les principes de l'anthropologie de terrain. Les informations lacunaires expliquent la restitution hésitante qu'il nous est possible de proposer du mode d'inhumation. La fosse, orientée est-ouest, est rectangulaire, d'une longueur de 1,80 m pour une largeur de 0,50 m, et sa profondeur conservée est de 0,41 m (hypso sup. : 1 498,11 m). En surface, elle est marquée par la présence de gros blocs irréguliers qui en délimitent les contours; au centre, se trouvent des blocs d'un plus petit module ainsi que des fragments plus plats. Ces éléments reposent environ 0,30 m au-dessus du niveau d'apparition du squelette. Il n'existe ni cliché ni relevé montrant l'intégralité de la fosse fouillée; deux photographies verticales, qui englobent les deux tiers supérieurs du squelette (du crâne jusqu'aux genoux) indiquent toutefois que les parois de la fosse sont aménagées; on repère en effet de gros blocs empilés sur deux niveaux depuis le sol d'inhumation, bordant les parois sud et nord; on ignore en revanche si des blocs se trouvent à l'est et à l'ouest (fig. 4 et 5). Le squelette est celui d'un individu adulte, inhumé en decubitus dorsal, la tête à l'est et les pieds à l'ouest, les avant-bras placés en extension le long du corps dans le prolongement des bras. L'état de conservation des os est médiocre, les parties spongieuses et les extrémités font défaut. On note l'absence surprenante de l'intégralité du bloc crânio-facial, alors que la mandibule, dont la structure est d'une résistance inférieure à celle de l'occipital ou du rocher du temporal, est complète et en bon état. Le bloc crânio-facial a toutefois séjourné dans la fosse, puisqu'on relève la totalité des dents, isolées, du maxillaire; pour ces raisons, il faut envisager un phénomène physico-chimique particulier à l'origine de sa destruction. L'humérus droit est en vue latérale et l'avant-bras est placé de chant, le radius sur l ' ulna. La position de l'humérus peut avoir été ainsi conservée grâce à la présence de l'un des blocs qui habille la paroi, mais le maintien de l'avant-bras en équilibre instable ne peut être en revanche attribué à une pierre, aucune ne se trouvant à son niveau. De même, l'humérus gauche est resté en vue latérale, alors qu'il est distant d'une dizaine de centimètres des blocs de la paroi sud. À la fouille, des traces noirâtres et fibreuses, observées sous le squelette, ont conduit les fouilleurs à envisager la présence initiale d'une planche sous le corps; en couplant cette observation aux effets de contrainte reconnus sur les membres supérieurs du squelette, il est possible de proposer l'hypothèse d'un dépôt dans un contenant de bois complet, ajusté au corps, placé dans une fosse aménagée de blocs empilés – au moins sur ses longs côtés. Ce type d'architecture a été rencontré dans la nécropole celtique de Casalecchio di Reno à Bologne (Ortalli 1995, 203). Il est probable que les blocs situés en surface constituent le marquage de surface de la tombe, et non pas une couverture stricto sensu ayant aménagé un espace vide sous-jacent. En effet, aucun ne présente de pendage ou n'a été retrouvé en suspension dans le comblement de la fosse; celle -ci a donc été probablement remblayée directement sur le contenant, et les blocs furent disposés au sommet de manière à en souligner les contours et à marquer son emplacement. L'état dentaire indique qu'il s'agit du squelette d'un adulte. Le sexe ne peut être estimé, compte tenu de l'absence des os coxaux. Par sa gracilité, le squelette pourrait être considéré féminin, mais ne connaissant pas la variabilité de la population, on ne peut l'affirmer sur la base de ce seul critère. La fosse, orientée est-ouest, est rectangulaire, d'une longueur de 2 m pour une largeur de 0,70 m, et la profondeur conservée est de 0,23 m (hypso sup. : 1 498,78 m). On observe de gros blocs en surface, qui en soulignent les limites, tandis que d'autres plus petits et des pierres plates en comblent le centre. Ces blocs reposent environ 0,20 m au-dessus du niveau d'apparition du squelette. On ne dispose là non plus d'aucun relevé, ni d'aucun cliché de l'ensemble de la fosse fouillée; une seule photographie montre les deux tiers du squelette (des épaules jusqu' à la moitié proximale des tibias) ainsi qu'une partie des parois nord et sud de la fosse; on voit que des gros blocs de pierre sont placés de manière continue au nord, tandis qu'un seul bloc est relevé au sud, latéralement au fémur gauche. Le squelette est celui d'un adulte, placé en décubitus dorsal, la tête à l'est et les pieds à l'ouest. Ses avant-bras sont en extension dans le prolongement des bras, le long du corps. Certains os se sont déplacés en dehors du volume initial du cadavre; la patella est située entre les cuisses, des os de la main gauche ont roulé en aval du pelvis et contre la face médiale du tiers proximal du fémur gauche, et quelques éléments non identifiables à partir du cliché, se trouvent placés latéralement à la cuisse droite. Ces mouvements indiquent que le corps s'est décomposé en espace vide. Le membre supérieur droit est à plat, et ne témoigne d'aucune contrainte latérale; on note en revanche un effet d'alignement sur le membre supérieur gauche, et le maintien de l'humérus en vue latérale. Ces caractéristiques (décomposition en espace vide, délimitation à distance de la paroi sud de la fosse) sont compatibles avec l'hypothèse d'un contenant de bois. Aucun argument ne permet de discuter l'hypothèse d'un contenant complet (avec fond) ou non. Le type de tombe est identique à celui de la sépulture n° 7. Le degré de maturation osseuse est celui d'un adulte. Quelques observations ont pu être effectuées sur les restes du coxal gauche (Bruzek 1991; Bruzek et al. 1996) : l'échancrure sciatique est étroite, il n'y a pas de sulcus preauricularis, et le tuberculum musculi piriformis est présent; enfin, la surface auriculaire de l ' ilum est plane, elle ne présente pas d'élévation. Ces caractères sont masculins. L' âge au décès a été estimé à partir des sutures endo-crâniennes (méthode des régressions polynomiales du second degré, Masset 1982 : erreur moyenne : 10 ans); les âges moyens minimum et maximum sont de 36 et de 38,9 ans. La fosse, orientée est-ouest, est rectangulaire, d'une longueur de 2,60 m pour une largeur de 0,65 m, et sa profondeur conservée est de 0,58 m (hypso sup. : 1 498,29 m). On ne dispose d'aucune information sur d'éventuels aménagements de surface. Le cliché pris de la sépulture fouillée nous indique que les parois nord et sud de la fosse sont bordées de gros blocs placés de chant, apparemment empilés sur au moins deux assises; à l'est, cinq pierres forment un amas sur le sol, tandis qu' à l'ouest on ne distingue qu'un bloc. Les cotes de profondeur prises au sommet des pierres situées à l'est sont moins élevées que celles relevées sur les blocs des longs côtés; cette information, conjuguée à l'aspect informe de leur disposition, semble indiquer qu' à l'origine, ces pierres étaient entassées sur deux niveaux, comme c'est le cas le long des parois longitudinales, et qu'elles se sont effondrées par la suite. Le squelette est celui d'un individu adulte, inhumé en decubitus dorsal, la tête à l'est et les pieds à l'ouest. L'avant-bras gauche est ramené en avant sur le pelvis, le droit est en extension le long du corps dans le prolongement du bras. Le bloc crânio-facial apparaît en vue latérale droite, mais ne connaissant pas la position de la première vertèbre cervicale, il n'est pas possible d'affirmer qu'il s'agit de sa position initiale; néanmoins, on note la présence d'un petit bloc à droite de la base du cou, qui pourrait avoir déstabilisé le crâne lors de la décomposition et être à l'origine de sa rotation. Le fond de la fosse est irrégulier, puisque le crâne et les pieds reposent 4 à 8 cm plus haut que les os longs, et qu'un gros bloc, placé entre les avant-bras et les fémurs, fait saillie par rapport au niveau d'inhumation. L'humérus droit se présente en vue antéro-latérale, la clavicule est verticalisée, et on distingue un décalage en hauteur de l'humérus droit par rapport au gauche; ces caractéristiques témoignent qu'une contrainte s'est exercée sur le membre supérieur droit. Dans la mesure où ces ossements se situent à distance des blocs qui bordent la paroi, on envisagera la présence initiale d'un élément disparu, à l'origine de cette contrainte, d'autant qu'il existe un effet de délimitation sur les os longs du côté droit (alignement de l'épaule, de l ' ulna, de l'extrémité distale du tibia). En revanche, le côté gauche du squelette ne témoigne d'aucune contrainte : l'humérus gauche est en vue antérieure malgré l'attitude de l'avant-bras, la scapula est à plat et la clavicule horizontale; s'il existait une paroi de ce côté, elle ne comprimait pas le corps. L'hypothèse d'un coffre ou d'un coffrage est envisageable, bien qu'on ne repère aucun indice patent de décomposition en espace vide sur le cliché, mise à part l'éventuelle rotation secondaire du crâne. Les arguments restent donc ténus, mais si l'agencement des blocs situés à l'est est bien le résultat d'un effondrement, il faut considérer qu'il existait un espace vide entre les pierres placées contre la paroi et le squelette; dans ce cas, la pierre qui touche le bloc crânio-facial et celle qui la jouxte au nord, auraient glissé sur la limite du contenant. On ne peut d'ailleurs restituer une paroi transversale en amont de la tête, qu'en envisageant que la situation actuelle de ces blocs n'est pas celle d'origine. L'hypothèse d'un contenant à quatre côtés paraît ainsi pouvoir être retenue, mais l'irrégularité du fond de fosse semble peu compatible avec un plancher de bois. En effet, les fémurs sont en situation de logique anatomique respective, alors qu'une planche, en pourrissant, se serait probablement affaissée de part et d'autre de la pierre située sur le fond, et aurait entraîné des mouvements de rotation latérale sur les fémurs. Globalement, l'architecture de cette tombe semble la même que celle des sépultures 7 et 8, et ne s'en différencie que par la construction du contenant. Le squelette appartient à un individu adulte relativement grand et robuste. L'examen des restes du coxal (Bruzek 1991; Bruzek et al. 1996) montre que l ' incisura ischiadica major est étroite, tandis que la partie conservée de la surface auriculaire de l'ilium a une surface plane (absence d'élévation et de gouttière). L'ensemble de ces caractères tend à indiquer un sujet masculin, avec la prudence qu'impose le peu de critères considérés. L' âge au décès est estimé par le degré d'évolution de la face sacro-pelvienne (Lovejoy et al. 1985) et par le degré d'oblitération des sutures crâniennes (Masset 1982). Les résultats donnent 30-34 ans par le coxal, et 22,7 ans (âge moyen minimum) et 30,44 ans (âge moyen maximum) par les sutures (erreur moyenne : 10 ans). La probabilité d'un âge inférieur à 30 ans ne peut être confirmée par la maturation de l'extrémité sternale des clavicules, celle -ci n'étant pas conservée. Un vase en céramique a été retrouvé au niveau de la tête, sur son côté droit, sans doute déposé en position fonctionnelle. Une trentaine de fragments ont pu être recueillis. Très érodé, ce vase modelé de couleur brune présente un aspect finement micacé. On remarquera la présence de nombreux éléments filandreux végétaux (?) blanchâtres, pouvant atteindre 1 cm de long. Le profil de ce vase, semble -t-il inconnu dans les faciès céramiques laténiens voisins (Allobroges et Helvètes), n'est pas sans rappeler celui des « vasi a trottola » italiens (vases en toupie) que l'on trouve essentiellement en Lombardie, de la plaine du Pô jusqu' à la région des Lacs alpins (Graue 1974, Taf. 4, n° 5; 18, n° 7; Tizzoni 1991, 158, fig. n° 3), chez les Insubres et les Lepontii. Ces flacons, destinés au service du vin comme l'indiquent les inscriptions de ceux de la tombe cénomane n° 203 de Valeggio (« vini ») (Arslan 1995, 173, note 69) et d'Ornavasso (« uinom nasom ») (Lambert 1994, 21), apparaissent ponctuellement en Vénétie, en Émilie-Romagne, mais aussi en Piémont. Cette région a livré les découvertes les plus occidentales, proches de la Haute-Maurienne : Aoste (Italie), le Grand-Saint-Bernard, Sion et Sembrancher (Suisse) (Tizzoni 1991; Kaenel 1985, 157, fig. 3-6). La production de ces vases paraît particulièrement florissante du II e s. av. J.-C. jusqu'au milieu du I er s. av. J.-C. (Martin-Kilcher 1998; Bolla 1991). Malgré d'indéniables différences, le vase à liquide de Lanslevillard pourrait donc être une imitation locale, non tournée, des récipients produits sur l'autre versant des Alpes. Enfin, un très petit tesson de céramique ayant appartenu à un vase assez épais (cuisson-stockage), en céramique modelée lissée, beige, a été retrouvé dans la sépulture. On notera que la vaisselle en céramique est rarement mentionnée dans le mobilier des tombes alpines; quelques fragments d'une céramique de forme basse figureraient toutefois dans la tombe féminine de Jarrier (Savoie) qui appartient à la phase C1 de La Tène. Le mobilier métallique est plus abondant, composé essentiellement de parures; les fouilleurs ont recueilli le mobilier sous forme de plusieurs éléments; il apparaît que trois d'entre eux (n° 5, 6 et 11) (eux -mêmes rassemblant plusieurs objets) peuvent être réunis, composant une probable parure de poitrine. Sur l'épaule droite du sujet, ainsi que sous la mandibule, ont été découverts (inv. n° 6) : Une fibule en bronze de grande taille (9,4 cm), variante du type de Nauheim, à 2 x 2 spires et corde interne. L'arc possède un décor pointillé réalisé au burin consistant en 4 « tremolo » parallèles (type Feugère 5a). Vers sa partie médiane, l'arc a été aplati pour l'élargir et lui faire adopter la forme d'un carré, lui -même entouré sur ses quatre côtés d'un décor pointillé. Cette partie carrée porte un décor estampé, réalisé postérieurement au décor au burin, constitué d'une dépression centrale entourée de deux cercles concentriques en léger creux. Exceptées quelques traces blanchâtres, aucun matériau n'a été conservé dans ce décor, mais il est tentant de restituer une application d'émail rouge, aujourd'hui totalement dégradée (cf. infra § 3.3. : typologie). Cette fibule était refermée sur un anneau en bronze fermé (diam. int. : 23 mm; ext. : 33 mm), lui -même supportant un deuxième anneau ouvert, martelé, de plus petite taille (diam. int. : 9 mm; ext. : 12 mm). À ce dernier étaient accrochés divers éléments : une chaînette de 16,3 cm de long, composé de 32 petits anneaux, fermés par martelage, de section plan-convexe (diam. int. : 5,5 mm; ext. : 8 mm); un petit anneau identique supportait 2 chaînettes : l'une de 15 cm de long, avec 28 anneaux, la seconde de 18 cm avec 35 anneaux (2 étant soudés); un petit anneau dans lequel ont été passées 2 petites tiges droites de section circulaire (longueur : 28 mm) (éléments de chaîne ?) percées aux extrémités, l'une portant un petit anneau; une petite plaque en bronze rectangulaire, cintrée au centre, probablement une garniture de ceinture, dont de nombreux autres exemplaires ont été découverts dans cette même tombe (cf. infra); une garniture circulaire en tôle de bronze, légèrement bombée en son centre (diam. : 14 mm) : décor sur cuir ? (analogue à celle de la tombe, antérieure, du « Mur des Sarrazins »; Prieur 1981, 33; Willigens 1991, 207). Contre la face latérale gauche de la mandibule, ont été recueillis (inv. n° 05) 8 fragments de chaînette et 3 anneaux fragmentés, totalisant plus d'une centaine de nouveaux petits anneaux ouverts; la présence de 5 anneaux composant une chaînette (long. : 3 cm) perpendiculaire laisse envisager d'autres suspensions dans les divers éléments recueillis, notamment parmi les plus petits. Un dernier ensemble d'objets a été mis au jour sur la clavicule gauche (inv. n° 11) : la présence de fer, très oxydé, rend délicate la vision de ces éléments. Une radio permet de discerner un anneau en fer (diam. : env. 30 mm) auquel sont attachés un anneau en bronze identique à celui retrouvé sur le gros anneau en bronze de l'épaule droite, ainsi que plusieurs très petits anneaux de chaînettes. Cette parure pourrait donc être constituée d'une triple chaîne supportant divers éléments (on relèvera la présence d'un passant de ceinture dans cet ensemble, et de plus on peut se demander si des éléments en matière périssable ne sont pas absents), maintenue par un anneau à chaque extrémité, l'un en bronze, l'autre en fer, et attachées par une grande fibule sur l'épaule droite. D'autres parures ont été mises au jour à l'emplacement du bassin : Une fibule (inv. n° 7), du même modèle que la première (long. : 9,6 cm) a été mise au jour, cassée en deux éléments, sur la face interne de l'avant-bras gauche. 69 petits éléments en bronze de forme rectangulaire cintrée portant une moulure (1,4/1,1 cm) (que l'on appellera de façon imagée « en nœuds de papillon » ou « a cassa di violino ») ont été retrouvés entre les deux avant-bras, au niveau du bassin (absent) du sujet (inv. n° 08). Identiques à celui retrouvé dans la parure précédente, il s'agirait de « passants » décoratifs de fine ceinture (en cuir), bien qu'aucun système de fermeture n'ait été retrouvé. Si l'on observe l'écart entre deux éléments (sur photo), semble -t-il en place, qui paraît être de l'ordre de 5 mm, un rapide calcul aboutit à une longueur avoisinant 1,10 m. De plus, deux bracelets en bronze (inv. n° 09-10) entouraient l'avant-bras gauche. Ouverts, inornés, de section plan-convexe, ils trahissent, de par leur déformation et le degré d'usure, un port prolongé (n° 09 : diam. int. : 5,65 cm; n° 10 : 5,9 cm). Enfin, une dernière parure, découverte dans le sédiment récolté, est représentée par une petite perle en verre de couleur verte (inv. n° 12) (Gebhard type IVb) comportant une ligne médiane blanchâtre (diam. int. : 12 mm). On notera l'existence de trois perforations, situées symétriquement le long de la bande; peut-être étaient-elles incrustées à l'origine ? Le mobilier funéraire est attesté par une unique fibule en fer (inv. n° 15), fragmentée, retrouvée à l'emplacement du thorax. Bien que celle -ci soit incomplète, il est possible d'identifier un modèle de La Tène D, probablement un type filiforme. Le mobilier est encore une fois représenté par une unique fibule (inv. n° 16), cette fois en bronze. Il s'agit d'un type de Nauheim/Feugère 5a31 (Feugère 1985) de grande taille (9,1 cm), 2 x 2 spires, corde interne, ornée d'une ligne de pointillés légèrement excentrée sur l'arc, encadrée par 2 incisions longitudinales; le décor est interrompu au premier tiers de l'arc par 2 incisions transversales. Retrouvée en position ouverte, elle était située à l'emplacement du thorax. La paire de fibules de la tombe n° 7 se rattache, tant par son profil général que par son décor pointillé, au type transalpin de Nauheim, typique de La Tène D1. Quelques dates dendrochronologiques (109 av. J.-C. à Vesontio /Besançon « Parking de la Mairie ») ou associations monétaires (112 av. J.-C., à Ornavasso, San Bernardo, tombe n° 14) et avec de la vaisselle italique (Feugère 1985, 225), incitent à situer son apparition vers les années 120 av. J.-C., soit aux alentours de la conquête de la province de Transalpine. Toutefois, l'arc présente un traitement particulier qui rappelle les types nord-italiens dits de « Giubiasco » et de « Cenisola » (Striwe 1996, 83-86). Le premier d'entre eux se caractérise par un évasement de l'arc en forme d'un carré, décoré d'une croix pointillée, dont les côtés possèdent deux ou quatre encoches demi-circulaires; celles -ci sont absentes sur les exemplaires de Lanslevillard. Sur le type dit de « Cenisola » (Striwe 1996; Gleirscher 1992), l'évasement de l'arc adopte la forme d'un disque estampé de cercles concentriques sans doute émaillés, parfois encadré de quatre cupules, elles -mêmes sans doute incrustées. C'est manifestement avec cette dernière variante italique du type de Nauheim que les convergences sont les plus fortes. Les parures de la tombe n° 7 semblent toutefois suffisamment originales pour justifier la création d'un nouveau type éponyme. L'influence italique est manifeste; pourtant le type de Cenisola est peu diffusé au nord des Alpes, excepté ponctuellement en Suisse (Altenburg-Rheinau) et dans le sud de l'Allemagne (Striwe 1996). Chronologiquement, la fibule de Cenisola en Italie est souvent datée de La Tène D2, à l'image des exemplaires de la tombe de Treviglio (Province de Bergame) associés à des fibules de Nauheim, datés par une série monétaire dont les espèces les plus récentes furent frappées en 87/86 av. J.-C. Il en va de même pour le type de Giubiasco fréquent dans la première moitié du I er s. av. J.-C. (Spagnolo Garzoli 1999, fig. 393). En conclusion, on proposera pour le type de « Lanslevillard » une datation au tout début du I er s. av. J.-C. Le type d'appliques de ceinture fournit également des indications d'ordre chronologique. Ainsi, dans la tombe féminine de Saint-Jean-d'Arves, au pied du col de la Croix de Fer (Savoie), une fibule de La Tène C1 (type Hodson 65) et une paire de bracelets en verre bleu cobalt de La Tène C2 (type Haevernick 8d/Gebhard série 20) voisinent avec 5 passants identiques à ceux découverts à Lanslevillard; l'ensemble peut être situé à l'extrême fin du III e s./tout début du II e s. av. J.-C. Sur l'autre versant des Alpes, dans le piémont italien, la tombe masculine de Libarna « Rio della Pieve » 1904, datée vers la seconde moitié du II e s. av. J.-C. contenait 5 boutons associés à une fibule à masque originellement incrustée de verre ou d'émail (Arslan 1995, 185, fig. 7, n° 18-22). Dans la Lomellina, la tombe n° 21 de Gambolo, datée de La Tène D1, contenait deux appliques associées à des fibules à pied solidaire de l'arc et du type « Pavese » (Vannacci Lunazi 1985, fig. 7, n° 11). Toujours en Italie, mais dans la région de Vérone, une incinération découverte en 1937 à Sorgà/Mortatica contenait une fibule incomplète de schéma La Tène II à ressort long et 37 passants déformés par l'action du feu; cette tombe féminine est datée du I er s. av. J.-C. (Salzani 1985, 361 et Tav. n° 17). Ces ornements de ceinture sont considérés en Italie comme typiquement ligures. Enfin, la perle de verre verte (diam. : 12 mm) est d'un faible intérêt pour la chronologie; en effet, ce type apparaît précocement dans le mobilier des tombes d'Ampurias. En conclusion, une attribution de la tombe n° 7, certainement féminine, à la phase D1 de La Tène semble assez justifiée. La même attribution peut être proposée pour la tombe masculine n° 8, en raison de la présence d'une fibule du type de Nauheim. Quant à la tombe n° 9 qui a livré une fibule filiforme en fer, il conviendra, faute de disposer d'éléments précis de datation, de la situer dans la Tène D, sans plus de précision, quoique le contexte invite à l'associer aux deux autres sépultures. Les nouvelles découvertes témoignent de l'existence à Lanslevillard de deux zones funéraires datées de La Tène D1 clairement identifiées de part et d'autre de la rivière l'Arc, aux lieux-dits « l'Adroit » et « Sous l'école ». On notera la présence sur la rive gauche d'un relief rocheux situé près du second site funéraire, surplombant de plusieurs mètres la rivière; à titre d'hypothèse, on pourrait localiser là un éventuel habitat de l' âge du Fer. Pour ce qui concerne les sites funéraires, le seul rite en vigueur est l'inhumation des défunts, aucune crémation ne pouvant être attribuée à La Tène D. Cela confère à la nécropole un aspect particulièrement intéressant, tant pour l'étude des modes d'ensevelissement que pour celle des pratiques vestimentaires. On rappellera qu'en Gaule, au même moment, si la crémation est le rite majoritairement attesté, l'inhumation reste pratiquée – seule ou avec la crémation – chez certains peuples transalpins (Arvernes, Helvètes, Séquanes, Rauraques) et cisalpins… Alors que la vallée de l'Arc et le versant italien des cols du Mont Cenis et du Montgenèvre ont essentiellement livré des sépultures de La Tène A (plus rarement B2), les découvertes de La Tène D sont peu nombreuses : monnaies au cavalier de Saint Jean d'Arvey, fibule de la « Grotte des Balmes » de Sollières-Sardières (Rémy et al. 1996, 206, n° 287), tombe d'Albiez -le Jeune « le hameau du Buisson » (« bracelet de verre jaune décoré de grosses côtes incurvées en S ») (Rémy et al. 1996, 117, n° 12), tombes de Saint-Martin de Belleville (Rémy et al. 1996, 199, n° 257) (avec une fibule de Nauheim ?). C'est dire tout l'intérêt des nouvelles découvertes effectuées à Lanslevillard, un site, qui, malgré plusieurs décennies de trouvailles incontrôlées, conserve manifestement un potentiel d'étude . | Des fouilles d'urgences ont mis au jour trois nouvelles inhumations datées de La Tène à Lanslevillard (Savoie), au lieu-dit l'Adroit. Les défunts, en décubitus dorsal, étaient probablement placés dans des coffres en bois calés et couverts par des dalles. Le mobilier céramique et un riche matériel métallique (fibules, bracelets, chaînette...) permettent de situer les ensevelissements à la Tène Dl. Ces découvertes viennent compléter les données sur le deuxième âge du Fer de la vallée de l'Arc. | archeologie_525-04-10669_tei_115.xml |
termith-141-archeologie | La notion de rupture jalonne les réflexions sur l'émergence du Paléolithique supérieur. Comment ne pas voir en effet au travers de ces parures, peintures, blocs sculptés, formes animales dégagées de l'ivoire ou pointes de sagaie en matières dures animales, la trace d'une mutation significative et quelque peu abrupte dans la longue histoire de l'évolution humaine. En Europe, l'apparition “soudaine” de ces manifestations a rapidement été associée à celle d'un nouveau type humain (Breuil 1913), Homo sapiens sapiens. Depuis longtemps (voir p. ex. Sonneville-Bordes 1960, p.150) et plus encore depuis la découverte de restes humains néandertaliens en contexte Châtelperronien à Saint-Césaire (Lévêque et Vandermeersch 1980) et les refontes paradigmatiques qu'elle imposa, l'apparition de l'Homme moderne en Europe est perçue sous les traits de l'Aurignacien ancien, “culture” que l'on se représente depuis longtemps déjà comme homogène par la remarquable répétition de caractères communs sur une vaste aire géographique (voir p. ex. Sonneville-Bordes 1960; Mellars 1989, 2004), allant des rivages atlantiques aux monts du Zagros. L'emblème de l'unité aurignacienne serait notamment illustré par la systématisation des productions en matières dures animales, cristallisée autour d'une extrémité de projectile à l'emmanchement particulier, la pointe de sagaie à base fendue. Sur un plan culturel, c'est donc l'Aurignacien qui va, aux yeux des préhistoriens, représenter l'instrument de la conquête de l'Homme moderne et du remplacement de son prédécesseur néandertalien. A ce titre, l'Aurignacien est envisagé comme “LA” culture dont les différents caractères constitutifs - débitage de lames et de lamelles, systématisation des productions en matières dures animales, parures, art mobilier et pariétal - définissent, d'un point de vue générique, le Paléolithique supérieur en le distinguant du Paléolithique moyen. Allant de pair avec ces innovations technologiques et symboliques, la représentation de l'Aurignacien va être associée à celle d'une culture pan -, voire même supra-européenne (voir p. ex. Mellars 1989, 2004; Kozlowski 1993; Kozlowski et Otte 2000), homogène et conquérante, dont l'origine et l'expansion ne peuvent qu' être liées à la trajectoire singulière de l'Homme moderne. La formalisation de modèles explicites associant le développement de l'Aurignacien à l'émergence de l'Homme moderne en Europe (voir p.ex. Demars et Hublin 1989; Mellars 1989, 2004; Otte 1990; Kozlowski ibid.; Kozlowski et Otte ibid.; Davies 2001) va, peu à peu, gommer la variabilité de ce techno-complexe pour n'en retenir qu'une image d'Epinal, faite de grattoirs carénés, de lames aurignaciennes et de pointes de sagaie à base fendue. Pourtant, tout au long du XX e siècle, nombreux sont ceux, en particulier en Europe centrale et orientale ou en péninsule ibérique, qui ont décrit des situations plus polymorphes quant à la formation et au développement de l'Aurignacien (voir p.ex. hahn 1977; Clark et Lindly 1990; Valoch 1990; Straus 1996, 2003; Cabrera Valdés et al. 2001) et défendu l'idée d'une plus grande complexité du phénomène aurignacien, perception récemment renforcée par les études technologiques des productions matérielles sur lesquelles nous nous appuyons. À travers cette approche, nous ne chercherons pas à nier, bien au contraire, l'ampleur des changements qui vont prendre place avec l'Aurignacien mais essaierons plutôt d'étayer l'hypothèse que ceux -ci sont le fruit d'un processus évolutif dont les différentes étapes demandent à être redéfinies (voir p.ex. Sonneville-Bordes 1960). Nous nous interrogerons par conséquent sur la profondeur historique et le sens évolutif des mutations qui vont, effectivement, se concrétiser avec l'émergence puis le développement des sociétés aurignaciennes. Mais voyons auparavant comment les débuts de l'Aurignacien européen peuvent désormais être définis. Depuis longtemps déjà, plusieurs expressions de l'Aurignacien ont été identifiées; parmi les plus significatives et les mieux exprimées dans la documentation archéologique, se côtoient un “Protoaurignacien” (Laplace 1966) et un “Aurignacien ancien” (Sonneville-Bordes 1960). Ces deux grands types d'industries se différencieraient d'un point de vue chronologique, en faveur d'une plus grande ancienneté du Protoaurignacien, mais également au niveau de leur répartition géographique : un Protoaurignacien méditerranéen étant opposé à un Aurignacien ancien plus continental. Cette distinction a curieusement été “oubliée” lors de la formalisation de grandes synthèses sur le peuplement de l'Europe par les premiers hommes modernes, pour ne retenir que l'idée de la grande unité du peuplement aurignacien (voir p.ex. Mellars 1989, 2004; Otte 1990; Kozlowski 1993; Kozlowski et Otte 2000). Au mieux, cette dualité d'expression des premières formes de l'Aurignacien était conservée pour distinguer deux voies principales de “colonisation” qui suivraient d'abord un cheminement commun, le long du bassin inférieur du Danube, avant de se séparer, l'une remontant le cours de ce grand fleuve, tandis que l'autre bifurquerait pour rejoindre les côtes méditerranéennes (Djindjian 1993). Ce schéma implique donc des racines communes à ces groupes d'industries qui se démarqueraient, dans un second temps, au cours de leur cheminement géographique différent. Les données récentes ne semblent plus appuyer ce modèle et tendent, au contraire, à distinguer ces deux formes d'expression de l'Aurignacien et à les voir, dans certaines régions au moins, se succéder dans le temps. Depuis les années 1960 et les travaux de G. Laplace (1966), des industries d'un Paléolithique supérieur initial se caractérisant par la présence de grande lamelles retouchées ont été isolées sous l'appellation “Protoaurignacien ”. Elles ont peu à peu été définies sur tout le pourtour ouest-méditerranéen et, plus particulièrement, au nord de l'Italie (Bartolomei et al. 1994; Kuhn et Stiner 1998; Broglio et al. 2005), dans le Sud-Est français (Bazile 1974, 2006; Onoratini 1986, 2004), au Pays Basque et dans les Pyrénées françaises (Laplace 1966; Laplace et al. 2006; Normand et Turq 2005; Normand 2006), jusqu'en Catalogne (Maroto et al. 1996; Ortega Cobos et al. 2005) et dans les Cantabres (Maillo Fernandez 2005). Mais, en partie parce que les travaux de G. Laplace ne trouvaient pas confirmation auprès des séquences classiques d'Aquitaine (Djindjian 2006) et qu'ils se heurtaient à la désapprobation de plusieurs chercheurs (voir p.ex. Bordes 1963; Sonneville-Bordes 1958, 1966), ce “Protoaurignacien” a peu à peu été gommé des nombreux travaux de synthèse, si ce n'est pour y apparaître au même niveau que des ensembles plus classiques, regroupés sous l'appellation générique d'Aurignacien. A ce titre, la variabilité des débuts de l'Aurignacien était masquée pour n'en retenir que son homogénéité pan-européenne et ses caractères jugés les plus significatifs. Depuis, des travaux récents ont permis de mieux cerner cette variabilité, dans un grand quart sud-ouest de la France notamment, et la distinction “Protoaurignacien” / “Aurignacien ancien” a été posée sur des bases élargies, les analyses technologiques (Bon 2002; Bordes J.-G. 2006) venant appuyer la validité de ce découpage. Parallèlement, l'aire initiale du Protoaurignacien s'est trouvée étendue à l'Aquitaine où la reprise des travaux au Piage, dans le Lot, est par ailleurs venue confirmer le résultat des datations radiométriques et la position basale de ces industries au sein de la séquence aurignacienne (Bordes J.-G. 2002, 2006), démonstration appuyée également par la reprise des fouilles sur la séquence d'Isturitz (Normand 2006). Enfin, la prise en compte de la culture matérielle et symbolique des ensembles “protoaurignaciens” est venue poser la question de leur stricte différenciation vis-à-vis de leurs homologues-successeurs “aurignaciens anciens” (Bon ibid.; Teyssandier 2003, 2006). En Europe centrale, terrain privilégié de nos enquêtes (Teyssandier 2003, 2006, 2007; Teyssandier et al. 2006), aucun site ne témoigne d'une succession stratigraphique “Proto/ancien ”. Jusqu' à récemment, l'unique gisement recelant avec certitude une composante protoaurignacienne était la station de plein air de Krems-Hundssteig, en Basse-Autriche, connue depuis le début du XX e siècle (Strobl et Obermaier 1909). Le richissime matériel lithique mis au jour, estimé entre 50 000 et 70 000 pièces, n'est pas le produit d'une fouille archéologique mais d'une collecte effectuée lors de l'exploitation des loess en vue de la construction d'une digue de protection contre les crues du Danube. Ce matériel n'a donc pas été retrouvé en contexte stratigraphique et, au vu des dessins représentant les zones de découverte, on ne peut que mettre en doute l'affirmation de J. Strobl et H. Obermaier (1909) évoquant un complexe archéologique absolument unitaire. Ce matériel se caractérise par une grande abondance des lamelles retouchées, parmi lesquelles J. hahn a décompté plus de 1 800 lamelles Dufour dont 1 565 spécimens à retouche alterne (Hahn 1977). Celles -ci composent une part indubitablement “protoaurignacienne” de l'ensemble archéologique, d'autant plus qu'une étude technologique (Teyssandier 2003, 2007) a permis de montrer que leurs caractères métriques et techniques permettaient de les associer à de nombreux nucléus à lamelles (fig. 1). Ceux -ci sont fréquemment de morphologie pyramidale et présentent certaines spécificités (fig.1, n° 6) - morphologie triangulaire de la surface lamellaire assurée par l'extraction d'enlèvements lamellaires latéraux convergents en partie distale de la table - déjà observées dans les ensembles du Protoaurignacien d'Europe occidentale (Bon 2002). La difficulté de l'interprétation de l'ensemble de Krems-Hundssteig est également renforcée par la présence de grattoirs carénés à front large (fig. 1, n° 9) et de lames larges et robustes (fig. 1, n° 7-8), pour certaines aménagées en grattoirs ou en lames à retouche latérale tendant parfois vers la lame aurignacienne ou la lame étranglée (Teyssandier 2003, 2007). Ces éléments sont habituellement plus typiques de l'Aurignacien ancien (Sonneville-Bordes 1960; Bon 2002; Bordes J.-G. 2006). A ce titre, l'absence de points de comparaisons régionaux perturbe l'interprétation de l'industrie d'Hundssteig et nous ne pouvons pour l'heure présumer si les composantes de type Protoaurignacien et Aurignacien ancien correspondent à un “syncrétisme technique” ou si, plus simplement, elles évoquent l'hétérogénéité et les pollutions subies par les niveaux archéologiques originels. Nous sommes plutôt enclins à considérer favorablement la seconde hypothèse, d'autant que des fouilles récentes montrent que le site a également été fréquenté à différents moments du Gravettien (Neugebauer-Maresch, communication personnelle). De tels ensembles à grandes lamelles retouchées sont pour l'heure rares et trop partiellement documentés en Europe centrale. Cependant, suite à la révision de nombreuses séquences européennes et au constat selon lequel le Protoaurignacien aurait une répartition géographique étendue, de nouveaux points de comparaison se doivent d' être mentionnés. J. Zilhão (2006) a évoqué l'exemple de Tincova, dans le Banat, au sud-ouest de la Roumanie. Ce site de plein air, fouillé dans les années 1950, présente apparemment un unique ensemble paléolithique contenant une industrie lithique rappelant le Protoaurignacien occidental. Un examen détaillé de la bibliographie disponible (Hahn 1977; Mogosanu 1983; Paunescu 2001) et une première mission préliminaire sur place en collaboration avec Ion Cornel Baltean (Université de Iasi, Roumanie) confirment cette proposition. L'intention dominante des productions de Tincova correspond à l'obtention de lamelles élancées au profil rectiligne. On note schématiquement, comme à Krems, la présence de deux populations de lamelles retouchées (fig. 2) : de grandes lamelles appointées par retouche bilatérale directe (pointes de Krems, fig. 2, n° 1-3) et des lamelles plus courtes, de type Dufour (sous-type Dufour, fig. 2, n° 5, 7), à retouche alterne, directe sur le bord gauche et inverse sur le bord droit (Demars et Laurent, 1989). Celles -ci sont accompagnées d'un outillage relativement classique pour l'Aurignacien, fait principalement de grattoirs simples sur lames et de lames retouchées. Les grattoirs carénés sont rares et la retouche aurignacienne absente. Ces caractères font de Tincova un bon candidat pour une intégration au sein de la tradition protoaurignacienne à grandes lamelles retouchées. En outre, cet ensemble ne semble pas isolé géographiquement puisque au nord-ouest de la Bulgarie, les travaux de t. Tsanova (2006) ont nettement fait ressortir les caractères distinctifs de la couche VII de la grotte de Kozarnika. Nous souscrivons ainsi tout à fait à son interprétation, comparant le “Kozarnikien” au Protoaurignacien. L'étude technologique montre que lames et lamelles sont obtenues dans un continuum opératoire aux dépens des mêmes nucléus et que, comme à Tincova, l'intention de produire des supports allongés, légers et rectilignes est dominante et vise la fabrication de lamelles pointues confectionnées par une retouche directe, marginale et bilatérale évoquant les pointes de Krems (fig. 2, 8-10) et de lamelles Dufour (sous-type Dufour, fig. 2, n° 12-14) à retouche alterne. Cette couche VII constitue, à Kozarnika, la base de la séquence du Paléolithique supérieur et 3 dates 14 C la situent entre 39 000 et 36 000 BP (Guadelli et al. 2005). En ce qui concerne les autres éléments de la culture matérielle et symbolique des groupes protoaurignaciens, les données demeurent encore totalement lacunaires pour l'Europe centrale où peu d'autres matériaux sont conservés sur les sites considérés. Pour l'Europe occidentale, les données sont plus fournies même s'il demeure délicat de les synthétiser tant les corpus sont inégaux. Tout juste peut-on constater que, sur la plupart des gisements concernés, les productions en matières dures animales semblent plus pauvres et moins diversifiées qu'elles ne le seront avec l'Aurignacien ancien (Liolios 2006). Toutefois, compte-tenu de la localisation géographique de nombreux gisements protoaurignaciens à proximité du pourtour méditerranéen, il convient de rester prudent quant à une éventuelle indigence des productions osseuses au début de l'Aurignacien. On sait en effet que, dans ces régions, les outillages en matières dures animales demeurent généralement moins développés qu'ils ne le sont en Europe continentale et ce, tout au long du Paléolithique supérieur. A titre d'exemple, les travaux de L. Mons (1981) sur la série de la couche K du Piage, désormais attribuée au Protoaurignacien (Bordes 2002), faisaient état de la présence de pointes et de poinçons de plusieurs types. Celle -ci rendait compte également de l'absence totale de pointes à base fendue et de l'aspect particulier de plusieurs fragments de pointe de section circulaire (fig. 3, n° 3). Ce pourrait être là un caractère particulier de ces productions osseuses du Paléolithique supérieur initial (fig. 3). Enfin, un autre caractère récurrent des ensembles protoaurignaciens concerne la présence d'objets de parure, principalement sous la forme de coquillages perforés (Taborin 1993; Bartolomei et al. 1994; Kuhn et Stiner 1998; Vanhaeren 2002; Vanhaeren et d'Errico 2006), trait par ailleurs classique des ensembles culturels du Paléolithique supérieur initial au Proche-Orient (Zilhão 2007). Ici aussi, la remarque faite précédemment à propos de l'implantation géographique de la majeure partie des sites attribués au Protoaurignacien doit être gardée en mémoire. La recrudescence d'industries à grandes lamelles retouchées occupant une position initiale dans la séquence du Paléolithique supérieur à l'échelle européenne conduit nécessairement à en modifier substantiellement les schémas d'évolution. Il semble flagrant que les particularités de tels horizons, connus de longue date, ont peu à peu été gommés pour n'en retenir que les éléments typologiques, tels les lamelles Dufour, supposés les intégrer à la “grande famille” aurignacienne. Il apparaît pourtant désormais que leur répartition géographique dépasse largement les rivages méditerranéens pour occuper des éco-systèmes diversifiés, rendant compte du succès des idées techniques que ces industries véhiculent. Avant d'essayer d'ordonner et d'interpréter ces éléments, voyons à présent comment l'Aurignacien ancien se définit. L'Aurignacien ancien (Aurignacien I) est, sans conteste, l'épisode le mieux connu puisque c'est à partir de ses outillages lithiques et osseux que l'Aurignacien sensu lato a été individualisé, puis que les phases de son développement ont été articulées (voir p. ex. Breuil 1913; Sonneville-Bordes 1960). La pointe à base fendue a alors joué un rôle capital puisque partout où elle était présente, de l'Atlantique au Proche-Orient, elle signait l'ancienneté des niveaux en question dans la séquence aurignacienne (Sonneville-Bordes ibid.; Leroy-Prost 1979; Liolios 1999, 2006). C'est précisément à partir des ensembles aurignaciens anciens et la récurrence de leurs caractères (grattoirs carénés, fortes lames à retouche latérale, pointes à base fendue) que l'homogénéité pan-européenne d'un Aurignacien innovant et conquérant a été soutenue. Plus récemment, des études technologiques réalisées sur les industries lithiques des séquences de référence ont permis de préciser l'unité de l'Aurignacien ancien dans le sud-ouest de la France (voir p.ex. Chiotti 1999; Lucas 2000; Bon 2002; Bordes J.-G. 2006). Ces recherches confirment globalement le découpage typo-chronologique de la séquence aurignacienne et la validité d'un épisode Aurignacien ancien, sans pour autant y surimposer un découpage interne à l'image des anciens faciès Castanet et Ferrassie de l'Aurignacien I (Sonneville-Bordes 1960). Une forte identité technique se dégage des productions lithiques (voir p.ex.Bon 2002; Bordes J.-G. 2006), orientées vers la recherche de lames et de lamelles obtenues à partir de chaînes opératoires distinctes. Les lames, volontiers larges et épaisses, sont obtenues par percussion directe tendre à partir de nucléus unipolaires dont la mise en forme demeure en général relativement réduite. Le plus souvent, elles sont destinées à fournir les supports d'un outillage “domestique” (Tartar et al. 2006), fait principalement de grattoirs et de lames retouchées latéralement qui peuvent faire l'objet de plusieurs cycles de ravivage. Les lamelles sont, elles, produites à partir de nucléus spécifiques, en l'occurrence principalement des nucléus carénés à front large. Elles sont plutôt courtes, sub-rectilignes ou courbes et rarement retouchées (Bordes 2006). Lorsque tel est le cas, la retouche semi-abrupte et marginale est préférentiellement localisée sur le bord droit des supports. Une partie de ces lamelles au moins est dévolue à armer des projectiles (Rigaud 1993; Lucas 2000; Pelegrin et O'Farrell 2005). A l'Aurignacien ancien, on assiste donc à une individualisation des chaînes opératoires lithiques en fonction des registres d'activité auxquelles elles sont assignées (cf. l ' “opposition” domestique vs. chasse). Une même individualisation des sphères fonctionnelles semble également opérante dans le domaine des matières dures animales, sous l'angle cette fois -ci d'une véritable économie des matières premières (Liolios 1999, 2006; Tartar et al. ibid.). Originellement défini dans le Sud-Ouest français, l'Aurignacien ancien est aussi clairement reconnu dans le Jura souabe, en Allemagne du sud. Dans ce cadre, c'est la grotte de Geissenklösterle qui permet de l'y définir de manière convaincante (voir p.ex. hahn 1988; Conard et Bolus 2003; Teyssandier 2003, 2006, 2007; Teyssandier et Liolios 2003). Les témoignages les plus anciens y sont documentés dans l'ensemble archéologique III, dont la chronologie a suscité de vives discussions ces dernières années (Zilhão et d'Errico 1999, 2003 a et b; Richter et al. 2000; Conard et Bolus 2003; Teyssandier 2003, 2006, 2007; Teyssandier et al. 2006). La place n'est pas ici de de re-préciser l'interprétation archéo-stratigraphique et chrono-culturelle de cette séquence aurignacienne, déjà présentée plus en détail (Teyssandier ibid.; Teyssandier et al. ibid.). Il convient en revanche d'insister sur la distinction d'au moins deux épisodes principaux d'occupation (de la base vers le sommet, l'ensemble III daté aux alentours de 35 000-32 500 BP et l'ensemble II entre 32 500 et 31 000 BP), attribués à l'Aurignacien ancien tel qu'on le rencontre dans le Sud-Ouest français. Du point de vue de leurs industries lithiques, ils se caractérisent tous deux par une recherche exclusive de lames et de lamelles selon des schémas de production indépendants (fig. 4) : à partir de nucléus unipolaires pour les lames et de nucléus carénés à front large (« grattoirs » carénés) pour les lamelles. Cette attribution conjointe des ensembles III et II de Geissenklösterle à l'Aurignacien ancien ne va toutefois pas sans poser de problèmes. En effet, les différences entre ces deux ensembles ne relèvent peut-être pas uniquement de contingences strictement économiques et fonctionnelles. Si l'on peut clairement établir une nette différence dans les modes d'occupation de la grotte entre III, majoritairement un espace de production et II, davantage tourné vers la consommation des produits (Hahn 1988; Conard et Bolus 2003; Teyssandier 2003; Teyssandier et Liolios 2003; Teyssandier et al. 2006), d'autres facteurs doivent être pris en considération et, notamment, l'apparition des pointes à base fendue qui s'accompagne d'une gestion différenciée des matières dures animales (Liolios 1999; Teyssandier et Liolios 2003) et d'un cortège d'art mobilier en II. Le fait que ces objets et ces “manières” d'organiser la gestion des productions organiques soient totalement absents des niveaux de base (ensemble III) n'est certainement pas anodin et demande peut-être de repenser quelque peu nos conclusions sur la signification de cette séquence aurignacienne. En effet, dans l'ensemble II de Geissenklösterle, l'apparition des pointes à base fendue coïncide avec la raréfaction des nucléus carénés et une plus grande diversification des schémas de production lamellaire (fig. 5). C'est là une observation quelque peu contradictoire avec les séquences de référence françaises où pointes à base fendue et “grattoirs” carénés à front large sont généralement associés. Une plus grande variabilité pourrait ainsi caractériser l'Aurignacien à pointes à base fendue, idée déjà avancée par D. Liolios pour rendre compte de la diversité dans la conception de ces pointes (Liolios 2006). En outre, l'ensemble III, lui aussi attribué à l'Aurignacien ancien sur la base des caractères de ses productions lithiques, témoigne également d'une certaine originalité vis à vis des séquences ouest-européennes puisque ces mêmes “bases fendues” y sont absentes et que l'on y reconnaît la présence de deux pointes en ivoire de section circulaire (fig. 3, n° 4), qui ne vont pas sans rappeler certains traits de corpus rapportés au Protoaurignacien en France (voir p.ex. la couche VII de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure, fig. 3, n° 5; Julien et al. 2002, les corpus pyrénéens de Gatzarria et des Abeilles (fig. 3, n° 1-2; Laplace 1966) ou la couche K du Piage (fig. 3, n° 3; Mons 1981). L'interprétation de la séquence de Geissenklösterle est rendue délicate par l'absence de points de comparaison fiables et stratifiés en Europe centrale. A ce titre, il faut attendre les publications à venir sur les fouilles en cours du gisement voisin d'Hohle Fels (Conard et Malina 2006), qui semble témoigner d'une succession stratigraphique comparable. Ailleurs en Europe centrale, l'Aurignacien ancien est nettement plus diffus (Teyssandier 2003, 2007). Des ensembles à pointes à base fendue sont certes documentés en Slovaquie, Slovénie ou Hongrie, mais ils proviennent le plus souvent de fouilles anciennes et livrent des industries lithiques pauvres et atypiques. Un ré-examen récent des corpus d'Istállóskö (Hongrie) témoigne en outre de mélanges évidents entre des composantes szélétiennes, aurignaciennes et gravetiennes (Teyssandier et al. en préparation). En d'autres termes, rien ne permet d'affirmer que le techno-complexe Aurignacien ancien ait une répartition géographique continue en Europe. Au contraire, il semble bien qu'en dehors de l'Aquitaine, des Pyrénées et du Jura souabe, sa présence soit relativement discrète, tout comme ses caractères intrinsèques sujets à une variabilité inattendue. Des outillages de type Aurignacien ancien et, en particulier, de rares pointes à base fendue découvertes à Kebara et hayonim, sont certes documentés jusqu'au Proche-Orient (Bar-Yosef 2000) mais le caractère des industries lithiques et l'aspect torse des lamelles de type Dufour évoquent, par comparaison avec les contextes européens, un Aurignacien plus tardif. Cette définition serait en accord avec des datations autour de 32 000 BP (Belfer-Cohen et Goring-Morris 2003), plus récentes que celles obtenues pour les contextes Aurignacien ancien à pointes à base fendue en Europe. Au terme de ce rapide panorama, il apparaît donc un certain décalage entre les données archéologiques présentées et le modèle de référence présidant à l'interprétation de l'Aurignacien. L'unité initiale de l'Aurignacien étant désormais très largement discutée, ce sont ses origines qui se complexifient et s'obscurcissent, d'autant plus que, comme le rappellent justement J. Zilhão et F. d'Errico (2003 a), l'imprécision chronologique des dates 14 C entre 45 000 et 30 000 BP rend vaine toute tentative de définir précisément le lieu d'origine et les modalités de la diffusion des principales innovations portées par ces techno-complexes. Mieux vaut donc se prémunir d'une quête effrénée autour de la recherche des origines pour privilégier des recherches inscrites dans le temps long, autour des processus traversant la dite transition du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur. Dans ce cadre, l'exemple du Bachokirien, longtemps interprété comme un faciès de formation de l'Aurignacien en Europe, s'avère important (voir p. ex. Kozlowski et Otte 2000). Mise en doute dès 1998 (Rigaud 2001), cette interprétation est désormais formellement contredite par les révisions récentes de l'industrie éponyme de la couche 11 de Bacho Kiro (Tsanova et Bordes 2003; Teyssandier 2003, 2006, 2007; Rigaud et Lucas 2006; Tsanova 2006) qui distinguent très clairement cette industrie des normes communes à l'Aurignacien : débitage d'essence Levallois exploitant de larges surfaces de débitage peu convexes par percussion directe dure, recherche de produits convergents laissés bruts ou retouchés en pointes (fig. 6), absence de débitage lamellaire systématisé… La définition technologique du Bachokirien conduit désormais à le comparer à des industries situées à la charnière du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur, qui témoignent d'une certaine leptolithisation des productions lithiques et se cristallisent autour de la recherche de solutions techniques pour produire des supports généralement allongés mais surtout convergents (fig.7), des pointes en l'occurrence (Teyssandier 2003, 2006, 2007; Kozlowski 2004; Tsanova 2006; Zilhão 2006). Tel est le cas en Bulgarie sur le site de Temnata (Drobniewicz et al. 2000; Tsanova 2006) mais aussi dans le Bohunicien morave (Skrdla 1996, 2003) et dans de nombreuses séquences du Proche-Orient où ces ensembles sont attribués à un Paléolithique supérieur initial (Marks 1983, 1993; Meignen 2007). Il est ainsi envisageable que le Bachokirien s'insère à cette vaste mosaïque qui voit, dès 50 000-45 000 BP, la multiplication de productions laminaires, de conception mixte entre le Levallois et les méthodes annonçant celles du Paléolithique supérieur (Bar-Yosef et Kuhn 1999; Skrdla 2003), mais conduites exclusivement par percussion directe dure. Les comparaisons techniques évoquées et la découverte d'ensembles analogues en position géographique intermédiaire entre le Proche-Orient et l'Europe (Üçagizli en Anatolie par exemple, Kuhn et al. 1999, 2001) ont conduit certains auteurs à y voir le résultat de migrations humaines, décalant de fait, dans le temps, la première vague de diffusion des hommes modernes en Europe (Tostevin 2000; Kozlowski 2004; Bar-Yosef 2006). Il nous semble pourtant prématuré de conclure en ce sens, tant cette orientation commune des productions lithiques semble à chaque fois se développer en continuité des substrats locaux pré-existants, comme c'est le cas au Proche-Orient ou dans le Sud-Est français par exemple (Slimak 2004). La rupture que semble opérer ces complexes avec les entités les précédant en Europe centrale ou dans les Balkans pourrait simplement refléter l'important hiatus chronologique les séparant (Zilhão 2006). Pour l'heure, force est de constater que parmi la nébuleuse des industries dites de transition se dégage une tendance technique marquée par un relatif allégement des productions et la recherche de supports convergents (fig. 8). Ce “phénomène pointes” semble partout s'ancrer dans des substrats locaux de type Levallois et modifie plus ou moins profondément les systèmes techniques des groupes humains. Mais, dès lors, comment articuler cette mouvance technique avec ce qui lui succédera dans de nombreuses régions : à savoir, la mise en place d'industries (voir p.ex. l'Ahmarien ancien ou le Protoaurignacien) où les productions lamellaires occuperont, pour la première fois, une position structurante des systèmes lithiques. Dans le cas particulier des productions lithiques, l'un des éléments moteurs des changements qui prennent place à l'aube du Paléolithique supérieur renvoie au rôle dévolu aux éléments de projectile (Bon 2005). Au Protoaurignacien, cette destination fonctionnelle semble être un élément clé de l'orientation des productions autour de l'obtention de lamelles de profil rectiligne dont une part au moins porte des traces caractéristiques d'un usage en projectile (Bon ibid.; Broglio et al. 2005; O'Farrell 2005). Cette nette leptolithisation des industries du Protoaurignacien va s'accentuer à l'Aurignacien ancien et s'accompagner d'une microlithisation des lamelles recherchées qui, désormais, s'individualisent clairement des lames, tant d'un point de vue dimensionnel que par l'indépendance des schémas opératoires présidant à la réalisation de ces deux grandes catégories d'objets. Ainsi, l'une des nouveautés à l'Aurignacien ancien pourrait renvoyer à l'individualisation de deux grands registres d'activités opposant caricaturalement les armes de chasse aux outillages dits domestiques (Tartar et al. 2006). Ce mode d'organisation des productions techniques se vérifierait tant dans le domaine des industries lithiques, à travers l'indépendance des productions de lamelles à partir de “grattoirs” carénés que dans le cadre des productions en matières dures animales, par ailleurs régies selon une stricte économie des matières premières conférant au bois de renne l'exclusivité de la production des éléments d'armement (Liolios 1999). Ce phénomène de “leptolithisation ”, très net dès les débuts de l'Aurignacien, n'est cependant pas totalement nouveau dans la trajectoire évolutive du Paléolithique et il pourrait s'enraciner dans la mosaïque des complexes à pointes le précédant. Ainsi, une préoccupation commune, en l'occurrence la recherche de solutions techniques pour armer des projectiles (Bon 2005) serait un argument pour expliquer l'apparente communauté de ces différents complexes industriels (Emiréen du Proche-Orient, Bachokirien des Balkans, Bohunicien d'Europe centrale, Néronien de la vallée du Rhône…). Cette hypothèse rendrait compte, outre leur orientation technologique commune, de l'importante diversité des “manières de faire” de ces différents complexes, preuve de leur enracinement local dans les industries les précédant. Notons cependant que la destination fonctionnelle de ces pointes n'est pour l'heure pas clairement réglée (Meignen 2007), même si certains auteurs avancent l'idée qu'elles pourraient correspondre à des éléments d'armes d'hast (Shea 2006), comme l'indiqueraient aussi certains stigmates des pointes de la couche 11 de Bacho Kiro (voir fig. 6, n° 9, 11; Tsanova 2006; Teyssandier 2007), qui demanderont des investigations plus poussées. Ainsi, avant l'éclosion des technologies aurignaciennes, soit globalement entre 45 000 et 37 000 BP, l'Europe s'apparenterait à une véritable mosaïque de traditions techniques unies dans un même élan, synonyme du bouillonnement d'idées traversant des sociétés humaines généralement présumées néandertalienne par la communauté scientifique. Il est en outre intéressant de noter que dans certains de ces complexes (Emiréen ou Bohunicien par exemple), ce changement d'orientation des productions lithiques va conduire certains groupes à repousser les limites intrinsèques du débitage Levallois afin que celui -ci puisse répondre à cet objectif particulier qu'est la production de lames en série (Boëda 2005). Devant cette impossibilité structurelle (Boëda ibid.), les systèmes techniques vont par la suite être conduits à se modifier en profondeur, entraînant l'abandon du concept Levallois et la formalisation de nouveaux modes de taille plus adaptés. A ce stade, comment ne pas évoquer même brièvement le cas du Châtelperronien, techno-complexe emblématique de ladite transition du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur depuis sa reconnaissance par H. Breuil (1913) comme la première subdivision du Paléolithique supérieur (Aurignacien inférieur) jusqu' à son association à l'Homme de Néandertal (Levêque et Vandermeersch 1980; Hublin et al. 1996; Bailey et Hublin 2006). Si son aire de répartition géographique se limite à l'Europe occidentale, les orientations techniques qui se dessinent alors vont dans le sens d'une leptolithisation très affirmée puisque les productions lithiques visent très majoritairement l'obtention de lames plutôt courtes et rectilignes principalement dévolues à l'obtention de supports de pointes de Châtelperron (Pelegrin 1995). Des souvenirs moustériens (p.ex. outils sur éclats, racloirs) plus ou moins affirmés selon les séries sont certes documentés mais leur interprétation demeure délicate et leur présence parfois interprétée comme des mélanges avec les industries moustériennes stratigraphiquement sous-jacentes (Rigaud 1996, 2001; Bordes 2002). Ainsi, une orientation presque exclusivement tournée vers la production de supports allongés répond à la recherche de produits normés et rectilignes dont une part au moins serait emmanchée pour armer des pointes de sagaies (Pelegrin et Soressi 2007). Là encore, l'idée d'emmancher des traits lithiques modifierait profondément les systèmes techniques à la charnière du Paléolithique moyen et supérieur et ce, indépendamment du développement de l'Aurignacien. Des recherches récentes ont en effet bien montré la stricte antériorité du Châtelperronien sur le premier Aurignacien (d'Errico et al. 1998; Rigaud 2001; Bordes 2002; Pelegrin et Soressi 2007). Ce n'est que plus tard que la modification des systèmes techniques par une recherche toujours plus soutenue de supports légers, allongés et réguliers se concrétiserait et aboutirait à une relative homogénéisation des traditions techniques à l'échelle de l'Europe et du Proche-Orient. Ce pourrait être le cas au Proche-Orient, dans les industries de l'Ahmarien ancien puis, à travers le continent européen, avec les industries du Protoaurignacien. Cela rendrait compte également de la forte communauté technique entre ces deux traditions, désormais soulevée par plusieurs auteurs (Bar-Yosef 2003, 2006; Mellars 2006; Teyssandier 2006, 2007; Tsanova 2006; Zilhão 2006) et qu'il s'agira de creuser davantage dans le futur. Cette apparente unification des traditions techniques, transcendant des éco-systèmes variés sur de larges espaces géographiques, pourrait être imputée au vif succès rencontré par les productions lamellaires, sur un plan non seulement techno-fonctionnel pour armer des traits, mais aussi socio-économique, en termes de mobilité pour des groupes de chasseurs-cueilleurs (voir Elston et Kuhn (Eds.) 2002 avec nombreuses références documentées; Bon 2005). Aux environs de 35 000 BP, une large part de l'Europe aurait basculé dans le système aurignacien et l'on verrait alors naître, de manière très marquée, des variations régionales particulièrement nettes au niveau d'objets ostensibles que sont les parures par exemple (White 1989; Vanhaeren 2002; Vanhaeren et d'Errico 2006). Ainsi, la longue évolution que représente ce que nous désignons comme “LA” transition pourrait correspondre à une modification des inter-actions sociales entre les groupes humains, débouchant sur la diffusion, à grande échelle, d'idées ou de solutions techniques structurantes. Cette accélération du brassage culturel – et incidemment de celui des gênes – pourrait aller de pair avec un accroissement démographique, souvent avancé dans le cadre du stade isotopique 3 en Europe et concomitant de l'expansion de l'Homme moderne sur ces territoires (voir p.ex. Cachel 1997; Shennan 2001; Boëda 2005; Zilhão 2006). La nécessaire reformulation des rapports sociaux qui s'en suivrait conduirait parallèlement à l'explosion quantitative et à la diversification des productions ostensibles et à l'émergence des procédés graphiques (Zilhão 2007) qui n'allaient, par la suite, cesser de se développer tout au long du Paléolithique supérieur. Ce serait là un dernier temps de la “conquête” aurignacienne, comme semblent l'indiquer les dates de Chauvet (Valladas et al. 2005) ou la position stratigraphique et chronologique de l'art mobilier aurignacien en Jura souabe (Verpoorte 2005; Teyssandier 2007; Zilhão 2007). De nombreuses zones d'ombre entourent encore la formulation de ces dernières hypothèses. Il convient d'abord de signaler que les acteurs des processus évoqués demeurent encore bien transparents dans la documentation archéologique. Les différentes traditions “à pointes” de la charnière Paléolithique moyen/supérieur (Emiréen, Bachokirien, Bohunicien, Néronien…) n'ont, pour l'heure, pas livré de restes humains, à l'exception d'un fragment de mandibule comprenant une molaire déciduale (dm1) découvert à la base de la couche 11 de Bacho Kiro qui ne permet pas de trancher sur le type humain responsable de cette industrie (Churchill et Smith 2000; Trinkaus 2005). habituellement situés dans le groupe des industries dites de transition, ces ensembles sont le plus souvent apparentés aux néandertaliens, suite à la découverte d'une association effective entre le Châtelperronien et ce type humain à Saint-Césaire et Arcy-sur-Cure (Levêque et Vandermeersch 1980; Hublin et al. 1996; Bailey et Hublin 2006). Rien ne permet pourtant de justifier l'extension de cette association aux industries précédemment évoquées. La situation est tout aussi épineuse pour les débuts de l'Aurignacien. En Europe, les révisions effectuées sur plusieurs spécimens d'hommes anatomiquement modernes présumés contemporains, voire même associés à l'Aurignacien, les ont plus ou moins considérablement rajeunis (voir p.ex. Cro-Magnon, Henri-Gambier 2002; La Rochette, Orschiedt 2002; hahnöfersand et Kelsterbach, Street et al. 2006; Vogelherd, Conard et al. 2004). Les arguments les plus solides dont nous disposons actuellement vont dans le sens d'une association effective de l'Aurignacien récent à Homo sapiens sapiens (voir Henry-Gambier 2005, et à paraître; Trinkaus 2005 ;Wild et al. 2005). En revanche, aucune association archéologique indubitable n'existe pour le Protoaurignacien 2 et la situation n'est pas beaucoup plus favorable en ce qui concerne l'Aurignacien ancien où seuls des corpus dentaires ne faisant pas consensus quant à leur attribution sont connus (voir p.ex. Henry-Gambier et al. 2004; Bailey et Hublin 2005). En définitive, ce ne sont que quelques données encore bien parcellaires qui soutiennent l'idée d'une association entre l'Aurignacien au sens large du terme et l'Homme moderne. Cependant, et même si cette parenté devait être confirmée par des recherches à venir, cela ne renforcerait pas nécessairement la validité de la seule théorie du remplacement et de son corrélat culturel percevant une rupture radicale entre les derniers temps du Paléolithique moyen et les premières expressions du Paléolithique supérieur. Nos propositions mettent davantage l'accent sur le caractère progressif et graduel de la mise en place des traits constitutifs du Paléolithique supérieur. De ce point de vue, plusieurs consensus restent à établir : le premier renvoie à la position d'antériorité des industries à grandes lamelles retouchées (Protoaurignacien, Ahmarien ancien) vis-à-vis de celles à “grattoirs” carénés et pointes à base fendue (Aurignacien ancien). Cela s'observe d'abord au travers de plusieurs cas de successions stratigraphiques en Europe occidentale : Le Piage (Bordes J.-G. 2002, 2003), Isturitz (Normand 2006), Gatzarria, (Laplace 1966), Les Abeilles (Laplace 1966; Laplace et al. 2006; Eizenberg 2006) et Labeko Koba (Arrizabalaga 2006). Les séquences proche-orientales et les dates anciennes qui y ont été obtenues pour l'Ahmarien ancien (Goring-Morris et Belfer-Cohen (Eds.) 2003), ainsi que les mesures 14 C récemment publiées pour la couche VII de Kozarnika en Bulgarie (Guadelli et al. 2005; Tsanova 2006) corroborent ces observations; le second tient à l'emprise géographique du phénomène “grandes lamelles retouchées ”, désormais connu, outre sa zone de reconnaissance initiale, en Aquitaine, en Bourgogne mais aussi en Autriche et en Roumanie et ce, jusque dans les Balkans. D'une tradition restreinte aux régions ouest-méditerranéennes, nous l'envisageons désormais comme une entité pan-européenne, d'autant plus que des comparaisons poussent chaque jour à accroître l'ampleur du phénomène, nous conduisant jusqu'au Proche-Orient voire même en Iran (voir p.e. le cas du Baradostien, Otte et Kozlowski 2004; Jaubert et al. 2005). Ici, il importe de constater que la pleine expression de l'Aurignacien ancien à pointes à base fendue qui, il y a peu, consacrait l'aspect conquérant de cette avancée de l'Homme moderne, se trouve restreinte à une portion “occidentale” de l'Europe (Aquitaine, Pyrénées, Jura souabe). En ce sens, et compte-tenu de sa postériorité vis-à-vis du Protoaurignacien, l'Aurignacien ancien semble bien représenter un phénomène d'essence européenne (Teyssandier 2006, 2007), né des basculements opérés p enfin, le troisième renvoie à la manière dont nous pouvons essayer de structurer l'évolution interne de l'Aurignacien. La perception d'innovations soudaines et brutales est désormais discutée au profit d'une apparition plus graduelle des éléments constitutifs de ce Paléolithique supérieur émergeant. Ce pourrait être vrai pour les productions lithiques (voir p.ex. l'individualisation progressive des productions laminaires et lamellaires), mais aussi pour l'exploitation technique et symbolique des matières dures animales ou les manifestations graphiques qui n'apparaîtraient durablement qu'aux alentours de 32 000-31 000 BP (Valladas et al. 2005; Zilhão 2007). In fine, une certaine arythmie présiderait à la mise en place des caractères constitutifs du Paléolithique supérieur (Teyssandier 2007). Notre propos, le lecteur l'aura compris, ne veut pas ici atténuer l'ampleur des transformations qui prennent place avec le Paléolithique supérieur. Celles -ci sont évidentes et touchent à tous les domaines de la vie de ces sociétés humaines. Nous avons en revanche souhaité mettre l'accent sur l'aspect plus graduel et progressif de la mise en place des traits définissant en général le Paléolithique supérieur. Ceci impose désormais de re-discuter des scénarios classiques de son apparition. Il nous faut aussi penser l'hétérogénéité potentielle de l'histoire des sociétés humaines du Paléolithique supérieur. L'Aurignacien ne doit plus être considéré comme une étape obligatoire sur les chemins de l'évolution du Paléolithique européen, donnée appuyée par les recherches conduites récemment au sein d'espaces où, auparavant, nos données étaient bien indigentes (voir p.ex. Brantingham et al. (éds.) 2004; Bar-Yosef et al. 2006; Flas 2006). Parmi d'autres exemples possibles, citons l'absence des phases anciennes de l'Aurignacien et le développement, entre 38 000 et 35 000 BP, des traditions de type Lincombien-Ranisien-Jerzmanowicien héritées du Paléolithique moyen récent dans les plaines septentrionales de l'Europe (Flas 2006), qui n'empêcheront en rien ces régions de connaître par la suite le développement d'un Paléolithique supérieur “véritable ”. C'est dont à un renouvellement des scénarios et à un “retour” au terrain que doivent maintenant se consacrer les travaux sur cette période phare de l'évolution des sociétés humaines . | La mise en place du Paléolithique supérieur est traditionnellement envisagée sous l'angle de la rupture. De ce point de vue, l'Aurignacien est interprété comme " LA " culture qui consacrerait la généralisation de nombreuses innovations et représenterait l'instrument de la conquête européenne de l'Homme moderne et du remplacement des populations néandertaliennes. Cet article fait le point sur la définition actuelle des débuts de l'Aurignacien européen et essaie de les restituer dans un processus évolutif. L'un des moteurs de l'évolution technologique des groupes humains entre 45 000 et 30 000 BP pourrait correspondre à la recherche de solutions techniques pour armer des projectiles. De ce fait, une plus grande profondeur temporelle et une relative arythmie dans le développement des caractères constitutifs du Paléolithique supérieur sont mises en avant. A ce titre, la distinction chronologique et technologique d'au moins deux grandes traditions - le Protoaurignacien et l'Aurignacien ancien - est évoquée, conduisant à modifier substantiellement les schémas d'évolution classiques du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur. | archeologie_09-0062867_tei_220.xml |
termith-142-archeologie | La commune de Reviers est située dans le Calvados, au nord-ouest de la Plaine de Caen. Le site du Champ de Bény – parcelle ZL 4 – est localisé dans la partie est de la commune actuelle, sur le rebord d'un plateau crayeux dominant un méandre de la vallée de la Seulles, fleuve qui se jette dans la mer à environ 5 km au nord (fig. 1 et 2). Le terrain naturel, en nette pente en direction de la vallée, est composé de calcaire en plaquettes fortement altérées et localement mêlées à une matrice argilo-limoneuse. Le site a été découvert lors d'une campagne de sondages réalisés par le Service régional de l'Archéologie de Basse-Normandie en février 2000, sur une surface de plus d'un hectare (fig. 2). Ces sondages, préalables à un projet de lotissement communal, ont été motivés par la présence proche d'un important cimetière du haut Moyen Âge, connu depuis le xix e siècle et partiellement fouillé par Arcisse de Caumont en 1836. Un diagnostic archéologique a d'ailleurs été réalisé sur ce cimetière en novembre 2000, afin d'en préciser l'étendue et la densité des sépultures. Les sondages de février 2000 n'ont pas mis au jour l'extension escomptée du cimetière du haut Moyen Âge, mais trois sépultures individuelles datées de la période protohistorique ainsi que deux fosses. Une surface d'environ 2 000 m² a été décapée autour des fosses sépulcrales pour analyser leur contexte. Les sépultures étant les seuls éléments positifs de cette opération, elles ont été fouillées à la suite du décapage, d'autant que la position curieuse des inhumés et la localisation du site au cœur de la zone du débarquement de 1944 soulevaient des doutes quant à leur datation. Chacun des individus a fait l'objet d'un démontage précis sur plusieurs niveaux avec enregistrement de la position et de l'altitude des ossements. Les trois sépultures (st. 1, 2 et 5) sont grossièrement alignées selon un axe nord-nord-ouest/sud-sud-est et sont distantes au maximum de 25 m. Hormis deux autres fosses (st. 3 et 4), qui n'ont livré aucun matériel, on ne connaît rien de l'environnement immédiat du site, les autres tranchées de sondage s'étant révélées négatives. La cartographie des sites du Second Âge du Fer à Reviers et dans les communes environnantes ne met pas en évidence d'occupations particulières à proximité, tels qu'oppidum, nécropole ou édifice cultuel. Cette zone est toutefois densément occupée aux époques protohistoriques, comme en témoignent les données des prospections menées sous la direction de Guy San Juan (Desloges et al., 1999). Leurs caractéristiques principales sont synthétisées dans le tableau 1. Les excavations retrouvées sont peu profondes en raison d'une érosion importante du site, due à sa position en hauteur sur une légère pente. Les trois fosses sépulcrales étant grossièrement circulaires, l'orientation retenue a été celle de l'individu : l'individu de la st. 1 fait face à l'ouest; celui de la st. 2 fait face à l'ouest sud-ouest et celui de la st. 5 fait face à l'ouest, mais la partie supérieure de son corps est penchée vers la gauche et fait donc face à l'ouest-sud-ouest. Tous les individus sont placés dos à la pente et face orientée vers le fond de la vallée. Les seuls éléments de mobilier disponibles proviennent de la st. 4 (qui ne renferme pas de squelette); il s'agit de quelques petits tessons protohistoriques, sans qu'il soit possible de préciser. Une datation radiocarbone a donc été réalisée sur les ossements de l'individu de la st. 5; la fourchette obtenue est de 349 à 2 avant J.-C. cal. (Lyon-1786 – GrA 20813 : 2110 +/ - 45 BP). Une dent d'herbivore a été découverte dans la st. 2 et une canine de petit carnivore dans la st. 5 mais il est difficile de savoir si la présence de ces deux dents est intentionnelle ou si elles étaient déjà présentes dans ce qui deviendra le remplissage de la fosse. Dans le cas de la st. 5, la dent a été découverte parmi les os de la main gauche. La plus grande partie des ossements conservés appartient à la partie inférieure du corps (fig. 3); en effet, l'érosion importante de cette fosse (profondeur conservée 20 cm) a détruit une part importante du squelette. Le pendage du fond de la fosse fait qu'elle est plus profonde du côté du bassin. L'individu est assis, le membre inférieur gauche très fléchi, genou devant le corps, pied ramené vers le bassin : l'intérieur de la cheville est posé sur le fond de la fosse. Le reste du fémur droit (le tiers proximal) semble indiquer que le membre inférieur droit était fléchi avec le genou devant le corps, un peu décalé vers l'extérieur et en hauteur. Un fragment de talus repose sur le fond de la fosse à l'opposé du bassin. Ce dernier, en connexion, et le rachis conservé (deux dernières vertèbres lombaires) sont en appui contre la paroi de la fosse. Le membre supérieur gauche était vraisemblablement fléchi, mais il n'en reste que l'avant-bras, encore en connexion : il passe derrière le bassin, avec le coude plus élevé que le poignet. L'avant-bras droit est localisé devant le bassin, avec le coude vers l'extérieur du corps et le poignet (non conservé) vraisemblablement situé entre les deux membres inférieurs, vers le centre de la fosse; le radius et l'ulna sont déconnectés l'un de l'autre : l'ulna a glissé le long du radius vers le centre de la fosse. Ce qui reste des phalanges des mains ne permet pas de restituer leur position. Des fragments de côtes sont dans le volume du bassin et un fragment de la clavicule droite est resté en hauteur au-dessus du pied gauche. Enfin, une plaquette calcaire était posée de chant le long de la paroi est de la fosse. L'individu est également assis, mieux conservé que dans la sépulture précédente (fig. 4); il manque cependant le crâne, la première vertèbre cervicale, la partie proximale des deux humérus et la partie supérieure de la scapula gauche. Le membre inférieur gauche est très fléchi, avec le genou en hauteur et légèrement orienté en dehors; le pied est ramené contre le bassin, avec l'intérieur de la cheville dirigé vers le ciel; les phalanges du pied ne sont pas conservées. Le membre inférieur droit est légèrement fléchi, avec le genou en hauteur (patella en connexion) et penché vers l'extérieur; le pied est situé loin en avant du corps, partiellement contre la paroi de la fosse, le talon sur le fond; ce pied est fléchi et apparaît en vue supéro-médiale. Le bassin, contre la paroi de la fosse, est bien connecté et apparaît en vue supérieure. Le tronc est penché vers l'avant et légèrement vers la gauche. Le membre supérieur droit est légèrement fléchi en avant du corps, la main reposant sur le fond de la fosse. Le membre supérieur gauche, fléchi, passe derrière le corps; le coude est en appui contre la paroi et la main, en vue dorsale, est plus haute que le coude, en position contrainte. L'individu est assis; il est le mieux conservé des trois (fig. 5). Le membre inférieur gauche est très fléchi, avec le pied ramené devant le bassin, l'intérieur de la cheville dirigé vers le ciel; le genou est à plat sur le fond de la fosse. Le membre inférieur droit est fléchi vers l'extérieur, avec le genou en hauteur, le talon en avant du corps reposant sur le fond de la fosse et l'extérieur de la cheville dirigé vers le sol. Le bassin est en appui contre la paroi de la fosse et le tronc penché vers l'avant et vers la gauche, au-dessus du fémur gauche. Le crâne et la mandibule, en connexion entre eux et avec le rachis, sont en vue postérieure et inclinés vers l'avant, dans le prolongement du tronc. Le membre supérieur gauche est fléchi avec le coude en appui contre la paroi et la main contre l'extérieur du fémur gauche. Le membre supérieur droit est également fléchi, avec le coude légèrement en arrière du corps et la main en extension, posée en partie sur la cheville gauche. Dans aucune des trois sépultures nous n'avons d'effets de délimitation linéaire ou de paroi, ni d'indice de coffrage ou d'aménagements particuliers de la tombe. Plusieurs arguments plaident en faveur d'un espace colmaté, et ce pour les trois individus. Dans le cas de la sépulture 1, le radius et l'ulna droits sont en position haute par rapport au fond de la fosse, de même qu'une phalange de la main droite; le fragment de fémur droit est en position quasiment verticale, sans soutien; à noter aussi le maintien de la clavicule droite en hauteur et la patella gauche de chant, en connexion avec le reste du membre inférieur; le pied gauche est encore en connexion. Dans le cas de la sépulture 2, les côtes sont maintenues en hauteur et ont conservé une bonne connexion avec les vertèbres thoraciques. Le rachis est maintenu en position instable et en connexion, depuis les dernières vertèbres cervicales jusqu'aux lombaires. L'humérus droit est en position quasiment verticale et le coude est en élévation sans soutien et en connexion stricte. Il n'y a pas d'ouverture du bassin; le radius droit est en équilibre instable sur l'ulna; les os de la main droite sont encore bien connectés entre eux. Les deux patellas sont de chant et en connexion stricte avec le reste de leur membre inférieur respectif. Dans le cas de la sépulture 5, enfin, le colmatage rapide de l'espace de décomposition est également l'hypothèse retenue en raison du maintien du crâne en position instable et de sa bonne connexion avec la mandibule, les dents et les cervicales. On peut aussi évoquer les épaules en élévation et la connexion en élévation de la clavicule, de l'humérus et de la scapula gauches. D'une manière globale, rien ne permet de suggérer que la partie supérieure du corps (ou même seulement le crâne) ait pu rester visible hors de terre. Tout au plus peut-on affirmer, pour les deux sépultures les plus arasées, que le corps a été enterré à faible profondeur. Il y a donc vraisemblablement un même type d'espace de décomposition pour les trois individus : un espace colmaté; cependant, plusieurs déplacements d'ossements limités au volume initial du corps ont été notés. Dans le cas de l'individu 1, une incisive et trois fragments de côtes ont chuté dans le volume initialement occupé par le thorax. Le glissement de l'ulna droite le long du radius droit peut s'expliquer par la position de l'avant-bras juste sous le niveau de la terre végétale, ce qui aurait pu entraîner des déplacements ou des disparitions d'ossements, comme cela a vraisemblablement été le cas pour presque toute la partie supérieure et la moitié droite du corps. On peut aussi supposer que ce n'est pas l'ulna qui a chuté, mais le radius qui aurait été tiré vers le haut au moment de la disparition de l'humérus, entraîné par ce dernier. Dans le cas de l'individu 2, l'axis est légèrement déconnecté; les deux premières côtes sont tombées dans le volume du thorax, de même que la clavicule droite et deux vertèbres cervicales, restées en connexion entre elles. La clavicule gauche plonge pour partie dans le volume du thorax (l'extrémité médiale est à - 17 cm et l'extrémité distale à - 8 cm). Le manubrium a chuté sur le tibia gauche et on note une déconnexion peu importante entre le tarse proximal (talus et calcanéus en vue médio-supérieure) et le reste du tarse suivi des métatarsiens et des phalanges (en vue médiale). Dans le cas de la structure 5, la base de la scapula droite est quasiment descendue entre les coxaux et le sternum, complet, est déconnecté dans le volume du thorax; la main gauche a bougé dans le volume initial des fesses. Si ces derniers déplacements peuvent s'expliquer par l'existence d'espace vides secondaires qui se créent au cours de la décomposition du corps – notamment toutes les chutes dans le volume du thorax – d'autres déplacements ne trouvent pas nécessairement d'explication. Pour la structure 1, un métatarsien gauche a migré à 10 cm du pied et la clavicule droite se trouve en hauteur au-dessus du pied gauche. Pour la structure 2, on note la disparition totale des phalanges du pied gauche et le déplacement important d'une phalange de chaque main (plus de 10 cm d'écart avec la main). Une incohérence importante est visible dans les faces d'apparition au niveau du membre supérieur gauche : la main est contrainte dans le dos et elle apparaît en vue dorsale; l'humérus apparaît logiquement en vue supéro-médiale. En revanche, le radius est en vue antérieure légèrement latérale et l'ulna en vue médiale, alors qu'ils devraient tous les deux être en vue postéro-médiale. Il y a donc une rotation de plus de 90° du radius et ce n'est pas le même sens de rotation qui s'applique au radius et à l'ulna : la rotation est visiblement plus prononcée dans le cas de l'ulna. Le maintien de cette position non-naturelle implique peut-être la présence d'une ligature du membre supérieur; il est cependant difficile de préciser à quel niveau ce lien aurait été fixé. Dans le cas de la structure 5, d'importants déplacements sont visibles au niveau du pied gauche, avec notamment le déplacement et la « remontée » d'un métatarsien derrière le crâne (à - 5 cm au lieu de - 36 cm). L'absence de la patella gauche est curieuse : le genou reposant sur le fond de la fosse, elle aurait dû être conservée. Dans certains cas, le déplacement des petits os et notamment des phalanges pourrait s'expliquer par la présence d'animaux fouisseurs : la dent de petit carnivore trouvée au niveau de la main gauche de l'individu de la st. 5 en est peut-être le témoin. Les ossements des trois individus sont moyennement conservés; de ce fait un certain nombre de surfaces articulaires ne sont pas observables. – Âge : Nous avons affaire à trois sujets adultes d'après leur morphologie ou d'après leur schéma dentaire. – Sexe : L'individu de la st. 5 est de sexe masculin d'après les mesures de ses coxaux (Murail et al. 2005). Les coxaux des deux autres sont trop mal conservés pour une détermination sexuelle fiable. – Métrique : Très peu d'éléments sont disponibles. Une seule estimation de la stature a pu être réalisée à partir du radius pour l'individu de la st. 2 : 165,5 cm ± 3,5 cm (Olivier 1960). – Pathologie : chez l'individu de la st. 2, un phénomène arthrosique de stade 3 sur 4 a été observé sur trois vertèbres lombaires. Chez celui de la st. 5, le talus et le calcanéus gauches sont soudés. Le plateau des deux dernières vertèbres lombaires présente un phénomène arthrosique de stade 2 sur 4. Des caries ont été observées en face occlusale sur la troisième molaire inférieure gauche et sur les sillons latéraux des trois molaires inférieures droites et sur les première et troisième molaires inférieures gauches. Enfin des dépôts de tartre ont été observés en face linguale sur toutes les molaires inférieures. Ces trois sépultures présentent indéniablement des traits communs et par cela nous amènent à penser qu'elles sont sensiblement contemporaines, mais ce n'est qu'un postulat en l'absence de datation précise pour deux des trois sépultures. Les traits communs sont tout d'abord la forme et les dimensions des fosses : il s'agit dans les trois cas d'une fosse grossièrement circulaire, taillée dans le substrat calcaire et dont les diamètres oscillent entre 90 et 100 cm. Les différences de profondeur observées – de 20 à 42 cm – ne sont vraisemblablement dues qu' à une différence d'érosion. Les parois sont verticales et le fond est plan. Il faut rappeler leur alignement sensiblement parallèle aux courbes de niveau, et la position commune des trois individus « regardant » vers la vallée. Le remplissage des fosses, un limon argileux brun orangé riche en plaquettes calcaires, est identique dans les trois cas. Enfin, la position d'inhumation tout à fait inhabituelle des trois individus est certainement le trait commun le plus frappant (fig. 6) : on retrouve dans les trois cas une position assise, avec le tronc incliné vers la gauche et vers l'avant, le membre inférieur droit le plus étendu possible compte tenu des dimensions de la fosse. Du côté gauche, les membres présentent de légères variantes de position, même s'ils sont à chaque fois fléchis : dans la st. 1, le membre inférieur est très fléchi avec le pied vers l'extérieur et le membre supérieur est fléchi derrière le dos; dans la st. 2, le membre inférieur est fléchi avec le talon contre le pubis et le membre supérieur est fléchi dans le dos; enfin, dans la st. 5, le membre inférieur est moins fléchi, talon devant le bassin, et le membre supérieur est fléchi près du côté gauche du bassin. La position du tronc, ou de ce qu'il en reste, est identique dans les trois cas; on peut donc supposer que le haut du corps était dans une position similaire à chaque fois, notamment en ce qui concerne le crâne, qui apparaît en vue postérieure dans le seul cas où il est conservé. Dans les trois cas également, le même espace de décomposition est restitué d'après les phénomènes taphonomiques observés : un espace colmaté qui a permis la chute de quelques os dans le volume du thorax lors de la décomposition du corps. On ne peut donc pas expliquer certains déplacements hors du volume initial du corps observés par endroits, hormis par l'intervention d'animaux fouisseurs. Dans le cas des st. 1 et 2, on pourrait évoquer l'hypothèse d'un prélèvement du crâneaprès le dépôt du corps dans la fosse : quelques dents sont là pour indiquer que le crâne a bien été à un moment donné dans la fosse. Cependant, dans le cas d'un prélèvement après décomposition du corps, on peut supposer que les officiants n'auraient pas également prélevé la partie proximale des scapulas et des humérus : l'absence du crâne et du haut des épaules est plus vraisemblablement due à l'érosion et à la faible profondeur des fosses. La découverte de ces trois sépultures soulève de nombreuses questions et nous n'avons pas nécessairement les éléments pour y répondre : on peut évoquer notamment la position contrainte de certaines parties du corps et notamment du membre supérieur gauche. C'est particulièrement frappant dans le cas de la st. 2 où il est non seulement derrière le dos, mais en position forcée vu que le poignet est situé 5 cm plus haut que le coude. Dans les deux autres cas, la flexion est moins importante, mais elle est tout de même contrainte dans le dos pour la st. 1. De même, la position du membre inférieur gauche dans cette dernière sépulture, avec l'intérieur de la cheville vers le fond de la fosse, est fort peu naturelle. On peut supposer l'existence de liens maintenant les membres de ces individus dans des positions inhabituelles. Si le corps était souple au moment de l'inhumation, il faut également imaginer un soutien temporaire le temps du comblement de la fosse pour expliquer que le haut du corps n'ait pas complètement chuté en avant dans le cas de la st. 2; ce n'est pas le cas en revanche pour la st. 5, puisque le haut du corps avait déjà chuté en avant. Cette position récurrente a peu de chances de s'expliquer par des raisons opportunistes. Lors de l'inhumation d'un individu adulte, le creusement d'une fosse circulaire d'un mètre de diamètre sur 30 cm de profondeur peut certes représenter un gain de temps par rapport au creusement d'une fosse quadrangulaire, plus fréquemment rencontrée. Mais une disposition fléchie sur le côté en fœtus aurait été plus appropriée pour occuper de manière optimale une fosse circulaire. Enfin, le caractère individuel des trois sépultures ainsi que la position stéréotypée des corps ne plaide pas en faveur d'une inhumation précipitée ou irréfléchie. Ces positions récurrentes évoquent une mise en scène ritualisée et sont donc certainement porteuses de sens : peut-être ont-elles un rôle symbolique de punition ? On a vu que les positions générales étaient les mêmes (individu assis avec le tronc incliné vers l'avant et vers la gauche, membres fléchis avec effet de contrainte sur le bras gauche), même si, dans le détail, les positions des membres diffèrent (en particulier pour ce qui concerne ce même bras gauche) : quel sens doit-on apporter à ces différences ? Sont-elles significatives ou au contraire anecdotiques ? D'un point de vue biologique, le seul trait commun entre les trois individus dont on puisse être certain est leur âge adulte; seul celui de la st. 5 a pu se voir attribuer un sexe masculin. En l'absence de précisions à la fois sur le sexe et sur la tranche d' âge, on ne peut pas affirmer qu'ils appartiennent à un même groupe social (jeunes adultes masculins par exemple). D'autres points resteront également sans réponse, comme la fonction de la st. 4, dans le même alignement que les trois fosses sépulcrales, à mi-distance entre les st. 1 et 2, et celle de la structure 3, plus éloignée. Si l'on intègre au moins la structure 4 au groupe des trois sépultures, alors les distances entre chacune des quatre fosses seraient sensiblement équivalentes : entre 6,70 et 8 m. Les caractéristiques des structures 3 et 4 sont assez proches de celles des trois fosses sépulcrales et on se demande évidemment si elles n'auraient pas pu contenir des corps, ou bien si elles n'ont pas été creusées pour en accueillir. Les dimensions et le remplissage de la st. 3 sont quasiment identiques; en revanche, la st. 4 est nettement plus allongée et son remplissage diffère légèrement. Au cours de la fouille, trois premières hypothèses avaient été émises pour tenter d'expliquer le sens de ces sépultures inhabituelles : la première était qu'il s'agissait d'une partie marginale de la grande nécropole du Haut Moyen Âge, sur laquelle on observerait un traitement particulier des défunts. Avec la datation radiocarbone, cette première hypothèse peut être rejetée. La seconde hypothèse était celle de fosses sépulcrales anecdotiques, liées à un épisode de conflit ou d'insécurité, générant l'enfouissement sommaire des défunts. Dans ce cas, la fosse circulaire est-elle la plus appropriée ? Les exemples les plus récents nous montrent que dans les cas où il faut enterrer rapidement plusieurs individus (conflit, épidémie, etc.), c'est la fosse multiple qui est la plus fréquemment utilisée, comme à Issoudun lors d'un épisode d'épidémie et de famine (Blanchard et al., 2003; Poulle, 2007); ce n'est donc pas ce type de fosse qui serait retenu, mais la position inhabituelle observée à Reviers n'est pas non plus la plus aisée à mettre en place, à moins qu'il ne s'agisse d'une position ante mortem non modifiable. Si cette deuxième hypothèse n'est pas la plus plausible, on ne peut l'écarter complètement, car il n'est pas assuré qu'en période de conflit ou d'épidémie, les individus du Second âge du Fer se comportent comme ceux de l'époque moderne. La troisième hypothèse évoquée au moment de la fouille a été celle de fosses liées à des pratiques cultuelles ou sacrificielles : en effet, des exemples de traitements inhabituels des corps ont été découverts dans des contextes de sanctuaire. À Fesques en Seine-Maritime (Mantel 1997), l'ensemble cultuel se met en place à partir du iii e siècle avant J.-C.; parmi les nombreuses structures mises au jour, une série de fosses fouillées à proximité du fossé délimitant la zone sacrée a livré des pieds humains. L'analyse faite sur ces restes démontre une pratique de suspension de corps d'adultes jusqu' à dislocation, le reste des corps étant jeté dans les fossés d'enceinte où on les trouve mêlés à des ossements animaux. La position des corps par rapport à la topographie du site y est cependant à l'opposé de celle de Reviers : les individus font face au sanctuaire qui est situé sur le sommet d'une butte. À Gournay-sur-Aronde dans l'Oise (Brunaux et al., 2003), de nombreux os humains ont été découverts en situation résiduelle, après avoir subi de nombreuses manipulations comme le dépeçage et la décollation. Dans ce cas, l'hypothèse sacrificielle est la plus probable, comme dans celui de nombreux autres sites ayant livré des fragments de corps humains, on peut citer entre autres Bailleul-sur-Thérain (Woimant, 1995), Mœuvres (Salomon, 1913) ou le sanctuaire bien connu de Ribemont-sur-Ancre (Brunaux, 1999). Tous ces exemples ont en commun la fragmentation et la manipulation des corps après la mort; on ne peut donc attacher le site de Reviers à ces ensembles en raison de la conservation de l'intégrité du corps dans les trois sépultures. Leur signification sera nécessairement différente de celle accordée à des fragments humains dispersés dans des fosses ou des fossés. Il faut donc chercher des points de comparaison parmi les sépultures atypiques publiées ayant livré des corps entiers en position assise. Si l'on remonte dans le temps, on peut signaler celles mises au jour à La Saulsotte dans l'Aube (Piette et al., 2005); elles sont datées du Bronze final. La sépulture détaillée dans la publication est une fosse circulaire de 95 cm de diamètre, profonde de 20 cm, dans laquelle le corps d'une jeune femme est placé en position assise, avec la tête à l'ouest et les pieds à l'est; les membres inférieurs sont repliés à l'avant et sur le côté gauche, les membres supérieurs sont fléchis. Les auteurs proposent de restituer une décomposition dans une succession d'enveloppes souples, formant un « paquet funéraire », avec un renforcement du fond par un matériau un peu plus rigide et des liens imposant une rigidité par endroits. Si la position de l'individu et les dimensions de la fosse sont proches de celles de Reviers, l'espace de décomposition en revanche n'est pas le même. Pour la même période, à Barbey en Seine-et-Marne (Rottier, 2005), les individus ont été déposés assis sur leurs talons, dans une position très contractée qui a permis de restituer l'existence d'un coffre; nous sommes donc très éloignés des sépultures de Reviers. À Avenches, dans le canton de Vaud en Suisse, deux squelettes ont été fouillés en 1992 (Moinat, 1993) : ils sont en position assise avec le crâne légèrement en avant du corps, mais présentent une différence dans la position des membres. L'individu de la tombe 1 a les membres inférieurs fléchis vers l'extérieur, les membres supérieurs légèrement fléchis avec les mains en appui sur les cuisses. L'individu de la tombe 2 a le membre inférieur gauche fléchi sur le fond de la fosse, le droit est moins fléchi vers l'extérieur du corps; le membre supérieur gauche est fléchi le long du corps et le droit fléchi avec la main devant le bassin; le crâne a basculé en avant et vers la droite. Les deux individus se sont décomposés en espace colmaté. À Acy-Romance dans les Ardennes (Lambot et Méniel, 2000), parmi les 16 ha du site, les fouilleurs ont notamment mis en évidence une vaste place communautaire et cultuelle, délimitée par un fossé palissadé et ayant servi entre autres de lieu d'abattage et de découpe d'animaux, ainsi qu'une série de cinq constructions interprétées comme des bâtiments cultuels. Devant l'un de ces bâtiments, de petites fosses circulaires ont livré 19 individus inhumés en position assise, pieds joints et membres inférieurs écartés, la tête reposant sur les pieds. L'hypothèse des auteurs, bien connue aujourd'hui, est que chaque corps était placé dans une caisse de bois et descendu dans un puits qui n'avait pas pu servir à puiser de l'eau en raison de la profondeur de la nappe phréatique. Après être resté durant un temps suffisant pour la dessiccation naturelle des tissus, il était probablement mis à sécher dans un endroit venté puis enterré sur l'esplanade. Ce n'est pas le lieu ici pour revenir sur cette interprétation; on peut toutefois noter que la position des individus est proche de celle observée à Reviers, sans être tout à fait identique. En revanche à Acy-Romance, les dimensions des fosses sont plus petites (85 cm de diamètre en moyenne) et les squelettes n'occupent pas systématiquement tout l'espace disponible. À Mormont (Canton de Vaud, Suisse), les dernières campagnes de fouille ont mis au jour des fosses recelant plusieurs individus associés à des restes animaux (Dietrich et al., 2009). Ils sont incomplets et ont été l'objet de mutilations (bris de membres, exposition au feu). Les auteurs considèrent qu'on est là hors des contextes funéraires traditionnels et hors des sanctuaires de type guerrier. Si ces considérations s'appliquent à Reviers, la comparaison entre les deux sites s'arrête là, tant les fosses du Mormont sont inhabituelles. À Reviers, il est difficile de débattre sur un éventuel contexte cultuel du site compte tenu de l'absence apparente de bâtiment cultuel ou de fossé pouvant délimiter un espace sacré. Peut-être existe -t-il à proximité (rappelons que l'espace qui a pu être dégagé au cours de l'opération est restreint) mais, si l'hypothèse d'un site cultuel est possible, elle est invérifiable dans l'immédiat. En revanche, d'après les exemples présentés ici à titre de comparaison et dans la mesure de ce qui a pu être observé, il paraît difficile d'assurer l'hypothèse sacrificielle pour les individus de Reviers : pas de traitement particulier du crâne, ni décollation, pas de traces de dépeçage sur les ossements ni traumatisme, et l'intégrité du corps semble avoir été conservée. D'autres sépultures semblables à celles de Reviers ont été mises au jour récemment en divers endroits du territoire français. On peut citer notamment le site de Batilly-en-Gâtinais dans le Loiret (Liégard, 2007) et celui du Champ des Rochers à Soyaux en Charente (Gomez de Soto et Lejars, 2009). Tout récemment, la fouille d'un sanctuaire à Saint-Just-en-Chaussée dans l'Oise (Malrain et al., 2008) a permis la mise au jour de huit sépultures à inhumation dont la configuration générale est très proche de celles de Reviers. Une remise en contexte générale permettra certainement de mieux appréhender ces sépultures particulières et de tenter d'expliquer leur place au sein des pratiques funéraires et cultuelles de la fin de l' âge du Fer . | Trois sépultures du Second âge du Fer, mises au jour en 2000 à Reviers (Calvados), montrent un mode d'inhumation inhabituel. Chacun des individus, adulte, a été enterré assis dans une fosse circulaire, avec les membres fléchis et le haut du corps penché vers l'avant. Après une étude précise des positions d'inhumation et des propositions de restitution de l'espace de décomposition des cadavres, nous établissons une comparaison avec des sites cultuels ayant livré des os humains erratiques ou non et les individus inhumés en position assise. Au terme de cette étude, l'interprétation de ce type de sépulture pose toujours problème. | archeologie_10-0500457_tei_153.xml |
termith-143-archeologie | L'importance des découvertes archéologiques de roues pleines et les différentes représentations de ce type de roue sur les documents figurés de l'Antiquité peuvent permettre de proposer une chronologie technique fondée sur l'étude expérimentale et l'analyse technologique. Cette étude fait apparaître les facteurs matériels qui ont conditionné l'évolution technique de la fabrication des roues pleines (car ces contraintes, d'ordre pratique, sont invariables à travers l'espace et le temps et peuvent être identifiées expérimentalement); elle permet d'autre part de mettre en évidence, sur des véhicules encore en usage au xx e siècle, la persistance de deux dérivés de la roue pleine originelle dont la conception technique remonte au début du ii e millénaire avant notre ère. On a pu supposer que l'invention de la roue pleine avait pour origine le rouleau, cylindre de bois placé sous une charge pour la déplacer, et dans lequel des disques auraient été découpés transversalement. Cette supposition ne résiste pas à l'analyse, pour différentes raisons. En chronologie historique, l'utilisation pratique du rouleau n'apparaît en premier lieu que sur les bas-reliefs Assyriens du ix e siècle avant J.-C., alors que la roue pleine est attestée à la fois par les découvertes archéologiques et les documents figurés dès le iii e millénaire. La roue pleine monobloc, débitée transversalement au fût de l'arbre (en « bois de travers » en termes de métier) n'a jamais été attestée à ce jour par des découvertes de fouilles. Enfin, il existe une différence technique fondamentale entre le rouleau et la roue : le rouleau supporte la charge par son diamètre et la fait avancer par le développement de sa circonférence; le point de support, constamment variable, se déplace donc vers l'arrière lorsque la charge avance. La roue, elle, supporte la charge par son rayon; le point de support reste constamment fixe et se déplace avec la charge. Il en découle que dans l'élaboration de la roue, l'invention capitale a été le moyeu, qui a permis de ramener le point de support au rayon. La roue se définit comme un organe circulaire tournant autour de son centre et toutes les roues, ainsi que toutes les applications qui en dérivent (engrenages, turbines, poulies, volants, etc.), répondent à cette définition. Cette invention primordiale a été la base de presque toute l'évolution technique et matérielle ayant abouti à la civilisation actuelle (l'ordinateur lui -même en est tributaire. Cela justifie la recherche fondamentale sur ses origines et sur la chronologie de son développement technique et technologique. Dès son apparition, la roue pleine monobloc se présente comme un disque renflé en son centre et aminci sur son pourtour (fig. 1). Cette forme est imposée par l'obligation d'avoir suffisamment d'épaisseur au centre pour obtenir un moyeu assez long permettant une bonne stabilité de la roue. Si cette condition n'était pas respectée, le jeu entre le moyeu et la fusée de l'essieu deviendrait rapidement excessif, par suite de l'usure et de la dessiccation des bois, et la roue oscillerait jusqu' à l'écrasement ou la rupture de la fusée (fig. 2). Les roues pleines monobloc découvertes à ce jour sont toutes fabriquées en bois « de fil », c'est-à-dire dans une forte planche obtenue dans la longueur d'un fût d'arbre au maximum de son diamètre et débitée soit par sciage, soit par fendage (débit en « merrain » à l'aide de coins). Il est d'ailleurs exclu qu'une roue pleine monobloc puisse être débitée perpendiculairement à la longueur du fût, car un disque aminci en « bois de travers » se fend à la dessiccation (fig. 3) et d'autre part, parce que le bois coupé en contrefil n'offre aucune résistance aux chocs latéraux. La roue pleine monobloc fabriquée en bois de fil est néanmoins soumise à plusieurs contraintes. Tout d'abord, son diamètre ne peut être supérieur à celui de l'arbre dont elle provient et, lors de la dessiccation du bois, des fentes, dans le sens du fil, apparaissent généralement sur les deux côtés opposés de la périphérie correspondant aux extrémités de la planche initiale (appelée « le bois de bout » en termes de métier). En effet, la dessiccation est nettement plus rapide sur la partie amincie de la roue qu'en son centre, beaucoup plus épais; et l'allongement des fentes de dessiccation diminue la solidité de la roue et peut finir par la fendre complètement. Cela explique l'apparition de roue pleines monobloc présentant deux évidements en forme de croissant, de part et d'autre du moyeu (fig. 1 : II). Le procédé vise à neutraliser les effets inégaux de la dessiccation sur un bloc d'épaisseur variable, en créant des espaces d'aération et de dilatation aux points de plus forte résistance à une dessiccation rapide. Cette amélioration technique dénote incontestablement une connaissance certaine du travail du bois dès le iii e millénaire, mais ne résout pas le problème posé par la limitation du diamètre de la roue à celui de l'arbre. Cependant, la roue monobloc initiale se retrouvera aux temps modernes quand un solide bandage de fer empêchera toute détérioration par dessiccation (fig. 1 : III). La roue pleine tripartite qui apparaît à la fin du iii e millénaire constitue la solution technique à ce problème du diamètre : il n'est plus désormais tributaire de celui de l'arbre. Cette importante innovation va de plus permettre une évolution vers deux autres types de roues. La solidité d'une roue tripartite dépend du procédé d'assemblage de ses trois pièces constitutives; ce type de construction est en effet soumis lors de sa rotation sur le sol à quatre effets de cisaillement successifs par tour de roue (fig. 4), et la force de ces effets est directement proportionnelle au poids du chargement supporté. Il est remarquable que dès l'origine, deux procédés relevant de technologies différentes aient pu résoudre le problème posé \ et cela d'une manière tellement définitive que l'on retrouvera ces mêmes procédés appliqués aux mêmes types de roues encore en usage aujourd'hui. L'assemblage à goujons (fig. 1 : 1) : des goujons pénètrent à force dans les trois parties constitutives de la roue (fig.5) et les maintiennent absolument solidaires; néanmoins, la dessiccation, plus rapide sur la périphérie (pour les mêmes raisons que dans le cas de la roue monobloc), aura toujours tendance à disjoindre les extrémités des joints d'assemblage (visibles sur la fig. 1 : 1) et imposera une amélioration technique qui est à l'origine d'un nouveau modèle de roue, directement dérivé de cette modification. L'assemblage à éclisses (fig. 1 : A) : ce procédé assure une liaison parfaite des trois parties constitutives de la roue, grâce à trois éclisses, naturellement en forme de coins, mais de section trapézoïdale (en queue d'aronde) (fig. 6). L'éclisse centrale verrouille d'autre part une fusée d'essieu carrée (la roue est clavetée sur l'essieu qui lui -même tourne dans des échantignolles sous la caisse du véhicule). Ce type de roue est sujet, comme le précédent et toujours pour les mêmes raisons, aux effets de la dessiccation; et il bénéficiera de deux améliorations différentes : l'une, à l' âge des métaux, conserve la structure initiale, tandis que de l'autre, dérive directement un nouveau modèle de roue. L'apparition d'évidements latéraux sur la roue tripartite (fig. 1 : 2) correspond à l'amélioration identique que l'on observe sur la roue monobloc, et elle vise le même résultat éviter la disjonction des assemblages à la périphérie. Par la suite, la recherche de l'allégement de la roue amènera l'agrandissement des évidements latéraux, procédé qui laisse apparaître les goujons d'assemblage (fig. 1 : 3). Enfin, cette dernière modification, encore affinée, conduit pendant le I er millénaire à un nouveau type de roue (la cross bar wheel des archéologues anglophones) que l'on retrouve à la fois sur les documents figurés antiques (fig. 1 : 4 et 7) et dans les découvertes de fouilles (fig. 1 : 5 et 6). On trouve encore de nos jours ce modèle de roue aussi bien au Portugal (fig. 1 : 8) qu'en Mandchourie (fig. 1 : 9). 1) Sans modification de la structure initiale : la roue tripartite conservera sa forme initiale lorsque les éclisses en bois originelles seront remplacées par des éclisses métalliques et qu'elle sera cerclée d'un bandage en métal permettant de contenir les effets de la dessiccation des bois (fig. 1 : B et D); ce modèle de roue pleine tripartite à éclisses et bandage de fer existe encore au xx e siècle (fig. 1 : F). 2) Par transformation de la structure initiale : la solution des évidements latéraux, appliquée à la roue pleine tripartite assemblée par éclisses, implique la suppression de l'éclisse centrale et la courbure des éclisses latérales, qui ménagent la place nécessaire à leur percement (fig. 1 : C). D'autre part, le fait de placer une éclisse sur chaque face de la roue constitue une amélioration, puisqu'en découle une solidité accrue (fig. 7), l'emploi du métal (éclisses de fer et bandage métallique) permettra par la suite d'utiliser ce modèle de roue jusqu' à nos jours, tant dans la péninsule ibérique (fig. 1 : E et H) qu'au Baloutchistan (fig. 1 : G). Il ne semble pas possible d'établir une chronologie technique (ou même logique) du mode de montage des roues sur l'essieu. Aux mêmes époques, et des origines jusqu' à nos jours, les roues pleines et leurs dérivés sont, indifféremment, ou bien montées fixes sur l'essieu par une fusée d'essieu en forme de parallélépipède, ou bien montées folles, c'est-à-dire tournant librement sur la fusée, des esses en bout de fusée empêchant simplement les roues de ressortir. La coexistence des deux procédés est encore patente aujourd'hui (voir par exemple les roues E et G, et 8 et 9 de la fig. 1), mais il faut observer que tous ces modèles de roues, pleines et dérivés, ne s'utilisent que sur des véhicules utilitaires campagnards qui ne se déplacent qu' à des allures lentes. Il ne peut d'ailleurs en être autrement pour des véhicules à roues fixes dont l'essieu tourne sous la caisse dans des échantignolles, car dans les virages, la roue extérieure, ayant en ce cas plus de chemin à parcourir que l'autre, ne peut que déraper, l'essieu résistant à la torsion, parfois à la limite de la rupture si la charge est importante. La chronologie technique développée dans cette étude n'est pas en opposition avec la chronologie historique de la roue mise en évidence par la recherche archéologique, mais elle permet cependant de constater que les modèles de roues dérivés de la roue pleine originelle ont suivi une évolution technique différente de celle des roues à rais, avec lesquelles elles ne sauraient être confondues. D'autre part, l'aire d'extension de la roue pleine et de ses dérivés, touchant toutes les parties de l'Ancien Monde, pose la question de la diffusion de techniques beaucoup trop élaborées pour que l'on puisse penser à de simples convergences. Il semble que la solution de ce problème réside, pour l'essentiel, dans la recherche des moyens matériels d'une telle diffusion; c'est un domaine que l'histoire et l'ethnologie des techniques se doivent d'explorer . | L'auteur expose l'essentiel d'une étude qui s'appuie sur l'analyse des contraintes matérielles qui ont conditionné l'évolution technique de la roue pleine. Ces contraintes étant invariables à travers l'espace et le temps, la recherche expérimentale sur pièces reconstituées permet d'élaborer la chronologie évolutive des techniques de fabrication des roues depuis l'origine jusqu'à nos jours. En conclusion, ce travail propose une orientation des recherches vers les moyens de communication dans les temps anciens, pour essayer de déterminer comment s'est effectuée la diffusion des techniques beaucoup trop spécialisées pour que l'on puisse envisager de simples convergences technologiques. | archeologie_11-0503338_tei_134.xml |
termith-144-archeologie | La commune de Mourèze se trouve dans les premiers contreforts du Massif Central ourlant la rive occidentale de la moyenne vallée de l'Hérault, à 70 km du littoral méditerranéen, 42 km à l'ouest de Montpellier et 7 km à l'ouest de Clermont-l'Hérault (fig. 1). À 300 m à l'est du centre du village, le site des Courtinals est niché dans la partie méridionale du chaos de rochers ruiniformes de calcaire dolomitique, connu sous le nom de « cirque de Mourèze », au pied de la montagne de Liausson qui culmine à 523 m d'altitude, tout près de l'étroite vallée de la Dourbie, passage naturel reliant la vallée de l'Hérault à celle de l'Orb par le col de la Merquière. En ce lieu, à une altitude comprise entre 200 et 240 m NGF, ces rochers dolomitiques délimitent un « enclos » allongé, d'orientation méridienne, ouvert vers le sud, d'environ 4000 m 2 de superficie. Avec des parois presque verticales, ils dominent la cuvette d'une hauteur de 20 à 40 mètres, et forment une barrière entrecoupée, par endroits, d'étroits couloirs pentus (fig. 2). Le gisement a été découvert par Georges Vasseur, directeur du muséum d'Histoire Naturelle de Marseille et professeur à la faculté des Sciences de cette ville, qui le signale pour la première fois lors du congrès des Sociétés Savantes tenu à Montpellier en 1907. Sa note, toutefois, ne peut paraître dans les actes de cette manifestation en raison de l'étendue du texte et des nombreuses illustrations. Ce chercheur mentionne ensuite ses trouvailles à deux reprises, en 1911 dans la publication d'une exploitation minière de l' âge du Bronze à Cabrières, commune voisine, et en 1914 à la suite de la description des résultats de ses fouilles au Fort Saint-Jean de Marseille (Vasseur 1911; Vasseur 1914, 181 et 196). Il cite de la « poterie indigène » qui « a tous les caractères des céramiques hallstattiennes », et des fragments de vases importés, en particulier amphore micacée et coupe attique. Mais dans la collection Vasseur conservée au musée archéologique de Marseille, figurent aussi des tessons de vases du Bronze final IIIa provenant de Mourèze, sans doute du même lieu (Roudil 1972, 190, fig. 72, et 273). Le site fait à nouveau l'objet de ramassages de surface opérés par l'abbé Edouard Maistre, de Villeneuvette, à la fin des années 1950. La famille Maistre en fait part aux membres du C.R.A. des Chênes Verts en 1960. Ceux -ci pratiquent alors un sondage dans le secteur repéré par E. Maistre, qui livre un matériel se rapportant à quatre grandes périodes d'occupation, Néo-Chalcolithique, Bronze final II, Bronze final IIIa et V e - IV e s. av. J.-C., avec un mobilier particulièrement abondant et bien conservé pour la phase Bronze final IIIa (fig. 3). Ce travail n'a donné lieu jusqu'ici à aucune étude détaillée, mais a seulement été rapidement mentionné par D. Rouquette lors de la « Journée d' Étude » organisée à Sète le 8 juin 1975 par la Fédération archéologique de l'Hérault (Rouquette 1976, 13-15). À deux reprises, en 1985 puis en 1991, l'aménagement touristique des Courtinals fournit l'occasion à D. Garcia d'y mener de nouvelles recherches systématiques (fig. 3). Ainsi en 1985 est fouillée une habitation du V e s. av. J.-C., installée entre deux rochers, sur un remblai enfermant quelques tessons du Bronze final III (fouille 1-1985). Un sondage situé à 35 m au nord, livre une couche de remblai contenant du mobilier du milieu de l' âge du Fer (Garcia, Orliac 1990; Garcia 1993, 57-58). Trois autres sondages, encore inédits, sont réalisés en 1991 par le même chercheur. Le sondage 1, au sud, près de l'entrée de l'enclos, révèle des niveaux de colluvions stratifiées, avec un mobilier en position remaniée se rapportant au V e s. av. J.-C., au Bronze final III et au Néo-Chalcolithique. Le sondage 2-1991, implanté dans la continuité du sondage pratiqué en 1961 par le C.R.A. des Chênes Verts, permet de retrouver trois des niveaux précédemment notés, Néo-Chalcolithique, Bronze final IIIa et V e s. av. J.-C., mais également des vestiges de structures, trous de poteau, soles de foyers. Enfin dans le sondage 3-1991 est rencontré un niveau du V e s. av. J.-C. Le sondage de 1961 est implanté au nord de « l'enclos », dans un étroit couloir montant entre deux monolithes rocheux et donnant accès à une petite plate-forme où par la suite D. Garcia effectuera le sondage 2-1991. Les parois rocheuses verticales, hautes d'une dizaine de mètres, sont presque parallèles. Elles sont distantes de 3 m au sud à 2,4 m au nord. Au moment de la fouille, le sol de la partie sud du couloir est en forte pente du nord vers le sud, de l'ordre de 40 %, tandis que la partie nord est à peu près plane. L'érosion met au jour des tessons de poterie dans la partie en pente. Le sondage intéresse toute la largeur du couloir au sud de la partie plane, soit 2,8 m au maximum sur 2 m dans le sens nord-sud. La surface fouillée est de 6 m 2. Cette recherche est menée à bien par R. Jeanjean et D. Rouquette, auxquels se joint, épisodiquement, J. Vallon. La stratigraphie consignée par D. Rouquette est la suivante, de haut en bas (fig. 4) : couche 1 : sur environ 50 cm d'épaisseur, terre d'humus mélangée au sable de décomposition dolomitique, pratiquement stérile en documents archéologiques; couche 2 : sur environ 30 cm d'épaisseur, terre sombre livrant quelques documents des V e ou IV e s. av. J.-C.; couche 3 : sur environ 20 cm d'épaisseur, niveau sableux de décomposition dolomitique, dépourvu de document archéologique; couche 4 : sur environ 30 cm d'épaisseur, couche de terre sombre où les pierres et cailloux sont rares; le mobilier céramique du Bronze final IIIa y est extrêmement abondant, et comporte en particulier des fragments importants de vases, tous incomplets. Cette couche inclut également de nombreux glands carbonisés; couche 5 : à la base de la couche 4 se trouve une couche cendreuse et charbonneuse de 10 cm d'épaisseur, surmontant un sol induré, à peu près horizontal. Sur ce sol reposent des panneaux de vases du Bronze final IIIa écrasés sur place, la partie fixe d'une meule à va-et-vient en basalte d'une quarantaine de centimètres de long, des morceaux de sole(s) de foyer et de parois de four; couche 6 : sous ce sol, sur environ 30 cm d'épaisseur, prend place une nouvelle couche de terre plus sombre enfermant de petits tessons de vases du Bronze final IIb; couche 7 : niveau de cailloutis surmontant le substrat rocheux. Il n'a pas été fouillé; cependant, sa partie supérieure a livré quelques documents néo-chalcolithiques. La fouille 2 menée par D. Garcia en 1991 sur la plate-forme sommitale située immédiatement au nord et en amont du sondage de 1961 a livré des niveaux d'habitat en place du V e - IV e s. av. J.-C., du Bronze final IIIa et du Néo-Chalcolithique. En tenant compte de cet apport on peut interpréter les données et observations faites par les fouilleurs du sondage de 1961 dans le couloir de la manière suivante : - au Néo-chalcolithique le couloir n'est pas habité. Les documents découverts semblent provenir, par érosion, de la plate-forme sommitale; - pour le Bronze final II, dont tous vestiges font défaut sur la plate-forme sommitale, deux hypothèses se présentent, soit un habitat très endommagé par les occupations postérieures, soit une simple fréquentation des lieux, dont le but nous échappe. Dans le secteur fouillé en 1961 aucune trace d'aménagement de cette époque n'a été signalée par les fouilleurs, et dans la collection conservée, ne figure aucun reste ayant pu provenir de structures fixes de ce niveau, comme par exemple des éléments de sole de foyer; - au Bronze final IIIa un habitat s'installe dans le couloir. Un muret de soutènement édifié entre les deux parois rocheuses vers l'aval a dû former une terrasse. Les deux parois verticales des monolithes rocheux ont pu servir à délimiter, dans le sens de la largeur, une habitation, comme cela a été le cas au V e s. av. J.-C. dans un autre couloir situé à quelques mètres de là, dont la fouille plus récente a autorisé une description précise (fouille 1-1985; Garcia, Orliac 1990). On ne peut exclure non plus qu'il s'agisse là d'un lieu ouvert, dépendant d'une habitation implantée sur le sommet de la plate-forme, mais l'abondance du matériel écrasé sur place (couche 4 et sol 5) et la présence de morceaux de sole de foyer décoré et de gril ou de four alimentaire semblent plutôt plaider en faveur de la première hypothèse; - enfin, au V e ou IV e s. av. J.-C., le couloir paraît être lié à une habitation toute proche installée sur la plate-forme sommitale. Les seuls restes de structures fixes découverts proviennent de la couche 5, datable du Bronze final IIIa. Ces éléments sont liés au feu et à la cuisson : un fragment de sole de foyer décoré (fig. 5, n ° 1); dimensions : 6 x 5,5 cm et 2,3 cm d'épaisseur; argile jaune rose à rare et fin dégraissant de calcaire ou de calcite; décor de deux traits droits parallèles, excisés, à fond arrondi, distants de 0,7 cm l'un de l'autre; l'un des traits est plus large que l'autre (0,6 et 0,4 cm); un fragment de sole de foyer décoré (fig. 5, n ° 2); dimensions : 5,3 x 4,5 et 2 cm d'épaisseur; même composition que le fragment précédent; décor de deux traits droits parallèles, excisés et à fond arrondi; l'un des traits est à peine visible sur la cassure de l'objet, et l'autre mesure 0,6 cm de large. Il est vraisemblable que ces deux morceaux proviennent du même foyer; un fragment de plaque de torchis cuite, légèrement bombée, d'une épaisseur de 2,4 à 2,5 cm, percée de deux trous de 3,5 à 4 cm de diamètre et distants de 4,5 cm (fig. 5, n ° 3); la pâte, de couleur jaune rosé, comporte de nombreuses empreintes de brindilles végétales, et quelques rares inclusions calcaires ou calcitiques. Cet élément peut provenir d'une structure de cuisson d'un type complexe, avec chambre de cuisson distincte du foyer – mais vu la faible épaisseur de ce morceau de sole, ce four n'aurait pu avoir qu'un usage alimentaire – ou plus simplement d'un gril. L'habitat de l'Ile de Martigues fournit, pour une période plus récente, le IV e s. av. J.-C., des exemples bien conservés de ces deux types d'objets (Nin 1999, 237-241). Dans cette étude nous utilisons la codification des bords et des fonds mise au point dans Dedet, Py 1975. L'illustration graphique des céramiques a été établie selon les principes définis lors de la table ronde de Montpellier (Arcelin, Rigoir dir. 1979). Le mobilier de la couche 6 comprend exclusivement des restes de vases en céramique non tournée. Le nombre minimum d'individus, décompté à partir des bords et des éléments de panses décorées, est de 34. Sur des critères techniques, indépendamment de la forme, deux grands groupes peuvent être distingués. Le premier a les caractéristiques suivantes : récipients de petites dimensions, avec des parois peu épaisses; facture très soignée, marquée par une grande régularité des parois, des profils et des diamètres, et des surfaces polies; un dégraissant très fin (mica, et/ou calcite et/ou particules de couleur rougeâtre); une couleur homogène. La plupart du temps celle -ci est gris sombre ou noir, en surface comme en épaisseur, traduisant un mode de cuisson primitive en mode B selon la terminologie de M. Picon (1973, 69-70) : cuisson réductrice dans une fosse recouverte de combustible, puis étouffement du feu par des mottes de terre et refroidissement en atmosphère confinée (post-cuisson réductrice). Trois vases cependant ont une couleur brun beige homogène en surface, et grise en épaisseur qui indique une cuisson primitive en mode A (réductrice-oxydante) (Picon 1973, 68) : cuisson en tas surmonté d'un feu qu'on laisse diminuer puis s'éteindre sans autre intervention. Le second groupe est plus fourni, mais il est également moins homogène : les vases ont des dimensions variables, mais plus grandes que dans le premier groupe; la facture est moins soignée, souvent grossière; les surfaces ne sont pas polies et ne font l'objet que d'un lissage, et parfois celui -ci n'est qu'ébauché; les parois et les diamètres manquent parfois de régularité; le dégraissant est le plus souvent abondant, formé de particules de calcite interstitielle broyée; les couleurs ne sont pas homogènes; elles varient du noir au brun rouge, en surface comme en épaisseur, trahissant une cuisson primitive en mode A. Par rapport à celui du niveau qui lui succède, le mobilier de la couche 6 est peu abondant et très fragmenté. La plupart des vases ne sont marqués que par un seul tesson, de petites dimensions, ou parfois par deux ou trois fragments ne représentant qu'une très faible portion du récipient. - 1 exemplaire de grandes dimensions et de facture grossière, dont on ignore si la panse est arrondie ou carénée (fig. 6, n ° 4); bord G04; décor d'un cordon horizontal portant des impressions digitales; la facture est grossière, tant dans la forme, bord irrégulier, que le décor et l'aménagement des surfaces (lissage à peine ébauché à l'extérieur et absence de finition à l'intérieur). - 1 exemplaire de grandes dimensions et facture grossière (fig. 6, n ° 5); bord C16; décor d'un rang horizontal d'impressions digitales juste en dessous de la carène; lissage ébauché sur les surfaces, col et panse. - 1 exemplaire de grandes dimensions et de facture grossière (fig. 6, n ° 1); bord D09; décor d'un rang horizontal de cercles impressionnés sur la carène; lissage ébauché, mais légèrement plus fin sur le bord et la partie supérieure de la panse qu'au-dessous de la carène; - 1 exemplaire de petites dimensions et de facture fine (fig. 6, n ° 9); bord D09; décor d'au moins une cannelure horizontale étroite, au niveau de la carène; surfaces polies, à l'extérieur et à l'intérieur. - fragments de cols de 5 exemplaires de facture fine; les bords peuvent être simples ou à méplats intérieurs : bords D01 (fig. 6, n ° 10), D02 (fig. 6, n ° 3), D05 (fig. 6, n ° 7), D29 (fig. 6, n ° 2) et D39 (fig. 6, n ° 6); dans un cas décor de cannelures horizontales sur l'épaule (fig. 6, n ° 6). - fragments de cols de trois exemplaires avec bords B11 (fig. 6, n ° 11), C01 ou C11; panses décorées d'un rang horizontal d'impressions circulaires (fig. 6, n ° 8) ou de cannelures obliques (2 exemplaires dont fig. 7, n ° 7); les parois sont polies à l'extérieur, col comme panse. - un col vertical avec bord B19 (fig. 6, n ° 12); un col rentrant avec bord E09 et décor de trois lignes horizontales incisées larges sur le col (non dessiné). - 3 exemplaires de facture soignée : bords D05 (fig. 7, n ° 1 et 3) et D09 (fig. 7, n ° 6). L'un d'eux (fig. 7, n ° 3) est décoré de deux cannelures horizontales sur l'épaule; les surfaces sont très soigneusement polies à l'intérieur comme à l'extérieur, sans différence entre col et panse. - 1 exemplaire de facture soignée (fig. 7, n ° 2) : bord E29, surface polies à l'extérieur comme à l'intérieur. - 1 exemplaire de facture soignée (fig. 7, n ° 5) : bord C09, décor d'une double ligne horizontale incisée avant cuisson juste au-dessus de la carène, surfaces lissées avec soin à l'intérieur comme à l'extérieur; - 1 exemplaire de facture grossière (fig. 7, n ° 8) : bord C01, anse verticale en ruban, surfaces extérieure et intérieure brutes. - 1 exemplaire de facture soignée (fig. 7, n ° 9) : bord D05, méplats sur la partie supérieure de la panse, surfaces extérieure et intérieure polies - 4 exemplaires de facture soignée (fig. 7, n ° 10, 13 et 14) : trois bords E08 (n ° 10, 13 et 14), un bord E11 (non figuré); ces bords sont décorés vers l'intérieur d'une à trois cannelures horizontales; surfaces extérieure et intérieure sont le plus souvent aménagées avec le même soin (polissage ou lissage fini), dans un cas cependant, la surface extérieure (lissage fini) est moins bien aménagée que l'intérieure (polissage) (fig. 7, n ° 10). - 1 exemplaire de grandes dimensions, de facture soignée (fig. 7, n ° 15), bord F02 à facettes, surfaces extérieure et intérieure lissées avec soin. - une coupe carénée décorée d'une triple ligne brisée tracée au brunissoir; les surfaces extérieure et intérieure sont aménagées avec un soin égal (polissage) (fig. 7, n ° 4); - un vase à carène vive, probablement fermé, muni d'une anse verticale en ruban dont il reste l'attache inférieure; lissage fini à l'extérieur, ébauché à l'intérieur (fig. 7, n ° 12). - un vase à carène méplatée, probablement ouvert; surfaces lissées avec soin à l'extérieur et à l'intérieur (fig. 7, n ° 16); - un vase à parois épaisses et surfaces au lissage ébauché (non figuré). - un fragment de panse avec large préhension tunneliforme (fig. 7, n ° 11); - deux fonds creux de type 20 (non figurés). Les couches 4 et 5 ont procuré un mobilier très abondant, non séparé à la fouille en deux ensembles distincts, essentiellement des restes de vases céramiques, quelques objets modelés en terre cuite, un objet en os de faune travaillé, mais aucun objet métallique. Le nombre minimum de récipients, compté à partir des bords et des morceaux de panses décorées est de 260. Bien qu'aucun exemplaire ne soit complet, beaucoup de ces céramiques sont représentées par un nombre important de tessons, parfois de grandes dimensions. Il s'agit manifestement de vases écrasés sur place, dont une partie des restes a disparu lors de l'abandon ou de la réoccupation des lieux. Dans ce répertoire céramique, indépendamment des formes, on peut distinguer trois catégories en fonction de la facture, soignée, moyenne ou grossière. Mais, à la différence du lot de la couche 6 (Bronze final II), ces trois types de facture ne sont corrélés, ni aux dimensions des vases, ni au mode de cuisson, ni à des différences dans les inclusions non plastiques. En effet, le soin apporté au façonnage et à la finition ne varie pas selon que l'on a affaire à des vases de grande ou petite taille. Le dégraissant est toujours composé de calcite interstitielle broyée, souvent abondante, et dont les grains peuvent atteindre 1 mm. La couleur dominante est le rouge brique plus ou moins clair, virant parfois au jaunâtre; mais des zones gris noir à noir, peu étendues, tâchent parfois les surfaces. Ces vases ont donc subi une cuisson dite primitive de mode A de M. Picon (1973, 68), cuisson réductrice et post-cuisson oxydante où les zones noirâtres résultent du contact avec le combustible. Cette forme est représentée par les restes de trois récipients : - 1 exemplaire de grande taille, en grande partie conservé, de facture soignée (fig. 8, n ° 2); il est décoré de cannelures horizontales peu profondes en haut du col et en haut de la panse; la surface extérieure est polie, col comme panse; - des morceaux de panse de trois autres exemplaires (fig. 12, n ° 12 et fig. 14, n ° 8 et 9); deux sont décorés d'un groupe de cannelures horizontales en haut de la panse, le troisième de deux rainures horizontales au niveau du diamètre maximum; les surfaces sont polies ou lissées avec soin. Elle est attestée par les restes de 7 récipients (fig. 9, n ° 3 à 5, fig. 10, n ° 4 et fig. 12, n ° 2, 10 et 11) : - fig. 9, n ° 3 : bord D01; décor sur la partie supérieure de la panse comprenant trois cannelures horizontales surmontant deux doubles droites horizontales incisées finement avant cuisson; toute la surface extérieure est polie avec grand soin, et sa couleur, homogène, est noire; - fig. 9, n ° 4 : bord D04; décor de deux cannelures horizontales très peu profondes sur la partie supérieure de la panse; polissage des surfaces du col et de la panse; - fig. 9, n ° 5 : bord D01; décor en deux endroits : sur le col à l'intérieur, trois cannelures très peu profondes; sur l'épaule à l'extérieur, groupe de cinq cannelures horizontales surmontant une droite horizontale finement incisée en trait double; les surfaces sont très soigneusement polies; la couleur, homogène, est brun cuir; - fig. 12, n ° 8 : bord D01; décor en haut de la panse d'au moins un trait double horizontal incisé avant cuisson; - fig. 12, n ° 10 : panse décorée en sa partie supérieure d'un groupe de cinq cannelures fines à peu près horizontales; les surfaces sont très soigneusement polies; - fig. 12, n ° 11 : panse décorée de doubles lignes grossièrement horizontales, incisées avant cuisson; surfaces soigneusement polies; - fig. 10, n ° 4 : panse polie, décorée en sa partie supérieure de trois larges cannelures surmontant un rang d'impressions circulaires, le tout disposé horizontalement. Cette forme est marquée par des récipients de dimensions très diverses, de facture grossière ou moyenne : - fig. 8, n ° 1 : un exemplaire de grandes dimensions de facture grossière, bord G01, décor d'une rangée grossièrement horizontale d'impressions ovalaire, lissage fini sur le col et la panse, légèrement plus soigné sur le col; - fig. 19, n ° 2 : un exemplaire de facture moyenne, bord I08, lissage ébauché; - fig. 19, n ° 3 et 4; deux bords respectivement G01 et H0. À cette forme ressortissent deux exemplaires : - fig. 13 : jarre de grandes dimensions et de facture grossière, bord G01, décor de deux cannelures horizontales au contact du col et de la panse; même aménagement des surfaces du col et de la panse (lissage ébauché); - fig. 8, n ° 3 : jarre de taille moyenne et de facture soignée, bord I05, décor de cannelures horizontales sur l'épaule, surface extérieure polie, col comme panse. Cette forme est représentée par au moins 12 vases, tous de facture moyenne (fig. 9, n ° 6, fig. 10, n ° 1 à 3, fig. 11, n ° 1 et 3 à 6 et fig. 12, n ° 1, 4 et 5). Presque toujours le bord est aplati, de type D04 (fig. 10, n ° 2, fig. 11, n ° 6, fig. 12, n ° 1), D05 (fig. 9, n ° 6, fig. 10, n ° 1, fig. 11, n ° 1, 3 à 5, et fig. 12, n ° 5); dans deux cas, il est aminci, de type D09 (fig. 10, n ° 3 et fig. 12, n ° 4). Tous les exemplaires suffisamment conservés montrent un décor en haut de la panse. Le plus souvent celui -ci est double : deux à quatre larges cannelures horizontales situées juste sous le bord surmontent une rangée horizontale d'impressions en coin de règle, pyramidales ou circulaires (fig. 9, n ° 6, fig. 10, n ° 1 et 2, et fig. 11, n ° 1). L'un de ces vases porte en outre une rangée d'impressions triangulaires sur le côté de la lèvre à l'extérieur (fig. 10, n ° 1). Ailleurs, seul figure le groupe de deux à quatre cannelures horizontales juste sous le bord (fig. 11, n ° 3), ou bien le rang horizontal d'impressions (fig. 10, n ° 3 et fig. 11, n ° 5). Un autre col est orné de cannelures horizontales à l'intérieur (fig. 12, n ° 1). L'aménagement des surfaces est toujours identique sur le col et la panse; il s'agit le plus souvent d'un polissage ou d'un lissage fini, et plus rarement d'un lissage ébauché. La fouille a livré au moins sept de ces vases : - 2 exemplaires de facture moyenne représentés par des panneaux de grandes dimensions, bord D04 (fig. 9, n ° 1) ou D05 (fig. 9, n ° 2); tous deux portent le même décor, celui qui orne le plus fréquemment les grandes jarres de forme 5, un groupe de trois ou quatre cannelures horizontales en haut de la panse juste sous le col, et un rang d'impressions ovalaires obliques sur la carène; l'aménagement des surfaces est également du même type : col et partie supérieure de la panse lissés avec soin, panse en dessous de la carène ne portant qu'un lissage ébauché; - 3 exemplaires de facture soignée (fig. 11, n ° 2, fig. 12, n ° 6 et 7), bords D05 pour les deux premiers et D04 pour le troisième, décoré d'une à trois cannelure(s) horizontale(s) en haut de la panse; - 2 exemplaires de facture soignée (fig. 12, n ° 3 et 9), bords D05, non décorés. - 12 exemplaires de facture moyenne; 2 bords D01, 1 bord D04, 5 bords D05, 3 bords D09 (non dessinés); une panse ornée de trois cannelures horizontales surmontant un rang horizontal d'impressions ovalaires (fig. 14, n ° 15). - 1 exemplaire représenté par un fragment de partie supérieure de panse décorée de deux faisceaux de deux cannelures horizontales (non dessiné); - urne de facture moyenne de forme non précisable. 74 exemplaires représentés chacun par un fragment de partie supérieure de panse décorée de manière diverse : - faisceau horizontal de cannelures surmontant un rang d'impressions en coin de règle (fig. 14, n ° 5 à 7 et 12); - faisceau horizontal de cannelures surmontant un rang d'impressions triangulaires : 1 exemplaire (fig. 14, n ° 4); - faisceau horizontal de cannelures surmontant un rang d'impressions demi-circulaires : 1 exemplaire (non dessiné); - faisceau horizontal de cannelures surmontant un rang d'impressions ovales : 4 exemplaires (dont fig. 14, n ° 3); - faisceau horizontal de deux ou trois cannelures : 33 exemplaires (non dessinés); - un rang horizontal d'impressions pyramidales : 3 exemplaires (non dessinés; - un rang horizontal d'impressions triangulaires en coin de règle : 7 exemplaires (dont fig. 14, n ° 2); - un rang horizontal d'impressions circulaires : 1 exemplaire (fig. 14, n ° 11); - un rang horizontal d'impressions ovales : 16 exemplaires (non dessinés); - un cordon impressionné au-dessus d'un rang d'impressions triangulaires (fig. 14, n ° 1). 15 exemplaires représentés chacun par un fragment de partie supérieure de panse décorée de manière diverse : - un rang horizontal de coups incisés obliques : 1 exemplaire (fig. 14, n ° 13); - un rang horizontal d'impressions digitales : 2 exemplaires (fig. 14, n ° 10); - un cordon horizontal portant des impressions digitales : 7 exemplaires (fig. 14, n ° 14 et 16); - un cordon horizontal lisse : 5 exemplaires (non dessinés). - 1 fond 11A (non dessiné), 1 fond 11B (fig. 15, n ° 22), 3 fonds 12A (dont fig. 15, n ° 5 et 17), 9 fonds 12B (dont fig. 15, n ° 4, 9, 11 et 14), 7 fonds 13A (dont fig. 15, n ° 3, 7, 11 et 15), 1 fond 21A (fig. 15, n ° 1), 1 fond 22B (fig. 15, n ° 6), 1 fond 23A (fig. 15, n ° 8), 1 fond 23B (fig. 15, n ° 16), 2 fonds de type 40 (dont fig. 15, n ° 10). 28 exemplaires au moins proviennent des couches 4 et 5 (fig. 16, n ° 1 à 7 et 10 à 14). Les dimensions de ces vases sont très variables et permettent un regroupement en trois séries : - coupelle : 1 exemplaire de 12 cm de diamètre à l'ouverture, panse à carène adoucie, à partie supérieure divergente, bord D04; décor à l'extérieur sur le haut de la panse composé de deux doubles droites horizontales incisées; les surfaces extérieures et intérieures sont soigneusement polies; on peut restituer à cette forme un fond plat ou creux. (fig. 16, n ° 14); - coupes moyennes : 4 exemplaires de 15 cm de diamètre à l'ouverture. La panse a un profil caréné (fig. 16, n ° 2 et 5) ou arrondi (2 exemplaires non dessinés). Les bords sont coupés en biseau vers l'intérieur de forme H05 (fig. 16 n ° 2) ou H08 décoré de rainures sur le biseau (fig. 16, n ° 5). On peut restituer à cette forme un fond plat ou creux. Le décor est situé à l'extérieur sur le haut de la panse; il se compose uniquement de deux à cinq doubles droites horizontales, incisées finement avant cuisson. Les surfaces extérieures et intérieures sont soigneusement polies; - grandes coupes : 23 exemplaires de 20 à 39 cm diamètre à l'ouverture (dont fig. 16, n ° 1, 3, 4, 6, 7, 10 à 13 et 16); la panse présente un profil caréné (fig. 16, n ° 1, 3, 11 et trois exemplaires non dessinés) ou arrondi (fig. 16, n ° 4 et trois exemplaires non dessinés); les bords sont toujours biseautés, et ce vers l'intérieur du vase : 1 bord G03 (n ° 12), 3 bords G05 (dont n ° 6 et 10), 2 bords H08 (n ° 7 et 13), 1 bord H09 (n ° 16), 2 bords H14 (n ° 3 et 4), 1 bord H18 (n ° 1). Le décor est toujours placé à l'extérieur sur le haut de la panse; il comprend deux à sept doubles droites horizontales, incisées finement avant cuisson. L'un des tessons (n ° 12) montre le raccord entre départ et arrivée des droites. Sur un autre (n ° 11) une ligne de tirets incisés souligne le registre décoré sur la carène. Les surfaces extérieures et intérieures sont soigneusement polies. - 1 exemplaire non décoré (fig. 19, n ° 1), bord H05; seule la partie supérieure de la panse à l'extérieur a fait l'objet d'un lissage fini; le reste des surfaces, à l'extérieur et à l'intérieur, ne présente qu'un lissage ébauché. Cette forme est très fréquente : 27 exemplaires s'y rapportent. Les diamètres à l'ouverture varient de 14 à 30 cm. Les bords sont le plus souvent simples : 4 bords E01 (fig. 17, n ° 3, 4, 19 et 31), 1 bord E02 (fig. 17, n ° 18), 4 bords E04 (fig. 17, n ° 13 à 15 et 26), 4 bords E05 (fig. 17, n ° 9, 16, 17 et 29), 12 bords E08 (fig. 17, n ° 5 à 7, 10 à 12, 20, 21, 24, 27, 28 et 30), 1 bord E11 (fig. 17, n ° 8), 1 bord E19 (fig. 17, n ° 25). Près des deux tiers de ces coupes (16 sur 27) sont mieux aménagées à l'intérieur qu' à l'extérieur : polissage et surface brute (n ° 26), polissage et lissage ébauché (n ° 25 et 27), polissage et lissage fini (n ° 13, 14, 18 et 19), lissage fini et surface brute (n ° 5, 9 et 28), lissage fini et lissage ébauché (n ° 6, 7, 15, 16, 17 et 30). Près d'un tiers (8 sur 27) présentent un égal aménagement à l'intérieur et à l'extérieur : polissage (n ° 12, 20, 24, 29 et 31); lissage fini (n ° 4, 10 et 21). Un petit nombre d'exemplaires (3 sur 27) sont moins bien aménagés à l'intérieur qu' à l'extérieur : lissage ébauché et polissage (n ° 3), lissage fini et polissage (n ° 8), lissage ébauché et lissage fini (n ° 11). La décoration est très rare sur ces récipients et n'apparaît que dans deux cas : deux cannelures horizontales à mi-hauteur de la panse à l'intérieur (fig. 17, n ° 26); combinaison, à l'extérieur, de trois légères cannelures horizontales sous le bord et d'une bande perpendiculaire d'au moins trois cannelures (fig. 17, n ° 3). Cette forme présente de grandes analogies avec les deux précédentes, mais elle est moins fréquente (4 exemplaires; fig. 16, n ° 8, 9, 15 et 16) : - coupelle de 8 à 9 cm de diamètre à l'ouverture : 1 exemplaire presque complet (fig. 16, n ° 8); bord I05, à biseau intérieur; fond creux 21A; décor incisé avant cuisson en trait double sur la partie supérieure de la panse : entre deux doubles droites délimitant le champ en haut et en bas, suite de deux motifs en large escalier, superposés; surfaces extérieures et intérieures soigneusement polies; 1 exemplaire fragmentaire (fig. 16, n ° 15), bord aminci I09, décor de droites horizontales incisées avant cuisson en trait double sur la partie supérieure de la panse, surfaces extérieures et intérieures polies. - coupe moyenne de 12,2 cm de diamètre à l'ouverture : 1 exemplaire (fig. 16, n ° 9); bord aminci I09; fond probablement creux; surfaces extérieures et intérieures polies. Le décor, composite, effectué avant cuisson, affecte deux endroits à l'extérieur du vase : sur la partie supérieure de la panse, deux groupes de deux droites horizontales incisées avant cuisson en trait double; dans chacun de ces groupes se trouve une ligne brisée irrégulière incisée en trait simple; chacun des triangles ainsi déterminé porte en son centre un point effectué d'un coup de poinçon perpendiculaire à la surface; à la base du vase, décor rayonnant de rectangles emboîtés incisés en trait simple (motif probablement répété quatre fois); grande coupe de 18,5 cm de diamètre à l'ouverture : 1 exemplaire fragmentaire (fig. 16, n ° 16), bord I01, décor, conservé, d'au moins une droite horizontale incisée avant cuisson en trait double sur la partie supérieure de la panse; les surfaces extérieures et intérieures sont polies. - 1 exemplaire (fig. 17, n ° 1) à bord convergent I02 portant une rainure vers l'intérieur; surfaces extérieure et intérieure polies; - 1 exemplaire (fig. 17, n ° 2) à bord divergent C01; surface extérieure mieux aménagée (polissage) que l'intérieure (lissage fini). - 39 exemplaires : 5 bords D01 (fig. 18, n ° 1, 6, 18 à 20), 2 bords D03 (fig. 18, n ° 3 et 14), 1 bord D04 (fig. 18, n ° 16), 3 bords D05 (fig. 18, n ° 9, 15 et 22), 4 bords D08 (fig. 18, n ° 4, 7, 8 et 24), 7 bords D09 (fig. 18, n ° 5, 10 à 13, 17, 21 et 23); 2 bords E31 (fig. 17, n ° 22 et 23).1 fond 12B (non dessiné), 5 fonds 13A (fig. 15, n ° 2, 20 et 23, et fig. 18, n ° 25 et 26), 1 fond 23A (fig. 15, n ° 21), 1 fond 42A (fig. 18, n ° 27), 1 fond 43C (fig. 15, n ° 18), 1 fond de type 60 (fig. 15, n ° 12). L'ornementation affecte presque toujours la surface intérieure et trois secteurs sont concernés : - le bord : certains bords D01 (fig. 18, n ° 19 et 20) et D08 (fig. 18, n ° 7) et tous les bords D03, D09, D21 et E31 sont décorés de une à quatre cannelures horizontales; - la partie médiane de la panse : elle est ornée d'un faisceau de deux à cinq cannelures horizontales (fig. 18, n ° 3, 5, 20, 27 et deux exemplaires non dessinés); - le fond : il porte des cannelures horizontales, qui affectent parfois l'épaississement central (fig. 15, n ° 23, et fig. 18, n ° 25 à 27). De larges degrés ornent la totalité, semble -t-il, de la surface intérieure de certaines coupes (fig. 18, n ° 21, 22 et 24). Une seule coupe tronconique est décorée à l'extérieur; elle porte des groupes de cannelures horizontales, et elle a dû jouer plutôt un rôle de couvercle, d'autant que sa surface extérieure est mieux aménagée que l'intérieure (fig. 18, n ° 4). Les deux tiers de ces vases (25 sur 39) sont mieux aménagés à l'intérieur qu' à l'extérieur : polissage et surface brute (fig. 18, n ° 1, 3, 5, 16, 20, 21, 22, 27 et trois exemplaires non dessinés); polissage et lissage ébauché (fig. 18, n ° 10, 12, 14, 17 et 18); polissage et lissage fini (fig. 18, n ° 7 et 23); lissage fini et surface brute (fig. 18, n ° 26 et deux non dessinés); lissage fini et lissage ébauché (n ° 6 et un non dessiné). Près d'un tiers (11 sur 39) montrent un égal aménagement des surfaces intérieures et extérieures : polissage (fig. 18, n ° 11, 15, 19, 24, 25 et quatre non dessinés); lissage fini (un non dessiné); lissage ébauché (fig. 18, n ° 8). Dans un petit nombre de cas enfin (3 sur 39) l'intérieur est moins bien aménagé (lissage fini) que l'extérieur (polissage) (fig. 18, n ° 4, 9 et un non dessiné). - 1 exemplaire (fig. 18, n ° 2); bord D21; surfaces extérieure et intérieure polies; décor, à l'extérieur, de cannelures horizontales irrégulières, peu profondes, groupées par deux juste sous le col et au-dessus de la carène. - 10 exemplaires munis d'au moins une petite anse en ruban vertical (fig. 14, n ° 22 à 25 et 6 non dessinés), et un vase portant au moins un téton de préhension (fig. 14, n ° 26). Des gobelets, de formes diverses, en tout une dizaine d'exemplaires, sont représentés par des morceaux de panse à profil arrondi galbé, décorées de cannelures fines ou larges, horizontales ou obliques (fig. 14, n ° 17 à 21), et des fonds 12A (un non dessiné), 21A (fig. 15, n ° 13) et 23A (fig. 15, n ° 19). Andouiller de cerf, scié à la base et dans le tiers proximal, pointe cassée (fig. 20, n ° 1 et 2). Le morceau proximal mesure 3,7 cm de long; il est poli en sa partie convexe ainsi qu' à une extrémité, et la section spongieuse opposée à cette dernière est creusée d'un trou profond de section carrée de 8 mm de côté. Le morceau distal, plus long (8 cm), est poli sur toute sa surface; à son extrémité sciée, le spongieux a été creusé d'un trou grossièrement circulaire de 3,6 mm de diamètre. Ces deux morceaux ont probablement servi de manche d'outil du genre alène; petit entonnoir en céramique non tournée; hauteur : 5,9 cm; diamètre supérieur : 6 cm; diamètre inférieur : 1,6 à 1,7 cm; épaisseur des parois : 0,3 cm (fig. 20, n ° 3); grosse fusaïole bitronconique, à carène vive; diamètre : 4,4 cm (fig. 21, n ° 1); grosse fusaïole à profil méplaté, décorée de larges coups incisés verticaux; diamètre : 4,6 cm (fig. 21, n ° 2); fusaïole bitronconique irrégulière; diamètre : 2,9 cm (fig. 21, n ° 3); fusaïole discoïdale portant une large rainure horizontale au niveau du diamètre maximum; diamètre : 3,6 cm (fig. 21, n ° 4). trois fragments non jointifs d'une figurine ornithomorphe en terre cuite (fig. 22 et 23) : un morceau comprenant la tête et le cou et deux morceaux du corps; la base et l'arrière-train manquent; hauteur conservée de l'ordre de 7,5 cm; longueur conservée de l'ordre de 6,5 cm. La pâte et le procédé de cuisson sont de même type que ceux des vases. De couleur rose à gris, bien cuite, la pâte renferme un abondant dégraissant de calcite broyée, jusqu' à 1,7 mm. L'intérieur conservé de la pièce est plein. La surface est polie. Le corps est de couleur brune, ainsi que la partie arrière et droite du cou et de la tête, tandis que le côté gauche de ceux -ci devient progressivement gris-noir. La tête, sans front, se termine par un bec épais et aplati. Les yeux sont figurés très latéralement par une profonde impression circulaire. Le cou, qui forme un angle droit avec la tête, est rectiligne mais se recourbe légèrement vers le bas. Le corps, dont l'axe forme un angle droit avec lui, porte trois dépressions fusiformes très allongées et jointives sur le côté, et au moins trois dépressions semblables sur le sommet, figurant l'aile. Le galbe du corps, l'angle que celui -ci forme avec le cou, le port de ce dernier et celui de la tête, la forme de celle -ci et du bec, tous ces caractères anatomiques permettent de reconnaître dans cette figuration l'oie. On peut hésiter avec l'outarde, mais le bec et le corps de cette dernière sont plus fins. Bien entendu, on ne peut préciser s'il s'agit de l'oie sauvage (anser anser) ou de l'oie domestique (anser domesticus) dont l'élevage est attesté sur le pourtour du bassin méditerranéen dès le IIIe millénaire av. J.-C. (Bodson 1987, 1). L'état dans lequel nous est parvenu cet objet ne facilite pas la reconnaissance de sa fonction. Dans ses parties conservées, celui -ci est plein et ne comporte aucune trace de cavité, comme c'est le cas pour les « hochets » en terre cuite en forme d'oiseau retrouvés dans les tumulus protohistoriques de la forêt de Haguenau, en Alsace, dont le vide enferme des petits cailloux qui tintent quand on agite l'objet (Schaeffer 1930, 294-298). Mais l'oiseau de Mourèze est trop incomplet pour que l'on puisse exclure l'existence d'un pareil creux. L'absence de la base ne permet pas non plus de savoir s'il s'agit d'une statuette isolée, reposant sur le ventre, les pattes ou un socle, ou bien si l'on a affaire à une figurine ornant un récipient ou son couvercle, comme par exemple une urne de la tombe 2 de Campovalano dans les Abruzzes (VII e s. av. J.-C.) (Cianfarani 1969, 72 et pl. LXXVI et LXXVII), ou encore un char ou chariot miniature. Les roues en terre cuite de tels véhicules, qui sont bien attestées dans la région au Bronze final IIIb (Dedet 1978, 196-199; Py 1990, 802-804), manquent toutefois actuellement dans les gisements du Bronze final IIIa. Si l'on met à part les tessons atypiques, tous les éléments de cette couche existent dans les gisements régionaux datés du Bronze final, à l'exception des sites littoraux. Certains n'apparaissent que dans des niveaux datables de cette période. C'est le cas de la jatte à épaulement (fig. 7, n ° 2). Elle est courante dans les Garrigues du Languedoc oriental. Ainsi, par exemple dans le nord du Gard, elle compte pour 17 % du total des récipients aux Esquérades à Tresques (Goury 1990, 9-10), 9,8 % des vases de la grotte du Hasard à Tharaux et 5,7 % de ceux de la grotte du Prével supérieur à Montclus (Dedet, Roudil 1994, 177). Elle est également abondante dans les Grands Causses, dans les importantes séries des grottes de Clapade à Millau, de Landric à Saint-Bauzély (Aveyron) (Dedet, Fages, Vernhet à paraître) et de Baume Layrou à Trèves (Gard) (Dedet, Fages à paraître), et au moins dans six autres sites, les grottes du Luc, de Bramabiau, de la Chèvre, de Sargel 4 et 5 et l'aven du Rajal del Gorp (Costantini, Dedet, Fages, Vernhet 1985, 114). En Languedoc occidental, elle est attestée dans les grottes audoises du Gaougnas à Cabrespine, de Gazel à Sallèles-Cabardès, et du Collier à Lastours (Guilaine 1972, 260-264). Autre forme exclusive du Bronze final II régional, quoique généralement moins répandue que la jatte à épaulement, la jatte à panse à carène adoucie et col bas divergent (fig. 7, n ° 1, 3 et 6). On la retrouve dans les Garrigues, au Hasard et au Prével supérieur (Dedet, Roudil 1994, 177), et, dans les Grands Causses, à Baume Layrou (Dedet, Fages à paraître), au Luc, au Maguel, au Baoumas et à Sargel 5 (Costantini, Dedet, Fages, Vernhet 1985, 115). Les cannelures obliques, ornant notamment la carène (fig. 7, n ° 7), sont un décor par ailleurs bien connu dans le niveau Bronze final II du Prével supérieur (Dedet, Roudil 1994, 172 et 174), ainsi qu'au Hasard (Roudil, Dedet 1993, 132, fig. 25, n ° 3; 136, fig. 29). À Mourèze, à côté de ces formes et décors typiques du Bronze final II, d'autres sont présents dans d'autres gisements de cette époque, mais sont attestés soit antérieurement, au Bronze récent, soit postérieurement, au Bronze final IIIa. Parmi les premières, on trouve l'urne grossière, sans col, à ouverture resserrée, à panse carénée ou arrondie et décor de cordon horizontal impressionné (fig. 6, n ° 4). Celle -ci figure, mais en quantité réduite, dans la couche 1 du Prével supérieur, datée du Bronze final II (Dedet, Roudil 1994, 173), et au Hasard, en surface du secteur Q du Couloir en compagnie de matériel Bronze final II, tandis que le secteur P voisin recélait, également en surface, des tessons du Bronze final II mêlés à des vestiges du Bronze moyen terminal ou du Bronze final I (Roudil, Dedet 1993, 120-121). Elle est attestée aussi dans les habitats des bords de l'étang de Mauguio, comme par exemple à Forton, au Bronze final II (Dedet 1985a, 45, fig. 28, n ° 47), ou à Tonnerre I (Py 1985, 74, fig. 44, n ° 25). Mais cette forme existe dans le Sud-est de la France depuis la fin du Bronze moyen (Vital 1999, 38, type 38). Il en va de même du vase à carène méplatée, présent ici à un seul exemplaire (fig. 7, n ° 16), dont la forme peut remonter au Bronze récent (Vital 1999, 29, type 23). La coupe carénée, pouvant être munie d'une anse en ruban vertical (fig. 7, n ° 5 et 8), est connue au Hasard dans des niveaux du Bronze final IIb (Roudil, Dedet 1993, 138, fig. 31, n ° 7 et 8; 144, fig. 38, n ° 1 à 3). J. Vital en fait la forme 14 de sa typologie du Bronze moyen-récent en Provence et en Méditerranée nord-occidentale (Vital 1999, 18, fig. 3; 21 et 28). Certes la forme existe en Italie du Nord au Bronze moyen, mais les attestations régionales antérieures au Bronze final manquent pour le moment. Plusieurs tessons de la couche 6 de Mourèze relèvent enfin de formes qui commencent au Bronze final II et se prolongent au Bronze final IIIa, avec cependant souvent alors un décor spécifique de cannelures. Ainsi les urnes à col bas, parallèle ou surtout divergent, dans leur version grossière (fig. 6, n ° 1 et 5) ou soignée (fig. 6, n ° 2, 3, 6, 9 et 10), de même que les coupes arrondies convexes plus ou moins profondes, avec bord divergent orné de cannelures ou de rainures (fig. 7, n ° 10, 13 et 14), sont très abondantes dans les gisements du Bronze final II comme le Hasard et le Prével supérieur (Dedet, Roudil 1994, 175 et 179), Tonnerre II, Camp Redon et Forton (Dedet 1985, 14 et 15), ainsi que sur de nombreux sites des Grands Causses (Costantini, Dedet, Fages, Vernhet 1985, 113, forme 2; 115, forme 11). On retrouve cependant de telles urnes et coupes à Mourèze même dans les couches du Bronze final IIIa. Sur ce site, ces urnes sont alors souvent décorées de cannelures horizontales, mais il en existe cependant aussi sans décor ou ornées d'impressions digitales comme au Bronze final II. Quelques exemplaires de ces urnes figurent dans les niveaux Bronze final IIIa de la grotte Castelvhiel I (Dedet, Pène 1991, 103, fig. 17, n ° 4 et 5), tandis que les coupes sont présentes dans les niveaux contemporains de Tonnerre I (Py 1985, 72, fig. 43). Quelle place chronologique à l'intérieur du Bronze final II attribuer à ce lot de matériel ? Seule la jatte à épaulement (fig. 7, n ° 2) fournit un indice car elle est fort proche des gobelets de type 11 et 13b du groupe Rhin-Suisse-France orientale (Brun, Mordant dir. 1986, 632) et doit donc marquer une appartenance au Bronze final IIb. D'ailleurs, bien qu'il ne s'agisse pas d'un ensemble clos, le gisement des Esquérades dans le nord du Gard en a livré plusieurs exemplaires avec des coupes tronconiques ornées de guirlandes tracées au peigne, décor qui est une des caractéristiques du style Rhin-Suisse-France orientale (Goury 1990, 11, fig. 6, n ° 10 à 13, 22, 23 et 27 à 33). Et dans une couche du Hasard, la jatte à épaulement est associée à une coupe tronconique portant un décor au peigne, qui, s'il ne dessine pas la guirlande, n'en utilise pas moins la technique caractéristique (Roudil, Dedet 1993, 125 et fig. 18). L'absence à Mourèze de ce décor en guirlande au peigne ne saurait d'ailleurs impliquer que le lot n'appartienne pas au Bronze final IIb. En effet, ce décor n'apparaît, en Languedoc oriental, que sur les marges septentrionales du Gard : Les Esquérades (Goury 1990), Le Hasard (Roudil, Dedet 1993, 128, fig. 22, n ° 5; 140, fig. 33, n ° 6; 144, fig. 38, n ° 17; 146, fig. 41, n ° 11), Le Prével supérieur (Dedet, Roudil 1994, 186, fig. 20, n ° 27), le dolmen des Rascassols à Saint-Hippolyte-du-Fort (Roudil 1972, 54, fig. 16). Et de plus, au Hasard comme au Prével supérieur, qui ont livré un mobilier quantitativement très important, ces témoignages sont très rares. Compte tenu de tous ces éléments, il paraît donc possible de dater le matériel de la couche 6 de Mourèze du Bronze final IIb. Comme c'est le cas dans le faciès précédent, au Bronze final IIIa certaines formes de vases, ainsi que leurs détails typologiques et leur ornementation, sont caractéristiques ou exclusifs de cette période. Ainsi l'urne très pansue, à grand col cylindrique et bord évasé, de facture soignée (fig. 8, n ° 2), est attestée, toujours en petite quantité, dans plusieurs gisements Bronze final IIIa du Languedoc oriental, décorée de cannelures horizontales ou de doubles traits incisés horizontaux, ainsi à Castelvielh I (Dedet, Pène 1991, 108, fig. 22, n ° 1 à 3) et à Tonnerre II (Dedet 1985b, 123, fig. 71, n ° 36). Cette forme existe déjà au Bronze final II, mais elle est alors moins élancée, elle a un col moins haut et une panse moins galbée (par exemple au Hasard; Roudil, Dedet 1993, 143, fig. 37, n ° 2). Son développement morphologique caractérise le Bronze final IIIa régional. Les jarres, plus ou moins grandes, à col peu développé presque toujours divergent (forme 5) (par exemple, fig. 10, n ° 1 à 3, ou fig. 11) ou beaucoup plus rarement convergent (forme 4) (fig. 13), et décor composite à l'épaule, de cannelures et d'impressions, sont très fréquentes à Mourèze et tout à fait caractéristiques du Bronze final IIIa. Elles figurent en très grande quantité dans le répertoire de Castelvielh I (forme 5 de ce site) (Dedet, Pène 1991, 103-107), et sont aussi présentes à Sariot (forme 1 de ce site) (Dedet, Pène 1995, 102), au Pont du Diable à Aniane (Boudou, Arnal, Soutou 1961, 207, fig. 7), à Rochefort (Costantini, Dedet, Fages, Vernhet 1985, 70, fig. 77, n ° 32 et 60), ou encore Tonnerre I (Py 1985, 72, fig. 43, n ° 2). Les coupes biconiques et assimilées, de facture soignée, à panse à profil plus ou moins caréné ou même arrondi, ornées à l'extérieur de lignes droites horizontales incisées en trait double (par exemple, fig. 16, n ° 1 à 7 et n ° 11 à 14), constituent l'un des éléments le plus caractéristique du faciès Bronze final IIIa régional (Pont du Diable, Castelvielh I, Sariot, Tonnerre I et II). Certes celles -ci se retrouvent aussi au Bronze final IIIb, époque durant laquelle le répertoire décoratif s'enrichit fortement, mais un détail typologique différencie les premières des secondes. Au Bronze final IIIa la lèvre présente systématiquement une tranche plate. C'est le bord « carré » qu'avaient bien remarqué et souligné J. Boudou, J. Arnal et J. Soutou (1961, 210-211). Au Bronze final IIIb en revanche la lèvre est presque toujours simplement arrondie. L'urne sans col, à embouchure resserrée, d'ailleurs rare à Mourèze (forme 3) (fig. 8, n ° 1), n'est guère caractéristique. Dans sa variante grossière, on la trouve à Tonnerre I (Py 1985, 72, fig. 43, n ° 16) et à Castelvielh I (Dedet, Pène 1991, 108, fig. 22, n ° 14), également en très peu d'exemplaires. Comme nous l'avons signalé, c'est une forme déjà connue au Bronze final II, y compris à Mourèze, et antérieurement, dès la fin du Bronze moyen; mais, au Bronze final IIIa elle ne porte plus le décor d'impressions digitales sur cordon. La coupe biconique à bord évasé, de facture très soignée et décorée de cannelures horizontales (forme 10) paraît à Mourèze une forme relique du Bronze final II (fig. 18, n ° 2). On la comparera à un exemplaire de la couche 6 (fig. 7, n ° 9) et à différents homologues du Prével supérieur (Dedet, Roudil 1994, 184, n ° 1 à 13). Les coupes à vasque tronconique légèrement convexe (forme 9) (par exemple, fig. 18, n ° 1 et n ° 3 à 27) sont également héritées du Bronze final II : on les rencontre par exemple au Prével supérieur (Dedet, Roudil 1994, 186, n ° 20). Au Bronze final IIIa elles sont bien attestées au Pont du Diable (Boudou, Arnal, Soutou 1961, 206, fig. 6, n ° 2 et 3), à Castelvielh I (forme 9; Dedet, Pène 1991, 108-109), à Sariot (forme 7; Dedet, Pène 1995, 104, fig. 5, n ° 14-18), à Rochefort (Costantini, Dedet, Fages, Vernhet 1985, 71, fig. 78, n ° 29-82), ou encore à Tonnerre I (Py 1985, 72, fig. 43, n ° 48). Des détails sont très caractéristiques de ces récipients au Bronze final IIIa : le bord dans le prolongement de la vasque et muni, à l'intérieur, de cannelures ou de rainures horizontales; la paroi intérieure de la vasque souvent occupée « en escalier » par de larges cannelures horizontales. Au Bronze final IIIb, des changements morphologiques affectent ces coupes : la panse tronconique est désormais rectiligne ou même légèrement concave, le bord est recourbé vers l'extérieur et méplaté, les cannelures, horizontales, étroites, n'ornent plus que la partie médiane et le fond de la vasque. Quant aux coupes arrondies convexes à bord divergent ou convergent à lèvre simple (formes 7 et 8) (par exemple, fig. 17, n ° 3 à 21 et n ° 24 à 31, et fig. 16, n ° 8), elles ne sont pas spécifiques du Bronze final IIIa. Nous avons souligné leur présence au Bronze final II, y compris à Mourèze, et elles se retrouvent encore au Bronze final IIIb. Les fouilles effectuées dans l'habitat de Mourèze en 1961 par le C.R.A. des Chênes Verts ont livré 319 fragments osseux, dont 211 déterminables, appartenant à un nombre minimum de 32 animaux domestiques et sauvages : bœuf (Bos taurus L.) porc (Sus domesticus L.) mouton (Ovis aries L.) chien (Canis familiaris L.) cerf élaphe (Cervus elaphus L.) sanglier (Sus scrofa L.) lynx (Lynx lynx L.) lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus L.) Ces vestiges sont répartis entre deux niveaux distincts, soit : couche 6 (Bronze final II) - animaux domestiques : 75 fragments 10 individus 62,5 % - animaux sauvages : 21 fragments 6 individus 37,5 % couches 4 et 5 (Bronze final IIIa) - animaux domestiques : 104 fragments 11 individus 68,75 % - animaux sauvages : 11 fragments 5 individus 31,25 % La répartition détaillée est donnée dans le tableau I. Le mouton, prédominant au Bronze final II est remplacé par le porc au Bronze final IIIa. Dans les deux cas, le bœuf reste en troisième position. Les animaux domestiques, qui représentaient un peu moins des deux tiers des animaux au Bronze final II (62,5 %), dépassent légèrement ce pourcentage au Bronze final III (68,75 %). - Âge La répartition par âge est donnée dans le tableau II. Les pourcentages sont les suivants : Bronze final II : pas de très jeune; 3 jeunes : 18,75 %; 13 adultes : 81,25 %; Bronze final IIIa : 1 très jeune : 6,25 %; 3 jeunes : 18,75 %; 12 adultes : 75 %. - Répartition des vestiges Animaux domestiques a) le bœuf Bronze final II : 33 fragments de deux individus adultes, dont 3 mensurables : 1 humérus d (ext. distale), DAP = 66 mm, DT = 40 mm 1 humérus g (ext. distale), DAP = 70 mm, DT = 41 mm 1 tibia d (ext. distale), DAP = 52 mm, DT = 40 mm 1 astragale g, Longueur = 58,5 mm, largeur = 38 mm Bronze final IIIa : 38 fragments de deux individus adultes, dont 2 mensurables : 1 métatarsien g (ext. proximale), DAP = 46 mm, DT = 46 mm 1 métacarpien g (ext. proximale), DAP = 31 mm, DT = 59 mm Par grandes régions du squelette, la répartition est la suivante : membre postérieur : BF II : 15 fragments; BF IIIa : 13 fragments; membre antérieur : BF II : 4 fragments; BF IIIa : 4 fragments; ceintures : BF II : 3 fragments; BF IIIa : 6 fragments; vertèbres : BF II : 1 fragment; BF IIIa : 4 fragments; côtes : BF II : 6 fragments; BF IIIa : 8 fragments; crâne : BF II : 3 fragments; BF IIIa : 1 fragment; dents inférieures : BF II : aucune; BF IIIa : 1; dents supérieures : BF II : 1; BF IIIa : 1. Des marques de découpage et de carbonisation sont visibles. b) le porc Bronze final II : 16 fragments de trois individus, dont un jeune d'environ deux ans et deux adultes dont un mâle. Des fragments sont mensurables : 1 astragale d, Longueur = 41 mm, largeur 23 mm 1 tibia d (ext. distale, DAP = 26 mm, DT = 31 mm Bronze final IIIa : 42 fragments de six individus, dont un très jeune mort-né, deux jeunes (un de 8 à 10 mois, un de 1 an) et trois adultes dont deux femelles et un mâle. Par grandes régions du squelette, la répartition est la suivante : membre postérieur : BF II : 6 fragments; BF IIIa : 8 fragments; membre antérieur : BF II : 2 fragments; BF IIIa : 11 fragments; ceintures : BF II : 3 fragments; BF IIIa : 2 fragments; vertèbres : BF II : 1 fragment; BF IIIa : 2 fragments; côtes : BF II : aucun fragment; BF IIIa : 11 fragments; crâne : BF II : aucun fragment; BF IIIa : 5 fragments; mandibules : BF II : aucun fragment; BF IIIa : 2 fragments; maxillaires supérieurs : BF II : 1 fragment; BF IIIa : aucun fragment; dents inférieures : BF II : 2; BF IIIa : 1; dents supérieures : BF II : 1; BF IIIa : aucune. On note des marques de découpage et quelques côtes carbonisées (cuisson). c) le mouton Bronze final II : 25 fragments de quatre individus, dont un jeune de 10 mois, et trois adultes dont un bélier. Un fragment mensurable : 1 humérus d (ext. distale), DAP = 17 mm, DT = 25,5 mm Bronze final IIIa : 24 fragments de trois individus, dont un jeune de deux ans, et deux adultes (dont un mâle). Deux fragments mensurables : 1 humérus d (ext. distale), DAP = 17 mm, DT = 28,5 mm 1 tibia g (ext. distale), DAP = 18 mm, DT = 25 mm Par grandes régions du squelette, la répartition est la suivante : membre postérieur : BF II : 8 fragments; BF IIIa : 7 fragments; membre antérieur : BF II : 5 fragments; BF IIIa : 4 fragments; ceintures : BF II : 1 fragment; BF IIIa : 1 fragment; côtes : BF II : 4 fragments; BF IIIa : 6 fragments; cheville osseuse : BF II : 1 fragment; BF IIIa : 1 fragment; mandibules : BF II : 1 fragment; BF IIIa : 1 fragment; dents inférieures : BF II : 1; BF IIIa : 3; dents supérieures : BF II : 3; BF IIIa : 1. Des marques de découpage et de carbonisation sont également visibles. d) le chien Dans la couche du Bronze final II, le métacarpien IV d. d'un adulte. Animaux sauvages a) le cerf élaphe Bronze final II : 6 fragments d'un adulte : 1 phalange I postérieure; 1 fragment de diaphyse de métatarsien droit; 4 fragments de bois (carbonisés) dont la pointe d'un andouiller. Bronze final IIIa : 5 fragments de deux adultes : la base d'un gros bois de chute g., carbonisé; la base d'un bois de chute g., plus petit; 3 fragments de bois. b) le sanglier Bronze final II : 12 fragments de quatre individus, dont un jeune de deux ans et demi, et trois adultes de très forte taille (deux mâles et une femelle). Deux fragments mensurables : 1 radius d (ext. distale), DAP = 30 mm, DT = 44 mm 1 radius d plus petit (ext. proximale), DAP = 24 mm, DT = 29 mm Par grandes régions du squelette, la répartition est la suivante : membre postérieur : 1 péroné g., 1 cuboïde g., 1 métatarsien III g. (j) membre antérieur : 1 ext. proximale, l'extrémité distale d' 1 radius d., 1 cubitus g. (mâle); l'extrémité proximale du radius d., le cubitus d. (femelle), 1 métacarpien IV d (j), 1 phalange I antérieure côte : 1 fragment fragment crânien : 1 condyle occipital d. Des marques de carbonisation sont visibles. Bronze final IIIa : 2 fragments d'un très gros adulte mâle : 1 diaphyse radiale g., 1 canine supérieure d. c) le lynx Dans la couche Bronze final IIIa : 1 fragment de cubitus d. d'un adulte. d) le lapin de garenne Bronze final II : 3 fragments d'un adulte : 1 humérus d. 1 humérus g. 1 fragment de mandibule Bronze final IIIa : 3 fragments d'un adulte : 1 tibia d., 1 os iliaque d., 1 os iliaque g. L'habitat de Mourèze a livré des fragments osseux déterminables appartenant à deux niveaux, Bronze final II et Bronze final IIIa. Chaque niveau a fourni 16 animaux, parmi lesquels nous trouvons des animaux domestiques et sauvages. Au Bronze final II, les animaux domestiques constituent 62,50 % de la faune; le mouton est prédominant avec 25 %, à égalité avec le sanglier, précédant le porc (18,75 %) et le bœuf (12,5 %). Au Bronze final IIIa, les animaux domestiques sont plus abondants (68,75 %); le porc domine avec 37,5 %, devançant le mouton (18,75 %) et le bœuf à égalité avec le cerf élaphe, 12,5 %. Le sanglier est en nette régression, remplacé par le porc. Aux deux époques les adultes sont majoritaires : 81,25 % au Bronze final II, 75 % au Bronze final IIIa (la proportion à cette époque résultant de l'augmentation de l'élevage du porc). Les vestiges présentent par ailleurs des marques de découpage et de carbonisation. La fouille effectuée par le C.R.A. des Chênes Verts en 1961 a procuré, ce qui est pour le moment très rare en Languedoc, des niveaux superposés du Bronze final IIb et du Bronze final IIIa, et rien n'indique qu'il y ait eu un hiatus temporel important entre les deux ensembles. Les deux lots de matériel qui en sont issus sont très différents, à la fois sur le plan quantitatif et au niveau qualitatif, et ne sauraient être mis sur le même pied d'égalité. On peut néanmoins noter quelques discontinuités et évolutions entre les deux faciès. Parmi les premières c'est essentiellement la disparition du gobelet ou de la jatte à épaulement, celle de la jatte à panse à carène adoucie et col divergent, et celle du décor de cannelures obliques. Et, vu la quantité du matériel attribuable au Bronze final IIIa, cette constatation paraît fondée. L'évolution morphologique concerne pour sa part les urnes à panse à profil arrondi moyennement galbé et col bas, et les coupes tronconiques. En revanche, pour la genèse du reste du faciès du Bronze final IIIa, on ne peut guère s'appuyer sur l'échantillon du Bronze final IIb procuré par la couche 6, car il est trop réduit. L'habitat lagunaire de Tonnerre I en 1976, et, en 1979, celui de Tonnerre II, ont également livré des couches du Bronze final II, IIIa et III b superposées (Py 1985, 71-75; Dedet 1985b). Mais sur ces deux sites, le matériel du Bronze final II marque plusieurs différences avec celui de la couche 6 de Mourèze : notamment les gobelets et jattes à épaulement, de même que le décor de guirlandes tracées au peigne y font défaut. Cela pourrait marquer une différence de faciès, le style Rhin-Suisse-France orientale n'atteignant pas la partie littorale du Languedoc oriental. Mais, sur ces habitats lagunaires, la présence de coupes carénées à anse et l'importance quantitative des jarres à décor d'impressions digitales pourraient plutôt indiquer une ancienneté plus grande, le début du Bronze final II, et une discontinuité dans l'occupation entre Bronze final II et Bronze final IIIa. L'apport majeur de la fouille de 1961 à Mourèze est évidemment le faciès céramique du Bronze final IIIa, car les documents, très abondants et très bien conservés, permettent une bonne connaissance du profil des vases. Depuis l'article pionnier pour la région que J. Boudou, J. Arnal et J. Soutou ont consacré en 1961 au gisement du Pont du Diable à Aniane (Hérault) et à sa « céramique incisée à méandres symétriques » (Boudou, Arnal, Soutou 1961), plusieurs publications de site ont contribué à faire connaître cette civilisation dont les caractéristiques en Languedoc oriental sont en cours d'étude (Dedet à paraître). Ce sont surtout des gisements languedociens : Tonnerre I (Py 1985) et Tonnerre II (Dedet 1985b) à Mauguio, Hérault, Les Cloches à Saint-Martin-d'Ardèche, Ardèche (Vital 1986), Castelvielh I à Sainte-Anastasie, Gard (Dedet, Pène 1991), Sariot à Cabrières, Gard (Dedet, Pène 1995). Mais les Grands Causses et la Provence sont aussi concernés, avec Rochefort à Florac, Lozère (Costantini, Dedet, Fages, Vernhet 1985, 67-76) et Le Bastidon à Sillans-la-Cascade, Var (Bérato, Degaugue 1999). D'autres gisements des Garrigues languedociennes et des Grands Causses sont en cours d'étude, Baume Layrou à Trèves, Gard (Dedet, Fages à paraître), Soucanton à Saint-Jean-du-Pin, En Tourieire à Sainte-Anastasie, La Réserve à Fontanès, Gard, et l'extension du site du Pont du Diable à Aniane, Hérault (Dedet à paraître). Avec une relecture de la documentation ancienne, ces travaux permettent une meilleure identification de ce faciès de civilisation. Dans cette optique, le site de Mourèze s'avère capital par l'assortiment de vases qu'il procure et qui, nous l'avons vu, comprend les formes et les décors attestés sur d'autres gisements Bronze final IIIa de la région déjà publiés. Mais il est encore d'autres apports que le matériel découvert à Mourèze permet de souligner. C'est tout d'abord la confirmation de la précocité de l'apparition du foyer décoré en Languedoc oriental (fig. 5, n ° 1 et 2). En 1968 un premier inventaire languedocien montrait qu'on ne connaissait ces structures dans cette région qu' à partir du VI e s. av. J.-C. (Dedet et al. 1968). Depuis ce corpus s'est peu à peu enrichi au grè des découvertes, surtout dans les limites chronologiques déjà connues, mais aussi pour les périodes antérieures (Dedet, Schwaller 1990, 154-155). En effet, à la fin des années 1970 les fouilles de Tonnerre I procuraient des morceaux de foyers décorés de cannelures douces, semblables aux exemplaires de Mourèze, dans des niveaux du Bronze final IIIb (sondages GM/3-11, couche 2 CD/10-11, couche 2; Py 1985, 87 et 101), mais aussi dans une couche du Bronze final IIIa (sondage GH/2-3, couche 3; Py 1985, 91). L'habitat voisin de Tonnerre II livrait aussi des vestiges similaires dans une couche datée du Bronze final IIIa également (Dedet 1985c, 29). Et de telles structures avaient peut-être été déjà rencontrées auparavant sur ces sites car H. Prades mentionne que « plusieurs terramares ont livré des fragments de torchis décorés de façons diverses (cannelures parallèles, cupules) » (Groupe Archéologique Painlevé 1974, 7). Un foyer décoré de larges cannelures peu marqué, daté du Bronze final IIIb, a également été découvert en Provence septentrionale dans l'habitat des Gandus à Saint-Ferréol-Trente-Pas, Drôme (Daumas, Laudet 1981-1982, 5 et fig. 20, n ° 4). Le foyer décoré est donc bien avéré à une époque de la Protohistoire antérieure au VIe s. av. J.-C., et, après Tonnerre I et Tonnerre II, Mourèze en confirme la présence dès le Bronze final IIIa. Autre confirmation, celle de l'existence à la fin de l' âge du Bronze de soles perforées équipant des dispositifs de cuisson domestique dans les habitats régionaux. Des sites provençaux et languedociens avaient déjà fourni de tels restes datés du Bronze final IIIb, comme les Roques de Volx à Villeneuve (Alpes-de-Haute-Provence) (Lafran 1980, 13, pl. D et pl. IV n ° 12) et Camp Redon à Lansargues (Hérault) (Dedet 1985d, 39, fig. 26, n ° 6; 40), du Bronze final IIIa ou du Bronze final IIIb comme l'Albion à Martigues (B.-du-R.) (Legros 1986, 247-250 et fig. 13). Mais on ignore s'il s'agit d'une simple plaque perforée qui peut être posée au-dessus des braises au moyen de pierres de support, ou bien d'un dispositif plus élaboré, avec chambre de cuisson, du type de celui découvert à Sévrier dans le lac d'Annecy et daté du Bronze final IIIb (Bocquet, Couren 1974). Parmi les objets livrés par la fouille de Mourèze en 1961, le plus exceptionnel est, sans conteste, la « figurine » d'oiseau, très probablement d'oie. Différents inventaires ont montré la minceur du corpus des représentations plastiques figurées dans la Protohistoire ancienne, dans diverses contrées de France (Cordier 1966; Pautreau 1984), ainsi que dans le Midi méditerranéen (Montjardin, Roger 1993). Dans cette dernière région, pour le Bronze final, au rang des animaux seuls y figurent l'exemplaire de Mourèze, simplement qualifié « d'ornithomorphe », et un possible ours (?) en terre cuite, provenant de la grotte du Pontiar à Vallon-Pont-d'Arc, Ardèche, daté de la transition Bronze final - premier âge du Fer (Montjardin, Roger 1993, 101). Depuis, cette liste s'est enrichie de trois représentations d'animaux en terre cuite : peut-être un sanglier dans l'habitat de Laprade à Lamotte-du-Rhône, Vaucluse (Billaud 1999, 616) et un chien ou un oviné dans celui de Cordouls à Puylaurens, Tarn (Carozza, Valdeyron à paraître), les deux sites datant du Bronze final IIb, et un quadrupède indifférencié dans le gisement Bronze final IIIa de la grotte-résurgence du Jaur à Saint-Pons-de-Thomières, Hérault (Rodriguez à paraître). On soulignera que ce dernier est la seule figurine de la région, contemporaine de celle de Mourèze. Par sa forme bien reconnaissable, l'oie de Mourèze est unique à ce jour dans la Protohistoire ancienne. Un petit canard d'argile aux plumes suggérées par un décor d'étain, trouvé à Hauterive-Champréveyres, au bord du lac de Neuchâtel en Suisse, est également bien identifiable (Anastasiu, Bachmann 1991, 48-49, fig. 42). Par leur réalisme, ces deux objets se distinguent de la petite série d'oiseaux indifférenciés en terre cuite, très stylisés, qui se répartit de l'Orléanais (tombe 6 de Tigy dans le Loiret, au Bronze final IIb : Cordier 1976, 554-556, fig. 7, n ° 1) à la Pologne (Jockenhövel 1999, 58, fig. 8), en passant par l'Alsace (un exemplaire dans l'atelier de potier de Marlenheim-Fessenheim : Dehn 1939, 19 et pl. I, 3; trois dans des tombes de la forêt de Haguenau : Schaeffer 1930, 294-298; un autre dans l'habitat de Hexenberg à Leutenheim : Adam, Lassère 2001, 318, fig. 5; 322) et la Rhénanie (Dehn 1939). Les mieux conservées de ces figurines possèdent une cavité remplie de petits cailloux, ce qui leur a valu de passer pour des hochets (Schaeffer 1930, 294-298). Mais il est dommage que le matériel osseux des défunts des sépultures dans lesquelles beaucoup de ces objets ont été trouvés n'ait pas été étudié pour s'avoir s'il s'agit bien de tombes d'enfants et valider cette interprétation. Fragmentaire, l'oie de Mourèze est mal connue dans son utilisation : on ignore s'il s'agit d'une statuette isolée, d'une figurine équipant un vase ou son couvercle ou un char miniature en terre cuite, ou encore si on a affaire à un jouet. En d'autres termes, faut-il lui attribuer cet objet une fonction utilitaire ou ornementale, ou bien lui conférer une valeur symbolique, voire religieuse ? À propos du canard d'Hauterive-Champréveyres, A.-M. Adam et M. Lassère (2001, 322) font valoir que le décor à l'étain semble donner à cet objet une valeur qui devait dépasser celle du simple jouet. Le contexte dans lequel gisait l'objet de Mourèze n'apporte pas d'indice en faveur de l'hypothèse religieuse, à la différence de celui de la figurine de la résurgence du Jaur à Saint-Pons-de-Thomières, qui paraît correspondre à une « grotte-sanctuaire »; mais à Mourèze, un autre fait surprend. Sur ce site, en effet, la présence de cette figurine d'oie contraste avec la totale absence de toute trace de cet animal, comme d'ailleurs des autres anséridés, dans les vestiges osseux du Bronze final IIIa et IIb provenant de la fouille du C.R.A. des Chênes Verts et étudiés par T. Poulain. D'ailleurs dans la région l'oie ne figure pas non plus dans les restes osseux issus des autres gisements du Bronze final IIIa étudiés par P. Columeau (Rochefort à Florac, gisements des bords de l'étang de Mauguio), A. Gardeisen (Castelvielh I) et J.-D. Vigne (Le Laouret). Et ce manque n'est pas le propre du Bronze final IIIa; on le constate également au Bronze final II, ainsi qu'au Bronze final IIIb et au premier âge du Fer, comme par exemple sur les gisements lagunaires ou les sites de Vaunage. En fait, il faut attendre la fin du second âge du Fer pour que l'oie, ou du moins les anséridés, soient attestés dans les vestiges culinaires de Lattes (García-Petit 1999). Et si l'oie n'est pas un animal consommé dans la région au Bronze final et au premier âge du Fer, cela n'implique toutefois pas qu'il ne soit pas élevé : pour une autre époque, César signale à propos des Bretons : « le lièvre, la poule et l'oie sont à leurs yeux nourriture interdite; ils en élèvent cependant, pour le plaisir » (B. G., V, 12; traduction L.-A. Constans, Paris, les Belles Lettres, 1959). Le fait d'élever un animal et de ne pas le manger ne signifie certes pas que celui -ci soit sacré, mais un interdit alimentaire peut aussi marquer une raison religieuse. Et dans cette optique, le comparatisme ouvre la voie à plusieurs interprétations, sans épuiser le sujet, ni, bien sûr, résoudre la question. Ainsi, précieuse et sacrée, c'est tout d'abord l'oie avertisseuse du danger, dont Rome même eut l'occasion d'apprécier l'efficacité au Capitole vers 390 av. J.-C. C'est aussi l'oie messagère de l'au-delà dans la tradition celtique, où elle est l'équivalent du cygne (Chevalier, Gheerbrant 1974, III, 307; Guyonvarc'h, Leroux 1986, 288-292). C'est encore l'oie qui sert de monture au chaman lors de son ascension au pays des trépassés, ailleurs chez certains peuples altaïques (Eliade 1968, 164). Et ce dernier rapprochement n'est pas incongru car le chamanisme n'était pas étranger à la Gaule si l'on en croit un passage de Lucain : « Vous aussi bardes, vates qui par vos louanges sélectionnez les âmes vaillantes de ceux qui périrent à la guerre pour les conduire à un séjour immortel, vous avez répandu sans crainte ces innombrables chants » (La Pharsale, I, vers 444-462). Enfin, dernier point des apports de la fouille de Mourèze digne d' être souligné, c'est celui de l'éclairage de la genèse du faciès mailhacien I du Bronze final IIIb languedocien. Le matériel livré par les couches du Bronze final IIIa annonce celui du Bronze final IIIb. On voit que beaucoup de formes de vases du Mailhacien I sont ici en place : vases à col haut, coupes biconiques et assimilées, coupes tronconiques. Seuls des détails morphologiques vont évoluer au Bronze final IIIb : les lèvres des coupes biconiques et assimilées deviendront arrondies, le profil des panses des coupes tronconiques sera plus rectiligne, voire même légèrement concave, et le bord de ces mêmes coupes se retournera vers l'extérieur. Le décor finement incisé en trait double, fort simple au Bronze final IIIa, s'enrichira au Bronze final IIIb de motifs géométriques complexes et de représentations humaines et animales, y compris des oiseaux (anséridés ?), très schématiques. Mais, dans ce registre, on remarque un signe annonciateur : le motif de la frise de la coupelle fig. 16, n ° 8, est tout à fait semblable à une représentation « évoluée » du cheval mailhacien I . | Cet article présente le matériel découvert lors des premières fouilles sur le site des Courtinals à Mourèze, réalisées par le C.R.A. des Chênes Verts en 1961. Ces lieux offrent une succession de niveaux datés par le mobilier du Néo-Chalcolithique, du Bronze final IIb, du Bronze final IIIa et des Ve-IVe s. av. J.-C. Le matériel du Bronze final IIb, rare et très fragmenté, permet de souligner la disjonction entre le faciès de l'arrière-pays du Languedoc oriental et celui du littoral. Celui du Bronze final IIIa, très abondant et très bien conservé, contribue à définir le fonds typologique de cette phase en Languedoc oriental, à partir duquel va se former le faciès Mailhacien I. Un développement particulier concerne une figurine de terre cuite dans laquelle on reconnaît aisément l'oie, la fonction de cet objet et le statut possible de cet oiseau au sein de ce groupe humain où il ne paraît pas avoir été consommé. | archeologie_525-04-10660_tei_118.xml |
termith-145-archeologie | La Grotta Piatta est située à 140 mètres d'altitude sur le versant sud d'une petite vallée littorale, la plaine d'Aregno. L'abri se trouve dans un important massif granitique, au sein duquel se sont formés de nombreux abris. Il s'agit d'un site funéraire protohistorique en abri-sous-roche s'inscrivant dans un point remarquable du paysage qui domine toute la plaine d'Aregno-Corbara. L'abri fait partie d'un environnement archéologique dans lequel ont été répertoriés de nombreux sites préhistoriques et protohistoriques. Cependant, seules deux sépultures ont été inventoriées dans la région concernée. La grotte a été découverte de manière fortuite; deux opérations archéologiques ont été réalisées, un sondage d'évaluation a été conduit en 2004 et la fouille complète de l'abri a eu lieu l'année suivante (Marchetti, 2004a et 2005). La cavité orientée sud-sud-ouest s'ouvre à 2 mètres du sol actuel sur une petite terrasse; elle se compose d'une ouverture principale (3, 5 m de L x 1 m de H), lieu d'implantation de la fouille (locus III) et se prolonge par deux petites ouvertures en contrebas : l'une à l'ouest (locus I), l'autre sous l'entrée principale (locus II). Elles communiquent avec l'ouverture principale par deux étroites failles. La première étude concernait un sondage d'évaluation de 2 m² qui a permis de découvrir une partie d'un aménagement sépulcral (dallage) au sein de la couche II (Marchetti, 2004b). Lors de l'opération suivante, la totalité de la surface de l'abri a été fouillée, soit 9 m 2. Sous une couche stérile de 15 cm d'épaisseur, une succession de sept niveaux, où de nombreuses pierres posées à plat étaient disposées, a été révélée. Or, l'organisation anthropique n'a pu être reconnue. Toutefois, la présence de blocs de dimensions et d'épaisseurs plus importantes mis au jour dans les couches II a et II b nous fait suggérer que ces derniers ont servi à aménager une structure funéraire. Celle -ci a été détruite par des bouleversements successifs mais ses premières traces ont été décelées lors de l'étude d'évaluation. C'est ainsi que dans les différentes strates ont été recueillis plus de deux cents vestiges humains disposés au milieu de pierres de taille importante. Ils se répartissent sur l'ensemble de la fouille avec, pour zone de concentration principale, un aplomb rocheux, dans le secteur est. Les premières constatations de l'étude anthropologique montreraient que cette sépulture a fonctionné comme dépôt collectif. Le mobilier découvert se compose majoritairement de vestiges métalliques en bronze (251) et de verroterie (Marchetti, 2006). Il s'agit d'éléments de parure et d'habillement dont des pièces de ceinture, des fibules, des chaînettes, des tubes spiralés, une agrafe…, qui se trouvent dispersés sur toute la surface et ce dans les différents niveaux. Ceci est dû à la nature du sédiment, sableux et très mouvant, faisant écouler une grande partie des vestiges dans les niveaux sous-jacents. À ce phénomène s'ajoute la présence de deux failles dans les zones est et ouest. Celles -ci forment ainsi des coulées de sédiment qui entraînent une partie des vestiges et se déversent, soit dans le locus I, soit dans le locus II. Ces différents phénomènes, causes de remaniements, confirment l'hypothèse de la position de l'espace sépulcral entre les couches II a et II b où ont été découverts les plus nombreux vestiges humains. Tandis que dans les derniers niveaux fouillés les vestiges humains se raréfient, certaines pièces de mobilier de petites dimensions telles que les perles s'y trouvent en nombre important, ceci devant être le fait des différents phénomènes naturels énoncés précédemment. Les perles en pâte de verre, objets de cette publication, concernent vingt et une pièces qui s'insèrent dans un ensemble de trois cent soixante-neuf perles, vestiges composant les pièces de parure les plus représentées sur la totalité du mobilier recueilli. Il s'agit de perles monochromes, en grande partie de forme annulaire et sphéroïde aux coloris bleu, d'aspect doré et blanc. Certaines se distinguent par leur couleur opaque et leur forme cylindrique ou tubulaire. Une seule pièce est polychrome, de couleur bleue, elle est décorée d'ocelles blancs et n'a pas été analysée. D'autres perles, de forme tubulaire et particulière, ont des petites protubérances sur toute leur surface. Nous notons, comme pour les autres sites sépulcraux de l' Âge du Fer corse, une forte proportion de perles annulaires en verre blanc (Fig. 7); on en compte deux cent vingt et une. Le matériel étudié comprend six perles à feuille métallique (d'aspect doré ou argenté et de forme sphéroïde, tubulaire ou en tonnelet), quatre anneaux en verre opaque blanc habituellement dénommés anneaux porcelainiques, six perles en verre bleu, clair ou foncé, de typologies diverses (Fig. 7) (sphéroïde, biconique, parallélépipédique ou tubulaire à protubérances), une perle sphéroïde en verre violet foncé d'aspect noir, une perle biconique rouge, une perle tubulaire verte, une perle côtelée en verre opaque jaune et un fragment de récipient en verre soufflé incolore décoré par un filet de verre blanc. Dix-sept perles étudiées ont été découvertes hors stratigraphie (niveau de surface) dans les différentes ouvertures de la cavité (locus I, II et III) : GP 1 – perle sphéroïde incolore (0,7 cm de diamètre et 0,5 cm d'épaisseur) (Fig. 7); GP 2 – perle ovoïdale d'aspect doré (0,7 cm de L et 0,4 cm d'épaisseur) (Fig. 7); GP 3 – perle sphéroïde incolore (0,8 cm de diamètre et 0,6 cm d'épaisseur) (Fig. 7); GP 4 – fragment de perle tubulaire d'aspect doré (0,4 cm de diamètre et 0,3 cm d'épaisseur) (Fig. 7); GP 6 – perle sphéroïde de coloris noir-violet (0,6 cm de diamètre et 0,5 cm d'épaisseur) provenant du niveau remanié du locus III (Fig. 7); GP 7 – perle annulaire blanche (0,8 cm de diamètre et 0,2 cm d'épaisseur) (Fig. 7); GP 8 – perle annulaire blanche (0,8 cm de diamètre et 0,3 cm d'épaisseur) (Fig. 7); GP 9 – perle annulaire blanche (0,9 cm de diamètre et 0,2 cm d'épaisseur) (Fig. 7); GP 11 – perle sphéroïde bleue sectionnée (0,6 cm de diamètre) (Fig. 7); GP 12 – perle sphéroïde bleue (0,5 cm de diamètre et 0,4 cm d'épaisseur) (Fig. 7); GP 13 – perle sphéroïde bleue (0,4 cm de diamètre et 0,2 cm d'épaisseur) (Fig. 7); GP 14 – perle parallélépipédique bleue (1,2 cm de L et 0,6 cm d'épaisseur) (Fig. 7); GP 15 – perle biconique bleue (1,2 cm de diamètre et 0,4 d'épaisseur) (Fig. 7); GP 16 – perle sphéroïde incolore (0,6 cm de diamètre et 0,4 cm d'épaisseur) (Fig. 7); GP 17 – perle sphéroïde, d'aspect argenté (0,6 cm de diamètre et 0,4 cm d'épaisseur) (Fig. 7); GP 9998 – perle sphéroïde côtelée de coloris jaune opaque (1 cm de L et 0,5 cm d'épaisseur) (Fig. 7); GP HS – perle tubulaire de teinte verte translucide (0,2 cm de diamètre et 0,8 cm de L) (Fig. 7). Trois perles et un fragment de verre analysés proviennent des différents niveaux stratigraphiques reconnus. GP 10 – perle annulaire blanche (0,6 cm de diamètre et 0,2 cm d'épaisseur) recueillie dans la couche II (découverte lors de l'opération de 2004) (Fig. 7). GP 44 – perle tubulaire (0,6 cm de L et 0,4 cm d'épaisseur) de coloris bleu opaque, elle porte des protubérances sur toute la surface (Fig. 7), elle provient de la couche I '. GP 55 – fragment de verre incolore décoré de fins traits blancs (2 cm x 1,3 cm, 0,2 cm d'épaisseur) découvert dans la couche II a (Fig. 7). GP 176 – perle biconique (1 cm de L et 0,4 cm d'épaisseur) de coloris rouge opaque (Fig. 7) mise au jour dans la couche II c (Fig. 7). Les vingt-et-un objets sélectionnés ont tous été analysés par LA-ICP-MS (spectrométrie de masse couplée à un plasma inductif avec prélèvement par ablation laser) au centre Ernest-Babelon (IRAMAT, UMR C5060 du CNRS – Orléans). Cette méthode est particulièrement bien adaptée aux objets composites ou de petite taille comme les perles. Lors de l'analyse, ces derniers sont placés à l'intérieur d'une cellule en quartz. Un micro-prélèvement, invisible à l' œil nu, est effectué par un rayon laser (diamètre 80 micromètres, profondeur 200 micromètres). La matière prélevée (quelques microgrammes) est transportée vers une torche à plasma par un flux gazeux d'argon. La haute température du plasma (8 000 °C) dissocie et ionise la matière, dont les différents constituants sont identifiés selon leur masse. Un détecteur électronique permet leur quantification. L'étude des objets est réalisée sans aucune préparation de l'échantillon (Gratuze et al., 1997 et 2001). Pour chaque analyse, six prélèvements (trois pour les éléments majeurs et trois pour les éléments mineurs et traces) sont effectués à un endroit sain de la surface de l'objet. Le calcul est effectué sur la moyenne des trois prélèvements. L'étalonnage est effectué à l'aide des verres étalons développés par le NIST (SRM610) et la Corning (verres A, B, C et D) ainsi que par des verres archéologiques de composition connue. Les hypothèses développées à partir des résultats analytiques prennent en compte à la fois la typologie et la composition des objets. Ces paramètres sont parfois caractéristiques des productions d'une région ou d'une période donnée. L'étude des résultats sera faite dans un premier temps par rapport aux caractéristiques des fondants et des sables utilisés pour la fabrication du verre, puis dans un deuxième temps en fonction de la typologie des objets étudiés. Il faut cependant être conscient que, pour une grande partie de la Protohistoire et de l'Antiquité, le modèle de production de ce matériau, qui fait appel à des ateliers primaires (où l'on fabrique la matière première) et à des ateliers secondaires (où l'on met en forme les objets), impose certaines limites à l'interprétation des données analytiques. On ne peut en effet exclure le mélange de verres d'origines géographiques différentes au sein des ateliers secondaires, ce qui implique à court terme une multiplication des types chimiques de verre, et à long terme une certaine homogénéisation des compositions si l'on prend en compte le fait que le verre est un matériau qui a toujours été largement recyclé. L'étude des parures de verre est elle aussi confrontée à des limites qui lui sont propres. Les verres utilisés sont souvent fortement colorés, ce qui n'est pas sans introduire des modifications importantes des teneurs d'un grand nombre d'éléments mineurs et traces. On peut aussi supposer que les volumes de verre impliqués dans la fabrication de ces petits objets sont moins importants que ceux utilisés pour la production de vaisselle et qu'ils sont donc par conséquent plus susceptibles de subir des variations de composition rapides (contamination, mélanges…). Par ailleurs, à partir du iii e siècle avant notre ère, on observe en occident le développement d'ateliers secondaires de verrier (Feugère et Py, 1989; Foy et Nenna, 2001), spécialisés dans la production de parures (oppida d'Entremont et de Nages par exemple), et approvisionnés en verre à partir du Proche-Orient, comme l'atteste la présence de blocs de verres dans l'épave des îles Sanguinaires au large d'Ajaccio (iii e siècle avant notre ère). Cette multiplication des centres de productions secondaires rend encore plus délicate l'étude de provenance des objets, seule la matière première peut éventuellement être tracée. Enfin, il nous faut tenir compte de la situation géographique du site étudié : on est en présence d'un site insulaire méditerranéen où les contacts avec les peuples occupant le pourtour de la Méditerranée ont été continuels (Phocéens, Etrusques, Carthaginois, Syracusains, Romains…), et l'on est en droit de s'attendre à un brassage important de matériel. Nous présenterons donc ici un certain nombre d'hypothèses concernant l'éventuelle origine géographique ou la position chronologique des différents types de perles rencontrées sur le site de la Grotta Piatta, tout en étant bien conscient qu'elles se situent parfois aux limites des conclusions qu'autorise l'analyse des verres. Les résultats obtenus montrent qu' à l'exception de deux perles, les verres étudiés ont été fabriqués à partir d'un fondant de type soude minérale, caractérisé par des faibles teneurs en oxydes de magnésium, de potassium et de phosphore. Ce type de verre est un matériau de composition très courante, qui a servi à fabriquer la majeure partie des objets en verre du second Âge du Fer et de l'Antiquité (Billaud et Gratuze, 2002). On notera toutefois que certaines perles de ce groupe présentent des teneurs atypiques pour l'un ou l'autre de ces trois oxydes (Fig. 1 et Fig. 2) : la perle GP13 a une teneur en potassium très élevée et les perles GP4, GP8, GP10 ainsi que le décor du verre soufflé GP55 ont des teneurs en magnésium supérieures à la normale. Pour ces cinq verres, les teneurs dans les deux autres oxydes restent cependant dans la norme des verres à soude minérale (K 2 O < 1,3 % et MgO < 1,3 %, P 2 O 5 < 0,3 %). Ces valeurs hors normes ne sont cependant pas exceptionnelles. Lors d'une étude récente portant sur 113 fragments de verres mosaïqués, un groupe de verres à plus fortes teneurs en magnésium (principalement les verres blancs et les verres violets) a été mis en évidence (Nenna et Gratuze, sous presse). De fortes teneurs en magnésium ont aussi été observées au sein d'un groupe de verres de l' Âge du Fer opacifiés en blanc par l'antimoniate de calcium (Henderson, 1991) : le fait d' être opacifiés peut expliquer les teneurs plus élevées en magnésium de deux des quatre anneaux porcelainiques et du décor en verre blanc du verre GP55. Les verres à fortes teneurs en potasse sont cependant plus rares. Les fortes teneurs en cet élément tendent à caractériser des verres fondus accidentellement : un enrichissement en potasse d'une partie du verre peut se produire à partir des cendres du foyer. Ce n'est manifestement pas le cas ici, la perle ne présentant pas de traces de fusion. On notera cependant que des verres plus riches que la moyenne en potasse ont déjà été rencontrés sur des sites de l' Âge du Fer (Puech de Mus et Aveyron, étude en cours) sans toutefois atteindre les valeurs rencontrées ici. Les verres de deux dernières perles, la perle rouge GP176 et la perle verte GPHS, présentent des valeurs corrélées nettement plus importantes pour ces trois oxydes, et ont été fabriqués à partir de soude végétale. Là encore, cette composition, bien que peu fréquente, semble caractériser les verres de cette couleur : près des trois quarts des verres rouges et un tiers des verres verts analysés lors de l'étude effectuée sur les verres mosaïqués étaient élaborés à partir de cendres végétales : sur un total de trois cent quarante-huit analyses, il y avait soixante-trois verres aux cendres dont cinquante-trois étaient colorés par le cuivre. Ces variations de composition observées pour les fondants reflètent l'emploi de matières premières différentes, et sont probablement liées à l'origine géographique des verres étudiés. Si l'on classe maintenant les verres en fonction de leurs teneurs en alumine et en chaux, qui sont des oxydes apportés majoritairement par le sable, on peut scinder le groupe de perles en deux groupes principaux (Fig. 3). Le premier, caractérisé par des teneurs plus importantes en alumine et en chaux, regroupe les quatre perles à feuille métallique (GP 2, 4, 16 et 17), les anneaux porcelainiques (GP 7, 8, 9 et 10), la perle bleu foncé à protubérances (GP 44), la perle violet foncé (GP 6), la perle verte GPHS et le récipient en verre soufflé (GP 55). Le second, moins alumineux et moins calcique, regroupe les perles en verre bleu (GP 11, 12, 14 et 15), les deux perles à feuille métallique (GP 1 et 3) et la perle côtelée en verre opaque jaune (GP 9998). La perle bleu clair GP 13 se rapproche de ce sous-groupe. On remarque, là encore que certains verres se retrouvent aux marges ou en dehors des groupes principaux. C'est plus particulièrement le cas ici du verre rouge n° 176. On notera enfin que, parmi ces verres, certains présentent des teneurs en plomb plus ou moins fortes. C'est le cas de la perle jaune GP9998 avec environ 11 % de plomb. Le plomb intervient ici comme agent colorant avec l'antimoine : l'antimoniate de plomb est le principal colorant jaune des verres antiques du monde méditerranéen. On observe toujours au sein de ces verres la présence d'un net excédent de plomb par rapport à l'antimoine, avec un rapport moyen de l'ordre de 9 entre les pourcentages pondéraux de ces deux éléments (Fig. 4). Onze autres objets renferment une quantité notable de plomb (entre 0,1 % et 2 %). Là encore, pour les verres opacifiés, ou colorés par le cuivre ou le cobalt, cette présence est fréquemment observée au sein des verres de l' Âge du Fer et de l'Antiquité. On s'intéressera plus particulièrement à la présence de plomb (environ de 1 %) au sein de deux des perles à feuille métallique (GP1 et 3). Elle confirme l'existence des deux groupes de perles à feuille métallique mis en évidence avec les teneurs en chaux et en alumine. On notera ici que les mêmes groupes ont été rencontrés dans les perles à feuille métallique du site de Vallecalle (Monte di Lucciana, Corse, Gratuze et al., 2006). Si l'on prend en compte les fondants et les sables utilisés, les verres retrouvés à la Grotta Piatta peuvent ainsi être classés en différents groupes (Tableau 2). On peut se demander si les groupes chimiques mis en évidence sont dues à des origines géographiques très différentes ou sont seulement le reflet des variations de composition liées aux modes de coloration ou aux matières premières utilisées par des ateliers différents au sein d'une même région. Là encore, les travaux effectués sur les verres mosaïqués nous permettent d'apporter un élément de réponse (Nenna et Gratuze, sous presse). Lors de cette étude, l'on s'est plus particulièrement intéressé aux variations des teneurs en yttrium, zirconium, et cérium en fonction de l'origine supposée des objets. On a reporté sur un diagramme binaire les valeurs des rapports Y 2 0 3 /ZrO 2 et CeO 2 /ZrO 2 des perles de la Grotta Piatta avec d'une part celles des verres mosaïqués égyptiens et syro-palestiniens et d'autre part avec celles des verres du groupe HIMT (high iron magnésium and titanium) supposé d'origine égyptienne (Foy et al., 2003). On y observe qu'une partie des verres de la Grotta Piatta se superpose aux verres syro-palestiniens tandis qu'une autre partie se positionne dans une zone de recouvrement des verres des deux régions (Fig. 5). Parmi les verres strictement syro-palestiniens, on rencontre les perles à feuilles métalliques, trois des quatre anneaux porcelainiques (GP8, 9 et 10), la perle jaune, la perle violette ainsi que les perles bleues GP13 et 44. L'origine géographique des autres verres (l'anneau porcelainique GP7, les perles bleues GP 11, 12, 14 et 15, les perles rouge et verte GP176 et GPHS et le verre soufflé GP55) est plus difficile à déterminer. On constatera ici que le recouvrement de ces groupes avec les groupes liés à la nature des sables n'est que partiel, ce qui reflète la multiplicité des compositions possibles au sein d'une région. Il faut encore noter qu' à l'exception du verre de deux perles bleu foncé, le verre des perles de Vallecalle et celui des îles Sanguinaires sont originaires de Syro Palestine (Fig. 5). En se référant à l'étude menée sur les verres mosaïqués, on se limitera donc ici à proposer une origine égyptienne plutôt que syro-palestinienne pour le verre des deux perles à fondant d'origine végétale (GPHS et GP176). Si l'on croise les données chronologiques et les données analytiques, la perle rouge GP176 et la perle verte GPHS forment un sous-ensemble relativement cohérent : ces deux perles sont fabriquées à partir d'un verre, fortement calcique, élaboré à partir de cendres de plantes et coloré par adjonction de cuivre (le cuivre est présent sous forme métallique dans le verre rouge et sous forme oxydée – Cu 2+ – dans le verre vert). Bien que ce type de composition soit relativement peu fréquent pour les verres de l' Âge du Fer et de l'Antiquité, il est cependant régulièrement rencontré, au i er siècle de notre ère ainsi que pour les périodes plus tardives, pour les verres rouges ou verts entrant dans la fabrication de vaisselle et de verres mosaïqués. C'est ainsi qu'au cours de travaux récents (Jackson et al., 2006; Nenna et Gratuze, 2006) des groupes de verres rouge et vert, de composition très proche de celles de ces deux perles en verre (verre fortement calcique), ont été mis en évidence au sein de vaisselles et de verres mosaïqués du i er siècle de notre ère. Sans être un critère absolu de datation, cette similitude peut cependant permettre de proposer un contexte pour ces objets. On peut adjoindre à ces deux objets le verre soufflé GP55. En effet, de par sa typologie et son mode de fabrication (verre soufflé), cet objet est lui aussi postérieur au i er siècle de notre ère. On notera enfin que l'étude menée sur les verres mosaïqués montre qu'une proportion importante des verres opaques blancs de cette période présente elle aussi un fort excès de magnésium. Donc, bien que très différents chimiquement et typologiquement, il y a une grande probabilité pour que ces trois objets (GP 176, 55 et HS) ne soient pas antérieurs au i er siècle de notre ère. Les perles à feuille métallique forment un autre ensemble chronologiquement intéressant (Boon, 1977; Spaer, 2001). Ce type de matériel ne peut être antérieur à la fin du iii e siècle avant notre ère (plus probablement début du ii e siècle). Sa production et sa diffusion persistent cependant jusqu' à la fin de l'Antiquité et au-delà. En fonction des sables utilisés on peut distinguer, au sein de ces perles, deux groupes constitués respectivement des perles GP 1 et 3; et GP 2, 4, 16 et 17. On notera aussi que les perles GP 1, 2, 3, et 16 sont décorées avec une feuille d'or tandis que les perles GP 4 et 17 le sont avec une feuille d'argent. L'aspect doré de la perle GP 4 est dû à la présence de fer et à l'absence de manganèse dans le verre externe. Ceci confère une teinte ambrée au verre de cette perle, tandis que l'ajout de manganèse au verre de la perle GP 17 rend celui -ci incolore. La perle GP 17 a donc un aspect argenté tandis que la perle GP 4 paraît dorée. On notera aussi la forte teneur en cuivre de la perle GP 1. La fabrication de ces perles requiert un savoir-faire spécifique, et l'on peut faire l'hypothèse qu'elles proviennent des centres artisanaux du Proche ou du Moyen Orient : d'après Spaer (Spaer, 2001) les plus anciens ateliers connus pour l'époque Hellénistique sont les ateliers Rhodiens et il est probable que les ateliers de fabrication de ces perles ont rapidement essaimé en Grèce et en Égypte. Ces deux groupes de perles à feuille métallique reflètent donc probablement des origines géographiques, voire chronologiques, différentes sans qu'il soit malheureusement possible de les préciser, par manque de données analytiques disponibles pour ce type d'objet : en effet, des perles d'origines différentes peuvent très bien avoir été importées ensemble à partir d'un port entrepôt, tandis que des perles de même origine peuvent arriver à des dates successives. La perle en verre violet foncé nous fournit elle aussi un jalon chronologique intéressant : bien que la coloration des verres en violet par le manganèse soit apparue très tôt, il semble que les éléments de parure en verre violet n'apparaissent en Europe Occidentale qu'assez tardivement à la fin du deuxième siècle avant notre ère ou au début du premier siècle avant notre ère (Gegbhard et al., 1989; Venclova, 1985; Henderson, 1987; Robinson, 2003; Feugère et Py, 1989) et qu'ils sont caractéristique des parures en verre de la Tène D. Les perles en verre bleu foncé, coloré par le cobalt, forment un groupe très hétérogène, tant chimiquement que typologiquement. Les teneurs en manganèse, cuivre, nickel, arsenic, fer et plomb (oxydes qui peuvent être amenés par le cobalt) présentent des teneurs très dispersées sans qu'il soit possible d'effectuer une classification au sein de ce groupe. On se bornera simplement à remarquer l'absence de manganèse et de plomb dans le verre de la perle GP11 et les teneurs nettement plus importantes en ces éléments de la perle GP44. De même, on notera la corrélation entre le cuivre et le fer au sein de ces perles (Fig. 6) : ces éléments présentent de faibles valeurs (pratiquement identiques à celles des autres verres) pour les perles GP15 et 44, et de plus forte valeurs pour les trois autres. On peut donc penser que différents types de colorants à base de cobalt ont été utilisés, ce qui reflète, comme pour les perles à feuille métallique, la diversité du matériel retrouvé sur ce site. Il en est de même pour les anneaux porcelainiques, pour lesquels on peut distinguer trois groupes pour quatre perles en fonction des teneurs en magnésium, manganèse, arsenic, strontium et du sable utilisé : les anneaux GP 7 et GP 9 se différencient des anneaux GP 8 et 10. Par rapport au matériel identique qui a été retrouvé sur le site corse de Monte di Lucciana (Vallecalle), on remarquera que, dans ce dernier site, il y a deux groupes d'anneaux (Gratuze et al., 2006) : l'un, qui comprend la majeure partie des perles, ne contient pas de manganèse. L'autre, qui ne rassemble que quelques objets, souvent caractérisés par un dépôt de surface rougeâtre, en contient de faibles quantités. Les teneurs en manganèse des perles de la Grotta Piatta se rapprochent de celles de ce dernier groupe. Il n'est pas possible, actuellement, de préciser leur position chronologique au sein de la séquence de la Grotta Piatta, en tenant compte des seules analyses chimiques. Le dernier objet étudié, la perle jaune côtelée, en verre opacifié à l'antimoniate de plomb, a elle aussi une répartition chronologique importante qui englobe le second Âge du Fer et le début de notre ère (Lankton, 2003). Les données analytiques obtenues sur le matériel analysé de la Grotta Piatta montrent que la majeure partie du verre des objets de ce site est originaire de Syro-palestine. Seul le verre à fondant sodique d'origine végétale de deux des objets a sûrement été fabriqué en Égypte. Pour quelques objets, l'origine du verre demeure incertaine. Cette origine des matières premières ne préjuge pas, bien sûr, de l'emplacement des officines secondaires où ont été réalisés les objets étudiés. En effet, les perles peuvent soit avoir été fabriquées localement (des sites de fabrication d'objets – ateliers secondaires – sont connus en Europe dès l' Âge du Fer), soit avoir été importées. En l'absence d'autres informations, il est cependant plus probable de considérer que certaines perles comme les perles à feuille métallique de même que les perles rouge et verte, ainsi que le récipient, ont été importés directement. Pour une grande partie des objets, la composition, prise seule, ne nous donne pas de réelle indication chronologique car ce type de verre se rencontre dans l'ensemble des contextes datés de l' Âge du Fer au début du haut Moyen Âge. Cependant, en confrontant les données analytiques et typologique on peut émettre l'hypothèse que sur les vingt et un objets en verre de la Grotta Piatta étudiés ici, dix sont postérieurs au ii e siècle avant notre ère : ce sont les perles à feuille métallique, la perle violette GP 6, la perle rouge GP 176, le récipient GP 55 et la perle verte GP HS. En ce qui concerne les trois derniers objets, une datation du i er siècle de notre ère, voire plus tardive, peut même être avancée. Il n'est malheureusement pas possible de replacer aussi précisément les onze autres objets dans un contexte chronologique. Ils peuvent être antérieurs ou postérieurs au ii e siècle avant notre ère, leur période de diffusion allant pour certains du Hallstatt à la fin de l'Antiquité . | La Grotta Piatta est un site funéraire protohistorique découvert sur la côte Nord occidentale de la Balagne. Un nombre important de perles en verre y a été révélé. Sur les trois cent soixante-neuf pièces recueillies, une vingtaine a fait l'objet d'analyses pour déterminer leur composition ainsi que leur provenance. L'analyse a mis en évidence l'origine proche orientale de la pâte de verre utilisée comme matière première ; trois grands groupes ont été distingués, par rapport aux fondants et aux sables utilisés dans leur composition. Cependant, certains éléments ont montré des particularités. Chronologiquement, ce mobilier peut être rattaché à un contexte postérieur au IIe siècle av. J.-C. et postérieur au Iersiècle de notre ère, pour trois éléments se distinguant. | archeologie_08-0463635_tei_383.xml |
termith-146-archeologie | Cette étude a porté sur le matériel de Laugerie-Haute Est et Ouest appartenant aux faciès récent (Périgordien VI) et final (Protomagdalénien ou Périgordien VII) du Gravettien, soit 482 pièces conservées au Musée National de Préhistoire aux Eyzies-de-Tayac et provenant des collections Peyrony et Bordes (tabl. 1). Le débitage du bois de cervidés à Laugerie-Haute Est et Ouest relève de deux principaux schémas de transformation : par tronçonnage et par extraction. Nous nous attacherons uniquement à décrire et à analyser ce dernier schéma, à travers l'exemple du Gravettien récent de Laugerie-Haute Est, bien que les observations présentées soient également valables pour le Gravettien récent de Laugerie-Haute Ouest ainsi que pour le Gravettien final de Laugerie-Haute Est. Celles -ci sont exclusivement en bois de renne, animal dominant dans les restes de faune (Peyrony 1938). Il s'agit à la fois de bois de mue et de bois de massacre. Cette distinction n'est cependant pas possible lorsque les matrices sont localisées sur tronçons de perche ou sur andouillers (tabl. 2). Les déchets (épois, chevillure et andouillers) et les matrices de débitage sont abondants (n : 50). Ce sont les bois de moyen module qui ont été principalement recherchés comme l'attestent les mesures prises sur les matrices, les déchets de débitage (tabl. 3) mais aussi sur les supports produits et les objets finis. Toutefois, les bois de gros et petit module ont également été exploités mais de façon moindre. Les matrices de débitage sont fréquemment sur base et perche A (fig. 1), C ou BC (plus rarement sur perche ABC), ainsi que sur andouiller. Un seul épois de cerf a été exploité. Le schéma de transformation par extraction est essentiellement attesté sur bois de renne mais aussi sur quelques rares pièces en bois de cerf. Le débitage de l'os relève quant à lui des schémas de transformation par bipartition et par segmentation. Enfin, ne disposant pour l'ivoire que d'objets finis, nous sommes dans l'impossibilité de reconstituer les procédés employés pour son débitage. Les matrices présentent généralement une seule extraction et rarement plusieurs. Celles -ci ont majoritairement eu lieu sur les faces postérieure, latéro-postérieure ou antérieure de la perche A. Cette partie de la perche offre en effet, une importante épaisseur de tissu compact et une grande rectitude qui ont, semble -t-il, été recherchées. Le débordement volontaire de certaines extractions sur les faces latérales permettait d'obtenir un support encore plus large. On remarque aussi fréquemment un outrepassé des baguettes, certaines emportant avec elles une partie du cercle de pierrures. La production de baguettes est abondante. Ainsi, plus d'une trentaine d'extractions ont été dénombrées sur les matrices de débitage ainsi que 36 baguettes (brutes de débitage ou en cours de façonnage) et plus d'une centaine d'objets réalisés sur ce type de support. Cette production fait intervenir le procédé de double rainurage longitudinal ainsi que deux autres procédés de débitage, inédits jusqu'alors au sein du Gravettien (fig. 2) : un procédé de refend reposant sur l'association du tronçonnage et du fendage, un procédé mettant en jeu les techniques du rainurage (simple ou double) et du fendage. Sur certaines pièces, le double rainurage n'affecte qu'une faible longueur de la baguette à extraire, dans d'autres cas, seul un bord de la baguette a été en partie ou totalement délimité par rainurage (fig. 3). L'extraction est alors achevée par fendage. Cette utilisation de la fracturation contrôlée pour la production de supports allongés rappelle fortement le procédé aurignacien de refend. Cependant, dans le cas présent, le fendage est guidé partiellement par un rainurage simple ou double. Ce procédé d'extraction de baguette est très différent du double rainurage observé sur d'autres sites, dans les faciès ancien et moyen du Gravettien (La Gravette, Isturitz, Le Fourneau du Diable, l'Abri du Facteur…). Contrairement à ce dernier procédé, le rainurage n'a pas ici pour but de délimiter soigneusement la baguette sur toute sa longueur mais, davantage de contrôler les pans de fracture lors du fendage, en canalisant la propagation de l'onde de choc. Un procédé similaire a été mis en évidence, par H. M. Bricker et N. David (1984) à l'Abri Pataud, au sein du niveau 3 appartenant lui aussi au Gravettien récent. Une courte rainure a été creusée au milieu d'une perche qui, selon ces auteurs, devait permettre l'insertion d'un coin facilitant le fendage du bois en deux :“Two pieces of antler (neither of which is illustrated) seem to indicate an alternative technique for dividing the shaft into convenient pieces. A burin has been used to cut a very short groove (40 to 50 mm long) somewhere near the middle of the shaft. The piece in its present form is split along the axis of the groove. Presumably the short groove provided a placed for the insertion of a wedge, which was then driven in to split the antler.” (p.100). D'autres pièces, en revanche, témoignent de la seule utilisation du fendage à l'image du procédé aurignacien de refend. Ce dernier a été conduit sur des tronçons de perche ou d'andouiller. Il se caractérise sur les matrices et les baguettes, par des bords de détachement qui sont en réalité des pans de fracture. Le double rainurage stricto sensu, permet la production de supports parfaitement prédéterminés et par -là même une plus grande normalisation de ces derniers. Cependant, il nécessite un temps de travail assez important. A l'inverse, les procédés de refend et de rainurage/fendage permettent l'extraction rapide de supports allongés mais imposent en contrepartie, quelques contraintes. Ainsi, il existe un risque de fracture du support au cours du fendage. Pour pallier ce risque, il faut faire varier la largeur du produit linéairement avec la longueur : plus le support est long et plus il doit être large (Liolios 1999). Il n'est donc pas possible d'obtenir avec ces deux procédés, de fines et longues baguettes. Ce mode de débitage est plus rapide, mais il se fait aux dépens de la prédétermination morphologique des supports qui ne peuvent être vraiment normalisés. Si bien que le temps “gagné” au moment du débitage peut finalement être “perdu” au moment du façonnage si la forme de l'objet fini désiré est très éloignée de celle du support. Or, les seuls objets associés à ce mode de débitage à Laugerie-Haute Est sont des outils biseautés larges et épais (fig. 4), ne nécessitant pas d'étape de façonnage importante. En effet, ces derniers présentent une faible modification du support. Le produit est donc parfaitement adapté aux contraintes de ces procédés. Ce lien ne semble pas fortuit, il révèle plutôt que les Gravettiens, conscients des limites inhérentes à ce débitage faiblement prédéterminant, ont su en tirer avantage en les adaptant à leur objectif : celui de produire des supports larges et épais de section généralement planoconvexe et faiblement normalisés liés à la fabrication des outils biseautés (fig. 5). Ce procédé d'extraction en côtoie un second qui lui, permet d'obtenir des supports longs et étroits. Il s'agit du procédé de double rainurage longitudinal. Les baguettes ainsi obtenues sont de section quadrangulaire, trapézoidale ou planoconvexe suivant la localisation du débitage sur la perche et l'orientation du rainurage. Cette production est probablement à mettre en relation avec la fabrication des pointes de projectile. Cependant, la démonstration pèche par certains points. Les matrices témoignant de ce procédé présentent, en effet, des traces d'extraction de baguettes trop larges, pour correspondre parfaitement à la production de ce type d'objets. Néanmoins, certains supports bruts de débitage (fig. 6) ou en cours de façonnage (fig. 7) présentent des calibres et des morphologies tout à fait compatibles avec cette production. Aussi, nous émettons deux hypothèses : soit les matrices de débitage correspondantes se trouvent dans une zone non fouillée du gisement; soit les pointes et les supports ont été apportés sur le site, leur production s'étant faite ailleurs. Cependant, s'agissant de fouilles anciennes, la maille de prélèvement n'était pas suffisamment fine pour permettre la récupération d'éventuels déchets de façonnage. Aussi, il n'est pas possible de dire si les pointes ont été apportées finies ou si leur façonnage s'est fait sur place. En définitive, il existe à Laugerie-Haute Est deux grandes modalités de débitage au sein du schéma de transformation par extraction, reposant sur l'emploi de trois procédés : le double rainurage longitudinal, dont l'objectif est la production de supports fins prédéterminés, de section quadrangulaire, trapézoïdale ou planoconvexe provenant principalement des faces latérales ou postérieure de la perche A; le refend et le rainurage/fendage, dont l'objectif est la production de supports larges et épais, faiblement normalisés, de section planoconvexe et issus principalement des faces postérieure et antérieure de la perche A ou C. Ces deux modalités de débitage diffèrent par le degré de prédétermination et, par conséquent, par la morphologie des supports obtenus. Elles répondent à des objectifs différents adaptés aux contraintes et avantages de chacune. L'utilisation conjointe du double rainurage, du rainurage/fendage et du refend, n'est pas selon nous, le reflet d'un “tâtonnement technique ”. En effet, le procédé de double rainurage est ici bien maîtrisé. Cette utilisation mixte semble donc répondre davantage à un besoin d'efficacité. Lorsque l'objectif était de produire des supports prédéterminés et hautement standardisés (pour la fabrication de pointes de projectile), les Gravettiens de Laugerie-Haute ont eu recours au procédé de double rainurage. En revanche, dans le cadre d'une production faiblement normalisée, relevant de l'outillage de fonds commun et principalement des outils biseautés, le refend ou le procédé de rainurage/fendage, rapides et efficaces, répondaient parfaitement à cet objectif. Le procédé de refend était, jusqu' à présent, attesté uniquement à l'Aurignacien (Liolios 1999). Quant au procédé de rainurage/fendage, il ne semble pas connu à cette époque, en France (ibid.), en revanche, il est employé dans le débitage de l'ivoire sur des gisements allemands (Hahn 1995). Cette persistance ou ce retour aux procédés de refend et de rainurage/fendage, dans les faciès récent et final du Gravettien est fort surprenante. En effet, les séries du Gravettien moyen que nous avons étudiées (Isturitz, l'Abri du Facteur, Le Flageolet) ne font pas état de ces procédés. Il eut paru moins surprenant que ces derniers soient utilisés dans les phases antérieures du Gravettien et non à la fin de ce dernier. Leur présence dans le Gravettien récent et final de Laugerie-Haute Est et Ouest est-elle le résultat d'une pérennisation et d'une amélioration d'une tradition technique aurignacienne (puisque ici le fendage est parfois associé au rainurage, ce qui n'est pas le cas à l'Aurignacien, en France) ? Ou bien, s'agit-il d'une réinvention témoignant d'une évolution diachronique dans le débitage des bois de cervidés faisant apparaître de nouveaux comportements techniques dans les phases récentes du Gravettien ? Enfin, nous pourrions aussi considérer l'emploi de ces procédés à Laugerie-Haute comme le signe marqueur d'un groupe humain particulier et non comme celui d'une phase précise du Gravettien. Dans l'hypothèse d'une pérennisation de ces procédés tout au long du Gravettien, comment se fait-il que nous n'en observions aucune trace dans les gisements des faciès moyens que nous avons étudiés et qui pourtant (mis à part Isturitz situé dans les Pyrénées-Atlantiques) proviennent tous de la même zone géographique (Dordogne). Si les séries appartenant au Gravettien moyen sont suffisamment nombreuses pour être représentatives, en revanche, celles du Gravettien ancien (La Gravette, Le Fourneau du Diable, Le Flageolet) ne le sont pas et les informations qu'elles ont livrées sur le sujet sont trop ténues pour que nous puissions vraiment nous prononcer. Bien que l'industrie osseuse de La Gravette et du Fourneau du Diable atteste de l'utilisation ponctuelle du double rainurage, cette constatation repose sur l'analyse de deux séries seulement, qui plus est, trop peu importantes pour être significatives, tandis que les données fournies par Le Flageolet sont très lacunaires et très difficiles à interpréter. Il est donc impossible d'affirmer que le double rainurage est le seul procédé d'extraction employé au Gravettien ancien. Qui plus est, à La Gravette, le double rainurage n'est attesté que sur l'os (par une matrice de débitage et un mésial de pointe). Quant au bois de cervidés, en raison de la disparité des traces de débitage longitudinal et du façonnage important des objets, le procédé d'extraction employé pour ces derniers est difficile à appréhender. Enfin, au Flageolet, l'industrie en bois de cervidés est rare et une seule pièce pourrait peut-être présenter les vestiges d'un double rainurage sur l'un de ses bords. En définitive, seul l'élargissement de notre étude à d'autres séries gravettiennes et la répétition de ces observations permettront de corroborer l'une ou l'autre de ces hypothèses . | La caractérisation des schémas opératoires de transformation des matières osseuses au Gravettien en France, n'en est pour l'instant qu'à ses balbutiements. L'étude de l'industrie osseuse des gisements de Laugerie-Haute Est et Ouest apporte de nouvelles informations sur le sujet. En effet, son étude nous a permis d'identifier des schémas opératoires inédits dans le débitage du bois de cervidés au Gravettien, mettant en jeu les procédés de refend - attestés jusqu'alors uniquement pour l'Aurignacien - et de rainurage/fendage. | archeologie_525-07-10153_tei_261.xml |
termith-147-archeologie | L'étude de la production des outils lithiques au Paléolithique moyen est fondamentale pour la compréhension du comportement des Néandertaliens. Elle permet de retracer les étapes de conception et de réalisation des outils et d'essayer d'entrevoir les facteurs qui ont influencé les artisans dans leurs choix. Le gisement de Riencourt-lès-Bapaume offre à ce propos, une perspective de recherche diachronique des plus intéressantes. Ces nombreux niveaux archéologiques permettent d'aborder la production lithique sur la première moitié du Weichselien (stades isotopiques 5c à 4), tout en réduisant les facteurs ayant pu l'influencer, du fait d'un contexte environnemental commun. Toutes les données de cet article sont issues d'une étude réalisée dans le cadre d'une thèse de Doctorat (Vande Walle, 2002a), excepté celles du niveau CA, qui proviennent de différentes publications (Ameloot-Van der Heijden, 1991a et b; Tuffreau, Ameloot-Van der Heijden et Ducrocq, 1991; Tuffreau et al. 1993). Le gisement de Riencourt-lès-Bapaume (fig.1) a été fouillé par A. Tuffreau en 1989, dans le cadre d'une opération de sauvetage sur le tracé du TGV Nord (Tuffreau et al. 1993). Il s'agit d'une fouille extensive, sur un gisement de plein air du Paléolithique moyen situé sur le Seuil de Bapaume, sur la ligne de partage des eaux des bassins de la Somme et de l'Escaut (Tuffreau, 1976). Le site prend place sur la partie supérieure d'un versant orienté à l'est. Cet emplacement devait certainement constituer un lieu de passage pour les groupes préhistoriques qui suivaient les déplacements des grands troupeaux pour la chasse. En outre, l'implantation des hommes à cet endroit précis, résulte de certains facteurs tels que la position sur un plateau surplombant la vallée d'environ 125 m, la proximité du cours d'eau de l'Hirondelle (tributaire de la Sensée) ainsi que la présence de gîtes de matière première de très bonne qualité. La fouille a été réalisée de part et d'autre d'un talweg fossile, colmaté par 6 m de colluvions holocènes. On peut évaluer à près de 1000 m 2 la surface complètement fouillée au nord du talweg (chantier Nord) et à 580 m 2 celle au sud de celui -ci (chantier Sud) (fig.2). De nombreux niveaux archéologiques y ont été identifiés (du plus ancien au plus récent H, CA, C, B2 et B1, dans le chantier Nord et les séries III et II dans le chantier Sud). Les séries III et H n'ont pas été intégrées à l'étude car elles ne comportent que peu ou pas d'outils associés à quelques nucléus et produits de débitage non prédéterminés. Différentes unités lithostratigraphiques (fig.2) ont été reconnues sous la terre végétale : 1 : limons à litages épais, 2 : limons lités, 3 : sable, 4 : horizon B de sol lessivé, 5 : horizon B fauché du sol lessivé, 6 : horizon humifère, 7 : industrie lithique, 8 : grande fente de gel. La position des différentes occupations dans le temps peut donc être abordée grâce à la chronostratigraphie. En effet, les niveaux n'ont pas été remaniés et seuls de légers phénomènes taphonomiques ont pu les affecter (ruissellement), sans porter atteinte à leur intégrité. Le cadre stratigraphique ne sera pas décrit davantage dans cet article puisqu'il a déjà été présenté lors de publications antérieures (Tuffreau et al. 1993). Rappelons simplement que dans ce sédiment particulièrement acide, aucun reste faunique n'a été conservé. Toutes les séries lithiques étudiées appartiennent au Pléistocène supérieur. Par leur abondance et leur qualité, elles constituent une source d'informations remarquable sur les groupes humains du Paléolithique moyen récent. la série II (Vande Walle 2001a, 2001b) : Elle correspond à l'occupation la plus ancienne du gisement (stade isotopique 5c). Elle comporte 1930 pièces ramassées sans tri par quart de mètre carré sur une superficie d'environ 580 m 2. La densité moyenne est donc de trois pièces par mètre carré. Les outils sont assez nombreux (n =356); ils représentent 18,4 % de l'assemblage. la série CA (Vande Walle 2001b) : Elle est datée du stade isotopique 5a (Début Glaciaire weichselien). Elle a livré 5 000 artefacts récoltés sur une superficie de 40 m 2. La densité moyenne est donc beaucoup plus élevée que la précédente avec environ 125 pièces par mètre carré. C'est un échantillon de 773 pièces, contenant l'ensemble des outils (n =123), qui a servi de base à l'étude (Ameloot-Van der Heijden, in Tuffreau et al. 1993). la série C (Vande Walle 2001a, 2002b) : Elle prend place entre la fin du Début Glaciaire et le début du Pléniglaciaire weichselien (stade isotopique 5a / 4). C'est la principale occupation humaine du gisement avec plus de 50 000 pièces provenant d'une surface de plus de 600 m 2. C'est une surface d'une quarantaine de mètres carrés (37 m 2 réels) qui a été étudiée, comprenant 18 653 vestiges. La densité moyenne est donc très élevée avec plus de 500 pièces par mètre carré. Les outils représentent environ 2 % (n =386). la série B2 (Vande Walle 2002a) : Elle appartient au Pléniglaciaire weichselien (stade isotopique 4). Elle a été identifiée sur 270 m 2 et a donné 8 793 vestiges lithiques, ce qui fait une densité moyenne de l'ordre de 33 pièces par mètre carré. La série contient 277 outils, ce qui correspond à plus de 3 % de l'assemblage. la série B1 (Vande Walle 2002c) : Appartenant au Pléniglaciaire weichselien, elle succède très rapidement à la série B2. Plus riche, elle contient 16 407 artefacts issus d'une surface similaire à la précédente, 270 m 2. La densité moyenne y est deux fois plus importante avec une soixantaine de pièces par mètre carré. Les outils y sont également plus fréquents (n =1045). Ils représentent 6,4 % de la série. La matière première utilisée dans la totalité des assemblages est le silex sénonien d'origine locale (silex de la craie). Il est de bonne qualité et se prête parfaitement aux activités de taille. En outre, la morphométrie différentielle des rognons a permis aux artisans de varier les modes de débitage (Levallois, laminaire). Plusieurs gîtes de matière première ont été identifiés aux abords immédiats du site. Leur proximité était pressentie par l'homogénéité de la matière utilisée, ainsi que par la quantité de pièces mises au jour (environ 86 000 au total). Quelques blocs de grès ont été taillés dans des proportions anecdotiques (environ un à deux par niveaux) ainsi que des galets de silex à cortex verdâtre (provenant d'assises du Paléocène – niveau CA). Le choix de la matière première, intervenant en amont de la chaîne de production, n'apparaît donc pas être un facteur déterminant dans la production des outils, du fait de son unicité lithologique. L'épaisseur de la couverture limoneuse a permis une bonne conservation de l'ensemble des artefacts. Les séries sont généralement dans un état de fraîcheur apparent avec cependant quelques pièces lustrées. Les patines observées vont du noir au gris (séries CA, C et B1) mais présentent également des nuances de roux et de beige (série II). Seule la série B2 présente un aspect fortement patiné bleu vermiculé. Le découpage des phases opératoires a été adapté à partir de travaux antérieurs (Geneste, 1985; Delagnes, 1992) afin d' être applicable à la totalité des assemblages concernés. Dans chacun des niveaux archéologiques, la phase d'acquisition est toujours très faible, de l'ordre de quelques blocs, voire inexistante (niveau C). Les Néandertaliens n'ont donc vraisemblablement pas apporté de blocs entiers de matière première sur le site. Il est probable qu'ils les aient dégrossis directement sur le gîte. La phase de mise en forme est, quant à elle, bien représentée au sein des assemblages (entre 15 et 30 %). Elle a donc dû se dérouler, au moins en partie, in situ. Cela semble également être le cas pour la phase de production des supports qui représente généralement plus du quart des assemblages. Cependant, la faible représentativité des nucléus dans certaines industries (niveaux C, B2 et B1) pourrait suggérer l'existence d'une importation de produits finis, débités à l'extérieur du site. Enfin, la phase de confection des outils, même si elle n'a pu être appréciée, semble avoir eu lieu in situ. La multitude d'esquilles et d'éclats inférieurs à 2 cm en est une preuve et la quantité de supports retouchés, portant parfois des traces d'utilisation, en est une autre. L'ensemble de ces données semble suggérer que les artisans néandertaliens des différents niveaux de Riencourt avaient un comportement économique relativement similaire, malgré les dizaines de milliers d'années pouvant les séparer. L'étude des chaînes opératoires a montré que chaque assemblage présentait des spécificités technologiques au niveau de son débitage. Dans l'ensemble, toutes les industries lithiques présentent un débitage Levallois, marqué par une prédominance de la méthode récurrente centripète (fig.3 n° 3 à 6; fig.4 n° 4; fig.5 n° 1 à 3; fig.6 n° 1; fig.7 n° 2) parfois fortement associée à la méthode préférentielle (niveau B2), (fig.4 n° 1; fig.6 n° 2, 3). On note ensuite, une représentation relativement importante de la méthode récurrente unipolaire dans les assemblages II (fig.3 n° 1) et C (fig.5 n° 6) et plus faible dans les autres (fig.4 n° 2; fig.7 n° 1). Pour ce qui est de la méthode récurrente bipolaire, elle n'est utilisée qu'occasionnellement dans les niveaux C, II et B1. Enfin, la méthode récurrente orthogonale n'est que ponctuellement employée dans les séries CA (fig.4 n° 3) et C. Néanmoins, dans les niveaux CA (fig.4 n° 5 et 6) et C (fig.5 n° 4, 7, 8, 9), le débitage Levallois est associé à un débitage volumétrique de lames où la méthode bipolaire prédomine sur l'unipolaire. Ce débitage laminaire constitue une des particularités des assemblages du Paléolithique moyen dans cette région (Seclin (Nord), Saint-Germain-des-Vaux/Port-Racine (Manche), Ettouteville (Seine-Maritime), Vinneuf (Yonne), Rocourt (Belgique)… (Tuffreau, 1983; Révillion et Tuffreau, 1994; Delagnes et Ropars, 1996). Dans les niveaux II et B2, seuls quelques nucléus semblent se rapprocher assez maladroitement d'une exploitation volumétrique. Enfin, dans le niveau B1 (fig.7 n° 3, 4), les chaînes opératoires laminaires prennent place en position secondaire sur fragments de nucléus ou gros éclats d'épannelage. La forme de ces derniers, cylindriques et allongés, semble à l'origine de la sélection. Quant au débitage non prédéterminé (fig.3 n° 2; fig.5 n° 5), qu'il soit unipolaire, bipolaire ou centripète, il est plutôt bien représenté dans l'ensemble des niveaux, excepté dans le niveau CA qui comporte toutefois, beaucoup de nucléus indéterminés. Parmi l'ensemble des occupations de Riencourt, les niveaux B2 et B1 semblent donc relativement proches d'un point de vue technologique tout comme les niveaux CA et C, bien que dans le niveau CA, le débitage laminaire soit mieux représenté que le débitage Levallois. Par ailleurs, il apparaît que l'utilisation du débitage volumétrique par les artisans, n'ait été qu'un moyen mis en place pour obtenir plus facilement des lames morphologiquement mieux standardisées et en quantité plus importante. En effet, dans les autres niveaux, les lames, morphologiquement parlant, sont également présentes même si elles le sont en moins grande quantité (cf. annexe 6). Elles sont obtenues par débitage Levallois ou par débitage non prédéterminé (environ 5 % de l'outillage du niveau II par exemple). La connaissance et le savoir-faire de l'exploitation volumétrique semblent donc être liés à un phénomène culturel propre à certains groupes néandertaliens. Ce phénomène apparaît comme relativement calé dans le temps (entre la fin du stade isotopique 5 (5a) et le début du stade 4) et dans l'espace, en regard des autres gisements comportant un débitage laminaire de « type Paléolithique supérieur ». La représentation graphique des principaux indices typologiques permet d'évaluer la composition de l'outillage des différentes séries (fig.8) : indices des outils moustériens (IIréd.), des bords convergents (IBC), des outils de type Paléolithique supérieur (IIIréd.), des denticulés (IVréd.) et des encoches et denticulés réunis (IVélarg.). Ces indices ont été calculés à partir des décomptes établis suivant la liste de Bordes (Bordes, 1961) (cf. annexes 1 à 5). Par le biais des courbes obtenues, nous constatons que les artisans des niveaux II (fig.9), C (fig.11), B2 (fig.12) et B1 (fig.13) ont fabriqué leurs outils dans des proportions relativement similaires. Les outils moustériens, où dominent les racloirs simples, sont soit les plus nombreux (entre 40 et 55 %), soit en quantité équivalente aux encoches et denticulés. Les outils à bords convergents sont bien représentés (entre 20 et 30 %), avec notamment beaucoup de racloirs convergents sur pointes Levallois dans les niveaux II et B1. Enfin, les outils de type Paléolithique supérieur sont plus rares (moins de 10 %). Parmi eux, ce sont les burins les plus fréquents, suivis par les grattoirs et les perçoirs. Le niveau CA s'individualise par rapport à sa composition typologique (fig.10). Les outils du groupe moustérien sont aussi nombreux, par contre les outils à bords convergents et les encoches et denticulés, sont moins bien représentés, au profit des outils de type Paléolithique supérieur qui dépassent les 20 % (IIIréd. =22,2). Enfin, il faut noter la présence de pièces foliacées bifaciales et de quelques prondniks dans le niveau B1 (fig.14), semblant se rapprocher de la tradition micoquienne (Boëda, 1995, Farizy, 1995, Valoch, 1995). Cette singularité est probablement le reflet d'une influence culturelle orientale, propre à ce groupe. Sur les dizaines de milliers d'années qui séparent l'occupation du niveau II de celle du niveau B1, les Néandertaliens ont donc confectionné des outillages relativement similaires, excepté dans le niveau CA. Il est donc possible d'imaginer que dans des niveaux d'habitat de plein air, correspondant globalement à des périodes climatiques froides, les hommes aient eu les mêmes besoins et qu'ils aient donc pratiqué les mêmes types d'activités. Outre les outils simples, les artisans ont également confectionné des outils composites en quantité plus ou moins importante. Ainsi, dans le niveau II, 14,6 % (n =52) des supports d'outils comportent au moins deux outils différents, voire trois, ce qui est considérable. Ensuite, les niveaux C, B2 et B1 ont des pourcentages similaires compris entre 7,6 % (n =21) pour B2 et 9,1 % pour C (n =26) et B1 (n =95). Enfin, dans le niveau CA, seul 1 % (n =1) des supports est un outil composite. Les associations observées sont semblables dans tous les niveaux. Les outils les plus souvent associés sont le racloir simple, l'encoche et le denticulé. Les outils convergents et les outils de type Paléolithique supérieur, généralement le burin, ne sont que très rarement associés. Il peut apparaître surprenant de trouver autant d'outils composites dans des niveaux où la matière première semble à première vue abondante. Les supports potentiels ne devaient pas manquer et ce n'est vraisemblablement pas pour en économiser que les artisans y ont confectionné plusieurs outils. Dans l'ensemble, les types de retouche les plus fréquemment utilisés par les artisans sont la retouche subparallèle (niveaux II, B2 et B1) et la retouche écailleuse (niveaux CA et C). Toutes deux sont plutôt de nature à ne transformer que faiblement les tranchants des supports. Cela semble suggérer que le degré de prédétermination morphologique du support par rapport à l'outil fini devait être assez important. Il est donc probable que la sélection des supports ait été basée sur des critères morphométriques. La retouche scalariforme est assez bien représentée, surtout dans les niveaux II, C et B2. Contrairement aux deux précédentes, elle semble avoir un effet plus transformatif sur la surface des supports. Quant à la retouche clactonienne, elle est classiquement utilisée dans l'aménagement des encoches et des denticulés. Enfin, la retouche parallèle est plutôt rare, quel que soit le niveau archéologique. Après avoir opéré des recoupements entre les types de retouches, leurs inclinaisons et leurs étendues, certaines caractéristiques ont été mises en évidence (tabl.2). Ainsi, il semble exister : des retouches ayant un faible pouvoir transformatif au niveau du profil du support : la retouche subparallèle et la retouche écailleuse. Cette dernière sera préférée lorsque l'étendue à retoucher sera plus importante; des retouches ayant un fort pouvoir transformatif : la retouche clactonienne et la retouche scalariforme, laquelle correspondra davantage à une étendue importante de retouche. D'après les grandes tendances observées, la retouche parallèle tient un peu le rôle de retouche transitionnelle. Correspondant généralement à une étendue marginale, elle semble aménager aussi bien des profils rasants qu'obliques. Enfin, il est apparu que la détermination de la retouche ne semblait pas tributaire de la nature technologique du support. Elle dépendait plutôt de la morphologie originelle du support et du type d'outil que les artisans néandertaliens voulaient aménager. C'est l'évaluation de la transformation à apporter qui devait probablement motiver l'emploi de tel ou tel type de retouche (fig.15). Le choix de l'emplacement de la partie active sur le support est directement lié à la sélection de ce dernier. En effet, l'artisan délimite mentalement trois zones sur le support : la zone active (qui sera en contact avec la matière à transformer), la zone de préhension (permettant de manipuler l'outil de façon optimale) et la zone intermédiaire (qui ne doit pas interférer lors de l'utilisation de l'outil). La confrontation des données a montré que les parties latérales des supports étaient celles qui étaient le plus fréquemment retouchées, avec une légère prédominance à droite pour l'aménagement des racloirs simples (niveaux II, B2 et B1). Il semble que ce soit en réalité la plus grande longueur du support qui ait intéressé l'artisan, exception faite des grattoirs et des burins. D'autre part, dans l'ensemble des niveaux, c'est la retouche directe qui prédomine largement. La retouche inverse n'est qu'occasionnelle, tout comme la retouche alterne. Il semblerait que les Néandertaliens de Riencourt aient sélectionné leurs supports de façon à réduire au minimum la phase d'aménagement pour obtenir l'outil escompté. Ce sont donc des critères morphométriques qui auraient été prédominants. Pour ce qui est de la technique de retouche, il semble que ce soit des percuteurs tendres qui aient été utilisés dans les différents niveaux de Riencourt. Les artisans de Riencourt ont utilisé de nombreux types de supports pour aménager leurs outils (fig.16). Ce sont les éclats indifférenciés, éclats corticaux ou non, qui ont été le plus fréquemment aménagés (entre 48 et 62 % pour tous les niveaux). Ensuite, ce sont les éclats Levallois, les mieux représentés, avec environ 15 % pour les niveaux II, CA, C et B1 et plus de 25 % pour B2. Les lames Levallois sont beaucoup plus rares; il ne semble pas y avoir de distinction spécifique dans leur traitement. Quant aux pointes Levallois, elles sont assez souvent utilisées dans les niveaux B2 (10 %), II et B1 (6 %). Par contre, elles le sont moins dans le niveau CA (3 %) et pas du tout dans le niveau C. Les couteaux à dos naturel servent de supports dans tous les niveaux, excepté CA. Ils sont particulièrement nombreux dans le niveau C (13 %), puis se situent autour de 7 à 8 % dans les trois autres assemblages. Les éclats débordants, pourtant proches morphologiquement des couteaux à dos naturel, sont beaucoup moins représentés. Cependant, il est intéressant de constater qu'ils semblent venir compléter les taux des couteaux à dos dans le but de constituer environ 10 % des supports à l'arrivée. Il se pourrait donc que ces supports à dos aient été utilisés indifféremment en fonction de leur représentation. Les lames sont des supports d'outils plutôt rares. Elles représentent entre 2,5 et 3,7 % dans les niveaux II, B2 et B1. Dans le niveau C, comportant un débitage volumétrique de lames, elles n'atteignent que 5 %, contre près de 20 % dans le niveau CA présentant des caractéristiques technologiques similaires. Enfin, les nucléus ne semblent être que des supports occasionnels. Ils ne servent pas de supports d'outils dans le niveau CA et dans les autres assemblages, ils sont compris entre 3 et 5 %, excepté pour C où ils atteignent 8 %. Globalement, les Néandertaliens de Riencourt ont utilisé les mêmes types de supports pour aménager leurs outils. Les petites différences observées semblent imputables aux types de débitage mis en œuvre. D'un point de vue plus général, ces tendances sont partagées par de nombreux autres assemblages moustériens. C'est le cas dans le niveau I de Bérigoule (Texier 1994, Vande Walle 2002a) mais aussi à Fitz-James (Teheux 1999; Vande Walle, à paraître) ou encore dans la couche 2 des Canalettes (Meignen 1993). Les données de CA ne nous ont pas permis de calculer les indices de transformation (fig.17). D'une manière générale, on peut remarquer que la transformation des supports en outils est plus intense dans le niveau II. Les niveaux B1 et B2 arrivent ensuite, suivis du niveau C. Par ailleurs, il semblerait que les Néandertaliens des niveaux II, B2 et B1 aient produit de nombreuses pointes Levallois afin de les transformer en outils (II = 58; B1 = 45,5 et B2 = 41). Dans de moindres proportions, il en va de même pour les éclats Levallois (indices d'environ 18). Outre cette production intentionnelle, ils semblent avoir su mettre à profit l'existence des éclats débordants et des couteaux à dos naturel, dans des aménagements d'outils peut-être plus opportunistes. L'utilisation des éclats ordinaires apparaît également comme opportuniste dans les niveaux B2 et B1, alors qu'elle est plus marquée dans le niveau II. Enfin, les nucléus n'ont été transformés en supports que de façon occasionnelle si l'on se rapporte aux chiffres (indices entre 3 et 9). Pour le niveau C, il ne semble pas y avoir de production intentionnelle marquée. Ce sont les éclats débordants et les couteaux à dos naturel qui sont le plus souvent transformés en outils suivis par les nucléus. Ensuite, arrivent les produits laminaires, les éclats ordinaires puis les Levallois. Il est possible que ce résultat soit dû à une forte utilisation des produits Levallois et laminaires à l'état brut. Quel que soit le niveau, les artisans de Riencourt ont su mettre à profit les différents composants de leur débitage. Mais ils ont également fait preuve d'anticipation en produisant les supports dont ils avaient besoin pour l'aménagement des outils. Cette constatation n'est pas réservée au seul gisement de Riencourt. Dans le niveau IIA de Biache-Saint-Vaast (Tuffreau, Sommé 1988; Vande Walle 2002a) ainsi que dans le niveau I de Bérigoule, les indices de transformation des pointes Levallois sont également élevés (respectivement 70 et 30 %). La représentation graphique des indices concernant la Relation Outil / Support, ROS (Vande Walle 2002) va permettre de comparer l'utilisation des différents groupes de supports, à la fois sur le plan quantitatif mais aussi d'un point de vue qualitatif, en établissant les liens avec chacune des grandes catégories d'outils. Groupes de supports : ordinaires, à dos, Levallois, pointes Levallois, lames, divers. Catégories d'outils : A : ensemble des racloirs simples, B : racloirs doubles, C : outils convergents, D : denticulés et encoches, E : outils du groupe III (burin, grattoir, perçoir…) et F : outils façonnés (bifaces…). L'observation des ROS permet de dégager certaines tendances communes à l'ensemble des niveaux : les supports ordinaires sont utilisés pour aménager toutes les catégories d'outils avec une prédominance des encoches et denticulés et des outils du groupe III; les éclats et lames Levallois sont présents dans toutes les catégories sauf celle des outils du groupe III. Ils sont cependant plus souvent utilisés pour l'aménagement des outils moustériens, avec une dominance pour les racloirs doubles (niveaux C, B2, B1) ou les outils convergents (niveau II); les pointes Levallois sont employées essentiellement pour l'aménagement des outils convergents (niveaux II, B2, B1). Dans le niveau B2, elles servent aussi de supports aux racloirs doubles puis plus rarement aux racloirs simples, aux encoches et denticulés. Dans le niveau B1, leur utilisation est similaire mais dans des proportions plus importantes; les supports à dos sont les supports de toutes les catégories d'outils, avec toutefois une légère dominance des racloirs simples et des encoches et denticulés (niveaux II, C, B2, B1). Aucune relation préférentielle ne semble s'établir pour ce groupe; les lames ne servent de supports qu'aux outils du groupe III (niveau C), puis plus occasionnellement aux outils moustériens (niveau C et B1) ou encore aux encoches et denticulés (niveau C); enfin, les supports divers ne semblent pas correspondre à une utilisation spécifique. On remarquera simplement la petite prédominance des encoches et denticulés, suivis par les racloirs simples, sauf dans le niveau II où ce sont les racloirs doubles qui dominent. Le comportement des artisans de Riencourt lors de la sélection de leurs supports se révèle être similaire en bien des points. Il semblerait que les relations préférentielles entre les groupes de supports et les catégories d'outils aient perduré durant plusieurs dizaines de milliers d'années avec, à l'heure actuelle, une parenthèse d'inconnu pour le niveau CA. Il est probable que ce soit la combinaison « critères morphométriques des supports / fonctions spécifiques des catégories d'outils » qui soit la cause de ces associations dominantes. D'ailleurs, on les retrouve dans d'autres assemblages moustériens (Bérigoule, Biache-St-Vaast, Les Canalettes, Corbehem (Tuffreau, 1979), Bettencourt-St-Ouen (Locht et al. 2002), St-Germain-des-Vaux (Cliquet 1992) …). Pour les niveaux II et C, les outils ont été mesurés afin de déterminer s'il existait des constantes au niveau de la dimension des supports par catégories d'outils (fig.19). Les outils moustériens ont tendance à être aménagés sur des supports de grandes dimensions, allongés et minces (fig.20a et b). Dans le détail, les supports de racloirs simples dominent (L = 70 mm, l = 40-45 mm, e = 13-14 mm). Ceux des racloirs doubles et des outils convergents suivent avec des dimensions similaires (L = 65 mm, l = 40-50 mm, e = 11-13 mm). La réalisation des grattoirs se fait sur supports plutôt épais, très courts (L = 40 mm env.) voire plus larges que longs (niveau II), tandis que les burins ont les supports les plus étroits (30 mm en moyenne) et les plus épais (15 mm en moyenne) avec un allongement important (module >2). Les supports d'encoches présentent des moyennes légèrement inférieures à celles des denticulés dans toutes les dimensions. Cependant, leurs supports respectifs sont compris entre 50 et 60 mm de long et présentent une largeur d'environ 40 mm. En outre, les denticulés sont généralement sur des supports plus épais. Enfin, les outils composites présentent des caractéristiques intermédiaires entre les outils moustériens et les encoches – denticulés, peut-être parce qu'ils regroupent le plus souvent les deux catégories d'outils. Les Néandertaliens des niveaux II et C ont donc développé des stratégies très proches lors de la production de leur outillage. L'hypothèse d'une sélection des supports selon des critères morphométriques semble ici se confirmer et il est probable que ce soit la fonction de l'outil à aménager qui détermine les critères. Ces similitudes pourraient être le résultat d'un héritage culturel et technique, propre à un groupe d'homme. Cependant, ces relations spécifiques entre dimensions des supports et catégories d'outils ont également été observées dans d'autres assemblages, notamment le niveau I de Bérigoule (Texier 1994; Vande Walle 2002a). Il semblerait donc qu'il s'agisse d'un comportement relativement fréquent dans la période moustérienne. Les niveaux archéologiques II, CA, C, B2 et B1, issus du gisement de Riencourt-lès-Bapaume, correspondent à des occupations de plein air dans un contexte glaciaire (entre les stades isotopiques 5c et 4). Le matériel qui constitue les différents assemblages est très frais et de bonne qualité. La matière première est d'origine locale et les gîtes se situent à proximité immédiate du site. Dans l'ensemble des niveaux, nous avons pu remarquer un comportement économique relativement similaire. Ainsi, les artisans ont, en général, dégrossi les blocs de matière première directement sur les gîtes, avant de les rapporter in situ pour les mettre en forme, les débiter et confectionner leur outillage. Les modes de débitage mis en œuvre dans tous les assemblages relèvent essentiellement du concept Levallois avec la mise en place de méthodes centripètes puis unipolaires et bipolaires. Ils sont complétés par des débitages à enlèvements non prédéterminés, unipolaires, bipolaires et centripètes. En outre, les niveaux CA et C se différencient des autres par la présence d'un débitage laminaire de conception volumétrique (unipolaire et bipolaire). Cette originalité, calée entre le stade isotopique 5a et le début du stade 4, pourrait être imputable à une influence culturelle. En effet, la déclinaison des facteurs est limitée par un contexte environnemental et climatique semblable, induisant probablement des activités analogues, ainsi que par des conditions d'approvisionnement en matière première similaires. Dans l'ensemble, les produits obtenus sont les mêmes : éclats et lames Levallois, éclats à dos, éclats corticaux, de plein débitage, laminaires et indéterminés… Mais dans le détail, il existe certaines différences, notamment dans les niveaux CA et C qui contiennent davantage de lames que les niveaux II, B2 et B1. À l'inverse, ces derniers comportent de nombreuses pointes Levallois plutôt rares dans les niveaux laminaires. Les artisans semblent donc orienter leur production de supports en fonction des modes de débitages connus et maîtrisés. Par ailleurs, nous avons constaté que la composition de l'outillage est très proche dans les niveaux II, C, B2 et B1. Les outils moustériens y dominent avec une majorité de racloirs simples et des outils convergents assez nombreux. Les encoches et denticulés sont également bien représentés. Par contre, les outils de type Paléolithique supérieur essentiellement composés de burins sont plus rares. Dans le niveau CA, les outils du groupe III sont beaucoup plus fréquents aux dépens, semble -t-il, des outils convergents. Ceci pourrait indiquer une fonction de site différente des autres. La confrontation des types de supports utilisés pour chaque catégorie d'outil a permis de mettre en évidence une sélection basée sur des critères morphométriques, que l'on retrouve dans d'autres assemblages moustériens. Ainsi, les outils moustériens sont aménagés sur des supports plutôt minces et de grandes tailles, tandis que les outils de type Paléolithique supérieur sont sur des supports allongés et les encoches et denticulés, sur des supports plutôt épais. Dans le détail, il s'avère que les racloirs doubles sont préférentiellement aménagés sur des éclats Levallois offrant des lignes régulières, une faible épaisseur et des longueurs de tranchant intéressante. Les outils convergents sont eux essentiellement associés aux pointes Levallois (plus de 40 % d'entre elles sont retouchées dans les niveaux II, B2 et B1) ou à défaut, à d'autres supports Levallois. Les racloirs simples prennent place sur des supports technologiquement divers (éclats, couteaux à dos, nucléus…). Il semblerait que la seule condition soit la présence d'un tranchant relativement long. Les burins sont généralement aménagés sur des lames ou des éclats allongés, contrairement aux grattoirs qui sont sur des supports larges et courts. Il est intéressant de remarquer qu'aucun outil du groupe III ou presque n'est confectionné sur supports Levallois. Enfin, les encoches et denticulés sont aménagés sur les mêmes types de supports. Ils présentent une diversité aussi importante que celle des supports des racloirs simples. Toutefois, les supports Levallois sont moins fréquents, au contraire des éclats débordants. Au demeurant, les techniques employées pour la confection des outils sont identiques en plusieurs points. En effet, les retouches les plus fréquemment utilisées sont les retouches écailleuses et subparallèles. Celles -ci se sont avérées n'avoir qu'un faible pouvoir transformatif sur les supports (étendues marginales et inclinaisons rasantes dominantes), ce qui argumente la présomption d'une sélection morphométrique en rapport avec les caractéristiques fonctionnelles des outils aménagés. Le comportement des artisans de Riencourt se révèle donc être similaire en bien des points avec toutefois de petites nuances pour le niveau CA. Le fait que les différents outillages aient des compositions très proches et des supports d'outils morphométriquement semblables pourrait suggérer que les artisans pratiquaient les mêmes types d'activités. La similitude du contexte environnemental (topographie, climat, faune et flore) et la proximité de gîtes de matière première de bonne qualité ont peut-être contribué à cette apparente stabilité fonctionnelle. Quant aux nuances observées dans les systèmes de production, au niveau des modes de débitage ou de la fabrication de certaines catégories d'outils (niveaux CA et C), il est probable qu'elles soient imputables à des influences culturelles. Le gisement de Riencourt-lès-Bapaume constitue donc une source d'informations capitales puisqu'il permet d'appréhender les stratégies de production des outils lithiques développées par les Néandertaliens sur plusieurs dizaines de milliers d'années. En outre, par le biais de la comparaison diachronique, il a été possible de mettre en évidence le rôle des influences culturelles sur la variabilité des assemblages moustériens . | Le gisement de Riencourt-lès-Bapaume comporte cinq niveaux principaux (II, CA, C, B2 et B1) correspondant à des occupations de plein air du Pléistocène supérieur. Ces assemblages lithiques ont servi de base à une approche diachronique des stratégies de production des outils. Par la confrontation des données observées, il a été possible de mettre en évidence de nombreux points communs, concernant le comportement économique des artisans néandertaliens, les types de débitage mis en oeuvre, la composition typologique de l'outillage, la nature et les critères morphométriques des supports d'outils et les techniques de retouche employées. Ces similitudes pourraient résulter de la pratique d'activités semblables induites par des facteurs environnementaux et climatiques stables durant les différentes occupations, ainsi que par l'omniprésence de gîtes de matière première de bonne qualité. Quant aux singularités observées, elles seraient plutôt imputables à des influences culturelles propres à chacun des groupes humains. | archeologie_525-06-10679_tei_268.xml |
termith-148-archeologie | Le site de Souffelweyersheim « Les Sept Arpents » est localisé à quatre kilomètres au nord de Strasbourg, sur le rebord nord-est de la terrasse loessique de Schiltigheim, à environ 140 m d'altitude (fig. 1 et 9). L'habitat protohistorique s'est implanté sur un terrain présentant une très légère pente nord-ouest/sud-est. La rivière la Souffel, qui traverse la commune d'ouest en est, en longeant le rebord septentrional de la terrasse, s'écoule à quelque 750 m au nord du secteur étudié. Un projet de lotissement communal a motivé une opération de diagnostic, puis une fouille de sauvetage réalisée sur une surface d'environ 5000 m². À l'exception de quelques « fonds de cabanes » attribués à un campement militaire du xvii e siècle, les structures mises au jour appartiennent toutes au même horizon chronologique et se rattachent à un petit habitat de La Tène ancienne comprenant un fond de cabane, une série de fosses-silos et, peut-être, un bâtiment sur sablières. Le site a livré un corpus céramique relativement important dont l'intérêt ne doit pas être sous-estimé pour une période encore assez peu documentée en Alsace. Outre une nouvelle sépulture en silo, cet habitat a livré plusieurs témoins d'une activité métallurgique, dont une très belle série de creusets et plusieurs fragments de moules de bronziers. Les structures attribuées à la Protohistoire sont disséminées, selon une trame assez lâche, sur l'ensemble de la surface décapée (fig. 2). La moitié nord du décapage est traversée d'ouest en est par un bras de lehm affectant une forme coudée et de largeur variable (de 10 à 22 m). Les coupes pratiquées montrent un profil en cuvette avec une profondeur maximale de 0,60 m. Ce « paléo-vallon » n'a livré aucun artefact permettant de préciser sa position chronologique. L'examen du plan montre que la plus grande partie de son tracé est vierge de toute structure archéologique. Deux hypothèses peuvent expliquer cette lacune : ou la zone du « vallon » (fig. 2) a été sciemment évitée par les Protohistoriques - existence possible d'un ruisseau par exemple -, ou bien cette lacune est imputable à la difficulté que nous éprouvons à repérer les structures aménagées dans les sédiments lehmiques. La plupart des structures mises au jour sont identifiables à des fosses de type silo (32 structures). On note également une grande fosse, un fond de cabane et deux fondations sur sablières. La majorité des structures apparaissent au sommet des lœss, à une profondeur variable selon le degré d'érosion des lehms sus-jacents; quelques-unes ont été repérées dans la couche de lehm. Leurs profondeurs conservées s'échelonnent entre 0,30 et 1,20 m. Les 32 silos observés se répartissent sur l'ensemble de la surface décapée. Leurs diamètres à l'ouverture varient entre 0,75 et 2,40 m. Les profondeurs conservées vont de 0,37 à 1,20 m, avec une moyenne oscillant aux alentours de 0,80 m. L'érosion joue probablement un rôle non négligeable dans les différences de profondeurs notées et partant, des diamètres à l'ouverture; cependant, il faut signaler que des structures peu éloignées et donc peu susceptibles d'avoir été soumises à une érosion différentielle, peuvent présenter des écarts de profondeur très importants. Il semble donc assez vain de tenter de restituer la profondeur originelle de structures qui devaient se distinguer par des profondeurs diverses probablement justifiées par des usages particuliers. L'identification de ces structures à des fosses-silos repose uniquement sur des critères d'ordre morphologique (fig. 3). Nous n'avons retrouvé aucun macro-reste attestant de leur utilisation pour la conservation des céréales. De même, les traces d'aménagements primaires sont extrêmement rares. On note seulement la présence de petits foyers aménagés dans le fond des structures 57 et 34. Ces foyers, se présentant sous la forme de petites surfaces circulaires rubéfiées d'une vingtaine de centimètres de diamètre, sont probablement à mettre en relation avec une phase d'assainissement par le feu réalisée avant l'utilisation - ou réutilisation - de la structure. Les caractères morphologiques permettant d'identifier ces structures à des silos sont leur ouverture circulaire ou sub-circulaire et leur profil cylindrique ou tronconique. La grande majorité des exemplaires suffisamment conservés pour se prêter à l'analyse présentent un fond plat ou concave et des parois obliques. Ces dernières peuvent être rectilignes ou, le plus souvent, plus ou moins convexes, conférant en certains cas à la structure un profil en « sablier » marqué par deux élargissements, à la base et au niveau de l'ouverture. Il semble acquis que les variations de profil existant entre les individus dépendent du degré de démantèlement des parois précédant le remplissage complet de la structure : les structures bi-tronconiques témoigneraient d'un remplissage progressif marqué par un démantèlement plus ou moins important des parois alors que les structures au profil plus régulier suggèrent un remplissage intentionnel rapide. Les élargissements observés dans la partie supérieure de nos structures doivent donc être imputés à l'effondrement ou à l'érosion des parois, l'ouverture des silos devant être du plus faible diamètre possible, afin de réduire au maximum la surface à obturer hermétiquement (Villes, 1981; Gransar, 2000; Deffressigne et al ii, 2002). Les effondrements apparaissent dans le comblement de la majorité des structures : il s'agit soit de lentilles de lœss pur ou mêlé de lehm, le plus souvent localisées au contact des parois et allant en s'amenuisant vers le centre de la structure, soit d'épaisses couches de lœss résultant de l'effondrement de grands pans de parois. Outre les couches attribuables au démantèlement des parois, nous pouvons définir deux types de remplissage : les couches détritiques, riches en mobilier, qu'il est possible de distinguer sur la base de leur teinte ou de leur composition, et les couches de lehm brun stérile, ces dernières résultant d'un remplissage progressif par gravité ou d'un apport intentionnel de sédiment. La plupart des structures localisées à l'écart du noyau central du site présentent ce type de remplissage : généralement dépourvues de tout mobilier, elles offrent un remplissage lehmique homogène interrompu seulement par des lentilles de lœss. Les silos offrant des remplissages détritiques sont peu nombreux et, à de rares exceptions près, localisés dans les mêmes secteurs. La structure 40 appartient à la catégorie des « fonds de cabanes » (fig. 3). Il s'agit ici d'une fosse rectangulaire aux angles arrondis, longue de 4 m pour une largeur de 2,60 m. Sa profondeur conservée est de 30 cm par rapport au niveau du décapage. Les parois subsistent sur une faible hauteur et sont très légèrement évasées. Le fond est parfaitement plat et induré sous l'effet du piétinement. À peu près au milieu de chaque petit côté du rectangle, deux trous de poteaux entaillant le fond de la fosse se font face. Profonds d'une soixantaine de centimètres pour un diamètre de 30 cm, ils ne sont pas verticaux mais légèrement obliques. Ils permettent de restituer une couverture à deux pentes. Un petit foyer matérialisé par une cuvette rubéfiée circulaire, de 35 cm de diamètre et de 5 cm de profondeur, est aménagé dans le tiers sud de la structure, sur l'axe reliant les deux trous de poteau. Dans l'angle sud-est, a été aménagée une petite fosse ovale (1,05 x 0,70 m) présentant un profil en cuvette. La contemporanéité entre les deux structures ne peut être formellement établie; cependant le creusement même de la fosse, épousant parfaitement l'angle sud-est du fond de cabane, plaide nettement en faveur de cette hypothèse. Les comblements du fond de cabane et de la petite fosse sont identiques : il s'agit d'un lehm brun/noir compact englobant un abondant mobilier. Ce comblement est manifestement détritique et le mobilier recueilli - céramique, faune, torchis, creuset - ne nous renseigne en rien sur la nature des activités abritées par cette structure (atelier ou habitat ?). Le fond de cabane de Souffelweyersheim n'est que le quatrième exemple de ce type de structure découvert en Basse-Alsace. Les trois autres sont issus du site de Rosheim « Mittelweg » (J eunesse et alii, 1993) et « Helmbacher » (T hévenin, 1971). La Haute-Alsace a livré six fonds de cabanes dont trois sur le site d'Ensisheim « Reguisheimerfeld » (Z ehner, 1998). Les trois structures d'Ensisheim présentent des dimensions très proches de celle de Souffelweyersheim, avec des longueurs comprises entre 4,20 et 5 m environ, pour des largeurs oscillant entre 2,30 et 2,80 m. Deux des trois structures sont dotées de trous de poteaux axiaux localisés au milieu des petits côtés (St. 4 et 304); la troisième (St. 306) est également pourvue de trous de poteau aménagés au milieu des grands côtés. Le fond de cabane d'Habsheim est de taille comparable (4,80 x 2,70). Les creusements interprétés par le fouilleur comme des trous de poteau sont disposés sans ordre apparent. On retiendra, dans l'angle sud-est de la structure, la présence d'une petite fosse ovale, peut-être contemporaine de l'ensemble (W olf, 1968; Wolf, 1990). Pour la Haute-Alsace, il faut également mentionner le « fond de cabane » de Zimmersheim « Knabenboden » (3 x 2,20 m) pourvu d'un poteau central (V oegtlin, S chweitzer, 1989), dont la datation oscille entre le Hallstatt D3 et La Tène ancienne (Koenig et alii, 2005), et celui de Riedisheim « Am Habserweg » (S chweitzer, 1977). La structure 56 de Rosheim « Mittelweg » (4,40 x 3,60 m; prof. 0,60 m) est elle aussi pourvue de deux trous de poteaux aménagés au milieu des petits côtés; ils sont accolés à des petites fosses, probablement contemporaines de l'utilisation du fond de cabane. Ces creusements secondaires perforant le sol des structures se retrouvent dans le fond de cabane 72 du même site, un creusement quadrangulaire de 4,15 x 3,40 m, conservé sur 0,25 m. Hors d'Alsace, parmi les exemples disponibles datés dans la même fourchette chronologique, nous pouvons retenir la structure BG 86 de Bragny-sur-Saône (Saône-et-Loire) qui abritait deux creusements interprétés comme « fosses de rangement » contenant respectivement une meule et une demi-douzaine de vases (Flouest, 1992), ainsi que les cabanes enterrées de l'habitat de Wierschem (Mayen-Koblenz Kr.), attribuées à la fin du Hallstatt-début de La Tène (Hunsrück-Eiffeil-Kultur IB à IIa). Sur cet habitat, la présence de foyers dans les cabanes les plus vastes dont les dimensions sont très proches de celles de Souffelweyersheim (structures 40 et 135) est invoquée à l'appui de l'hypothèse « habitation » (Jost, 2001). Enfin, nous mentionnerons la structure dégagée à Rosheim, dans la sablière « Helmbacher » (T hévenin, 1971), qui offre les mêmes caractères morphologiques que les exemples donnés ci-dessus mais dont les dimensions sont nettement moindres (1,80 x 1 m) : il ne s'agit probablement pas ici d'une cabane enterrée mais peut-être d'une fosse de tissage (Flouest, 1992). Les structures attribuées à la Protohistoire, autres que les silos et le fond de cabane, sont très peu nombreuses. Nous passerons sur les petites fosses circulaires en cuvette, vestiges possibles de silos arasés et ne contenant généralement aucun mobilier datant. L'une d'elles seulement, localisée à l'écart de la concentration des structures les plus riches, dans l'angle sud-est du décapage (St. 1), mérite une attention particulière (fig. 3); il s'agit d'une fosse sub-circulaire d' 1,50 m de diamètre, profonde de 0,24 m et présentant un fond irrégulier. Rien ne la distingue d'un fond de silo arasé si ce n'est le mobilier très particulier qu'elle a livré. Elle contenait les fragments de plusieurs creusets, des fragments de moules non permanents en terre cuite et deux scories de fer. Les quelques tessons recueillis permettent, sans ambiguïté, de l'attribuer à La Tène ancienne (pl. 1, n os 1-2). Deux creusements oblongs parallèles (St. 20 et 21) conservés sur une très faible profondeur ont été interprétés comme les vestiges d'un probable bâtiment sur sablières (fig. 2). Ces creusements, respectivement longs de 4,30 m et de 4,70 m pour une largeur d'environ 0,60 m, sont remplis par un lœss sali et offrent des fonds plats. Ils dessinent un espace quadrangulaire d'environ 5 x 7 m. Malheureusement, aucun élément ne permet de les dater. Bien que cette technique soit attestée pendant toute la Protohistoire (A udouze, B uchsenschutz, 1989), il est difficile d'affirmer leur appartenance à l'occupation latènienne. L'occupation du site au cours du xvii e siècle introduit de surcroît un doute supplémentaire. Cependant, et malgré ces réserves, on ne peut totalement exclure qu'il s'agisse des vestiges d'un bâtiment de plain-pied rattaché au site de La Tène ancienne. La présence d'une fosse dépotoir (St. 53) riche en mobilier à quelques mètres seulement au sud-ouest de ce bâtiment irait dans ce sens. La répartition des différentes catégories de mobilier, principalement la céramique et les restes osseux, dessine en effet deux concentrations très nettes; la première au sud du fond de cabane et la seconde au sud du bâtiment sur sablières. La fosse 25, localisée dans le quart nord-est du décapage, a livré le corps d'un homme âgé de plus de cinquante ans, reposant sur le ventre, à une trentaine de centimètres au-dessus du fond de la structure (fig. 4). Le profil tronconique et le plan circulaire (diam. 1,50 m; prof. 1,20 m) rattachent cette dernière à la catégorie des fosses-silos (fig. 3). L'individu semble avoir été précipité sans ménagement depuis l'ouverture du silo; sa position particulière est déterminée par sa chute sur un cône de remplissage convexe dont il épouse la forme. L'étude des connexions anatomiques montre que le cadavre a très rapidement été recouvert de sédiment. La stratigraphie du comblement révèle que l'épaisseur des sédiments intentionnellement rapportés n'outrepassait pas une vingtaine de centimètres : les effondrements de parois observés au-dessus de la couche englobant le squelette suffisent à démontrer que le silo est resté partiellement ouvert un certain temps après l'inhumation. Le comblement n'a livré que quelques tessons protohistoriques peu caractéristiques. L'attribution de l'inhumation à La Tène ancienne s'appuie sur le contexte de la découverte, la forme tronconique du silo et l'existence d'inhumations du même type attribuées à cet horizon chronologique sur une demi-douzaine de sites alsaciens. Le squelette est en bon état de conservation; l'ensemble des surfaces articulaires est conservé et les tissus osseux ne sont pas altérés. Seuls la main et le pied gauches ont été remaniés en partie lors du décapage mécanique du silo dans lequel se trouvait le squelette. Le squelette repose globalement sur le ventre, la tête en appui sur le sol de dépôt au niveau de la face. Le bras gauche est aligné le long du corps, l'avant-bras fléchi en supination en avant du volume abdominal. Le bras droit est en élévation; il apparaît en vue postérieure avec l'avant-bras en extension et la main ouverte en vue palmaire. Les fémurs sont fléchis vers l'avant sans que le squelette ne soit réellement en position à genou, dans la mesure où il repose sur un sol irrégulier fortement convexe. Les jambes sont fléchies vers la gauche; la jambe droite recouvre le tiers distal du fémur gauche avec le pied en connexion en vue plantaire. Le volume du thorax n'est pas préservé, mais les dislocations articulaires restent très limitées. Seul le rachis cervical signale quelques déconnexions, notamment entre l'os occipital et l'atlas et entre la sixième et la septième vertèbre. La mandibule est également en légère déconnexion avec le crâne, mais le mouvement demeure très limité. Le maintien de la majorité des connexions anatomiques évoque un colmatage immédiat du corps après son dépôt. Les déconnexions observées au niveau du rachis cervical et de la mandibule sont liées à leur position instable et à la préservation d'un vide au niveau du cou, qui a retardé le colmatage de cette partie du corps. Dans la mesure où le crâne est en appui contre le sol de dépôt au niveau du front, la mandibule a pu subir un léger déplacement vers l'avant. Ces mouvements ont donc été acquis après leur dépôt et sans intervention extérieure. Le maintien des connexions au niveau du thorax, du bassin et des hanches confirme un colmatage rapide du corps. Le sédiment a rapidement pris la place des tissus mous au cours de la putréfaction. Bien que le thorax soit en appui sur le sternum, l'affaissement par gravité ne s'est pas accompagné d'une dislocation des articulations costo-vertébrales. Cette observation évoque la présence de sédiment autour du corps lors de sa putréfaction. Il s'agit donc d'un dépôt primaire de corps immédiatement recouvert de sédiment après son placement dans le silo. La flexion des jambes et la position du bras droit peuvent évoquer un dépôt de la moitié supérieure du corps en premier. La position du corps n'est probablement pas le résultat d'une mise en scène, mais plutôt la conséquence d'un dépôt pratiqué depuis l'ouverture du silo, plus réduite que le diamètre maximal du creusement. Les diaphyses des os longs sont toutes soudées. Les crêtes iliaques et les extrémités sternales des clavicules sont matures, ce qui nous permet d'estimer l' âge de cet individu à plus de 30 ans, d'après les modèles standards utilisés pour estimer l' âge à partir des critères de soudures des extrémités (F erembach et alii, 1980; Owings Webb, Myers Suchey, 1985). Afin de préciser l' âge au décès de cet individu adulte, nous avons choisi de prendre en compte la surface auriculaire de l'os coxal. Nous tenons compte des tests de validité (S chmitt, B roqua, 2000) qui ont révisé la méthode développée par Lovejoy (L ovejoy et alii, 1985), dont les performances ont été discutées, ainsi que son application complexe (B uckberry, C hamberlain, 2002), peu adaptée aux séries archéologiques. La prise en compte de la variabilité et de l'évolution de la combinaison des caractères de la surface auriculaire permet de disposer de résultats plus fiables. L'intérêt de cette démarche est également de pouvoir isoler les individus âgés de plus de 50 ans, sans tenir compte de manière exclusive des phénomènes de dégénérescence, peu fiables en raison de leur variabilité inter-individuelle. Bien que certaines atteintes du squelette soient en effet directement reliées aux processus complexes de la sénescence, il est difficile de préciser le degré de vieillissement par ce seul critère. Nous avons coté les caractères concernant l'organisation transverse et les modifications de la surface auriculaire, les modifications de l'apex et de la tubérosité iliaque (fig. 5). L'estimation est définie à partir d'une distribution des probabilités (fig. 6) définie à partir d'un échantillon de référence (approche bayésienne) interpopulationnel. Pour l'individu de Souffelweyersheim, la probabilité au seuil de 0,75 (S chmitt, 2001) est obtenue en additionnant les valeurs de deux classes d' âge (50-59 et supérieur à 60), dans les deux populations de référence. L'individu a 89 % de chance d'avoir plus de 50 ans (fig. 6). Ce résultat constitue une avancée significative dans les tentatives d'approche de l' âge individuel des squelettes. Il livre des résultats fiables qui atténuent les imprécisions des autres méthodes utilisées auparavant. Un examen de l'état sanitaire (cf. infra) permet de compléter ce résultat. Pour cette diagnose, nous avons suivi les recommandations de la méthode développée par Bruzek (B ruzek, 2002), qui prend en compte cinq régions de l'os coxal (fig. 7). Bien que plusieurs critères demeurent indéterminés, il s'agit d'un individu de sexe masculin, d'après l'examen des cinq régions anatomiques prises en compte par la méthode. Bien que la méthode métrique soit utilisable sur ce squelette, nous considérons que les critères observés sont suffisamment pertinents pour cette diagnose. L'examen du squelette a permis de signaler la présence d'une lésion rachidienne importante. Le disque de la 11 e ou 12 e vertèbre thoracique présente une forme en coin dans la partie antérieure. Cette déformation intervenue essentiellement sur le plan transversal a provoqué une cyphose (courbure du rachis vers l'avant). Elle concerne également la partie antéro-latérale droite responsable d'une légère scoliose. D'aspect cunéiforme, la hauteur du disque dans la partie antérieure marque un tassement à plus des 2/3 de la hauteur du corps de la vertèbre avant le tassement. Aucune fracturation n'apparaît clairement au niveau du bord antérieur du corps ou du listel vertébral, par ailleurs fortement remodelé par un processus arthrosique. L'arc neural ne présente pas de malformation associée (mais la forte fragmentation de la pièce n'a pas permis un recollage de l'arc neural avec le disque). Les corps des vertèbres sus-jacentes sont légèrement déformés et des productions osseuses apparaissent sur le rebord des plateaux (enthésopathies). On peut également signaler la présence d'une arthrose sur les processus articulaires droits entre deux vertèbres thoraciques inférieures. La lésion principale correspond à un tassement vertébral isolé. Le diagnostic différentiel ne concerne pas seulement une origine traumatique ou ostéoporotique, le tassement peut également être lié à une métastase, une infection, une tumeur bénigne. Dans la mesure où une seule vertèbre semble être à l'origine de la déformation rachidienne globale, il ne s'agit pas d'une dystrophie de croissance. Le faible nombre des complications arthrosiques dues à la scoliose vertébrale va d'ailleurs dans ce sens. Il ne s'agit pas non plus d'une malformation congénitale, qui concerne le plan frontal du corps vertébral (dysplasies sur la moitié droite ou gauche du corps vertébral : hémi-vertèbres). Les légers remodelages des vertèbres sus-jacentes indiquent que la lésion est déjà ancienne chez cet individu au moment de son décès. En l'absence de coalescence et de remodelage osseux étendu, nous pouvons exclure la tuberculose. Nous ne sommes pas en présence d'une fracture-tassement complexe avec luxation (P atel dir., 1988) mais la courbure a eu des conséquences sur la statique de l'individu (gibbosité). En l'absence de signes ostéolytiques, il ne peut s'agir d'une métastase due par exemple à un cancer de la prostate. L'ostéoporose sénile peut être envisagée. Le reste du squelette ne présente pas de signes pathologiques graves. On pourra toutefois noter une arthrose au niveau des extrémités sternales des clavicules. La patella droite présente une importante encoche du vaste qui n'est pas ici un indicateur pathologique, mais plutôt un caractère discret dû à la variabilité. Des enthésopathies ont été observées au niveau de l'articulation sacro-iliaque et du rachis. L'individu est probablement atteint par la maladie hyperostosique (Crubézy, Crubézy-Ibanez, 1993). Sur le rachis, une arthrose disquo-somatique apparaît au niveau des deux dernières vertèbres cervicales. Il s'agit probablement là d'une conséquence de la gibbosité. L'état bucco-dentaire signale deux kystes apicaux au niveau de la première prémolaire supérieure droite et la seconde prémolaire supérieure gauche. Une perte dentaire ante mortem est à signaler au niveau de la première molaire inférieure droite. Un carie mésiale apparaît au niveau de la couronne de la deuxième molaire inférieure du même côté. Deux autres pertes dentaires sont également possibles au niveau des premières et secondes molaires supérieures gauches, mais l'érosion de l'os alvéolaire ne permet pas un diagnostic fiable. Une carie envahissante est probablement responsable de la destruction de la couronne de la seconde prémolaire supérieure gauche dont il ne subsiste qu'un chicot. Une dernière carie, occlusale cette fois, apparaît sur la deuxième molaire supérieure droite. Les dents sont assez usées (stade H de Lovejoy, 1985). Le squelette de Souffelweyersheim correspond à un individu de sexe masculin, âgé de plus de 50 ans. La lésion observée au niveau de la 11 e ou 12 e vertèbre thoracique a provoqué une importante déformation rachidienne vers l'avant (gibbosité). Le fait que le tassement concerne la partie droite du disque a également provoqué une légère scoliose, à l'origine de l'atteinte zyg-apophysaire entre deux vertèbres de l'étage inférieur du rachis thoracique. Ces atteintes sont compatibles avec une ostéoporose sénile, hypothèse qui a pu être confrontée aux données paléobiologiques. L'estimation de l' âge de l'individu à partir d'une méthode baysienne est en effet cohérente avec cette hypothèse. Les précisions apportées quant à l' âge au décès de l'individu, ainsi que son état sanitaire, livrent des informations intéressantes pour l'étude du recrutement des individus dans ce type de structure domestique. Sans revenir sur les discussions concernant leur caractérisation, il apparaît utile de préciser que la notion de sépulture de relégation proposée par Alain Villes il y a 18 ans (V illes, 1987) ne devait être que provisoire. Son utilisation n'est pas satisfaisante, car elle combine une dénomination descriptive et interprétative. La notion de sépulture doit ici être discutée dans la mesure où le dépôt peut être relié à une fonction d'offrande ou consécutif à un sacrifice. Dans les deux cas, la cause du décès n'est probablement pas naturelle. La non standardisation des positions de corps et l'utilisation de structures domestiques désaffectées ou de fosses siloïformes imitant des silos caractérisent bien des traitements spécifiques, non rattachés aux fonctionnements habituels des nécropoles. L'absence de trace de mort violente sur les os de l'individu de la structure 25 ne permet pas de conclure sur ce point, à l'image de la documentation régionale qui n'a pour l'instant pas livré de cas de mort violente pour cette époque. Le décès violent d'un individu ne laisse pas nécessairement de traces osseuses et seules les lésions les plus violentes sont susceptibles d' être détectées dans des contextes archéologiques (Boës, 2005a). Il est également intéressant de noter que l'usage de mise à mort par strangulation est fréquent dans le cas d'individus immolés (G irard, 2003). Or la recherche de preuves ostéologiques de strangulation nécessite l'examen systématique de l'os hyoïde, qui peut présenter des fracturations des grandes cornes, dans le cas de fortes pressions exercées au niveau du cou (Ceccaldi, Durigon, 1979). Cet examen nécessite une attention toute particulière lors de la fouille et la recherche spécifique de cet os dans le volume du cou, autour de la mandibule, voire du thorax. Si le squelette de la structure 25 n'a pas livré de telles fractures, il reste à préciser cet aspect sur l'ensemble des corpus régionaux. La faible proportion des cas de lésions violentes, notamment sur le crâne, dans les dépôts de corps en silo pratiqués durant la Protohistoire en Europe laisserait supposer qu'il ne s'agit pas de pratiques liées au supplice ou à l'application de peines capitales (B oës, 2005b). L'examen paléo-biologique du squelette de la structure 25 permet pour l'instant d'exclure l'hypothèse d'une sélection des individus liée à l' âge ou au sexe, comme l'indique par exemple le dépôt 201 de Wettolsheim-Ricoh concernant une jeune femme âgée entre 18 et 25 ans (L ambach, 1988). Mais les données comparatives à partir de l'identification biologique des individus sont encore très lacunaires; seule l'exclusion des immatures semble pour l'instant bien attestée dans la région. Le corpus disponible est toutefois des plus réduits, avec huit structures seulement sur un total de dix individus étudiés. Il est donc encore difficile de dresser les contours précis de cette pratique mortuaire en Alsace et d'en proposer une interprétation. Elle renvoie à un traitement qui n'a rien d'anecdotique au regard de l'importance des corpus du même type attestés pour la même période dans le Bassin parisien (Delattre, 2000) et outre-Rhin (Tschocke, 2000; Wieland, 2000; Flohr et alii, 2002). Sans revenir sur les discussions en cours, nous pouvons rappeler les deux hypothèses principales : la relégation sociale et le sacrifice propitiatoire. L'étude s'appuie sur un total de 118 individus dont la forme a pu être identifiée. Nous avons délibérément ignoré les fonds, aucune corrélation certaine n'ayant pu être établie entre ces derniers et les bords. Les surfaces des vases pouvant présenter d'importantes variations de teinte, les fragments de panse ont également été écartés des décomptes. La céramique recueillie se rattache à deux catégories : la céramique montée à la main et la céramique tournée. La première catégorie, avec 94 individus, constitue 76,9 % du corpus céramique mis au jour, proportion un peu moins importante que celle observée sur le site La Tène ancienne de Rosheim « Mittelweg » (89 %). La céramique tournée, avec 24 individus identifiés, constitue 20,3 % du corpus (fig. 8). Malgré quelques cas de recoupement entre les structures, il semble que la totalité de l'occupation protohistorique puisse être attribuée au même grand horizon chronologique. Le corpus de Souffelweyersheim est donc étudié ici dans sa globalité. Les 94 individus recensés ont été répartis entre neuf catégories regroupant trois grandes familles : nous pouvons identifier 46,5 % de jattes et écuelles, 50 % de pots et 3,4 % de bouteilles. Deux fragments d'identification difficile pourraient appartenir à des cuillères, type attesté sur d'autres gisements. Enfin, nous avons recueilli quatre fusaïoles issues des structures 4, 44 et 53. Les dégraissants ajoutés, lorsqu'ils sont visibles à l'examen macroscopique, sont constitués de quartz, plus rarement de chamotte; certains tessons à l'aspect vacuolaire pourraient avoir été dégraissés à l'aide de végétaux. Enfin, des traces de dégraissant calcaire apparaissent régulièrement. En ce qui concerne le type de cuisson, il apparaît – et ceci a été maintes fois souligné - que les jattes et écuelles ont été confinées en atmosphère réductrice en fin de cuisson (75,7 % des individus) alors que les pots ont préférentiellement été exposés à une cuisson oxydante (60 %). Les écuelles se caractérisent par leurs parois rectilignes ou légèrement bombées et leur profil hémisphérique. La distinction opérée entre les écuelles (type C1 de B. Röder, Jeunesse et alii, 1993) et les jattes n'est pas toujours aisée. Nous nous sommes principalement appuyés sur l'existence ou non d'un bord fortement rentrant pour identifier ces dernières. À Souffelweyersheim, les écuelles constituent 11,7 % des individus montés à la main (pl. 3, n° 20; pl. 4, n° 24; pl. 6, n° 9). Leurs diamètres et leurs profondeurs sont extrêmement variables. La majorité d'entre elles sont réalisées dans une pâte à fin dégraissant – non visible à l'examen macroscopique - et présentent des teintes de surface sombres allant du brun sombre au noir profond (72,7 % des individus). Deux exemplaires présentent des bords encochés (pl. 2, n° 8; pl. 6, n° 9). Suivant la typologie mise au point par B. Röder (Jeunesse et alii, 1993), nous classons dans la catégorie des jattes (Schüsseln) les vases présentant une paroi ou un bord rentrant (pl. 1, n° 11; pl. 4, n° 13). Avec 26,5 % du corpus monté à la main, il s'agit d'une des formes les plus fréquentes. Il est possible de distinguer plusieurs variantes en s'appuyant sur leur profil plus ou moins fermé et sur leur profondeur. Cependant, l'aspect fragmentaire de la plupart des individus paraît vouer à l'échec toute tentative de classification trop précise. Nous noterons simplement une forte majorité d'individus à parois curvilignes s'inclinant progressivement vers l'intérieur, sans rupture marquée. Tous les degrés de courbure ont été observés. Un seul individu présente une carène mousse et une partie supérieure rentrante rectiligne (pl. 3, n° 13). Leurs diamètres oscillent le plus souvent entre 20 et 25 cm; les individus les plus grands atteignent 28 à 30 cm à l'ouverture. Les jattes sont, pour 76 % des effectifs, de teinte sombre et façonnées dans une pâte à dégraissant quartzeux très fin ou invisible; on note également assez souvent l'ajout de chamotte. Les surfaces internes et externes sont régulières et soigneusement lissées. Contrairement à ce que l'on observe dans le Brisgau, aucune jatte n'est tournée à Souffelweyersheim. B. Röder signale cependant un exemplaire peut-être tourné à Rosheim « Mittelweg » (J eunesse et alii, 1993, Taf. 6, 1). Il s'agit de formes très ouvertes façonnées dans une pâte abondamment dégraissée. Ces formes sont relativement rares avec 3,2 % du corpus seulement. Les quelques individus observés sont tous réalisés dans une pâte de teinte sombre d'aspect rugueux. Autre particularité, tous présentent un bord biseauté orné de digitations (pl. 2, n° 17; pl. 4, n° 18). Ce type n'apparaît qu'en deux exemplaires. Il s'agit de petits bols dont les diamètres n'excèdent pas 14 cm. L'un d'eux pourrait entrer dans la catégorie des micro-vases (diamètre : 8 cm). Les deux individus, réalisés dans une pâte fine, sont munis de pieds présentant un léger ressaut et des parois très légèrement évasées (pl. 1, n° 9; pl. 3, n° 8). Cette catégorie, correspondant au sous-type B3V1 de B. Röder, regroupe tous les individus de forme biconique ou ovoïde dépourvus de col bien dégagé. Ce dernier, lorsqu'il existe, est très discret et légèrement éversé (pl. 1, n° 12; pl. 3, n° 17; pl. 6, n° 10). Ces pots constituent 14,8 % du corpus des formes montées à la main. Leurs surfaces sont majoritairement de teinte claire (71,4 %) et souvent rugueuses, voire enduites de barbotine. À l'opposé des types 6 à 8, leur lèvre est fréquemment ornée de digitations (pl. 1, n° 12; pl. 3, n° 14). Ce type rassemble quatre individus dont le diamètre à l'ouverture excède celui du plus grand diamètre de la panse, ce qui leur confère un aspect vaguement « tulipiforme ». Leurs parois sont légèrement curvilignes et leur col, peu développé, éversé (pl. 5, n° 1; pl. 6, n° 15). Tous sont réalisés dans une pâte de teinte sombre. Les pots à profil en S, pourvus d'un col plus ou moins éversé, constituent 27,6 % du corpus. On y observe plusieurs variantes selon leur degré d'élancement, la présence ou non d'un épaulement (pl. 2, n os 9-10; pl. 5, n° 5; pl. 6, n os 8 et 14; pl. 7, n° 2). Tous appartiennent au sous-type B3V2 de B. Röder. Ces pots sont, à l'instar du type 5, de teintes à dominantes claires (65,4 %) et façonnés dans une pâte à dégraissant visible (quartz et chamotte). À l'opposé de ce que nous avons noté pour le type 5, les surfaces sont le plus souvent lissées et les lèvres dépourvues de digitations (pl. 6, n° 8; pl. 7, n° 2). Les pots du type 8 (C3 de B. Röder) se caractérisent par un col vertical plus ou moins développé et un épaulement marqué (pl. 2, n° 16; pl. 5, n° 4). Les individus observés se répartissent également entre teintes sombres et teintes claires. Tous sont réalisés dans une pâte à dégraissant quartzeux visible. Avec trois individus seulement (3,2 % du corpus), les bouteilles sont peu représentées. On note deux cols étranglés fortement éversés et un petit col à parois rectilignes légèrement évasées (pl. 2, n° 12; pl. 2, n° 18). Avec 24 individus, la céramique tournée représente 20,4 % du corpus exhumé. Malgré la petite taille de notre échantillon, elle peut être considérée comme relativement abondante à l'échelle du site. À Rosheim « Mittelweg », habitat pour lequel nous disposons d'une étude détaillée, cette catégorie ne représente en effet que 10 % des individus céramiques. La céramique tournée apparaît dans la quasi-totalité des structures riches en mobilier. Nous avons identifié trois formes bien attestées sur la totalité des sites de La Tène ancienne de Basse-Alsace : des coupes à profil sinueux, le plus souvent cannelées, des jattes cannelées à bord rentrant et une coupe à col développé. Les fonds – non pris en compte dans l'établissement du corpus - sont, pour leur immense majorité, annelés (pl. 4, n os 7-11). Sur le plan technologique, on observe une grande homogénéité de la céramique tournée. À l'exception de quelques tessons orangés manifestement recuits, tous les individus offrent un éventail de teintes allant du gris au noir profond trahissant une fin de cuisson en atmosphère réductrice. Le dégraissant est composé de grains de quartz très fins, parfois renforcés de chamotte; le plus souvent cependant, il demeure invisible à l' œil nu. Les surfaces, brillantes, sont engobées et, dans la majorité des cas, soigneusement polies. L'examen des stries de tournage ne laisse aucun doute quant à l'utilisation de tours de potiers pour le façonnage de cette catégorie de céramique. Les études technologiques réalisées par B. Röder sur les corpus du Brisgau (Röder, 1995, p. 110-111) ou sur l'ensemble de Rosheim « Mittelweg » (Jeunesse et alii, 1993, p. 66) ont abouti à des conclusions similaires très argumentées permettant d'asseoir la thèse de l'utilisation d'un tour rapide. Avec 18 individus sur 24 (75 %) cette forme domine largement (pl. 1, n° 3; pl. 4, n os 1-3 et n° 5; pl. 6, n° 1). Le nombre des cannelures horizontales ornant la partie supérieure de ces récipients varie entre deux et quatre, la plus basse étant localisée au niveau du plus grand diamètre de la panse. Les diamètres oscillent entre 13 et 19 cm. Les jattes sont peu nombreuses (trois individus / 12,5 % de l'effectif tourné). Elles se caractérisent par leur bord rentrant orné de deux cannelures (pl. 3, n° 4; pl. 4, n° 4; pl. 8, n° 3). Leurs diamètres sont compris entre 23 et 26 cm. Cette variante non cannelée du type 1 apparaît en deux exemplaires (8,3 %) (pl. 2, n° 5; pl. 6, n° 2). Probable fragment de coupe à col développé (pl. 2, n° 4) orné de cannelures (4 %). La présence de céramique tournée cannelée dans la majorité des structures mises au jour permet d'emblée d'attribuer l'ensemble de l'occupation protohistorique de Souffelweyersheim à La Tène ancienne. Nous bénéficions aujourd'hui de deux études détaillées, dont l'une intéresse directement l'Alsace et l'autre la région du Brisgau, permettant de replacer notre corpus dans un contexte plus large. La période de La Tène ancienne en Basse-Alsace est surtout documentée à travers les trouvailles funéraires, concentrées pour l'essentiel au nord de la Zorn, entre Seltz et Brumath (25 points de découverte). Aux environs de notre fouille, entre Zorn et Bruche, nous ne connaissons que quatre sites : Souffelweyersheim, Strasbourg, Wolfisheim et Wasselone. Au sud de la Bruche et jusqu' à la région de Colmar, on recense encore 16 points de découverte, ce qui portent à 45 les sites ayant livré des vestiges funéraires de La Tène ancienne. L'habitat est beaucoup moins bien connu. La vingtaine de sites recensés est disséminée sur les lœss, entre la Zorn et l'Andlau avec une concentration maximale à l'est du Kochesberg (fig. 9). Les habitats ayant fait l'objet de décapages extensifs, autorisant une analyse de leur organisation interne et la constitution d'importantes collections de référence, sont encore très rares. L'habitat le mieux documenté pour la Basse-Alsace est celui de Rosheim « Mittelweg » : fouillé en 1992, il a livré une quinzaine de fosses-silos et deux fonds de cabanes. La céramique, qui a fait l'objet d'une publication approfondie, constitue notre principal ensemble de référence pour la période. Les autres sites d'habitats régionaux sont plus ou moins bien documentés : on retiendra les sites de Pfulgriesheim (B alzer, M eunier, 2005), Reichstett « Rue Ampère » (L e M eur dir., 1999), Rosheim « Helmbacher », prolongement du site de « Mittelweg » (T hévenin, 1971) ainsi que les petits ensembles d'Uttenhoffen, Erstein, Wolfisheim et Stutzheim publiés par B. Normand (N ormand, 1973). La définition de la période de transition Hallstatt D3/La Tène I en est encore à ses balbutiements. Nombre de sites attribués il y a quelques années encore à La Tène ancienne, sont aujourd'hui datés du Hallstatt D3 par la plupart des spécialistes (Koenig, Adam, 2005). La présence de céramique tournée cannelée dans nos ensembles nous permet d'éluder la question de la transition premier/second Âge du fer. Les sites sans céramique tournée cannelée, attribués soit au Hallsatt D3 soit au début de La Tène ancienne, ne sont donc pas pris en compte ici. La plupart des formes recensées à Souffelweyersheim sont également attestées à Rosheim, qu'il s'agisse des formes montées à la main ou des formes tournées. Les jattes et écuelles sont représentées dans de fortes proportions sur les deux habitats : 43 % à Souffelweyersheim et 57 % à Rosheim. Les variantes observées sont par ailleurs rigoureusement identiques avec une majorité de formes fermées (J eunesse et alii, 1993). Même constat pour les pots, un peu plus fréquents à Souffelweyersheim, qui offrent des profils en tous points comparables. Un rapide tour d'horizon des autres habitats publiés (T hévenin, 1971; N ormand, 1973; B alzer, M eunier, 2005) ou encore inédits (L e M eur dir., 1999) suffit à se convaincre que l'ensemble des types céramiques présents ici connaissent une large diffusion sur l'ensemble de la Basse-Alsace. La même remarque s'applique aux types moins fréquents comme les écuelles de facture grossière à lèvre digitée (T hévenin, 1971; J eunesse et alii, 1993) ou les écuelles encochées (J eunesse et alii, 1993). Pour la céramique tournée nous disposons d'un important corpus récemment enrichi par les fouilles réalisées à Reichstett et à Pfulgriesheim. Après un rapide décompte du matériel publié ou dessiné dans les rapports de fouille, le corpus des vases tournés – Souffelweyersheim inclus - découverts sur les sites d'habitat de Basse-Alsace s'élève à quelque 70 individus dont près de 85 % de coupes à profil sinueux. Les jattes cannelées sont quant à elles extrêmement rares : nous en avons recensé trois à Souffelweyersheim, deux à Rosheim « Mittelweg » et une à Pfulgriesheim (B alzer, M eunier, 2005), ce qui, pour toute la Basse-Alsace ne représente que 10,5 % des vases tournés. La situation est tout autre dans le secteur du Brisgau (R öder, 1995) où les jattes cannelées représentent environ le quart des formes tournées. Elles arrivent juste derrière les coupes cannelées qui constituent la moitié du corpus et devant d'autres types inconnus en Basse-Alsace. On ne peut que suivre B. Röder qui propose, sur la base d'examen minéralogique ayant mis en évidence la présence de composants volcaniques, de limiter l'aire de production des jattes cannelées aux seuls ateliers du Brisgau. Les mêmes analyses minéralogiques ont permis de souligner les liens commerciaux existant entre la Basse-Alsace et le Kaiserstuhl; un tiers des vases tournés de Rosheim « Mittelweg » sont issus de différents ateliers de cette région; comme le laisse déjà soupçonner la présence de plusieurs jattes cannelées, il est fort probable que ce type d'analyse appliquée au matériel de Souffelweyersheim donnerait des résultats identiques. Le fragment que nous attribuons prudemment à un vase à haut col (type 4) est représenté à Stutzheim, Erstein, Uttenhoffen (N ormand, 1973) et Rosheim (T hévenin, 1971). B. Röder le définit comme un vase à profil tri-segmenté, col largement éversé et épaulement très bas. L'aire de répartition de ce type, toujours selon cet auteur, semble couvrir la Basse-Alsace, le nord de la Forêt Noire et la région voisine du Kraichgau. La fourchette chronologique proposée pour le site de Souffelweyersheim est la même que celle retenue pour le site de Rosheim « Mittelweg » et englobe La Tène A et La Tène B. De la céramique tournée identique à celle présentée ici a été découverte associée à des fibules de La Tène A et de La Tène B, ce qui, comme le souligne B. Röder, laisse supposer que cette céramique a été fabriquée sur une longue période. Le même auteur rappelle que les fibules – fossiles directeurs des deux stades de La Tène ancienne - suivent une évolution totalement indépendante de celle de la céramique, d'où la nécessité d'étoffer le corpus de la céramique d'habitat pour pouvoir espérer cerner son évolution stylistique. Un creuset, exceptionnellement bien conservé, provient du fond de cabane (St. 40). Tous les autres vestiges de ce type, cinq creusets quasi complets, quatre fragments importants et plus de 150 morceaux de cette même céramique vitrifiée, ont été mis au jour dans une petite fosse ronde (St. 1) située à environ soixante mètres au sud-est de la St. 40 (fig. 2). La structure 1 recelait par ailleurs une soixantaine de fragments de moules non permanents en terre cuite. Descriptif. Ces creusets sont de petits récipients à fond rond. Leur paroi, plus épaisse dans la partie inférieure (3 cm) que dans la partie supérieure (1,5 cm), présente un aspect bulleux. Les expérimentations ont montré que la paroi des creusets peut tripler l'épaisseur d'origine lors de la fusion du métal (Mauvilly et alii, 2001). Cette paroi montre une surface interne grise réalisée dans une argile fine qui porte encore les traces de dégraissants organiques. La surface externe est surcuite dans sa totalité. Le fond et la plus grande partie du pourtour sont largement vitrifiés, prouvant ainsi une exposition à des températures élevées (autour de 1100° c). Ce fond vitrifié présente, sur certains creusets, des agglomérations de couleur rouge qui rappellent le fer (St. 1, creusets 2 et 3 et fragments). L'ouverture comprise entre 17 mm 2 et 9,6 mm 2 pour une profondeur de 2,5 à 4 cm est en forme de rectangle, de triangle ou d'ovale irrégulier. La contenance est évaluée à 25 ml, ce qui correspond à un peu plus de 150 g pour un alliage cuivreux. Le creuset n° 5 découvert dans la structure 1 est le mieux conservé avec une hauteur maximale de 7 cm (pl. 10, n° 5a et b), contre 5 cm maximum pour les autres exemplaires. En dehors de ces creusets, deux fragments de forme bombée et dont la surface externe est d'aspect surcuit à légèrement vitrifié, sont pourvus sur leur face interne d'une gouttière qui correspondrait à la cheminée de la partie supérieure d'un creuset en forme de poire (pl. 10, n° 8). On estime ainsi la hauteur totale de ce modèle de creuset entre 10 et 12 cm. Tous les creusets sont brisés transversalement. Dans tous les cas, seule la partie inférieure est conservée. À la hauteur de la cassure, la surface interne grise se détache si nettement de la surface externe qu'on semble avoir affaire à deux couches différentes. Mais, alors que la partie externe présente des cassures fraîches, la face interne ressemble plus à un rebord. On peut alors s'interroger sur cette localisation préférentielle de la cassure. Est-elle en relation avec la manière de former les creusets, comme cela a été observé sur le site de Sévaz (Mauvilly et alii, 1998; 2001), mis à part le fait que les exemplaires suisses étaient brisés longitudinalement et non sur l'horizontale comme ceux de Souffelweyersheim ? Ou bien cette limite correspond -t-elle à celle du métal liquéfié ? Ces récipients sont parfois fissurés ou craquelés dans le fond. Dans deux cas, du métal cuivreux a coulé et a été piégé dans ces anfractuosités (pl. 11, n° 10). Interprétation. La présence de quelques gouttes de métal cuivreux piégées dans les fissures des petits récipients indique le type de métal travaillé. La contenance moyenne de 25 ml équivaut, rappelons -le, à environ 150 g de métal. Cette masse correspondrait à environ deux fois le métal nécessaire pour la fabrication de torques d'un diamètre proche des 14 cm, diamètre estimé à l'observation des moules (voir ci-dessous) et correspondant effectivement aux dimensions d'un torque de La Tène A muni d'un jonc de 0,8 mm environ et de petits tampons. Le contenu d'un seul creuset permettrait donc de couler deux exemplaires. Les creusets en forme de poire munis d'une cheminée semblent caractéristiques de l' Âge du Fer. Ils témoignent d'une conception de la fonte du bronze radicalement différente de celle de l' Âge du Bronze. En effet, ces creusets sont fermés et chauffés par le fond alors qu' à la période précédente ils sont ouverts et chauffés par le haut (Mauvilly et al ii, 2001); ceci pour tout l' Âge du Bronze, sauf peut-être pour une partie du Bronze final pour lequel les précisions manquent. Les creusets n° 4 et n° 7 présentent des vitrifications plus importantes sur le fond et sur deux côtés opposés, ce qui pourrait signifier que le foyer était muni d'un système de ventilation double. Cependant, les différences de vitrification sont moins nettes sur les autres exemplaires. Par ailleurs, sur tous les creusets, on observe sur un ou deux des côtés opposés une inflexion nette qui évoque la position de la pince ayant servi à retirer le creuset du feu. Sur le creuset n° 2 (pl. 9, n° 2a et b), cette inflexion va même jusqu' à déformer légèrement la face interne. La présence d'une seule trace peut témoigner de la manière de verser le métal, sur le côté. Le poids entier du creuset, dont la surface vitrifiée est encore molle, appuie alors sur la partie inférieure de la pince et en prend l'empreinte (pl. 11, n° 9). Comparaisons. Les restes de métallurgie, restes de moules et creusets notamment, s'ils ne sont pas courants sur les sites, ne sont pas non plus des éléments inconnus dans la région. Le corpus de Souffelweyersheim reste cependant un des plus importants en nombre d'exemplaires conservés. Un creuset tout à fait comparable provient du site d'Ettendorf « Gaentzbuch » (Bas-Rhin). Hémisphérique, il présente une même surface interne grise et une face externe vitrifiée (ouverture : 22 mm/hauteur : 40 mm). Il est brisé au même niveau que les exemplaires de Souffelweyersheim. Il se trouvait dans un silo attribué à la fin duHa D / début La Tène A (Peytremann, 2004, fig. 15). Le site d'habitat de Singen-am-Hohentwiel à l'ouest du lac de Constance, attribué à la transition Ha final/La Tène A, a livré des vestiges d'une activité métallurgique parmi lesquels se trouvaient un petit creuset de forme globulaire et un second en forme de cuillère, correspondant peut-être à un demi-creuset piriforme (Hopert, 2003, Abb. 9, 1 et 2). Ils proviennent d'une fosse ronde située légèrement à l'écart du site, au fond de laquelle se trouvaient aussi trois plaques de foyer. Des lingots (ibid., Abb. 9, 3-7), des tuyères en forme d'entonnoir (ibid., Abb. 9, 9-10) et des fragments de scories (Abb. 9, 11) proviennent du fossé 5 qui traverse le site. Le site métallurgique de Sévaz « Tudinges », à quelques kilomètres au sud du lac de Neuchâtel, a livré un ensemble de petits creusets fermés qui sont, par leur forme, assez proches des exemplaires de Souffelweyersheim et qui comportent une cheminée. Ces vestiges étaient accompagnés de nombreux autres se rapportant à l'activité métallurgique à l'intérieur de structures de plan circulaire interprétées comme des ateliers. Là encore les deux métallurgies, du bronze et du fer, étaient pratiquées. L'ensemble est attribué à La Tène A (Mauvilly et alii, 1998 et 2001). Les creusets du site allemand d'Eberdingen-Hochdorf, dans le Bade-Wurtemberg, sont également des modèles piriformes réalisés en deux morceaux dans le sens de la longueur tout comme les exemplaires de Sévaz (Schmitt, Seidel, 1997, Taf. 6). Ils sont accompagnés de fragments de moule strictement comparables à ceux de Souffelweyersheim (voir descriptif ci-dessous). En revanche, les creusets découverts dans un silo du site d'Entzheim-Geispolsheim, attribuées à La Tène B, sont de forme oblongue, plus grands que les exemplaires évoqués ici, et très comparables aux creusets romains mis au jour sur le site du Lycée militaire d'Autun. Le fond est deux fois plus épais que les parois hautes (Chardron-Picault, Pernot, 1999, p. 176). Ces creusets étaient accompagnés de fragments interprétés comme des lingotières (Michaël Landolt, communication orale). Les creusets du type de ceux de Souffelweyersheim ou de Sévaz seraient-ils alors caractéristiques de la fin du Hallstatt et de la première période de La Tène ? Descriptif. Tous les vestiges interprétés comme des fragments de moules se trouvaient dans la structure 1, localisée à l'extrémité sud du site. Il s'agit de 73 petits morceaux de terre cuite dont les plus gros ont 6 cm de long, 2 cm de large à la base et 2,5 cm de hauteur. Ils sont réalisés dans une argile fine qui comporte de nombreuses traces d'un dégraissant à base de végétaux. Cette céramique est noire en profondeur et orangée à grise en surface, suivant les fragments. Elle est composée d'une seule couche, contrairement aux exemplaires de Varennes-Vauzelles (Pernot, Labeaune, 1999), assez comparables par ailleurs pour la forme des empreintes et des fragments. En section, la limite entre la surface orangée, épaisse d'environ 1 mm, et le corps plus foncé de l'objet est très nette. - 35 fragments présentent une surface plane et, le plus souvent, une deuxième surface bombée. La troisième face de ces fragments correspond à la forme en négatif de l'objet. Elle est la seule à ne pas présenter de surface orangée ou grise et ne correspond donc pas à une surface externe au contraire des deux autres. Dans seize cas, il s'agit d'une simple gouttière destinée à recevoir une tige de 0,8 cm de diamètre environ (pl. 11, n° 12). Dans six autres cas, une ou deux empreintes sub-circulaires et transversales se placent au bout de la tige (pl. 11, n° 11). Elles correspondent probablement aux petits tampons que l'on rencontre sur les bracelets fins ou torques de cette même période de La Tène A (Röder, 1991). Quatorze autres fragments présentent toujours cette forme générale triangulaire dont une des faces est bombée, mais aucune empreinte n'est visible. - 8 fragments sont d'une forme proche de celle d'un entonnoir. Il peut s'agir là de pièces qui auraient fait partie du système d'alimentation du moule. - 30 fragments de la même pâte ne présentent aucune trace particulière. Comparaisons, interprétation. Ce type de moule devait probablement se présenter, lorsqu'il était complet, sous la forme d'un dôme ou d'une couronne peu élevée à base large. La courbure des éléments les mieux conservés permet de restituer des moules dont le diamètre de la base est compris entre 15 et 20 cm (pl. 11, n os 11 et 12). Les collages s'étant avérés peu nombreux, il est difficile d'évaluer le nombre des individus auxquels se rapportent ces fragments. Quant à la courbure de l'empreinte en gouttière, elle correspond à une tige coulée de 0,8 mm de diamètre environ pour un diamètre d'environ 14 cm. Toutes les faces à empreintes sont de couleur gris foncé à noire et correspondent donc à une surface de fracture. Ainsi, ces gouttières, qui représentent environ la moitié d'une tige, pourraient ne pas appartenir à des moules en plusieurs pièces mais plutôt à un moule à cire perdue. Ce type de moule implique un décochage violent - afin de récupérer l'objet - qui induit sa destruction. L'absence d'une seconde couche destinée, à l'exemple des moules de Varennes-Vauzelles (Pernot, Labeaune, 1999), à joindre les pièces du moule, pourrait signifier qu'il ne s'agit pas d'un moule assemblé en terre cuite mais plutôt d'un moule à pièce unique destiné à la technique de la cire perdue. Des moules tout à fait semblables proviennent du site d'habitat d'Eberdingen-Hochdorf dans le Bade-Wurtemberg; ils présentent une face plane, une autre bombée et une troisième portant la gouttière et correspondant probablement à une surface de fracture (Schmitt, Seidel 1997, Taf. 6). Tout comme à Souffelweyersheim, les parties qui portent la suite de l'empreinte de la tige, à l'intérieur du moule, sont absentes. Seuls quelques fragments en forme d'entonnoirs, décrits plus haut, complètent les informations sur ces moules. Les vestiges d'Eberdingen proviennent d'une structure qui présente la forme d'un silo. Comme nous l'avons déjà mentionné, ils étaient accompagnés de fragments de creusets ouverts et fermés et de vestiges de métallurgie du fer. L'ensemble est attribué à l'extrême fin de la période hallstattienne et au début de La Tène (Schmitt, Seidel, 1997). La structure 1 a livré deux scories de fer à l'aspect bulleux et filandreux à certains endroits de la surface. Elles présentent des inclusions de charbon et pèsent respectivement 63 et 125 g. Un petit fragment de plaque de fer provient de cette même structure 1. La présence des creusets et des moules indique sans conteste la pratique d'une métallurgie des alliages cuivreux et plus précisément, à Souffelweyersheim, la fabrication très probable de torques à petits tampons; les scories impliquent une métallurgie du fer dont les caractéristiques propres n'ont pas été déterminées ici. Les sites alsaciens ou des régions voisines d'Allemagne et de Suisse qui ont livré creusets ou moules associent tous, à cette période de la fin du Hallstatt et du début de La Tène, les deux métallurgies en un même endroit. Tous les vestiges proviennent de fosses circulaires plus ou moins profondes de type silo. Le riche site suisse de Sévaz a permis d'interpréter ces fosses comme des structures constitutives d'un atelier. Si dans le cas de Souffelweyersheim il est difficile d'affirmer que les structures 1 et 40 constituent directement des ateliers, leur forme pourrait le suggérer. Il pourrait en être de même pour le site d'Ettendorf dans le Bas-Rhin (Peytremann, 2004). Les creusets de Souffelweyersheim présentent des aspects qui les distinguent des productions contemporaines, comme leur mode de fabrication où l'on ne semble pas retrouver l'assemblage en deux moitiés dans le sens de la longueur comme à Sévaz, mais plutôt dans le sens horizontal. Par d'autres aspects, comme la forme générale où le mode de fonte, ils sont tout à fait comparables. Les moules sont identiques aux exemplaires découverts à Eberdingen-Hochdorf (Schmitt, Seidel, 1997). L'ensemble indique une production sur place de torques à tampon de La Tène A. Les découvertes de Souffelweyersheim complètent les connaissances sur les pratiques métallurgiques et confirment la pratique simultanée et systématique des métallurgies du bronze et du fer. Elles permettent également de resserrer le maillage des sites où se pratiquent ces métallurgies. Il est vrai que la quantité de vestiges livrée par des établissements comme Souffelweyersheim, Ettendorf (Peytremann, 2004), Singen-am-Hohentwiel (Hopert, 2003) ou encore Eberdingen-Hochdorf (Schmitt, Seidel, 1997), n'a rien de comparable avec les centaines de kilogrammes de déchets métallurgiques récoltés à Sévaz (Mauvilly et alii, 1998) ou à Bragny-sur-Saône (Collet, Flouest, 1997), sites qui ont par ailleurs livré un mobilier aussi prestigieux que de la céramique attique. L'activité métallurgique des sites de hauteur, qui a parfois été considérée comme spécifique à ce type de site (comme sur le Britzgyberg par exemple; Schweitzer, 1997), occupe une position certes particulière, mais qu'il serait intéressant de redéfinir plus précisément en tenant compte des découvertes réalisées sur des établissements de moindre importance comme les sites établis en plaine. Bien qu'un atelier métallurgique ait existé à proximité, le mobilier métallique est extrêmement rare sur le site. Il se résume à quatre objets dont deux en fer et deux en bronze : - une hache à douille en fer à été découverte dans la structure 53 bis, structure recoupée par un silo de La Tène ancienne; s'agissant de l'unique objet contenu dans cette fosse, sa datation n'est pas précisée; elle est antérieure à La Tène ancienne ou contemporaine de cette phase; longueur : 12 cm; largeur max. : 9 cm; épaisseur maximale : 4 cm (pl. 8, n° 21); - un petit outil en fer présentant une partie active plate et étroite et une soie coudée : longueur : 10 cm; largeur de la lame : 1,8 cm (pl. 7, n° 15); - une tige en bronze pliée en deux endroits : longueur déroulée : 10 cm; section ronde : 2 mm (pl. 5, n° 23); - un objet non déterminé : tige de bronze enroulée en de multiples endroits (pl. 2, n° 21). L'outillage osseux se résume à un grand poinçon, long de 14 cm pour une largeur maximale d' 1,6 cm (pl. 5, n° 24). Le matériel de mouture brille par son absence : aucune meule n'a été découverte et les rares fragments de grès recueillis sont de très petite taille (bouchardage). Les seuls véritables outils recensés sont : - un broyon sur galet (8 x 7 cm; ép. 6 cm) aux extrémités piquetées (pl. 7, n° 17); - un fragment de « palette » en grès à grain très fin (longueur : 7 cm; largeur : 6 cm; ép. 2,2 cm). Ces objets sont parfois identifiés à des aiguisoirs (pl. 7, n° 16). Une douzaine de structures contenaient des galets, parfois en grand nombre (quinze dans la structure 40, 17 dans la structure 53). Certains d'entre eux, allongés et présentant une extrémité ou une face polie, ont probablement été utilisés comme lissoirs : le site hallstattien de Geispolsheim « Bruechel » en a livré de nombreux exemples (Koenig, Legendre, 1990, fig. 8, 9 et 12). Le site de La Tène ancienne à Souffelweyersheim s'inscrit dans la lignée des découvertes régionales relatives à cette période. Il s'agit d'un site couvrant une faible surface et pouvant être identifié à une ferme ou à un petit hameau (un fond de cabane, une trentaine de silos). La dispersion de l'habitat en petites unités d'exploitation semble être la règle en Alsace. Cette image doit cependant être nuancée dans la mesure où notre connaissance des structures d'habitat de La Tène ancienne souffre toujours d'un important déficit documentaire. Sur la vingtaine de sites connus (fig. 9), peu ont fait l'objet de fouilles suffisamment étendues pour nous permettre de cerner leur extension et leur organisation. À Rosheim « Rosenmeer », les quelque 65 structures attribuées au Hallstatt D3/La Tène ancienne se dispersent sur une surface d'environ 200 x 100 m (L efranc, 2001, fig. 2); nous ignorons s'il s'agit d'un hameau où s'il faut envisager l'éventuel déplacement d'un habitat de taille plus modeste. Le site de Rosheim « Mittelweg », prolongement du précédant mais appartenant à un autre stade stylistique, comprend 21 structures seulement, disséminées sur une surface d'environ 100 x 60 m, et offre une image proche de celle de notre site. À l'exception du site d'Ettendorf, très particulier (P eytremann, 2004), les autres habitats ont été étudiés sur des surfaces trop réduites pour se prêter à l'analyse. L'inhumation en silo relève d'un phénomène relativement courant à partir du Hallstatt D3/La Tène ancienne. L'étude anthropologique montre qu'il s'agit, à Souffelweyersheim, d'un individu âgé de sexe masculin. Sa position particulière est imputable à la présence d'un cône de déjection sur lequel l'individu est venu s'affaisser. Le corps a immédiatement été recouvert de sédiment. L'absence de standardisation des positions des corps dans de nombreuses structures de ce type, phénomène récurrent, permet de poser, à la suite d'autres auteurs, la question de la nature de ces dépôts. Leur caractère strictement funéraire peut, à l'évidence, être discuté. Le corpus céramique de Souffelweyersheim, avec un peu plus d'une centaine d'individus identifiés dont une vingtaine en céramique fine tournée, se place parmi les séries les plus importantes de Basse-Alsace. Les formes les plus fréquentes en céramique montée à la main sont les jattes en céramique fine et les pots de stockage biconiques. Le corpus de la céramique tournée comprend essentiellement des coupes à profil sinueux, le plus souvent cannelées. Aux côtés de ces productions relativement communes sur l'ensemble des sites régionaux, on note de rares jattes cannelées à bord rentrant, probablement importées de la région du Kaiserstuhl. Nous devons ici souligner la nécessité de voir croître le corpus céramique de cet horizon chronologique dont la périodisation interne repose uniquement sur le mobilier métallique découvert en contexte funéraire. Cette lacune a pour conséquence de nous priver de la profondeur chronologique indispensable à toute tentative d'analyse spatiale en contexte d'habitat. La découverte la plus inattendue est celle d'une dizaine de creusets et de fragments de moules non permanents en terre cuite. Les creusets en forme de poire et munis d'une cheminée, encore très rares sur les sites régionaux de La Tène ancienne, peuvent être rapprochés des exemplaires mis au jour sur les sites de Sévaz, en Suisse, et d'Eberdingen-Hochdorf, en Allemagne. Ce type de creuset qui, par sa forme générale, s'éloigne des rares exemplaires connus pour la période suivante, pourrait être considéré comme spécifique à la fin du Hallstatt et au début de La Tène. Les fragments de moules non permanents trouvent également de bons parallèles sur le site d'Eberdingen-Hochdorf; d'après les empreintes lisibles, les moules de Souffelweyersheim ont été utilisés pour la fabrication de torques à petits tampons, objets bien attestés en Alsace pendant toute la durée de La Tène ancienne. La présence de scories témoigne de la pratique de la métallurgie du fer à Souffelweyersheim; l'existence concomitante de la métallurgie du bronze et du fer caractérise également les deux sites de référence déjà mentionnés. Sur ces derniers, les vestiges liés aux activités métallurgiques proviennent régulièrement de fosses circulaires de type silo que plusieurs auteurs proposent d'identifier à de véritables ateliers. Une telle hypothèse pourrait être retenue pour la fosse 1 de Souffelweyersheim qui a livré la grande majorité des témoins liés à l'activité métallurgique . | La fouille d'un habitat de La Tène ancienne sur la commune de Souffelweyersheim, près de Strasbourg, a livré un peu plus d'une trentaine de structures se répartissant entre un fond de cabane, des fosses de type silo et un probable bâtiment sur sablières. L'important corpus céramique mis au jour constitue aujourd'hui l'un des ensembles les plus riches de la région. Aux côtés de formes fréquentes sur l'ensemble des sites régionaux, on note quelques importations de céramiques tournées en provenance d'ateliers du Kaiserstuhl. L'intérêt principal de cet habitat réside dans la présence d'un atelier métallurgique attesté par de nombreux fragments de creusets et de moules non permanents en terre cuite, objets encore inédits en Alsace. Les empreintes portées par les fragments de moules indiquent une production de torques à tampons. Un homme d'une cinquantaine d'années découvert en position non standardisée dans une structure de type silo vient compléter le petit corpus de ce type d'inhumation pour le sud de la plaine du Rhin supérieur. | archeologie_10-0136519_tei_346.xml |
termith-149-archeologie | Jusqu' à ces dernières années, le Limousin a été une région pour laquelle le nombre d'études carpologiques est resté limité. Dans une synthèse sur les données néolithiques et protohistoriques de la France réalisée par M. Hopf (1991), le Limousin était la seule région à ne pas figurer dans cet inventaire. Des études inédites avaient toutefois été réalisées entre 1984 et 1988, en particulier sur des sites du Néolithique et de l' âge du Bronze (dolmens de La Lue, Berneuil [Haute-Vienne ]) et du Petit-Pied, Saint-Cernin-de-Larche (Corrèze) et un site médiéval (Chadalais, Maisonnais-sur-Tardoire [Haute-Vienne]). Mais, c'est seulement au début des années 1990 que les premières études carpologiques de sites gallo-romains (Marinval, 1991, 1993, 2001, Roger, 1995) ont fait l'objet de publications. D'autres études ont depuis été publiées comme celles de la nécropole gallo-romaine des Châtaigneraies à Saint-Germain-les-Vergnes (Corrèze) (Cabanis, in Toledo i Mur et al., 2004) et celles du Néolithique ancien et récent-final ci-dessus citées (Tardiveau et al., 1990; Ruas, 2001; Diot, 2002). Entre 1996 et 2001, 9 sites couvrant une période allant de la Tène finale au bas Moyen Âge ont été étudiés, permettant la détermination d'environ 212 000 restes végétaux et 300 taxons de plantes cultivées et sauvages (Bouchette, 2004). Dans le cadre de cette présentation, seules les données concernant les plantes cultivées et utilitaires des périodes protohistorique, gallo-romaine et médiévale ont été retenues (tableau 1). Ce choix s'est imposé pour deux raisons : l'une technique, liée à la longueur des tableaux contenant la totalité du corpus carpologique; l'autre scientifique, due au fait qu'aucune nouvelle donnée ne concerne les périodes néolithique et de l' âge du Bronze. Le Limousin bénéfice de nombreuses études palynologiques, anthracologiques et sédimentologiques qui permettent de rendre compte des variations climatiques ou anthropo-climatiques pour les périodes protohistoriques et historiques. Les études montrent montrent une certaine hétérogénéité par rapport aux données carpologiques en raison de la localisation géographique de ces dernières. Ainsi, la plupart des analyses palynologiques sont localisées en Montagne limousine et proviennent de tourbières alors que les données carpologiques et anthracologiques résultent de sites de vallées et de bas-plateaux (Dubois et al., 1942; Dubois et Dubois, 1944; Lemée, 1943, 1949, 1952, 1980; Denèfle et al., 1980; Guenet, 1992, 1993; Miras, 2001, 2004). Plusieurs analyses palynologiques, réalisées dans le cadre du Programme Collectif de Recherche sur « l'archéologie agraire en Limousin », concernent néanmoins des fonds de vallons tourbeux des bas-plateaux occidentaux (Allée et Diot, 1997; Allée et al., 1996, 1997). Les données anthracologiques publiées (Fredon, 1985, 1995) ont rarement fait l'objet d'analyses carpologiques ou palynologiques complémentaires. Le Limousin forme la partie nord-occidentale du Massif central. Composé de trois départements, la Corrèze (19), la Creuse (23) et la Haute-Vienne (87), sa superficie est d'environ 17 000 km 2 (fig. 1). Son relief est caractérisé par quatre grandes entités : – les hauts sommets, localement appelés Montagne limousine, dont l'altitude varie de 600 à 978 m, – les plateaux, situés entre 200 m et 600 m d'altitude, – les vallées, nombreuses du fait de l'importance du réseau hydrographique, – deux petits bassins sédimentaires dont celui de Gouzon au nord-est et celui de Brive au sud. Le Limousin est principalement composé d'un socle cristallin arénisé. Dans l'ensemble, les sols y sont légers, acides, froids et humides. Les sols podzoliques et hydromorphes dominent en altitude, notamment en Montagne limousine (Bernard-Allée et al., 1994; Brugel et al., 2001). C'est sur ce relief que se localisent les tourbières les plus vastes et les plus anciennes. Dans les vallées, les sols alluviaux l'emportent. Les affleurements calcaires se limitent pour l'essentiel au Causse de Brive. Le climat régional est majoritairement de type tempéré océanique. Dans le nord-est de la Creuse, il prend un caractère plus continental mais devient plus méridional dans le bassin de Brive et sur le Causse corrézien. Du fait du relief, la pluviométrie est fortement contrastée. Avec des précipitations annuelles supérieures à 1 500 mm, la Montagne limousine fait partie des zones les plus fortement arrosées. Les bas-plateaux et les deux bassins connaissent des précipitations inférieures à 900 mm/an (Walter et al., 1960). Trois grandes régions paysagères ont été identifiées (Périgord, 1994) : – dans le nord et nord-ouest du Limousin, un type bocager à habitat dispersé, – dans l'ouest et le sud-ouest, domaine de l'élevage bovin, des pâturages et un habitat regroupé, – dans l'est et le sud-est, un milieu façonné par une activité agro-sylvo-pastorale. La végétation naturelle potentielle fait référence aux séries du chêne pédonculé (Quercus robur), du chêne pubescent (Q. pubescens), du chêne sessile (Q. petraea), du hêtre (Fagus sylvatica) et de l'aulne (Alnus glutinosa) (Lavergne, 1969). Elles s'articulent les unes aux autres selon l'altitude, le sol, le relief et l'exposition. Si la série du hêtre prédomine sur la Montagne limousine, les massifs des plateaux sont davantage caractérisés par la série du chêne pédonculé, les bas plateaux par celles des chênes sessile et pédonculé. Celle du chêne pubescent n'est localisée que dans le bassin de Brive et le Causse de Martel (Lavergne, 1963). Dans les vallées, la végétation potentielle des ripisylves est formée par la série de l'aulne. Les données carpologiques prises en compte font référence à 15 sites, soit 18 occupations (tableau 1 et fig. 1). Bien que relevant des périodes considérées, les deux sites médiévaux de Chadalais à Maisonnais-sur-Tardoire (Haute-Vienne) et Esplaux à Sarran (Corrèze) n'ont pas été retenus dans la mesure où, jusqu' à présent, les données carpologiques n'ont fait l'objet d'aucune publication détaillée (Ruas, 1992a; Colombain et Lombard, 1991). Seules les plantes cultivées sont diponibles sous forme de présence/absence pour le premier et de mention pour le second. Il en va de même pour les sites de Saint-Christophe et de Louroux (Creuse) dont les déterminations n'émanent pas de spécialistes. Les sites pris en considération se répartissent de façon inégale. Quatre d'entre eux sont localisés en Corrèze, trois en Creuse et huit en Haute-Vienne (fig. 1). Géographiquement, leur distribution fait référence pour l'essentiel au Limousin occidental, c'est-à-dire aux bas-plateaux et aux vallées. Ceux implantés en moyenne montagne font exception et aucun ne rend compte de la haute Montagne. Aussi, en termes de végétation naturelle potentielle, les séries concernées sont principalement celles des différents chênes et de l'aulne. Du point de vue distribution chronologique, les occupations retenues se répartissent de manière inégale : une seule est datée de la Tène finale, neuf font référence à l'époque gallo-romaine et huit au Moyen Âge. Les types d'occupation diffèrent également. Ainsi, le site gaulois et antique du Patureau à Saint-Gence est interprété comme un centre proto-urbain (Lintz, 2000). Les autres données carpologiques gallo-romaines proviennent pour une large part de nécropoles à incinérations. Deux habitats, l'un urbain, l'autre rural, complètent le spectre. Pour le Moyen Âge, les sites retenus sont constitués par différentes occupations urbaines, castrales et rurales. Les contextes archéologiques analysés sont variés. Les sites retenus totalisent 124 structures, soit 8 structures en moyenne. Ces chiffres masquent une forte hétérogénéité dans la mesure où la nécropole de Sagnes à Pontarion a fourni à elle seule 71 contextes. Excepté ce site, le nombre de structures analysées varie de 1 à 14. Certaines d'entre elles ont donné lieu à des prélèvements très riches en carpo-restes (tableau 2). Plusieurs structures d'ambiance humide ont fait l'objet de prélèvements : trois puits à Saint-Gence -le Patureau, un à Gouzon-Lavaud et un à Limoges -le Maupas, un fossé à Saint-Yrieix-la-Perche -le Bourg et un souterrain à Masseret -la Renaudie. Les comblements se sont révélés plus ou moins organiques selon les structures. Les autres contextes sont de milieu sec et concernent la majorité des sites. Ils sont constitués par des incinérations, des fosses, des trous de poteau, des niveaux et des remblais d'occupation, des fours et des foyers. Quatre structures seulement, provenant toutes du site du CHR de Limoges, ont livré majoritairement du matériel minéralisé (Maniquet [dir. ], 1999) (tableau 2). La composition des assemblages carpologiques de ces contextes divergent dans la mesure où les modes de conservation influent largement sur la préservation des restes végétaux. Ainsi, selon Green (1979), en milieu urbain, les structures d'ambiance humide sont plus favorables à la conservation des fruitiers que des céréales et des légumineuses. Cette observation est valable pour le Limousin avec le puits du site urbain de Limoges -le Maupas, et à un degré moindre, pour le fossé de la motte castrale de Saint-Yrieix-la-Perche -le Bourg. Par contre, cette constatation s'avère moins pertinente en ce qui concerne les occupations non urbaines. Ainsi, le souterrain du site castral de Masseret -la Renaudie, pour lequel le matériel imbibé prédomine, est composé principalement de résidus de céréales et d'oléagineuses. À Saint-Gence -le Patureau, habitat rural ou proto-urbain gaulois et gallo-romain, les trois puits analysés ont livré un abondant matériel imbibé, caractérisé par un spectre de plantes cultivées et utilitaires où les résidus de céréales abondent (fig. 2). Conformément aux observations de Green (1979), les contextes archéologiques de milieu sec ont livré, pour l'essentiel, des céréales et/ou des légumineuses carbonisées. Cette représentation est surtout valable pour les différentes occupations médiévales, quelle que soit leur nature. Elle l'est moins pour les sites gallo-romains, car la plupart d'entre eux sont constitués de nécropoles à incinérations. Ce type de dépôts favorise la mise en évidence d'un spectre de fruits plus ou moins diversifié (Marinval, 1993; Bouby et Marinval, 2004), même si en Limousin, les corpus sont constitués majoritairement de céréales et de légumineuses. Troisième mode de conservation présent sur les sites retenus, la minéralisation n'est attestée en Limousin que dans quatre structures gallo-romaines à Limoges-CHR. Les prélèvements que nous avons étudiés ont été tamisés à l'eau sur une colonne de tamis à mailles de 2 mm, 1 mm et 0,5 mm pour les prélèvements issus de milieux secs. Pour ceux d'ambiance humide, un tamis à maille de 0,2 mm a été ajouté. Les quantités prélevées varient selon les sites, les contextes, les couches archéologiques, la nature des comblements, etc. Les refus de tamis de 2 mm ont été triés dans leur intégralité. Les autres mailles ont parfois dû faire l'objet d'un sous-échantillonnage du fait de leur volume, de la densité des restes conservés ou du temps dont nous disposions pour le travail. Lorsqu'un tri partiel des fractions a dû être opéré, le nombre de restes a été calculé au prorata des pourcentages effectués afin d'obtenir une estimation globale du contenu de l'échantillon. Pour les sites étudiés, le nombre de déterminations s'élève à 212 360 restes de plantes cultivées et sauvages (tableau 3 et 4). Il s'agit d'un nombre minimum d'individus, ceux -ci pouvant être entiers ou composés de fragments. Dans ce dernier cas, le mode de calcul a été établi de la manière suivante : deux moitiés de semences ou cinq fragments équivalant à un reste. Un mode de calcul similaire a été retenu pour les sites que nous n'avons pas étudiés et pour lesquels le nombre de fragments a été divisé par 5 lorsqu'il était exprimé. Ainsi, le total des déterminations du corpus des sites avoisine les 219 000 restes de plantes cultivées et sauvages pour environ 300 taxons. 241 d'entre eux ont été déterminés au rang d'espèce. Réduit aux plantes cultivées et utilitaires retenues, le nombre d'identifications s'établit à 154 035 éléments pour 70 taxons dont 58 espèces. Les échantillons étudiés ont été tamisés soit au Laboratoire d'Ecologie Terrestre (université Paul-Sabatier, Toulouse) soit à l'Institut d'Archéobotanique du Landesdenkmalamt Baden-Wurttemberg de Hemmenhofen-Gaienhofen (Allemagne). D'autres l'ont été par les équipes de fouille. Les volumes des prélèvements ne sont connus qu'en partie, ce qui n'a pas permis de calculer la densité en restes pour l'ensemble des sites. Ils sont compris, en données brutes, entre 6 à 27 litres et en données saturées en eau entre 3,5 à 48 litres (tableau 1). Ces valeurs relativement faibles s'expliquent par le fait que les prélèvements ont été pour la plupart réalisés sur des sédiments contenant des carpo-restes visibles à l' œil nu. Les restes végétaux ont ensuite été triés et déterminés à l'aide d'un stéréomicroscope à des grossissements x10 ou x60. Les déterminations ont été réalisées à partir d'atlas de semences, d'articles spécialisés et de collections de référence de fruits et de graines actuels. Au début de l' âge du Fer, le paysage végétal du Limousin est encore largement dominé par la forêt. Selon l'altitude, il est constitué de chênaies (Quercetum) ou de chênaies-hêtraies (Querceto-fagetum). En Montagne limousine, les hêtraies dominent et sont plus ou moins parsemées de sapins (Abies). Comme cela a été montré dans les Pyrénées (Kenla et Jalut, 1979; Jalut, 1984) où le sapin peut se développer à basse et moyenne altitude, la dominance locale du hêtre par rapport au sapin pourrait être l'une des conséquences de l'action de l'homme. Les fonds de vallées et les berges des tourbières sont colonisés par les aulnaies (Alnetum) (Lemée, 1943, 1949, 1980; Denèfle et al., 1980; Guenet, 1992, 1993; Allée et al., 1996, 1997; Miras, 2001, 2004). Des grains de pollen de graminées (Poaceae) et de rudérales témoignent de l'anthropisation du paysage. Ceux des Ericacées traduisent à la fois une présence locale sur les tourbières ainsi que la probable existence de landes dont le développement et l'emprise restent difficile à évaluer. Au second âge du Fer, l'agriculture en Limousin est caractérisée par des attestations polliniques de céréales et des données carpologiques. Ces dernières, datées de la Tène finale, proviennent de Saint-Gence -le Patureau. Cette occupation, localisée au nord-ouest de Limoges, correspond à un village bien structuré d'époque gauloise et augustéenne (Lintz, 2000) (fig. 1 et tableau 1). Provenant de deux puits, le matériel végétal est, pour l'essentiel, conservé sous forme imbibée. Le spectre des plantes cultivées et utilitaires est formé de 4 944 éléments. Il est principalement composé de vannes de céréales, de quelques oléagineuses, aromates et fruitiers (tableau 3). Les céréales mises en évidence sont constituées par le millet commun (Panicum miliaceum), attesté par de très nombreuses glumelles, puis par l'épeautre (Triticum spelta), l'amidonnier (T. dicoccon), l'orge vêtue (Hordeum vulgare) et l'avoine cultivée (Avena sativa). Un grain carbonisé permet également d'attester la présence du blé nu (Triticum aestivum/durum). Du point de vue taxonomique, ce spectre est proche de celui des régions septentrionales françaises avec la mise en évidence des mêmes espèces à l'exception de l'engrain et de l'orge nue (Matterne, 2001; Lepetz et al., 2002; Malrain et al., 2002; Bakels, 2005). La présence de l'avoine cultivée est à souligner car la diffusion de l'espèce en France ne semble débuter qu'au second âge du Fer (Zech-Matterne et al., 2009). Pour le Limousin, l'importance relative des céréales est difficile à établir du fait de cette seule analyse. La représentativité de ces plantes peut, en effet, varier fortement selon le mode de conservation et les types de restes. Ainsi, l'orge et les différents blés peuvent être très diversement attestés selon que l'on considère les grains ou les résidus de vannage. C'est le cas, par exemple, des sites du second âge du Fer du Sud-Ouest de l'Allemagne dans lesquels l'épeautre est surtout déterminé sous forme de vannes alors que l'orge vêtue l'est essentiellement sous forme de grains (Rösch, 2006a). Cette apparente opposition peut résulter de modes de récolte, de stockage ou d'utilisation entre les céréales. Si un éventuel effet taphonomique peut être envisagé pour expliquer la meilleure conservation des bases d'épillets et de glumes d'épeautre par rapport aux rachis d'orge du fait de leur meilleure résistance à la carbonisation, cet argument ne peut être retenu pour expliquer la différence de représentation entre les grains d'épeautre et d'orge. La rareté des rachis d'orge dans les puits de Saint-Gence ne doit donc pas être interprétée comme le résultat du rôle secondaire de cette céréale en Limousin, les contextes étudiés n'ayant pas été favorables à la conservation des grains carbonisés. Aucune légumineuse n'a été découverte. Cette absence n'est pas une surprise dans la mesure où, dans ces puits, le matériel carpologique est conservé à 98,7 % sous forme imbibée, un mode de conservation défavorable aux légumineuses (Green, 1979). Celles -ci sont pourtant bien représentées au second âge du Fer en France septentrionale et méridionale (Bakels, 1999; Matterne, 2001; Ruas et Marinval, 1991). Ces plantes jouent un rôle alimentaire important par leur apport en protéines. Leur absence en Limousin est sans doute imputable à la nature de l'assemblage carpologique plutôt qu' à celle d'une consommation. Seules deux oléagineuses ont été mises en evidence : le lin cultivé (Linum usitatissimum) par deux fragments de capsules et le pavot somnifère (Papaver somniferum) par six graines. Il en va de même pour les aromates pour lesquels seuls le céleri (Apium graveolens) et l'aneth (Anethum graveolens) ont été déterminés (tableau 3). Ces plantes appartiennent de longue date aux corpus des plantes cultivées et alimentaires. Les premières sont mentionnées en France depuis le Néolithique (Ruas et Marinval, 1991), les secondes sont attestées dès cette période en Suisse dans des stations lacustres (Jacomet, 1988; Brombacher, 1997), puis, de manière plus régulière, à partir de l' âge du Fer, en France comme en Allemagne (Wiethold, 1998; Matterne, 2001; Rösch et al., 2008). Divers fruitiers ont éventuellement pu faire l'objet d'une collecte comme le noisetier (Corylus avellana), le chêne (Quercus), le hêtre (Fagus sylvatica), le prunellier (Prunus spinosa), le pommier (Malus), l'églantier (Rosa), le fraisier des bois (Fragaria vesca), le framboisier (Rubus idaeus), la ronce commune (Rubus fruticosus agg.) et le sureau noir (Sambucus nigra). Ces espèces spontanées en Limousin sont des composants naturels des formations forestières, des haies ou des landes. La présence du framboisier est à noter du fait de sa répartition actuelle en Limousin, limitée à la Montagne limousine et aux reliefs attenants. Mais au cours des deux derniers millénaires, sa répartition a pu varier car l'extension des milieux boisés a été largement modifiée sous les effets conjugués de l'impact anthropique et des modifications climatiques. Cette époque a en effet été marquée par des crises alluviales, signe d'un climat plus froid et humide ayant pu favoriser les massifs forestiers (Allée et al., 1997; Allée et Diot, 1996, 1997). Des études sédimentologiques de banquettes agricoles fossilisées dans le paysage, associées à des datations 14 C, ont permis de montrer qu'il existait à cette époque, une stabilisation du parcellaire de culture sur les meilleurs terroirs (Bernard-Allée et Valadas, 1992, 1993; Allée et al., 1996). Des amendements de terres ont également été mis en évidence lors de fouilles comme celles des Thermes à Limoges où un sol agricole gaulois a été découvert sous une voie de circulation. Il était constitué d'un apport de matières organiques, de calcium et de phosphate (ibid.). En Limousin, le début de la période gallo-romaine est marqué par une crise hydroclimatique qui se traduit par des phénomènes d'alluvionnement dans les vallées et les vallons (Allée et al., 1996, 1997). Les analyses palynologiques témoignent d'une anthropisation du milieu forestier supérieure à celle de l' âge du Fer. Les déboisements restent cependant modérés. Le hêtre (Fagus) est de plus en plus concurrencé par le chêne (Quercus) et le bouleau (Betula) (Lemée, 1949; Valadas, 1982), ce dernier colonisant sans doute diverses zones préalablement déboisées puis abandonnées. Cette évolution du couvert forestier est à la fois d'origine anthropique et climatique. Les données palynologiques montrent que les déforestations semblent avoir favorisé le chêne au détriment du hêtre (Allée et al., 1996, 1997; Allée et Diot, 1997). La diminution des pourcentages de cette espèce peut cependant être liée à une modification de son mode de traitement, l'émondage pour le fourrage entraînant une diminution de sa production pollinique (Jalut et al., 1982). A contrario, le chêne a pu être préservé pour son bois et ses fruits ainsi que pour son sous-bois qui autorise un pâturage sous forêt. Les variations de la production pollinique du hêtre sont cependant complexes. C'est une espèce qui s'avère très sensible à l'action anthropique ainsi qu'aux variations climatiques, même annuelles (Stebich et al., 2005). Les grains de pollen de Quercus, plus petits que ceux du hêtre, sont produits en plus grand nombre et mieux dispersés. Ils sont donc plus aptes à pénétrer tous les milieux, ce qui en fait, selon certains auteurs, une essence sur-représentée polliniquement (Guenet, in Miras, 2004). Pour d'autres, la question de la sur-représentation pollinique du chêne dépendrait de plusieurs facteurs et varierait selon les espèces, les techniques d'échantillonnage et les modes de transcription des données (Heim, 1970). Cette prédominance du chêne sur le hêtre est perceptible dans les analyses anthracologiques (Fredon, 1985, 1995; Petit et Fredon, 2001; Petit, in Toledo i Mur et al., 2004). Les charbons de bois de chêne deviennent prédominants à l'époque gallo-romaine. Par rapport à la période précédente, ce renversement de tendance dans le choix des essences forestières utilisées comme combustible est interprété comme une surexploitation de la chênaie-hêtraie originelle dès la période protohistorique. Il aurait favorisé le développement des chênaies. Celles -ci sont plus rapides à se régénérer en milieu ouvert que les hêtraies. Cette ouverture des milieux serait confirmée, selon certains auteurs, par l'augmentation de la largeur moyenne des cernes du chêne entre l' âge du Fer et l'époque gallo-romaine (Petit, in Toledo i Mur et al., 2004). Neuf analyses carpologiques sont disponibles pour l'ensemble de la période. Six proviennent de nécropoles à incinérations (Marinval, 1991, 1993, 2001; Roger, 1995; Toledo i Mur, 2004). Quatre d'entre elles sont datées du haut-Empire (i er - ii e siècles) : Bessines-sur-Gartempes, Mercoeur, Veyrac et Saint-Germain-les-Vergnes et deux de la transition Haut/Bas-Empire : Pontarion et Saint-Maurice -la Souterraine (fig. 1, tableau 1 et 3). Les tombes ont livré un nombre de restes et de taxons très variable. La nécropole la plus riche est celle des Sagnes à Pontarion avec plus de 22 taxons et plus de 2 700 restes carbonisés, ce qui en fait, à ce jour, la nécropole offrant la plus large gamme de végétaux (Marinval, 2001). Les trois autres occupations sont constituées par le site proto-urbain du Patureau à Saint-Gence (Haute-Vienne), l'agglomération urbaine d ' Augustoritum, l'antique Limoges (Haute-Vienne) et l'habitat rural de Lavaud à Gouzon (Creuse). Les deux premières sont datées du i er siècle de notre ère, la troisième de la transition ii e / iii e siècle. À Saint-Gence et à Gouzon, les analyses carpologiques sont issues de puits qui ont livré respectivement 61 637 et 10 649 restes, conservés sous forme imbibée à 99,9 % et à 98,6 % (tableau 2). À Limoges, les structures étudiées se composent de cinq fosses, dont quatre sont localisées à proximité d'un vaste bâtiment ceinturé d'un talus et d'une palissade identifiés comme un sanctuaire. Celles -ci ont livré un abondant matériel céramique et faunique et, à leur base, des restes carpologiques minéralisés (Maniquet [dir. ], 1999). Ces comblements ont également fait l'objet d'analyses palynologiques (M.-F. Diot, inédit) et de spectrochimie (Pepe, inédit). Des larves d'insectes (arthropodes) minéralisées, en quantité variable selon les structures, ont été observées, ainsi que des concrétions pouvant s'apparenter à des « nodules sphéroïdes » (Ruas, 1995), mais aucun parasite intestinal n'a été repéré (com. orale M.-F. Diot). Deux hypothèses ont été émises concernant la fonction de ces fosses : comme dépotoirs, en ayant recueilli les rejets de repas cultuels ou rituels ou de sacrifices d'animaux comme le suggère la présence de viscères mises en évidence par la spectrochimie (Maniquet [dir. ], 1999); excrémentielle, en ayant servi de latrines. Cette seconde hypothèse est suggérée par plusieurs indicateurs : la minéralisation des restes végétaux dont le mode de conservation peut résulter de taux élevés en phosphates ou en calcium (Green, 1979; Carruthers, 1991), le spectre carpologique qui est constitué essentiellement de fruits et de graines de plantes alimentaires, composé de semences de petits modules, comme de nombreux pépins, de graines d'oléagineuses et de semences d'aromates (Knörzer, 1984; Ruas, 1995). Parmi les autres critères figurent également les larves d'arthropodes considérées comme des indicateurs directs de sédimentation par les excréments (Karg, 1996), ainsi que les résultats d'analyses de spectrochimie qui rendent compte de forts taux de coprostanol et de cholane-24-oïque, le premier étant caractéristique d'une origine fécale, le second de viscères humaines ou animales. La présence de ces résidus intestinaux est ambiguë dans la mesure où leur origine animale est incertaine. De plus, ceux -ci peuvent résulter de rebus d'abattage sans avoir fait pour autant l'objet d'offrandes. L'absence de parasites intestinaux, considérés également comme des indicateurs directs de comblement de type latrine (Greig, 1983; Hellwig, 1997; Jacomet et Kreuz, 1999), va cependant à l'encontre de l'hypothèse de cette fonction. D'autres arguments peuvent être avancés comme une possible minéralisation des restes végétaux au contact des viscères. Les données carpologiques de cette période, plus nombreuses qu' à l'époque précédente, témoignent d'un spectre plus important et diversifié. Celui -ci bénéficie d'un corpus plus étoffé de sites et de structures ainsi que de modes de conservation plus variés des restes végétaux. Toutefois, peu de données proviennent de sites d'habitats, l'essentiel étant issu des nécropoles à incinérations. Les céréales sont attestées sous la forme de grains et de vannes et par trois modes de fossilisation. Neuf espèces ont été identifiées. Leur occurrence varie selon le nombre de sites ou de structures (fig. 3 et 4). Ainsi, dans le premier cas, l'orge vêtue (Hordeum vulgare) devance le millet commun (Panicum miliaceum), l'avoine (Avena sp. et Avena sativa), l'amidonnier (Triticum dicoccon), le blé nu (T. aestivum/durum), l'épeautre (Triticum spelta), le seigle (Secale cereale), l'orge nue (Hordeum vulgare var. nudum) et l'engrain (Triticum monococcum). Dans le second cas, l'amidonnier arrive en deuxième position derrière l'orge vêtue, mais devant le blé nu, le millet commun et l'avoine. L'épeautre, le seigle, l'orge nue et l'engrain conservent les mêmes places. En termes d'abondance, c'est-à-dire de nombre de fois qu'une espèce domine sur un site, l'orge vêtue, l'amidonnier et le millet commun forment le trio de tête tout type de restes et modes de conservation confondus. Ils occupent chacun, deux fois, la première place (tableau 3). L'épeautre, le blé nu puis l'avoine suivent sans jamais prévaloir. La nécropole des Châtaigneraies à Saint-Germain-les-Vergnes apparaît comme un cas à part dans la mesure où l'orge nue semble prédominer. Toutefois, le nombre de grains d'orge vêtue est exprimé par un mode volumétrique ne permettant pas une comparaison des deux types d'informations. Quelle que soit la place occupée par l'orge nue sur ce site, sa présence est à souligner car cette espèce disparaît des spectres carpologiques à compter du v e siècle avant notre ère dans le nord de la France (Bakels, 1984, 1991, 1999; Matterne, 2001; Lepetz et al., 2002) et vers le 1 er âge du Fer dans le sud (Marinval, 1988; Ruas et Marinval, 1991). Bien que beaucoup plus discret parmi les restes, l'engrain est attesté sur la nécropole des Sagnes à Pontarion. Il n'est toutefois mentionné que par un seul exemplaire pour un total de plus de 1 000 grains. La structure dans laquelle a été identifié cet unique élément comprend une vingtaine de grains d'orge vêtue et à peu près autant d'amidonnier (Marinval, 2001). L'engrain n'apparaît donc que de façon relictuelle sur ce site. Bien que l'avoine soit mentionnée sur cinq occupations sous forme de grain nu, l'avoine cultivée ne figure que furtivement parmi les restes. Elle est seulement attestée sur un site, la nécropole de Veyrac. Le seigle est présent dans deux occupations des ii e - iii e siècles toutes deux localisées en Creuse, la nécrople des Sagnes à Pontarion et l'habitat rural de Lavaud à Gouzon. Au regard du nombre d'éléments identifiés, son importance semble modeste et ne permet pas de certifier sa culture. Plusieurs analyses palynologiques de sites archéologiques, de tourbières ou de bas-fonds tourbeux du Limousin ont également livré des occurrences polliniques, mais de façon sporadique. Les analyses de l'ancien étang de la villa des Cars en Montagne limousine sont les seules à avoir pu mettre en évidence une culture de cette céréale aux alentours du ii e siècle de notre ère (Miras, 2004; Diot et al., 2006). L'introduction du sarrasin ou blé noir (Fagopyrum esculentum) en Limousin à l'époque gallo-romaine est également discutée. Aucun akène n'a été déterminé. Seuls quelques grains de pollen ont été identifiés dans la sépulture du début de l'époque augustéenne de Saint-Augustin en Corrèze (Marambat, in Dussot et al., 1992), à l'ancien étang des Cars (Corrèze) (Miras, 2004; Diot et al., 2006), à la Védrenne (Creuse) (Freytet et al., 1989) et dans un bas-fond tourbeux au Martoulet (Haute-Vienne) (Allée et al., 1997). Dans les diagrammes polliniques du Limousin, cette espèce apparaît donc plus tardivement que dans d'autres régions françaises, comme dans l'Ouest où quelques grains de pollens ont été identifiés dès le Néolithique (Marguerie, 1992; Cyprien et al., 2004; Visset et al., 2005), ou encore sur le littoral catalan où plusieurs occurences ont été mises en évidence à l' âge du Bronze (Riera i Mora, 1994). Dans le Massif armoricain, en Mayenne et en Campine belge, des tourbières de l' âge du fer ont également livré des pollens (Marguerie, 1992; Barbier, 1999; Munaut, 1967). Les légumineuses n'ont été identifiées que sur cinq sites soit quatre nécropoles et la Civitas de Limoges. Les nécropoles sont celles de Saint-Germain-les-Vergnes, Veyrac, Bessines-sur-Gartempes et Pontarion. Quatre des cinq sites concernent le haut-Empire, la nécropole des Sagnes à Pontarion étant la seule à apporter des informations pour les ii e - iii e siècles. Le spectre des légumineuses se compose de sept taxons, dont quatre espèces : la lentille cultivée (Lens culinaris), le pois cultivé (Pisum sativum), la féverole (Vicia faba), la vesce cultivée (Vicia sativa agg.). Les trois autres sont formés par la gesse (Lathyrus), des légumineuses indéterminées et, avec incertitude, par le pois chiche (cf. Cicer arietinum). La féverole et la lentille cultivée sont mentionnées sur quatre occupations : des nécropoles uniquement pour la première, le site urbain de Limoges et trois nécropoles pour la seconde. Le pois cultivé est attesté sur trois sites funéraires. En termes d'abondance, la féverole prédomine sur une nécropole, la lentille cultivée sur une autre et le pois cultivé sur une troisème. La lentille cultivée est également représentée à Limoges, en contexte urbain. La nécropole de Veyrac se distingue des autres sites par une prépondérance de graines de gesse (Lathyrus). Deux espèces potentielles, difficiles à distinguer, sont concernées : la gesse cultivée et la gesse chiche (Marinval, 1986). Cette dernière a été identifié dans le Nord de la France à l'époque gallo-romaine (Lepetz et al., 2002; Matterne, 2001, 2003). La première, beaucoup moins fréquente, est principalement attestée autour du bassin méditerranéen. La vesce cultivée, dont les déterminations sont peu courantes à l'époque gallo-romaine, n'a été mise en évidence qu' à Limoges. Elle provient du comblement d'une fosse riche en grains de céréales. Cette espèce, connue dans le Centre-Est dès le 1 er âge du Fer (Wiethold, 1998, 1999), est mentionnée ponctuellement dans le Nord de la France à partir du i er siècle de notre ère (Matterne, 2003) et attestée également ponctuellement dès le Néolithique moyen en Méditerranée occidentale (Bouby et Léa, 2006). Trois espèces composent le corpus des oléagineuses : le lin cultivé (Linum usitatissimum), le pavot somnifère (Papaver somniferum) et la caméline (Camelina sativa). À ces déterminations s'ajoute celle du chou ou de la moutarde (Brassica/Sinapis). Ces données proviennent de l'occupation urbaine de Limoges, l'habitat proto-urbain de Saint-Gence-le-Patureau et celui rural de Gouzon-Lavaud. Plusieurs modes de conservation sont attestés : l'imbibition et la carbonisation pour le lin, la minéralisation et l'imbibition pour le pavot, la minéralisation seulement pour les brassicacées. Seules deux espèces ont été identifiées sur deux occupations : le lin et le pavot. La première, attestée à la fois sous forme de graines et de fragments de fruits, est mentionnée à Limoges et à Gouzon, la seconde à Saint-Gence et à Limoges où la fossilisation minéralisée s'est révélée très favorable à sa conservation. La présence de caméline est à souligner. Sa diffusion en France s'effectue dès le Néolithique moyen (Bouby, 1998) et elle semble perdre de son importance à l'époque gallo-romaine (Marinval, 2005). Elle devient anecdotique dans le Nord de la France dès la fin du second âge du Fer (Matterne, 2001). À Limoges, les graines de caméline recueillies sont issues d'assemblages carpologiques composés essentiellement de plantes cultivées. Il est donc probable que cette espèce ait eu le même statut plutôt que celui d'une mauvaise herbe de culture. Comme pour la période précédente, des analyses sédimentologiques ont permis de mettre en évidence une fixation des champs sur les meilleurs terroirs, notamment autour des villae. Elles rendent compte également d'un amendement des champs comme à Saint-Germain-les-Belles -Le Martoulet (Haute-Vienne), Peyrilhac -la Boisserie (Haute-Vienne) et Chaumeil-Maurianges (Corrèze) (Allée et al., 1996; Allée et Diot, 1997; Desbordes et Valadas, 1998). Cette intensification des cultures peut avoir répondu à plusieurs nécessités : une augmentation de la pression démographique, une volonté de dégager des surplus, une bonification des sols au regard de l'espace disponible autour des implantations humaines (Van der Veen, 2005). Par rapport à celle de la période précédente, la liste des fruits mis en évidence à l'époque gallo-romaine s'est largement étoffée du fait des différents modes de conservation et de la diversification des sites étudiés. Ainsi, une trentaine de plantes a été recensée dont 17 espèces. En dépit du nombre très variable de restes recueillis par site, tous en ont livré. Le noisetier (Corylus avellana) est l'espèce la plus fréquente avec 7 mentions suivi de la ronce commune (Rubus fruticosus agg.), du fraisier des bois (Fragaria vesca), du noyer commun (Juglans regia) et du prunellier (Prunus spinosa), puis du figuier (Ficus carica), du pin pignon (Pinus pinea), de l'églantier (Rosa), de la vigne (Vitis). D'autres ne sont attestés que sur un ou deux sites : le chêne (Quercus), le framboisier (Rubus idaeus), le sureau noir (Sambucus nigra), l'aubépine à un style (Crataegus monogyna), le concombre/melon (Cucumis melo/sativus), le hêtre (Fagus), le griottier (Prunus cerasus), le pêcher (Prunus persica), le prunier crèque (Prunus domestica insititia), le pommier (Malus), le poirier (Pyrus). À cela s'ajoutent quelques taxons identifiés de manière incertaine : le châtaignier (cf. Castanea sativa), le palmier dattier (cf. Phoenix dactylifera) et le prunier domestique (Prunus cf. domestica). La représentation carpologique de ces fruits est très variable, allant de 1 à 2 020 restes pour le figuier. Celui -ci est en effet représenté par de nombreux pépins à Limoges, tout comme le fraisier des bois, les pruniers et les pommier/poirier/sorbier. La minéralisation de ces fruits et graines n'a pas toujours permis des déterminations spécifiques. C'est également de ce site que provient l'une des rares mentions de pépins de vigne, les deux autres étant issues des nécropoles à incinérations des Châtaigneraies à Saint-Germain-les-Vergnes et des Sagnes à Pontarion. La rareté de ces déterminations est à souligner, dans la mesure où elle égale celles de deux plantes exotiques d'origine méditerranéenne : le pin pignon et le figuier. La vigne est aussi absente des données anthracologiques publiées à ce jour pour l'époque gallo-romaine (Fredon, 1985, 1995; Petit, in Toledo i Mur, 2004). Elle apparaît de manière très sporadique dans les analyses palynologiques. Cette discrétion peut résulter de la faible dispersion de son pollen entraînant des taux de représentation peu élevés (Cour et al., 1973; Meiffren, 1984), l'espèce étant autogame. La rareté de ces diverses attestations pose la question de l'existence d'une viticulture en Limousin, d'autant qu'aucune trace de plantations de vigne n'a été, jusqu' à présent, mise au jour. Aussi, la vigne a pu faire l'objet d'importations sous forme de fruits séchés, tout comme ceux du pin pignon et du figuier. Toutes ces espèces produisent des fruits qui se conservent très bien séchés, ce qui les rend aisément commercialisables. Des procédés autres que la dessication ont même parfois été utilisés par les Romains pour conserver le raisin (André, 1961). Toutefois, le développement d'une viticulture a été mis en évidence dans des régions plus septentrionales que le Limousin, comme en pays ligérien ou dans le Val-d'Oise (Couderc et Provost, 1990; Lefevre, 1990; Toupet et al., 2003). On peut donc envisager un tel développement au moins à proximité de l'agglomération urbaine d ' Augustoritum. En France septentrionale, l'hypothèse d'une acclimatation de certaines espèces méditerranéennes, tel que le pin pignon, a également été envisagée (Marinval et al., 2002), le climat de l'époque étant plus chaud et sec que de nos jours (Desprat et al., 2003). Les contextes analysés ne se sont pas montrés favorables aux divers pruniers. Ainsi, le griottier (Prunus cerasus) n'est mentionné que sur la nécropole à incinérations des Sagnes à Pontarion, de même que le pêcher (Prunus persica). Le prunier domestique (Prunus cf. domestica) est attesté de manière incertaine dans le puits du Patureau à Saint-Gence et le prunier crèque (Prunus domestica ssp. insititia) dans celui de Lavaud à Gouzon. Aucune détermination de merisier (Prunus avium) n'est signalée. Cette situation résulte pour partie des noyaux de Prunus trouvés à Limoges dont la minéralisation n'a pas permis d'identification spécifique. Elle est également consécutive à la nature des contextes archéologiques constitués essentiellement d'incinérations. À l'exception de celles de la nécropole de Sagnes, elles ont livré peu de fruitiers. Il en va de même pour le site de Lavaud à Gouzon dont le spectre est essentiellement composé d'espèces indigènes, à l'exception du noyer. Le châtaignier (Castanea sativa), espèce emblématique du Limousin, n'a été déterminé avec incertitude que sur la nécropole de Sagnes à Pontarion (Marinval, 2001). Il est attesté par des charbons de bois sur deux sites du haut-Empire : la Chapelle Montbrandaix et Châtenet-les-Dognons (Haute-Vienne) (Fredon, 1985, 1995). L'hypothèse d'une introduction plus ancienne a été envisagée sur la base d'analyses palynologiques effectuées dans deux fonds de vallons des bas-plateaux limousins au sud-est de Limoges montrant la présence de grains de pollen de Castanea dans des dépôts datés de l' âge du Fer (Allée et al., 1997). La présence de ces grains à la base d'un dépôt organo-minéral pourrait être liée à une contamination (Miras, 2004). L'indigénat de cette espèce en Limousin demeure donc hypothétique d'autant plus qu'e cette entité géographique n'a pas été retenue comme l'une des six macro-régions où le châtaignier aurait pu trouver des conditions favorables à sa survie au cours du dernier épisode glaciaire (Conedera et al., 2004). Pour des raisons taphonomiques, les aromates et les légumes sont des plantes rarement mises en évidence. Sept espèces ont néanmoins été identifiées. Elles sont issues de cinq occupations : Saint-Gence -le Patureau, Limoges, Gouzon et les nécropoles des Ribières à Bessines-sur-Gartempes et des Sagnes à Pontarion. Elles sont donc attestées à la fois en milieu urbain, rural et funéraire. Ce spectre résulte aussi de la diversité des modes de conservation du fait de leur mise en évidence sous forme imbibée, carbonisée et/ou minéralisée. Les espèces les plus fréquentes en termes de mentions et de nombre de restes sont successivement le céleri (Apium graveolens), l'aneth (Anethum graveolens), la coriandre (Coriandrum sativum) puis le fenouil commun (Foeniculum vulgare). La sarriette des jardins (Satureja hortensis), la gourde calebasse (Lagenaria siceraria) et le poivre (Piper nigrum) ne font l'objet que d'une seule mention (fig. 5). Anne Bouchette; DAO : Laurent Cordier, INRAP La première a été mise en évidence sous forme imbibée à Gouzon, les suivantes, sous forme minéralisée à Limoges. Attribuée par le mobilier céramique à la première moitié du i er siècle, l'attestation de la gourde calebasse et du poivre, est remarquable. En effet, de telles découvertes sont peu fréquentes et toutes plus tardives pour la gourde calebasse. C'est le cas à Mazières-en-Mauges en Maine-et-Loire (Dietrich et Ruas, 1990; Ruas, 2000), à Longueil Sainte-Marie dans l'Oise (de Hingh, 1993, Marinval et al., 2002) et à Alésia-le-Belvédère en Côte-d'Or (Wiethold, 1998). Il en est de même pour les provinces romaines d'Europe centrale en particulier pour Hanau-am-Salisberg en Hesse (Kreuz, 1994/1995), à Dieburg (Göldner et Kreuz, 1999) et pour Lahr-Dinglingen dans le Baden-Württemberg (Rösch, 1998). Les découvertes de poivre dans la partie septentrionale de l'Empire romain sont encore plus rares. Les quelques identifications connues proviennent des camps militaires d'Oberaden à Bergkamen en Rhénanie-Westphalie (Allemagne) (Kučan, 1984, 1992) et de celui d' Œdenburg en Alsace (France) (Jacomet et Schibler, 2002). La rareté de ces identifications tient aussi au mode de consommation de cette épice qui, sous forme moulue ou broyée, ne laisse pas de traces. Cette espèce exotique originaire de l'Inde était très appréciée des Romains (André, 1961). Son origine en fait un produit d'importation, vraisemblablement destiné à une clientèle aisée. Elle a pu suivre, à partir des rives de la Méditerranée, les mêmes routes commerciales que celles de fruitiers qui ont pu faire aussi l'objet d'importations comme le pin pignon, le figuier, la gourde calebasse, etc., dans la mesure où leur acclimation en Limousin est incertaine. Plus en amont, le poivre a pu emprunter les mêmes routes commerciales que celles d'autres produits exotiques comme le coton, dont des fils ont été retrouvés insérés dans un amas de tissus et de cordelette de lin et de chanvre. Ces restes proviennent d'une incinération à Fontvieille sur la commune de Vareilles en Creuse, datée de la seconde moitié du ii e siècle (Lorquin et Moulhérat, 2001-2002; Dussot et al., 2002). Selon les auteurs, l'emploi de cette matière exotique ne pouvait résulter que d'une importation, probablement d'Inde, via le commerce égyptien. Mais une provenance nubienne ne peut être totalement écartée. Contrairement à ce que pourrait laisser supposer les découvertes faites à Limoges, celle de Fontvieille montre que les importations exotiques ne relevaient pas que du phénomène urbain. À partir de la fin du iii e siècle, les diagrammes polliniques indiquent une baisse de la pression anthropique sur les paysages végétaux qui se traduit par une reconquête forestière plus ou moins prononcée selon la localisation des gisements. De courte durée, elle paraît plus conséquente en Montagne limousine que sur les bas-plateaux. Si les données archéologiques et archéobotaniques, plus abondantes qu'aux époques précédentes, permettent d' être plus prolixe en matière de reconstitution paléoenvironnementale, en particulier, en ce qui concerne les productions végétales, il est à souligner que ces dernières ne sont plus seulement le fait d'une exploitation locale, mais aussi de productions allochtones. Les données palynologiques disponibles pour cette époque montrent que le Limousin connaît une vague de défrichements attribuables à l'époque mérovingienne au moins en ce qui concerne les bas-plateaux (Allée et al., 1996, 1997). Cette ouverture du milieu s'inscrit dans une phase de crise alluviale qui suppose une détérioration climatique (Burnouf et al., 1997; Magny et al., 2003). Il semble que la Montagne limousine n'ait pas enregistré le même phénomène, peut-être à cause des conditions climatiques plus difficiles. Les données carpologiques sont issues de deux occupations localisées à Limoges : celle du Maupas et celle du CNASEA. La première occupe un espace rural en périphérie des deux pôles urbains de la ville représentés, pour l'un, par la Cité avec la Cathédrale, pour l'autre par la motte du vicomte de Limoges et l'abbaye Saint-Martial. Les prélèvements proviennent du comblement d'un puits qui a été daté par le mobilier céramique des vi e - viii e siècles. Le second site est localisé à proximité du précédent. Il comprend trois fosses pour lesquelles une datation 14 C (690 cal. AD-975 cal. AD) (1 sigma d'erreur) a été obtenue sur des paléosemences (Massan et al., 2002). Les quatres structures analysées ont fourni 47 693 restes imbibés et carbonisés de plantes cultivées et cueillies pour un total de 58 077 (tab. 4). L'assemblage carpologique des structures des deux occupations diffère de manière importante. Celui du Maupas est composé à 98 % de restes imbibés, celui du CNASEA à 100 % de semences carbonisées. Le corpus des plantes déterminées se différencie donc par le mode de conservation. Le premier site a livré essentiellement des fruits, des aromates et des légumes; le second, des céréales et des légumineuses. L'information recueillie est donc disparate entre les deux sites. Les trois fosses du CNASEA ont livré des restes végétaux en quantités très variables. L'une d'elles contenait à sa base un niveau charbonneux riche en grains de céréale dont 96 % de seigle (Secale cereale, fig. 5). Cette espèce domine également, en nombre de restes, dans l'une des deux autres structures. Concernant la troisième, la quantité de restes déterminés est trop faible pour rendre compte, en termes d'abondance, du spectre des céréales. Le seigle est également représenté dans le puits du Maupas dont la datation est un peu plus ancienne. Cette céréale est attestée par près d'une soixantaine de grains carbonisés et des fragments de rachis imbibés et carbonisés. Les autres espèces mises en évidence dans cette structure sont constituées par l'avoine cultivée (Avena sativa) avec trois bases de lemme. Près d'une quarantaine de caryopses d'avoine (Avena) a également été identifiée. Trois autres espèces ont été observées : le millet commun (Panicum miliaceum) sous forme de glumelles imbibées, le blé nu (Triticum aestivum/durum) par un grain et un fragment de rachis carbonisés, et l'épeautre (Triticum spelta), par un grain carbonisé. Excepté cette dernière, toutes les autres céréales figurent parmi les déterminations du CNASEA auxquelles s'ajoute l'orge vêtue (Hordeum vulgare). Ainsi, le spectre des plantes mises en évidence sur ces deux sites en contexte urbain ou péri-urbain, diffère de façon assez importante de celui de l'époque gallo-romaine. La rareté des restes de millet commun, d'épeautre et l'absence d'amidonnier est à souligner. Ce dernier tend à disparaître au cours du haut Moyen Âge, tant en France méridionale que septentrionale (Ruas, 1998, 2005; Bakels, 1999; Lepetz et al., 2002). L'importance prise par le seigle est indéniable. La place occupée par l'avoine cultivée, mentionnée sur les deux sites, demande à être précisée, celles du blé nu et de l'orge vêtue sont difficiles à définir. Le spectre des légumineuses est composé de trois espèces : la féverole (Vicia faba), le pois cultivé (Pisum sativum) et la vesce cultivée (Vicia sativa). La première et la troisième ne sont présentes qu'au CNASEA alors que la seconde est mentionnée sur les deux sites. Les quantités sont très disparates dans la mesure où plus de 700 féveroles ont été identifiées contre 2 graines de pois cultivé et 3 de vesce cultivée. De même que pour les céréales, le corpus des légumineuses se différencie de celui de l'époque gallo-romaine avec l'absence, jusqu' à présent, de la lentille cultivée et de la gesse. Il est plus proche de celui du nord de la France où le pois cultivé, la féverole et la vesce cultivée apparaissent comme les légumineuses les plus fréquentes que de celui du sud où le spectre est plus diversifié (Ruas, 2005). Le corpus des oléagineuses et/ou textiles n'est composé que du lin cultivé (Linum usitatissimum) représenté par des graines et des fragments de caspules observés uniquement dans le puits du Maupas. Ni le pavot, ni la caméline n'ont été enregistrés. Ces espèces ne semblent pas être mentionnées en France au haut Moyen Âge, époque au cours de laquelle le lin prend une place croissante (Lepetz et al., 2002; Ruas, 2005). Les fruitiers offrent un large corpus d'espèces provenant presqu'exclusivement du puits du Maupas. Les essences déterminées sont pour partie identiques à celles de l'époque gallo-romaine. De nouvelles sont cependant attestées, comme le merisier (Prunus avium), le cognassier (Cydonia oblonga), le néflier d'Allemagne (Mespilus germanica) et le mûrier noir (Morus nigra). Leur statut diffère en ce sens que la première est une espèce indigène, alors que les autres sont introduites. Le cognassier, qui serait originaire du Moyen Orient (Benzi et Berliocchi, 1999) ou du Sud-Ouest de l'Asie (Oberdorfer, 1994; Lauber et Wagner, 2000), demeure, de manière générale, discret dans les spectres fruitiers du Moyen Âge (Ruas et al., 2005-2006). Le néflier, dont l'origine est également incertaine, possède une répartition actuelle essentiellement atlantique ou subatlantique (Bonnier, 1992). Son introduction en Gaule non méditerranéenne date de l'époque romaine comme en témoignent des découvertes du i er siècle en Bretagne (Ruas, 1992b). Enfin, le mûrier noir, espèce originaire du Caucase et du Nord de l'Iran (Benzi et Berliocchi, 1999), a également été introduit en Gaule à l'époque romaine. Il a été notamment identifié dans plusieurs latrines du nord de la France (Matterne, 2001). Parmi les autres espèces présentes figurent le châtaignier (Castanea sativa) (fig. 5) qui n'avait été déterminé qu'avec incertitude à l'époque précédente. Plusieurs espèces de tradition romaine apparaissent toujours dans le corpus des fruitiers : le figuier (Ficus carica), le pin pignon (Pinus pinea) et le pêcher (Prunus persica). Leur mise en évidence au haut Moyen Âge est rare aussi bien en France septentrionale que méridionale (Ruas et al., 2005-2006). Des pépins de figue ont été toutefois déterminés sur plusieurs sites du Baden-Württemberg (Allemagne) datés des v e - viii e siècles (Rösch, 1997, 1999, 2005, 2006b). Le large éventail d'espèces fruitières identifiées au Maupas ainsi que les quantités de restes pour certaines d'entre elles, permettent d'envisager le développement d'une arboriculture locale urbaine ou péri-urbaine dont les formes sont difficiles à définir : jardins fruitiers, vergers ou pré-vergers ? Un commerce alimentaire avec le bassin méditerranéen n'est pas exclu. Les aromates et les légumes sont représentés en grande quantité dans le puits du Maupas. Cette structure est la seule pour tout le Moyen Âge à avoir fourni un large spectre, les autres n'ayant livré que quelques restes et très peu de taxons. Les aromates identifiés, similaires à ceux mis en évidence à l'époque gallo-romaine, s'en différencient par l'absence d'épice et par la présence du persil (Petroselinum crispum). Le corpus des légumes se montre tout à fait différent de celui de la période précédente, avec l'amaranthe livide (Amaranthus lividus), l'arroche des jardins (Atriplex hortensis), le panais (Pastinaca sativa) et le pourpier potager (Portulacca oleracea). Aucun reste de calebasse n'a été identifié. Cette espèce n'est qu'exceptionnellement mentionnée au Moyen Âge (Ruas et al., 2005-2006). La fin de ce premier millénaire est marquée par des défrichements qui se font au détriment de la forêt et au bénéfice des champs et des landes. Celles -ci ont pu jouer un rôle important en constituant des zones de pacage et en fournissant la litière animale qui permettait une bonification des terres cultivées (Périgord, 1994). Ces espaces pouvaient être composés de genêt à balais (Cytisus scoparius), d'ajonc (Ulex), d' Éricacées (Ericaceae) et de fougère aigle (Pteridium aquilinum). Ces formations sont difficiles à mettre en évidence du point de vue palynologique car les grains de pollens de légumineuses sont très peu dispersés et rarement déterminables au niveau du genre ou de l'espèce (Allée et al., 1997). Les sites archéologiques ayant fait l'objet d'une analyse carpologique sont localisés dans des contrées assez disparates. Ce sont les habitats castraux de la Renaudie à Masseret (Corrèze) et de Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne) ainsi que l'habitat rural du Grandcher à Aix (Corrèze). Le premier est situé en pays d'Uzerche, à la limite du haut et du bas Limousin, le second dans la zone de transition entre le Limousin et le Périgord et le troisème, à proximité du Cantal, en Montagne limousine (fig. 1 et tableau 4). Les contextes archéologiques analysés sont constitués, pour le premier, de plusieurs fosses et de quelques trous de poteau, pour le second, d'un fossé, et pour le troisième, de trois fosses. Le nombre de restes pris en considération s'élève à 36 277 inégalement répartis entre les trois sites. Deux modes de conservation sont attestés : la carbonisation et l'imbibition. Cette dernière n'a été mise en évidence qu' à Saint-Yrieix-la-Perche. Le spectre de ces trois occupations est donc assez différent. Deux d'entre eux ont livré de nombreux restes de céréales, le troisième, du fait d'une conservation imbibée à 99,7 %, a essentiellement fourni des fruits. Pour cette période deux concentrations de grains de céréales ont été mises en évidence, l'une à Aix, l'autre à Masseret. La première est constituée de près de 11 000 grains d'avoine. Les bases d'épillet ou les épillets présents parmi les restes ont permis l'identification de l'avoine rude (Avena strigosa). En France, cette espèce bien adaptée aux sols secs, caillouteux et sableux, ne fait que rarement l'objet de déterminations. Elle est cependant connue en Bretagne où elle a été mise en évidence dans les Côtes-d'Armor et en Ille-et-Vilaine, sur les sites carolingiens du Camp de Péran (Ruas, 1992) et de Montours (Ruas et Pradat, 2001). Elle est plus fréquente aux Pays-Bas et en Allemagne du Nord où elle a été observée sur plusieurs sites, comme ceux de Gasselte (Van Zeist et Palfenier-Vegter, 1979), Pesse (Van Zeist et al., 1986), Middels (Behre, 1973), Schleswig (Pasternak, 1991) ou encore de Dalem et Flögeln-Dorf (Behre et Kučan, 1994). L'avoine rude est associée à plusieurs céréales, en particulier au seigle, ces deux espèces étant présentes dans les trois contextes. Les autres céréales identifiées sont le blé nu, l'orge vêtue et l'orge nue (Hordeum vulgare var. nudum) (fig. 5). La présence de cette dernière est particulière dans la mesure où celle -ci disparaît des corpus carpologiques au second âge du Fer (Matterne, 2001). Comme elle n'est attestée ici que par un seul grain, il est possible qu'elle ne soit que relictuelle et qu'elle ait eu davantage un statut de mauvaise herbe des champs que de céréale cultivée. La deuxième concentration est formée de grains de seigle associés à une proportion non négligeable de fragments de rachis et à des grains d'avoine. Plusieurs bases d'épillets ont permis, cette fois -ci, l'identification de l'avoine cultivée qui s'avère plus conforme aux données médiévales. Les autres céréales sont constituées par le blé nu, le millet commun, l'orge vêtue et le millet des oiseaux (Setaria italica). La présence de cette dernière est interéssante car peu fréquente au Moyen Âge (Ruas, 1998, 2005; Lepetz et al., 2002). L'amidonnier (Triticum dicoccon) a également été déterminé dans une autre structure dont l'assemblage carpologique est formé essentiellement de fragments de rachis de seigle. Le statut de ces céréales peu fréquentes pose problème. S'agit-il de cultures locales, secondaires, d'adventices de culture ou de cultures fourragères ? S'agit-il d'une diversification répondant à des besoins économiques, à l'exploitation de nouveaux terroirs ou encore à minimiser les risques de mauvaises récoltes ? Si pour certaines d'entre elles, comme pour l'avoine rude, une culture locale peut être envisagée, il ne semble pas que cela puisse être possible pour l'amidonnier et le millet des oiseaux, identifiés par quelques exemplaires sur un seul site, ni pour l'orge nue dont un seul grain a été déterminé. Les contextes analysés ne sont favorables ni aux légumineuses ni aux oléagineuses/textiles. Seule une graine de pois cultivé (Pisum sativum) et quatre de féverole (Vicia faba) ont été récoltées ainsi que trois semences et deux fragments de capsule de lin cultivé (Linum usitatissimum). Ces quelques éléments ne permettent pas de caractériser l'importance réelle des différentes légumineuses et oléagineuses. Les structures de cette période n'ont pas livré beaucoup de fruitiers. La majorité des restes déterminés provient du fossé de la motte de Saint-Yrieix-la-Perche. Dix taxons dont neuf au rang d'espèces ont été identifiés. La mieux représentée en nombre d'éléments est le sureau noir (Sambucus nigra) avec près de 1 100 semences. Les autres essences fruitières sont attestées de manière plus discrète : la ronce commune (Rubus fruticosus agg.), le prunellier (Prunus spinosa), le châtaignier (Castanea sativa), la vigne (Vitis vinifera), le néflier d'Allemagne (Mespilus germanica), le figuier (Ficus carica), le merisier (Prunus avium), le noisetier (Corylus avellana) et le pommier ou le poirier (Malus/Pyrus). Quelques fruitiers ont également été mis en évidence à Masseret : la vigne, le merisier ou cerisier et le noisetier. À Aix, trois taxons ont été identifiés : le chêne (Quercus), le framboisier (Rubus idaeus) et la ronce (Rubus). À l'extrême fin du xv e siècle, les données palynologiques indiquent une reconquête du milieu végétal (Tits-Dieuaide, 1994) qui se traduit par des défrichements touchant également les aulnaies des fonds de vallées des bas-plateaux jusque -là relativement préservées (Allée et Diot, 1997). L'augmentation de la population, associée à une exploitation extensive des milieux naturels, entraîne une recrudescence de l'érosion des sols perceptibles dans les analyses sédimentologiques (Bernard-Allée et Valadas, 1992; Valadas, 1982). Seuls trois sites ont fait l'objet d'une analyse carpologique : l'habitat rural d'Aix -le Grandcher (Corrèze), la basse-cour de la motte féodale de Masseret -la Renaudie (Corrèze) et le castrum de Bas-Châlucet à Saint-Jean-Ligoure (Haute-Vienne). Les prélèvements sont issus de fosses, de niveaux d'occupation, d'un four, d'un foyer et d'un petit souterrain. Ce dernier est le seul contexte archéologique de cette période à avoir livré du matériel imbibé. Le nombre de restes déterminés pris en considération est de 9343, ce qui est inférieur aux deux phases précédentes du Moyen Âge. Leur répartition est inégale entre les sites, l'un d'eux, peu représentatif, n'ayant livré que vingt restes. Les céréales mises en évidence sont les mêmes qu' à la phase précédente : avoines cultivée et rude (Avena sativa et A. strigosa), seigle (Secale cereale), orge vêtue (Hordeum vulgare), blé nu (Triticum aestivum/durum), millet commun (Panicum miliaceum) et millet des oiseaux (Setaria italica). L'avoine est mentionnée sur trois sites, le seigle, l'orge vêtue et le millet commun sur deux. L'avoine et le seigle sont les deux céréales à avoir livré le plus grand nombre de grains. Mais c'est surtout sous forme de rachis qu'est représenté le seigle. Ces éléments proviennent essentiellement de deux structures : le souterrain de Masseret et une unité d'habitation à Aix. Le millet commun a principalement été identifié sous forme de glumelles. Deux légumineuses ont été déterminées : la féverole (Vicia faba) et la vesce cultivée (Vicia sativa agg.). La première a été mise en évidence à Masseret sous la forme d'un lot de 258 graines associées à plusieurs céréales et à du lin (fig. 6) et par un exemplaire unique à Saint-Jean-Ligoure. La seconde n'est mentionnée que sur ce dernier site. Si, pour l'ensemble du Moyen Âge, la féverole n'est attestée que sur quatre occupations, contre trois pour le pois cultivé et la vesce, en termes d'abondance, la première a livré deux concentrations importantes. Ces données concordent avec l'augmentation des occurrences observée au plan national (Lepetz et al., 2002; Ruas, 2005). La féverole a pu servir à l'alimentation humaine ou animale et être exploitée en plein champ ou dans des jardins. Les sources écrites rendent compte également de la montée en puissance de cette légumineuse, en particulier pour le nord de la France (Le Roy Ladurie, 1994, 2004; Tits-Dieuaide, 1994; Vanderpooten, 2002). Les livres de recettes de la fin du Moyen Âge, bien que faisant référence à l'alimentation d'une certaine élite sociale, traduisent aussi ce goût porté aux légumineuses (Laurioux, 2002). Dans la mentalité médiévale, ces plantes sont considérées, à l'instar des céréales, comme des nourritures bien plus nobles que les légumes ou toute autre espèce croissant à même ou dans le sol (Grieco, 1993; Flandrin, 1993). Parmi les oléagineuses/textiles, le lin cultivé (Linum usitatissimum) a été déterminé comme aux périodes précédentes. Il est associé à la moutarde noire, crucifère annuelle des champs, des friches et des décombres (Brugel et al., 2001). Aucune semence de chanvre n'a été encore découverte, mais la mise en évidence de pollens de chanvre ou de houblon (Cannabis/Humulus) dans plusieurs tourbières de la Creuse et de la Corrèze (Iskandar, 1992; Guenet, 1992; Valadas et Marambat, 1999; Dussot et Manville, 1990; Miras, 2004) laisse envisager un possible développement de sa culture aux époques historiques. Des semences de cette espèce ont été mises en évidence au second âge du Fer dans le Sud-Ouest de la France (Bouby, 2002). Les fruitiers sont représentés par la vigne (Vitis vinifera), le néflier d'Allemagne (Mespilus germanica), le châtaignier (Castanea sativa) et le noyer (Juglans regia) ainsi que par plusieurs essences sauvages qui ont dû faire l'objet de collecte à des fins alimentaires : le noisetier (Corylus avellana), le chêne (Quercus), le fraisier des bois (Fragaria vesca), la ronce commune (Rubus fruticosus agg.) et le sureau noir (Sambucus nigra). Ils proviennent majoritairement du souterrain de Masseret et quelques-uns, d'Aix. Le mode de conservation intervient dans la composition du spectre car la plupart des restes issus du site castral sont imbibés. Il n'est donc pas possible de comparer le spectre des deux occupations pour discerner la part pouvant résulter de la fonction du site. Un seul légume a été identifié, le panais (Pastinaca sativa), mentionné à Masseret sous forme imbibée. Cette espèce avait déjà été mise en évidence au haut Moyen Âge à Limoges le Maupas. Tout comme la carotte sauvage, cette ombellifère possède une racine qui a pu être récoltée à des fins alimentaires. Basée sur la détermination de plus de 212 000 restes imbibés, carbonisés et minéralisés et complétée par des données carpologiques publiées et inédites, cette synthèse apporte un éclairage nouveau sur les productions végétales et les collectes des végétaux aux époques protohistoriques et historiques dans l'ouest du Massif central. Le corpus disponible pour la Tène finale, constitué de céréales, oléagineuses, fruitiers et aromates, est proche des données issues d'autres contrées françaises. Il convient de souligner l'importance qu'a pu prendre le millet commun à cette époque -là. Les neuf études concernant la période gallo-romaine reflètent un spectre de plantes cultivées et cueillies beaucoup plus large. Les céréales vêtues jouent un rôle prépondérant, en particulier, l'orge vêtue, l'amidonnier, le millet commun et l'épeautre. Une survivance de l'engrain est à noter. La part du blé nu demeure difficile à évaluer. La fin de la période voit l'introduction du seigle. Les légumineuses sont représentées par plusieurs espèces comme la lentille cultivée, le pois cultivé, la féverole et la vesce cultivée, ainsi que les oléagineuses/textiles avec l'attestation de lin, de pavot et de caméline. La gamme des essences fruitières est très ouverte, marquée par des influences méditerranéennes. Plusieurs espèces ont pu faire l'objet d'importations ou d'une acclimatation comme le figuier, le pin pignon, le pêcher, le griottier, la vigne, etc. C'est le cas aussi des aromates et des légumes. Parmi les épices, la mise en évidence de graines de poivre au haut-Empire est à souligner du fait du caractère exceptionnel de cette découverte. Cette épice, originaire du continent indien, est connue par les sources écrites pour avoir été une denrée particulièrement appréciée et recherchée des Romains. Pour le Moyen Âge, le corpus des données provient de huit occupations couvrant les différentes séquences de cette période. On note une modification du spectre des céréales avec le déclin prononcé de l'épeautre et de l'amidonnier et un essor important du seigle, de l'avoine et du blé nu (fig. 7 et 8). Épeautre et amidonnier ne font l'objet que de quelques déterminations isolées. Cependant, les mentions de ces plantes demeurent peu fréquentes pour le Moyen Âge en France. Il en va de même pour le millet des oiseaux, identifié sur deux phases d'occupation d'un même site et pour l'avoine rude, espèce rarement mise en évidence en France à l'exception de quelques sites de l'Ouest. Les spectres des légumineuses et des oléagineuses/textiles se montrent moins diversifiés qu' à l'époque gallo-romaine. La féverole semble occuper une place importante de même que le lin cultivé. Le corpus des fruitiers reste très diversifié. Apparaissent quelques nouvelles espèces, comme le mûrier noir, le néflier d'Allemagne et, de manière plus inattendue, le cognassier. Au contraire, le spectre des aromates s'apauvrit, ceux -ci n'étant attestés qu'au haut Moyen. Aucune épice n'a été mise en évidence. Le corpus des légumes enregistre une modification des espèces déterminées. Toutefois, ces plantes sont rarement mises en évidence sur les sites analysés. De nouvelles études en cours vont permettre de compléter notre connaissance sur la production et la collecte des végétaux et la gestion des ressources naturelles en Limousin aux périodes proto-historiques et historiques . | Entre 1996 et 2004, plusieurs sites archéologiques du Limousin ont fait l'objet d'une analyse carpologique. Bien que le nombre de sites et de structures analysés soit modeste, près de 219000 restes carbonisés, imbibés ou minéralisés et environ 300 taxons de plantes cultivées et sauvages ont été déterminés permettant l'élaboration d'une première synthèse pour une période allant de la Tène finale au bas Moyen Âge. Ce travail intègre également la publication de plusieurs études carpologiques de nécropoles gallo-romaines ainsi que les acquis régionaux des recherches anthracologiques, palynologiques et sédimentologiques. La synthèse sur les plantes cultivées et utilitaires met en évidence une modification des productions céréalières entre la fin de l'époque gallo-romaine et le haut Moyen Âge, caractérisée par la montée en puissance du seigle (Secale cereale). Elle rend compte aussi d'un développement de l'arboriculture à partir de l'époque gallo-romaine, puis au haut Moyen Âge, notamment en contexte urbain. Des importations ont également été mises en évidence, comme le poivre (Piper nigrum) au haut-Empire. | archeologie_12-0313892_tei_371.xml |
termith-150-archeologie | Débutées dans la première moitié des années quatre vingt, les fouilles, puis l'étude du gisement de Fressignes en ont confirmé l'importance et le caractère original. Situé dans le département de l'Indre (commune d'Eguzon, Fig. 1), en marge septentrionale du Massif Central et en bordure du Bassin parisien, Fressignes constitue un site remarquable pour la connaissance du Solutréen, juste avant l'important développement régional du Badegoulien. Dans cette zone marquant la limite de l'extension du Solutréen (hormis quelques incursions plus au nord), cet éloignement avec les régions plus traditionnelles (Solutré et le couloir Rhodanien à l'est et les régions classiques des Charentes et du Périgord vers l'ouest et le sud-ouest) rend compte de l'originalité du campement de Fressignes dans la dynamique de peuplement au sud du Bassin parisien, avant le Tardiglaciaire. Campement de plein air installé sur un replat d'où s'ouvre une vue stratégique sur les vallées et leurs méandres, Fressignes représente un lieu naturellement privilégié de convergence lié à des activités saisonnières de pêche et de chasse. Des diverses études déjà menées comme par exemple la sédimentologie du site (Benabdelhadi, 1986) et l'analyse des matières premières (Aubry, 1991) ou actuellement en cours autour des données technologiques, typologiques, lithologiques, spatiales et territoriales, il ressort que Fressignes donne au Solutréen sur la frange septentrionale de son extension, des caractères originaux voire nouveaux. Notre groupe de réflexion s'est tout d'abord intéressé à dresser un état des lieux autour de deux axes que sont la méthodologie de fouille et la nature des données générées par cette dernière. La méthode de travail retenue à Fressignes emprunte aux fouilles fines décrites par A. Leroi-Gourhan : l'étude est menée par microdécapages de grandes surfaces (15 m 2 et plus selon les cas) et le site, d'environ huit mètres sur dix, est segmenté par un carroyage métrique sur lequel s'appuie l'enregistrement des données (Fig. 2 & 3). Cet enregistrement est de deux natures : on distingue tout d'abord l'enregistrement exhaustif par carré (description préliminaire et position) de l'ensemble du mobilier archéologique dans des carnets. Chaque artefact est individualisé et ce même pour des tailles inférieures au demi-centimètre. Ce choix, qui se justifie totalement par rapport au contexte d'économie de subsistance dans lequel s'inscrit Fressignes (nombreux nucleus “épuisés”), a eu son importance relativement à la méthode informatique d'acquisition retenue par la suite. Un second relevé sur film plastique complète le premier en permettant l'enregistrement à taille réelle des “fonds de carré” et plus précisément du pavage rocheux formé par des blocs d'amphibolites et de schistes de dimensions variées présents in situ. Ce second thème d'information, assimilable au contexte archéologique, offre d'emblée, pour un décapage donné, un aperçu de la répartition des artefacts relativement au pavage rocheux. Chaque relevé couvrant une surface de 1 à 16 mètres carrés, identifie par un code de couleur les différentes matières premières constituant le contexte archéologique. Les préhistoriens pensent que ce pavage a pu servir à empierrer le sol dans le but de lui donner une meilleure stabilité et d'assurer un isolement thermique et hydrique. La comparaison de ces plastiques par simple superposition est également un moyen efficace pour les préhistoriens de comparer les décapages, de comprendre l'évolution de la fouille et ainsi de les aider dans leur prise de décision quant aux orientations à lui donner. Enfin, une couverture photographique (Noir et Blanc ou couleur) est systématiquement réalisée en fin de décapage mètre carré par mètre carré. Sur un plan organisationnel, chaque intervenant mène de bout en bout toutes les opérations de fouille, tamisage, marquage et enregistrement du mètre carré dont il a la charge. La détermination préliminaire des artefacts étant tributaire de la connaissance de chaque fouilleur, une vérification systématique par les responsables de la fouille est effectuée en fin de journée. Une fois terminé l'ensemble des étapes d'enregistrement, les pièces sont prélevées et stockées par carré et par nature. En fin de journée, un contrôle est effectué par le responsable de la fouille et a pour but d'identifier d'éventuels oublis et erreurs d'enregistrement qui seront alors corrigés après concertation avec le fouilleur concerné. L'analyse des méthodes d'acquisition des données utilisées sur la fouille de Fressignes s'est soldée par les conclusions suivantes : Premier élément de taille, la grande quantité de données acquises au cours des années de fouille passées : Environ soixante-dix mille artefacts ont été exhumés du site à ce jour et consignés dans les carnets de la fouille ainsi que sur film plastique. A titre d'information et comme décrit plus loin dans ce rapport, la campagne 2000 d'une durée d'environ un mois s'est soldée par l'enregistrement de près de trois mille pièces. Ces données contribuent pour une part importante dans la compréhension du site et doivent donc pouvoir être exploitées au même titre que les données qui seront générées par la suite à l'aide de la nouvelle méthode d'acquisition. Carnets et relevés plastiques constituent des sources de données hétérogènes en partie redondantes et particulièrement difficiles à exploiter de concert. Chacun des deux thèmes d'information contient une part des informations intrinsèques (description, nature, etc.) et extrinsèques (positions relatives) liées aux artefacts cependant que l'information concernant les fonds de carré (blocs rocheux) n'est présente que sur les plastiques. Des méthodes de récupération des deux supports et surtout de leur mise en corrélation doivent donc être identifiées. Ce point est à souligner à deux niveaux : coté artefacts, le relevé de leurs coordonnées s'appuie sur le carroyage matérialisé au sol à l'aide de clous dont la stabilité dans le temps reste difficile à assurer, même si ce dernier est réajusté en début de campagne. De plus, il existe un “zéro” par carré ce qui multiplie les risques d'erreurs de relevé intra-carré et complique par la suite les études menées sur plusieurs carrés à la fois. Concernant les films plastiques, les déformations induites par le support posé au sol, si elles ne gênent pas forcément la comparaison relative des relevés, rendent difficile la fusion des thèmes d'information. Les supports utilisés ne facilitent pas un accès rapide, automatisé et généralisé à l'information de quelque nature qu'elle soit : une information diffuse et redondante, implique pour des questions pourtant simples en apparence un travail considérable de recherche et augmente très nettement les délais de traitement; une information stockée sur des supports de cette nature ne se prête pas à une quelconque automatisation des interrogations; une information non unifiée ne peut donner lieu à un accès généralisé à l'information qui demeure “compartimentée ”. Sur la base de ce constat, nos objectifs concernant Fressignes sont multiples et s'organisent autour de deux axes techniques qui sont l'acquisition et l'analyse de l'information. Récupération des anciennes données de fouille; Conception et réalisation d'une nouvelle méthode d'acquisition des données (avec efficacité et précision pour maîtres mots); Fédération des différents thèmes d'information au sein d'un système d'information commun; Conception et réalisation de modules de saisie et d'interrogation des données pour le laboratoire; Sur le plan de l'étude archéologique du gisement, un objectif majeur est poursuivi au travers de la mise en place de nouvelles méthodologies et techniques : la compréhension de la fouille dans sa globalité incarnée par le thème central de l'organisation spatiale du gisement. Après l'étude des solutions informatiques déjà mises en œuvre sur d'autres chantiers de fouille comme par exemple Menez-Dregan dans le Finistère (paléolithique inférieur) et Pincevent en région parisienne (paléolithique supérieur), dans le cas de Fressignes, deux blocs fonctionnels relatifs aux étapes d'acquisition et d'analyse coexistent au sein d'un système d'information commun. Pour cela, un modèle d'information à deux niveaux a été envisagé et permet aussi bien de visualiser une information de plus haut niveau que de collecter les résultats d'études plus spécifiques. On désigne par données vectorielles des données de type point, ligne, polygone et qui seront regroupées dans un thème localisé (géoréférencé). Par opposition, une donnée rasteur est une image, elle -même géoréférencée. Le plus souvent, l'image “habille” la carte tandis que l'information vectorielle est sujette à des interrogations variées. Chaque équipe rencontrée a eu à se pencher sur ce choix vecteur et/ou rasteur en matière de gestion de données. Sur certains sites, l'information est de nature totalement vectorielle et ce dès le relevé, tandis que dans d'autres cas, l'image assure une première couverture de la fouille et un procédé de vectorisation ne vient qu'ensuite individualiser les objets contenus dans l'image. Les images sont alors le plus souvent regroupées pour former des mosaïques. En ce qui concerne Fressignes, nous croyons à une bonne complémentarité des deux formats : la description du mobilier archéologique ramené à un point convient parfaitement à un relevé réalisé à l'aide d'un tachéomètre électro-optique. Par contre, et comme nous l'avions constaté en Arctique, les objets plus complexes nécessitant plusieurs points s'y prêtent moins et dans ce cas de figure l'imagerie et une vectorisation a posteriori semblent plus appropriées. L'étendue et la nature des données collectées à Fressignes étant désormais connues (Cf. partie précédente), nous nous sommes ensuite intéressés à la structuration de ces données au sein d'un système d'information commun. Sans décliner cette définition sur le plan de l'architecture logicielle où de nombreux schémas d'implémentation existent, de façon générale, un tel système aura vocation à stocker et fédérer des données hétérogènes au sein d'une ou plusieurs banques de données et à offrir, au travers d'une Interface Homme Machine (IHM), tous les moyens nécessaires à leur consultation, édition et exploitation dans des buts d‘analyse. Par ailleurs, l'Internet permet aujourd'hui d'ouvrir ces systèmes sur l'extérieur grâce au développement de serveurs applicatifs (Gasquez et al., 2000). Notre réflexion a porté sur l'introduction du concept de banque de données en archéologie qu'illustre bien la citation suivante, empruntée à un article consacré au sujet (Le-Mouël et Pirot. 1992) : “La banque de données n'est autre que la traduction et la matérialisation de la structure interne des données de terrain, reflet de la structure sous-jacente des phénomènes étudiés ”. Deux idées fortes se dégagent, propres aux banques de données : structuration des données en premier lieu en tant qu'entités élémentaires (attributs intrinsèques), relations entre les données (attributs extrinsèques) contribuant à la compréhension des phénomènes dans leur globalité. La mise en place d'une banque de données est une opération délicate qui nécessite une longue réflexion mais qui, dans notre cas, nous a offert, dans le même temps, une réelle opportunité de prendre du recul sur notre propre problématique. Pareille réflexion incite le préhistorien “à mieux prendre conscience des chemins de la cognition appliquée au domaine archéologique et de la façon dont il va rechercher la structure propre à l'information archéologique qu'il a collectée, localisée ou non” (Le Mouël et al. 1992). Nombre de cas montrent qu'une mise en œuvre trop rapide d'une solution informatique se solde très souvent par un échec. C'est pourquoi l'introduction du concept de banque de données s'est faite au travers d'une série de questions et réponses qui ont permis de guider notre démarche (Guimier-Sorbets, 1990, Girardot, 1993). On cite ici les questions essentielles qui vont de la conception à l'exploitation de la banque de données en passant par son alimentation en données : Quelles sont les conséquences de la structuration des données ? Y a t'il présence de données existantes ? Quelle est la nature des informations collectées ? Quelles sont les modalités d'accès et d'utilisation de la banque de données ? Quelles sont les modalités d'ouverture de la banque de données sur l'extérieur ? Néanmoins, c'est la question centrale du “Que cherche -t-on ? ”, c'est-à-dire l'identification des principaux objectifs de la banque de données qui constitue un préalable majeur, transverse à toutes les étapes de sa mise en œuvre. Elle nous rappelle que tout est lié dans ce processus et que les choix faits lors de l'étape de conception conditionneront fortement l'exploitation ultérieure qui pourra en être faite. Nous avons donc identifié en parallèle les fonctionnalités futures que devraient offrir les modules logiciels d'analyse connectés à cette banque de données. Les fonctionnalités d'analyse envisagées se groupent en trois catégories et reflètent la nature des données sous-jacentes ainsi que l'objectif majeur poursuivi, c'est-à-dire la compréhension globale de l'organisation spatiale du gisement. Il s'agit ici de tirer pleinement parti du modèle de données (Cf. section suivante) en exploitant des fonctionnalités élémentaires de la banque de données, proposées par toutes les bases de données (au sens logiciel) du marché qu'elles soient relationnelles, objet-relationnelles ou encore orienté-objet. Le plus souvent, dans le cas des bases de données relationnelles (SGBD-R pour Système de Gestion de Base de Données – Relationnel), on utilisera le langage standard SQL (Structured Query Language) dont l'objet est de permettre à l'aide d'opérateurs, prédicats et fonctions l'interrogation croisée des données stockées sous forme tabulaire. Nous avons entre autres retenu le principe de requêtes pré-programmées (stockées) permettant d'interroger la base à tout moment. Leur utilisation s'est révélée très concluante lors de l'étude technologique des nucleus et des lamelles de Fressignes (environ un millier de pièces étudiées au total) sous différents aspects impliquant chaque fois des interrogations plus ou moins complexes (Cf. sections suivantes). Ce type d'extraction est complémentaire du premier et exploite la dimension géographique (implicite ou explicite) des données avec différents niveaux de complexité (par exemple la simple localisation d'un artefact sur la fouille ou l'étude plus complexe de son voisinage à l'aide d'un critère de distance). On peut également citer l'exemple des analyses thématiques consistant à analyser sur la carte la distribution des valeurs prises pour un ou plusieurs critères donnés (Lacrampe-Cuyaubère, 1997). Le propre de ces requêtes est de s'appuyer à la fois sur des critères alphanumériques et spatiaux. Pour reprendre l'exemple d'une banque de données reposant sur un modèle relationnel, les interrogations “géographiques” seront définies à l'aide du langage SQL étendu, standard émergeant et intégrant les fonctions d'analyse spatiale requises. En terme de technologie logicielle, on associe souvent l'expression “Système d'Information Géographique - SIG” à ces analyses géographiques : les SIGs sont des applications logicielles centrées autour de la donnée géographique et permettant son exploitation (visualisation, édition, analyse) (Rouet, 1991). Jusque dans le milieu des années 90, les SIGs possédaient leur propre base de données propriétaire et étaient incapables de se connecter à une véritable banque de données. Aujourd'hui, cette conception “monolithique” du SIG se suffisant à lui -même n'est plus envisagée par les éditeurs (Houllier et al. 1998), lui préférant une approche ouverte en faisant du SIG un module applicatif comme un autre au sein du système d'information et connecté à une banque de données partagée. Enfin, selon la couverture fonctionnelle envisagée, l'utilisation d'un SIG complet n'est plus obligatoire et des librairies (ensemble de fonctions) mises à dispositions permettent de créer des applicatifs avec une cartographie “allégée ”. Nous avons retenu ces deux approches pour Fressignes : le SIG a été envisagé pour le laboratoire tandis que le module de terrain (Cf. FrAcTool) comprend une couverture fonctionnelle cartographique plus restreinte mais suffisante. Ce dernier point est envisagé car il se prête bien aux analyses de grandes quantités de données, ce qui est le cas à Fressignes. Il s'agit d'utiliser les analyses statistiques traditionnelles telles que des analyses de mise en classes (Houllier et al. 1997) dont l'un des objectifs sera l'individualisation des niveaux archéologiques (Fruitet, 1991 et Pois, 1993). En terme d'implémentation, décision n'a pas été encore prise de savoir si les algorithmes correspondants seront directement codés dans le système ou si des logiciels possédant ces fonctionnalités seront utilisés. Dans le second cas, une mise en forme préalable des données, selon le format attendu en entrée, sera nécessaire mais ne devrait pas poser trop de problème. La constitution d'un modèle de données a pu débuter, soumise à des contraintes bien identifiées : l'ensemble des données issues de la fouille, passées ou à venir, devraient y être intégré; le modèle serait défini pour permettre des analyses empruntées aux trois catégories déjà mentionnées; la structuration des données serait réalisée en prenant conscience que la subjectivité induite favoriserait une description orientée de l'information au détriment d'une autre désormais inaccessible au travers du système. Ce que résume bien l'affirmation suivante : “le passage d'une forme initiale (brute) à une forme finale est le résultat d'un formalisme impliquant suppression des données manquant de représentativité ou de signification et regroupement en classes ou catégories avec les données dont le sens semble le plus proche” (Le Mouël et al. 1992). Chaque source de données a commencé par être décrite avec un niveau d'exhaustivité fixé par l'équipe et en adéquation avec le niveau de détail que pourraient requérir de futures analyses. Actuellement, plusieurs classes de données ont été décrites : leurs attributs déterminés ainsi que des relations permettant de les relier entre elles (Fig. 4). Le modèle envisagé, actuellement en cours de réalisation, est un modèle à deux niveaux correspondant respectivement aux étapes de terrain et de laboratoire. Le premier niveau est destiné essentiellement à recevoir les données directement issues de la fouille associées à une description sommaire. Il s'agit du résultat d'une première appréciation portée sur le terrain (qui sera peut-être revue par la suite en laboratoire) par les fouilleurs pour lesquels nous avons tenté de limiter les risques d'erreurs en choisissant des descripteurs adéquats. On peut citer le cas des descripteurs de la matière première déclinés à deux niveaux au sein du modèle de données. Par exemple, un cas identifié de “silex” sur le terrain pourra se raffiner en plus de dix types de silex en laboratoire. De plus, cette partie du modèle a également servi de point de convergence entre les anciennes données aujourd'hui stockées dans des carnets de fouille et celles collectées depuis août 2000 : pour ce faire, une harmonisation avec les anciens descripteurs a été recherchée. Le second niveau affine quant à lui la précision de l'information : il est destiné à recevoir les résultats des études menées en laboratoire sur le matériel collecté à Fressignes. Sa réalisation a commencé avec la description des classes de données “nucleus ”, “lamelles ”, “chutes de burin” et se poursuit actuellement en étroite collaboration avec les préhistoriens pour ce qui concerne en particulier la description des classes. Afin de concevoir et d'implémenter une solution logicielle au dessus de ce modèle de données, nous avons sélectionné la base de données relationnelle Microsoft Access. Les raisons qui ont conduit à ce premier choix sont les suivantes : Une base de données relationnelle : le choix “relationnel” est dû au fait que la plupart des solutions cartographiques du commerce s'appuient sur des SGBD-R; Microsoft Access est une extension de Microsoft pack-office pro : ce SGBD est disponible au Muséum et installé sur la plupart des postes; Une base facile d'accès : dans le cadre des premiers développements, les utilisateurs peuvent manipuler et expérimenter avec facilité sous Access. Le choix “Microsoft Access” qui nous a permis de démarrer rapidement présente cependant des inconvénients sur le plan de la robustesse du SGBD. En terme de modules applicatifs, MS Access se prête parfaitement à une utilisation terrain pour un usage limité dans le temps : aujourd'hui, l'applicatif “FrAcTool” s'appuie sur cette banque de données et le déploiement réalisé en août dernier a montré que ce choix était le bon. Cependant, il existe des difficultés spécifiques au laboratoire (et qui tendront à s'amplifier dans le futur) auxquelles répond mal ce choix comme, entre autres, le volume déjà très important des données ou l'environnement prévu multi-utilisateur. Nous envisageons par la suite de travailler au laboratoire avec un SGBD plus robuste comme Oracle (qui d'ailleurs intègre un module permettant d'y stocker des données géographiques) et conserverons Microsoft Access pour le terrain. Le transfert de nos données pour le moment stockées sous Access ne devrait pas poser trop de problème entre bases de données relationnelles, Oracle fournissant même un filtre d'import de données Access. L'acquisition de ces données est en cours et se déroule autour de deux pôles relatifs au mobilier archéologique répertorié dans les carnets de fouille et aux relevés plastiques décrit plus hauts (Cf. Problématique et principaux objectifs). Des formulaires de saisie appropriés ont été conçus à cet effet sous Microsoft Access. L'ensemble des informations contenues dans les carnets sont enregistrées au sein de la banque de données : l'opérateur choisit d'abord le contexte (carré-couche-décapage) puis identifie la pièce (un contrôle d'intégrité évite l'enregistrement de doublons), la situe dans la fouille (coordonnées x, y, z) et renseigne enfin les différents champs du formulaire à l'aide de listes de sélecteurs (Cf. section suivante - Définition et expérimentation d'un lexique) qui lui sont proposées. En Janvier 2001, environ 15000 pièces avaient été enregistrées en base. Une procédure préalablement testée en laboratoire a été appliquée aux plastiques issus de la campagne 2000, ce qui a permis de croiser ces données avec celles produites par le logiciel “FrAcTool” (Cf. Les résultats de la campagne 2000). Les images obtenues sont ensuite géoréférencées à l'aide des amers visibles sur les photographies que l'on superpose à un carroyage de référence. L'individualisation des objets visibles sur l'image donne alors lieu à la création d'un nouveau thème d'information vectoriel associant représentation géométrique et description textuelle des objets (Fig. 5). Comme nous l'avons vu plus haut, le système d'information en cours de définition est actuellement alimenté en données issues des carnets de terrain et des films plastiques. Cependant, cette situation est temporaire et ne concerne que les anciennes données : l'acquisition des nouvelles données a donné lieu à la mise en place d'un outil logiciel (“ FrAcTool ”) et d'un protocole de recueil de l'information archéologique (s'appuyant sur l'introduction d'un tachéomètre électro-optique) qui apportent les avantages suivants : Une chaîne d'outils cohérente : les solutions logicielles mises en œuvre couvrent les étapes de terrain et de laboratoire, c'est-à-dire respectivement d'acquisition et d'analyse et ont été conçues en parallèle : cela a permis, lors de choix techniques, de s'assurer de la cohérence de la première par rapport à la seconde et vice-versa. Formalisation de l'information en entrée : les données enregistrées correspondent à des descripteurs dont la liste a été fixée (Cf. Définition et expérimentation d'un lexique). Enregistrement direct de l'information : l'information directement stockée dans une base de données (et modifiable sur place le cas échéant) ne nécessite plus une saisie différée monopolisant des énergies importantes. Accès immédiat à l'information : l'information est accessible sur le terrain, sous des formes diverses, dans son détail ou dans sa globalité. Précision et fiabilité des données : l'introduction d'une solution homogène (référentiel spatial unique) et de solutions technologiques de pointe (tachéomètre électro-optique) autorise un gain important de précision en terme de localisation et de description de l'information tout en garantissant une excellente fiabilité des données (Milot, 1978). Pour une étude détaillée du positionnement du mobilier archéologique de Fressignes on pourra se référer aux travaux d'un des auteurs sur le sujet (Arnoux, 2001). Le module d'acquisition “FrAcTool” (Fressignes Acquisition Tool), destiné à une utilisation quotidienne sur le terrain durant les campagnes de fouille, représente l'élément mobile du système d'information fressignois. Les informations à enregistrer sur le terrain devaient obéir à un formalisme garantissant leur exploitation ultérieure. Une étude approfondie des carnets de terrain et une participation aux campagnes de fouilles se sont traduites par l'identification de quatre groupes de données que nous avons progressivement complétés (Cf. tableau 1). Ce lexique est aujourd'hui intégré à FrAcTool au titre de donnée de configuration. Les codes numériques (Cf. ci-dessous) sont utilisés sur site lors de l'enregistrement des données au niveau du tachéomètre électro-optique puis lors de la conversion effectuée par “FrAcTool” pour restituer les dénominations associées. “FrAcTool” a été développé à l'aide du langage de programmation Microsoft Visual Basic et de plusieurs contrôles ActiveX (bibliothèques d'objets) pour l'introduction de fontionnalités particulières comme la navigation cartographique. En terme de gestion de données, conformément aux choix techniques énoncés plus haut, le logiciel “FrAcTool” s'appuie sur le SGBD-R Microsoft Access. Son utilisation est simple et rapide, facilitée par une Interface Homme-Machine intuitive et conviviale. On présente ici la chaîne d'acquisition, allant de l'utilisation du tachéomètre électro-optique sur la fouille (Fig. 6) à l'exploitation des données importées sous “FrAcTool ”. Les données sont en premier lieu collectées sur la fouille : un tachéomètre électro-optique est utilisé pour mesurer les coordonnées polaires (distance et angle) des pièces à relever. Deux personnes sont nécessaires lors de cette étape : l'une manipule le tachéomètre, c'est l'opérateur; la seconde, en général celle qui a fouillé le carré, reste sur la fouille pour identifier et marquer le mobilier. Une fois le tachéomètre mis en station au dessus du point topographique (des fiches comportant les points de référence à viser sont disponibles sur la fouille), l'opérateur rentre dans la mémoire électronique de l'appareil les paramètres nécessaires au calcul des coordonnées des points visés (par exemple la hauteur de l'appareil et celle du prisme). Dans un deuxième temps, on saisit le numéro du carré dont les pièces vont être enregistrées, les numéros de couche et de décapage, et enfin le numéro du premier artefact à enregistrer. Chaque artefact est ensuite présenté par le fouilleur à l'aide d'un petit prisme à réflexion totale que vise le tachéomètre. Finalement, une fois la position déterminée par l'appareil de topographie, les descripteurs appartenant au lexique décrit plus haut sont introduits dans la mémoire de l'appareil. Installé sur un ordinateur portable, l'outil “FrAcTool” est mis à contribution en fin de journée afin d'importer le fichier de données issu du tachéomètre. Lors de la lecture du fichier, deux types d'informations sont affichés : des informations d'ordre topographique et les informations relatives au mobilier archéologique. Ces dernières peuvent être modifiées par l'opérateur si cela s'avère nécessaire. La commande de calcul des points (Fig. 7) est ensuite exécutée pour déterminer les coordonnées des artefacts dans un référentiel spatial unique. Cette étape se conclut par l'affichage d'un carnet électronique contenant tout le matériel enregistré dans la journée. L'opérateur peut alors choisir de sauvegarder le contenu de ce carnet électronique en effectuant son transfert dans la base de données à l'aide de la commande adéquate (Fig. 8). Un contrôle d'intégrité évitera de stocker deux fois le même artefact. Les deux précédentes étapes possèdent un caractère obligatoire dans la mesure où elles permettent de s'assurer du bon stockage des données en base. Il n'en est rien pour cette nouvelle étape qui peut se réaliser de façon désynchronisée des deux premières. Cependant, dans le cas de Fressignes, une vérification attentive des carnets a toujours été effectuée chaque soir par les responsables de la fouille. Aujourd'hui l'opérateur peut consulter et éditer le carnet électronique de “FrAcTool” en accédant à tout ou partie de l'information (des filtres de sélection sont disponibles). Il peut aussi créer des fichiers graphiques (par défaut celui de la journée) afin de cartographier les données relevées dans la journée (Fig. 9 & 10). Des fonctions d'analyse thématique sont proposées pour mettre en exergue un phénomène particulier de concentration du mobilier ou faire apparaître distinctement une répartition remarquable des objets. “FrAcTool” offre toutes les fonctions d'impression requises. On peut donc le lendemain sur le site vérifier la pertinence des plans et du carnet extrait de “FrAcTool” avant de retirer définitivement les pièces et de poursuivre la fouille. Les données peuvent alors le cas échéant être modifiées dans “FrAcTool ”. Le nouveau protocole d'acquisition de données et le logiciel “FrAcTool” ont été mis en œuvre et utilisés pour la première fois à Fressignes au cours de la dernière campagne de fouille du mois d'août 2000. Environ 3000 pièces ont été collectées à l'aide de “FrAcTool ”. Nos conclusions s'organisent autour des thèmes suivants : De façon générale, cette nouvelle méthode s'est révélée très efficace. Après une formation de deux jours consacrée au terrain avec l'introduction du tachéomètre électro-optique et à l'utilisation du logiciel “FrAcTool ”, l'équipe a pu ensuite fonctionner de façon autonome (sans la présence des deux concepteurs de la méthode et du logiciel) pendant plus d'un mois. La méthode semble correspondre assez bien aux besoins de capitalisation rapide de plusieurs centaines de pièces par jour. La principale contrainte est le respect du protocole d'initialisation de l'instrument topographique qui assure la justesse de l'enregistrement des positions. Durant cette phase fondamentale, des mesures surabondantes sont effectuées afin de pouvoir détecter et éliminer les fautes éventuelles. Ce problème s'est d'ailleurs produit au cours de fouille et a été détecté par “FrAcTool” lors de l'importation du fichier de terrain. Après élimination de la visée erronée, le calcul des positions a pu être réalisé dans de bonnes conditions de précision et l'import des données a finalement fonctionné. Toutefois, si “FrAcTool” est d'ores et déjà en mesure de garantir l'intégrité de l'information de localisation, nous devons travailler davantage l'ergonomie de cette phase d'initialisation qui doit être rigoureuse. Sur le terrain, une documentation présentant le canevas topographique servant de base au relevé et les procédures à suivre sera disponible sous forme de fiches à consulter. La manipulation de “FrAcTool” n'a pas posé de problème particulier même si certaines fonctions ont servi moins que d'autres : cependant, le premier but poursuivi a été la mise en base préalable des données. Depuis, l'Interface Homme-Machine de “FrAcTool” a été entièrement refaite et devrait encore davantage faciliter l'utilisation du logiciel. En terme de vérification de données, un manque important a été souligné par l'équipe utilisatrice et concerne la localisation des artefacts telle qu'indiquée dans le carnet électronique : les coordonnées sont en effet données par défaut dans le référentiel spatial unique intégré dans “FrAcTool” et non plus par carré comme dans les carnets de terrain. Aussi dans sa prochaine version, sachant que “FrAcTool” possède déjà en mémoire le carroyage théorique de la fouille, le logiciel proposera à l'opérateur les coordonnées dans les deux systèmes ce qui rendra les vérifications effectuées par carré beaucoup plus aisées. Plus généralement, nous envisageons de gérer ces deux systèmes comme des données de configuration du logiciel (au même titre que le lexique) afin de rendre ce dernier totalement ouvert et utilisable sur d'autres sites. Lors de la dernière campagne, nous avons commencé à expérimenter la photographie numérique, que nous envisageons pour acquérir directement au format numérique les fonds de carré (le contexte archéologique) et ainsi supprimer le procédé de récupération des films plastiques (Arnoux & Callede, 2000). Notre objectif est d'introduire cette méthode complémentaire de la première dans une version ultérieure du logiciel “FrAcTool” qui peut d'ores et déjà afficher des images géoréférencées dans une carte et superposer par dessus le mobilier archéologique. Afin de poursuivre efficacement les développements de “FrAcTool” et des modules de laboratoire, les premières analyses du matériel collecté l'été dernier ont débuté. Elles permettront d'illustrer les procédés d'analyse retenus, en exploitant dans les interrogations le premier niveau descriptif du modèle de données. La réflexion menée par notre équipe tout au long de cette première période qui s'est terminée avec la mise en œuvre opérationnelle de “FrAcTool” s'est révélée très enrichissante : elle a été l'occasion de nous intéresser à d'autres contextes de fouilles et nous a permis dans le même temps de mieux prendre conscience des spécificités de la problématique à laquelle nous étions confrontés. L'introduction d'une solution informatique s'est faite sans jamais perdre de vue que le préhistorien reste (et doit rester) l'élément central du système d'analyse : l'outil informatique assiste le préhistorien dans sa démarche analytique mais ne le remplace pas. Finalement, lorsque l'on considère la période qui s'est écoulée depuis le début des discussions, la part de réalisation technique se limite à quelques mois, s'appuyant sur les résultats issus du long travail préparatoire qui a précédé. La mise en place d'une collaboration efficace des différents intervenants du groupe est passée par la compréhension par tous de l'ensemble des disciplines impliquées. Une participation à plusieurs campagnes de fouilles a eu pour objectif de démontrer la faisabilité et les avantages apportés par la méthode envisagée. Finalement, plusieurs années de fouilles et les méthodes qui s'y rapportent ne pouvaient être remises en cause sans une bonne justification. Ce travail préparatoire peut sembler long mais c'était la seule façon de s'assurer que la solution conçue et réalisée serait pleinement comprise et adoptée par ses futurs utilisateurs. Une totale adhésion de l'équipe à la nouvelle méthode retenue a été nécessaire : en effet, la mise en œuvre de cette méthode s'inscrit dans un formalisme qui peut sembler au premier abord moins souple que l'ancienne méthode et qui implique également une remise en cause des habitudes d'enregistrement de fouilles, donc l'acquisition de nouveaux réflexes. Cependant, c'est un des premiers points forts de la méthode qui en imposant une structure de données dès la fouille et en limitant les opérations de mesures permet de réduire considérablement les risques d'erreurs. Le gain de temps est par ailleurs considérable en matière d'accès aux données. C'est certainement l'apport majeur de l'outil : indépendamment des techniques retenues, il est incontestable que le fait de pouvoir accéder rapidement à l'information est une avancée importante pour l'étude du gisement. Dans cette optique, l'outil constitue donc bien un support de réflexion pour le préhistorien en mettant à sa disposition et sous des formes diverses les données désormais informatisées. Outre la poursuite de nos activités de recherche sur le site pilote de Fressignes, cette première expérience réussie est appelée à être présentée dans le cadre du projet collectif de recherche dans lequel s'inscrivent les travaux de recherches menés à Fressignes. L'outil pourrait intéresser d'autres problématiques de fouilles et par la même occasion s'enrichir encore davantage. Nous invitons les équipes de recherche intéressées par notre solution technique à prendre contact avec nous afin de discuter au cas par cas chaque problématique et la possibilité d'une utilisation de FrAcTool. Par ailleurs, nous avons travaillé dans le cadre d'une fouille programmée s'étalant sur une période de temps relativement longue. Si la phase d'utilisation de FrAcTool qui a maintenant débuté s'avère pleinement satisfaisante sur le long terme, il serait aussi intéressant d'estimer la pertinence de proposer un tel système pour des fouilles de sauvetage où les délais d'intervention bien plus courts nécessitent la mise en place de moyens rapides d'acquisition et de gestion de données . | Depuis maintenant environ trois ans, une équipe pluridisciplinaire du Muséum National d'Histoire Naturelle (M.N.H.N.) travaille à l'informatisation de la fouille et de l'analyse du gisement solutréen de Fressignes (Indre, France). Cette activité pilote est également suivie dans le cadre d'un groupe de recherche, le Projet Collectif de Recherche Préhistoire de la vallée moyenne de la Creuse, avec pour objectifs d'étendre ses résultats à d'autres sites de la région Centre. L'été dernier, au cours de la campagne de fouilles 2000, le logiciel d'acquisition FrAcTool a été pour la première fois déployé et utilisé par les préhistoriens dans le cadre du relevé du matériel archéologique de Fressignes. Cet article s'attache à décrire les différentes étapes qui ont abouti à la conception et réalisation du logiciel FrAcTool et plus particulièrement les réflexions méthodologiques menées relativement aux problématiques d'acquisition, de gestion et d'exploitation de données archéologiques informatisées. | archeologie_525-02-11810_tei_295.xml |
termith-151-archeologie | La physionomie des sites paléolithiques telle qu'on peut l'appréhender à l'occasion des fouilles résulte d'une conjonction de nombreux phénomènes, à la fois anthropiques (dépôt ou abandon d'objets à la surface du sol suite à des activités techniques, remaniement par des activités ultérieures) et naturels (processus sédimentaires qui ont conduit à l'enfouissement du site, transformation et altération au sein du sol). Selon les cas, et notamment en fonction du contexte géomorphologique, les processus naturels peuvent prendre une part considérable et de ce fait, les possibilités de reconstitution des comportements humains passés à partir de l'étude d'un site dépendent largement des conditions dans lesquelles il a été préservé. Ce constat, formalisé de manière claire par Butzer (1982) et Schiffer (1983), a justifié le développement au cours des dernières décennies de nombreuses méthodes destinées à apprécier au mieux l'impact des phénomènes naturels dans la formation des sites. La géoarchéologie, en particulier, contribue de manière substantielle à l'approche « taphonomique » des vestiges. La fouille du site de Combemenue, localisé sur la commune de Brignac-la-Plaine à environ 2,5 km au nord de Terrasson (Corrèze), a permis d'étudier en détail une occupation du Paléolithique supérieur en plein air implantée sur une zone à peu près plane en sommet de versant. Ce site, découvert à l'occasion des prospections archéologiques systématiques sur le tracé de l'autoroute A89, a livré des vestiges rapportés au Paléolithique supérieur (Aurignacien récent) et au Paléolithique moyen (Brenet et al. 2004). Dans le cadre des fouilles préventives, une étude géoarchéologique a été entreprise; celle -ci s'est principalement focalisée sur le niveau aurignacien qui s'est rapidement révélé être le mieux conservé. La surface fouillée atteint 1150 m2, dont 100 correspondant à la zone la plus dense du site ont fait l'objet d'une fouille manuelle. Au total, 1333 pièces lithiques, parmi lesquelles 1168 objets en silex, ont été cotées à l'aide d'un théodolite. La longueur des objets cotés est supérieure ou égale à 2 cm, à l'exception des lamelles et des chutes de burins pour lesquelles aucune limitation de taille n'a été fixée. A ces pièces, s'ajoutent 1076 petits éléments ramassés par sous-carrés. Les principales caractéristiques de l'assemblage récolté sont indiquées dans les tableaux 1 et 2. Après avoir caractérisé le contexte sédimentaire et identifié les mécanismes de perturbation possibles du niveau archéologique, une analyse taphonomique a été réalisée afin de tester l'hypothèse de transformations du site par les processus naturels. Dans ce but, différentes méthodes relevant tant de la géologie que de l'archéologie ont été confrontées, de manière à proposer un scénario qui rende compte au mieux de l'ensemble des observations réalisées sur le site. Elles comprennent l'étude de la distribution spatiale du matériel archéologique (analyse des plans de répartition des objets, méthode de l'Analyse Dimensionnelle de la Variance), de son état de surface (traces d'altération), de sa composition granulométrique (recherche de tris éventuels), de sa disposition (analyse des fabriques) et des remontages. La plupart de ces analyses sont d'un emploi désormais courant en archéologie préhistorique. L'Analyse Dimensionnelle de la Variance, basée sur les travaux de Whallon (1973), est en revanche relativement peu usitée et a nécessité un développement spécifique. Le site est localisé à proximité du sommet d'une petite colline dans la zone d'interfluve entre les vallées de la Vézère et de la Logne (fig. 1). D'après les auteurs de la carte géologique 1/50 000 (Guillot et al. 2001), le substratum est constitué de grès permiens recouverts par des sables et des galets du Trias. Ces formations ont été retrouvées en sondage sur le site (fig. 2). Les grès ont été atteints entre 40 et 140 cm de profondeur selon les sondages; ils sont recouverts de manière discontinue par des matériaux sablo-graveleux très altérés et argilisés qui correspondent vraisemblablement à des lambeaux d'alluvions triasiques. Ces formations anciennes sont surmontées par une couche de colluvions sablo-argileuses de quelques dizaines de centimètres à près d'un mètre d'épaisseur. Les niveaux archéologiques sont inclus dans cette couche. Des petites glosses (fentes) blanchies recoupent la couche de colluvions. En plan, ces glosses dessinent localement des polygones de maille semi-métrique. De tels polygones sont probablement les vestiges de phénomènes de cryodessiccation du sol en contexte périglaciaire (Van Vliet-Lanoë 1988). Dans la partie haute du site, seul le niveau aurignacien a été reconnu; il apparaît entre 25 et 30 cm de profondeur, sous la couche labourée superficielle. Les labours ont localement entamé le niveau archéologique puisque de nombreuses pièces ont été trouvées dans cette couche. Il semble d'ailleurs que la limite sud de la nappe de vestiges (fig. 3), située à l'amont, corresponde à une limite artificielle déterminée par les labours. Les projections verticales montrent en effet que la base de la couche perturbée rejoint dans ce secteur le niveau archéologique (fig. 4). Dans la zone fouillée manuellement, la nappe de vestiges a été à peu près épargnée par les labours; les seuls indices de perturbation sont des raies équidistantes d'une cinquantaine de centimètres qui égratignent la partie supérieure du niveau archéologique, ainsi que des traces d'outils agricoles en fer sur les plus gros galets qui pointent au-dessus des autres vestiges. Plus à l'aval, sur les flancs de la colline, le niveau aurignacien reste proche de la surface, tandis qu'un niveau Paléolithique moyen moins dense a été rencontré entre 50 et 70 cm de profondeur. La carte topographique de la nappe de vestiges aurignaciens, établie à partir de l'altitude moyenne des objets par quart de mètre carré pour les secteurs les plus riches, ou par mètre carré pour les secteurs pauvres (moins de 40 objets par m 2), indique que la pente est d'environ 1,8° dans la partie amont (fig. 3). Cette pente s'accroît rapidement vers le nord et atteint 4,2° dans le secteur aval. L'Analyse Dimensionnelle de la Variance (ADV) est une méthode statistique développée en archéologie par Whallon (1973, voir également Djindjian 1991) dans le but de tester la présence de concentrations spatiales d'objets au sein d'un niveau archéologique. Le plan de répartition des objets est découpé en surfaces élémentaires (dans la présente étude, en surfaces de 1/64 e de m 2, soit 12,5 cm x 12,5 cm). A chacune d'elles, est associée une valeur Ni correspondant au nombre d'objets qu'elle contient. Cette opération est répétée pour des surfaces élémentaires dont la taille est double, puis quadruple, etc…. Pour chaque taille de surface, on calcule ensuite la Variance qui exprime la dispersion des valeurs de Ni. Une tendance à la concentration des objets se traduit par une Variance élevée et n'apparaît que pour certaines tailles de surface précises. Le rapport Variance / Moyenne, noté ici R, a la propriété d' être égal à 0 si la répartition spatiale des objets est uniforme, c'est-à-dire si chaque surface élémentaire d'une taille donnée contient le même nombre d'objets, et égale à 1 si la répartition est aléatoire, c'est-à-dire si la distribution du contenu des surfaces élémentaires suit une loi de probabilité de type fonction de Poisson (Djindjian 1991). Une tendance à la concentration se traduit par un rapport Variance / Moyenne supérieur à 1. La significativité de cette tendance est testée à l'aide du Chi-carré. Sur un graphique R en fonction de la taille de la surface élémentaire, il est ainsi possible de reporter une zone de valeurs de l'indice pour lesquelles on ne peut rejeter l'hypothèse d'une distribution aléatoire du matériel archéologique (fig. 5). Les calculs ont été effectués grâce à un programme développé sous Datadesk (Lenoble et al. 2003). Peu de sites ont, à notre connaissance, fait l'objet d'une analyse spatiale à l'aide de l'Analyse Dimensionnelle de la Variance et peuvent donc servir de point de comparaison. L'hypothèse de base est que toute occupation produit des concentrations d'objets, séparées par des zones vides ou de moindre densité. Cette hypothèse, qui reste à valider de manière précise, est principalement fondée sur l'observation des plans de répartition des vestiges dans des sites provenant de contextes sédimentaires très favorables à une bonne préservation des niveaux d'occupation, tels qu'Etiolles (Pigeot 1987, 2004) ou Pincevent (Leroi-Gourhan et Brézillon 1972). En raison du manque de référentiel interprétatif, l'ADV est utilisée ici essentiellement comme un moyen de description de la distribution des vestiges. L'orientation et l'inclinaison de l'axe d'allongement de 40 objets archéologiques (fabrique) ont été mesurées à l'aide d'une boussole et d'un inclinomètre au cours de la fouille. Les développements récents de l'étude des fabriques ont montré que ce critère permettait de mettre en évidence de nombreux phénomènes de perturbation des sites par des processus naturels (Bertran et Texier 1995; Bertran et Lenoble 2002). Ceux -ci s'accompagnent en effet soit d'un accroissement de l'isotropie de la fabrique (disposition des objets plus désordonnée), soit de l'apparition d'une orientation préférentielle des objets parallèle ou perpendiculaire à la pente. Les données sont traitées à l'aide du logiciel Stereo (McEchran 1990). La distribution granulométrique du matériel archéologique a été analysée selon le protocole proposé par Lenoble (2003), en partie par tamisage, en partie en mesurant la largeur des objets à l'aide d'une règle pour ne pas endommager ceux qui présentaient un intérêt typologique ou technologique. En raison des contraintes de temps, le tamisage à l'eau n'a pas été réalisé de façon systématique sur la fouille, mais seulement sur deux mètres carrés utilisés comme test. La mise en évidence d'un tri des objets suppose que l'on connaisse la distribution granulométrique initiale des vestiges abandonnés par l'Homme sur le site. Celle -ci peut être estimée à partir des expériences effectuées par Hansen et Madsen (1983), Schick (1986, 1987), Patterson (1990) et Lenoble (2003). Ces auteurs ont en effet analysé la composition du matériel produit au cours d'expériences de taille de silex, selon des schémas de débitage paléolithique reconstitué et avec des matières premières variées. La courbe granulométrique moyenne obtenue par Schick est présentée sur la figure 6A. Elle montre que la proportion de fragments décroît rapidement des petites vers les grandes tailles, c'est-à-dire que le débitage d'un bloc produit énormément de petits débris et peu de grandes pièces. Les expérimentations menées n'ont pas trouvé de grandes différences en fonction des modes de débitage et des matières premières utilisées, hormis peut être en ce qui concerne l'abondance relative des produits de grande dimension (Patterson 1990). Cette courbe fait aussi apparaître un léger déficit d'éléments inférieurs à 1 cm par rapport à la classe 1-2 cm, qui est dû à une prise en compte incomplète des premiers, la plus petite maille de tamis utilisée étant de 0,5 cm. Ainsi, ce déficit disparaît sur la courbe de la figure 6B obtenue avec une maille de tamis de 1 mm. La distribution granulométrique pour un débitage laminaire expérimental de type aurignacien (Lenoble 2003) est également figurée en 6C. Elle est très similaire aux précédentes. En première approche, on peut considérer que tout assemblage lithique témoignant de débitage in situ et n'ayant pas subi de tri présente ce type de distribution. Comme précisé par Schick (1986), cela suppose que l'importation sur le site d'objets fabriqués ailleurs, ou à l'inverse, l'exportation d'objets aient été limitées. Si l'on double le nombre de pièces de plus de 5 cm de manière à simuler le fait que la moitié des objets de grande taille ont été importés, on s'aperçoit cependant que l'allure de la courbe granulométrique change peu. La distribution granulométrique constituerait donc un critère robuste. D'autres phénomènes, encore mal appréhendés, peuvent cependant introduire une plus grande complexité dans ce schéma. A Combemenue par exemple, l'analyse technologique a mis en évidence une chaîne opératoire complexe, intégrant un débitage laminaire incomplètement réalisé sur le site (faute de source de silex proche, celui -ci a été importé sous la forme de nucléus mis en forme, de nucléus en cours de débitage et de produits bruts ou déjà élaborés), avec lequel coexistent des productions de lamelles et d'éclats, ainsi que l'utilisation poussée d'éclats. Production lamellaire et réavivage d'outils ont probablement eu pour effet d'augmenter le pourcentage de petits éléments. Cette hypothèse reste cependant à documenter plus en détail. L'appréciation de l'état de surface des pièces a été effectuée de manière systématique au cours de l'étude technologique du matériel, à l' œil nu ou à l'aide d'une loupe binoculaire lorsque cela le nécessitait. Plusieurs plans de répartition des vestiges ont été réalisés en fonction de différents critères (matières premières, classes typo-technologiques…) afin de rechercher une éventuelle organisation spatiale du niveau archéologique. Des remontages ont également été effectués sur les vestiges de taille pluri-centimétrique. Les vestiges sont inclus dans un sédiment sablo-argileux massif, interprété comme des colluvions provenant de l'érosion du sommet de la colline. En raison de sa position topographique (partie haute du versant), le site a fonctionné en zone d'accumulation-transit des sédiments colluviaux. Le bilan sédimentaire y a été faiblement positif. Il n'est pas exclu que des apports limoneux aient atteint le site pendant les grandes phases de sédimentation éolienne en Europe, soit entre 30 et 14 ka BP (Antoine et al. 2001). Au niveau régional, des apports loessiques substantiels n'ont cependant été signalés qu'en périphérie des sables des Landes (Legigan 1979). En Dordogne, la contribution éolienne dans les sols reste faible bien que souvent détectable (cf. Guichard et Guichard 1989; Bertran et Texier 1990). En ce qui concerne Combemenue, ces apports sont supposés avoir été négligeables en raison de l'éloignement des principales zones, sources de particules éoliennes et de l'altitude (environ 300 m NGF). D'un point de vue archéologique, un tel contexte géomorphologique suppose que les niveaux d'occupation n'ont jamais été enfouis profondément et sont restés exposés aux agents naturels à la surface du sol ou en subsurface pendant de longues périodes. Des perturbations significatives du site par ces agents peuvent donc être suspectées. En raison des transformations pédologiques importantes du sédiment (horizon BTg de luvisol), une caractérisation précise des processus sédimentaires responsables de l'enfouissement du niveau archéologique s'avère impossible à effectuer. D'après le contexte géomorphologique, des phénomènes tels que la reptation du sol en contexte périglaciaire et le ruissellement peuvent être envisagés. D'autres processus comme l'activité biologique ont également pu contribuer à l'enfouissement. L'activité des organismes fouisseurs engendre, à l'échelle de plusieurs siècles, un brassage de la couche superficielle (Hole 1981; Bocek 1992). L'impact des vers de terre, qui jouent souvent un rôle prépondérant dans la formation de l'horizon supérieur du sol, est connu depuis les travaux de Darwin (1881), complétés par Wood et Johnson (1978), Stein (1983), Johnson (2002) et Van Nest (2002). Les observations faites par ces auteurs indiquent que certains vers rejettent à la surface sous forme de déjection des quantités importantes de terre prélevée en profondeur. Dans la mesure où ces rejets sont essentiellement composés de particules fines, les graviers et les sables grossiers tendent à être progressivement enfouis et à se concentrer en profondeur. Ce mécanisme est ainsi supposé être à l'origine des « stone lines » que l'on observe dans certains sols. Il peut rendre compte de la position stratigraphique du matériel archéologique dans la partie amont du site (fig. 7). Le plan de répartition du matériel archéologique (fig. 3) fait apparaître une zone riche en vestiges dans la partie amont du site, qui correspond également à la partie la moins pentue (<2°). Cette zone, au contour diffus, ne présente pas de concentration d'objets clairement individualisée. Dans la partie aval plus pentue (>4°), les vestiges sont sensiblement moins abondants. La limite entre les deux zones correspond approximativement à la rupture de pente restituée à partir de l'altitude moyenne des objets. Les résultats de l'Analyse Dimensionnelle de la Variance sont présentés sur la figure 8. Pour Combemenue, le diagramme Variance / Moyenne en fonction de la taille de la maille ne fait apparaître aucune concentration significative des objets. R ne dépasse jamais 1; des valeurs un peu plus élevées que la moyenne apparaissent pour des surfaces inférieures à 1/32 e de m 2 (soit environ 0,03 m 2) ainsi que pour des surfaces entre 4 et 8 m 2. Ces dernières traduisent la différence entre le centre du site et la zone périphérique pauvre en matériel archéologique. Néanmoins, aucune des valeurs obtenues ne permet de rejeter d'un point de vue statistique l'hypothèse d'une distribution aléatoire des objets sur la surface fouillée. Le diagramme de Combemenue peut être comparé avec profit à ceux obtenus pour deux niveaux Paléolithique moyen provenant du site de Croix-de-Canard dans la région de Périgueux (fouilles inédites L. Detrain, I nrap) (fig. 9, 10), pour lesquels une étude taphonomique détaillée a été effectuée (Bertran et Lenoble 2002). Le niveau dénommé ‘ Secteur 3 ' a été trouvé à environ 4 m de profondeur dans des argiles palustres; le contexte géologique ainsi que les données archéologiques convergent pour indiquer que ce niveau a subi peu de remaniements post-dépositionnels. A l'inverse, le niveau dénommé ‘ Secteur 2, locus 3 ', qui a été trouvé à 0,6 m de profondeur dans des colluvions argilo-sableuses, a été fortement affecté par des processus naturels après son abandon par l'Homme. L'étude de la fabrique indique qu'il s'agit vraisemblablement de phénomènes de solifluxion en milieu périglaciaire. Dans le premier cas, des concentrations d'objets très significatives apparaissent pour des surfaces élémentaires comprises entre 1/32 e et 1/4 de m 2. D'un point de vue archéologique, ces concentrations correspondent à des amas de taille de silex bien préservés. Dans le cas du second niveau (Secteur 2, locus 3), le diagramme est relativement similaire à celui obtenu à Combemenue, si ce n'est l'absence totale de fluctuation de R pour des mailles supérieures à 1 m 2. L'interprétation retenue à la lumière des autres données disponibles est que la distribution spatiale des vestiges reflète la dispersion sur de grandes surfaces, par des processus post-dépositionnels, de concentrations initialement mieux délimitées (Bertran et Lenoble 2002). L'étude statistique de la distribution spatiale du matériel archéologique à Combemenue par la méthode de l'ADV permet de conclure qu' à l'intérieur du site, la distribution des vestiges ne présente pas de concentration bien définie. L'observation des plans de répartition des objets par catégories (outils, chutes de burins, lamelles, silex brûlés) indique que cette absence de concentration ne caractérise pas seulement les vestiges pris dans leur ensemble, mais aussi les différents types d'objets (fig. 11, 12). Comme le montre le cas du niveau supérieur de Croix-de-Canard, une telle organisation peut résulter d'une modification du site par des processus naturels. Une cause anthropique peut également être envisagée, par exemple liée à un type particulier d'activité ou à un piétinement intense du site. D'autres critères permettant d'apprécier l'état de préservation du niveau archéologique ont donc été recherchés; ils concernent les fabriques et la présence de tris granulométriques du matériel archéologique. La disposition de l'axe d'allongement de 40 objets provenant des carrés 54 et 55 a été mesurée et reportée sur un stéréogramme (fig. 13). Celui -ci met en évidence une disposition dominante à plat des objets, sans orientation préférentielle mais avec une proportion significative d'éléments redressés. Sur un diagramme de Benn (1994) (fig. 14), le point représentatif de la fabrique obtenu par la méthode des Valeurs Propres (Woodcock 1977) s'écarte sensiblement des valeurs connues pour les sites non perturbés (incluant les sites expérimentaux soumis à du piétinement) et se place dans le champ des sites affectés par le ruissellement et/ou la bioturbation (Bertran et Lenoble 2002). Compte tenu du contexte géomorphologique, l'action de ces deux processus sur la distribution des artefacts paraît hautement probable (cf. Rolfsen 1980). Un éventuel tri granulométrique du matériel archéologique lié à des phénomènes naturels a été recherché. Tous les objets récoltés à la fouille dans 3 carrés de 1 m 2 choisis au hasard ont été mesurés, soit au total 82 pièces auxquelles s'ajoutent 91 pièces provenant de 2 carrés test ayant fait l'objet d'un tamisage à l'eau (maille de 2 mm). Etant donné l'absence d'organisation spatiale identifiable à partir des plans de répartition des objets, ces échantillons sont jugés représentatifs de la composition du matériel sur l'ensemble du site. La distribution granulométrique de ces échantillons (fig. 15) montre : une grande similitude entre les histogrammes des séries tamisées et non tamisées, ce qui valide a posteriori le fait qu'un tamisage n'ait pas été pratiqué de manière systématique sur le site; une distribution “en cloche” avec un déficit très marqué non seulement en éléments grossiers, ce qui est conforme aux résultats des expériences de Schick (1986) et Lenoble (2003), mais aussi en éléments fins, le mode étant situé dans la classe 4-5 mm. Dans la mesure où il paraît peu vraisemblable que les éléments les plus abondants, de largeur comprise entre 4 et 5 mm, aient été importés (il s'agit pour une bonne partie de déchets de débitage), le déficit observé pour les débris de plus petite taille ne peut s'expliquer que par un appauvrissement secondaire du site par des processus naturels. Dans le contexte local, le seul processus susceptible d'avoir occasionné ce tri est le ruissellement. La bioturbation, évoquée plus haut comme facteur d'enfouissement des vestiges, peut également avoir joué un certain rôle. En effet, alors que les éléments grossiers tendent à migrer vers la base des horizons bioturbés, les petits éléments sont dispersés dans l'ensemble du volume affecté par la bioturbation, ce qui conduit à un appauvrissement relatif du niveau archéologique matérialisé par les gros objets. Cependant, d'après Van Nest (2002), cela n'affecte que les artefacts de taille submillimétrique (microartefacts), c'est-à-dire d'une taille bien inférieure à celle concernée par le tri à Combemenue. Les proportions relatives des différentes classes dimensionnelles d'objets ont été reportées sur le diagramme CD (diagramme des Classes Dimensionnelles) proposé par Lenoble (2003) (fig. 16). Ce diagramme montre que la composition du matériel de Combemenue s'écarte sensiblement de celle obtenue dans les expériences de débitage. La comparaison avec les aires correspondant à la composition d'assemblages lithiques expérimentaux affectés par le ruissellement suggère que le matériel de Combemenue a été transporté par des écoulements de faible compétence dans des petites rigoles ou par la reptation pluviale dans les zones inter-rigoles. Le matériel apparaît relativement fragmenté (tableau 3). Parmi les 1168 pièces en silex, 242 (soit 21 % de l'ensemble) portent des traces de modification postérieures à leur débitage, leur façonnage ou leur utilisation. La plus grande partie de celles -ci, soit 42 % (9 % de l'ensemble), sont des traces de transformation thermique due au feu. Les autres stigmates sont : des traces de gélivation (1 à 2 % de l'ensemble), des ébréchures (3 %), des retouches ou encoches (1 %), ou des fractures et des traces de chocs importants (5,4 %). La distribution des pièces abîmées (ébréchures, retouches, fractures) semble aléatoire, tant en plan que verticalement. Ceci indique en particulier que ces altérations ne sont pas liées aux activités agricoles. Peu de remontages et de raccords ont été effectués au sein des pièces récoltées. Le nombre de pièces impliquées dans les remontages ou raccords (A) n'est en effet que de 34 sur un nombre total d'objets (B) atteignant 1168. Le taux de remontage (rapport A/B) n'est donc que de 2,8 % (1 % si l'on exclut les raccords). Plusieurs explications peuvent être proposées pour rendre compte d'un taux si faible : le temps consacré à cette étude a été relativement réduit; il n'est pas certain que les remontages soient exhaustifs; la forte transformation des supports rend les remontages difficiles. Le pourcentage d'outils atteint en effet 8 % de l'assemblage (10 % si l'on inclut les outils incertains, cassés ou brûlés). S'ajoutent également les difficultés liées à la fragmentation thermique de nombreuses pièces (9 % de l'ensemble du matériel); les phases de débitage de lames et d'éclats n'ont été que partiellement réalisées sur le site. En effet, en ce qui concerne le matériel en silex gris et brun du Sénonien, les éclats de mise en forme des nucléus représentent 21 % du matériel (14 % de lames et éclats corticaux, 7 % d'éclats de réavivage) et aucun éclat d'entame n'est présent. Ceci indique que les nucléus ont pu être introduits déjà configurés; de nombreux objets ont été exportés hors du site par les Aurignaciens, pour répondre à des besoins techniques anticipés; le matériel récolté ne représente qu'une partie des vestiges lithiques initialement présents sur le site, soit parce qu'une autre partie du matériel a été soustraite de la zone fouillée par des processus naturels postérieurs à l'occupation et les labours, soit parce que la surface de la zone fouillée ne représente qu'une fraction de celle du site originel. Le rôle respectif de tous ces facteurs est difficile à apprécier et continue de faire l'objet de discussion entre les auteurs de cet article. Pour les géoarchéologues (P.B., A.L.), les quatre premiers points (remontages incomplets à cause du temps insuffisant accordé à ce travail, de la forte transformation des supports et de leur fragmentation, chaînes de débitage incomplètement réalisées sur le site, exportation d'objets par les Aurignaciens) ne paraissent pas de nature à expliquer à eux seuls le faible taux de remontage. Des difficultés identiques ont en effet été rencontrées dans d'autres sites, pour lesquels le taux de remontage reste élevé (plus de 20 %). Pour les technologues (M.B. et C.C.), les facteurs anthropiques (points 3 et 4) sont privilégiés, des réserves étant émises sur la pertinence de l'utilisation du taux de remontage comme critère d'évaluation taphonomique. La confrontation des différentes méthodes d'investigation met en évidence les points suivants : 1) avant son enfouissement complet, le site a subi l'action du ruissellement, qui a entraîné un appauvrissement sélectif de l'assemblage initial en éléments inférieurs à 0,5 cm de largeur. En l'absence d'un long versant à l'amont et du fait de la pente quasi-nulle (le site est localisé sur une petite éminence), seule l'action du ruissellement diffus et du splash, c'est-à-dire des mouvements provoqués par l'impact et le rejaillissement des gouttes de pluie, peut être invoquée. Ces processus ont une capacité d'érosion relativement limitée. Ils affectent sélectivement les particules fines et favorisent l'apparition de pavages à la surface du sol (Poesen 1987). Les éléments grossiers, centimétriques, subissent néanmoins une reptation lente provoquée par le choc des gouttes de pluie et par l'érosion du sédiment fin sur lesquels ils reposent (De Ploey et Moeyersons 1975). D'après les mesures effectuées par Kirkby et Kirkby (1974), Kwaad (1977), Poesen (1987) et Sala (1988), les particules de diamètre inférieur à 0,5 cm progressent par saltation sous l'effet du splash, tandis que les éléments de 1 à 5 cm se déplacent par reptation. Les déplacements enregistrés sont de l'ordre de quelques dizaines de centimètres au cours d'une pluie pour des particules de taille millimétrique et de quelques centimètres au maximum pour des fragments de taille centimétrique. Ces données indiquent donc que l'appauvrissement en éléments fins va nécessairement de pair avec un déplacement des éléments plus grossiers. Sur une pente négligeable, les mouvements de reptation restent limités et non directionnels, c'est-à-dire qu'ils s'effectuent au hasard dans n'importe quelle direction. Il en résulte un phénomène de diffusion des concentrations d'objets. En revanche, dans la zone périphérique du site et notamment dans sa partie nord, la pente s'accroît et dépasse 4°. Dans ce secteur, l'influence de la pente sur les déplacements ne peut plus être considérée comme négligeable. L'accroissement de la vitesse de déplacement et l'orientation vers l'aval des mouvements ont probablement induit un étirement de la nappe de vestiges. La diminution importante de la densité d'objets sur le site dès que la rupture de pente est franchie peut résulter de ce phénomène. Dans ce cadre, les contours de la zone la plus riche en vestiges ne correspondent pas nécessairement à ceux que le site avait initialement au moment de son abandon, mais ils délimitent la zone la moins perturbée par les processus naturels; 2) la présence de modifications de l'état initial est également suggérée par l'analyse des fabriques. La disposition plus désordonnée des objets que celle qui caractérise les sites non perturbés suppose en effet que le site ait subi des transformations secondaires. Le type de fabrique est compatible avec l'action du ruissellement et de la bioturbation; 3) la distribution spatiale du matériel archéologique pris dans son ensemble aussi bien que celle des différentes catégories d'objets ne fait pas apparaître de concentration claire à l'intérieur du site. A la lumière des arguments précédents, ce type de distribution peut être imputé à une homogénéisation de la répartition des vestiges par des processus post-dépositionnels. Un phénomène de diffusion par reptation peut notamment rendre compte de cette répartition; 4) De nombreux facteurs peuvent expliquer le faible taux de remontage. Comme cela a été évoqué plus haut, les technologues considèrent que la composition de la série lithique relève de facteurs anthropiques comportementaux complexes, que l'on ne peut assimiler aux seules activités de taille. Le taux de remontage, qui dépend également du temps consacré à cette tâche, doit donc être utilisé avec une extrême prudence dans l'interprétation de l'assemblage lithique et de sa mise en place. Pour les géoarchéologues, il est probable que le faible taux de remontage soit en partie lié au fait que le matériel récolté ne représente qu'une fraction de celui qui était originellement présent sur le site. Dans de nombreux sites, l'analyse spatiale des remontages indique que ceux -ci se font majoritairement sur de courtes distances, au sein de zones d'activités particulières (Cziesla 1987). Les remontages sur des distances supérieures à 2 m, qui relient des aires d'activité, ne comptent en revanche que pour une faible part du total. Pour cette raison, la taille de la zone fouillée n'a qu'une faible influence sur le taux de remontage. Dans le contexte du site, la disparition d'une partie du matériel grossier par les phénomènes naturels, notamment la reptation, permettrait de rendre compte des observations; 5) les déplacements n'ont pas entraîné une altération physique importante des vestiges lithiques. Le pourcentage de pièces présentant des ébréchures, des retouches ou des encoches naturelles reste faible (environ 4 % du matériel). La reptation n'implique en effet que des mouvements de faible ampleur, mais qui se répètent pendant une longue durée. Un mécanisme de diffusion dû à des perturbations post-dépositionnelles, probablement assez comparable à celui qui est suggéré ici pour la partie amont du site, a été décrit par Bowers et al. (1983) à partir des données de déplacement mesurées sur un site expérimental installé en Alaska. L'expérience, qui a duré 3 ans, a montré que les objets disposés sur un replat au sommet d'une colline avaient subi un déplacement moyen d'environ 4 cm /an dans toutes les directions, principalement sous l'influence des pipkrakes, c'est-à-dire de la glace en aiguilles qui se forme à la surface du sol au cours des périodes de baisse rapide des températures sous 0°C. Les simulations réalisées indiquent que, si on laisse agir les mêmes processus sur une durée d'un siècle ou plus, on obtient une diffusion progressive de la concentration de départ, qui se traduit par un étalement des vestiges, par une diminution de leur nombre par unité de surface, et par un affaiblissement de la netteté des contours de la concentration. Dans le cadre de l'étude du site de Combemenue, ces simulations ont été reprises en prenant en compte toute la variabilité des déplacements mesurés par Bowers et al. (1983) (et non pas seulement la valeur moyenne) et l'évolution de la distribution spatiale d'un amas a été suivie par l'Analyse Dimensionnelle de la Variance. Les résultats sont indiqués sur la figure 17. Celle -ci montre que très rapidement, la densité des objets s'affaiblit au point que l'on ne peut plus distinguer la distribution du matériel d'une répartition aléatoire. Au bout de 100 ans dans les conditions de l'expérience, le rapport Variance / Moyenne reste quasiment identique quelle que soit la surface considérée. On constate en suivant les différents stades de la simulation que les “pics” du rapport R subissent de manière concomitante un effacement progressif et une translation vers des mailles de plus en plus grandes, en relation avec la dispersion du matériel. Bien que les mécanismes sédimentaires en jeu puissent être en partie différents de ceux invoqués pour le site de Combemenue, l'expérience de Bowers et al. (1983) donne sans doute une bonne idée des transformations qui se sont produites sur ce site, parce qu'elle rend compte des modifications provoquées par de petits déplacements répétés des objets à la surface du sol, sans influence significative de la pente. Les conclusions de l'étude taphonomique ont deux implications importantes d'un point de vue archéologique : en raison des processus post-dépositionnels, une partie de l'information archéologique a été perdue. Cela concerne en particulier l'organisation spatiale du site. Démêler de manière précise ce qui revient aux facteurs anthropiques et naturels dans la distribution du matériel est probablement impossible à effectuer; l'assemblage lithique a été tronqué par les phénomènes de remaniement. Cela affecte surtout les éléments de petite dimension (< 0,5 cm de largeur) et n'a pas de répercussion majeure sur la lecture technologique et typologique du matériel, hormis peut être en ce qui concerne la proportion de lamelles. Sur ce point, l'analyse du matériel lithique indique une production spécifique éventuelle de lamelles à partir de burins busqués. Cette production est encore difficile à cerner, dans la mesure où les lamelles retouchées, lamelles Dufour ou lamelles Caminade (Bordes et Lenoble, 2002) sont absentes de la série. Si ce déficit flagrant résulte pour une grande part d'une exportation des produits obtenus par les Aurignaciens, il est possible que les phénomènes taphonomiques aient également joué un rôle non négligeable. Le site de Combemenue est sans doute représentatif d'un grand nombre de sites paléolithiques français localisés dans un environnement géomorphologique peu favorable à un enfouissement rapide. Comme le met clairement en évidence l'étude taphonomique, une partie de l'information archéologique a été perdue en raison des perturbations provoquées par les agents naturels, notamment le ruissellement, après l'abandon du site par l'Homme. En ce qui concerne le secteur à pente négligeable, ces perturbations restent faibles et n'ont que partiellement oblitéré la physionomie initiale du niveau archéologique. Elles semblent correspondre pour l'essentiel à une diffusion des vestiges, entraînant un affaiblissement des concentrations d'objets. La validité des données issues de l'étude techno-économique du matériel (reconstitution des chaînes de production, analyse économique du débitage et des matières premières utilisées…) reste entière. En revanche, dans les secteurs plus pentus situés en périphérie de la zone riche en vestiges, les perturbations ont probablement été plus importantes. L'Analyse Dimensionnelle de la Variance comme méthode permettant de différencier des types de distribution spatiale des objets s'avère être très prometteuse et constitue un nouvel outil disponible pour l'analyse taphonomique d'un site. La multiplication des études comparables tant sur des sites archéologiques qu'expérimentaux devrait conduire à affiner de façon significative les interprétations que l'on peut en tirer. Cette étude souligne également l'intérêt de confronter les arguments tirés de différentes analyses, qui utilisées isolément, n'apportent souvent que des résultats ambigus . | Le site paléolithique de Combemenue en Corrèze a livré un niveau d'occupation d'Aurignacien récent enfoui à faible profondeur, sur un replat près du sommet d'un versant. Le contexte de faible enfouissement laissant suspecter des perturbations significatives du niveau archéologique dues à une longue exposition aux agents naturels en surface ou en subsurface du sol, une étude taphonomique détaillée a été entreprise. Différents points ont été examinés: la distribution spatiale du matériel, la disposition des objets (fabrique), leur granulométrie, leur état de surface ainsi que les remontages. Les résultats obtenus ont été confrontés de manière à proposer un scénario qui rende compte au mieux de l'ensemble des observations faites sur le site. Cette étude indique que l'assemblage lithique originel a subi un appauvrissement sélectif en petits éléments sous l'action du ruissellement. Simultanément, il est possible qu'une partie du matériel de plus grande taille initialement présent ait été soustrait du site par les mécanismes sédimentaires. Ces modifications ont eu des répercussions sur la distribution spatiale des vestiges. Celle-ci se caractérise par une absence de concentration claire, tant lorsqu'on considère la répartition de l'ensemble du matériel que celle de catégories particulières d'objets. Une diffusion progressive des vestiges par le ruissellement ou les phénomènes périglaciaires rend bien compte des transformations observées. En revanche, les déplacements n'ont pas entraîné d'altération physique importante des pièces, dont la majorité ne porte pas de stigmate postérieur à sa production ou son utilisation par les Aurignaciens. Les transformations décrites ici pour le site de Combemenue sont probablement représentatives de celles subies par un grand nombre de sites paléolithiques localisés sur une pente négligeable dans un contexte géomorphologique peu favorable à un enfouissement rapide. | archeologie_08-0169462_tei_244.xml |
termith-152-archeologie | L'atelier est connu depuis 1881, date à laquelle un moule servant à la fabrication des céramiques sigillées a été découvert dans la propriété Chauvet, appelée aujourd'hui le Chatigny. Ce moule, conservé au musée municipal de Luxeuil-les-Bains, a servi de point de départ à l'étude réalisée par L. Lerat et Y. Jeannin (Lerat, Jeannin, 1960), consacrée en majeure partie à la production de sigillée ornée de l'officine. De 1978 à 1988, une association de bénévoles, le Groupe de Recherches Archéologiques de Luxeuil, a effectué une fouille de sauvetage programmée chaque été et a mis au jour une batterie de huit fours groupés autour d'une aire de chauffe commune (Kahn, 1986, 1990). Ces vestiges ont fait l'objet d'un classement au titre des Monuments Historiques en septembre 1988 et sont actuellement protégés par un bâtiment. En 1991, la fouille de l'atelier a repris, à cause de la réalisation du bâtiment destiné à la présentation muséographique des fours. En 1993, des sondages effectués dans le cimetière, à une centaine de mètres au sud-ouest des fours précédents, ont entraîné la fouille de quatre autres fours faisant partie du même atelier. L'étude qui a servi de base à cet article a été réalisée dans le cadre d'un mémoire du Master 2 Archéosciences à l'Université de Bourgogne en 2006, et a porté sur deux points : d'une part la reprise des données d'ordre historique et des recherches sur le terrain afin d'appréhender le développement de l'atelier au sein de l'agglomération antique et d'autre part, la réalisation d'une typologie des productions. Cette dernière concerne la terra nigra, les céramiques à paroi fine et la céramique commune, à l'exception des sigillées qui ont déjà fait l'objet de plusieurs publications depuis 1960. En conclusion nous suggérons quelques directions de recherches, par exemple la relation semble -t-il privilégiée qui existait entre l'atelier de Luxeuil et le site de Mandeure (Doubs). L'atelier de potiers du Chatigny se situe sur le territoire de la commune de Luxeuil-les-Bains, petite agglomération du nord du département de la Haute-Saône, en Franche-Comté. Les potiers se sont installés sur le versant occidental d'une colline culminant à 319 m d'altitude dont le substrat est constitué de grès triasiques de couleur jaune et de dureté très variable. La roche est masquée par un niveau argilo-sableux de teinte brune, dont l'épaisseur varie de quelques centimètres à 80 cm, lui -même recouvert par une couche végétale ne dépassant pas 20 cm d'épaisseur. Au pied de ce versant s'étend le vallon où jaillissent les sources thermales, tandis qu'au sud la colline est bordée de petits ruisseaux; au nord et à l'est s'étendait une zone boisée aujourd'hui en cours d'urbanisation. L'antique station thermale de Luxovium est située au nord de la Séquanie, au pied du massif vosgien qui, à l'époque, constituait un obstacle aux voies de communication. Les grandes voies longeaient les Vosges à l'est par la plaine d'Alsace et à l'ouest par la moyenne vallée de la Moselle (itinéraire de Langres à Trèves par Metz). Luxeuil était donc idéalement placé sur l'axe qui permettait de faire communiquer la haute Alsace avec les plateaux lorrains ou champenois, en contournant par le sud la montagne vosgienne (fig. 1). Cet itinéraire principal passait à quelques kilomètres au sud de Luxeuil. Il permettait d'aller rapidement de Langres, capitale des Lingons, aux frontières du Rhin par la trouée de Belfort. Un itinéraire secondaire conduisait à Langres en passant par Corre et Bourbonne-les-Bains (également station thermale antique). Une voie de moindre importance, dont un tronçon a été fouillé au nord de Luxeuil, permettait une liaison avec Plombières, autre petite station thermale antique (fig. 1). Luxeuil était également relié aux deux principales agglomérations séquanes, Besançon, la capitale de cité, et Mandeure. Dès le XVIII e siècle, Luxeuil a suscité l'intérêt des historiens; des dizaines d'ouvrages ont été publiés depuis, relatant des découvertes dues aux travaux effectués essentiellement dans l'établissement thermal (Fabert, 1773; Delacroix, 1862, 1867) ou faisant état d'études plus synthétiques sur le site antique de Luxeuil (Marc, 1806; Roussel, 1924; Desgranges, 1981; Kahn, 1986). On peut signaler également le travail sur la sculpture funéraire (Walter, 1974) et celui sur la production de sigillée (Lerat, Jeannin, 1960; Kahn, 1986, 1990). En 1991 nous avons commencé un travail de recollement des découvertes anciennes (anciens plans, descriptions…) avec les données archéologiques plus récentes présentées sur fond cadastral réactualisé régulièrement (fig. 2). Si l'origine de Luxeuil est certainement liée à la présence de sources thermales, nous n'avons pas de preuves archéologiques d'une occupation antérieure à la période gallo-romaine. Cependant les ex-voto de tradition celtique de la source Martin et les statuettes en bronze d'Hercule italo-étrusques plaident pour l'existence d'un sanctuaire de source antérieur à la conquête (Card, 1994, 1995). La période augustéenne n'est représentée que par quelques monnaies, découvertes dans l'enceinte de l'établissement thermal. Il faut attendre la période claudienne pour voir se mettre en place un réseau viaire et une agglomération. La ville va s'agrandir autour du sanctuaire et de l'établissement thermal tout au long du I er et du II e siècle, pour atteindre une surface d'environ 35 hectares. C'est également au cours de cette période que débutent et se développent l'artisanat de la poterie et, dans une moindre mesure, celui de la taille/sculpture de pierre, notamment pour la réalisation de stèles funéraires (Kahn, 1986; Card, 1994). L'agglomération ne va pas résister aux crises de la fin du II e et du III e siècle : si l'établissement thermal semble, au vu des séries monétaires, toujours en activité, la majeure partie de l'habitat est désertée et les potiers arrêtent leurs productions (Kahn, 1986; Card, 1994). La ville se replie à l'intérieur d'un castrum. Une partie des fondations de la courtine a été retrouvée en 1780, place de l'abbaye et, en 1845/1847, en creusant la cave d'une maison, rue Jean Jaurès. Le castrum est également mentionné dans la Vita Colombani de Jonas de Bobbio et dans la Vita Agili, deux textes du VII e siècle. Dans l'état actuel des recherches, il n'existe pas de traces d'une occupation au sein du castrum après le milieu du IV e siècle (Card, 1994 et 1995). Divers travaux (extension du cimetière et détournement de la rue Sainte-Anne) ont largement entamé la colline du Chatigny et engendré, en 1950, la destruction de la majeure partie des vestiges de l'atelier. Il est donc difficile d'en estimer la superficie et l'organisation. Cependant une enquête orale auprès des témoins des travaux et les données de fouilles laissent penser que l'atelier pouvait avoir une extension maximale d'un hectare. Deux secteurs épargnés par les destructions ont été fouillés. Seuls des fours et deux fossés ont été mis au jour. Aucune trace de bâtiments autres que ceux qui protégeaient les fours, aucune structure habituellement liée au travail des potiers (bassin de décantation, bâtiment de stockage, emplacement de tour, habitation, boutiques) n'a été repérée. Cependant les publications anciennes décrivent la découverte, lors de travaux réalisés pour le captage des sources ferrugineuses dans le parc des thermes, d'un bassin au plancher en bois qui contenait une quantité d'argile très pure, ainsi que de deux pièces de bois interprétées comme des outils de potiers (Delacroix, 1867). On peut remarquer que les fossés découverts au Chatigny suivent l'orientation de la voie principale et que l'implantation des fours n'est pas aléatoire et semble s'intégrer dans le schéma urbain (fig. 2 et 3). Il est possible que les potiers aient installé leurs fours dans un secteur qui leur a été attribué en bordure est de la ville antique mais en dehors de l'agglomération, pour des raisons de nuisance, et sur le flanc ouest de la colline afin de bénéficier des vents dominants. Nous donnerons ici un bref descriptif des fours car ils ont déjà fait l'objet de plusieurs publications (Kahn, 1986, 1990; Card, 1995, 2007). Deux séries de fours ont été mises au jour. La première, que l'on appellera « Chatigny », située au sommet de la colline, a été fouillée entre 1978 et 1986. Elle comporte neuf fours. L'autre, découverte en 1991, se trouve a une centaine de mètres au sud-ouest, dans l'actuel cimetière de la ville, et regroupe quatre fours. Sur les neuf fours du Chatigny, huit sont groupés en batterie autour d'une aire de chauffe commune (fig. 4). Ces structures sont installées dans le substrat rocheux (grès) qui affleure à cet endroit. Les fours et l'aire de chauffe ne présentent aucun système de drainage et le seul indice d'une construction protégeant les fours est la présence d'un mur et de deux blocs de grès pouvant servir de base à une charpente. On note, à quelques mètres à l'est de l'aire de chauffe, la présence de deux gros foyers ovoïdes (1,50 m x 0,90 m et 2,50 m x 0,90 m) creusés sur une dizaine de centimètres dans le grès, dont on ne peut préciser la fonction. La décision, en 1986, de protéger et de classer au titre des Monuments Historiques l'ensemble des structures dégagées a empêché le démontage des fours, nous privant ainsi d'informations concernant leur mode de construction. Cependant, les observations réalisées nous permettent d'établir une chronologie relative pour la construction de ces fours. Quatre phases peuvent être distinguées. Pour chaque phase on trouve systématiquement associés un gros four et un petit four qui prennent place autour de l'aire de chauffe commune. L‘étude archéomagnétique effectuée par le laboratoire de l'Université de Rennes vient préciser les observations de terrain. Elle donne les dates de 185 (+ ou - 15 ans) ap. J.-C. et 170 (+ ou - 25 ans) ap. J.-C. pour la dernière cuisson des deux fours de l'avant-dernière phase et de 195 (+ ou - 15 ans) ap. J.-C. pour un four de la dernière phase (Card, 2007). Deux fours, dont un particulièrement bien conservé (fig. 5), sont des fours à tubulures, conçus pour une cuisson en mode C qui seule convient pour la céramique sigillée (Picon, 1973). Les autres fours sont d'un type plus classique, circulaire ou rectangulaire à tirage direct. Leur originalité réside dans le fait qu'ils sont construits entièrement en grès, sole comprise (fig. 6). Les fours et l'aire de chauffe ont été comblés par un remblai renfermant de nombreux tessons représentatifs des productions luxoviennes datables du second siècle : sigillée, paroi fine et céramique commune claire. Les quatre fours du groupe du cimetière sont d'une conception différente de ceux du Chatigny (fig. 7). D'eux d'entre eux, un four rond et un petit four ovoïde, sont très arasés et uniquement conservés sur quelques centimètres au niveau de l'aire de chauffe et de la chambre de chauffe. Un des mieux conservés est un petit four ovale à languette centrale. La chambre de chauffe est simplement creusée dans l'argile et la roche et non pas construite en moellons comme les fours du Chatigny. Dans le comblement de la chambre de chauffe se trouvaient d'épais fragments d'argile cuite présentant des traces de coffrage sur une face, vraisemblablement des morceaux de la sole. De nombreux petits trous de piquets bordaient l'aire de chauffe, correspondant aux vestiges d'une structure légère et provisoire destinée à couvrir l'aire de chauffe pendant la cuisson. Cette dernière était drainée par un caniveau formé d ' imbrex posées à plat sur de petites dalles de grès (fig. 8). Le second four, relativement bien conservé, est de forme carrée; les parties retrouvées, la chambre de chauffe, l'alandier et les piliers de soutien de la sole, sont construites en moellons de grès et en tegulae (fig. 9). Aucune structure ne protégeait ce four. Grâce à la chronologie relative, on peut définir trois phases pour le groupe du cimetière : d'abord le four ovale, puis le four carré et le four rond et enfin le petit four ovoïde. Pour les phases deux et trois, le comblement des fours a livré des productions identiques à celles du Chatigny (sigillée, paroi fine, commune claire). Le comblement du four ovale de la première phase a livré une production de terra nigra, assiettes et jattes notamment, que l'on peut dater de la seconde moitié du premier siècle. La quasi-totalité de la céramique étudiée provient du comblement d'une partie de l'atelier du Chatigny à la suite de son abandon. Les tessons récoltés correspondent aux rebuts de cuisson, aux récipients rejetés, impropres à la vente; de plus le milieu, très acide, ne favorise pas la conservation de la céramique. Par conséquent la pâte que nous décrirons doit être assez différente de la pâte des céramiques vendues et ayant été enfouies dans un milieu plus favorable. Le coefficient de fragmentation élevé ainsi que les méthodes de fouille (division de l'atelier en carrés de 2 m sur 2 m et enregistrement du mobilier par carré et sans stratigraphie) nous ont contraint à opter pour une étude d'ensemble sans pouvoir faire de distinction chronologique. La méthode de calcul des NMI nous a servi à comparer les catégories de céramiques produites dans l'atelier. Ensuite, en raison de l'extrême fragmentation du mobilier et comme notre étude se restreint à une présentation typologique de la production, nous avons utilisé un comptage en nombre de tessons. Nous distinguerons parfois dans le texte la céramique provenant du cimetière de celle qui est issue du Chatigny, en ayant toujours à l'esprit le fait qu'il s'agit de deux zones différentes du même atelier. L'ensemble des catégories - sigillée, paroi fine, terra nigra, assiette engobée et céramique commune - compose au total un lot de 47 618 tessons pour 1 062 NMI. Si l'atelier du Chatigny est actuellement connu pour la production de sigillée, on remarque que celle -ci est minoritaire. L'atelier a produit essentiellement de la céramique à paroi fine et de la céramique commune en proportion presque égale (fig. 10). La faible représentation de la terra nigra s'explique par le fait qu'il s'agit de la production d'un seul four (sur treize fouillés). La pâte est noire, homogène avec un dégraissant siliceux fin. Sur les plats, l'engobe n'est visible qu' à l'intérieur et sur la partie supérieure de la lèvre. Pour les jattes à collerette, l'engobe n'est également présent qu' à l'intérieur et sur la partie supérieure de la collerette. Les jattes carénées sont engobées à l'extérieur et à l'intérieur. Il en existe deux types. L'un, le plus représenté, est un plat à lèvre sortante en forme d'amande légèrement éversée présentant souvent une rainure interne sous le rebord. Le fond est plat et comporte un pied annulaire très peu marqué (fig. 11, n os 1 à 6). Le diamètre varie entre 30 et 32 cm et la hauteur, pour les exemplaires archéologiquement complets, est de 5 cm. Ces plats sont a rapprocher des assiettes Menez 11/13 datées de la seconde moitié du premier siècle (Menez, 1989; Joly, Barral, 1992). L'autre type, largement minoritaire, possède une lèvre triangulaire droite (fig. 11, n° 7) et semble d'un diamètre légèrement supérieur (36 cm). Ce type de plat, proche de l'assiette Deru A 12, est une imitation du service C en céramique sigillée qui apparaît vers 60 après J.-C. Il en existe également deux types. Le type majoritaire est une jatte à collerette que l'on peut rapprocher de la forme Deru B1 (fig. 11, n° 8) qui apparaît dans la seconde moitié du I er siècle (Deru, 1996). Le diamètre est quasiment constant à 32 cm. Le second type est une jatte carénée qui possède des lèvres droites et une carène bien marquée (fig. 11, n os 10 à 12) dont le diamètre est compris entre 24 et 26 cm. Ce type correspond à la forme Deru B14 qui apparaît a partir du milieu du I er siècle. Les fonds retrouvés (fig. 11, n° 9) semblent également appartenir à cette forme. On remarque que les plats à lèvre en amande et les jattes à collerette sont les types les plus représentés (fig. 12). Dans cette catégorie nous distinguerons deux formes, les gobelets et les assiettes, dont les techniques de fabrication (pâte, engobe, décor, cuisson) sont identiques. Les gobelets sont les récipients les plus largement représentés avec 20 245 tessons contre 424 pour les assiettes. Les parois fines luxoviennes présentent, pour la quasi-totalité des tessons, une pâte insuffisamment cuite, de teinte claire allant du blanc crème à l'orangé, et d'aspect plus ou moins savonneux. Les quelques exemplaires en pâte grise et dure appartiennent à des céramiques surcuites, parfois déformées à la cuisson. Le dégraissant siliceux est très fin. La pâte des céramiques destinées à la vente semble présenter des teintes orangées. L'engobe est mat, de teinte variable (orange, rouge, brun, verdâtre ou noire) mais toujours sombre. Sur un même exemplaire, il peut y avoir des nuances de teintes très importantes entre le tiers supérieur et les deux tiers inférieurs du vase, qui sont la conséquence de l'emboîtement en pile des vases lors de la cuisson. On peut remarquer sur certains exemplaires la trace des empreintes digitales du potier qui matérialisent l'endroit par lequel est tenu le récipient lors du bain : la base et le fond pour les gobelets et la lèvre pour les assiettes. Issu de techniques très variées, le décor est effectué avant la pose de l'engobe et avant la cuisson. Le décor le plus largement utilisé (71 %) est composé de petites rainures verticales ou obliques (guillochis) réalisées à la molette (dont un support à été retrouvé hors stratigraphie sur le site) ou en utilisant une lame vibrante (fig. 13). On ne peut définir, dans l'agencement des bandes de guillochis, un décor type qui serait repris régulièrement. Il semble que les potiers aient essayé d'éviter l'uniformisation en laissant libre cours à leur imagination (fig. 14, n os 13 à 18 ;fig. 16, n os 38 à 40; fig. 17, n os 59 et 61). Le second décor le plus répandu (20 %) utilise la technique de la barbotine, qui consiste à appliquer de l'argile semi-liquide sur le gobelet (à l'aide de poche pressée ou de « biberon » remplis de barbotine) en un seul geste pour dessiner des épingles (fig. 13). Les tessons même très fragmentaires montrent qu'il existe une volonté d'arrangement des motifs formés par les épingles : deux épingles droites alternées avec deux épingles obliques, épingles droites régulièrement espacées, groupées par lots, obliques ou croisées (fig. 14, n os 19 à 22 ;fig. 16, n os 41 à 45). On trouve ensuite, par ordre décroissant, l'utilisation de décor sablé (5 %), à dépressions (3 %), de rainures (1 %) et de bandeaux (0,3 %) (fig. 13). Pour le décor sablé, les grains de forme irrégulière mais assez fins sont présents uniquement sur la paroi extérieure et parfois sur le fond du vase. Certains exemplaires montrent une limite du sablage à environ un centimètre de la jonction panse lèvre, mais ce n'est pas une constante (fig. 14, n os 23 à 29; fig. 16, n° 46). Pour la réalisation du décor à dépressions, la paroi du gobelet est repoussée à l'intérieur de manière à former des dépressions ovales, plus ou moins larges et plus ou moins hautes. Aucune forme archéologiquement complète de ce type de gobelet n'a pu être reconstituée (fig. 15, n° 30; fig 17, n os 62 et 63). Concernant le décor de rainures, nous avons éliminé les tessons qui présentaient une ou deux rainures pour limiter un décor (notamment les bandes de guillochis) pour ne garder que les fragments présentant une succession de rainures plus ou moins profondes, plus ou moins espacées, sur une partie ou sur toute la panse. Le décor de rainures est effectué par enlèvement de pâte à l'aide d'un outil tranchant (excision nette) (fig. 15, n os 31 à 33 ;fig. 17, n os 58 et 60). La panse des gobelets décorés de bandeaux présente des « étranglements » qui délimitent des bandes bombées, ou bandeaux, entre chacun d'eux. L'état trop fragmentaire des tessons ne permet pas de préciser le nombre et l'agencement des bandeaux (fig. 15, n° 35). L'importante fragmentation des tessons ne facilite pas l'élaboration d'une typologie, très peu de formes archéologiquement complètes ayant pu être restituées. Les dimensions, pour les exemplaires qui sont mesurables, varient pour les diamètres entre 4,5 et 14 cm, avec une large majorité entre 8 et 11 cm, et pour les hauteurs les plus complètes entre 12 et 16 cm. Les fonds sont plats ou légèrement bombés vers l'intérieur (fig. 14, n os 14 et 29; fig. 15, n os 36 et 37; fig. 17, n os 63 à 65). L'observation de la forme générale des gobelets et de la morphologie des lèvres nous a permis de définir une division typologique en six types. Les types I à V sont des gobelets ovoïdes et le type VI est un gobelet piriforme. - Le type I, proche du type 331 de Lezoux (Bet, Gras, 1999), présente une lèvre déversée, marquée, ronde ou quelquefois effilée, sans col. Sur ce type, on trouve tous les décors utilisés dans l'atelier : bande de guillochis (fig. 14, n os 13 à 18); décor d'épingles (fig. 14, n os 19 à 22), décor sablé (fig. 14, n os 23 à 29); décor de dépressions (fig. 15, n° 30); décor de rainures (fig. 15, n os 31 à 33), décor de bandeaux (fig. 15, n° 35). - Le type II est défini par une lèvre en corniche, à rapprocher du type Hees II (Brunsting, 1937). Dans ce groupe, on trouve des gobelets décorés de guillochis (fig. 16, n os 38 à 40) ou d'épingles (fig. 16, n os 41 à 45) et à décor sablé (fig. 16, n° 46). - Le type III, qui présente des ressemblances avec le type Hees 4 (Brunsting, 1937), rassemble les gobelets à col court et à lèvre éversée. Il n'y a pas de gobelet décoré d'épingles pour ce type, mais des décors de guillochis (fig. 16, n os 47 et 48) et des décors de rainures (fig. 16, n° 49). - Le type IV comprend les gobelets sans col, à lèvre légèrement éversée, peu marquée par rapport à la panse. Sur les gobelets de ce type, on trouve des décors de guillochis ou de rainures (fig. 16, n os 53 à 55). - Le type V englobe les gobelets à col tronconique Hees 3 (Brunsting, 1937), Gose 185/186 (Gose, 1950) décorés de bandes de guillochis (fig. 17, n os 56 et 57) ou de rainures (fig. 17, n os 58 et 60), parfois associés sur un même vase (fig. 17, n° 59). - Le type VI concerne les gobelets piriformes à lèvre évasée et rappelle le type 331 de Lezoux (Bet, Gras, 1999). Ces gobelets présentent un décor de guillochis (fig. 17, n° 61) ou à dépressions (fig. 17, n os 62 et 63). On peut remarquer que les gobelets de type I sont majoritaires et représentent 52 % des rejets de production et que les gobelets de type II, III et IV sont en proportions presque identiques (type II : 11,59 %, type III : 12,27 %, type IV : 13,55 %). Viennent ensuite les gobelets de type VI (9 %). Quant aux gobelets de type V, ils sont présents en quantité insignifiante (1,36 %) (fig. 18). On remarque par ailleurs que le décor à la molette, le plus représenté sur le site, se retrouve sur tous les types, alors que les décors d'épingles et sablés, également bien représentés, n'appartiennent qu'aux types I et II (fig. 19). En l'absence de stratigraphie bien établie sur le site, comme nous l'avons déjà signalé, il est impossible, sur la base des données des fouilles de Luxeuil, de poursuivre l'analyse chrono-typologique des gobelets dont la production semble appartenir à un horizon chronologique qui couvre l'ensemble du II e siècle. Cependant il est possible d'affiner cette datation en se référant aux typologies des ateliers de Lezoux, de l'est de la France et de Rhénanie : le début de la production des gobelets des types I, II et VI peut se situer dans la première moitié du II e siècle, tandis que les gobelets des types III et V s'inscrivent plutôt dans des productions de la seconde moitié de ce même siècle (Bet, Gras, 1999; Joly, 1999; Vilvorder, 1999). L'échantillonnage effectué sur le site du Chatigny et du cimetière a livré 424 tessons de ce type d'assiette, dont 245 fragments de lèvres. L'engobe, qui offre un aspect et des couleurs identiques à ceux des gobelets, est présent à l'intérieur et à l'extérieur du récipient. Les assiettes sont majoritairement décorées de bandes de guillochis selon la même technique que pour les gobelets, mais avec plus de soin. Un seul exemplaire est décoré de rainures (fig. 20, n° 77). La panse présente quelquefois une légère carène et les fonds, plus ou moins rentrants, ont parfois une moulure (fig. 20, n os 67, 69, 71, 74, et 77). Les diamètres varient entre 15 et 23 cm avec une large majorité entre 17 et 20 cm. Nous avons effectué un tri morphologique à partir des lèvres pour répartir ces assiettes en quatre types : - type I : la lèvre se trouve dans le prolongement de la panse; assez massive, légèrement éversée, elle présente un léger renflement à l'intérieur (fig. 20, n os 66, 67); - type II : la lèvre est également dans le prolongement de la panse, bien éversée, moulurée; elle présente un renflement bien marqué vers l'intérieur (fig. 20, n os 68, 69, 70); - type III : la lèvre, bien démarquée de la panse, est horizontale et présente deux moulures (fig. 20, n os 71, 72, 73); - type IV : la lèvre, également bien démarquée, est oblique et lisse (fig. 20, n os 74, 75, 76, 77). On remarque que le type IV est largement majoritaire avec 60,81 % (fig. 21). La production d'assiettes est peu importante : 2,01 % du total des céramiques à parois fines. En revanche, ces assiettes dont le mode de fabrication, de décor et de cuisson est semblable aux gobelets, paraissent avoir bénéficié d'un travail plus soigné et d'une recherche esthétique (pied et lèvre moulurés) plus aboutie que pour les gobelets. La datation de cette production reste problématique en l'absence de références, notamment régionales. On peut cependant tenter un rapprochement avec des assiettes de l'atelier de La Boissière-École (Yvelines), datées des II e et III e siècles, qui présentent des profils similaires mais qui sont toujours tripodes (Dufaÿ et alii, 1995). Cette proposition de datation peut être confortée par la découverte dans un lot de céramique daté du II e et début du III e siècle, provenant de la fouille d'un sanctuaire dans le département des Vosges, d'un bord d'assiette qui ressemble à notre type III (ainsi que de gobelets de type I) (Aubry - Voirin, Fetet, 2007). Comme pour les autres catégories de céramique, la céramique commune est très fragmentée et les tessons sont souvent de petites dimensions. Il a fallu beaucoup de temps pour essayer de reconstituer des céramiques archéologiquement complètes et un nombre important de tessons n'a pu être attribué à une forme définie. Sur un total de 22 322 tessons, 16 140 sont indéterminés. Nous avons donc effectué l'étude sur les 6 182 tessons identifiables avec certitude. La céramique commune recueillie est uniquement cuite en mode A. La production est variée : couvercle, assiette, jatte, mortier, pot, cruche et bouilloire, avec une prédominance des assiettes et des mortiers (49,82 % de la production) (fig. 22). La pâte est beige à beige rosé, à dégraissant siliceux fin ou moyen. Cette pâte est utilisée pour toutes les formes de céramique commune et elle n'est guère différente, en étude macroscopique, de la pâte utilisée pour les céramiques à paroi fine. À l'exception de quelques cruches (toujours de grandes dimensions) décorées de points sur la panse, le « décor » consiste en une simple application d'un engobe micacé. On trouve ce traitement de surface surtout pour les assiettes (fig. 23, n os 81 à 83), mais il existe également plus rarement pour les jattes (fig. 24, n os 87, 88), les pots (fig. 25, n° 95), les cruches (fig. 25, n° 102) et les bouilloires (fig. 25, n° 103). Ils sont représentés par 547 tessons, soit 8,84 % de la céramique commune, et présentent une paroi conique avec boutons de préhension plats. La lèvre est simplement arrondie en bourrelet ou légèrement recourbée (fig. 23, n os 78 à 80). Le diamètre varie entre 12 et 22 cm, ce qui correspond aux diamètres des pots et des jattes. Avec un total de 1 876 tessons, les assiettes forment la catégorie de céramique commune la plus représentée (30,34 %). La paroi est oblique, courbe, à lèvre simple en bourrelet rentrant. On trouve quelquefois une rainure à l'extérieur qui matérialise la liaison paroi-lèvre (fig. 23, n os 83, 86). Sur quelques exemplaires, la liaison panse-fond est marquée par un ressaut (fig. 23, n° 84). Un pourcentage élevé des assiettes (46,15 %) présente un engobe micacé (fig. 23, n os 81 à 83). Les diamètres varient de 16 à 25 cm avec une majorité autour de 20 cm. Les assiettes de Luxeuil, notamment celles qui portent une rainure extérieure, sont très proches de celles produites par l'atelier d'Offemont (Territoire de Belfort) dans la seconde moitié du II e siècle (Rilliot, Faudot, 1990). Elles comptent 692 tessons, soit 11,19 % de la céramique commune, et peuvent être classées en deux types : - Les jattes à panse globulaire et à lèvre oblique épaisse et arrondie (50,72 % du total). Le fond présente un petit pied annulaire et l'extérieur de la panse est toujours marqué de rainures, mais aucun de ces « décors » n'est identique d'un exemplaire à l'autre (fig. 24, n os 87 et 88). Cette forme est revêtue très souvent d'un engobe micacé. Le diamètre varie de 17 à 23 cm. La jatte complète a une hauteur de 9,4 cm. - Les jattes à paroi oblique et à lèvre en collerette (49,28 % du total). La collerette, horizontale, est en forme de marteau et assez semblable à celle des mortiers. La paroi est oblique, rectiligne et le fond est concave, en « cul de poule » (fig. 24, n os 89 et 90). Cette forme est également revêtue d'un engobe micacé mais moins systématiquement que pour les jattes à panse globulaire. Le diamètre est compris entre 20 et 28 cm, avec une grande majorité des exemplaires autour de 20 cm. Ces deux types de jattes sont à rapprocher de jattes produites non loin de Luxeuil par l'atelier d'Offemont (Rilliot, Faudot, 1990) et par celui du Champ des Isles à Mandeure-Mathay (Doubs; Lame, Mazimman, 1990). Elles présentent également une parenté avec les « marmites » de l'atelier de Pesmes (Haute-Saône; Lerat, 1968). Toutes ces productions datent du II e siècle. Ils sont presque aussi bien représentés que les cruches (1 206 tessons, soit 19,50 % de la céramique commune) mais ils n'offrent pas de types aussi variés. Pour l'essentiel il s'agit de mortiers à déversoir avec râpe interne sableuse. La lèvre, en collerette, est en forme de marteau, légèrement tombante, présentant un bourrelet supérieur. La panse est marquée de cannelures sur la moitié supérieure et jusque sous la lèvre (fig. 24, n os 91 et 92). Un exemplaire n'est pas muni de déversoir (fig. 24, n° 92) et un autre, avec un profil de lèvre plus tombante, n'est pas revêtu d'une râpe sableuse interne (fig. 24, n° 93). Malgré le nombre important de tessons, nous n'avons pas réussi à remonter une forme archéologiquement complète. Les diamètres varient entre 28 et 36 cm. Peu présents sur le site (549 tessons, soit 9,52 % de la céramique commune), ils peuvent être divisés en deux grands types : - Les pots à panse plutôt ronde possèdent soit une lèvre éversée simple (fig. 25, n os 94 et 95), soit un épaulement arrondi séparé du col par une ou plusieurs moulures (fig. 25, n° 96). Leur diamètre varie entre 13 et 16 cm. - Les pots à panse ovoïde présentent soit une lèvre simple éversée semblable à celle des pots à panse ronde (fig. 25, n° 97), soit une lèvre horizontale (fig. 25, n° 98), et quelques exemplaires sont revêtus d'engobe micacé. Leur diamètre varie entre 8 et 13 cm et ce type de pot est dans l'ensemble de plus petit module que les pots à panse ronde. Ces pots, dans leurs deux versions, sont quelquefois recouverts d'engobe micacé (fig. 25, n os 95 et 97). Le fond est plat et la panse est quelquefois marquée d'une rainure à l'extérieur, à quelques centimètres sous le col (fig. 25, n os 95, 97 et 98). Ces deux types de pots peuvent être rapprochés des productions de l'atelier de l'Essarté (Mandeure), datées de la fin du second siècle (Humbert, Llopis, 1990). Avec 1 268 tessons, elles représentent 13,02 % de la céramique commune. Elles possèdent une panse globulaire munie d'une, deux ou trois anses. Le goulot est à col droit et la lèvre biseautée. Les anses en ruban portent deux ou trois sillons. Le fond est muni d'un anneau porteur (fig. 25, n° 99). Certains exemplaires présentent un décor de points en creux (réalisé à la molette) qui s'arrête à la liaison panse-col. Nous ne possédons pas d'exemple complet du décor, mais il semble réservé aux cruches les plus volumineuses à deux ou trois anses (fig. 25, n os 101 et 102). Ces exemplaires décorés portent souvent un engobe micacé (fig. 25, n° 102). Les diamètres de l'embouchure varient de 3 à 6 cm avec une majorité autour de 4 cm. Le diamètre des fonds est majoritairement compris autour de 6 cm. Le seul exemplaire complet montre une hauteur de 25 cm. Ces cruches présentent des ressemblances avec celles produites par l'atelier de l'Essarté (Mandeure) datées de la fin du second siècle (Humbert, Llopis, 1990). Avec 463 tessons, soit 7,49 % de la céramique commune, c'est la catégorie la moins représentée. C'est un type connu pour imiter les vases métalliques en reprenant les mêmes caractéristiques morphologiques : panse globulaire, bec verseur et anse unique avec ou sans poucier. Les potiers de Luxeuil ont fabriqué deux types de bouilloires, l'un à bec verseur incliné vers le haut et anse à poucier (fig. 25, n os 103 et 104) et l'autre possédant un col évasé, déformé par pression de manière à former un bec verseur (fig. 25, n os 105 et 106). L'anse, pour ces deux types, est toujours unique, sans nervure, et de section ovale. Les bouilloires sont parfois revêtues d'engobe micacé (fig. 25, n° 103). Ce type de récipient apparaît, dans nos régions, au second siècle (Batigne, Desbat, 1996). La céramique commune du Chatigny est représentative des productions du II e siècle connues régionalement (Joly, 1996) et l'on peut souligner, comme pour les gobelets à paroi fine, la parenté qui semble exister entre l'atelier de Luxeuil et celui d'Offemont. Dans le comblement du four du cimetière ayant produit de la terra nigra, nous avons découvert deux fragments de moules. Leur pâte étant la même que pour les récipients en terra nigra, ils semblent donc avoir été cuits sur place. La forme des deux moules reprend grossièrement la forme de Knorr 78 (Knorr, 1919) et le décor est réalisé à la fois avec l'aide d'un poinçon (feuille) et d'une pointe sèche (fig. 26, n os 107 et 108). Pour le moule le plus grand, le décor paraît avoir été délimité en panneaux, l'un représentant des motifs de feuillage disposés géométriquement et l'autre un cerf très stylisé entouré du même feuillage (fig. 27 et 28). Le plus petit moule ne porte que des motifs géométriques de lignes ondulées verticales et un autre motif non identifiable (fig. 29). Nous avons également recueilli un tesson qui pourrait être le reste d'un vase moulé dans le grand moule au cerf. Il s'agit d'une coupe droite, en pâte beige rosé, fine, assez semblable à la pâte des céramiques à paroi fine et portant des traces d'engobe rougeâtre très dégradé (fig. 30). Le décor, sur ce tesson très mal conservé, semble correspondre à la partie du moule décorée de feuillage. Nous n'avons trouvé aucune comparaison pour ces moules qui ne paraissent pas avoir beaucoup servi. Le schéma décoratif du grand moule (association d'un sautoir à décor végétal et de grands animaux) semble avoir été copié sur des décors de La Graufesenque, datés plutôt de la fin du I er siècle. Peut-être s'agit-il d'essais réalisés par un potier local ayant vu de la céramique sigillée des ateliers de la Gaule du Sud et voulant imiter, avec ses propres moyens et sans résultat probant, les luxueuses productions sud gauloises ? L'implantation des artisans potiers à Luxeuil se fait en parallèle avec le développement de l'agglomération autour du secteur thermal et du sanctuaire, dans un secteur qui semble leur être réservé. La chronologie de l'atelier reste assez difficile à établir et nous ne disposons que de deux indices fiables. D'une part, le premier four de l'atelier, en chronologie relative, a été comblé uniquement avec des formes en terra nigra que l'on peut rapprocher des productions champenoises et bourguignonnes de la seconde moitié du premier siècle (Deru, 1996; Joly, Barral, 1992). D'autre part, nous disposons de datations archéomagnétiques qui nous indiquent que des fours fonctionnaient encore dans le dernier quart du second siècle. La période d'activité de l'atelier du Chatigny s'étend donc sur un siècle et demi, avec une production riche et variée (terra nigra, paroi fine, sigillée, commune). C'est le seul atelier connu de Franche-Comté qui offre une telle variété de productions sur une période aussi longue. Les potiers ne se sont pas spécialisés dans la fabrication de masse de sigillée, qui reste une production minoritaire. On peut donc difficilement rattacher l'atelier du Chatigny aux grands centres de production de sigillée qui existaient à la même période en Gaule du Centre ou en Gaule de l'Est. Il faudrait sans doute le comparer avec d'autres petits ateliers d'envergure régionale comme Offemont, dans le Territoire de Belfort, dont la chronologie et les productions (notamment les gobelets à paroi fine et les assiettes en commune) sont très proches de celles de l'atelier de Luxeuil (Rilliot, Faudot, 1990), et Mandeure-Mathay, également pour les assiettes mais aussi pour les jattes en céramique commune (Humbert, 1990; Humbert, Llopis, 1990; Lame, Mazimann, 1993). Le site antique de Mandeure apparaît, d'après les études de L. Lerat (Lerat, 1960) et plus récemment de J.-P. Mazimann (Mazimann, 1995), comme le principal lieu de consommation de la sigillée ornée de l'atelier du Chatigny. La période couvre l'extrême fin du premier siècle jusqu' à la fin du second siècle et peut-être le début du troisième. Notre travail sur la céramique et en particulier sur les assiettes engobées, qui apparaissent comme de bons marqueurs des productions luxoviennes, devrait permettre d'affiner cette chronologie et aider à dresser une carte de répartition. Le lien privilégié qui semble s' être tissé entre Luxeuil et Mandeure pose la question du statut de l'atelier du Chatigny qui pourrait dépendre d'un marché local mais aussi de l'exportation vers un « gros client ». Ce marché principal n'est pas, comme on pourrait s'y attendre, la capitale de cité, Besançon, qui pourtant se trouve à la même distance de Luxeuil que Mandeure. L'atelier de potier du Chatigny faisait peut-être partie d'un « territoire » nord séquane, desservi par un important réseau routier reliant Langres, Luxeuil, le sud de l'Alsace et tourné davantage vers Mandeure et une influence venue de l'est et de l'axe Saône-Rhône. Remerciements Nous tenons à remercier pour leur aide précieuse et leurs encouragements, Robin P. Symonds (INRAP) et Henri Gaillard de Sémainville (Université de Dijon). Nous tenons également à remercier Claudine Munier (INRAP) pour nous avoir autorisé à utiliser les données qu'elle avait rassemblées en 1993 pour une première ébauche de publication des productions de l'atelier . | La fouille de douze fours de potiers apporte de nouvelles données sur l'importance régionale de l'atelier de Luxeuil, connu jusqu'alors uniquement pour sa production de sigillée ornée. Cet atelier a fonctionné dans la seconde moitié du premier siècle et tout au long du second siècle en produisant, outre de la sigillée ornée et lisse, de la terra nigra, de la céramique à paroi fine et de la céramique commune. | archeologie_10-0136516_tei_348.xml |
termith-153-archeologie | Les données chronologiques analysées ici ont été recensées, en partie, au cours du travail initié au sein de l'Action Collective de Recherche “Le Paléolithique moyen (35-350 ka) d'Aquitaine septentrionale : émergence, variabilité et développement” (resp. J. Jaubert et J.-P. Texier). Elles ont été complétées par les datations récentes, effectuées lors des opérations d'archéologie préventive menées sur le tracé de l'autoroute A89 (entre Bordeaux et Périgueux) et sur le contournement est de Bergerac ainsi que par nos recherches bibliographiques concernant le début du Paléolithique supérieur (tabl. 1). Cet article s'appuiera ainsi sur l'ensemble des datations obtenues dans le sud-ouest de la France pour le Paléolithique moyen, depuis ses phases anciennes jusqu'aux plus récentes, et pour les premières cultures du Paléolithique supérieur. Il vise à croiser données chronologiques et technologies lithiques des industries datées et à comparer les résultats obtenus à ceux publiés pour les régions septentrionales de la France. Ce corpus couvre principalement les sites datés du Moustérien depuis ses manifestations les plus anciennes (voire occasionnellement celles de la fin de l'Acheuléen) ainsi que ceux du début du Paléolithique supérieur. Dans le grand sud-ouest de la France, seuls 43 sites, soit une faible fraction des sites du Paléolithique moyen recensés, ont été datés par le passé (fig. 1, 2 et tabl. 1). Ont été retenues ici les datations considérées comme les plus fiables en tenant compte tout à la fois de réflexions archéologiques (représentativité de l'objet par rapport au niveau ou au système technique que l'on veut dater) et méthodologiques (qualité des résultats numériques à partir de critères inhérents aux différentes méthodes de datation) (indices 2 et 3 de la base de données, Guibert et al. 2008). (d'après Bassinot et al. 1994). (after Bassinot et al. 1994). Nous pouvons tout d'abord constater que la mise en place de cette analyse critique a diminué de façon sensible le nombre de sites datés pris en compte : comparativement au corpus initialement disponible, 10 à 15 % des datations ont dû être éliminées(Guibert et al. 2008). L'utilisation de ces datations “validées” rend partielle la vision du Paléolithique moyen, tant dans son évolution diachronique que synchronique. Elle entraîne également une connaissance incomplète de l'occupation du territoire, puisque la grande majorité des gisements datés jusqu'au début des années 2000 ne faisait essentiellement référence qu' à des sites en contexte karstique (fig. 2, ronds cerclés de noir). Les occupations de plein air n'étaient alors représentées qu'en infime proportion (Barbas, Sous les Vignes, et deux pieds de roche de Fonseigner et Espagnac). Cette image partielle du territoire et des modes d'occupation au Paléolithique a sensiblement évolué ces dernières années dans la région par le développement de l'archéologie préventive touchant une variété de contextes paléogéographiques beaucoup plus larges (fig. 2, triangles cerclés de rouge). De plus, la volonté d'obtention de datations physiques, suscitée par la nature même de ces occupations de plein air, en grande majorité non stratifiées et dépourvues de faune, a largement contribué à augmenter le corpus de datations disponibles. Ainsi aux 28 occupations en milieu karstique, sont désormais confrontées 15 datations de sites de plein air, rééquilibrant ainsi partiellement notre vision des modes d'occupation. Comme nous allons le voir, ces datations de sites de plein air ont également concouru à combler partiellement les lacunes temporelles existantes au sein des occupations humaines paléolithiques (fig. 3). (d'après Bassinot et al. 1994). (after Bassinot et al. 1994). Le corpus des sites datés du Paléolithique moyen a été augmenté par des recherches bibliographiques concernant les périodes du Châtelperronien et de l'Aurignacien ancien pour lesquelles aucune analyse critique du point de vue de la fiabilité des datations n'a encore été menée par des spécialistes de ces différentes méthodes. Dans le cadre de l'ACR sus cité, une révision de 106 séries lithiques issues de 44 sites du Paléolithique moyen (Atelier 3, Systèmes techniques - lithiques et osseux -, ACR) a permis un croisement des données avec les datations considérées comme fiables (tabl. 2). Ce travail conséquent de réactualisation n'a malheureusement pas pu être mené sur l'ensemble des sites datés. Ainsi les techno-complexes des gisements de Combe-Capelle Bas, La Micoque, Le Regourdou, Pech de l'Azé II et IV et Roc de Combe n'étaient pas révisés Seuls les faciès typologiques de 41 niveaux archéologiques (acheuléens et moustériens) au sein de 29 sites datés distincts ont pu être considérés comme faisant l'objet d'un consensus de la part de la communauté des préhistoriens de l'ACR (tabl. 2). Parmi les phases anciennes datées du Paléolithique, le faciès acheuléen stricto sensu n'est représenté en Aquitaine que par la couche C' 4 de Barbas I. L'Acheuléen méridional n'est illustré que dans la couche C' 3 de Barbas I et dans les niveaux 6 à 9 du Pech de l'Azé II. De façon plus ou moins contemporaine, un groupe d'industries qualifié de “Paléolithique moyen ancien ”, essentiellement découvert en contexte préventif (4 sur 6), enrichit considérablement nos connaissances sur les plus anciennes occupations de ces régions. Une subdivision entre ces industries s'opère sur la base de la présence avérée d'une chaîne opératoire de façonnage : Petit Bost, Cantalouette 1, Combe Brune 3, Les Bosses et certains niveaux de La Micoque contiennent des bifaces alors que Coudoulous I en est dépourvu (tabl. 2). Parmi ces six sites, en ce qui concerne les systèmes de production, Petit Bost, Les Bosses, Cantalouette 1 et Coudoulous attestent d'un débitage Levallois, dominant seulement à Petit Bost. Pour ce qui concerne les cinq faciès culturels moustériens de François Bordes, seuls 30 niveaux, parmi les 55 datés, ont bénéficié d'une relecture récente ou d'études nouvelles. Ceci limite parfois la représentativité de certains faciès à un nombre limité de gisements ou d'industries. A fortiori, dans le cas du Moustérien de type Ferrassie, la seule datation assurée restante, celle du niveau 3 de Pech de l'Azé II, ne peut être retenue puisque cette industrie n'a pas fait l'objet d'une réactualisation techno-typologique confirmant son attribution à ce faciès. Pour le Moustérien de type Quina, faciès largement développé dans la région (24 niveaux recensés), seuls trois sites, Espagnac (couche 2), les Pradelles (faciès 2b) et Sous les Vignes, s'avèrent datés de façon fiable. Les deux faciès bénéficiant du plus grand nombre de datations dans la région sont le Moustérien typique et le Moustérien de Tradition Acheuléenne. Le premier souffre indubitablement d'un manque de cohésion important, regroupant en effet des industries très diversifiées tant dans leur composante typologique (plus ou moins enrichie en racloirs) que technologique (systèmes de débitage Levallois, Discoïde, Quina et/ou autres). Au sein de ce faciès, les gisements en grotte ou abri de la Grotte Vaufrey (couches VII, VIII), l'Abri Suard (couches 51, 53 ') et Les Canalettes (couche 2), ainsi que ceux de plein air de Fonseigner (couches D moyen et E), Cantalouette 2, et des Garris 2 ont fourni des datations dotées d'un bon indice de confiance. Peuvent s'y rajouter les datations des planchers stalagmitiques des couches 7 et 11 de l'Abri Bourgeois-Delaunay, enserrant les niveaux 8 à 10 attribués à ce faciès. Ces dernières ne peuvent alors être considérées que comme des datations ante quem et post quem pour les occupations proprement dites. Le Moustérien de Tradition Acheuléenne est représenté dans la région par ses deux sous-types : le type A est assuré par la datation de 3 gisements parmi les 7 recensés (couche D supérieure de Fonseigner, couche C de la Grotte XVI, couches G du Moustier); le type B est quant à lui incontestablement le faciès moustérien qui bénéficie d'études et de datations exhaustives. Les huit industries attribuées à ce faciès sont toutes datées avec un bon indice de confiance : Barbas III (couche C4), Combe Brune 1, Croix de Canard (locus 2), La Folie, La Rochette (couche 7) et Pech de l'Azé I (couches 5, 6, 7). Néanmoins, les datations radiocarbone de La Rochette et de Barbas III, n'étant pas calibrées au-delà de 26 ka, ne peuvent pas être comparées à celles des autres sites. Le Moustérien à Denticulés a bénéficié récemment d'une révision mettant en lumière deux populations d'industries sur la base de l'intentionnalité, avérée ou non, de l'obtention des outillages denticulés (anthropique vs taphonomique). Parmi les sites attribués à ce faciès, la couche I de Combe Capelle fut dans un premier temps rapproché d'un Moustérien Charentien par M. Bourgon (Bourgon 1957), jusqu' à ce que récemment les études entreprises par H. Dibble et M. Lenoir remettent en cause cette attribution. Le fort pourcentage de pièces à encoches et denticulés, associé à un faible pourcentage de racloirs, a incité les auteurs à classer cette industrie dans le Moustérien à Denticulés. Ne voulant pas rentrer ici dans un débat, nous avons de façon arbitraire fait apparaître ce gisement au sein des deux faciès typologiques Quina et Denticulé. Quatre autres sites parmi les 21 séries révisées permettent d'évaluer l'étendue chronologique de ce faciès : les couches 6a et 8 de la Quina, la couche I du Roc de Marsal, les niveaux 10 à 12 de la Roche-à-Pierrot et la couche I3 du Moustier (les deux derniers techno-complexes n'ont pas fait l'objet d'une réévaluation). Le Châtelperronien est à l'heure actuelle essentiellement daté par radiocarbone (niveaux 5b, 2b, EBc2 de Brassempouy, X de Combe-Saunière, B de la Grotte XVI, B de la Quina et 10 de Roc de Combe), ce qui rend impossible les comparaisons avec les rares datations TL obtenues sur la couche 8 de la Roche-à-Pierrot et la couche K du Moustier, d'autant que l'intégrité de cette dernière est contestée. Le positionnement chronologique en âge calendaire ne sera donc déterminé que sur la base du niveau 8 de la Roche-à-Pierrot. Des datations en cours sur le gisement récemment fouillé des Vieux Coûtets alimenteront de façon notable nos connaissances sur cette période de courte durée et numériquement peu représentée. Comme pour le Châtelperronien, l'Aurignacien archaïque ou ancien reste essentiellement daté par radiocarbone : Isturitz (couche U27 4d et VI 26) pour l'Aurignacien archaïque, l'Abri Pataud (couches 11, 12 et 14), Brassempouy (couches 2DE, 2E, 2D/2F et 2A-2C), Caminade-est (couches D21, F, G), Castanet (niveau de base), Combe-Saunière (niveau VIII), La Ferrassie (couche K6), Le Flageolet I (couche XI) et Roc de Combe (couches 7b et 7c) pour l'Aurignacien ancien. Seuls les sites de la Roche à Pierrot (niveau 6) pour l'Aurignacien archaïque et de la Graulet 6 daté par TL (lors d'une fouille préventive récente) rendent la mise en relation possible avec le Châtelperronien de la couche 8 de la Roche à Pierrot ou les industries moustériennes datées en âge calendaire. Deux types de croisement avec les données chronologiques ont été réalisés : l'un se réfère aux attributions culturelles des cinq faciès typologiques moustériens de François Bordes (auxquels nous avons rajouté les gisements acheuléens et un groupe dénommé “Paléolithique moyen ancien”), et ceux du Châtelperronien et de l'Aurignacien ancien; l'autre, aux systèmes techniques dominants définis pour chaque industrie (Levallois, Discoïde, Quina, Laminaire, Façonnage). La mise en adéquation des datations fiables et de la relecture récente des techno-complexes dans des sites du sud-ouest de la France, pour les phases anciennes du Paléolithique, révèle que les faciès acheuléens apparaissent contemporains des datations de certains sites présentant du Paléolithique moyen ancien (Cantalouette 1, Combe Brune 3, niveau 4 de Coudoulous 1) et du Moustérien typique (niveaux 51 et 53 ' de l'Abri Suard, couches VII et VIII de Vaufrey et couches 7 et 11 de l'Abri Bourgeois-Delaunay, terminus ante quem et post quem des occupations des niveaux 8 à 10) (fig. 4 et 5). Il est d'autre part remarquable de constater qu'aucun site présentant un techno-complexe acheuléen n'a été daté avant 240 ka. Le faciès de l'Acheuléen méridional est quant à lui présent entre 232 et 117 ka au Pech de l'Azé II (respectivement niveaux 6 et 9). (d'après Bassinot et al. 1994). (after Bassinot et al. 1994). A La Micoque, sans pour autant être ceux de l'Acheuléen, les concepts de débitage et de façonnage des industries des couches L et J, datés par ESR-US de 380 à 290 ka, semblent appartenir à des faciès de transition, qualifiés de Micoquien de La Micoque ou d'Acheuléen méridional. Cette indétermination dans la dénomination des techno-complexes nous a amené à ne pas les intégrer aux figures 4 et 5. Si la seconde attribution se confirmait, l'émergence de ce faciès remonterait à 380 ka (couche J). Ce site de référence pour les plus anciennes occupations de la région datées de façon fiable nécessite donc une réactualisation technologique globale. Il importe également de souligner que les Moustériens anciens et le faciès typique descendent de plus en plus bas dans la séquence chronologique et apparaissent même sur certains sites comme antérieurs aux faciès acheuléens, dont les limites temporelles supérieures dans la région restent à définir. En se focalisant plus particulièrement sur les sites dont les faciès moustériens ont été réactualisés, il apparaît que quatre d'entre eux semblent co-exister durant le stade isotopique 3 : le Moustérien de Tradition Acheuléenne, le Moustérien à Denticulés, le Moustérien de type Quina et le Moustérien typique (fig. 6a). (d'après Bassinot et al. 1994). (after Bassinot et al. 1994). Le Moustérien de Tradition Acheuléenne semble être le plus ancien faciès typologique des trois types d'industries MTA, Denticulés, MTQ. Il perdure sur au moins 30 000 ans entre 69 9 ka (niveau C de la Grotte XVI) et 39 ka (niveau 6 du Pech de l'Azé I), si l'on considère que le locus 2 de Croix de Canard (79,3 ka) a subi un fort processus post-dépositionnel pouvant entraîner un mélange d'industries. En tenant compte de cette dernière date, le MTA perdurerait sur plus de 40 000 ans. Il coexisterait donc avec deux autres faciès typologiques (Denticulé et Quina) sur plus de 20 000 ans. Le faciès typologique Denticulé semble apparaître aux alentours de 68 ka avec le niveau I de Roc-de-Marsal. Il perdurerait près de 35 000 ans jusqu' à 33,5 ka avec le niveau 10 de la Roche-à-Pierrot (attribution non réactualisée). Sur un plan technologique, une subdivision s'opère entre les industries denticulées à débitages Levallois et Discoïde : les premières seraient plus anciennes (entre 67,1 et 48,8 ka, moyennes respectives des datations du niveau I de Roc-de-Marsal et de la couche 8 de la Quina) que les secondes (datées entre 43 ka pour le niveau 6a de La Quina et 38,2 ka, moyenne des datations des niveaux 10 à 12 de la Roche-à-Pierrot). Enfin, le Moustérien de type Quina (daté entre 58 ka aux Pradelles et 39 ka à Espagnac) perdure sur un laps de temps plus court (environ 21 000 ans), fourchette dans laquelle s'insère parfaitement les datations de Sous les Vignes. Mais, il coexisterait pendant toute sa durée avec le Moustérien de tradition Acheuléenne et le Denticulé, ce que, d'ailleurs, certaines interstratifications laissaient déjà suggérer comme à Combe-Grenal où neuf niveaux Quina (à débitage Quina niveaux 17 à 19 et 21 à 26) non datés, se succèdent ou s'intercalent avec d'autres niveaux d'industries différentes (Denticulé à débitage Quina de la couche 20 par exemple). LeMoustérien typique, qui rappelons le présente une forte hétérogénéité typologique et technologique, couvre une période de temps très longue, de 250 à 53 ka environ, illustrant parfaitement le manque de cohérence des industries qu'il regroupe (fig. 4 et 6a). Pour les périodes charnières entre Paléolithique moyen et supérieur, apparaît un chevauchement des faciès du Moustérien, du Châtelperronien et de l'Aurignacien archaïque et ancien, et ce quelles que soient les méthodes considérées (fig. 6a et 6b). Ainsi, en prenant en compte les datations obtenues par luminescence, ESR ou U/Th (fig. 6a), la contemporanéité de ces trois techno-complexes s'étale sur près de 6 000 ans, entre 39,5 et 33,7 ka. Cependant l'Aurignacien archaïque et ancien n'ont été datés respectivement de façon fiable que sur les sites de la Roche-à-Pierrot (niveau 6) et de La Graulet 6 tandis que le Châtelperronien n'a été réactualisé et daté que pour le niveau 8 de La Roche-à-Pierrot (Saint-Césaire). Cette assertion se vérifie également lorsque l'on considère la chronologie basée sur les datations au radiocarbone (fig. 6b) elle regroupe : Isturitz pour l'Aurignacien archaïque; l'Abri Pataud, Brassempouy, Caminade-est, Castanet, La Ferrassie, Le Flageolet I et Roc-de - Combe pour l'Aurignacien ancien; Brassempouy, Combe Saunière, la Grotte XVI, la Quina et Roc de Combe pour le Châtelperronien; Barbas III, La Rochette, la couche 3a du Pech de l'Azé IV pour le MTA-B; et enfin le Régourdou pour le type Quina. Ce chevauchement des différents faciès existe sur une période plus restreinte, entre 37,2 et 35,2 ka BP pour les 16 niveaux datés. En utilisant le logiciel CalPal du laboratoire de Cologne qui propose une calibration des dates radiocarbone au-delà de 26 ka, c'est-à-dire au-delà de la limite admise actuellement pour les courbes de calibration des dates radiocarbone, on obtiendrait un intervalle situé entre 41,6 ka et 40,2 ka en âges calendaires. Les conceptions de débitage Levallois et Discoïde sont les plus représentées (fig. 7). (d'après Bassinot et al. 1994). (after Bassinot et al. 1994). Les industries, où le système de production Levallois est exclusif ou dominant, s'échelonnent sur une très grande période de temps, de 338 ka à Petit Bost à 42,1 ka à Combe Brune 1. Un développement considérable de ce système de débitage durant les stades isotopiques 4 et 3 est cependant important à souligner (16 datations sur 29). De plus, il est pour l'heure difficile d'évaluer l'étendue chronologique de ce système en fonction des modalités de débitage mises en œuvre (récurrent uni/bipolaire ou centripète et préférentiel), en raison d'une part, de la faible représentation de ces deux dernières modalités au sein des industries (6 sur 29) et d'autre part, de la quasi-absence de datations fiables, à l'exception de la couche Dmoy de Fonseigner et de la couche 2 des Canalettes, attribuant artificiellement une certaine postériorité au récurrent centripète. Pour les industries à composante dominante ou exclusive Discoïde, une étendue chronologique similaire est observée entre 345 ka aux Bosses et 33,5 ka pour la couche 10 de la Roche-à-Pierrot. Le débitage Discoïde réalisé sur quartz apparaît très anciennement, aux alentours de 300 ka (moyenne des datations des Bosses) et vers 170 ka pour la couche 4 de Coudoulous I, c'est-à-dire antérieurement au Discoïde sur silex dont les premières occurrences sont datées vers 90 ka (Les Forêts et la couche 11 de l'Abri Bourgeois-Delaunay, terminus post quem des niveaux moustériens) (fig. 7). La conception de débitage Quina, pourtant déterminée sur 28 séries, n'a pu faire l'objet d'une telle évaluation chronologique, puisque seuls trois gisements présentant ce mode de débitage sont datés, Petit Bost, Les Pradelles et Sous-les-Vignes. Le premier nous indique la très grande ancienneté de ce système dans la région (aux alentours de 300 ka en moyenne), en coexistence avec le débitage Levallois et sans expression de la retouche Quina (Bourguignon et al. 2008 b), alors que les deux autres sont pleinement typiques de ce Moustérien tant dans le système de débitage que dans le spectre typologique, positionnant ce faciès entre 57,6 et 43,6 kans. Le débitage laminaire (sensu lato) du Paléolithique moyen bénéficie du meilleur pourcentage de sites datés (sept sur les huit séries recensées). Du plus ancien au plus récent, ils s'échelonnent entre 93,5 et 39 ka (Cantalouette 4 et niveau 6 de Pech de l'Azé I respectivement), les datations radiocarbone obtenues sur l'industrie du niveau 7 de La Rochette rajeuniraient l'occurrence la plus récente. L'essentiel des occupations (5 sur 6) se concentre cependant entre 60 et 43 ka. Il importe également de souligner que ce système n'est dominant que sur les sites de plein air de Cantalouette 4 et des Garris 2. Il coexiste parfois avec deux autres systèmes de débitage (Levallois et Discoïde) et il est toujours associé à une chaîne opératoire de façonnage. Il s'illustre par de nombreuses modalités (prismatique, semi-prismatique, avec ou sans préparation de crêtes, à lames ou éclats allongés). Même si, dans l'hypothèse des datations calendaires les plus récentes sur le site de Pech de l'Azé I, où ce système apparaît comme sub-contemporain des débitages laminaires du Châtelperronien voire de certains aurignaciens anciens, il ne peut être fait aucune relation sur un plan technique (cf. table ronde laminaire avril 2006). Le façonnage bifacial (orienté vers des bifaces ou des racloirs bifaciaux), rarement dominant à l'exception de sites bergeracois (couche C' 3 de Barbas 1, Cantalouette 1 et Combe Brune 3), s'échelonne sur l'ensemble de la période entre 345 et 35 ka. Il semblerait néanmoins qu'il existe un hiatus de son utilisation : la période comprise entre 97 ka (Les Forêts) et 146 ka (Barbas 1, C' 3) recèlerait des industries sans bifaces (période où se concentre essentiellement des industries rattachées au Moustérien typique : Abri Suard, Abri Bourgeois-Delaunay, Grotte Vaufrey, Les Garris 2) (fig. 8). Durant l'Eémien et le début du dernier Glaciaire (sous-stades isotopiques marins 5e et 5d), le sud - ouest de la France est marqué par une quasi absence de sites datés (fig. 9) : seul le Pech de l'Azé II (non réactualisé) en Périgord et une date de l'Abri Suard en Charente, constitueraient des exemples d'occupations contemporaines du stade 5e. Les occupations paléolithiques datées de façon fiable se concentrent dans cette région, en Périgord plus particulièrement, de la fin du stade 5c au stade 3 (fig. 3 et 9). (d'après Bassinot et al. 1994). (after Bassinot et al. 1994). A contrario, dans le nord de la France, les occupations datées du Bassin de la Somme, bien qu'également nettement discontinues, se concentrent au début-Glaciaire, soit durant les sous-stades 5d à 5a avec une très forte concentration de sites durant le stade 5a, proportionnellement à la fourchette de temps couverte par ce sous-stade. Seules quelques occupations se situent pendant les Pléniglaciaires inférieur et moyen (stades 3 et 4) (fig. 10). (extrait d'Antoine et al. 2003). (after Antoine et al. 2003). Ainsi dans l'état actuel de nos connaissances et selon ces résultats, durant l'Eémien se produit, au nord comme dans le sud-ouest de la France, une “désertion” des Néandertaliens. L'occupation du territoire est différenciée aux stades 5d et 5c, riche au Nord et quasi absente dans le Sud-Ouest. Les stades 5b et 5a se caractérisent par une reprise d'occupation dans le Sud-Ouest et un maintien du nombre de sites paléolithiques dans le Nord. Une inversion se produit durant les Pléniglaciaires inférieur et moyen (stades 3 et 4), qui voient un accroissement des sites dans le Sud-Ouest et une diminution brutale de l'importance de l'occupation du territoire par les Néandertaliens au nord, interprétée comme un abandon du territoire, durant le stade 4 avec une reprise limitée au stade 3. Cette réoccupation du territoire s'effectue avec le site de Beauvais. Un second parallèle de même type en termes de fréquences d'occupation datées peut être établi pour les périodes antérieures au stade isotopique 5, alors que le nord de la France paraît dépourvu d'occupations durant le stade 6, le Sud-Ouest est marqué par la présence de nombreux gisements (12). Au nord, quelques sites se localisent à la transition 7/6. Une multiplication des datations radiométriques couplée à une redéfinition des techno-complexes de sites d'importance, datés ou non, est donc nécessaire pour compléter le corpus des sites datés, notamment pour les périodes de transition, et permettre d'affiner les intervalles chronologiques proposés pour les différents faciès. Les résultats présentés ici doivent donc tenir compte de ces carences informatives technologiques, ainsi que des problèmes de représentativité de notre bilan. En effet, une fois les dates douteuses enlevées, il ne reste parfois qu'un seul gisement pour dater un faciès : il est donc évident que de nouvelles données doivent être acquises pour valider ou non ces résultats. Cette synthèse met également en évidence le manque cruel de datations fiables concernant des séquences stratigraphiques de référence. On peut penser ici aux gisements de Combe-Grenal ou de La Ferrassie qui présentent des archéoséquences développées et encore accessibles, qu'il serait nécessaire de recaler de façon fine chronologiquement en parallèle à une “relecture” des différents techno-complexes qu'ils contiennent. L'amélioration des précisions des datations radiométriques pourrait permettre de surcroît d'aboutir à une vision affinée de la chronologie des différents faciès culturels et de conclure soit à leur synchronie, soit à leur diachronie. La multiplication des dates entraînera -t-elle en effet un affinement ou une augmentation de l'arborescence buissonnante constatée tant au niveau des faciès typologiques que des systèmes de production ? Elle permettrait ainsi d'établir une cartographie d'occupation du territoire par les Moustériens et les Aurignaciens. Si l'on aboutissait par exemple à une multiplication des dates pour plusieurs culturesdans une même fourchette chronologique, on pourrait conclure à l'occupation d'un même territoire par des populations différentes. La figure 10 met également en exergue l'avancée des recherches dans le nord de la France concernant la définition d'un cadre paléoenvironnemental, où les données géochronologiques ont permis de préciser le cadre chronostratigraphique. Ce type d'étude globale reste encore à mener dans le Grand Sud-Ouest . | Cette analyse du cortège de dates acquises pour les sites paléolithiques du Grand Sud-Ouest de la France, croisée « aux technologies lithiques réactualisées des industries datées », des données issues des études technologiques, lithologiques de leurs industries met tout d'abord en lumière les manques et les insuffisances du cadre chronologique connu à ce jour: les datations physiques disponibles pour cette période sont encore trop peu nombreuses, « notamment pour la connaissance de certaines industries lithiques ». Ainsi, seuls 43 sites du Paléolithique moyen sont actuellement datés de façon fiable dans la région, ce qui entraîne une vue fragmentaire de l'évolution tant diachronique que synchronique des occupations humaines paléolithiques. Cette vision partielle concerne aussi les différents types d'environnement occupés au Paléolithique puisque jusqu'au début des années 2000, les sites datés étaient majoritairement situés en contexte karstique ; le développement de l'archéologie préventive couplé à la volonté d'obtention de datations physiques sur les occupations de plein air ont permis de mieux appréhender les modes d'occupation paléolithiques. Ce travail souffre également de la non réactualisation « récente » des faciès typologiques ainsi que des systèmes de production de plusieurs sites de référence datés. Certains faciès ne sont ainsi représentés que par un seul niveau daté, comme l'Acheuléen de la couche C'4 de Barbas I ou le Moustérien de type Ferrassie du niveau 3 du Pech de l'Azé Il dont l'attribution techno-culturelle n'a pas fait l'objet d'une révision dans le cadre de l'Action Collective de Recherche. A l'inverse, d'autres faciès jouissent d'études et de datations complètes, comme le Moustérien de Tradition Acheuléenne de type B. Cette analyse fait également émerger de nouvelles données concernant l'apparition et la contemporanéité des différents faciès typologiques acheuléens et moustériens d'une part, et moustériens, châtelperroniens et aurignaciens d'autre part. Ainsi, les faciès acheuléens sont contemporains de certains sites possédant du Paléolithique moyen ancien et du Moustérien typique. A l'autre extrémité, durant le stade isotopique 3, quatre faciès moustériens semblent coexister: le Moustérien de Tradition Acheuléenne, le Moustérien à Denticulés, le Moustérien de type Quina et le Moustérien typique, avec une antériorité du premier par rapport aux deux suivants. Les périodes charnières entre Paléolithique moyen et supérieur sont marquées par un chevauchement des faciès du Moustérien, du Châtelperronien et de l'Aurignacien archaïque et ancien, ces trois derniers n'ayant pas fait l'objet d'une analyse critique de la validité de leurs datations. Cette étude permet aussi d'évaluer l'étendue chronologique des systèmes de débitage dominants (Levallois, Discoïde, Quina, Façonnage). Les conceptions de débitage Levallois et Discoïde sont les plus représentées, la première s'échelonnant sur presque 300 ka avec un développement considérable durant les stades isotopiques 4 et 3 ; la seconde s'étendant également sur environ 300 ka avec une antériorité du débitage discoïde sur quartz comparativement à celui sur silex. L'évaluation chronologique du débitage Quina reste difficile puisque seuls trois gisements sont datés. Le débitage laminaire du Paléolithique moyen, toujours associé à une chaîne opératoire de façonnage, s'échelonne lui sur près de 45 ka. Un parallèle entre le Sud-Ouest et la France septentrionale permet enfin de différencier de façon notable les périodes d'occupations du territoire et leur fréquence au sein de ces deux régions. Alors que le nord de la France paraît dépourvu d'occupations durant le stade 6, le Sud-Ouest est marqué par la présence de nombreux gisements. L'Eémien constituerait dans ces deux régions une lacune des occupations néandertaliennes. Dans le Sud-Ouest, les occupations paléolithiques datées de façon fiable se concentrent de la fin du stade 5c au stade 3 alors que dans le nord de la France, les occupations datées du Bassin de la Somme sont regroupées durant les sous-stades 5d à 5a et seules quelques occupations se situent pendant les stades 4 et 3. | archeologie_10-0039805_tei_202.xml |
termith-154-archeologie | Le titre même du colloque organisé par J.-Ph. Rigaud du 7 au 9 juillet 2004 aux Eyzies-de-Tayac en Dordogne : “Entités régionales d'une paléoculture européenne, le Gravettien” invite à réfléchir sur un Gravettien non monolithique dont les expressions (notamment techno-typologiques) peuvent varier selon les régions. Or, le Gravettien s'est sans doute développé durant plusieurs millénaires et son extension spatiale concerne un territoire aussi vaste que celui de la péninsule européenne. Si la répartition géographique des données relatives à cette culture est bien connue (puisqu'elle coïncide avec celle des sites), il n'en est pas de même de leur situation chronologique et, surtout, de leur âge relatif. Or, pour interpréter les différences mises en évidence, pour comprendre le sens des variations rencontrées (régionales donc géographiques ou (et) temporelles), pour élaborer des hypothèses sur l'écologie humaine, sur l'évolution des comportements ou du degré de cognition des hommes du passé, les données étudiées doivent avoir été classées dans un ordre chronologique. C'est ce que nous nous sommes attachés à faire ici en respectant scrupuleusement les règles et les principes de la stratigraphie (Hedberg 1979). Ce classement a ensuite servi de base à l'établissement de la succession des paléoenvironnements et à la caractérisation d'événements marqueurs à grande portée géographique dont la définition est donnée plus loin. Dans le développement qui suit, on replacera d'abord les différentes phases du Gravettien d'Europe occidentale dans leur contexte environnemental puis, en s'appuyant sur des événements marqueurs, on essaiera de les situer par rapport à celles identifiées en Europe centrale. Dans cette zone géographique, les sites gravettiens, associés la plupart du temps à des dépôts lœssiques, ont fait récemment l'objet de travaux de synthèse (Haesaerts et al. 2003, 2004). Notre réflexion ne se limitera donc pas à l'Aquitaine comme le titre de l'article semble l'indiquer. En choisissant une annonce apparemment réductrice, nous avons voulu insister sur l'importance de considérer en priorité des entités régionales cohérentes à partir desquelles des successions environnementales fiables peuvent être établies. On sait que les environnements biologiques varient avec le climat. Le seul fait qu'il existe actuellement une zonation des biocœnoses qui coïncide assez précisément avec celle des aires climatiques, permet de justifier cette affirmation. Ce phénomène, que l'on peut facilement percevoir aujourd'hui en se déplaçant du sud au nord ou en s'élevant en altitude, s'inscrit également dans le temps : “Il existe une remarquable analogie entre la succession des biocœnoses dans le temps… et celle observée …dans un écocline” écrit François Ramade (1984 p. 295). En conséquence, quand on se place dans une aire géographique donnée, il est possible non seulement de percevoir les changements de biocœnoses, donc les variations climatiques qui se sont succédé au cours du temps, mais aussi d'apporter des arguments sur le sens des flux migratoires qui ont présidé à ces changements (Delpech 1999 et 2008). Pour lire les variations climatiques, du moins pour avoir une idée du nombre et de l'importance des changements, il est nécessaire de s'appuyer sur une séquence stratigraphique de référence qui englobe l'ensemble de la période concernée. S'il n'y a pratiquement aucune chance pour qu'un seul site livre une séquence reflétant la totalité des évènements, il est possible, en revanche, d'établir une biostratigraphie de référence à partir des données biologiques issues de plusieurs gisements. Cette séquence biostratigraphique, qui pourra être complétée au fil des découvertes, sera propre à la région étudiée. Néanmoins, comme rappelé plus haut, elle sera également susceptible de nous renseigner sur des phénomènes climatiques et environnementaux touchant des régions avoisinantes voire plus lointaines. La zone géographique choisie est la région Aquitaine. Située au sud ouest de la plaine nord-européenne, l'Aquitaine a pu (dû) enregistrer assez fidèlement des phénomènes propres à l'ensemble de l'Europe du nord et de l'est, voire à l'ensemble de l'Europe non méditerranéenne, l'Europe méditerranéenne constituant, aujourd'hui comme par le passé, un autre monde (Delpech 1999, 2003). En Aquitaine, la biostratigraphie relative à la tranche de temps contemporaine des techno-complexes du Paléolithique supérieur a été établie à partir des données fournies par les grands mammifères de trois gisements : le Roc de Combe (à Payrignac dans le Lot), la Ferrassie (à Savignac de Miremont en Dordogne) et Le Flageolet I (à Bézenac en Dordogne) (fig. 1). Les ensembles stratigraphiques concernés se sont formés au cours d'une période qui a vu l'apparition puis le développement des technocomplexes castelperroniens, aurignaciens et gravettiens. Toute une succession d'événements climatiques a été mise en évidence (Delpech et al. 2000) au sein de laquelle il est possible de situer les diverses manifestations du Gravettien. A partir de ces trois gisements, huit ensembles stratigraphiques ont été définis d'un point de vue biologique. Ils correspondent à autant de zones climatiques et de zones chronologiques dont les caractéristiques sont rappelées dans le tableau 1. Dans ce dernier, on constate que les ensembles gravettiens font suite aux ensembles aurignaciens 2 et qu'ils se sont formés lors de trois périodes, la première et la troisième affichant des conditions très différentes l'une de l'autre : la première est proche d'un optimum tempéré tandis que la troisième est caractérisée par un climat très froid, proche de celui des maximums glaciaires. La deuxième période, quant à elle, correspond à une phase climatique de transition. La période la plus ancienne a été définie à partir des couches VII du Flageolet et des couches D2 à F de la Ferrassie. Presque tous les ongulés y sont représentés. C'est cependant aux formes de forêt qu'une large majorité des restes se rapportent, plus particulièrement au Cerf qui est de grande taille. Le Renne est rare et, parmi les Bovinés, Bos primigenius a pu être identifié. Lynx spelaea est présent parmi les carnivores. Relativement à la période précédente, les zones boisées sont sans doute plus largement étendues ce qui ne semble pas nuire au Renne dont quelques sujets, au moins, atteignent une grande taille. (Delpech et al. 2000, p. 123). La période suivante concerne la couche VI du Flageolet. L'association faunique “indique… une réduction des zones boisées (disparition du Sanglier mais aussi du Mégacéros et d ' Equus hydruntinus) qui va sans doute de pair avec un élargissement de zones steppiques (plus de Renne, présence d ' Alopex lagopus, présence également de Coelodonta antiquitatis). Pour le Renne, l'environnement semble toujours favorable : certains sujets sont encore de grande taille…” (Delpech et al. op. cit., p. 123). Dans les couches IV et V du Flageolet (et l'ensemble B de La Ferrassie) qui se sont formées postérieurement “l'association des ongulés se compose presque exclusivement des éléments de base : Renne, Bovinés (sans doute Bison), Cheval, Bouquetin et Chamois. … Un milieu de steppe froide, déboisé, se met en place qui semble plus contraignant au Renne que précédemment. Certains sujets paraissent assez petits ce qui marque… le début de la période de contrainte (centrée sur le maximum glaciaire) qui a conduit à une diminution notoire de la taille des individus ”. (Delpech et al. op. cit., p. 123). Ainsi, dans les deux gisements du Flageolet I et de La Ferrassie, les ensembles gravettiens font suite à des ensembles aurignaciens; dans ces deux sites aussi, le gravettien apparaît lors d'une période relativement douce puis se développe alors que se met en place la dégradation climatique qui conduit au dernier maximum glaciaire. On retrouve ce même schéma dans un autre gisement aquitain, l'abri des Battus à Penne dans le Tarn (Alaux 1969) (fig. 1). Ce gisement n'a pas été considéré lors de l'établissement de la biozonation régionale en raison du nombre trop peu important de strates bien documentées biologiquement. Dans ce site, le gravettien apparaît lors de la formation de la couche 5 et perdure lors de la formation des couches 6, 7, 9 et 12. La couche 5 surmonte les couches 3 et 2, aurignaciennes, et s'individualise du point de vue de l'association des ongulés par le fort développement du Cerf et la quasi-disparition du Renne. Dans les couches sus-jacentes 7 et 9 qui ont livré quelques vestiges osseux, le Cerf est de nouveau rare et c'est le Renne qui domine indiquant le même renversement de tendance que celui constaté à La Ferrassie et au Flageolet I (Delpech 1983). La couche 5 se place donc au sein de la biozone 6, les couches 7 et 9 dans l'une des (ou dans les) biozones sus-jacentes 7 et 8 (tabl. 2). A la Grotte XVI (Cénac-et-Saint-Julien, Dordogne), seule la couche Abc livre du gravettien (Rigaud et al. 2002). Comparé à ceux plus récents qui dénotent un climat plus froid (ceux de la biozone 8) et à ceux plus anciens qui correspondent à un climat doux et humide (ceux de la biozone 6), l'ensemble faunique de la grotte XVI (Grayson et Delpech 2003) se place en intermédiaire (fig. 2); aussi nous avons situé la strate Abc gravettienne au niveau de la biozone 7 (représentée, jusque là par la couche VI du Flageolet) qui correspond à la période climatique de transition (tabl. 2). Dans le gisement de Laugerie-Haute (Les Eyzies, Dordogne) (fig. 1), les technocomplexes qualifiés de “périgordien III” (Peyrony et Peyrony 1938, p. 12 et 20; Bordes, 1958 p. 212) puis de “périgordien VI” (cf. Bordes 1968 p. 60) seraient maintenant dits “gravettiens ”; de même, aussi, ceux notés “protomagdalénien” ou “périgordien VII” (Bordes et Sonneville-Bordes 1966). Dans les couches 38 et 40 (des fouilles F. Bordes) avec périgordien VI et dans la couche 36 avec protomagdalénien, les associations fauniques sont presque entièrement composées d'ongulés indiquant un milieu froid comme, d'ailleurs, dans les niveaux sus-jacents (non gravettiens) où la faune indique toujours un climat froid; les rennes y sont de petite taille (Delpech 1983, 1986; Delpech 2003) et aucun élément n'indique de mouvements de faune marqueurs de grands changements climatiques. On évolue, semble -t-il régulièrement, vers les conditions sévères du dernier maximum glaciaire. Ainsi, les niveaux avec “Périgordien VI” et “Protomagdalé-nien” de Laugerie-Haute se seraient peut-être formés pro parte lors de la deuxième période, mais sûrement lors de la troisième période gravettienne définie plus haut (tabl. 2). D'autres sites aquitains ont livré du Gravettien et l'on ne peut ignorer l'Abri Pataud (Les Eyzies, Dordogne) (fig. 1). Dans ce gisement, le Gravettien concerne les ensembles 5 à 2 (les ensembles 5 à 3 livrent du Gravettien, l'ensemble 2 du “Protomagdalénien ”) et ce sont les ongulés de climat froid qui dominent largement (Bouchud 1975; Spiess 1979). Il n'y a pas de niveau livrant une faune aussi tempérée que celle de la couche VII du Flageolet I ou des couches D2 à F de La Ferrassie. Aussi, n'ayant pas d'arguments pour scinder la séquence en deux ensembles biostratigraphiques, nous proposons de placer les couches 5 à 2 au niveau des zones 7 et 8, comme les couches 7 et 8 des Battuts et les couches 40 à 36 de Laugerie-Haute (tabl. 2). D'après les quelques éléments précédemment exposés, le Gravettien aquitain se développe au cours de trois périodes successives et climatiquement distinctes. La première période, au climat relativement doux et humide, a sans doute favorisé la mise en place d'une forêt aux essences à feuilles caduques. L'association des ongulés est en effet suffisamment caractéristique pour justifier une telle hypothèse. La deuxième période s'écoule sous un climat que l'on peut qualifier “de transition” tandis que la troisième correspond à un environnement steppique froid (tabl. 1). Les périodes au cours desquelles sont enregistrés les phénomènes gravettiens font suite à celles contemporaines des technocomplexes aurignaciens. Jusqu' à la fin de la première période gravettienne, les données continentales locales (Delpech et al. 2000; Delpech 2003; Laville et al. 1983), comme celles d'Europe centrale et orientale (Haesaerts et al. 2003, 2004), révèlent une forte instabilité climatique. En Aquitaine, ces conditions spécifiques qui concernent le Castelperronien et l'Aurignacien, prennent fin lors de la première phase gravettienne à climat de type interstadiaire. La biozone qui a permis d'identifier cette phase climatique caractérise un environnement qui, pour le début du Paléolithique supérieur, représente un cas unique dans l'état actuel de nos connaissances. Ceci conduit à retenir l'hypothèse selon laquelle l'horizon biostratigraphique correspondant (la biozone 6) est un horizon marqueur de phénomènes climatiques à large portée géographique et qu'il doit permettre d'établir des liens chronologiques entre gisements de l'ensemble de l'Europe non méditerranéenne. A la période d'instabilité contemporaine du début du Paléolithique supérieur, succède une période au climat, semble -t-il, moins contrasté au cours de laquelle le froid et surtout la sécheresse s'accentue plus ou moins régulièrement. La phase dite de transition fait le lien entre les deux. Elle correspond à la biozone 7 et marque une limite entre deux entités temporelles au cours desquelles l'amplitude des variations climatiques paraît d'intensité bien différente (forte auparavant, faible ensuite). Peut-on paralléliser cette limite avec celle qui sépare le Pléniglaciaire moyen du Pléniglaciaire supérieur en Europe du nord et en Europe centrale (tabl. 2) (Mangerud et Berglund 1978; Haesaerts et al. op. cit.) ? Cette question est envisagée plus loin. Dans la vallée du Danube, à l'ouest, comme à l'est des Carpates (fig. 1), ont été menées des recherches chronostratigraphiques intéressant notamment les ensembles gravettiens. Les auteurs insistent sur le fait qu'ils ont pu établir une séquence stratigraphique globale pour le bassin moyen du Danube et le domaine est-carpatique (Haesaerts et al. 2004). Ces corrélations ont pu être établies sur la base de “marqueurs stratigraphiques” repérables dans plusieurs sites d'une même région ainsi que dans des régions différentes. Dans le domaine est-carpatique, selon ces auteurs, deux évènements se sont exprimés de façon particulière. Le premier correspondrait au refroidissement drastique qui “conclut le Pléniglaciaire moyen ”. Il est représenté par “un épais gley de toundra” notamment dans les gisements de Mitoc-Malu Galben en Roumanie et de Molodova V en Ukraine. A Mitoc, ce gley affecte l'unité 7 qui contient les premiers ateliers gravettiens; à Molodova V, il affecte l'unité 10 qui contient les niveaux gravettiens 10 et 9 (Haesaerts et al. op. cit., p. 40). Le second marqueur stratigraphique est aussi un épais gley de toundra qui se développe dans les formations loessiques du Pléniglaciaire supérieur. A Mitoc-Malu Galben, il affecte l'unité 4 et à Molodova V l'unité 12; toutes les deux livrent du Gravettien à pointes à cran (tabl. 3). De part et d'autre des Carpates, l'événement qui sert de lien entre les gisements, est un “épisode interstadiaire” qui serait enregistré “à la base de la couverture loessique du pléniglaciaire supérieur à Molodova V et à Mitoc” ainsi que dans le bassin moyen du Danube à Willendorf en Autriche et à Pavlov en Moravie (“ Interstade de Pavlov ”) (Haesaerts et al. op. cit. p. 43). Il s'agit de l'Interstade MG 6 » (lisible à la base de l'unité 6 de Mitoc-Malu Galben et de l'unité 11 de Molodova V, avec gravettien dit “moyen ”) qui correspondrait donc au même événement que l'Interstade de Pavlov ». Le Pavlovien, “faciès régional spécifique du gravettien européen ”, serait encore représenté à Pavlov ainsi qu' à Willendorf II lors de ce “bref épisode interstadiaire” (Otte et Noiret 2004 p. 13). Bien que n'ayant pas été relevés nommément par p. Haesaerts et al. (2004)pour l'établissement de liaisons entre l'est et l'ouest des Carpates, d'autres “épisodes interstadiaires” ont été repérés de part et d'autre de ce massif montagneux. Citons, à l'est, l'Episode MG9 » de Mitoc-Malu Galben qui semble être intervenu juste avant les premières manifestations gravettiennes et l'Episode MG8 », apparemment moins marqué. A l'ouest, l'Episode positif de Cerman » (de Nitra Cerman en Slovaquie) pourrait correspondre à l'Interstadiaire MG4 » repéré du côté est avec Gravettien à pointes à cran (Haesaerts et al. 2004, fig. 7) (tabl. 3). Lors des tentatives de corrélations, nous avons utilisé les éléments suivants : Pour l'ouest de l'Europe : la biozone 6 en tant que marqueur biostratigraphique d'un environnement de type interstadiaire; la biozone 7 comme marqueur “séparateur” de deux grands ensembles stratigraphiques correspondant à deux grandes périodes climatiques. Pour l'Europe centrale : - les niveaux marqueurs de l'épisode interstadiaire MG6. A la fois pour l'Europe de l'ouest et l'Europe centrale : la chronologie des événements présentés dans le tableau 3; le fait que la biozone 7 peut correspondre au passage du Pléniglaciaire moyen au Pléniglaciaire supérieur. En accordant la priorité à l'évènement marqueur de l'ouest de l'Europe (i.e. la biozone 6 qui témoigne d'une ambiance interstadiaire « sub-tempérée »), plusieurs possibilités de corrélations apparaissent. On peut placer le point d'ancrage au niveau de MG4, de MG6 ou de MG9, voire même de MG8 (non indiqué sur le tabl. 4). La logique voudrait que soit utilisé en priorité, pour l'Europe centrale, le marqueur stratigraphique qui a permis de faire le lien entre les séquences ouest et est carpatiques, à savoir “l'épisode interstadiaire … enregistré à la base de la couverture loessique du Pléniglaciaire supérieur” (interstade MG6) (Haesaerts et al. op. cit. p. 43) et qu'il soit corrélé avec la biozone 6. Mais alors la limite Pléniglaciaire moyen-Pléniglaciaire supérieur ne correspondrait pas à la biozone 7, hypothèse que l'on privilégie (tableau 4 et cf. supra). En revanche, en accordant la priorité à la limite Pléniglaciaire moyen-Pléniglaciaire supérieur et en supposant qu'elle se place au moment où s'est formée la biozone 7, alors la biozone 6 pourrait correspondre à MG9 (ou MG8 ?). Quant à la biozone 8, elle pourrait être l'équivalente de l'épisode de refroidissement drastique qui affecte l'unité 4 à Mitoc, et l'unité 12 à Molodova V (tableau 4). Cette hypothèse est supportée par les données car elle ne nécessite pas l'introduction de distorsions dans les successions stratigraphiques. Elle conduit cependant à minimiser l'importance de l'événement climatique responsable de l'originalité des associations fauniques de la biozone 6 dans la mesure où, en Europe centrale, cet événement serait un “épisode interstadiaire” banal qui ne se différencie pas des autres. Les éléments qui justifient cette hypothèse semblent donc encore assez mal assurés et chaque lien tracé mériterait d' être conforté par d'autres arguments, notamment d'ordre biologique. Ceci n'a pu être fait à ce jour et c'est vers les datations radiométriques que nous nous sommes tournés pour rechercher d'éventuels arguments susceptibles de venir appuyer notre proposition. Si la datation du Gravettien le plus ancien d'Europe centrale (Couche 5 de Willendorf datée de 30 500 BP – Haesaert et al. 2004, p. 44) n'est retenue que par certains auteurs, il semble y avoir un consensus sur le fait que les datations des ensembles gravettiens se situent pour la plus grande partie entre 28 000 et 22 000 BP (Jöris et Weninger 2004, fig.1). Dans l'ouest de l'Europe, les ensembles livrant du Gravettien occupent la même aire temporelle. Ainsi, pour les gisements aquitains cités dans ce travail, les datations s'échelonnent de 29 000 BP à 21 000 BP (quand on prend en compte une marge d'incertitude de 1) (fig. 3). Cependant, lorsque l'on tente de situer, dans cet intervalle, les périodes de formation de chacune des biozones reconnues en Aquitaine, on est surpris par le fort chevauchement des datations pour des biozones qui, rappelons -le, sont stratigraphiquement superposées. Si on élimine de la biozone 6 les strates qui ont donné les sept datations les plus récentes (toutes concernent le gisement de La Ferrassie), le recouvrement est moindre et on voit se dessiner une succession temporelle des périodes de formation. Ces sept datations étant éliminées, à la biozone 6 correspondraient des datations s'échelonnant de 29 070 à 25 550 BP, à la biozone 7 une seule date de 27 400 à 25 600 et à la biozone 8 une plage allant de 27 170 à 22 020 BP (toujours en années 14 C et en prenant en compte l'intervalle de confiance à 1 σ). Sur la figure 3, en vis-à-vis de celles des trois biozones, ont été représentées les datations des ensembles gravettiens d'autres gisements aquitains : Grotte XVI (une datation pour la couche Abc), Laugerie-Haute (une datation pour la couche 36) et Pataud (14 datations pour les couches 2 à 5). Les implications de chronologie relative que l'on peut tirer du simple examen de cette figure ne remettent pas en cause la position stratigraphique proposée ci-dessus pour ces ensembles relativement à celle des biozones 6, 7 et 8 (cf. tabl. 2). Voyons maintenant comment se situent les ensembles d'Europe de l'ouest relativement à ceux d'Europe centrale. Dans la séquence chronologique de l'Europe centrale, les datations proposées pour les événements “marqueurs” cités plus hauts sont les suivantes : l'épais gley de toundra observé dans les formations du Pléniglaciaire supérieur (qui affecte les unités 4 de Mitoc et 12 de Molodova) a été “daté autour de 23 000 BP” (Haesaerts et al. op. cit. p. 41); l'Interstade MG4 est daté aux alentours de 23 700 BP à Molodova V (Haesaerts et al. op.cit. p. 41); l'Interstade MG6 (qui correspondrait à l'interstade de Pavlov) est daté vers 25500 BP à Molodova V (Haesaerts et al. op.cit. p. 41); l'épais gley de toundra qui correspond au refroidissement drastique concluant le Pléniglaciaire moyen (Il affecte les unités 7 de Mitoc et 10 de Molodova) a été daté à Molodova entre 26 640 et 25 760 (Haesaerts et al. op.cit. p. 40); l'Interstade MG8 est daté de 27 500 BP (Haesaerts et al. op.cit. p. 40); l'Interstade MG9 est daté 28 500 BP; il correspondrait à l'horizon humifère de la sous unité 10-3 de Molodova datée entre 28 730 et 27 700 BP (Haesaerts et al. op.cit. p. 40). En conséquence, la limite entre le Pléniglaciaire moyen et le Pléniglaciaire supérieur se placerait vers 25 700 BP. La mise en regard des dates ouest et centre-européennes (tabl. 5) accepte la proposition de corrélation dite “logique” : la biozone 6 se serait formée au moment où se manifestait soit l'Interstade MG9 soit l'Interstade MG8, la biozone 7 au moment du passage du Pléniglaciaire moyen au Pléniglaciaire supérieur et la biozone 8 postérieurement, notamment au moment où les unités 4 de Mitoc et 12 de Molodova se mettaient en place. Un simple examen de la figuration de CALPAL-2003 (Joris et Weninger 2004, fig. 3) montre qu'il est théoriquement possible de proposer des corrélations avec les événements climatiques mis en évidence notamment dans les carottes glaciaires. On sait, cependant, que les dates calibrées ne sont pas des fonctions arithmétiques des dates 14 C. On constate en effet qu'au-delà de 24 000 BP, la courbe de calibration (avec ses courbes enveloppes) fluctue assez fortement (fig. 4). Ainsi, à côté d'un “plateau” qui se développe au niveau de 25 000 BP (qui pourrait correspondre à environ 1 500 années “réelles”), la courbe montre de fortes pentes à plusieurs niveaux : autour de 30 000 BP, 27 000 BP, 23 000 BP. Ceci signifie qu' à des âges 14 C très semblables peuvent correspondre des âges réels très différents. On note également une tendance à l'inversion vers 33 000 BP, c'est-à-dire qu'une date 14 C BP peut correspondre à deux âges réels très différents ou, pour dire les choses autrement, que l'ordonnancement temporel suggéré par plusieurs dates 14 C BP peut aller en sens inverse de la réalité. Par exemple, il est possible qu'un ensemble daté de 33 000 BP soit en fait plus jeune qu'un ensemble daté de 32 500 BP. En outre, en deçà de 24 000 BP, il existe plusieurs courbes de calibration et, à l'heure actuelle, il n'y a pas de consensus pour choisir l'une plutôt que l'autre (Bard et al. 2004). Ainsi, selon la courbe choisie, l' âge d'un rhinocéros de la grotte Chauvet, daté de 31 000 BP, peut correspondre à 33 000, 35 500 ou 38 000 années cal BP. A ce jour, l'utilisation des datations (calibrées ou non) ne peut pas, à elle seule, servir de base à l'établissement de corrélations. Mais, avons -nous des moyens de contrôle voire de validation ? Pouvons -nous vérifier, par exemple, que les datations permettent de situer les effets différents d'un même évènement dans la même tranche de temps ? Actuellement, on sait que, d'une part, les biozones correspondent à des climatozones et que, d'autre part, des liens ont été tracés entre la courbe de calibration CALPAL-2003 et des courbes climatiques, notamment celle dérivée de GISP2. On peut par exemple chercher à vérifier si, lors de la période de formation de la biozone 6, les glaces ont bien enregistré un climat de type interstadiaire. Cet essai montre, en fait, que cette biozone s'est formée à l'intérieur d'une longue période qui a vu se manifester non seulement les interstades GI 6 et GI 5 mais aussi les stades GS 6 et GS 5 de GIPS 2 (fig. 4). Cet exemple, parmi d'autres, montre la difficulté, voire l'impossibilité, d'utiliser les datations (calibrées ou non) pour l'établissement de fines corrélations temporelles. On ne peut, encore aujourd'hui, se fonder sur les seules dates numériques pour établir une chronologie relative des événements propres à l'environnement et à l'Homme du début du Paléolithique supérieur. Loin de nous cependant l'idée d'une inutilité des datations radiométriques car, dans le domaine chronologique qu'elles couvrent, elles s'avèrent indispensables à tous les niveaux des travaux de recherche. Elles sont ici utilisées pour contrôler une hypothèse et nous aident, en outre, à définir la maille chronologique à laquelle il convient de travailler ou en deçà de laquelle il ne faut pas descendre (Delpech et Rigaud 2001; Delpech 2002). La période gravettienne a duré plusieurs milliers d'années et l'aire géographique dans laquelle s'est développé le phénomène gravettien s'étend au delà de l'Europe. Dans ce travail, nous avons voulu apporter notre contribution à l'ordonnancement d'assemblages en proposant un classement chronologique de quelques ensembles stratigraphiques livrant des séries rapportées à ce technocomplexe. Cette démarche a nécessité l'emploi de méthodes relevant de la stratigraphie. Celles -ci ont été appliquées à l'échelle régionale d'abord, à une échelle géographique plus large ensuite. Les datations radiométriques ont été utilisées dans un second temps pour contrôler les hypothèses établies. Nous avons ainsi montré qu'en Aquitaine, le Gravettien couvre apparemment une plage temporelle relativement large comportant des épisodes climatiques contrastés. Au moins trois périodes ayant entraîné la mise en place d'environnements biologiques particuliers se sont succédées. Dans la chronologie numérique, elles se situent entre 29 000 et 22 000 BP. Il serait d'ailleurs plus juste de dire que ces périodes gravettiennes se rangent dans une plage chronologique s'étalant de part et d'autre de 25 000 BP sur au moins trois milliers d'années 14 C. Le phénomène gravettien a atteint l'Aquitaine septentrionale au moment où se mettaient en place des conditions climatiques relativement clémentes, de type interstadiaire, ce qui a favorisé le développement des essences de forêt tempérée et des ongulés inféodés à ce milieu. Le phénomène culturel gravettien s'est poursuivi en Aquitaine, sous un climat plus frais, puis sous des conditions de steppes froides et sèches. Il faut rappeler cependant que la séquence biostratigraphique de référence, ne repose encore que sur peu de gisements. Aussi il n'est pas impossible que la prise en compte de nouvelles données conduise à complexifier la biozonation présentée ici et, par voie de conséquence, la zonation climatique des strates gravettiennes. Cependant, dès à présent, un certain nombre d'entités stratigraphiques peuvent être considérées en fonction de leur ancienneté relative, c'est-à-dire qu'il est possible de raisonner, d'interpréter les diverses manifestations de variabilité en prenant en compte le facteur temps. Les essais de corrélations effectués entre gisements d'Europe de l'ouest et d'Europe centrale, s'ils n'ont pas permis de grandes avancées, n'ont cependant pas été tout à fait vains. Ainsi, la mise en relation de la biozone 6 d'Aquitaine et l'épisode interstadiaire MG9 d'Europe centrale semble raisonnable et en accord avec les datations numériques existantes. Enfin, ce travail montre qu'il n'est pas pertinent de tenter d'établir des corrélations fines sur la base des seules datations radiocarbones, qu'il s'agisse de dates calibrées ou non. Les plages de datation considérées (qui, d'ailleurs, contiennent ou non la “date véritable ”) sont le plus souvent larges pour les périodes qui nous préoccupent ici. Cette vérité mérite d' être rappelée car on est souvent surpris de l'usage qui est fait de ces données. Par exemple, Jöris et Weninger (2004), en s'appuyant uniquement sur des datations, émettent l'hypothèse selon laquelle, entre 27 800 BP et 17 000 BP, les hommes ont évité la Moravie pendant les interstadiaires. Or, une telle hypothèse implique un degré de résolution temporelle très élevé si l'on tient compte du nombre d'interstades enregistrés par exemple dans GISP2 (Grousset 2001). En revanche, la date apparemment “trop ancienne” obtenue pour le Gravettien stratigraphiquement le plus ancien d'Europe centrale (Haesaerts et al. 2004 p. 35 et 44) (couche 5 de Willendorf datée de 30 500 BP) ne nous semble pas vraiment gênante. En effet, comme on vient de le voir, les incertitudes de la méthode impliquent que cette date appartient en fait à la même tranche de temps que le Gravettien des couches 10 et 9 de Molodova V (daté entre 29 650 et 28 730 BP) ou que le plus ancien Gravettien de la Geissenklösterle dans le Jura souabe (29 200 BP d'après Haesaerts op. cit. p. 44) (fig. 4). Comme nous l'avions conclu lors de la présentation orale faite lors du colloque de juillet 2004, l'établissement de corrélations à grande distance nécessite d'appliquer les principes de la stratigraphie, de contrôler l'homogénéité chronologique des échantillons pris en compte, de croiser les méthodes et de les utiliser en deçà de leur potentiel (apparent ?) de précision . | Le cadre spatio-temporel du gravettien est relativement large. En effet, la période gravettienne a sans doute duré plusieurs milliers d'années, au moins 6 000 " années 14C " réparties de part et d'autre de 25 000 BP. Quant au territoire, il s'étale d'ouest en est sur toute l'Europe, ce qui pose la question des corrélations à grande distance. Dans ce travail, nous avons utilisé les moyens et méthodes de la stratigraphie pour tenter d'établir des liens chronologiques entre entités gravettiennes de l'ouest et du centre de l'Europe. Pour cela, nous nous sommes intéressés tout d'abord à la région Aquitaine et avons recherché des phénomènes environ-nementaux marqueurs. Ces derniers ont servi de points d'ancrage entre entités stratigraphiques ouest et centre européennes. Les datations physiques, prises en compte dans un deuxième temps, ne contredisent pas l'hypothèse de corrélation proposée. Elles conduisent néanmoins à mettre en garde contre l'utilisation d'une maille chronologique trop fine. | archeologie_09-0037793_tei_239.xml |
termith-155-archeologie | Les 11 et 12 janvier 2003 s'est déroulée au CEDARC / Musée du Malgré-Tout (Treignes, Belgique) une séance de tir de répliques de projectiles paléolithiques, sur cible animale. Cette expérimentation, organisée par P. Cattelain et l'un d'entre nous (J.-M. Pétillon), avait pour but de tester l'utilisation des pointes à base fourchue en bois de renne comme armatures de projectiles. Ce type de pointe est présent dans le Magdalénien moyen et supérieur de la zone pyrénéo-cantabrique (Delporte & Mons 1988; Pétillon sous presse a); notre corpus archéologique de référence était la série des quelque 400 pointes à base fourchue du Magdalénien supérieur d'Isturitz (Pyrénées-Atlantiques), conservée au Musée des Antiquités Nationales (fig. 1). Notre objectif principal était de vérifier expérimentalement la fonction supposée de ces pointes, et d'étudier leurs modalités d'intégration au système de tir paléolithique – en particulier leur mode d'emmanchement et leur mode de lancer. De fait, la comparaison entre les fractures obtenues sur les pointes de sagaies expérimentales et celles présentes sur les pointes archéologiques a permis de confirmer l'utilisation des pointes à base fourchue d'Isturitz comme armatures, probablement emmanchées sur des sagaies tirées au propulseur. Ces résultats ont fait l'objet d'une communication à la table-ronde d'Angoulême en mars 2003 (Pétillon sous presse b). Cette expérimentation a toutefois également été l'occasion de récolter une série d'informations qui, si elles ne se rapportent pas directement à l'utilisation sensu stricto des pointes de projectiles, sont malgré tout d'un grand intérêt pour l'interprétation des activités cynégétiques dans notre site de référence. Ces observations, que nous présentons ici, concernent trois questions : les traces d'impacts balistiques relevées sur les ossements des animaux utilisés comme cibles; les marques de silex présentes sur certaines pointes, résultant de leur récupération à l'intérieur des carcasses des animaux; et enfin l'état de fragmentation des pointes de sagaies à la fin de l'expérimentation, et les comparaisons possibles dans ce domaine avec les pointes d'Isturitz. Ainsi présenté, cet article pourra paraître hétérogène. Il l'est, en un sens, et ses différentes parties pourraient parfaitement être lues comme des notes indépendantes se rapportant au même corpus de référence archéologique. Ces chapitres sont cependant réunis par une thématique commune : étudier une série de gestes situés en aval de l'acte de chasse proprement dit, mais qui s'organisent à partir (et en fonction) de celui -ci. Le protocole expérimental fut élaboré par P. Cattelain et l'un d'entre nous (J.-M.Pétillon); il s'est très largement appuyé sur une méthodologie mise au point dix ans auparavant à l'occasion d'une séance de tir expérimental de pointes de la Gravette (Cattelain & Perpère 1993). Le système de tir paléolithique peut être défini comme la combinaison de cinq éléments : un tireur, un éventuel lanceur (c'est-à-dire un instrument permettant de lancer le projectile – arc, propulseur, etc.), un projectile, une solution de tir (trajectoire reliant le lanceur à la cible) et une cible. Lors du tir de nos pointes à base fourchue, nous avons pris la décision de ne faire varier qu'un seul paramètre : la nature du lanceur. La moitié des pointes ont ainsi été emmanchées sur des flèches tirées à l'arc, les autres étant fixées sur des sagaies destinées à être lancées au propulseur. Tous les autres paramètres (morphologie de l'emmanchement, type de colle et de ligature, distance de tir, arc et propulseur utilisés, nature de la cible. ..) ont été « figés » et maintenus invariants tout au long de l'expérimentation. La décision de tester deux modes de propulsion se justifiait du fait que la couche I/F1 d'Isturitz, qui contenait la quasi-totalité de nos pointes à base fourchue, n'a livré aucune partie distale de propulseur en bois de cervidé. Or cet objet constitue, en contexte paléolithique, le seul indice direct du type de lanceur utilisé. Par ailleurs, le « calibre » (largeur et épaisseur maximales) des pointes à base fourchue d'Isturitz ne permet pas de les classer a priori comme pointes de flèches ou de sagaies. Il nous a donc paru imprudent de ne tester qu'un seul des deux modes de propulsion, en sachant qu'aucun indice ne pouvait nous orienter plutôt vers l'un ou vers l'autre, et qu'un choix malencontreux aurait pu biaiser les résultats de l'expérimentation et donc l'interprétation du corpus archéologique. Quarante-deux pointes à base fourchue expérimentales ont été fabriquées, les supports étant débités à la scie à métaux, mais l'ensemble du façonnage étant effectué avec des outils en silex. La matière première (bois de renne mâle adulte) et les caractéristiques morphométriques des pointes ont été choisies pour refléter les données du corpus archéologique (Tableau 1). La moitié des pointes ont ensuite été emmanchées sur des flèches en pin de 81 à 82 cm de long (pour un diamètre de 0,9 cm), l'autre moitié sur des sagaies en pin de 250 à 251 cm de long (pour un diamètre de 1,2 cm). Les deux types de projectiles étaient empennés de 3 plumes radiales. Les pointes ont été collées à l'extrémité des hampes avec de la colle de peau, et le joint ligaturé ensuite avec du tendon de biche (fig. 2). La morphologie choisie pour l'emmanchement était la suivante : l'extrémité de chaque hampe était taillée en forme de fourche, de telle sorte que la base de la pointe, elle -même fourchue, vienne s'y emboîter étroitement (fig. 3). Ce système nous a été en partie inspiré par un exemple ethnographique, les flèches des Îles de Santa Cruz, qui possèdent des pointes en os dont la base fourchue s'encastre dans une fourche similaire aménagée à l'extrémité d'une pré-hampe en bois (Speiser 1909; Passemard 1917). Mais cette hypothèse d'emmanchement s'appuie aussi sur l'étude de plusiers préhampes en bois de renne de la couche I/F1 d'Isturitz, qui présentent une ou deux extrémités fourchues, et dont nous avons montré qu'elles ont très probablement été utilisées en association avec les pointes à base fourchue (Pétillon 2000). La cible utilisée lors de l'expérimentation devait correspondre autant que possible au type de gibier contre lequel les Magdaléniens d'Isturitz avaient vraisemblablement employé leurs pointes à base fourchue. En l'occurrence, le renne étant l'espèce dominante dans la faune de la couche I/F1 conservée au M.A.N., il nous fallait prendre comme cible un animal dont le gabarit s'approche de celui du renne. Par ailleurs, comme il n'était pas question pour nous de tirer sur un animal vivant (pour des raisons aussi bien éthiques que pratiques), celui -ci devait avoir été abattu avant de servir de cible; toutefois, pour que la consistance de son corps soit la plus proche possible de celle de l'animal en vie, l'abattage devait avoir eu lieu très peu de temps avant l'expérimentation, et le corps ne devait pas avoir subi de traitement de boucherie. Enfin, en vue de l'étude archéozoologique des ossements, il était nécessaire de pouvoir distinguer les impacts de flèches des impacts de sagaies : il fallait donc utiliser deux animaux, un servant de cible lors des tirs à l'arc et l'autre lors des lancers au propulseur. Le choix s'est porté tout d'abord sur deux daims mâles. Mais notre fournisseur s'étant rétracté en dernière minute, une solution de remplacement dut être trouvée dans l'urgence; et ce sont finalement sur deux veaux mâles, âgés de quelques semaines et pesant environ 30 kg, que les tirs ont été effectués. Le choix de ces cibles peut bien sûr être critiqué. D'une stature plus petite que celle du renne, le veau possède un squelette en cours d'ossification, aux os moins résistants, parfois non épiphysés voire remplacés par du cartilage; ceci suggère que les impacts sur un corps de veau seront moins destructeurs pour les projectiles que des impacts sur un animal adulte, et que les dommages sur les os risquent en revanche d' être plus importants. D'autre part, plusieurs expérimentateurs ont souligné les différences évidentes entre un tir sur un cadavre et un tir sur un gibier vivant. Ainsi, la contraction des fibres musculaires du gibier peut constituer un obstacle supplémentaire à la pénétration du projectile, voire endommager un projectile déjà logé à l'intérieur d'une blessure, phénomènes dont le tir sur carcasse ne rend pas compte. De même, les mouvements d'un animal blessé, ou la chute d'un animal abattu, peuvent endommager des projectiles encore fichés dans la blessure. Nous sommes conscients de toutes ces imperfections. Nous sommes également conscients du fait qu'elles sont difficiles à éviter : le fait d'utiliser des veaux comme cibles a ainsi été dicté par les circonstances, mais même notre choix originel (le daim) n'aurait de toute façon pas représenté un substitut parfait d'un renne magdalénien. La question nous semble plutôt de savoir si ces différents biais sont suffisamment importants pour rendre les résultats de l'expérimentation inexploitables, ou s'ils doivent seulement nous conduire à une plus grande prudence dans l'interprétation. Les variables que nous venons d'énoncer ont en effet en commun d' être très difficiles à quantifier, et leur influence sur le résultat des tirs n'a jamais été testée systématiquement. Leur simple évocation ne nous semble donc pas suffisante pour conclure à l'absence de validité de notre expérimentation; en revanche, ces variables ne peuvent bien sûr pas non plus être ignorées, et il conviendra d'en tenir compte lors de l'analyse des résultats. Les tirs se déroulèrent dans un pré jouxtant le Musée du Malgré-Tout, par temps clair, sans vent notable, la température ambiante étant d'environ - 5°C à - 10°C. Les veaux, euthanasiés immédiatement avant le début de l'expérimentation au moyen d'une injection effectuée par un vétérinaire, étaient suspendus à une charpente en bois, le flanc tourné vers le tireur. Les tirs qui rataient la cible atterrissaient dans le sol végétal herbeux, particulièrement dur car il avait gelé à la suite du froid intense des jours précédents. D'après les quelques indications que l'on peut retirer de l'analyse pollinique d'Isturitz, le climat lors du dépôt de la couche I/F1 était très froid (Leroi-Gourhan 1959, p. 624); les impacts sur sol gelé obtenus lors de l'expérimentation ne nous paraissent donc pas incompatibles avec la réalité archéologique. Les tirs au propulseur furent effectués par Pascal Chauvaux, champion d'Europe de tir au propulseur de 1990 à 1999 et en 2002. Il utilisa un propulseur de sa propre fabrication, dont la partie distale en bois de renne reproduisait le « faon aux oiseaux » du Mas d'Azil. Les tirs à l'arc furent effectués par Pierre Cattelain, champion d'Europe de tir à l'arc préhistorique en 1990-1991 et vice-champion en 1992-1993, à l'aide d'un arc en if de type néolithique allemand fabriqué par Johann Tinnes. Tous les tirs eurent lieu à une distance de 10 à 13 m, distance cohérente avec celles relevées chez les peuples chasseurs traditionnels, pour lesquels semble -t-il « la tendance générale (. ..) est de s'approcher le plus possible du gibier pour augmenter la chance de le toucher » (Cattelain 1994). Nous étions convenus que les tirs viseraient systématiquement les parties vitales de la cible – zone cœur / poumons en arrière de la patte avant – afin de mieux correspondre à une pratique de chasse réelle. Après chaque tir était appliqué le même protocole : L'horaire du tir était noté sur une fiche d'enregistrement. L'animal était photographié selon un angle constant, afin de conserver une image exacte de l'emplacement du projectile dans le corps. La longueur de la hampe dépassant de la blessure était mesurée et notée. Comme nous connaissions la longueur totale de chaque projectile, il nous était ensuite possible de calculer la profondeur de pénétration. L'emplacement de l'impact était déterminé avec autant de précision que possible (e.g. « entre deux côtes », « dans la scapula ». ..) et noté. Le projectile était extrait de la blessure. Tout dommage à la pointe ou à la hampe était noté. Enfin, suivant l'état du projectile, nous décidions s'il devait être conservé pour un nouveau tir, ou écarté de l'expérimentation. Un projectile était retiré de l'expérimentation lorsque se produisait l'un et/ou l'autre des trois événements suivants : fracture proximale ou distale de la pointe; fracture de la hampe au niveau de l'emmanchement; démanchement et implantation à l'extraction (cette expression désigne les cas où, alors que nous tentions d'extraire un projectile planté dans la cible, la pointe se démanchait et restait coincée à l'intérieur de l'animal sans qu'il soit possible de l'en retirer). Nous avons effectué au total 89 tirs à l'arc (dont 15 ratés) et 64 lancers au propulseur (dont 23 ratés et 7 « ripés », qui ont glissé sur le dos de l'animal avant d'atterrir dans le sol). Dans les deux cas, lorsque les tirs furent terminés, l'animal cible était mort depuis environ trois heures et ne présentait pas de signes de rigidité cadavérique. Après chaque séance de tirs, l'animal a été immédiatement dépouillé et vidé, puis les ossements portant des traces d'impact ont été récupérés et nettoyés en vue de leur étude future. L'ensemble des opérations de boucherie ont été effectuées avec des lames et éclats en silex. Les rapports de tir expérimental font rarement état des lésions laissées par l'impact de la pointe sur les ossements du gibier-cible. De fait, les données publiées se limitent, pour l'essentiel, aux contributions d'U. Stodiek (1993, 2000) et surtout de P. Morel (1993, 2000). Il nous a semblé d'autant plus important de nous arrêter sur le sujet. La nomenclature que nous avons utilisée - établie par l'un d'entre nous, J.-M. Pétillon - s'inspire de celle proposée par P. Morel (2000). Elle repose sur la distinction de trois types d'impacts : L'éraflure (que P. Morel nommait « raclement ») qui se produit lorsqu'une pointe frôle un os, arrachant une petite quantité de matière le long d'un de ses bords (fig. 4); Le percement qui résulte de la pénétration de la pointe à l'intérieur de l'os, sans que celle -ci ressorte de l'autre côté (fig. 5); Le transpercement indique que la pointe traverse entièrement l'os, creusant un canal auquel elle imprime plus ou moins sa forme (fig. 6). Deux phénomènes secondaires, accompagnant les deux derniers stigmates, s'ajoutent occasionnellement : Les fissurations se propagent à partir du point d'impact en suivant l'axe des fibres osseuses (fig. 7). Lorsque l'os est de petite taille, la fissuration peut aboutir à son éclatement en plusieurs morceaux; L'incrustation de la pointe à l'intérieur de la carcasse. Une partie des pointes coincées dans l'animal a pu être dégagée lors du nettoyage et du décharnement de la carcasse; d'autres pointes, en revanche, sont littéralement restées incrustées dans l'os et, même après traitement et séchage de ces derniers, il s'est avéré impossible de dégager les pointes sans les endommager ni détruire l'os (fig. 5, 6, 7). Sur les 64 tirs au propulseur que P. Chauvaux a effectués, 30 ont frappé le sol et 34 ont atteint la cible. Ces derniers ont laissé 18 traces d'impacts sur les ossements. De manière générale, les stigmates les plus fréquents sont aussi les plus dommageables : on dénombre ainsi 12 cas de transpercements contre 5 éraflures. La remarque vaut également pour les tirs à l'arc. En effet, sur les 89 tirs réalisés par P. Cattelain, 74 ont touché la cible, y laissant 31 marques parmi lesquelles on dénombre 17 transpercements et 9 éraflures. Ce constat appelle immédiatement à la prudence : les blessures les plus visibles sont évidemment plus faciles à identifier ! Or, pour des raisons évidentes de temps de travail, nous n'avons pas récupéré l'animal-cible en entier mais seulement les régions dans lesquelles nous avions enregistré la pénétration d'une pointe. Il se pourrait par exemple qu'un ou deux tirs, pénétrant plus profondément, aient touché d'autres ossements sans que nous ne l'ayons relevé sur l'instant. Pas conséquent, les effectifs présentés – nombre de traces effectivement observées – est vraisemblablement légèrement sous-estimé. Quelle que soit l'arme utilisée, la zone présentant le plus de traces est la colonne vertébrale (des cervicales aux thoraciques). Les côtes et la scapula sont ensuite les plus fréquemment marquées. L'arrière-train et les bas de pattes sont « logiquement » épargnés, plus éloignés des centres vitaux visés par le tireur. Notons toutefois une différence singulière entre les deux modes de propulsion : la distribution des tirs à l'arc est nettement plus concentrée autour de la région de l'épaule et de l'encolure que celle des tirs au propulseur qui apparaît plus diffuse. Les 6 impacts relevés sur l'humérus de la cible visée à l'arc marquent bien cette tendance. Sur les côtes, les vertèbres lombaires et les vertèbres thoraciques qui sont des os à faible épaisseur corticale, les éraflures sont fréquentes (N = 13). Mais lorsque la pointe frappe l'os de plein fouet, elle le transperce généralement (N = 10), amorçant souvent une voire plusieurs fissures (N = 8). Sur les vertèbres cervicales, l'humérus, le radius et l'ulna, à la fois plus massifs et plus denses pour les derniers, les éraflures sont très rares (N = 1) alors que les percements (N = 2) et transpercements (N = 8) sont communs. Percements et transpercements s'accompagnent presque toujours de fissurations (N = 7) et la pointe reste presque systématiquement (N = 6) incrustée dans l'os. Seuls 4 cas font exception, mais ils correspondent à des tirs lors desquels la pointe s'est fichée à la limite entre la diaphyse et l'extrémité proximale de l'humérus; c'est la désagrégation de cette dernière qui a finalement permis la libération de la pointe. Il est vraisemblable que, sur un sujet adulte – aux épiphyses parfaitement soudées au corps diaphysaire – elle serait restée plantée dans l'os. L'unique tir sur l'os frontal, effectué au propulseur, a abouti à un transpercement sans fissuration ni incrustation (la pointe a en effet pu être retirée sans dommage). À noter que le cerveau de l'animal n'a pas été touché, la pointe ayant traversé le sinus gauche. Les tirs sur la scapula (N = 11), os plat et mince, aboutissent presque toujours à un transpercement (N = 10), même lorsque les pointes frappent la scapula sur sa face interne après avoir traversé le corps de l'animal (ce qui est le cas des deux impacts sur la scapula gauche du veau tiré au propulseur). L'examen des surfaces osseuses montre que les dégâts infligés dépendent en partie de la nature (composition et structure histologiques) et de la morphologie des éléments. Leur emplacement et leur orientation sur le squelette interviennent également. En revanche, il reste très hasardeux de tirer des conclusions sur les différences entre les lésions laissées par un tir à l'arc et un tir au propulseur à partir de ces quelques observations, assurément trop sommaires. Si nous devions en quelques mots résumer nos impressions au sortir de l'expérimentation, nous insisterions probablement sur le caractère dévastateur des dommages que nous avons observés. Les stigmates sont tels que leur identification archéologique aurait dû s'avérer relativement aisée. Or, après avoir l'un et l'autre observé chaque ossement de la couche I/F1 d'Isturitz, un seul a retenu notre attention. Il s'agit d'une côte qui pourrait présenter une trace d'éraflure sur un bord. La trace (fig. 8), un enlèvement plus ou moins ovalaire, présente des stigmates secondaires indiquant assez nettement un choc : s'agit-il de l'impact d'une pointe ou celui d'une pierre qui, tombant de la voûte aurait détaché un éclat sur le bord de l'objet ? Les indications « sédimentologiques » fournies par E. Passemard (couche « de cendres très noires, généralement grasses » : 1944, p. 43) et R. de Saint Périer (« couche très tassée, pierreuse, riche en silex et en os » : 1936, p. 7) ne mentionnent pas la présence de gros blocs, rien de comparable en tout cas au véritable niveau d'effondrement qui couronne apparemment les couches aurignaciennes. Ceci dit, l'information ne permet en aucun cas d'évincer l'idée de la chute occasionnelle d'un fragment de voûte ou de paroi… La morphologie générale de l'impact présente des similitudes troublantes avec les traces expérimentales d'éraflement, mais l'appréciation détaillée reste difficile. Ces dernières présentent des bords esquillés indiquant assez nettement un arrachement de matière plus qu'un détachement, mais comment imaginer l'allure de ces détails dans plus de 10 000 ans, après des siècles passés au contact des sédiments ? Sans spéculer plus que de raison sur l'origine de cette trace, force est d'avouer que le butin est bien maigre : une seule trace sur toute la collection (soit environ 600 vestiges). Comment expliquer pareille discrétion ? S'agit-il d'une particularité liée à l'histoire taphonomique de l'accumulation de la couche I/FI d'Isturitz (de sa formation jusqu' à sa découverte) ? Et, dans ce cas, comment expliquer le phénomène ? Une plongée dans la littérature s'imposait pour, si ce n'est résoudre l'énigme, tenter au moins d'y apporter quelques éléments de réponse. En 1990, G. Cordier propose un inventaire des ossements préhistoriques présentant des traces de blessures, précisant qu'il n'a retenu pour cette « enquête bibliographique » que les lésions « qui ont conservé l'arme ou le projectile qui les a causées » (par exemple, la pointe de silex fichée dans une vertèbre de renne aux Eyzies). Nous inspirant de ce travail, nous y avons apporté quelques modifications. Nous avons ajouté à son inventaire quelques exemples de lésions osseuses sans conservation de l'arme (seule la trace de l'impact trahissant alors l'utilisation de cette dernière). À l'inverse, nous avons supprimé les mentions portant sur des ossements humains qui, nous semble -t-il, relèvent d'une autre problématique. L'objectif de cette recherche étant d'éclairer une interrogation – l'absence de trace – sur le matériel magdalénien d'Isturitz, il nous a également paru pertinent d'en préciser les limites en éliminant délibérément toutes les indications qui ne relevaient pas du Paléolithique supérieur, écartant ainsi l'abondante documentation épipaléolithique et mésolithique. Nous disposons finalement de 7 sites ou, plus exactement, de 7 cas signalant la présence d'un ossement présentant une trace d'impact liée à l'utilisation d'un projectile. Il s'agit des grottes de Combe-Buisson, du niveau 2 de l'abri Pataud, de Combe-Saunière, de la Garenne, des Eyzies-de-Tayac, du Bichon, du gisement de Kokorevo 1. Nous proposons de présenter en quelques lignes chacune de ces découvertes. Dans son article, G. Cordier (1990) présente la pièce, découverte dans un foyer aurignacien, comme un « fragment d'os de grand animal (bœuf ou cheval ?) incluant une esquille de pointe en os de 35 mm de longueur et 2 mm d'épaisseur utilisée comme flèche, préalablement calcinée ». Si la description semble plausible, l'interprétation des auteurs (Moirenc et al. 1921) s'avère plus discutable. Estimant que le projectile n'aurait pas pu pénétrer dans un os adulte, ils évoquent « un cas de guérison par inclusion ». L'animal, blessé quelques jours seulement après sa naissance, voir au cours de sa vie intra-utérine, aurait survécu à cette première attaque avant de périr, une fois adulte, sous les coups des chasseurs. Dans le niveau 2 de l'abri Pataud (protomagdalénien, fouilles Movius), J. Bouchud mentionne la découverte de deux crânes de biche qui portaient « un enfoncement identique dont le contour rappelle celui que provoque le coup de merlin du boucher. Un fait analogue a été observé sur un crâne fossile de bovidé découvert par J. Allain (1952) dans le Magdalénien supérieur de Saint-Marcel (Indre) » (Bouchud 1975, p. 80). Ce gisement solutréen, récemment fouillé sous la direction de J.-M. Geneste, a livré un fragment osseux dans lequel une pointe en silex était encore incrustée. La pièce, inédite à ce jour, est présentée dans une bande vidéo destinée au grand public (Le Temps des chasseurs solutréens, réal. P. Magontier, 1998, 52 min.). C'est dans la couche d'éboulis séparant l'habitat inférieur magdalénien de l'ensemble supérieur (trois niveaux magdaléniens) que J. Allain (1952) a mis au jour un massacre de bovidé adulte présentant une perforation de 3,7 cm sur 2,5 cm. J. Allain a associé cette marque avec la blessure laissée par le « coup de merlin » qui aurait permis d'assommer l'animal avant de l'abattre; l'observation précise de la blessure lui permettant d'affirmer que l'arme n'a pas pénétré la cavité cérébrale. La pièce découverte par E. Lartet & H. Christy (1864a, b, c) dans les niveaux magdaléniens de la grotte des Eyzies est l'exemple le plus célèbre, reproduit dans de multiples ouvrages depuis 120 ans (G. Cordier propose ainsi 14 références, sans compter celles des inventeurs eux -mêmes). Il s'agit d'une « vertèbre de jeune renne (troisième lombaire ?) transpercée par une lame de silex ayant pénétré par la face inférieure, le projectile ayant donc dû être lancé par un chasseur placé en contrebas ou sur un animal déjà abattu et couché sur le flanc » (Cordier 1990, p. 466). Cette grotte a fait l'objet de deux campagnes de fouille (1956-59 et 1991-95), qui ont permis d'y découvrir un squelette d'homme et un squelette d'ours brun associés à une petite série d'armatures en silex. C'est en 1991 que fut découvert par hasard « un fragment de silex fiché dans l'une des vertèbres cervicales de l'ours. Sa présence put être interprétée comme résultant d'un impact de projectile, flèche ou sagaie, à pointe lithique, tiré de face » (Morel 1998, p. 89). L'ensemble des vestiges, datés par AMS d'environ 12 000 ans BP, a été interprété comme le résultat d'un accident de chasse où l'homme et l'ours se sont entretués (id.). Le gisement, fouillé sur une surface de plus de 800 m 2 par Z.A. Abramova en 1979, présente une stratigraphie de 11 mètres de dépôts répartis sous le sol actuel en 8 horizons. Tous sont rapportés au Paléolithique supérieur, sans autre indication. C'est dans l'une des habitations légères qu'une « grande omoplate de bison percée de part en part d'une pointe de sagaie en os, restée en place » fut découverte (Boriskovsky 1965, p. 25). Si ce rapide survol bibliographique ne peut en aucun cas prétendre être exhaustif, il est frappant de constater à quel point les indications de traces d'impact laissées sur les os sont rares. Ajoutons, de surcroît, que la nature des blessures observées sur les crânes de la Garenne (Allain 1952) et de Pataud (Bouchud 1975) relève d'une technique cynégétique particulière qui dissocie capture et abattage. Il semble donc raisonnable de maintenir ces exemples en marge de notre liste. La parcimonie des découvertes explique peut-être en partie le peu d'intérêt accordé aux blessures de chasse lors des procédures expérimentales de tir. L'analogie entre fractures expérimentales et fractures archéologiques des pointes à base fourchue laisse supposer l'utilisation de ces dernières comme armatures de sagaies lancées au propulseur. Cette fonction démontrée, l'absence de traces corollaires sur les ossements archéologiques semble d'autant plus surprenante que les stigmates, évidents, laissent peu de place au doute. Leur morphologie très caractéristique leur assure une reconnaissance relativement aisée, sans confusion possible avec les stries de boucherie et/ou de mise en forme du support. Il nous a paru intéressant, dans ce contexte, de croiser données expérimentales – et nous ne ferons appel qu'aux informations obtenues lors des tirs au propulseur – et données archéologiques. Nous avons ainsi envisagé plusieurs arguments successifs. L'argument de bon sens, soulignant que l'objectif d'un tir est de toucher les parties vitales du gibier et pas ses ossements, est évident : « les impacts sur l'os devraient être minoritaires parce qu'involontaires » (Morel 1993, p. 56). Il reste toutefois peu convaincant pour expliquer seul l'absence de trace. Sans sous-estimer l'habileté des chasseurs paléolithiques, le risque de rater le point visé de quelques centimètres semble probable, surtout au propulseur (Cattelain 1994). Or, il suffit d'une légère déviation du tir pour que la pointe vienne se ficher dans l'épaule (scapula/humérus), le cou (cervicales) ou encore s'enfonce dans la cage thoracique en touchant les côtes. Une estimation rapide montre d'ailleurs que, lors de l'expérimentation, 1 tir réussi sur 2 (18 sur 34) frappe un os, y laissant une trace. L'ampleur des dommages causés par l'impact pourrait, pour les transpercements et les perforations au moins, expliquer la destruction de certains ossements, fragilisés sous le choc de l'impact. L'argument ne tient pas pour les blessures plus superficielles, comme les éraflures, et s'il reste discutable pour les autres, il s'avère peu convaincant. Un regard sur les déchets de débitage et les matrices en os des niveaux magdaléniens d'Isturitz nous montre de multiples objets tout aussi fragiles, et pourtant parvenus jusqu' à nous. Plusieurs facteurs relatifs à la localisation anatomique interviennent probablement dans la non-conservation des traces d'impacts : Les vertèbres et les côtes, qui portent le plus de traces sur la cible expérimentale, sont souvent déficitaires dans les accumulations archéologiques. À ce propos, P. Morel rappelle brièvement que « Les os du tronc [vertèbres, côtes] sont précisément ceux qui se conservent le plus mal – en raison de leur porosité et de leur teneur en graisse, ou de leur faible épaisseur dans le cas de l'omoplate – et à plus forte raison si le gibier n'est pas adulte. Ce sont également les parties consommées de préférence par les carnivores et exploitées par l'homme pour divers usages » (Morel 2000, p. 58) Le matériel d'Isturitz permet, par ailleurs, d'évoquer un autre cas de figure : le ramassage sélectif et, plus généralement, les techniques de fouilles et de conditionnement du matériel. Dans la couche du Magdalénien supérieur d'Isturitz, les restes du squelette axial sont très peu représentés, victimes des ramassages sélectifs de E. Passemard puis de R. de Saint Périer (Pétillon & Letourneux, en préparation); Les extrémités des os longs, en particulier ceux du membre antérieur (humérus et radius), proches des zones vitales visées, sont fréquemment détruites. Les Paléolithiques eux -mêmes les récupèrent pour en extraire la graisse qu'elles contiennent, ou encore les utilisent pour alimenter les foyers et nous savons que les carnivores témoignent une appétence particulière pour ces morceaux; On peut également envisager, dans le cas de l'incrustation d'une pointe intacte, que le chasseur, souhaitant la récupérer, ait pour cela délibérément brisé l'os. Si l'hypothèse semble tout-à-fait convaincante, il faut toutefois noter que 3 pointes sur 6 ainsi fichées dans l'os présentent des dommages irréversibles et ne sont pas réutilisables, comme pointes de projectile du moins… P. Morel, à propos de ses propres résultats expérimentaux observés sur des carcasses de chèvre, relève également que « l'on pouvait s'attendre à ce que les dégâts provoqués sur le gibier classique [pour les Paléolithiques] (renne, cheval, etc.) soient plus limités que ceux constatés. Le passage à des espèces de taille plus importante provoquera une fracturation sur un os compact de plus en plus massif; par contre, il est possible que la résistance de l'os spongieux ne croisse pas de la même manière et qu'elle reste proportionnellement plus faible. On devrait donc assister à une concentration plus marquée des impacts lisibles sur les parties spongieuses » (Morel 2000, p. 59). À ceci près évidemment que ces dernières disparaissent souvent, premières victimes des méfaits de la conservation différentielle ! Que déduire de cette série de remarques ? Reconsidérant le matériel expérimental à la lumière de chaque point que nous venons d'exposer, nous proposons d'évaluer le nombre de traces qui auraient pu subsister jusqu' à la « découverte archéologique ». Sur les 18 traces observées, il faudrait ainsi retirer : Les 6 traces relevées sur les côtes qui, souvent fragmentaires, auraient pu disparaître soit à cause de la conservation différentielle soit lors de leur utilisation dans l'industrie osseuse; Les 4 traces présentes sur squelette axial en raison de la piètre conservation générale des vertèbres et de leur possible recyclage en élément de combustible; 2 des 4 traces sur les scapulas ainsi que celle mentionnée sur l'ulna qui, présentant des cas d'incrustation de pointes entières, auraient été détruites lors de la récupération des pointes; La trace sur le radius et celle sur l'humérus, oblitérées lors de la récupération de la moelle. Il resterait ainsi 3 traces archéologiques potentielles : 2 sur scapula et 1 sur le frontal. Si l'on raisonne maintenant en terme d'individus : les 34 tirs réussis correspondent à l'abattage de 34 proies au maximum, ce qui nous donne un ratio de 1 trace pour un NMI de 11 sujets. De nombreux sites archéologiques atteignent au moins cet effectif, sans toutefois présenter la moindre trace. Le site de La Vache illustre parfaitement leur absence flagrante : aucune n'est recensée après examen des 85029 vestiges osseux déterminés ! Pas une marque relevée sur les 71451 restes de Bouquetins (ou 34367 sans les dents, soit 1831 individus) alors que de l'aveu même de N. Pailhaugue qui a assuré l'étude : « La représentativité des différents éléments du squelette par rapport au nombre de minimum de bouquetins de la salle Monique paraît refléter assez bien la plus ou moins bonne conservation naturelle des différents éléments anatomiques, sauf probablement pour les vertèbres » (Pailhaugue 2004, p. 118). Devons -nous admettre que le traitement boucher des carcasses et l'exploitation des ressources prélevées, très poussés, sont des paramètres essentiels dans la non-conservation des traces d'impacts sur les ossements ? De manière générale, pour P. Morel, l'absence de ces lésions n'est guère surprenante, presque conforme à l'ordre des choses. Il explique ainsi que « les impacts les plus facilement reconnaissables sont les implantations et que celles -ci se concentrent sur les parties spongieuses et du squelette (vertèbres, côtes, os plats à spongiosa), celles donc qui sont le moins susceptibles d' être conservées pour toutes sortes de raisons (teneur en graisse, concassage, consommation par les carnivores, etc.). Les probabilités de découverte d'impacts sont donc très faibles (sauf en cas de faune exceptionnellement bien conservée), à plus forte raison si on part du postulat que les impacts sur l'os devraient être minoritaires parce qu'involontaires » (Morel 1993, p. 56). U. Stodiek exprime une position plus nuancée, invitant explicitement à la révision des collections anciennes qui, pour lui, cachent vraisemblablement des spécimens inédits de traces d'impacts : « Alors qu'il existe, en contexte mésolithique par exemple, une multitude d'ossements présentant des percements ou des transpercements (Noe-Nygaard 1974), nous n'avons connaissance jusqu'ici d'aucun document indubitable pour le Magdalénien d'Europe occidentale et centrale. Il paraît improbable que les chasseurs de cette époque n'aient pas eux aussi obtenu des impacts accidentels sur les os. Dans le cas de côtes ou de vertèbres brisées en morceaux, ou de perforations sur la partie plane de l'omoplate — qui peuvent tout aussi bien résulter de phénomènes postdépositionnels tels que la pression des sédiments (Abramova 1982) — une interprétation certaine comme blessure de tir est difficile. En revanche, des impacts directs dans des parties squelettiques massives comme le crâne ou les corps vertébraux (Noe-Nygaard 1974) ne présentent finalement pas de difficulté d'identification. Nous sommes convaincu que des pièces de ce type, non reconnues, sommeillent parmi le matériel faunique de différents musées et collections, en particulier en France. Il serait souhaitable de prêter une attention particulière à cet aspect lors de recherches futures. » (Stodiek 1993, p. 206, traduction J.-M. Pétillon). Nous ne prétendons pas conclure sur la base de ces simples remarques. Nous sommes d'ailleurs conscients de certaines approximations inhérentes aux « défauts » de notre protocole. L' âge de la cible – un veau – intervient probablement dans l'ampleur des dommages causés par l'impact des projectiles. Sans répondre ouvertement à la critique, nous remarquerons que s'il est souvent fait mention de la préservation médiocre de ossements immatures, l'exemple des Eyzies concerne un jeune sujet. Ceci dit, avouons que le problème de l'approvisionnement en gibier lors des tirs expérimentaux reste un souci de premier ordre et il faut souvent “faire contre mauvaise fortune bon cœur ”. Toutefois, nous pourrons peut-être disposer de deux daims pour la prochaine séance expérimentale prévue prochainement. Quoi qu'il en soit, nous avons déjà prévu de faire varier plusieurs paramètres, angle de tir par exemple, qui pourraient influer sur la nature des blessures osseuses. Dotés de ces données supplémentaires, nous disposerons d'effectifs suffisants pour amorcer une étude comparative entre dommages créés par l'arc et dommages créés par le propulseur. Lors de l'étude préliminaire des pointes à base fourchue d'Isturitz, nous avons constaté sur environ 10 % des pièces la présence de stries courtes, isolées, localisées sur les faces et arêtes de la partie mésio-distale, et descendant parfois jusqu' à la naissance des fourchons; ces stries, d'orientation perpendiculaire ou oblique par rapport à l'axe de la pointe, se superposent aux traces de façonnage de la pièce (fig. 9). En première approche, nous avions envisagé trois hypothèses pour expliquer la présence de ces traces : Traces de fabrication : dans l'hypothèse où ces stries se rapportent à la fabrication des pointes, elles se forment obligatoirement lors de la phase de finition, puisqu'elles sont toujours postérieures aux traces de façonnage stricto sensu. Cependant, ces stries ne relèvent pas d'une finition de la pièce par abrasion ou par raclage, et n'évoquent pas un quelconque décor; rien ne soutient donc leur identification comme traces de fabrication. Traces d'utilisation : il nous paraît également difficile d'imaginer que ces stries puissent se produire lors de l'utilisation de la pointe comme armature de projectile. Car un impact balistique étant par définition une contrainte exercée dans l'axe longitudinal de la pièce, on s'attendrait à ce que les éventuels stigmates d'impact soient parallèles à cet axe; or les stries observées sont au contraire d'orientation exclusivement perpendiculaire ou oblique. Traces post-dépositionnelles : quelques rares pointes de notre corpus portent des traces laissées par les griffes de petits animaux fouisseurs; mais, par leur morphologie comme par leur organisation, ces stigmates se distinguent clairement des stries décrites ci-dessus, et il ne nous semble pas y avoir à ce niveau de confusion possible. On pourrait également proposer d'interpréter ces stries comme des traces de charriage ou de piétinement, résultant du frottement de l'objet contre des particules abrasives présentes dans le sédiment. Cependant, de telles traces présentent normalement une orientation variable et une organisation aléatoire, à laquelle s'oppose encore une fois l'orientation préférentiellement perpendiculaire ou oblique de nos stries. Nous n'avions donc aucune hypothèse réellement satisfaisante pour expliquer l'origine de ces stigmates, jusqu' à ce que nous observions des traces similaires sur 7 pointes à base fourchue expérimentales, après leur utilisation (fig. 10). Ces stigmates expérimentaux se sont formés de la manière suivante. Nous avons dit plus haut que, après avoir été tirées, de nombreuses pointes se sont retrouvées coincées dans la carcasse des animaux-cibles. Dans la majorité des cas, cette implantation était due au fait que la pointe était fixée dans un os. Mais il y eut également des cas où la pointe, qui n'avait pas rencontré d'os, restait coincée parce que les muscles et surtout la peau de l'animal s'étaient resserrés autour d'elle après l'impact (« effet boutonnière »). Pour dégager ces pointes lors du dépeçage, il fut donc nécessaire de découper au silex la peau et les chairs qui les entouraient. Lors de cette opération, nous avons essayé de ne pas toucher les pointes, afin de ne pas créer de stigmates parasites dans la perspective d'une éventuelle étude tracéologique des micro-traces d'impact. Mais malgré nos efforts, quelques-unes d'entre elles reçurent des coups de silex, qui laissèrent des traces tout-à-fait comparables à des stries de boucherie, et similaires à celles observées archéologiquement. L'interprétation la plus plausible nous semble donc que les stries présentes sur les pièces archéologiques témoignent de la récupération des pointes par les Paléolithiques à l'intérieur des carcasses des animaux abattus. Cette récupération pouvait avoir pour objectif la réutilisation les pointes (après réemmanchement et éventuelle réparation), ou tout simplement le nettoyage de la carcasse : on enlève les pointes fichées dans l'animal afin de rendre la viande propre à la consommation, ou de récupérer la peau sans trop l'abîmer. .. D'ailleurs, même si ce type de stries n'a à notre connaissance jamais été signalé auparavant, il n'y a a priori aucune raison pour qu'elles ne se trouvent que sur les pointes du Magdalénien supérieur d'Isturitz; un réexamen d'autres séries de pointes de projectiles en matière dure animale permettrait certainement de découvrir des stigmates similaires dans de nombreux sites. Il faut toutefois souligner que cette interprétation s'appuie pour l'instant sur un référentiel expérimental très réduit, en partie parce que nous avions explicitement cherché à éviter ce type de stigmates au moment du dépeçage. Lors de notre prochaine expérimentation, nous abandonnerons cette attitude « prudente » (sans pour autant s'acharner délibérément sur les pointes !), espérant ainsi mieux correspondre à la pratique supposée des Paléolithiques, et obtenir une série de traces plus abondantes et plus diversifiées. Les séries de pointes en matière dure animale découvertes dans les sites paléolithiques comprennent en général une forte proportion de pièces fracturées, et les pointes à base fourchue d'Isturitz ne font pas exception (Pétillon 2000). Une partie de ces fractures se sont produites après l'abandon ou après la découverte des pièces : perpendiculaires ou obliques par rapport à l'axe longitudinal de la pièce, elles présentent des facettes régulières, relativement lisses, sans dents de scie ni autres accidents, et sont donc survenues sur des objets en bois de cervidé déjà anciens, ayant perdu tout ou partie de leurs constituants organiques et ayant acquis un caractère plus cassant. Ces dégâts postdépositionnels une fois écartés, il reste cependant de nombreuses fractures proximales et distales manifestement liées à l'utilisation des pointes (l'hypothèse de fractures de fabrication ou de piétinement pouvant être écartée dans le cas d'objets relativement épais, en bois de cervidé). Or, les pointes de projectile font partie des rares types d'objets pour lesquels on peut d'emblée postuler une utilisation à l'extérieur du site, sur le terrain de chasse. La présence au sein du remplissage archéologique de pointes fracturées à l'usage soulève donc le problème de leur mode d'introduction dans le gisement. J.-P. Chadelle, J.-M. Geneste et H. Plisson (1991) se sont déjà arrêtés sur le sujet à propos des pointes à cran solutréennes de Combe Saunière. S'appuyant sur des données expérimentales, ils suggèrent que les parties basales de pointes ont été « apportées au campement (. ..) parce qu'elles étaient encore enchâssées et ligaturées dans les fûts. (. ..) La proportion de 49 % de fragments basaux témoigne de la restauration d'armes de trait à Combe Saunière même ». Les fragments apicaux (20 % de la série archéologique) seraient quant à eux revenus à l'intérieur des carcasses des animaux abattus. C'est une réflexion du même ordre que nous souhaitons mener ici : en comparant la fragmentation des pointes à base fourchue archéologiques avec celle des pointes expérimentales à la fin de la séance de tir, que peut-on dire des activités de réparation des projectiles de chasse dans le Magdalénien supérieur d'Isturitz ? Cette analyse étant actuellement en cours dans le cadre de notre travail de doctorat (J.-M.Pétillon), les données présentées ici doivent être considérées comme des observations préliminaires, souvent plus qualitatives que quantitatives. .. Comme on l'a rappelé plus haut, les résultats de l'expérimentation laissent penser que les pointes à base fourchue d'Isturitz sont plutôt des armatures de sagaies lancées au propulseur. En effet, les pointes expérimentales tirées à l'arc n'ont pratiquement jamais subi de dégâts à l'impact, tandis que les pointes de sagaies montrent de nombreuses fractures par flexion proximales et distales; or ces fractures se retrouvent en grand nombre sur les pièces archéologiques. Nous ne tiendrons donc compte ici que des données concernant la fracturation des 21 pointes tirées au propulseur (Pétillon, sous presse b). Ces dernières ont subi deux types de fractures. Les fractures distales, à facette oblique, sont au nombre de 7; le fragment distal manquant mesure entre 7 et 19 mm. Les fractures proximales sont classées en 3 catégories : La fracture d'une partie de l'un des fourchons s'est produite sur 2 pointes, sur lesquelles l'un des fourchons s'est brisé non loin de son extrémité. Notons que chacune de ces deux pointes a également subi une fracture distale et une fracture de la hampe au niveau de l'emmanchement. La fracture de l'un des fourchons à la base ne s'est produite que sur une pointe, dont un des fourchons s'est brisé à l'endroit où il rejoint le corps de la pointe, laissant une facette de fracture en dents de scie. La fracture des deux fourchons à la base est similaire au type précédent, hormis le fait que les deux fourchons se sont cette fois -ci rompus simultanément. Cela concerne 7 pointes; sur chacune d'elles, les deux facettes de fracture laissées par les fourchons ont à peu près la même orientation et la même amplitude - ce qui est logique, puisque c'est un impact unique qui a entraîné leur rupture. Une de ces pointes cumule fracture proximale et fracture distale. À l'issue de l'expérimentation (Tableau 4), une partie des fragments des pointes étaient encore fixés sur la hampe de la sagaie, tandis que d'autres se trouvaient à l'intérieur du corps de l'animal, ou encore sur le sol (certains de ces derniers ont d'ailleurs été perdus, malgré tous nos efforts pour récupérer l'ensemble des fragments). En situation de chasse, on peut donc estimer que, parmi les fragments : Les fourchons fracturés ont de fortes probabilités de retourner sur le site d'habitat après la chasse, puisque grâce à la ligature, ils restent toujours solidaires de la hampe du projectile - hampe dont on peut supposer qu'elle est systématiquement récupérée par le tireur (lors de l'expérimentation, le seul fourchon tombé au sol correspond à une situation où base de la pointe et la hampe de la sagaie se sont fracturées simultanément, le fragment de hampe emportant alors un des fourchons). De même, les fragments mésio-proximaux (pointes ayant subi une fracture distale, mais dont la base est intacte), restent fixées sur la hampe ou se retrouvent démanchées à l'intérieur de la carcasse de l'animal abattu : dans les deux cas, leur retour au campement semble évident. Les fragments mésiaux et mésio-distaux, qui résultent d'une fracture des deux fourchons (éventuellement accompagnée d'une fracture distale), peuvent également regagner le campement, fichés dans la carcasse des animaux abattus. Néanmoins, ils peuvent aussi rester fixés sur la hampe si la pointe est ligaturée de manière appropriée (i.e. avec une ligature « couvrante » qui s'étend sur une partie du fût de la pointe) : cela s'est d'ailleurs produit sur une pièce de la série expérimentale. Enfin, ce type de fragment peut également se perdre sur le sol lorsque la fracture survient à la suite d'un tir raté, et que la ligature n'est pas suffisamment solide pour maintenir solidaires les différents fragments de la pointe. Les fragments distaux peuvent revenir sur le site d'habitat lorsqu'ils sont implantés dans les os ou les chairs de la cible; en revanche, lors d'un tir raté, leur possibilité de récupération sur le sol est à peu près nulle. Au sein d'un ensemble archéologique, on s'attendrait donc à trouver ces trois types de fragments en proportion décroissante. Or, la situation est bien différente à Isturitz. L'extrême rareté des fourchons isolés s'impose d'emblée : ils ne sont que 25 sur un total d'environ 400 pièces fourchues. La moitié d'entre eux relevant, de surcroît, de fractures postdépositionnelles, les fourchons présentant des fractures d'utilisation – loin de dominer – ne sont finalement qu'une douzaine ! Parmi les explications possibles de ce phénomène, on peut imaginer l'utilisation par les Magdaléniens d'un système d'emmanchement moins solide que celui employé expérimentalement : avec des pointes simplement collées sur la hampe (sans ligature), les fourchons auront effectivement plus de risque de se détacher lors d'une fracture de la base. On peut également avancer l'idée que les Magdaléniens procédaient à l'entretien de leurs projectiles immédiatement après la chasse : remplaçant les pointes brisées par des neuves, ils abandonnaient les premières sur le lieu d'abattage. On peut enfin, plus tristement, évoquer l'ancienneté des fouilles d'Isturitz (années 1910 à 1930 pour les couches magdaléniennes) et suggérer que les fourchons, pièces fragmentaires et de petite taille, n'ont tout simplement pas été ramassées par les fouilleurs. Plusieurs indices laissent soupçonner une sélection assez sévère des objets prélevés et conservés par les fouilleurs. Ces choix, délibérés, sont particulièrement évidents dans l'industrie lithique, où les lamelles et outils sur lamelles sont remarquablement peu nombreux (Esparza San Juan 1995). De même, l'ensemble des restes de faune rapporté au Magdalénien supérieur d'Isturitz (conservé au M.A.N.) se caractérise par l'absence ou la grande rareté des esquilles, des fragments diaphysaires, et de manière générale de tous les éléments difficilement déterminables (Pétillon & Letourneux, en préparation). .. Les déblais des couches magdaléniennes n'ayant malheureusement pas été conservés, il est par ailleurs impossible de les tamiser pour espérer retrouver ces éléments manquants. Enfin, malgré leur petit nombre, les 12 fourchons isolés nous livrent des indices témoignant d'activités de maintenance des projectiles au Magdalénien supérieur à Isturitz. En effet, parmi ces fourchons, nous avons pu effectuer : 1 appariement : entre deux d'entre eux, un gauche et un droit, qui proviennent manifestement de la même pointe. Leurs dimensions et leur morphologie sont identiques, leur matière première également, ainsi que leurs facettes de fracture. Ces pièces témoignent donc probablement d'une situation où, la partie mésio-distale de la pointe ayant été perdue après une fracture simultanée des deux fourchons, ceux -ci sont restés fixés à la hampe et sont revenus sur le site d'habitat, où ils ont été démanchés et abandonnés par le chasseur lors de la réparation du projectile. Le fait que ces deux pièces proviennent de la collection Saint Périer et de la même année de fouille - 1930 - indique par ailleurs qu'elles ne devaient pas être très éloignées l'une de l'autre dans le gisement, puisque R. de Saint Périer fouillait la grotte par secteurs successifs et non par passes horizontales. 3 raccords : trois fourchons ont pu être raccordés à des bases de pointes fracturées. Ces raccords, déjà rapportés (Pétillon 2000), correspondent à des fractures proximales « débordantes ». Débutant entre les deux fourchons, ces dernières se propagent obliquement vers l'extrémité distale et finissent par rencontrer l'un des bords latéraux du fût, enlevant l'un des fourchons mais aussi une partie du corps de la pointe. Nous n'avons pas encore réussi à reproduire ces fractures expérimentalement. Toutefois, la présence de ces raccords indique que, la base de la pointe fracturée en deux, les fragments ont été maintenus sur la hampe par la ligature jusqu' à leur démanchement et leur abandon sur le site. Pour chaque raccord les deux fragments proviennent de nouveau de la même collection, et - quand elle est indiquée - de la même année de fouille. Près de la moitié des fourchons fracturés de la série d'Isturitz ont donc donné lieu à des raccords ou des appariements, démontrant tout l'intérêt de ce type de fragments pour la reconstitution des gestes de maintenance des projectiles. À ce sujet, on ne peut que regretter l'ancienneté des fouilles. .. Une pièce exceptionnelle de la collection Passemard, non comptée dans les raccords ci-dessus, nous donne une idée de ce qu'aurait pu apporter une fouille fine de ce gisement. Il s'agit d'une pointe à base fourchue dont, lorsque nous l'avons étudiée au M.A.N., les deux fourchons avaient été recollés anciennement (fig. 11). Après « dé-restauration » l'examen des facettes de fracture nous a permis d'établir que cette pointe avait subi une fracture simultanée des deux fourchons; mais la fracture s'étant incomplètement propagée, les fragments de fourchons étaient restés attachés de façon précaire au corps de la pointe, raison pour laquelle l'ensemble a probablement été découvert en connexion et « consolidé » à la colle par E. Passemard. En revanche, si la fracture avait été complète et les fragments de fourchons dispersés au sein du remplissage archéologique, il est douteux qu'ils eussent été repérés et prélevés à la fouille. .. Nous espérions par cet article proposer une autre approche des pratiques cynégétiques paléolithiques, en nous attachant moins à l'acte de capture lui -même qu' à ses répercussions matérielles. L'étude des traces d'impacts laissées par les pointes de projectiles sur les ossements et l'étude des altérations desdites pointes sont les principaux thèmes abordés. Nous avons été stupéfaits de constater, lors du traitement des carcasses des animaux-cibles, les dégâts commis par les pointes sur les ossements, il est vrai encore immatures. Néanmoins, l'évidence des stigmates nous a laissés perplexes, soulevant de nombreuses questions sur leur absence en contexte archéologique. Après réexamen des restes osseux de la couche I/F1 d'Isturitz, sur presque 600 pièces, nous n'en avons d'ailleurs retenu qu'une portant une trace d'enlèvement pouvant suggérer un impact de projectile. Un rapide recensement bibliographique nous a confirmé la rareté de ces lésions osseuses. Tentant de comprendre les raisons de ce décalage entre le matériel expérimental et les collections archéologiques, nous avons successivement discuté plusieurs points. La motivation même du geste de tir – tuer l'animal – explique en partie la discrétion de ces traces qui, involontaires, résultent presque d'un accident. Seul, l'argument s'avère cependant peu convaincant. En réalité, l'absence des traces d'impacts résulte vraisemblablement de l'accumulation de phénomènes défavorables : potentiel de conservation médiocre, consommation secondaire par d'autres prédateurs, récupération et utilisation par les Paléolithiques, etc. Nous restons néanmoins convaincus qu'une observation attentive dédiée au dépistage de ces stigmates pourrait augmenter le nombre de découvertes. .. Perspective d'autant plus engageante que le déroulement d'une seconde séance d'expérimentation devrait nous doter d'effectifs permettant d'aborder d'autres voies dans l'interprétation des stigmates (nature de l'arme, angle de tir, distance…). L'examen de l'altération des pointes expérimentales nous a par ailleurs permis d'éclaircir l'origine de certains stigmates énigmatiques observés sur les pièces archéologiques, attestant ainsi la récupération de certaines pointes restées fichées dans la carcasse du gibier abattu. Cette évocation nous permettant ensuite d'aborder le problème de l'introduction des pointes et de leur devenir sur le gisement. .. À ce propos, la présence de plusieurs raccords archéologiques sur des fragments de fourchons nous a montré l'existence indubitable à Isturitz d'une activité de maintenance des projectiles : les hommes sont revenus de la chasse avec des armatures endommagées, qu'ils ont démanchées, abandonnant sur place les fragments proximaux. Malheureusement ces derniers sont rares sur le gisement, victimes de techniques de fouille peu adaptées, et nous devons désormais nous appuyer sur les autres types de fragments (mésiaux, mésio-proximaux, etc.), mieux représentés, pour tenter d'aller plus loin dans l'analyse de l'économie des pointes de projectile à Isturitz . | Le présent article réunit plusieurs réflexions inspirées par l'étude du matériel expérimental issu d'une séance de tir de répliques de projectiles paléolithiques sur cible animale, qui s'est déroulée en janvier 2003 au CEDARC / Musée du Malgré-Tout (Treignes, Belgique). Le projet, initialement organisé dans l'objectif de vérifier l'hypothèse d'une utilisation des pointes à bases fourchues magdaléniennes comme armatures, a également permis de récolter une série d'informations annexes qui pourraient s'avérer particulièrement intéressantes dans l'interprétation des activités cynégétiques sur notre site de référence, Isturitz. Après un bref rappel du protocole expérimental, nous nous arrêterons sur trois aspects: les traces d'impacts balistiques relevées sur les ossements des animaux utilisés comme cibles; l'identification, sur certaines pointes, de stigmates liés à leur récupération dans la carcasse des animaux; et enfin, une comparaison entre l'état de fragmentation des pointes de sagaies à la fin de l'expérimentation et les pointes archéologiques d'Isturitz. | archeologie_08-0168746_tei_326.xml |
termith-156-archeologie | La grotte de Font-de-Gaume (Les Eyzies, Dordogne, France) est connue depuis sa découverte, en 1901, comme un site d'art pariétal paléolithique de premier ordre. Depuis cette date, plusieurs campagnes de fouille ont été conduites dans cette cavité. Dans la monographie que publièrent les inventeurs (Capitan, Breuil et Peyrony 1910), un chapitre présente le matériel archéologique recueilli dans les différentes galeries. Quelques lignes sont également consacrées aux ossements d'ours découverts dans le remplissage argileux et qui furent étudiés par F. Harlé. Dans les années soixante, F. Prat entreprend de nouvelles fouilles. Ses travaux ont porté sur deux secteurs principaux : Font-de-Gaume I : localisé dans une galerie latérale s'ouvrant à 60 mètres de l'entrée; Font-de-Gaume III : zone d'environ 50 m 2, fouillée en vue du réaménagement de la grotte, et située dans la galerie principale entre le « Carrefour » et la « salle des petits bisons ». C'est à la seconde zone que nous nous sommes intéressés. Deux niveaux archéologiques principaux y ont été reconnus et ont été décrits par F. Prat et D. de Sonneville-Bordes (1969) : la couche 3 est peu riche en faune et le Renne est le taxon le mieux représenté. L'industrie est assez abondante et elle a été attribuée à un Aurignacien typique; en dessous (couches 4-5), l'Ours est l'animal dominant (suivi du Bouquetin, du Cheval, des Bovinés, du Loup et du Cerf) et d'après les dimensions des os longs, il se rapproche d ' Ursus spelaeus. Des restes humains (une dent, à laquelle s'ajoute une phalange qui n'avait pas été décrite précédemment) et quelques vestiges lithiques, parmi lesquels deux pointes de Châtelperron, sont également présents dans ce niveau. Le matériel des fouilles Prat était conservé, jusqu' à présent, à l'Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire de Talence. En prévision de son déménagement au Musée national de Préhistoire des Eyzies, il a semblé opportun de faire un inventaire informatique de cet ensemble. A l'occasion de ce travail, des traces de découpe, qui n'avaient pas été signalées jusqu'alors, ont été observées sur des restes d'Ours des couches 4-5, nous conduisant à mener une étude plus poussée des restes osseux provenant de ces 2 couches. Les dents d'Ours confirment le diagnostic établi par F. Prat (Prat et Sonneville-Bordes 1969) à partir des éléments post-crâniens à savoir que l'Ours de Font-de-Gaume III s'apparente à Ursus spelaeus. Des stries ont été observées sur 11 côtes (fig. 1 et 2), deux vertèbres thoraciques, un fémur et un humérus. Elles documentent l'exploitation de deux adultes et d'un jeune. Elles sont pour la plupart très nettes et correspondent à des marques de découpe. Photo P. Jugie, MNP, Les Eyzies Par leur situation presque exclusive sur le squelette axial, ces traces de découpe attestent un comportement d'exploitation peu documenté par ailleurs. En effet, les traces de boucherie, signalées jusqu'alors sur des ossements d'Ours dans d'autres gisements, sont essentiellement situées sur les membres et plus particulièrement dans les portions distales (Auguste 1992; David 2002). Pour F. Prat, le fait que les ossements d'Ours de la formation 4-5 soient très souvent entiers ou peu endommagés, et qu'il y ait une forte proportion d'individus jeunes (y compris des nouveaux-nés) permet de penser à une mort naturelle lors de l'hibernation. Dans ces conditions, les carcasses exploitées n'auraient pas été introduites dans la grotte qui ne semble pas avoir constitué un lieu d'habitat étant donnée la faible quantité de matériel archéologique. Il s'agirait d'une exploitation épisodique dans une grotte à Ours. La poursuite de l'étude archéozoologique permettra de préciser les modalités exactes de cette exploitation. Soulignons l'intérêt de cette découverte dans un contexte chronologique intéressant, proche de la transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur . | Le niveau 4-5 (fouilles Prat) de la grotte de Font-de-Gaume est riche en ossements d'Ours des cavernes. Quelques artefacts lithiques y ont également été trouvés. Parmi eux, signalons la présence de deux pointes de Châtelperron. La reprise de ce matériel a permis de découvrir des traces de découpe sur des restes d'Ours. | archeologie_525-07-10136_tei_266.xml |
termith-157-archeologie | Le site grec d'Olbia est situé sur la commune d'Hyères, à la naissance occidentale du tombolo de la presqu'île de Giens (fig. 1). Fondé vers le milieu du IV e s. av. n. è., « il devait jouer un rôle militaire et de dissuasion… plus qu'un rôle de comptoir avec un arrière-pays sauvage et peu habité » (Bats 1989). Il a anciennement fait l'objet de deux campagnes de fouilles effectuées sous la direction de J. Coupry dans les années 1947 à 1949 puis de 1956 à 1972. Une nouvelle campagne a eu lieu entre 1982 et 1989. La quasi-totalité des meules à grains étudiées ici est issue des fouilles antérieures à 1982. Comme c'est souvent le cas pour les fouilles relativement anciennes, le mobilier lithique massif est mal repéré sur le plan stratigraphique. Ici, la fourchette chronologique se situe principalement entre les II e et I er siècles avant notre ère et les deux premiers siècles du Haut Empire. Pour ce qui concerne les meules de l' âge du Fer, par référence au site de Martigues, on se trouve dans un contexte majoritairement typique de la « basse époque » (Reille 1998). Toutefois, la présence de fragments de systèmes à trémie de type grec (15 % de la population totale) témoigne d'importations chronologiquement centrées sur le III e s. av. n. è. (Chausserie-Laprée 1998). 1 Situation des gisements de basalte de l'arrière-pays toulonnais par rapport au site d'Olbia. En noir, dans la partie supérieure gauche de la figure : affleurements des laves basaltiques (contours extraits de la carte géologique de la France à l'échelle du 1/50 000, feuilles de Toulon et Cuers, n° XXXIII-46 et 1045) La population des meules et fragments de meules disponibles sur le site même d'Olbia est la plus importante de celles que nous avons étudiées jusqu' à ce jour. Elle atteint cent dix exemplaires. Sur le plan statistique, il s'agit donc d'un échantillon particulièrement significatif dont la taille est plus de deux fois supérieure à la taille moyenne des échantillons précédemment traités. Les prélèvements en vue de l'étude ont été effectués au burin. Les prélèvements en basalte ont fait l'objet d'une analyse microtexturale afin de les comparer avec les textures-types du référentiel précédemment établi pour le Midi de la Gaule (Reille 1995 et 1998, CD-Rom). Le matériau basaltique est extrêmement prépondérant, puisqu'il représente près de 90 % de la population totale. Si on y ajoute les laves rhyolitiques le matériel volcanique, toutes variétés confondues, avoisine 95 %. Les 5 % restants sont constitués par des roches sédimentaires détritiques. Dans un site protohistorique côtier proche de Toulon, la prédominance du basalte parmi les meules n'est pas, a priori, spécialement surprenante. En effet, l'arrière-pays toulonnais est l'un des rares endroits du Midi méditerranéen où les basaltes affleurent assez largement. Les coulées, en organisation superposée, y sont actuellement perchées par suite d'une inversion de relief (Coulon 1967). On peut les suivre de manière pratiquement continue du nord vers le sud sur plus de six kilomètres, entre les Rochers de l'Aïgue et Evenos (fig. 1). Deux kilomètres plus au sud, on en retrouve deux témoins, l'un au niveau de l'oppidum de la Courtine d'Ollioules, l'autre en position symétrique par rapport au débouché des gorges de la Reppe. Aux temps protohistoriques et dans l'Antiquité, l'extraction de ces laves en vue de la confection de meules (essentiellement rotatives) est archéologiquement bien attestée, spécialement sur les sites de la Courtine (Layet 1950; Arcelin et al. 1988) et des Rochers de l'Aïgue (Bottin 1905), ainsi qu'en d'autres points (Saglietto 1929). Vu la faible distance qui sépare Olbia de l'oppidum de la Courtine (moins de 25 km), on aurait pu s'attendre à trouver une représentation majoritaire du matériel toulonnais dans la population des meules du site grec. Or celles -ci constituent seulement 17 % de la population totale et moins du quart de l'ensemble des meules basaltiques (fig. 2). En fait, sur le plan pétrographique, on constate que plus des deux tiers du total des meules étudiées sont rattachables sans ambiguïté au type microtextural caractéristique du basalte d'Embonne/Cap d'Agde, dont le gisement est pourtant localisé à plus de deux cents kilomètres à l'ouest d'Olbia. Cette prépondérance se manifeste plus nettement encore parmi les modèles grecs à trémie, de typologie archaïque : 94 % pour le Cap d'Agde contre 6 % pour l'arrière-pays toulonnais. Avec les exemples de Martigues, Entremont, Aix-ville et La Cloche (Reille 1998, 2000; Reille, Chabot 2000), on a déjà montré que les meules agathoises distribuées par Marseille dominent très largement les importations de ce matériel en Provence littorale et sublittorale, à partir du II e s. av. n. è. À cet égard, le cas d'Olbia est représentatif, à la fois parce que l'agglomération occupe une position géographique très orientale par rapport à Agde et qu'elle se trouvait par surcroît à proximité immédiate de l'une des rares zones de fabrication active de meules basaltiques du Midi de la Gaule. Son rôle de port et sa stricte dépendance politique vis-à-vis de la métropole massaliète permettent aisément de l'expliquer. En association avec le matériel importé du Cap d'Agde, on trouve cinq exemplaires de meules originaires du centre de production de St Thibéry/Bessan dans l'arrière-pays agathois. Ce centre, très anciennement attesté a joué un rôle prépondérant dans la distribution des meules basaltiques antérieurement au II e s. av. n. è. (Reille 2000a, 2000c). Ici, sa modeste participation majore jusqu' à 75 % du total la proportion des meules d'origine lointaine (près de 80 % du sous-ensemble des meules basaltiques). Ajoutons enfin que deux exemplaires en basalte, non inclus dans la représentation statistique de la figure 2, exhibent des faciès microtexturaux non représentés dans notre référentiel; leur origine est donc indéterminée. Outre les meules basaltiques la population examinée comporte des exemplaires en rhyolite et en roches sédimentaires. Les exemplaires en rhyolite sont constitués par des laves ou des tufs de couleur amarante caractéristiques du volcanisme permien de l'Esterel. L'utilisation de ces roches pour la confection de meules pendant la Protohistoire est connue et archéologiquement attestée. Un état de la connaissance sur l'aire d'exportation de ce mobilier, à cette époque, a été présenté par C. Lioult (1977), mais la présence d'exemplaires sur le site d'Olbia n'y est pas signalée. Leur représentation est proportionnellement modeste (6 %). Le schéma cartographique de la figure 3 localise approximativement les principaux affleurements de ces roches et met en évidence une distance minimale d'importation de l'ordre de cinquante kilomètres. La même proportion (6 %) se retrouve pour les meules en matériel sédimentaire. Quatre d'entre elles sont taillées dans des grès permiens analogues à ceux qu'on rencontre sur le site et dans ses environs. Leur origine est très vraisemblablement locale. La mauvaise qualité de la roche, trop tendre car mal cimentée, suffit à expliquer sa faible utilisation dans la confection des meules à grains. Deux autres exemplaires sont taillés dans un micropoudingue hypersiliceux dont l'origine reste à déterminer. À partir du II e s. av. n. è., sur le site d'Olbia, l'importation des meules, majoritairement basaltiques, se faisait principalement à partir des productions agatho-massaliètes d'Embonne/Cap d'Agde, au détriment des productions locales, pourtant archéologiquement bien attestées. Quoiqu'un tel résultat ne soit pas surprenant par lui -même, vu la dépendance d'Olbia vis-à-vis de Marseille à l'époque hellénistique, il n'était pas inutile d'en apporter la preuve. Considérées du côté d'Agde et non plus d'Olbia, ces données apportent une pièce nouvelle pour la reconstitution des trajectoires d'exportations du site majeur d'Embonne à l'époque de sa production intensive, c'est-à-dire à partir du II e s. av. n. è. La limite provisoire, de son domaine oriental d'exportation maritime s'en trouve repoussée de cinquante kilomètres. En association avec le matériel issu du Cap d'Agde, on notera, une fois de plus, la présence d'une faible proportion de meules originaires du très ancien centre de St Thibéry/Bessan. Ce centre avait su maintenir un niveau de production non négligeable à la fin de l' âge du Fer, à la différence d'autres sites de la vallée de l'Hérault. Ce résultat confirme la remarquable stabilité du spectre des importations, observable à cette époque sur les meules de Lattes, Martigues, Aix-ville et La Cloche. Il permet aussi, pour la première fois, d'en constater la permanence pendant la première partie de l'Antiquité romaine, indubitablement représentée dans l'ensemble du matériel examiné. Ce travail a reçu l'appui financier du Service Régional de l'Archéologie de Provence-Alpes-Côte d'Azur et de l'association ASSTERR . | Les fouilles anciennes de la forteresse grecque d'Olbia ont livré en abondance des fragments de meules domestiques (plus de 110 exemplaires), principalement du type rotatif et majoritairement taillées dans des laves basaltiques. L'analyse pétrographique microtexturale appliquée à cette importante population met en évidence une forte prépondérance des exemplaires d'origine lointaine (Cap d'Agde et Saint Thibéry/Bessan, distance 200 km, proportion 75 %). Par contraste, la représentation des meules basaltiques autochtones issues du proche arrière-pays (20-25 km) apparaît bien médiocre (17 %). Cette dissymétrie illustre à la fois la spécificité culturelle d'Olbia, sa subordination politique et économique à la métropole massaliète et l'impact évident du commerce maritime au niveau d'un site portuaire. | archeologie_525-02-11131_tei_127.xml |
termith-158-archeologie | L'occupation humaine sur le Mont-Auxois (Côte-d'Or), plateau naturellement protégé par des falaises, est attestée depuis le Néolithique. Les travaux archéologiques menés depuis le milieu du XIX e siècle ont permis une bonne connaissance des installations anthropiques sur cette commune d'Alise-Sainte-Reine. La mise en évidence de fortifications de siège de typologie tardo-républicaine autour du Mont-Auxois et l'identification d'un camp occupé par Titus Labienus; la présence lors de ces événements d'une coalition gauloise à forte proportion d'Arvernes; la découverte du plus grand arsenal antique retrouvé en Europe, sont quelques-uns des éléments de la démonstration scientifique qui a conduit à l'identification du site comme celui du siège d'Alésia (N apoléon III, 1866; L e G all, 1989; R eddé, V on S chnurbein dir., 2001; R eddé, 2003). Afin de bien comprendre une situation militaire comme celle -ci, connaître l'environnement du siège est essentiel. Si la publication originale concernant l'aspect environnemental du lieu est due à l'étude de la région par J.-J. Collenot en 1873 (C ollenot, 1873), c'est l'abbé Joly (1966) qui a réalisé les premiers relevés géologiques du Mont-Auxois. Ils ont été affinés par la suite lors de la réalisation de la carte du BRGM au 1/50 000 (J acquin, T hierry, 1990). Les formations superficielles ont été identifiées par ce même abbé quand il définit le système géomorphologique de base de corniche (J oly, 1968) : ces blocs effondrés le long des versants du Mont-Auxois ont ensuite fait l'objet d'une cartographie précise (P etit, 1989). Le contexte environnemental du siège a été plus spécifiquement étudié lors des recherches franco-allemandes de 1991 à 1997 sur les travaux césariens (P etit, 2001), mais le fonctionnement hydrogéologique n'y a été abordé que succinctement. Cet élément revêt pourtant un intérêt tout particulier concernant la relation de l'homme à son environnement. La question de l'approvisionnement en eau en fonction des contraintes naturelles auxquelles ont été confrontés les hommes est un point capital dans une situation comme celle du siège de 52 av. J.-C. Même si le cycle hydrologique n'est pas connu durant l'Antiquité puisque c'est Bernard Palissy qui le premier l'esquissera en 1580 dans son « Discours admirable de la nature des eaux et fontaines tant naturelles qu'artificielles » (A udiat, 1868), dès le premier siècle av. J.-C. Vitruve explique la formation des sources par la pénétration dans le sol des eaux de pluie, considérant déjà qu'elles sont arrêtées par une « couche de pierre ou d'argile » (V itruve, VIII, I, 2). Un siècle plus tard, Pline indique bien que l'eau se mêle à la terre et que son tracé est complexe (P line, II, 66). Ces données hydrogéologiques empiriques seront reprises plus tardivement par Palladius, qui précise qu' « il faut examiner la nature du terrain pour pouvoir juger de la quantité et de la qualité des eaux » (P alladius, IX, 8). Quelles que soient les hypothèses émises sur la nature et l'origine des eaux souterraines, elles sont très tôt exploitées (puits, captage…) (V iollet, 2005) et font l'objet, en particulier dans le monde romain, de nombreux travaux (G ros, 1996; A dam, 2008). D'un point de vue militaire, l'accès à l'eau est souvent abordé dans les traités et récits antiques, et en ce qui concerne la Guerre des Gaules, César le confirme en particulier par la stratégie employée à Uxellodunum (infra : partie II). À propos des connaissances relatives au siège, outre la multitude d'informations obtenues par les recherches archéologiques, une source irremplaçable réside dans l'écrit contemporain de la Guerre des Gaules par un acteur même des événements : le De bello Gallico de Jules César. Il s'agit du point de vue du vainqueur, sa lecture nécessite donc d' être considérée avec discernement. Cet ouvrage nous apporte toutefois un éclairage précieux sur l'organisation de l'armée romaine et le déroulement du siège. La question de la gestion de l'eau a été abordée dans un article de Joël Le Gall (1987) qui s'interroge sur le sort des assiégés, mais en quelques pages l'auteur ne fait que donner un aperçu des lieux de disponibilité en eau du Mont-Auxois, sans quantification ni observation des variations de débit. Avant toute réflexion sur la situation des hommes face à la ressource en eau lors du siège de 52 av. J.-C., il est indispensable de connaître précisément le fonctionnement de l'hydrosystème du Mont-Auxois, et donc d'identifier les différentes nappes phréatiques et de quantifier le débit des sources qui en sont issues. Nous présentons ici les résultats des repérages sur le terrain des sources et des mesures de débits. Ils permettent de comprendre les contraintes que pose la répartition des ressources en eau sur le site. Dans un second temps, s'appuyant sur ce modèle hydrogéologique actuel, le réexamen des vestiges archéologiques permet d'appréhender le rôle que ces contraintes hydrologiques ont pu jouer dans une situation exceptionnelle en densité de population et de confinement. Quel fut le rôle de l'eau dans la répartition des effectifs et l'organisation des belligérants au sein des fortifications ? Le Mont-Auxois (407 m) et les plateaux d'altitudes équivalentes de son entourage immédiat – la montagne de Flavigny, le mont Pennevelle, la montagne de Bussy et le mont Réa – appartiennent à la région du « haut-Auxois ». Appelée également « Auxois des plateaux », elle est constituée de tables calcaires en lanières orientées NW-SE dominant d'étroites vallées aux pentes marneuses incisées par les cours d'eau. Au pied du Mont-Auxois, seulement relié au plateau par le col du Pennevelle, s'écoulent en direction de l'ouest les deux rivières responsables de son isolement, l'Oze au nord et l'Ozerain au sud. En aval, la plaine alluviale s'élargit, atteignant près de 4 km (fig. 1). Cette région est soumise à un climat intermédiaire entre le climat océanique et le climat semi-continental de latitudes tempérées (M arceaux, T raboulot, 1994). Les températures, basses pendant l'hiver avec une moyenne du mois le plus froid à 2° C, sont moyennes à fortes en été avec une moyenne du mois le plus chaud à 18° C. La pluviométrie moyenne annuelle dans ce secteur est de 850 mm. Sur les 97 ha du plateau l'apport annuel d'eau correspond ainsi à un volume moyen de 824 000 m 3. Bien définir la lithologie est essentiel car c'est la série stratigraphique qui détermine le fonctionnement des réservoirs hydrogéologiques. La géologie générale du site est constituée d'une dominante de marnes liasiques dans les vallées, surmontées de faciès calcaires sur les plateaux (fig. 2 et 3). Le substrat des vallées alluviales est formé des marnes micacées du Carixien et du Domérien. La base des pentes des vallées est constituée sur plus de 100 m d'épaisseur de marnes du Lias et à mi-pente affleurent 10 m de calcaire argileux à Gryphea Gigantea du Domérien. Ces derniers sont surmontés par des argiles calcaires toarciennes de 40 à 50 m d'épaisseur. Au-dessus, la série calcaire du Jurassique moyen détermine les falaises de près de 40 m qui ceinturent le Mont-Auxois. Ce niveau bajocien moyen se présente sous la forme d'un calcaire orangé à entroques en partie inférieure, surmonté de calcaires à polypiers. Sur le plateau, des marnes à Ostrea Acuminata, dont le taux d'argile atteint 65 %, revêtent un faciès plus calcaire sur quelques intercalations; elles sont d'une épaisseur maximale de 10 m. Enfin, la série lithologique du sommet est franchement calcaire, constituée de calcaires argileux et hydrauliques bathoniens, sur des épaisseurs de 5 à 20 m selon la topographie. La série géologique présente un pendage général de 1-2° vers le nord-ouest; sur le Mont-Auxois, une faille d'orientation SW-NE abaisse d'environ 10 m la partie orientale du plateau. Ce substratum géologique est recouvert par des sols quaternaires peu épais et par endroits par des systèmes de bases de corniche (J oly, 1968); des blocs plus gros, détachés du plateau calcaire, forment des ressauts sur la pente. Leur glissement détermine en aval un bourrelet de marnes et peuvent retenir en amont des graviers cryoclastiques. Deux cours d'eau, en tête du bassin hydrographique de la Seine, s'écoulent au pied du Mont-Auxois : l'Ozerain et l'Oze, affluents de la Brenne. Ces rivières comme leurs affluents présentent une nappe alluviale reposant sur les niveaux marneux du Toarcien. Les affluents sont représentés par une série de petits ruisseaux permanents rive gauche et souvent temporaires rive droite. Les débits spécifiques de ces rivières sont respectivement de 8 et 13 l.s - 1 .km - 2 d'apport moyen annuel en fond de vallée. Bien que les étiages soient parfois très sévères, ces deux sous-affluents de la Seine ne sont jamais asséchés puisqu'ils coulent sur les marnes liasiques. Ainsi l'Oze, d'un débit moyen en février de 5,21 m 3 .s - 1, ne délivre que 0,60 m 3 .s - 1 en septembre, ce qui représente quelques décimètres dans le lit du cours d'eau, dont la largeur n'excède alors pas une dizaine de mètres. Toutefois l'Oze est une rivière abondante : la lame d'eau écoulée est de 394 mm annuellement, soit près de la moitié des précipitations tombées sur son bassin versant. Directement liées à la pluviométrie, les sources de la région sont considérées par les agriculteurs du haut-Auxois comme des « sources folles », qui se multiplient à l'occasion des fortes précipitations. En effet, lors des pluies importantes, les ruissellements sont conséquents du fait de la faible perméabilité des marnes liasiques et bajociennes (1,5.10 - 8 m.s - 1; B eture, C erec, 2003). Si une bonne proportion de l'eau alimente directement les rivières par des écoulements superficiels et des sources ponctuelles, une grande part de l'apport hydrique s'infiltre dans le sous-sol. Les écoulements souterrains sont alors déterminés par la géométrie de la série géologique, l'organisation du substrat conduisant à la répartition des sources pérennes sur les flancs de colline. L'alternance des couches calcaires et marneuses du substrat crée trois niveaux de nappes aquifères et par conséquent trois niveaux de sources sur les flancs du Mont-Auxois (fig. 3). L'eau qui s'infiltre dans le calcaire sommital est retenue par le niveau imperméable des marnes à Ostrea Acuminata. Cette première barrière hydrologique détermine un niveau aquifère à la base du calcaire sus-jacent. Un niveau de source de débit faible et irrégulier est issu de cette nappe. Il se situe exclusivement à l'est du plateau, au contact marnes/calcaire, en raison du pendage général des couches de sa partie orientale. Ces marnes bajociennes constituent toutefois un niveau imparfaitement imperméable et les eaux peuvent s'infiltrer dans les calcaires à entroques sous-jacents. La circulation de l'eau dans les calcaires à entroques est facilitée par une stratification régulière et une karstification marquée comme cela est observable dans l'ancienne carrière, dite du Théâtre des Roches. Cette bonne infiltration conduit à un étiage fort en été. Ces infiltrations sont retenues à la base du calcaire bajocien par le niveau de marnes du Toarcien très imperméables. Les sources sourdent parfois plus bas dans les zones d'éboulis de pied de falaise. Le niveau des calcaires argileux à Gryphea Gigantea du Domérien joue quant à lui un rôle hydrogéologique très modeste. Peu épais et peu fracturés, ses affleurements, restreints de surcroît, sont surmontés par des formations marneuses importantes. En conséquence ils sont mal alimentés et fonctionnent comme drains des marnes toarciennes; ils fournissent quelques sources de débit régulier mais faible; souvent il ne s'agit que de suintements. La nappe alluviale, qui circule dans les graviers alluviaux en fond de vallée, peut être exploitée par puits peu profonds, comme cela est actuellement le cas pour l'alimentation de la ville de Venarey-les-Laumes. Les circulations hydrogéologiques du Mont-Auxois fonctionnent selon un systèmestable. L'emplacement des sources antiques et historiques obtenu d'après les indices archéologiques et archivistiques (fig. 4) met en évidence la stabilité du système au cours des deux derniers milliers d'années. La source dite de la Croix-Saint-Charles (31), captée encore aujourd'hui, est attestée archéologiquement par la présence d'un sanctuaire comportant des systèmes de canalisation. Le sanctuaire, en activité au plus tard depuis le début de l'Empire,est fréquenté tout comme les thermes en contrebas jusqu'a la fin du IV e siècle (L e G all, 1990). Initialement fouillé par É. Espérandieu de 1909 à 1912, le site a été remis au jour par les investigations d'O. de Cazanove depuis 2008 (C azanove dir., 2009). D'autres sources semblent présenter des vestiges d'utilisation antique : c'est le cas des sources de Sous-le-Ret (6) et de Sainte-Reine (26) (P ernet, 1916). Enfin, plusieurs sources aménagées et utilisées à l'époque moderne ont conservé le même emplacement : Sainte-Reine (26), Dartreux (5), Croix-Saint-Charles (31). Les sources qui ne sourdent pas immédiatement en zone d'interface mais en pied d'éboulis, en particulier au pied des bases de corniche effondrées du calcaire à entroques, pourraient paraître moins stables dans le temps. Si les blocs de bases de corniche peuvent glisser légèrement lors de forts changements climatiques, ces mouvements restent exceptionnels et rares, à l'exception de l'écroulement de Grenant-lès-Sombernon en 1620 (B arastier, 1982); sur le Mont-Auxois, il n'a pas été repéré de chute ou mouvement important de base de corniche au cours de l'Holocène, ces mouvements étant exclusivement associés aux périodes glaciaires quaternaires (P etit, 1989). Ainsi, les sources actuelles issues de ces bases sont, sinon exactement à l'emplacement, du moins très près des lieux des sources antiques. Plus d'une trentaine de puits ont été fouillés lors des recherches effectuées depuis 1906 sur la ville gallo-romaine située sur le plateau. D'un strict point de vue géologique la reprise de ces données conduit à obtenir une série de sondages dont on connaît la nature des parois. L'étude de l'implantation de ces puits dans le substrat a mis en évidence un fonctionnement basé sur l'exploitation du niveau aquifère supérieur, situé entre 5 et 20 m sous la surface, à la base du calcaire bathonien et au sommet des marnes bajociennes (V idal, 2008). Quelques rares puits sont profonds de 7 m dans des zones où la nappe est située à 15-20 m de profondeur. Ces puits n'atteignent pas le niveau aquifère mais ont pour issue un niveau argileux compris dans le calcaire hydraulique. En effet, le calcaire bathonien du plateau du Mont-Auxois comprend des intercalations argileuses, ces zones imperméables créant des niveaux aquifères locaux. La présence d'eau dans ces puits lors des fouilles (M angin, 1981) et donc la pérennité de nappes perchées qui peuvent être éphémères, témoignent d'une relative similarité dans le fonctionnement hydrologique et la pluviométrie sur le Mont-Auxois entre l'Antiquité et nos jours. Les sources, issues de contacts géologiques différents,appartiennent à l'un des trois niveaux décrits précédemment. Pour mesurer les débits des sources de l'ensemble de l'aire d'étude (fig. 5), deux périodes ont été choisies dans l'année afin d'obtenir un ordre de grandeur de la valeur de ces débits et de leur variabilité saisonnière : début avril, après les pluies lorsque le débit est le plus fort, et au mois d'août en période d'étiage. Ces mesures ont été effectuées par chronométrage de la durée de remplissage d'un contenant étalonné. Les valeurs données, précises à ± 10 %, correspondent à une moyenne sur trois mesures effectuées le même jour. Pour chaque période l'ensemble des sources a été évalué sur une semaine, en l'absence de variation pluviométrique (fig. 6). Le niveau aquifère du Bathonien s'écoule au niveau de la Croix-Saint-Charles en plusieurs sources de contact : la source du Cloutier (32), celle de la Porte (31), et différentes veinules regroupées par une galerie drainante mise en place pour l'alimentation de l'hôpital Sainte-Reyne en 1672 (fig. 7). Ce niveau produisait 71,7 m 3 .j - 1 lors de son débit haut en 2008, et 24,2 m 3 .j - 1 en août. Le niveau d'eau le plus conséquent est celui de la base du calcairebajocien. Ce niveau aquifère s'écoule par de nombreuses sources sur le pourtour du Mont-Auxois : Perrière (27), Gravotte (29), les Celliers (23), Sous-le-Ret (6), la Glissière (30), Sainte-Reine (26)…; en cumulé, il produit 492,9 m 3 .j - 1 en débit haut, pour 126,3 m 3 .j - 1 en période d'étiage. Il est à noter qu'au sein du même aquifère, du côté ouest de la faille, les débits sont proportionnellement plus importants que ceux des sources situées à l'est; à l'ouest, la série bajocienne n'est pas surmontée par un niveau bathonien, ainsi elle n'est pas privée d'une part d'eau retenue par un niveau supérieur. L'eau sourd le plus fortement à la source des Dartreux (5), au pied des éboulis d'une longue base de corniche. Cette source, qui alimente l'hôpital d'Alise depuis 1685, est partiellement captée à l'aide d'une galerie drainante de 80 m qui s'enfonce dans les éboulis de la falaise de calcaires bajociens (fig. 8). Le niveau du Domérien, quant à lui, suinte en plusieurs endroits comme les Mézières, la Chapelle ou Saint-Georges, pour un débit total stable d'environ 20 m 3 .j - 1. L'expression de l'équilibre hydrologique du Mont-Auxois peut s'exprimer selon ce bilan d'eau : p = etr + qs + qw ± Δw (d'après C astany, 1998). p, précipitations; etr, évapotranspiration réelle et consommation végétale; qs, débit du ruissellement de surface; qw, débit de l'écoulement souterrain (sources); Δw, différence de réserve. La gamme de débit des sources en hiver s'étend de 1,3 m 3 .j - 1 à 504,6 m 3 .j - 1. Celle des variations saisonnières est également étendue, les coefficients d'étiage allant de 1 pour les sources sans variation à 11,4 pour les plus sensibles (Sous-le-Ret 6). La confrontation des débits d'hiver et des débits d'été en fonction d'une échelle logarithmique (fig. 9) met en relief une distribution différentielle selon l'origine des nappes phréatiques. Les sources domériennes présentent un débit faible mais régulier (3, 4, 24, 9, 22). À l'opposé, les sources bathoniennes des buttes périphériques du Mont-Auxois présentent des débits élevés, souvent supérieurs à 100 m 3 .j - 1. Leur régularité s'explique probablement par des recharges de la nappe à longue distance. En revanche les sources bathoniennes du Mont-Auxois, situées au-dessus de la Croix-Saint-Charles, subissent des étiages plus forts. En ce qui concerne les sources de pieds de falaises (bajociennes), la gamme de débit est grande et soumise à des étiages très variables. Par exemple la source des Dartreux (5) a un débit qui va du simple au double entre l'été et l'hiver, quand celle de Sous-le-Ret (6) voit sa production hivernale représenter plus de dix fois son débit d'été. En fin de période de pluies, le mois de mars 2008 présentait une pluviométrie mensuelle de 120 mm, soit un volume d'eau journalier de 3 754,8m 3 .jour - 1 pour le Mont-Auxois, soit une superficie de 97 ha. Nos mesures pour cette période donnent une production d'eau par les sources du Mont-Auxois de 584,6m 3 .jour - 1, soit une efficacité du drainage par les sources d'environ 15,5 % (584/3754). Au sortir de la période estivale, pour le mois d'août 2008 à 90 mm de pluviométrie mensuelle, une moyenne de 2 816,1m 3 .jour - 1 d'eau se déverse sur le plateau. Pour cette période, 170,5 m 3 .jour - 1 sont évacués par les sources, soit environ 6 %de la pluviométrie. Nous remarquons là que le débit des sources est faible par rapport à la pluviométrie. Il s'agit de l'illustration de la reconstitution des réserves et de l'épikarst après l'étiage, de la remontée des niveaux aquifères avant le retour aux débits maximums. Afin de caractériser dans le temps nos périodes de mesures, nous disposons des données de l'Agence de l'eau concernant les débits des rivières locales et des stations limnigraphiques régionales. À l'échelle annuelle les mesures effectuées sur le cours de la Brenne - à Montbard et à Brain - ainsi que la station de l'Oze à Darcey situent les données de l'année 2008 en position médiane dans le classement des modules interannuels naturels (calculés sur 23 ans). À l'échelle mensuelle, ces trois postes, et particulièrement celui de Darcey, confirment que les mois d'avril et d'août présentent les valeurs respectivement maximale et minimale de l'année 2008. Selon ces mêmes stations, les débits du mois d'avril 2008 sont élevés, atteignant presque le double de la moyenne calculée pour ce mois. En revanche, les débits mesurés au mois d'août correspondent tout à fait aux moyennes enregistrées pour cette période d'étiage (données calculées sur 17 à 20 ans). La connaissance du système et le bilan hydrologique établis, nous disposons de la répartition de la ressource hydraulique sur et autour du Mont-Auxois, ainsi que d'ordres de grandeurs valablesconcernant les débits des sources. Les ressources en eau sur le site d'Alésia résultent du climat et des conditions géologiques. La géométrie des couches sédimentaires du Mont-Auxois distribue les résurgences sur trois niveaux. Les mesures effectuées sur les débits des sources nous indiquent certaines relations dans les réseaux de circulations internes, et présentent une géographie des quantités d'eau disponibles différente selon les saisons. La situation climatique du premier siècle avant J.-C, que l'on peut estimer à l'aide de la courbe globale du delta 14 C atmosphérique pour l'Holocène (Stuiver, Braziunas, 1993), montre des valeurs proches de celles des conditions actuelles; elles sont bien différentes des valeurs des dégradations climatiques identifiées au premier Âge du Fer ou au Petit Âge Glaciaire, ou des conditions les plus favorables de l'optimum climatique médiéval. De plus, des études méditerranéennes démontrent également que le climat du premier siècle av. J.-C. est relativement proche du nôtre, sans dégradation climatique remarquable (B erger, 2003; L eveau, 2009). À une échelle régionale, les recherches conduites sur le sujet ne mentionnent pas de détérioration climatique pour la période qui nous concerne, les détériorations les plus proches de la période étudiée apparaissant au cours du deuxième siècle de notre ère avec le haut niveau lacustre dit du Petit Maclu I (M agny, 1992, 1995, 1998). À titre indicatif la courbe de température moyenne reconstruite pour les deux derniers millénaires (M oberg et alii, 2005), indique que la température moyenne annuelle correspondant au changement d'ère est à peine inférieure à l'actuelle (0,2 à 0,4° C de moins). Or, si cette courbe débute avec notre ère, elle ne marque pas, au début du premier siècle, de tendance résultant d'une différence majeure avec le siècle précédent. Ainsi, les données à notre disposition, bien que de natures différentes, concourent à présenter le climat du milieu du premier siècle av. J.-C. comme relativement proche de l'actuel. Les données du système hydrogéologique (pluie, débit) dans le contexte climatique et géologique actuel peuvent être utilisées comme ordre de grandeur pour les périodes antiques, les conditions environnementales étant quasi semblables il y a deux milliers d'années (P etit, 2001; D urost et alii, 2008; V idal, 2008). En conséquence, ce modèle hydrogéologique dont les paramètres essentiels - pluie et substrat - n'ont pas évolué de façon notable, correspond bien à la nature des contraintes naturelles présentes sur le site il y a un peu plus de deux millénaires. Le cas du siège d'Alésia est singulier puisqu'il ajoute aux faits archéologiques un certain nombre de données apportées par l'écrit contemporain : le De bello Gallico. Les positions romaines sont aujourd'hui bien localisées grâce à 150 ans d'investigations conduites sur le Mont-Auxois et ses environs et en particulier aux recherches franco-allemandes (R eddé, V on S chnurbein dir., 2001); les positions gauloises sont de mieux en mieux appréhendées suite aux fouilles de remparts et à la mise en évidence de quartiers suburbains (C reuzenet, 1993; B arral, J oly in R eddé, V on S chnurbein dir., 2001; C reuzenet in Collectif, 2005). La connaissance des quantités d'eau disponibles et de leur distribution apporte des précisions sur les moyens de gestion nécessaires et sur les conséquences que pouvait avoir cet état de la ressource naturelle lors d'une situation de crise comme le siège de 52 av. J.-C. L'été de la septième année de la Guerre des Gaules, suite à un assaut infructueux, Vercingétorix et ses hommes se replient dans l ' oppidum des Mandubiens sur le site d'Alésia. Ils sont suivis, à un jour d'intervalle, par l'armée de César. Cette dernière entreprend alors le siège de la ville gauloise par l'établissement de camps militaires et l'encerclement du Mont-Auxois au moyen de deux lignes de fortifications. Dans ce contexte de siège d'environ deux mois qui débute en fin d'été, où plusieurs dizaines de milliers de personnes vivent sur cette zone, les disponibilités en eau ont-elles influencé le tracé des systèmes défensifs et le déroulement des opérations ? En effet, lors de l'attaque d'une place forte, si l'assaut échoue, les opposants sont confrontés au siège - plus ou moins durable - et donc à des problèmes de logistique. Les assiégés sont coupés de tout approvisionnement extérieur, les assiégeants sont loin de leur base et sans autre infrastructure que celles qu'ils construisent. Les deux belligérants ont pour objectif, si une bataille ne permet pas de débloquer la situation, de ne pas céder en premier. À ces difficultés logistiques s'ajoutent souvent des problèmes sanitaires. L'eau, indispensable à la survie des populations et des bêtes, est un élément majeur dans la gestion de ces conditions et nécessite une prise en compte dans l'organisation de la vie en communauté. Les auteurs antiques mentionnent souvent cette contrainte lors de récits militaires, par exemple à Pylos où « Par suite du manque de vivres et d'eau, la surveillance exercée par les Athéniens était extrêmement difficile. L'unique source se trouvait dans la citadelle de Pylos, encore était-elle peu abondante » (T hucydide, IV, 26, 2). L'étude de l'environnement et les vestiges archéologiques peuvent nous informer sur les contraintes auxquelles ont dû faire face les assiégeants comme les assiégés. L'armée romaine républicaine est une armée professionnalisée aux soldats très entraînés. Le paramètre vital que représente l'eau occupe une place nécessaire dans son organisation. Lors d'un siège, l'implantation des fortifications en terrain hostile prend en compte les paramètres de durée, d'isolement et d'approvisionnement. Pour des raisons tactiques l'implantation se fait sur un lieu de préférence en hauteur, mais les critères essentiels de choix sont l'accessibilité sûre et facile, la proximité de prairies suffisantes pour le fourrage des bêtes, un terrain aussi uni que possible et la présence de points d'eau. Chaque jour, le rassemblement matinal est sonné. Les hommes vont prendre les ordres et sont constitués les détachements chargés des vivres et des matériaux. L'eau fait partie de ces charges quotidiennes (F lavius J osèphe III, 5, 3, 85). Des valets en grand nombre - au moins 1500 par légion - secondent les soldats dans ces tâches; certains de ceux -ci sont ainsi de corvée d'eau. Des structures peuvent être mises en place pour faciliter les approvisionnements en eau et les sources aménagées et captées. Pour les installations durables un système d'adduction déverse l'eau dans une fontaine au sein du camp. Afin de ne pas dépendre de l'extérieur des puits sont parfois creusés. Si les travaux de captage sont courants pour faciliter la collecte de l'eau, dans le cas présent d'une armée en campagne et d'installations temporaires, les systèmes d'adduction sont certainement beaucoup plus rares et aucun n'a en tout cas été repéré lors des fouilles. Parmi les immunes, qui sont pour beaucoup d'habiles artisans officiant au sein des fabricae, c'est l ' aquilex qui est chargé de l'approvisionnement en eau et particulièrement du captage des sources (L e B ohec, 2002). L'eau peut également jouer un rôle tactique. Tout d'abord comme ressource vitale dont on peut priver son adversaire. L'exemple en 51 av. J.-C. du siège d ' Uxellodunum, où « César […] plaça des archers et des frondeurs, disposa des machines de guerre vers les endroits où la descente était le plus facile, et par là interdit aux assiégés l'accès de la rivière. » (C ésar, VIII, 40) avant de faire saboter la source qui alimente l ' oppidum des Cadurques, en est la meilleure illustration. Mais l'eau est aussi une arme défensive et peut participer à la protection des combattants par la réalisation de fossés inondés, ou bien lorsqu'une armée est en marche, un cours d'eau peut être utilisé comme frontière face aux adversaires (C ésar, VII, 34). Aussi dans l'écrit césarien de la Guerre des Gaules, l'eau est souvent présente et l'on compte de nombreux passages où César évoque les enjeux que fleuves, rivières et marais posent en termes de déplacements, et où il précise les passages à gué et constructions de ponts.Mais les mentions de l'eau pour son approvisionnement sont plus rares, signe d'un élément quotidien bien géré, auquel on ne prête pas attention pour l'écriture d'un récit militaire. Toutefois, à quelques reprises cet élément est rappelé, d'une part concernant l'approvisionnement des soldats : par exemple en 55 av. J.-C. où il prévient les Germains « qu'il n'avancera ce jour -là que de quatre milles, pour se procurer de l'eau » (C ésar, IV, 11), d'autre part lorsque l'alimentation en eau des adversaires est un élément qui entre dans la tactique. Avec l'exemple d ' Uxellodunum (C ésar, VII, 40, et 41), mais aussi plus tôt, en 52 av. J.-C., devant Gergovie, César mentionne une grande colline qui, si elle était prise, priverait l'ennemi d'une grande part de son eau (C ésar, VII, 36). Autour d'Alésia César fait édifier deux lignes de fortifications, traditionnellement désignées contrevallation pour celle qui enserre l ' oppidum, et circonvallation pour celle qui encercle le tout en protégeant l'armée césarienne d'une attaque extérieure. Chacune est pourvue de fossés et de pièges en avant d'un agger surmonté du vallum. Elles s'étendent respectivement sur 15 et 20,7 km. Les camps et les lignes ont été implantés suivant des principes tactiques, mais également influencés par les conditions géomorphologiques (P etit, 2001). Superposer le tracé des fortifications à une cartographie de la disponibilité en eau nous permet d'examiner les relations entre ressources et positions militaires (fig. 10). La première observation concerne la tactique. Les fortifications qui longent l'Oze et l'Ozerain ne sont distantes des rives que de 100 à 250 m au maximum; or la portée efficace de l'artillerie tardo-républicaine est de 200 à 300 m (B aatz, 1994; D eyber in R eddé dir., 1996; R eddé, 2003; R ichardot, 2006). Protégeant ainsi l'accès à l'Oze et à l'Ozerain par l'armement de longue portée cette configuration présente deux avantages. D'une part, elle interdit l'accès à une ressource en eau aux assiégés, d'autre part les rivières intègrent ainsi le système de pièges comme un obstacle supplémentaire. En effet, César n'écrit pas que les rivières qui bordent l ' oppidum des Mandubiens constituent un rempart ou un obstacle infranchissable, il ne fait que préciser que deux cours d'eau baignent le pied de l ' oppidum. Les rivières ne constituaient pas un rempart suffisant car en été les eaux sont peu élevées. Toutefois en avant de la fortification, les cours d'eau, s'ils sont à portée de tir, présentent l'intérêt de ralentir une attaque, de « casser » la charge et donc de prolonger l'exposition de cette dernière à l'artillerie. Les lignes placées à cette distance font des cours d'eau une partie intégrante du système défensif. C'est probablement pour prolonger cette fonction dans la plaine des Laumes, zone où les rivières sont trop éloignées, que les troupes romaines ont détourné l'Ozerain vers un fossé en avant des lignes. Cette pratique, peu usuelle dans la fortification romaine, a été habilement utilisée dans la zone où la nappe aquifère est la plus haute afin de conserver un niveau d'eau (contrevallation côté ouest sur la figure 10). La fouille du fossé qui accueillait ce détournement a mis en évidence un fond en cuvette quand les autres fossés défensifs découverts présentent un profil en « V » (R eddé, V on S chnurbein dir., 2001) (fig. 11). Le second point concerne les moyens d'approvisionnement en eau disponibles. En deux endroits à l'est, les lignes frôlent des lieux de source et les incluent dans la fortification. Pour les deux résurgences de Ravouse (9 et 10), seule celle de l'ouest se trouve dans l'enceinte. Il est fort probable que lors de la construction, l'attention n'ait pas été portée sur ces deux sources de débit faible bien que constant alors qu'une rivière s'écoule à seulement 200 m. En revanche, pour la source de Sauzaie plus au nord (8), l'intégration au dispositif est heureuse puisqu'elle est la seule source incluse dans les travaux de la montagne de Bussy. Il y avait grand intérêt à ce qu'elle soit au sein des fortifications, et sa position au pied de la falaise en fait une ressource en eau bien plus proche des camps B et castellum 18 et 15 que l'Oze. Il est à noter que des structures de dimension réduite occupaient le moindre replat, par exemple un petit camp se situait entre le camp B et le castellum 11 (R eddé, V on S chnurbein dir., 2001). À l'ouest de la montagne de Bussy le camp G, possiblement abandonné avant les combats finaux (R eddé, V on S chnurbein dir., 2001), se trouve à l'extérieur des lignes; à moins de 250 m se trouve l'abondante source de Poset (1). Plus à l'ouest, le tracé des fortifications semble indiquer le Mont Réa comme la colline au nord « que les [Romains] n'avaient pu comprendre dans leurs lignes à cause de son étendue, ce qui les avait obligés d'établir le camp sur un terrain presque défavorable et légèrement en pente » (C ésar, VII, 83). Ici la rivière traverse les lignes au pied de la montagne, et deux sources sont situées sur ses flancs dont une au sein des remparts. Vers le sud, la plaine des Laumes ne possède aucun point d'eau sur les deux kilomètres de fortifications situés entre les deux rivières. Au niveau de la montagne de Flavigny, qui accueille sur ses hauteurs les camps A, B et le castellum 11, les pentes sont bien plus fournies en résurgences que sur le flanc sud de Bussy. De nombreuses sources s'y trouvent, dont trois sont proches des camps de hauteur, et à l'est celle de Queuil se trouve immédiatement au pied des falaises entre le camp B et le castellum 11. Le castellum 10 est lui très proche d'une source (18) de débit moyen mais constant. Victor Pernet, lors des fouilles du Second Empire, avait remarqué que « Les camps situés sur les hauteurs avaient toujours leurs portes situées du côté intérieur de la circonvallation, et placées le plus près possible de l'endroit où existe une source : il fallait, en effet, sans sortir des retranchements, abreuver les troupes cantonnées sur les plateaux. […] Or, au bas du rocher, précisément en face [de] la porte du camp [A ], il y a une bonne source, nommée fontaine de Preutin. » (P ernet, 1908). L'observation cartographique ne rend pas cette remarque si évidente ou systématique. S'il est incontestable que la porte du camp A regarde la source de Preutin (20), ce n'est pas le cas de la porte intérieure du camp B ni de celle du castellum 11, pourtant proches de la très importante source de Queuil (17). Cette observation s'avère tout de même juste pour le castellum 15 qui présente deux portes intérieures dont l'une est dans l'axe de la source Sauzaie (8). Les portes sont orientées également en fonction de la topographie pour faciliter les mouvements des troupes. Dans l'ensemble il n'y a pas de détour évident pour inclure telle ou telle source et l'on ne connaît pas de construction fortifiée édifiée spécialement autour d'un point d'eau extérieur. Les lignes incluent un certain nombre de points d'eau, mais les contraintes premières auxquelles ses bâtisseurs se sont pliés sont tactiques et topographiques. Les rivières ont été utilisées pour la défense et surveillées pour ne pas servir à l'ennemi. Les sources quant à elles ne sont pas mentionnées par César dans les travaux d'Alésia, et sont diversement réparties au sein des retranchements. Étudions quantitativement ce qu'elles représentaient en regard des troupes en présence. Au vu des informations données par César au long de son récit, le siège s'est déroulé à la fin de l'été 52 av. J.-C. Cette période correspond aux débuts de l'intensification progressive de la pluviométrie annuelle. Le climat de l'année 52 av. J.-C. présente une amélioration par rapport à la sécheresse de 54 av. J.-C. et ses suites de 53 av. J.-C. (D urost et alii, 2008). Le siège se déroule ainsi dans des conditions comparables aux moyennes actuelles des mois d'août et septembre, ce qui nous situe en période de fin d'étiage, lors de la reprise des pluies et du rechargement des nappes. Nos mesures d'été donnent ainsi un bon ordre de grandeur pour observer les quantités d'eau qui pouvaient être disponibles pour les combattants autour du Mont-Auxois (fig. 12). L'armée césarienne à Alésia compte entre 10 et 12 légions (R eddé, 2003). Une légion de la fin de la République comporte environ 5 200 hommes, répartis en 10 cohortes de 480 hommes, excepté la première qui en compte 800. Ces cohortes sont divisées en centuries de 80 hommes, elles -mêmes constituées de contuberium de 8 soldats. Ce total est toutefois à modérer car au moment du siège les légions ont déjà participé à de nombreux combats lors de l'année 52 av. J.-C., et leurs effectifs en sont largement diminués. Il faut estimer à 40 000 - 45 000 le nombre de soldats des troupes romaines autour du Mont-Auxois en 52 av. J.-C. (R eddé, 2003). À ces soldats il faut ajouter les valets, soit presque un homme pour deux légionnaires, ainsi que les nombreux auxiliaires, mercenaires recrutés dans des contingents étrangers. En effet, César ne chiffre que les soldats, et seulement de manière ponctuelle certains auxiliaires comme les 500 cavaliers germains. La consommation journalière en eau d'un soldat en activité est d'environ deux litres en estimation haute. Les légionnaires romains consomment également de la posca, une eau vinaigrée; cela permet, outre un goût supplémentaire, d'inclure à l'eau les vertus antiseptiques du vinaigre et d'autoriser ainsi une consommation plus sûre des eaux saumâtres. À la consommation des hommes s'ajoutent celle de l'hôpital de campagne et surtout celle des animaux. Ces derniers sont en grand nombre dans le train de l'armée en campagne : chaque contuberium comprend deux mulets et deux supplémentaires pour le centurion. S'ajoutent les bêtes qui participent à certaines activités (la forge, les meules, etc.) ainsi que 150 à 200 bêtes par légion pour l'artillerie. Les animaux de rechange ou la viande sur pied sont également à comptabiliser. Enfin s'ajoutent les chevaux des cavaliers. Soit un total autour de 2 000 bêtes par légion (G ilbert, 2008). Hors de l'armée romaine, les auxiliaires ont également des animaux, en particulier les contingents de cavalerie recrutés pour pallier la faiblesse de l'armée césarienne dans cette arme.Un bovin non laitier ou un cheval consomme entre 25 et 50 litres d'eau par jour selon sa morphologie, la température extérieure et son activité. Les bêtes antiques étant généralement un peu plus petites que les modernes, ces valeurs sont à considérer dans leur moyenne basse. Ainsi, l'estimation indicative de l'effectif global permet d'envisager un total de 65 000 – 75 000 hommes à abreuver, se trouvant au sein des fortifications. Ils étaient répartis dans les camps et castellum mais également dans un grand nombre d'autres fortins disposés au sein des lignes et répartis à différentes altitudes, occupant le moindre replat tactique. À l'observation des figures 10 et 12, il faut avoir à l'esprit le fait que le camp I n'est pas césarien et que la contemporanéité du siège des camps H et K reste à vérifier; aussi nous ne les prendrons pas en compte. Les rivières traversent les fortifications de part en part en quatre points différents. Cet apport d'eau permanent au sein même des retranchements - qui en période d'étiage représente environ 80 000 m 3 .j - 1 - élimine d'emblée la question de ressources suffisantes ou non pour les hommes et les bêtes. Cependant, les sources ont certainement joué un rôle important du fait de la production conséquente de certaines d'entre elles, particulièrement lorsqu'elles sont proches de lieux densément occupés par les soldats. Elles revêtaient un intérêt particulier dans les zones de hauteur en permettant un allègement de la logistique d'approvisionnement, et en autorisant la station d'une partie du bétail plus près des camps. Nous pouvons ainsi comparer les estimations de populations des camps proposées par S. Von Schnurbein (R eddé, V on S chnurbein dir., 2001) et les quantités d'eau disponibles à proximité. Une source de classe 1 produit entre 1 et 10 m 3 d'eau par jour. De 500 à 5 000 personnes peuvent donc en dépendre, soit jusqu' à une légion sans les bêtes. Les sources de classe 2 sont capables d'alimenter de 5 000 à 30 000 hommes, soit une légion avec les bêtes ou six sans animaux, au maximum. La classe 3 permet, au minimum, de pourvoir aux besoins de six légions avec leur bétail. Une source de classe 4 peut, grâce à 250 m 3 par jour au minimum, fournir de l'eau pour l'ensemble des combattants au sein des fortifications (légionnaires et auxiliaires) (fig. 13). Plusieurs sources sur les plateaux ont des débits importants à l'extérieur des lignes romaines. Ces points d'eau conséquents offraient la possibilité pour les occupants des hauteurs de s'approvisionner à même altitude. C'est le cas de la source Marin (2, classe 3) sur la montagne de Bussy, de celle d'Epermaille (11, classe 3) sur le Pennevelle, et de la Recluse (15, classe 4) sur la montagne de Flavigny. Toutefois, si au début du siège ces lieux ont pu être exploités, César exprime son souhait de pouvoir tenir au sein des fortifications quand « il ordonna que chacun se procure du fourrage et du blé pour trente jours » (C ésar, VII, 72). Il est à noter qu' à ce moment -là César ne fait pas cas de l'eau, et ce en raison des quantités suffisantes disponibles au sein des retranchements. Sur la montagne de Bussy se trouve le camp C attribué à Labienus, ainsi que les castellum 18 et 15. Au vu de leur superficie et des densités usitées selon Polybe, des occupations respectives par 3 000, 500 et 300 hommes sont envisageables (R eddé, Von S chnurbein dir., 2001). Sur les flancs de la montagne de Bussy, un seul accès à l'eau est possible au sein des retranchements : la source de Sauzaie (8, classe 4). Incontestablement cette source très importante fut l'approvisionnement principal de cette zone des fortifications, en particulier par sa relative proximité avec le camp C et le castellum 15. Elle est située au pied de la falaise bajocienne, immédiatement sous le castellum 15, et on est obligé de passer à proximité si l'on souhaite rejoindre l'Oze depuis le plateau. Cette source représente donc une économie de temps et d'efforts dans l'approvisionnement en eau des fortifications sommitales, car elle évite de descendre à la rivière. Sur le flanc du Mont Réa, César indique que se trouvent au moins deux légions, soit 7 000 à 8 000 hommes. On apprend également que Labienus parvient à rassembler 39 cohortes se trouvant déjà à proximité lors des combats, soit environ 15 000 hommes. Dans cette zone les sources sont peu nombreuses et de faible débit (classe 1). Aussi, il est évident que si dans le secteur se trouvaient une vingtaine de milliers d'hommes, c'est la rivière qui constituait la ressource en eau principale puisqu'elle traverse les lignes au pied du mont sur une assez grande longueur. Plus au sud, la plaine des Laumes est la portion de fortifications la plus pauvre en ressources aquifères. Il s'agit pourtant d'une zone tactique très importante, la seule sans défense naturelle, et densément occupée par les soldats. Ils sont répartis dans un système de cloisonnement mis en évidence au fortin de l' Épineuse lors des fouilles des années 1990, celui -ci ayant pour objectif d'éviter la propagation des Gaulois à l'intérieur des lignes s'ils parvenaient à percer (R eddé, 2003). Une importante portion du bétail devait être concentrée aux extrémités nord et sud de cette zone, près des rivières, tandis que l'intendance transportait l'eau depuis les rivières dans les fortins. Toutefois, la plaine présente une solution alternative par la présence du niveau aquifère souterrain à peu de profondeur. Des puits ont potentiellement été utilisés comme ressource d'appoint. Ainsi les fouilles du XIX e siècle dans ce secteur ont repéré ce qui a été interprété en 1861 comme un « puits militaire à balancier […] creusé dans le sable, [avec lequel] on a de l'eau toujours filtrée et toujours fraîche » (P ernet, 1907). Cette découverte suscita pour ses découvreurs « la conviction que bien d'autres puits semblables [devaient] exister dans la traversée de la plaine des Laumes » (Ibid.). Il est difficile de valider ou non cette interprétation sur la base des documents disponibles. Ce moyen pouvait également être employé sur les camps de hauteur, positionnés en bordure du calcaire, car des aquifères retenus par des niveaux argileux du Bathonien étaient parfois accessibles à peu de profondeur. C'est ce qu'illustre l'accès à l'un de ces niveaux dans le titulum du camp A repéré à seulement 2,26 m de profondeur lors des fouilles des années 1990 (R eddé, V on S chnurbein dir., 2001). Du côté de la montagne de Flavigny, qu'occupent les camps A, B et le castellum 11, les sources sont en plus grand nombre grâce au pendage des couches géologiques. Au sein des lignes se trouvent, en partie basse près de la circonvallation, quatre sources de classe 1, permettant chacune l'alimentation de quelques milliers d'hommes. Ces sources ont sans doute été exploitées afin de subvenir aux besoins des soldats qui garnissaient la circonvallation. Le camp A, occupé par un millier d'hommes, surplombe les deux sources d'En Preutin (20, 21), dont V. Pernet a déjà remarqué la situation dans l'axe de la porte. Ces deux sources, en période d'étiage, ont des débits suffisants pour alimenter sept fois la population de ce camp. L'ensemble des troupes, animaux compris, pouvait dépendre de ces ressources situées au pied des falaises. Plus loin, le camp B, attribué à César par M. Reddé (2003), comprenait 3 500 soldats, tandis que le castellum 11 en comptait environ 500. À équidistance de ces deux retranchements en contrebas, se trouve une source particulièrement abondante, celle de Queuil (17), qui fournit pendant l'été près de 200 m 3 d'eau par jour. Cette source, par sa position et son débit, représentait un atout très important en termes d'autonomie et de facilité d'approvisionnement pour les retranchements alentour, et particulièrement le camp B et le castellum 11. Les ressources en eau n'ont pas été une inquiétude pour les Romains, ne serait -ce que par le passage des rivières au sein des fortifications. Mais l'étude des quantités d'eau disponibles à proximité des camps et fortins permet de mieux appréhender l'organisation logistique concernant les approvisionnements en eau durant le siège. Il semble évident, vu leur nombre, que la majorité des bêtes de somme étaient placées à proximité des rivières afin d'éviter le transport de trop grandes quantités d'eau. Mais la présence de très importantes sources autorisait le stationnement d'un bon nombre d'animaux en contrebas des camps. De plus, la majorité des hommes pouvaient être abreuvés par les sources réparties en différents points. Elles ont permis à la position tactique de ne pas être remise en cause par des problèmes logistiques lors de la répartition des troupes au sein des fortifications. Dans certaines situations, en particulier sur la montagne de Flavigny, la proximité et l'altitude des ressources facilitaient l'approvisionnement, économisant temps, efforts et main d' œuvre, cette dernière étant précieuse vu l'étendue des défenses. Dans d'autres zones, il a toutefois fallu s'accommoder de l'éloignement des ressources : c'est le cas pour la plaine des Laumes et dans une moindre mesure du castellum 18, voire du camp C. Concernant la cavalerie, la proximité d'un certain nombre de sources conséquentes avec les camps ou fortins a permis de garder les bêtes dans l'entourage ou à l'intérieur même des structures. Les sources de fort débit au sein des retranchements désignent là des points névralgiques de la logistique interne des retranchements césariens. La mise en évidence de ce phénomène participe à la compréhension globale de l'organisation des assiégeants lors de cet événement majeur de la Guerre des Gaules. Nous n'avons pas de source écrite émanant des assiégés; nos informations historiques sont donc tributaires de la vision d'un étranger, qui plus est ennemi et vainqueur, et donc enclin à donner la version des faits qui va le servir. De plus, les positions gauloises sont connues dans les grandes lignes mais ne sont pas aussi précisément repérées que le sont les fortifications romaines. Toutefois la limite d'une zone accessible marquée par la portée de l'artillerie adverse, ainsi que le fonctionnement hydrologique du Mont-Auxois nous permettent d'obtenir des indices suffisants pour clarifier les contraintes auxquelles les assiégés ont dû faire face. Ceux -ci sont bien plus démunis que les Romains du point de vue des ressources en eau, ne serait -ce que par leur impossibilité d'accès à la rivière (fig. 10). Les Gaulois ont dû se tourner alors vers la seule ressource en eau disponible sur Alésia : les sources (les puits gaulois n'étant pas identifiés ou restent mal datés). Les mesures sur l'ensemble des sources du Mont-Auxois permettent de donner des ordres de grandeur de la totalité de l'eau disponible et sa distribution (fig. 6 et 12). La mise en relation des effectifs gaulois et des quantités d'eau disponibles lors du siège permet de se pencher sur la réalité des conditions de cette situation. Sur le Mont-Auxois au début du siège se trouve lafaiblepopulation mandubienne à laquelle s'ajoutent les combattants de Vercingétorix. Cette armée de coalisés compte 80 000 hommes selon César (C ésar, VII, 71). Nous n'avons aucun moyen de vérifier cette donnée car si l ' imperator peut livrer une évaluation juste, il peut également grossir le chiffre pour valoriser sa victoire. Cependant, au vu des offres de Gaulois en esclavage à chacun de ses soldats suite à la victoire (C ésar, VII, 90), nous prenons le parti de retenir cet ordre de grandeur comme cela est admis par M. Reddé (R eddé, 2003). L'approvisionnement en eau est un paramètre logiquement pris en compte lors de l'installation d'une place forte. Pour les Gaulois de l ' oppidum d'Alise, les sources proches de la Croix-Saint-Charles suffisaient avec 24 m 3 par jour au plus bas du débit. Dans les conditions du siège, en présence de l'armée coalisée, cette ressource bien utile se révéla insuffisante et nécessita la multiplication des lieux d'approvisionnement. La production de l'hydrologie souterraine du Mont-Auxois en fin d'été s'établit à un peu plus de 170 m 3 quotidiens déversés sur les pentes par des sources majoritairement au-dessus de 350 m d'altitude. L'ensemble de ces ressources était accessible aux assiégés car hors de portée de l'artillerie romaine. Il y a donc sur le Mont-Auxois un potentiel hydrologique largement suffisant pour alimenter l'ensemble des assiégés. De plus, les deux litres par jour que nous évoquions constituent une moyenne de confort et il est évident qu'en contexte de siège, un litre quotidien peut si besoin sustenter les hommes sans atteindre les limites de survie. Capter la moitié des eaux du Mont-Auxois pouvait suffire. Seulement 24 m 3 par jour étaient disponibles au niveau des sources de plateau. C'est donc au pied des falaises et des éboulis bajociens, où s'écoulent plus de 125 000 litres.j - 1, qu'il faut chercher l'approvisionnement principal des assiégés. Des fortifications avancées permettaient de protéger l'accès à ces zones de pied d'escarpement, la descente en était facilitée par des poternes comme celle fouillée dans les falaises qui surmontent la source des Celliers (M angin, 1975; M angin in Collectif, 1987). La présence des sources au pied des falaises qui ceinturent un oppidum constitue une configuration courante de ces places gauloises. En effet, les nappes aquifères se forment grâce à la présence d'un niveau sédimentaire imperméable à la base d'un étage rocheux dans lequel s'infiltrent les précipitations. C'est d'ailleurs une disposition similaire qui est visible à Uxellodunum (le Puy-d'Issolud à Vayrac) où la source - unique du fait du pendage des couches - sourd à la base du niveau de calcaire de l'Aalénien inférieur, plus de 120 m sous le sommet de l ' oppidum. César remarque que « l'eau d'une fontaine abondante, sort[ait] du pied même des murs » (C ésar, VIII, 40). Les ressources sont présentes et accessibles sur l ' oppidum d'Alésia; toutefois, si notre propre expérience lors des mesures, ainsi que les vestiges d'exploitations antiques témoignent de la facilité de mise en place de systèmes de récupération des eaux, il n'est pas envisageable que la totalité de l'eau produite soit captée sans perte. En termes de gestion, les Gaulois possédaient le savoir-faire pour transporter cette ressource et la stocker temporairement (tonneaux, citernes…). La quantité exploitée, si elle ne représentait pas la totalité de la ressource écoulée, était donc suffisante aux hommes si une utilisation rationnelle était mise en œuvre. Si les quantités dont disposaient les Gaulois convenaient pour alimenter les hommes, la consommation animale posait un problème. En effet, César précise que les Mandubiens ont amené une importante quantité de bétail, et les insurgés, outre une cavalerie nombreuse, sont accompagnés de bêtes de somme pour le transport. Concernant l'éventuel risque bactériologique comme facteur limitant dans l'exploitation de l'eau, cette contrainte - qui ne concerne pas la cavalerie rapidement éloignée - nous semble peu probable en raison, d'une part, du haut niveau de pollution animale nécessaire pour affecter les ressources (E uzéby, 2002); d'autre part, car il ne fait aucun doute que la gestion courante du bétail ait conduit, en terme de répartition, à des habitudes évitant ce type de désagrément. La cavalerie de 15 000 hommes et chevaux - chiffre donné avant la bataille de cavalerie qui conduisit à Alésia et lors de laquelle de nombreux Gaulois périrent (C ésar, VII, 67) - ne reste que quelques jours à Alésia avant d' être envoyée recruter une armée de secours. Durant son séjour, la cavalerie a accès aux rivières puisqu'elle décide de son départ justement avant que les fortifications romaines ne soient complètes. Pour le reste du bétail, si en temps de paix les Mandubiens pouvaient abreuver leurs animaux aux rivières, le siège mis en place, ils ne disposaient semble -t-il que des ressources de l ' oppidum. Ces dernières furent insuffisantes pour répondre aux besoins de tous. Ainsi, les animaux - trop consommateurs - ne pouvaient être tous gardés en vie. De plus, avec seulement un mois de vivres pour un siège qui en dura le double, ces mêmes animaux représentaient un potentiel de nourriture qu'on imagine mal ne pas être consommé. Pour alimenter les assiégés en eau, il fallut mettre en place un système de distribution et installer une partie des personnes à proximité des ressources. Dans l'organisation du rationnement alimentaire (C ésar, VII, 71), l'eau faisait partie des ressources à économiser. Dans cette configuration, un siège d'une telle ampleur n'est pas sans entraîner des conditions très dures pour les assiégés, 80 000 hommes enfermés demandant une organisation rigoureuse des distributions en eau et vivres, un rationnement total pour faire face au surnombre. L'étude précise du fonctionnement hydrologique du théâtre des opérations de 52 av J.-C. nous permet de mieux appréhender les contraintes et l'organisation des hommes pour un événement ponctuel : le cas ici d'une situation de crise qui sollicite particulièrement les ressources naturelles. Les zones de distribution de ces ressources ont constitué des lieux capitaux au sein des retranchements de chacun des belligérants. L'homme choisit le milieu qu'il exploite en fonction de différents paramètres : la disponibilité en eau en fait fréquemment partie. Toutefois, il peut arriver que l'on soit contraint de s'implanter, en surnombre, dans un lieu non choisi : la ressource en eau est alors une contrainte forte. Pour le site d'Alésia, l'étude archéologique associée à la collecte et à la compréhension des données environnementales a permis d'obtenir des informations sur les conditions auxquelles les hommes ont été confrontés : le site présente d'importantes disponibilités en eau, mais qui subissent de forts étiages. De plus, le Mont-Auxois dispose de nombreux points d'accès en eau mais dont les débits restent limités. Le siège de 52 av. J.-C. correspond à une situation de crise tant pour les assiégeants que pour les assiégés : une densité de population inhabituelle se trouve en un lieu dont elle ne peut sortir. Ainsi à la lumière de la répartition des sources et de l'estimation de leurs débits, nous avons montré que l'armée romaine assiégeante ne craignait pas de manquer d'eau; mais que la présence et les positions des sources ont joué de façons différentes sur l'organisation au sein des fortifications. Il est à noter que c'est sans doute en raison d'une gestion de l'eau sans difficulté que César ne mentionne pas la question de son approvisionnement. Il nous semble que cet élément alimente l'appréciation selon laquelle le De bello Gallico est bien un rapport destiné à fournir le minimum descriptif permettant de se représenter les événements, mais ne s'appesantissant pas sur des détails, excepté lorsque ceux -ci étaient propres à impressionner son lectorat, comme dans les cas - en matière d'eau - de construction de pont ou de privation de source de ses adversaires. Les assiégés quant à eux disposaient de ressources en eau suffisantes mais limitées. Comme l'écrit justement Joël Le Gall, « la soif n'a pas torturé les défenseurs d'Alésia » (Le Gall, 1987). Toutefois l'étude hydrogéologique des sources permet d'attester qu'il fut nécessaire d'organiser strictement la gestion des ressources pendant le siège. Ces nécessités ont probablement consisté à exploiter un maximum de points d'eau, à rationner des ressources et à abattre des animaux trop consommateurs. Cette nécessité de restriction en eau donne un nouvel éclairage à l'épisode du renvoi des populations non combattantes hors de l ' oppidum : « Ceux qui, à raison de leur santé ou de leur âge, ne pouvaient rendre de service à la guerre, sortiraient de la place […] Les Mandubiens, qui les avaient reçus dans leur ville, sont forcés d'en sortir avec leurs enfants et leurs femmes. Ils s'approchent des retranchements des Romains, et, fondant en larmes, ils demandent, ils implorent l'esclavage et du pain » (C ésar, VII, 78) . | Le Mont-Auxois, lieu du siège d'Alésia, a fait l'objet d'une étude de terrain destinée à définir les contraintes naturelles du milieu d'un point de vue hydrogéologique. Nous abordons, à partir des connaissances archéologiques et historiques, l'influence de cet environnement lors d'une situation exceptionnelle comme celle de 52 av. J.-C. Une quantification de l'eau disponible en période estivale, associée aux connaissances sur les positions des belligérants lors du siège, nous informe plus précisément sur l'organisation des adversaires vis-à-vis de l'approvisionnement et de la gestion en eau au sein de leurs retranchements respectifs. | archeologie_11-0341891_tei_336.xml |
termith-159-archeologie | Le 20 Juin 1875 (Moreau 1877, p. 381), l'abbé Maillard, curé de Thorigné-en-Charnie, lui -même fouilleur de la grotte de la Chèvre, convia sur le site des « grottes de Saulges » dans la vallée de l'Erve (Mayenne), l'antiquaire Gatien Chaplain-Duparc (1819-1888) pour, dit la presse de l'époque, « chercher la sépulture des Troglodytes » (Le Fizelier s.d., b, feuillets 33 et 36). L'homme, qui avait déjà sévi sur le site de Lortet, en Ariège, pilla le site en l'espace de trois années. La liste publiée par Edouard Moreau (Moreau 1877, p. 381-383), et réalisée d'après les notes de Chaplain-Duparc, mentionne les dates de débuts de fouilles, dont la durée dut être très brève (un mois tout au plus) : 20 juin 1875 : Grotte de l'Erve; 1 er juillet 1875 : Grotte à Margot (sans doute uniquement à l'extérieur, devant le porche,Moreau 1878, p. 10; Daniel 1936, p. 439); 19 septembre 1876 : Porche de la Dérouine; 15 octobre 1876 : Grotte du Four; janvier 1877 : Grotte du Plessis; 25 février 1877 : Grotte Cordier; 10 mars 1877 : Grotte Coudreuse; 10 mars 1877 : Grotte des Hallays; 20 Mars 1877 : Grotte des Vipères ! Chaplain-Duparc n'étiquetait pas ses caisses. « Si les collections préhistoriques de Chaplain-Duparc renferment des séries intéressantes, elles sont, par malheur, trop souvent dépourvues d'indications documentaires et de scientifiques précisions » (Delaunay 1932, p. 57). Rentrée au Musée en 1889, à titre posthume, sa collection fut d'abord entassée à l'extrémité d'une galerie, puis déménagée à plusieurs reprises (Delaunay 1932, p. 53-55). Cependant, en se fondant sur le catalogue de Pierre Delaunay, qui avait lui -même sans doute effectué un tri, on peut accorder une confiance relative sur la provenance exacte des deux caisses de pièces mobilières étiquetées “Saulges ». En 1999, Thierry Lagrée a réalisé un nouvel inventaire et ré-effectué un tri sévère dans les réserves. Pierre-Elie Moullé et Almudena Arellano, du Département de Préhistoire du MNHN et du Musée de Préhistoire régionale de Menton (Pigeaud 2000), ainsi que Didier Merle, du Département des Sciences de la Terre du MNHN, ont commencé l'inventaire faunistique des fossiles animaux et des coquillages, des caisses classées comme provenant de « Saulges » et ont identifié un certain nombre d'objets, dont certains décorés (Monnier et al. à paraître). François-Xavier Chauvière, de l'Université de Neufchâtel (Suisse), a réétudié une partie de la collection provenant du site de Duruthy (Sorde-l'Abbaye, Landes) (Chauvière 2001). La pièce qui nous intéresse ici provient des caisses étiquetées « Saulges ». Elle porte le numéro d'inventaire 1. 866 ou Pr 406. Sa provenance est incertaine, pour les raisons exposées plus haut. Elle était pourtant exposée en 1932 dans les vitrines du site de Saulges (Delaunay 1932, p. 99, 102 et 103). L'abbé Breuil pensait que cet objet provenait plutôt de Lortet, en raison de la grande ressemblance de la tête de canidé renversé en arrière avec deux objets de la collection Edouard Piette de Gourdan et du Mas d'Azil (Breuil 1936-37, p. 1). Il s'agit d'un galet de rivière roulé, en schiste, de couleur violet foncé recouvert par endroits de concrétions blanches (signe qu'il a séjourné quelque temps dans une grotte ?). D'une longueur de 9,5 cm pour une largeur de 4,6 cm et une épaisseur de 1 cm, de forme trapézoïdale et de section rectangulaire, il est cassé à trois de ses extrémités. Il est gravé finement (profondeur des traits : entre 0,05 et 0,1 cm, au profil en U évasé); l'apparente fraîcheur des traits provient sans doute de ce qu'ils ont été repassés, à une date indéterminée. (fig. 1) Sur la première face (fig. 2 bas), on distingue, à gauche, un profil d'animal au museau carré, à la gueule ouverte et au front droit. Pour l'abbé Breuil, il s'agit d'un canidé (Breuil 1936-37, p. 1). Nous pensons au contraire manquer d'éléments concluants pour trancher entre un canidé et un félidé. À droite de cette figure, on observe une gravure plus élaborée (fig. 3 et 4), sous la forme d'un quadrupède poilu (de 5,8 cm de long pour 2,7 de large) dont la tête est pratiquement effacée et la queue abîmée par quelques éclats (post-fouilles ou non ?). On distingue tout de même un œil ainsi qu'un front busqué. L'oreille est courbe et pointue, et non touffue comme sur le relevé de l'abbé Breuil (fig. 8). Tourné vers la droite, en profil absolu, l'animal est en train d'avancer, mais, chose curieuse, il possède deux pattes avant droites, imbriquées l'une dans l'autre au niveau du jarret, et dont les extrémités sont absentes, du fait de la cassure à cet endroit - et deux pattes arrière droites, nettement séparées cette fois : l'une à l'aplomb vertical ne possède pas d'extrémité; l'autre est tournée vers l'arrière et possède à son extrémité une sorte de pied à sole plate auquel on aurait adjoint deux griffes (fig. 5). Les deux pattes gauches sont bien individualisées, avec mention de la perspective, sous forme d'une interruption du tracé au niveau de la ligne du ventre pour la patte avant gauche, et par la figuration de la fesse en trois quarts pour la patte arrière gauche. Cette dernière est curieusement « en forme de faucille » (Breuil ibid.). Par ailleurs, le pelage est curieusement représenté, réalisé en successions de paquets de traits fins non jointifs, plaqués sur le corps de la bête comme des épines de hérisson. Sur l'autre face du galet(fig. 2 haut et fig. 6), une tête de carnivore schématique occupe l'essentiel de la surface. L'abbé Breuil y avait vu un Canidé (Breuil ibid.) avec son museau effilé, bien que carré et son oreille pointue. Cependant, la présence de traits parallèles au-dessus de babines pourrait faire penser à la représentation de vibrisses comme sur une tête de Félidé (fig. 7). L' œil est ovale, ainsi que le naseau. On distingue à peine deux canines dans la gueule entrouverte. Nous proposons de ranger également cet animal dans la catégorie des indéterminés. Que pourrait être l'animal représenté sur le recto ? Le catalogue de P. Delaunay (suivant peut-être des indications de Chaplain-Duparc) identifie déjà l'animal à un glouton (Delaunay 1932, p. 102). L'abbé Breuil (ibid.) confirmera cette interprétation (fig. 8). Si nous suivons l'argumentation de Michèle Crémades à propos du glouton gravé sur bâton perforé de La Madeleine (fig. 8 haut), nous constatons comme elle que “l'animal figuré est un quadrupède au pelage fourni et à la queue en panache. Les membres antérieurs sont forts, assez courts, velus (…). Le cou et l'épaule, recouverts de fourrure, sont peu discernables. Le museau est fort, les vibrisses longues et dirigées vers le bas, l' œil rond et grand, le pavillon de l'oreille charnu, le front bas; l'ensellure fronto-nasale est modérée. » (Crémades 1992, p. 331) Le glouton est un carnivore dont le crâne présente une structure « en visière » avec un décrochement fronto-nasal que l'on retrouve chez l'Ours des cavernes (Begouën et Koby 1950). Cependant, ici, la queue longue exclut une attribution à un Ursidé. De même, la morphologie des vibrisses et le caractère basset excluent un rapprochement avec un Canidé ou un Félidé. Restent donc les Mustélidés (Belette, Loutre…). De plus, la figure respecte aussi un autre critère établi par Ignacio Barandiaran (1974), à savoir un caractère plantigrade (d'où l'explication de la sole si particulière de la seconde patte arrière droite et l'aspect « en faucille » de la patte arrière gauche). Ici encore, l'aspect du crâne, de la queue et la faible hauteur du corps par rapport aux pattes ainsi que les extrémités plantigrades permettent par déduction de confirmer l'identification de l'animal figuré à un Glouton (Gulo gulo). (fig. 9 et 10). A propos du Glouton, Hugo Obermaier pensait qu'il pouvait s'agir de la seule représentation de fourrure en écorché de l'art paléolithique. Elle aurait été représentée posée sur un autre animal. La queue serait la patte arrière gauche et les touffes de poils sur les pattes de l'animal sous-jacent seraient les pattes de la peau, mais représentées en déroulé, une fois enlevés l'os et la chair et détendu les muscles (fig. 11). Il en irait de même pour l'avant-main (Obermaier 1940, p. 153-155). C'est sans doute le hérissement particulier des poils de la figure qui lui a suggéré cette hypothèse. Nous préférons, quant à nous, proposer une autre interprétation : plutôt que de supposer l'existence de deux gravures superposées, nous y voyons, comme précisé plus haut, la volonté de l'artiste de figurer le mouvement, procédé bien connu et banal dans l'art magdalénien, par le doublement des pattes de chaque côté. D'où vient le « Galet au Glouton » ? Dans l'état actuel des recherches, une étude pétrographique n'apporterait aucun résultat car l'environnement géologique du site des « grottes de Saulges » n'est pas encore bien connu. Son étude exhaustive est en cours, dans le cadre du programme de recherches « Occupations paléolithiques de la vallée de l'Erve » dirigé par Jean-Laurent Monnier, (UMR 6566 du CNRS – Université de Rennes-1). De quand date le « Galet au Glouton » ? L'artifice graphique employé pour figurer le mouvement (le doublement des pattes) est certes connu à la grotte Chauvet (Ardèche), pour un bison de la paroi droite de la niche centrale (Chauvet et al. 1998, p. 77, fig. 64), mais il est plutôt traditionnellement considéré comme l'apanage des artistes Magdaléniens : voir par exemple (parmi tant d'autres), la paroi droite de la grotte des Combarelles 1 (Dordogne), les chevaux VIID71 et VIID78 (30 et 32 dans la terminologie de Breuil) (Barrière 1997, p. 263-264, fig. 246). Par ailleurs, la figuration du pelage non comme un aplat mais avec le détail des poils nous semble également plaider pour une attribution au Magdalénien. Cependant, l'exubérance de ce pelage, son oreille étonnamment développée, ses poils hérissés, uniques dans l'art paléolithique en ce qui concerne cet animal (fig. 9), ne cadre pas trop avec ce que l'on sait du naturalisme de cette période et il est vrai que des représentations de pelage sont également connus dans les phases antérieures (citons entre autres le galet attribué au Gravettien de l'abri Labattut, en Dordogne, Delluc B. et G. 1991, p. 164, fig. 114). Sans contexte stratigraphique plus précis, nous réservons donc notre jugement . | Le «Galet au Glouton» de la collection Chaplain-Duparc (Musée de Tessé, Le Mans, Sarthe) est considéré traditionnellement comme provenant des «grottes de Saulges», dans la vallée de l'Erve (Mayenne). Il offre sur une de ses faces la représentation d'un Glouton au pelage hérissé, avec les paires de pattes doublées (articfice graphique commode pour figurer le mouvement). Hugo Obermaier l'interprétait comme la représentation de la peau écorchée d'un animal, hypothèse aujourd'hui abandonnée. | archeologie_525-07-10139_tei_263.xml |
termith-160-archeologie | En 1995, une fouille importante a été réalisée sur une superficie d'environ 4,5 hectares au lieu-dit « Sur la Mare » à Poses (Eure), à l'emplacement de la carrière d'extraction de granulats de l'entreprise Morillon-Corvol. Les vestiges étudiés concernaient un village du Néolithique ancien (groupe de Villeneuve-Saint-Germain), une structure funéraire néolithique, un habitat fossoyé protohistorique associé à des maisons circulaires et enfin un habitat de l'époque gallo-romaine, cf. Bostyn (dir.), 2003 (fig. 13, p. 32). L'importance et la diversité des vestiges avaient imposé de partager le site en deux interventions distinctes, l'une pour la partie Néolithique ancien (cf. Bostyn [dir. ], 2003) et l'autre pour les vestiges protohistoriques et gallo-romains (cf. Langlois et Celly, 1995). De plus, un enclos trapézoïdal de l' âge du Fer a été fouillé par T. Dechezleprêtre, tandis que ce qui s'apparentait a priori à une structure tumulaire néolithique ou de l' âge du Bronze a été pris en charge par l'un d'entre nous (C. Billard), tous ayant travaillé en totale concertation. Seules les structures funéraires appartenant au Néolithique sont présentées ici. La structure funéraire de Poses est situé dans la Boucle du Vaudreuil, à la confluence de la Seine et de l'Eure. La plaine alluviale atteint ici une largeur exceptionnelle, proche de 5 km, renforcée par la confluence de l'Andelle au nord de la boucle au niveau de Pîtres (fig. 1). Cette entité géographique forte est marquée par le passage de la Seine à l'est et au nord, de l'Eure à l'ouest. La Boucle du Vaudreuil offre une grande diversité de milieux, ce qui a dû constituer un certain attrait pour les populations néolithiques : la plaine est dominée par les plateaux à couverture limoneuse et les coteaux calcaires. En rive convexe du méandre, une succession de gradins à pente douce correspond aux terrasses alluviales anciennes de la Seine. La partie centrale de la boucle est formée essentiellement par la très basse terrasse, recouverte d'alluvions grossières et qui constitue une plate-forme d'altitude comprise entre +7 et +12 m NGF. Les zones basses de ce secteur sont particulièrement développées au nord et au sud, où elles ont été colmatées par des alluvions fines holocènes et fréquemment soumises aux inondations périodiques de la Seine. La nappe alluviale constituant le substrat du site étudié est formée essentiellement de sables et de galets de silex. Elle comporte quelques blocs erratiques de faibles dimensions (rarement plus longs que 1,50 m), en grès ou en meulière et très exceptionnellement en calcaire. La craie ne se trouve, au plus près, que dans les falaises situées sur les rives opposées de la Seine et de l'Eure, à plus de 2 km à vol d'oiseau, sous la forme de craies blanches à Belemnitelles (C8, Sénonien supérieur) et à Micraster (C7, Sénonien moyen et inférieur). La plaine alluviale de la confluence Seine-Eure est une zone riche en sépultures collectives avec un total de neuf sites dénombrés (fig. 1; Billard et al., 1995). Les monuments de Saint-Étienne-du-Vauvray, de Léry et de Pinterville (au sud d'Incarville) ont fait l'objet de fouilles anciennes (1842, 1874 et 1943), tandis que l'ensemble des sépultures de Val-de-Reuil et Portejoie – cinq allées sépulcrales en cours de publication – est localisé au sud-est de la Boucle du Vaudreuil sur une partie de cette très basse terrasse (Verron, 1975; Billard et al., en préparation). – La sépulture de la Basse-Crémonville à Saint-Étienne-du-Vauvray est décrite comme une fosse circulaire de 4,50 m de diamètre recouverte par une dalle unique. La description de la position des squelettes est peu crédible, mais il semble que, d'après les fouilleurs, la stratigraphie ait comporté trois couches d'ossements séparées entre elles par des dallages; le mobilier est constitué de gaines en bois de cerf à emmanchement transversal, caractéristiques du complexe funéraire SOM. Un deuxième monument, qui n'a pu être fouillé, a semble -t-il été repéré au même moment à environ un kilomètre du précédent en direction de Louviers (Bonnin, 1843; Collignon, 1928-1930). – Le dolmen des Vignettes à Léry est un petit caveau mégalithique en fer à cheval, partiellement enseveli dans des alluvions récentes provenant du débordement de l'Eure et de la Seine. Il était composé de huit dalles verticales, d'une dalle allongée en guise de fermeture et d'une dalle de couverture de 2,70 x 1,40 m (Hamy, 1874; Coutil, 1896). La description par Coutil du mobilier découvert est assez imprécise : « deux hachettes perforées en jadéite, trois haches polies en silex, plusieurs couteaux en silex, des colliers et pièces d'enfilage naturelles, deux amulettes (dont l'une sur fragment de bracelet de schiste), une pointe de flèche, un peigne en os, plusieurs gaines à emmanchement transversal, des poinçons en os, plusieurs petits vases en terre grise grossière et rougeâtre, des débris de ruminant ». Deux petits vases sont conservés, l'un au musée de Louviers, l'autre au musée d' Évreux. – Le monument de Pinterville est une allée sépulcrale de 10 m de long ayant contenu environ cinquante individus (Baudot et Gaudron, 1943; Baudot, 1944; Divry, 1944; Marquer, 1954). Découverte en 1942 lors du creusement d'une tranchée par les troupes allemandes, elle est orientée nord-sud avec son entrée au sud, le vestibule étant séparé de la chambre funéraire par une dalle échancrée. Les corps, placés au niveau du pavage de la chambre, présentaient des ossements en connexion anatomique; la disposition primitive des corps semble avoir été « l'allongement dans le sens de la longueur de l'allée, les pieds au nord, la tête au sud, et probablement couchés sur le dos ». Outre deux vases de l' âge du Bronze ou du début de l' âge du Fer découverts au sommet et à l'entrée du caveau, ce monument a livré un riche mobilier néolithique : « Pointe de javelot en silex taillé (?), fragment de palette en céramique (?), cinq poinçons en os poli, une hache polie en roche verte, une pierre verte polie, une défense de suidé biforée, une dent de renard perforée, cinq grosses pierres percées, un gros os long percé, un os de gros ruminant percé, un cylindre percé en ivoire, deux grosses perles translucides, une perle en céramique rougeâtre, quatre coquillages fossiles percés, deux os percés à ailettes, quinze perles en os en barillet, 85 petites perles plates en os, 168 petites perles plates en nacre et 257 petites perles plates en jayet. » Parmi le mobilier qui a été déposé à l'Institut de Paléontologie humaine après la fouille, nous n'avons pu retrouver que onze éléments de parure, un des deux récipients protohistoriques ainsi que des fragments céramiques appartenant à trois vases du Néolithique final, à fond plat et profil en S. La Boucle du Vaudreuil a également livré plusieurs sites d'habitat, jusqu' à présent jamais situés dans l'environnement immédiat de ces monuments. La structure funéraire de « Sur la Mare » a été repérée dès les premiers sondages en 1994 sous la forme d'un empierrement arqué (fig. 2). Après décapage complet du sommet de l'empierrement (fig. 3), celui -ci a été dégagé sur quelques mètres carrés seulement et un sondage manuel a été réalisé dans l'espace central délimité partiellement par les couches de pierres (fig. 4). Le hasard a fait que ce sondage était localisé dans une zone sans structure remarquable et quasiment sans mobilier. Il a néanmoins montré que, d'une part, la partie centrale était nettement excavée et que, d'autre part, les quelques tessons épars recueillis étaient plutôt de facture néolithique (confirmant que la structure n'était pas une fondation de bâtiment gallo-romain, comme on l'avait imaginé au départ). Un premier fragment d'outil en os calciné a également été trouvé dans ce sondage. D'une manière simplifiée, l'épaisseur de sédiment au-dessus de l'empierrement est importante, avec en surface environ 40 cm de terre végétale et environ 20 à 30 cm de limons de débordement légèrement argileux. Le dépôt de ces limons est sans aucun doute récent puisqu'un tesson du haut Moyen Âge décoré à la molette et quelques autres petits tessons médiévaux ont été trouvés au sommet de l'empierrement. Comme nous le verrons, l'empierrement semble avoir été aménagé directement sur le sol néolithique dont le sommet se trouve généralement 10 ou 20 cm au-dessus du niveau de la grave. La conservation d'une partie de son élévation est donc due au contexte très particulier d'exposition du site aux crues de la Seine et au dépôt important de limons de débordement. La zone de paléosol conservée correspond globalement à l'espace empierré mais également à la partie occidentale de la zone centrale excavée. Autour de la zone empierrée, s'observe une vaste dépression encaissée d'environ 10 à 20 cm dans le substrat sablo-graveleux (fig. 2). Cette dépression est colmatée par un limon sableux dans lequel ont été trouvés des vestiges mobiliers, avec en particulier deux petites concentrations de tessons. L'hypothèse la plus sérieuse est que les sédiments environnant la structure funéraire ont été raclés pour servir à réaliser une masse tumulaire. Après le décapage mécanique complet qui a permis la mise au jour du sommet de l'empierrement, un carroyage métrique orienté par rapport au carroyage général du site a été mis en place (fig. 3). Une fois le sondage manuel réalisé, le sommet de l'empierrement a été dégagé, puis ont été réalisés deux transects orthogonaux au moyen de deux tranchées (coupes 1 et 2, fig. 4). À ce stade, des taches de sédiment brun noir ainsi que quelques esquilles d'os brûlés (en KL13) sont apparues en surface du décapage de l'espace central non empierré. Une fouille fine a alors été menée sur l'ensemble de la partie délimitée par l'empierrement, en ménageant des banquettes témoins. L'ensemble des vestiges mobiliers a été dessiné et coté en altitude. Les petits galets brûlés ont été prélevés par mètre carré et par structure. Des numéros ont été attribués à l'ensemble des structures observées, y compris les bioturbations (terriers) (fig. 5). Ces dernières ont largement perturbé la structure funéraire, mais leur identification en tant que telles n'a eu lieu qu' à une phase avancée de la fouille. Le doute quant à leur nature exacte a pu être en grande partie levé lorsque l'ensemble des colluvions environnant le monument a été décapé mécaniquement : à ce moment, sont apparus d'autres réseaux de fosses formant des circonvolutions anarchiques nous encourageant dans cette hypothèse. Très probablement liée à la présence d'animaux fouisseurs sous le monument, leur nature exacte reste hypothétique dans la mesure où aucun vestige, tel que des ossements animaux, n'en atteste la présence. Pour ce qui concerne la structure funéraire, la fouille de l'empierrement et de ses parties internes et externes a livré du matériel remanié et souvent très émoussé. L'enregistrement de ce matériel épars a été simplifié au maximum en zones numérotées de 1 à 11, qui ont été localisées en fonction de l'emplacement des coupes (et dont on pourra trouver le plan dans le rapport de fouille déposé au SRA de Basse-Normandie). Ces zones étant choisies arbitrairement, nous avons indiqué, lorsque cela était nécessaire, si le mobilier provenait de l'empierrement lui -même, de la partie interne de la structure ou bien de la partie externe (dépression de limons sableux). À la fin de la fouille manuelle du monument, l'ensemble des zones non fouillées (pour l'essentiel dans la dépression périphérique) a fait l'objet d'un deuxième décapage mécanique jusqu'au sommet de la grave. Des numéros de structures (jusqu' à la structure 20) ont été également attribués à des fosses identifiées lors de cette dernière phase. Autour de la zone empierrée s'étend une vaste zone dépressionnaire, encaissée de 10 à 20 cm dans la grave et colmatée de limons sableux. Cette dépression recouvre une surface d'environ 414 m² (hors monument), de forme losangique, très étirée vers l'ouest et l'est (fig. 2). Dans toutes les zones de la fouille, figuraient des vestiges épars correspondant à du mobilier remanié lors d'apport de matériaux provenant des environs du site : produits de débitage en silex, tessons émoussés d'époques et de technologies diverses (Villeneuve-saint-Germain, Néolithique récent/final), ossements de faune très fragmentés et très érodés. Un tesson décoré d'incisions en arêtes et une anse en boudin signalent très probablement le prélèvement de sédiments dans l'environnement des maisons du groupe de Villeneuve-saint-Germain avoisinantes (la fosse VSG la plus proche étant située à environ 15 m au sud-ouest de l'empierrement). Dans cette dépression, l'empierrement couvre une surface de forme ovale de 8,8 x 11,2 m, orientée nord-ouest/sud-est, à laquelle il faut retrancher la zone centrale et de probables zones de prélèvements de blocs, principalement dans sa partie ouest (fig. 3). La régularité de sa limite externe orientale peut laisser présager de l'existence d'un parement périphérique. Il est constitué pour l'essentiel de petits blocs de craie, dont les plus grands ne dépassent pas 40 cm de longueur, et qui présentent des traces de décalcification leur donnant un aspect très émoussé. Très marginalement, figurent également des rognons bruts de silex, des blocs de grès ou de meulière dont certains sont parfois brûlés. Une meule de grès y est également en réemploi. L'ensemble de l'empierrement repose le plus souvent sur une couche de sable limoneux brun clair directement sus-jacente au substrat sablo-graveleux et que l'on peut qualifier de paléosol (fig. 6 et 7). Cet empierrement est relativement bien conservé dans sa partie sud-est, où il est constitué de deux, voire trois niveaux de blocs superposés. Par contre, au nord-est et au sud-ouest, il n'y a plus qu'un seul niveau de blocs, tandis qu' à l'ouest ils sont absents. Ceux -ci ont pu avoir été prélevés pour être réemployés ailleurs, comme le suggèrent plusieurs alvéoles vides de vestiges et situées le long de la limite externe (en N8-9 et en HJ-6-7; cf. fig. 2 et 3). Ces zones sans blocs n'ont généralement pas été affectées par le creusement de la dépression périphérique. La conservation du paléosol à cet emplacement est un argument permettant de penser que l'empierrement encerclait à l'origine la zone centrale des vestiges osseux et céramiques. Quelques très rares blocs de petit module se retrouvent également en périphérie immédiate de l'empierrement. L'origine des blocs de craie et des rognons de silex est relativement éloignée du site, puisqu'ils ne sont accessibles qu'en traversant la Seine ou l'Eure sur les coteaux environnants, soit à une distance supérieure à 2 km. Les autres matériaux sont locaux. Le mobilier recueilli au niveau de l'empierrement comporte également, en faible quantité, des fragments de faune, des produits de débitage du silex et des tessons de technologies diverses (présence de tessons VSG), qui semblent tous largement remaniés. La zone centrale délimitée par l'empierrement forme de manière schématique un rectangle de 4 x 6 m dont la surface est notablement creusée par rapport au substrat, à l'exception d'une petite surface d'environ 1 m² située le long du bord sud-est de l'empierrement (fig. 3 et 6 à 9). Cette partie non creusée correspond d'ailleurs à une légère extension des blocs à l'intérieur du rectangle. Nous pouvons considérer que les limites de la partie ouest, moins perceptibles du fait de l'absence d'empierrement, correspondent à la limite de la zone excavée. Le sédiment de remplissage de cette partie centrale est comparable au sédiment encaissant de l'empierrement (limon très sableux brun), avec cependant une couleur légèrement plus foncée. On y trouve également de façon éparse du mobilier remanié (silex, tesson, faune). Les aménagements et dépôts funéraires qui ont pu y être observésapparaissent généralement à la surface du limon sableux ou à une altitude légèrement inférieure.Ils sont le plus souvent très perturbés par la présence de terriers d'animaux fouisseurs sur desquels nous reviendrons. Il s'agit d'une nappe de sédiment brun noir, sans charbon apparent, qui s'étend sur plus de 2 m² avec des contours assez flous. La répartition des vestiges associés déborde largement la limite de ce sédiment, probablement à cause des bioturbations. Cette structure occupe l'angle occidental de la surface rectangulaire délimitée en partie par l'empierrement. En altitude, cette nappe se situe environ 10 cm plus bas que la base de l'empierrement. Le caractère marquant de cette poche est qu'elle appartient à un épisode tardif du colmatage limono-sableux de la partie centrale. Les autres vestiges mobiliers découverts à des niveaux plus profonds s'inscrivent nettement dans les limites des terriers et sont donc remaniés. Les vestiges y sont tous brûlés. Ils comportent près de 300 esquilles d'ossements humains et, dans une moindre mesure, animaux, 79 tessons appartenant pour l'essentiel à un récipient unique (en dehors de quelques autres tessons isolés provenant probablement du sédiment rapporté), 16 fragments d'outils en os, 1 ciseau en silex et 1 armature de flèche tranchante brûlée. À l'emplacement de la nappe brun noir, on trouve des galets brûlés (module compris entre 1 et 8 cm), dont le poids total atteint environ 2 kg, et quelques autres non brûlés. Hormis les rares tessons isolés qui ne semblent pas en place et qui ne sont pas spatialement associés au reste des vestiges brûlés, les 79 tessons numérotés dans la structure 1 et à proximité appartiennent à un récipient qui a très probablement subi une double cuisson (A, fig. 10). L'unicité du vase est très probable, mais pas totalement assurée car les tessons sont largement déformés, soit aplatis, soit quasiment pliés; de plus, les remontages sont rendus difficiles par l'émiettement des tranches, si bien qu'il est extrêmement délicat de proposer une restitution complète de sa forme. Un réseau de larges fissures couvre l'ensemble de la surface du vase et, par endroits, la pâte est presque vitrifiée avec formation de « micro bulles ». La dimension des tessons est variable, mais les plus gros atteignent 10 cm. Leur couleur est globalement brun orangé à brun noir et ils possèdent un dégraissant composé de morceaux de silex et de chamotte. L'épaisseur moyenne de la pâte est de 1,2 cm. Le fond du vase est plat et non débordant, son bord est aminci, mais les certitudes s'arrêtent là. Le mauvais état de la céramique explique que seuls sept remontages aient été réalisés. Cependant, on peut affirmer qu'il s'agit d'une forme simple à fond plat et à parois légèrement galbées, présentant un bord subvertical et d'un diamètre inférieur à 20 cm. L'action du feu sur le récipient est indiscutable et trouve des comparaisons, par exemple au travers des déformations subies par les urnes cinéraires de la nécropole gauloise d'Epiais-Rhus (Val-d'Oise) (Maire, 1983). Sur ce site, un même récipient peut présenter un côté non affecté, de simples fissures ou bien un changement général de la couleur des parois. Le stade le plus avancé de l'exposition au feu aboutit à des vases affaissés à pâte mâcheferisée et bulbeuse. Deux objets peuvent être associés de manière quasi certaine au reste du mobilier osseux et funéraire (n° 12 et 13, fig. 11). Il s'agit d'une armature de flèche à tranchant transversal et d'un outil pouvant évoquer un tranchet étroit. Les deux objets étaient distants l'un de l'autre de 30 cm et appartiennent à la plus forte concentration de mobilier observée dans cette structure, dans le quart est du carré L13. Ils portent chacun les traces d'une cuisson subie dans des conditions de température identiques : le silex est devenu gris et porte de petites craquelures, avec parfois de petits éclatements. Il manque une partie de la base de l'armature. Ces deux objets ont pu être introduits dans le monument avec les terres prélevées aux environs, mais cette hypothèse résiste mal aux données archéologiques. En effet, ils représentent les seuls éléments lithiques façonnés de la structure et sont les seuls à avoir subi les effets d'une combustion. De plus, ils sont localisés au sein de la plus forte concentration de mobilier osseux et céramique. Enfin, Ils se rattachent chronologiquement au Néolithique moyen-final, période qui n'est pas représentée dans les environs du monument par d'autres structures. Pour toutes ces raisons, leur association semble quasi-certaine. L'industrie osseuse est à maints égards remarquable (n° 1 à 11, fig. 11; fig. 12). Elle comporte 16 fragments d'instruments apparentés à des poinçons ou à des pointes de sagaie. À l'instar du reste du mobilier, l'ensemble de ces fragments porte des traces de combustion (microfissures, esquillements, couleur blanc laiteux) et présente des courbures plus ou moins prononcées ainsi parfois que des torsions longitudinales. Les remontages réalisés entre fragments sont au nombre de cinq. Quatre d'entre eux sont situés en bordure de la structure 2. Les numéros 1 à 4 et 7, fig. 11, peuvent appartenir à un même objet : pointe à soie de section aplatie et à feuille de section losangique; 5 et 9 peuvent appartenir à un second outil : poinçon de section carrée avec extrémité en biseau; 6 et 8 peuvent appartenir à un troisième objet proche du deuxième : poinçon à section subquadrangulaire et à extrémité en biseau. Les numéros 10 et 11 peuvent constituer un quatrième instrument : le premier fragment, ayant conservé l'articulation du métapode sur lequel l'instrument est façonné, est la base d'une grande lame présentant une nervure centrale le long de laquelle sont visibles des traces de façonnage (largeur de la lame : 1,7 cm); y sont également perceptibles deux fines entailles latérales pouvant être liées à un système d'emmanchement. Le deuxième fragment peut correspondre à la partie médiane du même objet, même si sa largeur est ici plus importante (2,3 cm) : la section est de forme voisine avec des traces de façonnage identiques le long de la nervure; la face opposée à la nervure est polie avec le même soin. L'objet aurait probablement eu une grande dimension, au minimum 25 cm. Les ossements humains reconnus dans cette formation ne représentent que 544 g de fragments brûlés et se concentrent dans un angle de la partie excavée centrale, sur 2 m². Aucun témoin d'une plus grande extension de cette couche à ossementsn'a été découvert. En s'appuyant sur le plan de répartition général des vestiges de la structure 1 (fig. 8) ainsi que sur celui des remontages (fig. 9), plusieurs observations sont possibles. – La très grande partie des éléments contenus dans la structure 1 est regroupée à la limite entre les carrés L13 et K13, sur une surface d'un demi-mètre carré. À cet emplacement, les vestiges sont associés par petits tas composés d'os incinérés (humains et animaux) et de tous les types de mobiliers, brûlés sans exclusion (tessons du récipient A, fragments de poinçons, outils en silex, petits galets). – On retrouve de manière dispersée ces mêmes éléments dans un rayon d'environ 2 m autour de la zone de concentration principale. Leur aire de répartition se superpose à l'emplacement de terriers, probables causes de la dispersion de vestiges initialement plus concentrés. Ils occupent généralement le fond des perturbations de sorte qu'ils se situent à un niveau nettement inférieur aux mobiliers concentrés en L13 et K13. Seul un grand creusement (probablement un terrier; fig. 5, st. 1 inf), situé immédiatement au nord-ouest de la structure 1, ne contient aucun de ces vestiges. – La zone de dispersion des vestiges de la structure 1 s'inscrit entièrement dans les limites de la zone centrale quadrangulaire excavée. – Quelques blocs de craie, de grès et de silex sont disposés autour des vestiges et peuvent représenter des témoins d'un aménagement de cette structure. Mais dans la mesure où ces blocs se situent dans l'angle occidental de la zone centrale, ils peuvent être également des vestiges de l'empierrement, basculés tardivement dans la partie excavée. Cette nappe de vestiges osseux représente -t-elle l'intégralité du dépôt ? Rien n'est moins sûr. Néanmoins, ces restes sont localisés sous le niveau d'empierrement et, de ce fait, ont pu être préservés des labours. Précisons également que presque aucune esquille appartenant à la couche osseuse n'affleurait au sommet du remplissage de la partie centrale du monument. Les effets des bioturbations sont par contre manifestes au sud-est de la structure avec la dispersion d'esquilles dans la galerie d'un terrier coudé. Les éléments osseux de la structure 1 se composent exclusivement de restes incinérés, soit 544 g d'os humains (environ 283 pièces), auxquels s'ajoutent 74 g de faune (non inclus le mobilier osseux), brûlés avec la même intensité que les restes humains. Les éléments osseux sont dispersés dans l'ensemble de la fosse par petits paquets amalgamant os et mobiliers brûlés. Trois individus ont été reconnus (cf. Duday, 1987). Le premier est représenté par au moins 19 g d'ossements; il s'agit de 13 portions de calotte crânienne dont la texture et l'épaisseur évoquent un sujet immature. Les deux autres, bien que de morphologie gracile, sont adultes (épiphysation de l'extrémité proximale de l'ulna; présence de ponts osseux, voire synostose de la table endocrânienne observée sur de petites portions de suture peut-être sagittale). Le nombre minimal de sujets adultes est apprécié grâce à deux extrémités proximales droites d'ulna. L'ensemble des restes donne une impression de gracilité : finesse des fragments de phalanges et du 5 e métacarpien gauche, insertions musculaires peu marquées comme celle du deltoïde ou de la tubérosité conoïde, faible périmètre du radius (au milieu). Les quelques caractères morphologiques observables sur le squelette céphalique correspondent à des critères féminins : arcades sourcilières peu dessinées, rebord sus-orbitaire de forme aiguë, petite mastoïde (Ubelaker, 1978), mais rappelons qu'en l'absence des os coxaux il est délicat de déterminer le sexe du squelette. Les fragments de calotte crânienne du sujet immature se répartissent sur plusieurs décimètres carrés, y compris dans le secteur non perturbé de la structure. Leur aire de répartition évoque un éparpillement et non pas un crâne écrasé ou brûlé sur place, ni un dépôt spécifique à ce sujet immature; en effet, les restes des sujets adultes lui sont étroitement associés (fig. 14). Il est en revanche impossible de discuter des aires de répartition de ces derniers. Comparables par leur morphologie gracile et brûlés avec la même intensité, nous ne disposons d'aucun indice ostéologique pour attribuer les pièces osseuses à l'un ou l'autre de ces sujets adultes. De même, l'analyse de la répartition des différents types d'os nous conduit à constater le mélange et la déstructuration de l'ordonnance anatomique des squelettes. Le squelette céphalique, le rachis ou les côtes sont en effet éparpillés sur l'ensemble de la fosse. Des fragments du maxillaire et de la mandibule sont distants de plus de 50 cm. Les rares portions de diaphyses tibiales et de fibula sont également éloignées de plus de 60 cm. Les pièces d'un même type d'os ou d'un même segment s'avèrent donc éparpillées. Il subsiste toutefois quelques pièces osseuses dont la proximité présente encore une cohérence anatomique : dans l'angle sud du carré K13, on notera la proximité de l'atlas, de portions d'occipital et d'un fragment de scapula gauche; on signalera encore, dans la moitié sud du carré L13, l'alignement selon un axe nord-sud, d'une longue portion de la diaphyse humérale droite, prolongée par un morceau de diaphyse radiale, qui jouxte plusieurs fragments d'ulna (os droit et gauche appartenant au même sujet) (fig. 14). Les 554 grammes d'ossements recueillis dans la structure ne présentent assurément qu'une partie des vestiges de la combustion des trois défunts. En effet, le produit attendu de la crémation d'un corps de taille adulte est estimé, pour le moins, à 1 000 g (Le Goff, 1998). Bien que l'on constate, au travers de la littérature spécialisée, l'importance des variations du poids d'un squelette non brûlé – par comparaison avec le poids moyen des séries de squelettes asiatiques (Lowrance et Latimer in Krogman et Iscan, 1986), il est de 2 882 g – on mesure quelque peu l'importance de la part manquante. En outre, les membres inférieurs ainsi que les pieds, avec 46 g d'os seulement, s'avèrent comparativement sous-représentés. Le poids moyen de ce secteur du squelette, d'après les données sur squelettes secs et complets publiées par Krogman (in Krogman et Iscan, 1986) est estimé à 905 g (fig. 15 A et B). En revanche, on note une forte sur-représentation du squelette céphalique : avec 237 g, il représente presque 50 % du dépôt de la structure 1 alors que cette partie ne constitue que 20 % du poids d'un squelette complet. L'ensemble des vestiges osseux des défunts ne figure donc plus dans la structure 1 et les proportions anatomiques ne sont plus cohérentes. La couleur des esquilles atteste que l'incinération s'est poursuivie jusqu' à l'obtention d'ossements blancs. Il s'agit d'une opération menée jusqu' à complète disparition des chairs et carbonisation des ossements impliquant la mise en œuvre d'un feu intense ou suivi et entretenu. Tous les secteurs du corps ont atteint le même stade de combustion sauf quelques rares pièces plus épaisses comme la mastoïde, de couleur gris foncé ou quelques portions gris clair de la diaphyse fémorale. L'intensité de la combustion de la matière osseuse est également perceptible par la texture cristalline des os. On notera la déformation des portions de diaphyses humérales (courbure ou enroulement) et celle de la fibula, sans toutefois produire de fissures transversales. Les fissures longitudinales s'avèrent également rares. Quelques fissures en forme de lunule parcourent deux ou trois portions de calotte crânienne. Du point de vue du mode de fissuration, les pièces osseuses présentent peu des indices interprétés habituellement comme des indicateurs de crémation d'os frais (Buiskra et Swegle, 1989). Du point de vue des déformations, certaines portions de diaphyses notablement courbées évoquent en revanche des critères de l'incinération d'os frais. La « structure 2 » a été identifiée par l'apparition à la fouille d'une tache de sédiment brun noir légèrement charbonneux, de forme grossièrement ovale et délimitée par des blocs de pierre. Au centre de ce qui semble être une fosse est apparue une concentration de tessons appartenant à un unique vase. Même si l'ensemble des tessons est loin d'avoir été conservé, leur dispersion est beaucoup moins grande que celle des vestiges de la structure 1 puisque la quasi totalité des fragments se trouve dans les limites de la structure et plus précisément dans son centre. Quelques petits galets brûlés, pour un poids total de 900 g, sont présents dans la fosse et tout particulièrement à l'emplacement de la concentration de tessons. Le remplissage de la fosse n'est pas homogène puisque, à certains endroits et en particulier dans les parties sud et nord, sont présentes des poches de sédiment très charbonneux aux contours assez flous (fig. 3). Leur présence doit être mise en relation avec l'aménagement de blocs disposés de chant autour de la fosse. Deux autres blocs de forme plus globuleuse sont également présents en limite de la fosse à l'est et à l'ouest. L'ensemble de ces éléments peut laisser présager l'existence d'une structure en bois de type coffre. Il faut néanmoins rester prudent à cause d'importantes perturbations : la structure 2 a très probablement été affectée par les deux terriers (structures 7 et 8, fig. 5) dont on peut observer la base à un niveau inférieur. La présence de sédiment charbonneux dans la fosse peut résulter du colmatage différé d'une structure en bois et ce sédiment proviendrait alors d'une structure de combustion postérieure ou tout du moins recouvrant la structure 2. La présence de galets brûlés à l'emplacement du récipient tend néanmoins à montrer une relation entre le dépôt mobilier et une activité de combustion. Les 48 tessons recueillis dans la structure 2 appartiennent à un unique vase (récipient B, fig. 10) et sont de taille moyenne, les plus gros atteignant 10 cm de module. La pâte a une couleur homogène gris vert, à la fois à l'intérieur, à l'extérieur et en section. Le dégraissant est grossier mais peu abondant (os, chamotte). De nombreuses alvéoles montrent qu'une grande partie du dégraissant a disparu. Les tessons sont recouverts d'une fine pellicule marron gris, incrustée dans la pâte et qui ne peut s'enlever sans altération de son état de surface. Comme dans la structure 1, le très faible taux de remontage (6 cas seulement) est dû à l'érosion des tranches. L'altération naturelle de la céramique dans le sédiment est importante et a surtout touché la face supérieure du tesson, exposée aux intempéries. Ce vase B n'a pas subi les déformations observées sur le récipient A, mais des indices de recuisson pourraient résider dans l'altération générale des tessons et surtout dans la disparition complète de toute matière organique à l'intérieur de la pâte, phénomène déjà observé sur le récipient A. Le manque de remontages empêche de restituer le détail de la forme de la panse, mais le profil général est mieux assuré que pour le récipient A. Il s'agit également d'un vase simple à fond plat et probablement à profil en S, car aucun tesson ne suggère de segmentation du profil. Son ouverture mesure environ 22 cm pour une hauteur estimée à 25 cm. L'absence d'élément de préhension et de décor est un point commun avec le récipient A. Le bord est aminci et légèrement évasé. L'épaisseur du fond est de 13 mm et celle de la panse est de 8 mm. Contrairement à la structure 1, la structure 2 n'a livré aucun reste osseux ni aucun autre mobilier, mis à part quatre petits fragments d'outils en os et deux esquilles d'os humain brûlé qui ont de très fortes chances de provenir de perturbations de la structure 1. Néanmoins, l'aspect de la céramique rejoint la présence de témoins de combustion (petits galets chauffés et sédiment charbonneux) dans l'hypothèse d'une association de la structure 2 à une pratique de combustion. D'autres structures à remplissage sombre ou charbonneux (st. 2bis, 3 et 10) se répartissent dans les limites de l'empierrement (cf. fig. 3). Aucune d'entre elles n'a livré de mobilier. – La structure 2bis est une petite lentille de sédiment sombre sans charbon, située dans la partie supérieure du colmatage de la dépression centrale. – La structure 3 est également une fine lentille de sédiment brun noir, qui n'est apparue que dans le milieu du remplissage. Elle est délimitée dans sa partie sud par deux petits blocs calcaires. – La structure 10 est une fosse de presque 1 m de diamètre et 50 cm de profondeur, atteignant le substrat de la partie excavée. Elle apparaît dès le sommet du remplissage et se signale par son contenu très charbonneux, avec dans sa partie centrale une grosse concentration de charbons. Quelques blocs de craie figuraient également dans la fosse. Le remplissage de ces différentes perturbations est souvent vide de vestiges, sauf aux alentours immédiats de la structure 1 où elles contiennent quelques ossements brûlés, fragments d'outils en os et tessons du récipient A. Le déplacement de ces vestiges en dehors de la structure 1 va dans le sens de l'hypothèse de leur remaniement par des fouisseurs. Parmi ces perturbations, on peut distinguer des creusements linéaires, peu profonds et qui sont les plus nombreux. Certains (st. 4, 5 et 7) semblent passer sous l'empierrement sans vraiment le perturber (exceptée pour la st. 4). Cette donnée est particulièrement intéressante car elle laisse à penser que l'obstacle qu'a pu constituer le parement de craie a contraint les animaux fouisseurs à creuser sous le niveau de l'empierrement. L'espace de circulation des fouisseurs aurait donc été limité, en haut par la présence du parement et en bas par le substrat graveleux. Deux grands creusements (st.1 inf. et 8) se distinguent du reste des perturbations. Il s'agit de fosses ovales, stériles, très profondes et jouxtant les structures 1 et 2 sans les remanier. Des couloirs de terriers menant à ces fosses, on peut penser que l'on a affaire à des gîtes d'animaux fouisseurs, mais l'hypothèse de structures anthropiques ne peut être exclue. Par ailleurs, en périphérie de la zone empierrée, on a pu relever dix fosses (st. 11 à 20), localisées à la fois dans et à l'extérieur de la grande dépression (fig. 2). Pour l'essentiel, elles n'ont pas livré de mobilier à l'exception des structures 11 et 13. Quatre éléments de formes céramiques permettent de les rattacher à une occupation du Bronze final, déjà attestée sur le reste du site par la présence de fosses éparses (Langlois et Celly, 1995). Deux prélèvements palynologiques ont été réalisés : le premier échantillon a été prélevé en J7, dans le niveau humifère immédiatement sous-jacent à l'empierrement de blocs de craie, c'est-à-dire dans le paléosol néolithique antérieur à l'édification de la structure funéraire, à un endroit où cet empierrement était particulièrement épais. Le deuxième a été pris dans le fond de la structure 2 (cf. fig. 4). Ils ont été analysés par F. Reckinger et A. V. Munaut (Université de Louvain). Les résultats de ces analyses peuvent être comparés à la fois à ceux portant sur les structures du Villeneuve-Saint-Germain et à ceux se rapportant à La Tène ou au gallo-romain (tableau 1; Bostyn [dir. ], 2003). Le spectre pollinique du paléosol montre une prédominance très nette des composées de type Crepis; il est plus proche des spectres de La Tène et de la période gallo-romaine que de ceux des fosses du Néolithique ancien du même site. Ceci peut être expliqué par le caractère très perturbé (terriers, lombrics. ..) de ce niveau. L'échantillon prélevé dans la structure 2 elle -même donne un spectre légèrement moins déboisé (AP = 8,1 %), mais avec une prédominance de composées de type Crepis moins forte que dans les autres fosses VSG. Les pollens céréaliens sont abondants (10,7 %) mais la particularité de ce spectre réside dans le taux assez élevé de brassicacées (22,2 %). Les pollens de cette famille se ressemblent tous et il est malheureusement impossible de distinguer les espèces auxquelles ils appartiennent. Les fleurs de cette famille sont souvent assez grandes et colorées; il n'est donc pas exclu que ces pollens proviennent de végétaux déposés en offrandes. Rappelons que dans le cairn du Néolithique moyen de Vierville (Manche), une concentration anormale de pollens de tilleul (27 %) et de Reine des Prés (Filipendula) (49 %) a été trouvée sous un crâne, alors que ces espèces n'ont pas été retrouvées dans le paléosol, ni dans un environnement plus éloigné (Clet-Pellerin, 1986). Dans ce dernier cas, l'hypothèse d'une pratique funéraire utilisant une litière et/ou une parure végétale a été avancée. L'édifice de Poses présentait probablement un tumulus de plan ovalaire, dont au moins la base était empierrée. La partie centrale, que nous avons appelée « la chambre » par commodité, était légèrement surcreusée d'environ 20 à 30 cm et on peut supposer qu'elle était occupée par une structure bâtie en bois. Aucun trou de poteau ne vient cependant à l'appui de cette hypothèse mais la présence de deux « antennes » à la limite sud-est de la partie centrale pourrait évoquer l'utilisation de deux sablières basses en bois, situées le long des deux grands côtés. La forme quadrangulaire de la partie centrale et l'absence de fosses de calage d'orthostates permettent en tout cas d'exclure une construction mégalithique ou en encorbellement. L'état de conservation du site lors de la fouille n'a pas permis d'observer de système d'accès à cette « chambre ». La partie occidentale de l'empierrement semble nettement plus arasée et, de ce fait, toute observation à ce propos y est exclue. L'existence de la grande dépression périphérique à l'empierrement est une donnée exceptionnelle, qui s'explique très probablement par l'aménagement d'une masse tumulaire. Les données de la fouille ne peuvent contribuer à restituer le volume d'un tel tumulus, mais rendent néanmoins crédible cette hypothèse. En effet, la dépression périphérique mesure près de 414 m² (fig. 2). L'estimation de la surface au sol de l'édifice est d'environ 70 m² et celle de la zone centrale d'environ 24 m². Si l'on suppose que les sédiments prélevés dans cette dépression correspondent à une épaisseur voisine de 20 à 40 cm, leur volume pourrait atteindre entre 83 et 165 m 3, ce qui semble largement suffire à couvrir la totalité de cette structure funéraire. Ce calcul ne repose toutefois que sur des approximations et ne peut aboutir à des données concrètes, d'autant que l'association stricte entre l'édifice et la cuvette périphérique est probable mais non démontrée. De plus, ni la part exacte des blocs de craie utilisés dans son édification ni son élévation ne sont connues. L'épaisseur de sédiment raclé autour de l'empierrement est également difficile à restituer précisément. La nature exacte du fonctionnement d'un tel monument est également délicate à évoquer. Deux questions méritent d' être distinguées : celle de la nature des dépôts sépulcraux et celle du mode de dépôt funéraire. La première question consiste à savoir si le monument a constitué un lieu de dépôt primaire (un caveau) ou bien le réceptacle d'ossements décharnés dans un autre lieu (un ossuaire). Malgré un surcreusement important de la « chambre », aucune trace de dépôts primaires n'a pu y être identifiée. Si l'édifice avait accueilli une couche sépulcrale comportant des corps entiers, il est fort probable que, même dans l'hypothèse d'un enlèvement des ossements, certains des plus petits d'entre eux auraient été retrouvés sur place, ce qui n'est pas le cas. On ne peut toutefois exclure un nettoyage minutieux des ossements ou bien l'utilisation de contenants organiques pour le décharnement sur place puis le transport d'un faible nombre d'individus vers le lieu de la crémation. Une autre hypothèse pouvant expliquer l'absence d'ossements non brûlés est l'arasement par les labours d'une couche sépulcrale située à l'origine à une altitude supérieure. Cette hypothèse est peu plausible dans la mesure où elle suppose un colmatage rapide de la zone centrale excavée et un niveau de dépôt nettement plus élevé que le sol néolithique. De plus, l'organisation de la structure 1 en nappe de vestiges évoque davantage un épandage sur un sol qu'une structure en creux. Autant dire que les arguments favorables à l'hypothèse d'un lieu de dépôt secondaire sont plus convaincants, mais loin de permettre un diagnostic catégorique et définitif. Aussi avons -nous développé ici trois hypothèses. En premier lieu, il est difficile de trouver les indices d'un feu allumé sur place dans la partie centrale du monument. Les témoins de combustion restent limités aux vestiges mobiliers de la structure 1 et à la composition charbonneuse du contenu de la plupart des autres fosses. Une incinération dans le monument aurait marqué l'architecture, d'autant plus que l'exposition des corps au feu a été manifestement très poussée. Si l'on en juge par les descriptions de monuments qui contiennent des corps brûlés sur place (Lacroix-Saint-Ouen, Barbonne-Fayel, Lignon, Ribemont…), l'altération des parois de pierres du pourtour interne des caveaux et du sédiment du sol s'y avère remarquable. Or, ici, le contraste entre des témoignages d'une forte altération thermique des os et l'absence de traces de feu dans la « chambre » est saisissant. C'est là le principal contre-argument à l'hypothèse d'une combustion des corps sur place. Quant à la documentation ostéologique, elle illustre le brassage des os et la perte de l'individualité des sujets. La disposition de quelques pièces osseuses évoque simplement un membre supérieur en extension, cohérence anatomique bien modeste au regard des exemples de crémation de Stein ou de Lacroix-Saint-Ouen, où le corps des défunts est retrouvé dans une posture identifiable à l'issue de la combustion. L'incinération d'un corps sans intervention des opérateurs n'induit pas à elle seule la déstructuration des squelettes. En effet, la fouille de la sépulture collective SOM de Lacroix-Saint-Ouen (Oise) a montré que la position initiale des corps, même après crémation des os et incendie de la sépulture, demeure tout à fait lisible. Il subsiste encore de nombreuses connexions (Guillot et Le Goff, 1995; Le Goff et al., 2002). Le squelette de Saint-Antoine, brûlé lors de l'incendie d'une maison vers 180 de notre ère, témoigne également de la persistance des connexions et de la position du corps (Haldimann et al., 1991). On citera encore ici l'exemple de la fosse du Néolithique final de Reichstett (Bas-Rhin), qui a livré les vestiges d'une crémation primaire d'au moins 11 individus (Blaizot et Boës, 2003). Dans la structure 1 de Poses, l'agencement des os implique un mélange des restes des trois corps de sorte que, dans l'hypothèse d'une crémation in situ, les corps ne se trouvent plus dans la posture donnée lors de l'allumage du feu. Il est probable, en raison du faible poids des restes augurant de prélèvements, qu'il ne s'agisse plus de la position des vestiges à l'issue de la combustion. Nous n'avons guère plus d'arguments en faveur d'une combustion des corps survenue à l'extérieur du monument, de sorte que celui -ci ferait partie des quelques sépultures collectives qui abritent des incinérations. Cette hypothèse soulève la question du vocabulaire employé. Pour des os brûlés issus de l'incendie d'un monument peut-on utiliser le terme « crémation » ? Issu du mot latin cremare, son emploi dans des situations particulières (brûler une ville, brûler une victime offerte en sacrifice ou un supplicié…) confère à l'action de brûler des cadavres une vocation rituelle. Nous avons fait le choix d'utiliser plutôt ici le terme « incinération » car il n'est pas réservé à la combustion des corps en tant que pratique funéraire. Il est également employé en médecine et son usage est élargi par ailleurs à d'autres domaines comme celui du traitement des ordures ménagères. Dans l'hypothèse d'une combustion en dehors du monument funéraire, peut-on utiliser le terme « crémation » ? Il supposerait l'existence d'un bûcher funéraire destiné à la combustion du corps ce dont nous n'avons aucune certitude. En tous les cas, il est délicat de montrer que le feu a été utilisé en vue de modifier l'architecture du caveau comme cela est le cas par exemple pour l'allée sépulcrale mégalithique de La Chaussée-Tirancourt (Oise) où la réfection du lieu a engendré une légère altération thermique de quelques os (Masset, 2002). Ici, le feu n'a pas non plus été employé à des fins de destruction comme l'illustrent les sépultures de Lacroix-Saint-Ouen (Oise) ou de La Hoguette à Fontenay-le-Marmion (Calvados). Dans le cas de la structure 2, le dépôt du récipient B à l'intérieur d'un aménagement en coffre est probable. Mais l'absence d'ossements humains brûlés associés pose problème pour interpréter ce vase en tant qu'urne cinéraire. Toutefois la présence de petits galets brûlés lie sa mise en place à l'usage du feu. Dans le cas de la structure 1, l'ensemble des vestiges mobiliers a apparemment fait l'objet d'un dépôt simultané au même endroit. Se pose alors la question de leur mode de dépôt. Un récipient a pu servir de réceptacle. La « recuisson » et la forte fragmentation du récipient A laissent à penser que l'objet a participé à la crémation des corps mais que son état à l'issue de l'opération n'était plus compatible avec la fonction de contenant. Il n'est d'ailleurs pas totalement établi que ces tessons n'appartiennent qu' à un seul récipient. Celui -ci, trop déformé et résiduel, n'a pu servir de réceptacle aux quelque 600 g d'os brûlés et aux reliquats d'objets retrouvés. Aussi est-il envisageable que le mode de dépôt puisse résulter du transfert des vestiges mélangés de la combustion d'un bûcher vers la « chambre ». L'opération aurait concerné os, mobilier et résidus de combustion sans qu'aucun tri ni aucune action ciblée sur les vestiges humains ne soit décelable. On constate alors que le monument reçoit un dépôt osseux peu centré sur les morts et que les restes ne sont pas individualisés, de sorte qu'il a pu fonctionner comme un ossuaire. Il n'est pas le lieu de traitement des corps mais un espace de dépôt des restes physiques des défunts, contrairement au modèle actuellement proposé pour les tombes collectives du Néolithique final (Chambon, 2003). De plus, les os des trois défunts ont pu être transférés dans le sépulcre en un même geste et non successivement, ce qui n'évoque plus le mode de fonctionnement d'une sépulture collective. En dernière hypothèse, on peut avancer un fonctionnement de type vidange de la couche osseuse avec réduction des restes par le feu. Sur les autres sites attestant d'une vidange, les ossements sont très mal brûlés (argument principal) et associés à d'autres ossements non brûlés. Ils sont fréquemment relégués dans un coin, contre la paroi ou au contraire regroupés en tas. Dans le cas de « l'ossuaire » de Berry-au-Bac par exemple (Chambon, 1995), les ossements brûlés représentent seulement 7 % du total. Cette hypothèse se heurte à nouveau au contraste entre le stade de crémation des os et l'absence de traces de feu dans le monument. Comment expliquer que l'énergie thermique déployée pour brûler les cadavres ait si peu marqué le sol ou le parement du cairn ? En revanche, la disposition des vestiges – dispersion des fragments d'un même os, absence des membres inférieurs, mélange dans une matrice sédimentaire d'une partie d'un produit de la crémation des trois individus et du mobilier – évoque des gestes déstructurants, comparables à ceux réalisés au cours d'une vidange. Un geste semblable est observé à Saint-Laurent-sur-Oust (Morbihan), dans la sépulture à entrée latérale de Beaumont (Tinevez, 1988; Tinevez et al., 1990), où des restes osseux brûlés sont associés à des objets brisés par le feu (lames et haches polies en silex). Dans les deux cas, on notera le faible nombre d'individus, trois à Saint-Laurent-sur-Oust également. Si, sur ce site, la nature géologique du substrat explique la disparition des os inhumés, il n'en va pas de même à Poses, où l'on observe l'absence de vestiges, même résiduels, des squelettes inhumés. Est -ce le résultat d'un curage soigné de la couche osseuse ? Le monument a donné lieu à deux datations 14 C. La première a été réalisée sur un lot de charbons provenant d'une poche délimitant la structure 2. Nous avons vu qu'elle pourrait correspondre à un aménagement de coffrage détruit par le feu. La datation obtenue est : Lyon-446 (OxA) : 4435 ± 40 BP, soit en datation calibrée [3301-2930] avant J.-C. La seconde analyse a pu être réalisée dans le cadre d'un programme expérimental mis en place par Jan Lanting à l'université de Groningen. Il s'agit des premiers essais visant à élaborer une nouvelle méthode de datation du carbone minéral, lorsque la fraction organique de l'os (le collagène) a disparu soit lors d'une combustion de l'os, soit dans des conditions climatiques arides (sépultures de la zone sahélienne) (Saliège et al., 1998; Person et al., 1998; Lanting et Brindley, 2005). Le protocole mis en place a porté sur des sites pouvant livrer à la fois des charbons de bois et des restes osseux brûlés. Depuis ces premières expérimentations, la méthode a montré sa validité. L'analyse effectuée sur un os brûlé de la structure 1 de Poses a livré la date GrA-14811 : 4770 ± 40 BP, soit [3 644-3 381] avant J.-C. en datation calibrée. Cette deuxième date est sensiblement plus ancienne que la première et un intervalle de 80 ans sépare les deux fourchettes. Le mobilier archéologique est conforme à une datation 14 C calibrée vers la fin du quatrième millénaire. Les récipients A et B n'autorisent pas vraiment de comparaisons fines du fait de leurs reconstitutions partielles. On peut considérer qu'ils se placent dans un intervalle allant du Néolithique récent à l' âge du Bronze. Nous sommes néanmoins tenté de rapprocher le vase de la structure 2, caractérisé par un profil en S et un épaulement relativement marqué, des offrandes céramiques du complexe funéraire Seine-Oise-Marne (en tant que phase ancienne du Néolithique final) (Chambon et Salanova, 1996). Les deux éléments lithiques recueillis peuvent appartenir au Néolithique moyen ou au Néolithique récent-final, les armatures tranchantes disparaissant progressivement dans le courant du Néolithique final. Une armature unique et qui plus est fragmentée par le feu peut difficilement être un élément de datation fine. L'industrie osseuse est beaucoup plus exceptionnelle et mérite un inventaire exhaustif des sources de comparaison, en partie déjà réalisé (Pape, 1982). Le site le plus proche est celui d'Isles-les-Meldeuse (Seine-et-Marne) (Bailloud, 1961), malheureusement découvert dans un contexte incertain (n° 15 à 19, fig. 12). S'y juxtaposent en effet de longues pointes à soie, de longs poinçons et des lames sur base de métapode; le site fut attribué à l'époque au SOM. On retrouve l'association de longs poinçons et de pointes à soie dans la sépulture collective non mégalithique de Stein (Pays-Bas) (n° 20 et 21, fig. 12) (Moddermann, 1964), dans un contexte du Néolithique final complété par la présence d'une bouteille à collerette. Récemment, la sépulture collective de Vignely (Seine-et-Marne) a livré un ensemble de pointes du même type (fouilles sous la direction de Y. Lanchon : Allart et al., 1998). La datation de la couche sépulcrale y fournit un intervalle comparable à celle de la structure 1 de Poses : Ly-9401 [3517-3357] av. J.-C.en datation calibrée (in Mille et Bouquet, 2004). À côté de ces deux sites, W. Pape (1982) en a isolé plusieurs autres ayant livré le même type de pointe allongée à soie aplatie à l'extrémité et à feuille sans barbelure (n° 1 à 14, fig. 12). Ces pointes se répartissent de l' Île-de-France à l'Allemagne du Nord et de la Hollande à l'Allemagne orientale. Elles appartiennent pour la plupart au Néolithique récent-final et proviennent de sépultures collectives du complexe SOM (Montigny-Esbly, Crécy-en-Brie, Oyes, Coizard), d'allées couvertes de Hesse ou de Westphalie, ou d'habitats du groupe de Bernburg (Schrikel, 1976). Elles ont été également découvertes dans la sépulture collective non mégalithique de Schönstedt en Thüringe (Feustel et Ullrich, 1965; Feustel, 1972). Un autre élément de chronologie (terminus post quem) est fourni par le mobilier provenant de la grande dépression périphérique colmatée par des limons sableux et plus particulièrement de deux concentrations céramiques numérotées 1 et 2 sur la fig. 2 (tessons 1 à 4, fig. 10). Ce mobilier est constitué pour l'essentiel de céramique orangée à brun orangé, à dégraissant siliceux grossier. Les formes représentées sont des anses plates ou en boudin ainsi qu'un gros bouton placé quelques centimètres sous le bord. Ce type d'anse peut perdurer de la fin du Néolithique final au Bronze ancien-moyen. La datation du mobilier associé directement aux vestiges funéraires peut donc s'accorder avec une phase de transition entre le Néolithique moyen et le Néolithique récent, tout en insistant sur le caractère original d'un tel assemblage par rapport au mobilier funéraire connu à cette époque (absence de hache et de parures en particulier). Insistons également sur le fait que la datation 14 C de la structure 2 peut tout à fait se raccorder à des événements terminaux dans l'histoire du monument. La seconde datation, réalisée sur os brûlé, ne fait alors que renforcer l'hypothèse d'une construction ancienne, plus ancienne en tout cas que le groupe des allées sépulcrales, dont la phase d'édification semble bien se limiter à la fin du 4 e millénaire dans le Bassin parisien (Chambon et Salanova, 1996). Si le monument funéraire de Poses semble unique dans ce secteur de la Boucle du Vaudreuil, il est accompagné d'au moins deux sites d'habitat proches et dont la datation au Néolithique récent est bien attestée : Poses, les Quatre Chemins (Billard et Penna, 1995) et Poses, la Fosse Sulpice – zone D (Aubry, 1994; fouille de A. Bogusewski, rapport non disponible). Compte tenu de l'ampleur des travaux de suivi archéologique qu'a connu ce territoire, cette présence est significative d'un lien entre sépulture et habitat qui reste généralement très difficile à mettre en évidence. Sur le plan de la forme architecturale, les données sont lacunaires du fait de l'arasement partiel du tumulus empierré. La question de l'accès à la zone sépulcrale (peut-être au nord-ouest) n'est pas documentée. Des traits généraux se dessinent malgré tout : édifice probablement circulaire utilisant à la fois terre et pierre, à chambre quadrangulaire large, faiblement encaissée. Le monument de Poses est relativement éloigné des formes connues dans le Bassin parisien, qu'il s'agisse des allées sépulcrales (mégalithiques ou non), des « cabanes funéraires » (Blanchet et al., 1982 et 1993; Masset, 1995) ou autres hypogées. Seuls certains caractères le rapprochent des sépultures collectives voisines de Val-de-Reuil et Portejoie : c'est d'une part la nature enterrée de la zone de dépôt funéraire et d'autre part le recours à la craie, matériau étranger au site qu'il a fallu aller extraire à flanc de coteau. Il convient également de souligner la place importante que le bois a pu prendre dans la construction de la partie excavée de cet édifice, comme ce fut le cas pour les sépultures de Val-de-Reuil « les Varennes » et de Portejoie « Sépulture 1 ». La présence de deux sortes d' « antennes » sur le côté sud-est de la partie centrale fait écho au dispositif d'entrée dans les sépultures collectives non mégalithiques de Bazoches-sur-Vesle (Aisne) (Leclerc, 1995; Chambon, 2003) ou bien de Vignely (Seine-et-Marne) (Allard et al., 1998), qui s'expliquent par l'utilisation d'une architecture sur sablière basse en bois. Le principe d'une évolution continue de l'architecture mégalithique, concernant en particulier son caractère monumental et les proportions entre chambre et couloir, est aujourd'hui acquis (L'Helgouac'h, 1973; Boujot et Cassen, 1992). La forme massive et circulaire de l'édifice tumulaire de Poses rappelle certains monuments de la Plaine de Caen (Ernes, Condé-sur-Ifs en particulier) et la forme rectangulaire de sa « chambre » évoque davantage des monuments du Néolithique atlantique à chambre rectangulaire, appartenant aux tombes à couloir à chambre simple tels que les dolmens de type angevin, considérés comme tardifs dans la chronologie du Néolithique moyen. Ces types de monuments, lorsqu'ils n'ont pas été réutilisés au Néolithique final, ne livrent quantitativement que peu de mobilier funéraire. Une datation proche de la fin du Néolithique moyen peut être proposée et on est tenté de voir dans le monument de Poses une forme de transition architecturale entre les tumulus avec chambre à couloir du Néolithique moyen atlantique et les allées sépulcrales enterrées du Néolithique récent. Parmi les cinq monuments de Val-de-Reuil et Portejoie (Billard et al. [dir. ], en préparation), des datations réalisées sur trois d'entre eux permettent de situer la phase de construction de ces allées sépulcrales dans une même période chronologique, soit au début du Néolithique récent, vers la fin du quatrième millénaire avant J.-C. La fourchette commune aux trois datations se place entre 3 300 et 3 100 avant J.-C. en dates calibrées. La structure 1 de Poses est donc antérieure à la phase d'édification des allées sépulcrales, même si la datation fournie par la structure 2, qui correspond à un événement probablement terminal, permet d'envisager que le fonctionnement de ce monument se prolonge jusqu' à une phase charnière qui voit l'apparition de nouvelles formes architecturales. Le but de cet article ne vise pas à la recherche exhaustive des monuments présentant une architecture ou des pratiques funéraires voisines. On peut toutefois insister sur le fait que la pratique de l'incinération est loin d'apparaître comme anecdotique, même si l'on met à part les cas manifestes de sépultures incendiées, assez nombreux aujourd'hui dans le Bassin parisien (cf. Guillot et Le Goff, 1995; Masset, 2002; Gatto, 2003), telles que le « crématoire SOM » de La Hoguette à Fontenay-le-Marmion (Calvados), très probablement une allée sépulcrale en bois incendiée (Caillaud et Lagnel, 1972). Au total, L. Burnez-Lanotte (1987) a répertorié 29 sites funéraires du complexe SOM livrant des restes humains brûlés. Rappelons également qu'au Néolithique moyen le site de Mestreville à Saint-Pierre-d'Autils (Eure), fouillé anciennement par A. G. Poulain et dont l'étude a été reprise récemment (Billard et al., 1988; Billard, 1990), a montré qu'au moins trois abris sous roche avaient donné lieu à une utilisation funéraire complexe au Néolithique moyen. En particulier, la couche B de l'abri n° 1 (ou « abri du mammouth ») a livré un foyer contenant une mandibule d'adolescent au milieu d'un amas de pièces lithiques et d'ossements animaux. L'abri n° 2 (ou « abri du squelette ») a livré trois foyers (dont le dernier fouillé en 1988) comportant des fragments de crânes humains brûlés ainsi qu'une clavicule humaine, des ossements animaux partiellement brûlés (bovidés, cerf, oiseaux), de nombreux silex taillés et des tessons de céramique néolithique. Dans ce dernier cas, cette pratique d'incinération pourrait être liée à une sorte de caveau situé dans le fond de l'abri et ayant livré, lors des fouilles anciennes, un squelette complet (non brûlé). À Neuvy-en-Dunois (Eure-et-Loir) (Masset et al., 1968), l'une des plus anciennes sépultures collectives du Bassin parisien (datée [4354-3764] avant J.-C. en datation calibrée) ne contenait que des restes d'individus incinérés. Plus récente, la sépulture de Maison Rouge à Montigny (Loiret) est datée du Néolithique récent et abritait les restes de plusieurs dizaines d'individus qui ont été incinérés à l'extérieur du caveau (Masset et Baratin, 1980 : Gif 3759 et 3760, soit respectivement [3346-2507] et [3616-2879] avant J.-C. en datations calibrées). Citons également, parmi les sépultures offrant témoignage d'une pratique de l'incinération, la « cabane funéraire » de Noisy-sur-École (Seine-et-Marne), une autre sépulture collective dont les dimensions et les datations ne sont pas sans évoquer la chambre rectangulaire de Poses (Brézillon et al., 1973). Le monument de Marolles I, interprété comme allée couverte mégalithique, contenait, quant à lui, huit à dix corps incinérés (Masset et Mordant, 1967). Le caveau non mégalithique de Stein (Modderman, 1964) a livré les restes incinérés d'une trentaine d'individus rassemblés en deux grands tas. Cependant, d'éventuelles inhumations ont pu y disparaître à cause de l'acidité du sol. Encaissé d'environ 50 cm sous le sol actuel, le monument a livré un mobilier funéraire très proche par sa composition de celui de Poses, en particulier une série de pointes en os exposées au feu ainsi qu'un pot à fond plat assez proche de celui de Poses par sa forme et la relative finesse de ses parois. D'autres types de mobilier plus variés qu' à Poses ainsi qu'une datation 14 C tardive (vers 2 600 avant J.-C. – calibré) distinguent toutefois les deux monuments. La pratique de l'incinération est également attestée dans le Steinkist de Lohra en Hesse ou bien dans la sépulture collective de Derenburg. Incinération et inhumation coexistent par exemple à Hérouval (Montjavoult I, Val-d'Oise), à Gudensberg en Hesse, à Nennungen en Saxe. Quelques exemples d'incinération figurent en Grande-Bretagne et en Irlande (culture de Clyde-Carlingford, long barrows de la culture de Windmill-Hill, cultures de la Boyne et de Dorchester). Dans le Bassin parisien, il est de plus courant de rencontrer quelques ossements brûlés parmi les restes inhumés. Au total, de nombreux cas de figure existent et laissent présager que le feu a pu avoir des fonctions multiples au sein des caveaux collectifs néolithiques. À Poses, il ne semble pas que le traitement par le feu ait été appliqué à l'édifice mais bien aux restes des défunts et à une partie du mobilier funéraire. Par ailleurs, le lieu a pu fonctionner comme un ossuaire, recevant les restes des défunts en une seule fois. S'ajoute à cette pratique funéraire un type d'architecture incontestablement originale qui pourrait renvoyer au mégalithisme atlantique et annoncer une évolution vers les sépultures collectives dissimulées du Bassin parisien. À l'intérieur de la microrégion que forme la confluence de la Seine et de l'Eure, on distingue toutefois des allées sépulcrales (mégalithiques ou non), édifiées à une date très proche mais postérieure à celle obtenue pour le monument de Poses. Dans ce dernier, nous n'avons rencontré ni l'ampleur des dépôts funéraires de ces allées sépulcrales, ni une longévité qui serait attestée par la multiplicité et la variété du mobilier. Surtout, aucune des cinq sépultures collectives de Val-de-Reuil et Portejoie n'a livré de témoins d'une incinération quelconque des ossements. Cette originalité s'explique très probablement par la position chronologique de l'édifice de Poses. Au sein de la microrégion que constitue la Boucle du Vaudreuil, on ne peut manquer également de remarquer la présence d'un outillage osseux particulièrement soigné, dont il n'existe aucun équivalent dans les allées sépulcrales environnantes. De plus, le monument de Poses semble isolé alors que ces allées sépulcrales sont regroupées dans un ensemble. Cette différence de traitement des individus ne nous semble pas anecdotique et pourrait être significative soit de différences de statuts individuels au sein de la société néolithique, soit des mutations qui affectent le domaine funéraire entre le Néolithique moyen et le Néolithique récent. À Poses, seules des conditions exceptionnelles ont permis la conservation d'une partie de la superstructure de l'édifice. Dans d'autres conditions moins bonnes, on peut imaginer que les vestiges correspondant à des sépultures du même type et dont le caractère monumental est indéniable se réduisent à une fosse peu profonde dans laquelle figurent quelques esquilles d'ossements brûlés et quelques tessons. La difficulté à identifier ce type de vestiges pourrait expliquer le manque de documentation concernant les pratiques funéraires immédiatement antérieures à la génération des allées sépulcrales dans le Bassin parisien. Le site de Poses soulève donc plus globalement la question de l'identité funéraire des groupes néolithiques du Bassin parisien face au mégalithisme atlantique, lorsque l'on considère la période comprise entre le premier monumentalisme (Sépultures de type Passy, longs tumulus) et l'apparition des allées sépulcrales. Il est difficile de croire que l'on y a délaissé toute construction monumentale. Peut-on concevoir alors qu'au sein du Bassin parisien se soient développées au Néolithique moyen des architectures funéraires originales, voisines par la forme architecturale à défaut de l' être par les matériaux utilisés ? Nous l'avons dit, ce monument doit son identification à des conditions exceptionnelles qui ne sont que rarement réunies dans les zones de grandes cultures. C'est pourquoi nous pensons qu'au stade actuel de la recherche dans le nord de la France, il serait regrettable d'opposer deux zones géographiques, l'une atlantique où l'attention s'est focalisée sur l'architecture mégalithique, et l'autre, plus à l'est, où la forte activité de l'archéologie préventive tend à mettre en avant les sépultures en fosse . | La fouille d'une large surface, à Poses, au lieu-dit « Sur la Mare », a permis d'étudier les vestiges d'une petite structure funéraire en partie arasée. Cet édifice est constitué d'une couronne d'empierrement en blocs de craie, de forme ovalaire et délimitant un espace central quadrangulaire d'environ 4 m sur 6. Cet espace intérieur, légèrement excavé, a fourni d'une part une structure contenant un vase, et d'autre part une nappe d'ossements brûlés associés à d'autres restes également brûlés: fragments de céramique, outillages osseux et lithique. Les questions concernant le type de fonctionnement, l'architecture et la datation de cet édifice à une phase de transition entre les Néolithiques moyen et récent font ici l'objet d'une discussion. | archeologie_08-0169909_tei_176.xml |
termith-161-archeologie | Cette note est un bref rappel de la découverte, par O. et J. Taffanel, le 16 mai 1936 (Héléna 1937; Taffanel 1938), d'un bloc sculpté sur le Cayla de Mailhac (fig. 1) et sur la localisation probable de la carrière d'extraction. Sans reprendre le dossier complet des piliers à décors sculptés, nous avons voulu replacer ce témoin de l'art indigène dans son contexte régional en tenant compte des dernières études relatives à des monuments plus complets. Le bloc a été ramassé sur un clapas entre les fouilles 22 et 30 (fig. 2) dans le secteur oriental de l'oppidum. Sa présence sur le clapas peut s'expliquer par la mise en culture du plateau du Cayla qui aurait nécessité par endroits des épierrements. Les fouilles menées sur cette partie de l'oppidum ne fournissent aucun élément pour localiser la provenance exacte du bloc. Le matériau employé est un poudingue à grains fins à moyens (2 à 3 mm de section) avec des inclusions de grains plus gros (> 1 cm). Dans le contexte géologique mailhacois, constitué principalement de calcaire froid et de grès (Gailledrat, Bessac 2000), ce type de formation est plutôt rare. Un gisement potentiel a été repéré à l'ouest du Cayla sur la rive droite du Répudre dans la partie haute du ravin des « Courounelles » (fig. 3). Lors de sa découverte par O. et J. Taffanel, un bloc monolithe de près d'un mètre de longueur, était encore présent sans contexte archéologique particulier (fig. 4). Une rigole, aménagée dans le sens de la longueur sur une face, peut être interprétée comme un acte préparatoire destiné à la division du bloc en deux piliers ou linteaux égaux. Notons que les piliers ou linteaux ainsi obtenus auraient des sections de dimensions similaires à celles du bloc sculpté. S'il est possible de voir dans ce gisement la carrière d'extraction, aucun élément ne lui confère un statut « d'atelier de taille ». Les blocs débités ont pu être emportés bruts sur le Cayla et sculptés sur place. Le bloc se présente, sous sa forme actuelle, comme un parallélépipède aux dimensions moyennes de 0,35 m de longueur, 0,25 m de largeur pour 0,20 m de hauteur. Les faces inférieure et supérieure ont des traces « d'arrachements » indiquant que le bloc devait être plus long. Le matériau employé n'a pas permis un traitement de surface soigné. De même, les détails anatomiques, bouche et nez, sont simplement figurés. Cela donne à l'ensemble un aspect brut et massif. Sur les quatre faces, deux présentent des figurations anthropomorphes (fig. 5, faces B et D) en bas-relief. Il s'agit de la stylisation de visages et peut-être de la partie supérieure de bustes. Sur la face B (fig. 6), le visage ovalaire se détache en léger relief (2 à 3 cm) par le creusement des parties non figuratives. La ligne horizontale bien marquée peut représenter le haut du buste ou délimiter un cloisonnement à l'intérieur duquel se situerait la tête. Les détails anatomiques du visage sont traités en creux. On distingue la bouche dont la commissure des lèvres est tournée vers le haut. Les autres creusements peuvent être associés pour donner forme au nez. L'absence des yeux est due à la nature incomplète du bloc. Sur la face D (fig. 7), on retrouve le même agencement général, mais la pierre plus altérée rend la lecture moins aisée. Les creusements ornant le visage sont difficilement attribuables avec certitude. On hésite entre la représentation du nez ou de la bouche avec une préférence pour la seconde solution étant donnée l'absence de creusements dans la partie inférieure du visage. Les deux autres faces (A et C) sont dépourvues de figuration anthropomorphe. La face A possède une démarcation horizontale identique à celles des faces B et D. La partie supérieure est très altérée et n'autorise pas en l'état d'y placer une troisième tête. La face D a subi un traitement de lissage avancé par rapport aux surfaces planes des autres faces. On pourrait y voir la face arrière du bloc. Les cassures aux deux extrémités du bloc ont pu oblitérer la lecture de moyens de fixation; aucune trace de trou de mortaise n'a été observée. Plusieurs éléments permettent d'avancer l'hypothèse de l'appartenance du bloc sculpté à un pilier. La découverte du bloc monolithe aux Courounelles incite à penser que la production de piliers était possible avec ce matériau, même si, au vu des dimensions, on peut rattacher cet élément à la préparation de linteaux. Les autres éléments concernent les comparaisons qui peuvent être effectuées à partir de l'inventaire de la statuaire protohistorique du Midi de la Gaule (Arcelin et al. 1992, 231-237). Sans reprendre en détail tous les vestiges découverts, on remarque que les représentations de figure humaine du type de Mailhac appartiennent toutes à des piliers (Aix-en-Provence, Entremont : Salviat 1987; Velaux, Roquepertuse : Collectif 1991) ou des linteaux (Nimes, Les Arènes : Py 1990). S'il existe des différences de traitement, en bas relief à Mailhac, en haut relief pour le linteau des Arènes de Nîmes ou les cas de crânes insérés dans des cavités céphaliphormes comme à Roquepertuse, nous observons une récurrence dans les modes de représentation du thème des « têtes coupées ». Il est donc raisonnable de voir dans le bloc de Mailhac une partie de pilier. Si l'on veut aller plus loin dans l'analyse, on note que les piliers s'intègrent dans des édifices dont la vocation cultuelle semble admise. Peut-on imaginer un tel édifice sur le Cayla de Mailhac à partir de ce seul bloc sculpté ? Il est évident que l'hypothèse est séduisante mais les conditions de découverte nous incitent à la prudence. Rappelons que la sépulture de chef (fouille 44, Taffanel 1960) a été découverte sur la même partie orientale de l'oppidum (fig. 2). La même prudence sera de mise à propos de la chronologie de cette sculpture. Les fouilles menées par O. et J. Taffanel aux environs immédiats du clapas révèlent des occupations successives du Bronze final IIIb jusqu' à l'époque romaine avec toutefois des hiatus reconnus pour l'ensemble de l'oppidum situés principalement entre 700-525 av. J.-C. (Louis, Taffanel 1955; Gailledrat 1996) et entre 250-150 av. J.-C. (Séjalon 1997). De façon générale, il semble que l'on puisse attribuer ce type de construction à la période située entre la fin du V e s. et le début du II e s. av. J.-C. (Arcelin et al. 1992) avec toutefois des éléments plus anciens (Py et al. 1994) qui ont récemment conduit à un vieillissement notable (un siècle à un siècle et demi) de certaines sculptures en ronde-bosse (Arcelin 2000). Sans exclure une datation haute, on peut penser que les travaux agricoles effectués sur le Cayla n'ont pas atteint les niveaux les plus anciens et que la phase récente du Cayla IV (150-75 av. J.-C.) correspondrait à l'établissement du monument où le bloc prendrait place. L'étude du bloc sculpté du Cayla de Mailhac nous amène à réfléchir sur sa place dans la statuaire protohistorique du Midi de la Gaule. Force est de constater que les exemples de sculptures anthropomorphes ou à motifs anthropomorphes sont plutôt rares en bas Languedoc audois et ouest-héraultais comparés à ceux du Languedoc oriental ou de la Provence (Arcelin et al. 1992, 217). Avec l'exemple du « défunt héroïsé » de Bouriège (Barruol et al. 1961), seuls le pilier découvert sur l'oppidum de Pech Maho (Solier 1976; Dedet, Schwaller 1990) et une stèle avec gravure ovalaire évoquant une tête coupée mise au jour sur l'oppidum de La Ramasse (Garcia 1992) illustrent ce dossier. Cette indigence documentaire, due au hasard des découvertes ou à une réelle carence des représentations anthropomorphes, rend caduque toute tentative de synthèse pour la région concernée . | Cette note rappelle la découverte ancienne d'un bloc sculpté et de la probable localisation de la carrière d'extraction. Mis au jour sur un clapas situé sur la partie orientale de l'oppidum du Cayla à Mailhac (Aude) par O. et J, Taffanel, il s'agit d'un fragment de pilier avec deux têtes sculptées en bas relief. À partir d'éléments comparables trouvés en Languedoc oriental et en Provence, l'hypothèse d'un monument cultuel sur le Cayla est envisagée. Les conditions de découverte ne permettent pas de le localiser avec précision et sa datation ne peut être que suggérée. La présence de ce témoin de l'art indigène renvoie une image homogène pour l'exploitation du thème des têtes coupées dans le sud de la France même si la documentation disponible en Languedoc occidental ne permet pas encore de synthèse. | archeologie_525-02-11129_tei_129.xml |
termith-162-archeologie | À l'inverse d'Alésia, directement liée à l'histoire de la Gaule, le site de Mirebeau est mal connu du public alors qu'il occupe une place de premier plan dans l'archéologie celtique et dans l'archéologie militaire romaine. N'ayant pas de nom – celui -ci n'a pas encore été découvert – on n'en trouve pas trace dans les textes antiques. Au XIX e siècle, les archéologues locaux, alertés par les découvertes fortuites, ont épilogué sur le séjour de la VIII ème Légion. Mais aucune fouille sérieuse n'a été organisée. C'est la photographie aérienne du site en 1964 qui en a donné aussi bien une image d'ensemble que le détail de ses principaux éléments. Après les campagnes de fouilles de 1968-1990, la publication Le camp légionnaire de Mirebeau (Goguey, Reddé, 1995) fit le point des connaissances et un colloque organisé à Luxembourg fut consacré aux canabae. La disparition de C. M. Ternes en arrêta la publication qui est partiellement reprise ici. La poursuite des prospections, la numérisation et le traitement informatique d'un ensemble exceptionnel de photographies aériennes qui n'avaient pu bénéficier de ces techniques firent apparaître de nouvelles données qui sont présentées dans cet article. La découverte aérienne, en 1973, d'un important sanctuaire celte et gallo-romain donna un nouvel éclairage sur Mirebeau. Les fouilles furent menées à partir de 1977 par R. Goguey (Goguey, 1980, p. 169-209), continuées en 1981 par J.-P. Guillaumet et Ph. Barral (Brunaux, 1985, p. 79-112; Joly, 1986, p. 48-53), puis reprises en sauvetage par l'INRAP (Venault, 2006, p. 334-335) et en chantier-école de la Sorbonne depuis 2001 (Joly, Barral, 1986). Elles montrent que le sanctuaire et une agglomération, celtique puis gallo-romaine, constituèrent le point fort de la région. L'implantation, sous les Flaviens, d'un monumental camp de la VIII ème Légion et de ses annexes resta sans véritable lendemain lorsque celle -ci le quitta pour s'installer près du Rhin, à Strasbourg (fig. 1). Elles furent assez nombreuses pour attirer dès 1834 l'attention des archéologues. Dans un « Essai sur le camp romain de Mirebeau », M. Boudot recense, sur un espace de 4 km 2, des « restes de murs antiques peints à fresque, débris de colonnes, pièces de marbre… briques ou carreaux, médailles romaines… ». Il signale un aqueduc mis au jour par des carrières sur une longueur de 88 m (Boudot, 1835, p. 135-329). Les nombreuses tuiles à estampille de la VIII ème Légion ramassées sur le site sont présentées par R. Mowat à l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres en 1883 (Mowat, 1883, p. 317-329), par A. Héron de Villefosse en 1908 (Héron de Villefosse, 1908, p. 133-135), et le camp de Mirebeau est mentionné dans les « travaux militaires » du manuel d'A. Grenier, qui en réduit la surface à « près d'un kilomètre carré » (Grenier, 1931, p. 237). Mais aucun levé topographique n'est fait sur les vestiges encore visibles en surface au XIX e siècle, aucune fouille sérieuse n'est organisée. Les pierres vont remblayer les chemins, les labours nivellent le terrain et le camp de Mirebeau rejoint les légendes de souterrains communes à un grand nombre de villages. Elles entrent dans un cadre général de recherches entreprises en 1958 avec l'appui de l'Armée de l'Air Française (Goguey, 1968), et poursuivies jusqu' à ce jour à bord d'un avion R 3000 « recherche archéologique et scientifique » acquis par le Conseil Régional de Bourgogne. La zone étudiée, sous l'égide du Ministère de la Culture, s'étend de la Loire au Rhin, et des missions ont été organisées sur la Tchécoslovaquie et la Hongrie. Les premières découvertes sur Mirebeau datent du 3 juillet 1964 : dans les champs de blé se dessinaient les fossés d'un camp « en forme de carte à jouer », les remparts d'une forteresse, les murs et colonnes des principia et de nombreux bâtiments (Goguey, 1967, p. 159-170; fig. 2). Les recherches aériennes, continuées sans interruption sur le site jusqu' à ce jour (soit plus de 44 années jusqu'en 2008), ont rassemblé un volumineux dossier de photographies obliques et verticales sur neige fondante, sur céréales, sur luzerne, sur labours, qui ont permis de dresser les plans des principales structures du camp de la légion et de leurs annexes extra muros, et de les placer dans un environnement archéologique d'une particulière importance (fig. 3). On doit noter que la numérisation des clichés grand format réalisés « sur mesure » avec les avions de la Base Aérienne de Dijon-Longvic et avec les « Mirage III R » de Reconnaissance de Strasbourg-Entzheim apporte des informations d'une grande richesse. Une première série de fouilles ont été ouvertes de 1968 à 1977 sous ma direction, pour exploiter les données de la photographie aérienne en quelques points précis : basilique et entrée des principia, rempart/fossés sud, habitat et thermes publics extra muros (Goguey, 1971, p. 14-20; 1973, p. 99-157; 1977, p. 54-59; Goguey, Rapports de fouilles de 1968 à 1977). Une deuxième série, menée de 1985 à 1990 sous la direction de Michel Reddé, a porté sur les défenses (rempart et fossés, tours intermédiaires, porte principale gauche et porte décumane), sur les casernes de légionnaires, sur l'aile orientale des principia et sur le camp de terre (Reddé, 1995; Reddé, 1996, p. 191-201; Reddé, 2006, p. 331-334; fig. 5). Les éléments présentés sont tirés de la photographie aérienne et d'une quinzaine d'années de fouilles qui ont confirmé les données de la photo-interprétation et révélé des structures invisibles. En dehors de la zone détruite par les carrières du xix e siècle, la photographie aérienne en donne un plan continu, alternativement à des dates et sous des formes complémentaires : rempart oriental sur sols nus, rempart et tours sur végétation (fig. 5), fossés sur neige… Le rempart délimite un espace rectangulaire de 580 x 390 m, soit 22 hectares environ. Large de 3,70 m, il est constitué d'un blocage de pierraille maintenu, à l'intérieur, par une élévation en pierres sèches renforcée par une armature de poutres en bois, à l'extérieur par un parement de pierres dressées sur une face et liées au béton maigre. Les tours carrées intermédiaires, distantes d'une quarantaine de mètres, ont été précédées de tours en bois dont les trous de poteaux ont été retrouvés jusqu'au roc. L'une d'elles, au sud de la porte prétorienne, est divisée en quatre structures comparables à celles de la porte ouest de Housesteads en Angleterre (Webster, 1969, p. 208, fig. 44). S'agit-il d'une poterne plus monumentale que d'ordinaire reliant la praetentura à l'agglomération civile et aux thermes, ou d'une tour renforcée pour favoriser la défense de la courtine ? Les portes (n os 4, 5, 6 et 7, fig. 3), dont trois ont été repérées et deux fouillées, ont un plan identique : protégées par deux tours en U en saillie, elles comportent deux arches voûtées soutenues par une retombée intermédiaire (fig. 6). La maçonnerie des tours est indiscutablement liée à celle des remparts, ce qui exclut l'hypothèse de remaniement tardif suggérée par la typologie (Brouquier - Reddé, Reddé, 1995, p. 33-37). Un premier fossé en V suit les remparts sur les quatre côtés du camp. Un second fossé a été ouvert postérieurement sur deux des côtés. Il se poursuit de quelques mètres en ligne droite sans envelopper l'angle correspondant. À l'extérieur, les photos verticales révèlent de grandes fosses circulaires, vraisemblablement fosses dépotoirs (Goguey, 1964). Elles respectent le schéma habituel, avec une via principalis bien structurée, dont les strates attestent les usages successifs et la phase de ruinification, suivie de recharges post-antiques. À son carrefour en T avec la via praetoria, deux fontaines, des caniveaux latéraux et des éléments de portique donnent une idée de son caractère monumental. Les autres voies ont laissé des traces moins nettes. Seules les limites de la voie décumane aboutissant à la porte nord sont visibles. Celles de la voie prétorienne, plus prestigieuse, paraissent marquées par des portiques dont quelques emplacements de colonnes sont visibles sur l'agrandissement « à la taille des pixels » d'un cliché du 22.06.89 (fig. 7, en haut à gauche). C'est l'édifice le plus typique, dont le plan a été défini dès les premières photographies aériennes de 1964. Il occupe un carré de 85 m de côté, avec entrée monumentale au sud dans l'axe de la via praetoria. Les armamentaria sont disposées sur les quatre côtés. La cour, bordée d'un portique sur trois des côtés, donne accès à une basilique à trois nefs dont on distingue clairement les deux rangs de piliers (ou de colonnes) (Goguey, Reddé, 1995, p. 24 et p. 70-81). Quelques photos précisent l'emplacement de colonnades le long des portiques de la cour et d'une galerie externe (fig. 8). Tel qu'il peut être restitué d'après les données actuelles, l'ensemble des principia de Mirebeau rappelle, à quelques variantes près, les principia de Nimègue ou, en moins important, ceux de Xanten. Des traces de reconstruction après abandon sont visibles sous forme de différences d'orientation et, en stratigraphie, par trois niveaux dans le portique oriental (Goguey, Reddé, 1995, p. 80). À l'extérieur, de nombreux points sombres sont visibles dans la retentura : certains, mieux organisés, peuvent être attribués à des trous de poteaux. Quelques-uns forment un quadrilatère au sud des principia. L'abside visible sur les photos de 1964 à l'angle nord n'a pas été retrouvée en fouilles. Elle semble cependant confirmée et se prolonge par un mur légèrement divergent dans l'aile nord-ouest des principia. Les logis des officiers et du légat ne sont connus que par quelques indices relevés sur les photographies aériennes. Au nord des principia, quelques traces de constructions, dont une structure en forme d'hippodrome, occupent l'emplacement habituel du praetorium. Le morcellement cadastral en petites bandes de vergers ne permet pas de conclure. Dans la négative, la demeure du légat devait être le long de la via principalis, à l'ouest des principia, dans la zone profondément détruite par les carrières du xix e siècle. Des maisons d'officiers apparaissent plus nettement dans la praetentura. Des photographies de juin 2004 donnent le plan de la maison d'un tribun, avec l ' atrium, ses pièces d'habitation et un grand péristyle de jardin (fig. 7). Un bâtiment comparable a été mis au jour dans le camp d'Oberaden et à Lambèse (Kühlborn, 2006, p. 103). À côté, un bâtiment rectangulaire et une série de logettes rappellent certains éléments du sanctuaire de Saint-Usage. Les casernements, dont on distingue par places les lignes parallèles et les têtes de centurie (fig. 6), sont mieux connus par la fouille : blocs composés d'une double rangée de pièces avec un portique en façade, élévation des murs en pisé sur fondations de pierres sèches, couverture de tuiles estampillées (Reddé, 2006, p. 106-111 et p. 333). L'un d'entre eux, très net sur les photographies aériennes mais réduit à ses fondations dans une glaise stérile lors des sondages, occupe une surface de 50 x 36 m (fig. 3, n° 10). Il comporte un seul rang de pièces ouvrant sur une cour péristyle avec, au centre, une structure circulaire d'une dizaine de mètres de diamètre. Plus qu'un bassin, dont le fond aurait subsisté, il semble que cette structure rappelle la rotonde de certains macella (De Ruyt, 1983). Dans un contexte militaire, cet ensemble rectangulaire est comparable au magasin à cour centrale de Vindonissa. À son contact au nord, un grand ensemble rectangulaire, couvrant plus de 2 ha, avec ses deux colonnades parallèles, ne peut être un habitat. En l'absence de fouilles, l'hypothèse de fabrica ne peut être étayée. Des thermes intra muros, quelques indices seulement ont été photographiés à l'emplacement habituel de la praetentura, avec sous-sols d'hypocaustes et bassins probables. Mais l'opposition du propriétaire agricole n'a pas permis d'organiser sur ces indices une fouille qui aurait été d'un grand intérêt pour conforter la chronologie d'occupation du site. Deux d'entre eux peuvent être aisément reconnus sur quelques-unes des photographies aériennes : le camp de terre et l'amphithéâtre. Il occupe le versant d'une petite éminence à 350 m au nord-est de la forteresse. Le seul élément visible en est un fossé délimitant un rectangle à angles arrondis de 272 x 212 m (fig. 9). Trois des portes ont pu être mises en évidence par des photographies à très basse altitude : il s'agit d'une simple interruption du fossé. Aucune trace de système défensif complémentaire n'apparaît, ni clavicula, ni titulus, alors que la même technique aérienne appliquée aux travaux césariens d'Alésia révèle clairement le détail d'un rempart de terre et bois et les trous de poteau barrant la porte extérieure du camp C (Goguey, 1991, p. 43-51). Parmi les nombreuses traces relevées dans ce secteur, l'une, plus claire (voie ?), traverse longitudinalement le camp. Elle est accompagnée d'une structure subcirculaire incluse dans un enclos quadrangulaire, avec quelques trous de poteaux. Est -ce un petit sanctuaire ? Un poste de garde ? Aucune de ces hypothèses n'est clairement assurée mais les intersections montrent que les fossés du camp et cette dernière structure ne sont pas contemporains. Un carrefour en Y de voies a été photographié à proximité (fig. 3, n° 2). Si l'hypothèse d'une liaison directe entre la voie de Vaux-sous-Aubigny et celle de Pontailler est justifiée, le camp serait établi le long de cette voie, mais non parallèle. Les sondages effectués en 1987 et 1989 sur le site ont confirmé l'existence d'un fossé en V large de 5 m creusé dans le roc, mais aucune trace d ' agger, aucune fosse, aucun tesson (Goguey, Reddé, 1995, p. 25). Il ne semble donc pas que ce camp ait été occupé très longtemps, ni très défendu. L'hypothèse d'un camp utilisé par les légionnaires pendant la construction de la forteresse est ainsi exclue. L'interprétation la plus vraisemblable est celle d'un campus destiné aux exercices militaires de la légion (Le Bohec, 1977, p. 71-85 et 1999, p. 90-91), ce que confirment les photographies : la trace d'un vallum n'est visible que sur un seul angle, alors qu'une tour d'angle occupe le côté opposé. C'est la seule des structures légionnaires de Mirebeau qui n'ait pas été totalement arasée. Bien visible en stéréoscopie sur les photographies verticales réalisées avec l'Armée de l'Air le 23 juin 1967, sous forme d'un anneau ovale autour d'une dépression, il a été contrôlé au sol par un levé topographique dont les courbes de niveau restituent l'image : une enceinte de 100 x 70 m environ, établie à 120 m au nord-ouest de la forteresse. La terre provenant du surcreusement de l'arène a été rejetée sur l'un des côtés pour en compléter la pente (fig. 10). Un chemin relie directement l'amphithéâtre à la sortie droite du camp. L'hypothèse d'un amphithéâtre de terre à bancs de bois est la plus plausible. Elle peut s'appuyer sur l'exemple mieux connu de l'amphithéâtre militaire de Xanten. L'étude approfondie de l'ensemble des photographies réalisées sur la sortie occidentale du camp a révélé une parcelle piquetée d'une centaine de taches claires, que l'on pourrait interpréter comme les chablis d'un verger (fig. 11). Il y avait en effet dans cette zone très morcelée des plantations d'arbres fruitiers aujourd'hui déboisées, mais qui n'ont laissé aucune trace comparable. Leur densité et leur forme – généralement quadrangulaire – serait plutôt celle de tombes. Cette zone voisine du rempart et de la porte principale droite connut – contrairement à celle de la porte principale gauche – une intense activité avec l'amphithéâtre, la mansio et la proximité de l'agglomération indigène. L'hypothèse d'une nécropole légionnaire à cet endroit n'est pas invraisemblable. Elle devra cependant être vérifiée car des tombes mérovingiennes ont été signalées au XIX e siècle dans ce secteur. Deux d'entre eux sont apparemment isolés au nord et au nord-ouest de la forteresse. Les autres sont groupés en agglomération civile au sud. Les photographies de 1991 ont révélé à l'extérieur de l'angle nord du rempart un petit édifice rectangulaire cloisonné de type « habitat ». Plus important est le vaste espace à galerie découvert en 1976 à 180 m de la porte principale droite, aligné sur la voie qui en sort (Goguey, Reddé, 1995, p. 27). Bien qu'il ne soit que partiellement visible sur les clichés – et vraisemblablement très détruit jusqu' à ses fondations –, il peut être restitué sous forme d'un bâtiment avec mur d'enceinte renforcé dessinant un rectangle de 100 x 70 m. Un deuxième mur interne plus mince délimite une galerie large d'une dizaine de mètres, donnant par un portique sur la grande cour centrale. Aucun refend ne divise la galerie, mais la présence de cloisons de bois, qui n'auraient pas laissé de traces, n'est pas exclue (fig. 3, n° 14). En l'absence de données plus précises, deux interprétations peuvent être proposées : - celle d'un macellum, comparable par ses dimensions et son plan à celui de Corinthe (De Ruyt, 1983); - celle d'une mansio établie, comme à Silchester, à l'une des sorties du camp, et dont on connaît l'utilité pour abriter les véhicules de la légion. Des fouilles étendues à l'ensemble de ce secteur – qui n'a jamais été exploré jusqu'ici – permettraient sans doute de lever ces incertitudes. Une couche archéologique a cependant été révélée par le creusement d'un puits dans le thalweg voisin. C'est une importante agglomération civile qui a été découverte à la sortie de la porte prétorienne, entre le fossé externe du rempart méridional et le méandre de la Bèze. Les édifices, dont les fondations en pierre apparaissent clairement, sont en majorité des édifices publics, qui occupent à Mirebeau une place inhabituelle. Les habitations, le plus souvent sur poteaux, laissent peu de traces dans un substrat de glaise. Elles devaient occuper le grand espace délimité par un mur quadrangulaire à l'est de la porte prétorienne (fig. 3, n° 16). L'une d'entre elles, construite en dur, était chauffée par hypocauste (attesté par la fouille). À l'est des deux fossés qui accompagnent le rempart oriental, quelques lignes de murs et des points pourraient être l'indice d'une extension de l'agglomération civile jusqu' à la sortie de la porte principale gauche. Cette disposition est celle dite « annulaire » de Niederbieber (Sommer, 2006, p. 133, fig. 116). Identifiés en vol au cours des premières recherches de 1964, leurs vestiges ont donné des plans très clairs sur céréales (fig. 12) et sur neige fondante en janvier 1969. On peut ainsi distinguer les sous-sols remblayés et les murs des tranchées de récupération. Les bâtiments occupent un rectangle de 80 x 40 m, dont les rez-de-chaussée ont été totalement arasés, les sols détruits par les labours. Les fouilles (fig. 12, en bas) ont confirmé la présence d'hypocaustes rectangulaires et circulaires, tous dallés de tuiles à estampilles scellées face contre terre. Les bassins se déversent dans la rivière par trois égouts. Le remblai des sous-sols, effectué avec les ruines de l'édifice et un pan de mur, donne l'image des superstructures, avec une utilisation généralisée de tuiles à estampilles en doublage des parois et en support des enduits architecturaux tels que pilastres. Des remaniements sont visibles dans l'organisation des hypocaustes et l'existence d'un état antérieur est attestée par la présence d'un mur primitif divergent (Goguey, Reddé, 1995, p. 96-98). La palestre avec son portique trapézoïdal occupe l'emplacement habituel au nord de l'édifice. À l'est des thermes, un dispositif de murs orthogonaux organise l'espace en structures trop vastes pour qu'elles puissent être des habitats. L'analyse des photographies aériennes fait apparaître une place rectangulaire vide (70 x 30 m), avec quelques éléments latéraux qui pourraient être des portiques. Les murs se prolongent vers l'est en forme de bâtiment cloisonné sur l'un des côtés, dont les pièces sont distribuées par un couloir central (fig. 13). Il est possible que cet ensemble, manifestement public, corresponde au forum dont H. von Petrikovits a suggéré l'existence dans les canabae militaires (Petrikovits, 1981, p. 171). Par sa position, on pourrait aussi penser à une palestre plus étendue, adjacente à la première. Mais ses dimensions ne sont-elles pas disproportionnées par rapport à l'ensemble thermal ? C'est en juin 1992 que les photographies aériennes ont donné de cet ensemble des plans très précis, avec emplacement des colonnes et détails techniques des fondations. La partie visible s'étend sur plus de deux hectares, au sud de l'angle oriental du rempart (fig. 14). Trois types de bâtiments se côtoient ou se mêlent : - un ensemble architectural cohérent (fig. 3, n° 17), avec cour rectangulaire à péristyle, bordée de grandes pièces sur l'un des côtés. On accède par une entrée à double colonne à un espace quadrangulaire à édifice central rectangulaire dont les fondations profondes ont dû supporter de hauts murs (cella ?). On débouche à l'extérieur par un porche en avancée. À l'est, trois pièces carrées, puis deux rangs de petites cellules. Un tel plan n'est pas celui d'une villa. S'agit-il d'un édifice cultuel ou simplement, comme le suggère M. Reddé, d'une mansio très proche de Lydney Park en Angleterre (Reddé, 1995, p. 27) ? - sous l'angle même du rempart (fig. 3, n° 18), les traces plus effacées de bâtiments avec restes de fondations « en tirets » rappelant les horrea du type « sur poteaux porteurs » des camps de Nimègue, de Bonn, de Rödgen (Reddé, 2006, p. 116); - à l'extérieur du rempart sud-est, un long mur qui ne lui est pas parallèle et se termine au sud par un angle à contreforts ou petites tours carrées; - au sud (fig. 3, n° 18), les lignes de longs bâtiments rectangulaires que des fondations renforcées classent dans les horrea de pierre, comme celles de Nimègue ou de Neuss. Des traces plus effacées et des recoupements indiquent deux phases chronologiques, de même que les divergences d'orientation entre les différents ensembles. Quelques clichés du 2 juillet 1973 portent la trace au sud-est d'un mur longiligne, qui se termine par une structure en quart de cercle (colonnes ou poteaux de bois ?). Est -ce la limite d'une extension des canabae au-delà des horrea ? Deux éléments semblent relier ces bâtiments au camp : - un ruban étroit partant du porche en direction de la porte principale gauche : est -ce une chaussée élémentaire, sans fossés latéraux ou une trace antérieure ? - des lignes claires entre l'angle du rempart et les horrea. L'une part de la via sagularis, sous laquelle pourrait être une branche de l'aqueduc. Les autres, dont deux en X, n'ont pas d'explication dans l'immédiat. Ce sont les tuiles estampillées qui ont attiré l'attention sur la présence de la VIII ème Légion à Mirebeau et qui ont donné lieu au plus grand nombre d'interprétations par les savants depuis 1830-1831 (Le Bohec, 1995). Beaucoup, ramassées par hasard, ont été dispersées. Seules ont été bien localisées un millier d'entre elles lors des fouilles des thermes (Goguey, 1971 et 1995). Elles proviennent de la toiture, des placages de murs, des sols d'hypocauste. C'est essentiellement sur ce lot qu'ont porté les études publiées par François Bérard, Yann Le Bohec et Michel Reddé (Bérard et alii, 1995). Le timbre de la VIII ème Légion prouve que le camp a été construit en 70, lorsque ce corps de troupe arrive en Gaule avec Vespasien pour faire face aux révoltes des Trévires, des Ubiens et surtout des Lingons contre Rome. Sa présence ne dépasse pas les années 83-86 : Strasbourg allait devenir son cantonnement principal, et c'est là qu'allaient être fabriqués de nouveaux lots de tuiles à estampilles. L'étude comparative des tuiles de Mirebeau et de celles de Strasbourg prouve qu'elles proviennent de tuileries locales différentes : le catalogue des estampilles de Strasbourg publié par Michel Reddé (Reddé, 1995) et les analyses chimiques réalisées par Konstantin Kritsotakis (Kritsotakis, 1995) en apportent la certitude. Mais jusqu'ici, la tuilerie légionnaire de Mirebeau n'a pas été localisée. Des fabriques modernes ont produit jusqu'au XIX e siècle des briques et des tuiles dont la qualité reconnue devait beaucoup à la qualité de la glaise. Le lieu-dit « La Tuilerie » au nord-est de Mirebeau pouvait en indiquer l'emplacement. Mais cette zone boisée n'était pas favorable à la photographie aérienne : il a fallu qu'un défrichement localisé en forme de trapèze nous offre les premiers indices au sud de la Tuilerie. Le plan joint (fig. 15) donne l'image de traces trop ténues pour être lisibles sur la publication du document original. Elles apparaissent sous forme de points alignés, suggérant des bâtiments à poteaux de bois, de taille et de forme diverses. Ces bâtiments sont groupés sur une aire de 100 m sur 150, qui se prolonge vraisemblablement sous la forêt inexploitée. Ils rappellent, avec moins de précision, les plans des tuileries légionnaires de Rheinzabern et de Holt (Baatz, 1995). Cet emplacement réunit toutes les conditions favorables : glaise, bois en abondance, ruisselet intermittent, position à 500 m à l'ouest de la voie romaine de Vaux-sous-Aubigny, liaison directe par un chemin de service avec l'emplacement du camp situé à 2500 m au sud. La détection de vestiges archéologiques à l'occasion de déboisements a des précédents : le parcellaire et les habitats gallo-romains de la Combe de l'Air dans la forêt de Châtillon ont ainsi été photographiés en 1973, mais il s'agissait de murs bien visibles (Goguey, 1976). À Mirebeau, les trous de poteaux présumés ont la forme de points blancs inhabituels. Le doute qui subsiste ne pourra être levé avant longtemps, car la végétation qui a repris rend tout contrôle au sol impossible. La Bèze n'est qu'une petite rivière et Mirebeau n'est qu' à une dizaine de kilomètres de sa source. Mais celle -ci est une résurgence, captant les Pertes de la Venelle (Goguey, 2007a), et a un abondant réseau souterrain qui lui donne d'emblée un débit important. La Saône, souvent citée par les géographes antiques, n'est qu' à une quinzaine de kilomètres. Comme la Tille avec la villa de Lux (Goguey, 2007a, p. 43), la Bèze a dû être accessible aux bateaux en dehors des périodes de basses eaux. La présence d'un port – ou au moins d'un débarcadère – pourrait expliquer la position des horrea externes de Mirebeau : - ils sont orientés sur la rive convexe du méandre et s'en rapprochaient plus que ne le montrent les photographies de 1992. Les indices les plus récents arrivent à moins d'une cinquantaine de mètres de la rive gauche; - le méandre porte des traces d'aménagement. La partie amont est élargie, formant une sorte de canal. La rive convexe n'a pas été attaquée par l'érosion, comme elle aurait dû l' être normalement; - le 4 juillet 1967, des missions de photographies « tous azimuts » réalisées par les « Mirage III » de la 33 ème Escadre de Reconnaissance ont fixé l'image des berges en friche, ourlées d'une ligne droite évoquant le mur d'un quai. Les eaux sont alors basses, le méandre ensablé car non entretenu, mais à leur niveau normal elles forment un véritable canal, tout à fait accessible à la navigation fluviale antique (fig. 16). Il ne peut s'agir que d'une navigation modeste, sans rôle militaire direct comme ce fut le cas sur les grands fleuves de l'Empire (Reddé, 1986, p. 379-380 et 385). Les techniques utilisées pour le transport sur les rivières à faible tirant d'eau étaient suffisantes pour approvisionner la légion; - une opération de recherche subaquatique serait souhaitable, mais elle est rendue aléatoire par l'installation d'une maison et de hangars industriels dans cette zone. Les fouilles n'ont pas rencontré de vestiges protohistoriques, mais leur emprise est si minime qu'elle ne préjuge pas de l'ensemble. Ainsi, des photographies aériennes de 2004 révèlent dans la praetentura des fossés discordants et des trous de poteaux qui pourraient être antérieurs au camp. D'après des photos du 2 juillet 1973, le camp de terre est installé sur un site à tumulus dont l'un a été exploré clandestinement à la pelleteuse. Ses fossés recoupent une trace curviligne qui pourrait être celle d'une enceinte préhistorique. Au sud, dans l'anse de la Bèze occupée par les thermes, on peut signaler deux fossés orthogonaux et des trous de poteau organisés, de même qu'au nord près de la route de Gray. L'indice le plus important a été relevé au sud, sous forme d'un étroit fossé sinueux dont les intersections avec les fondations des horrea prouvent l'antériorité (fig. 17). L'hypothèse la plus plausible est celle d'un vaste camp néolithique s'étendant au sud-est et prenant appui sur la Bèze. Un tel camp, délimité par une seule palissade, n'est pas aussi facile à identifier qu'un « causewayed camp » à fossés interrompus. Mais on en connaît des exemples en Angleterre et en Allemagne, et plus près de nous à Charmoy dans l'Yonne (Thevenot, 1985, p. 186 et 197). Depuis sa découverte en vol en 1973, la première série de fouilles en 1977-1982 (Goguey, 1978-1979, p. 169-206), puis celles de 1983-1986 (Guillaumet et alii, 1986) ont attiré l'attention sur le sanctuaire gallo-romain d'origine celtique de la Fenotte (fig. 18). Les fouilles exhaustives menées depuis 2001 par M. Joly et Ph. Barral (Joly, Barral, 2007, p. 55-72) ont révélé l'importance exceptionnelle de ce site cultuel dont la présence, en limite des pays lingon et séquane, explique l'encerclement dans un camp augustéen (Venault, 2006, p. 334-335). Les fouilles de sauvetage réalisées par l'INRAP ont montré qu'un habitat civil peu dense s'est développé à l'ouest et au sud (Venault, 2006, p. 335), organisé autour d'une voie qui est sensiblement dans l'axe de la Grande Rue de Mirebeau (fig. 19). L'hypothèse d'une véritable agglomération bien structurée établie à l'est, à l'emplacement du village actuel, est-elle justifiée ? Un certain nombre d'arguments peuvent être avancés. Attia Sacrata, C. f(ilia), proscaenium uetustate cor[r]uptum de suo restituit. « Attia Sacrata, fille de Caïus, a fait réparer à ses frais le devant de la scène, qui tombait de vétusté ». (CIL, XIII, 5614; Le Bohec, 1995, p. 312; Le Bohec, 2003a, p. 141). Ce théâtre n'est pas directement lié à la présence militaire, qu'elle soit augustéenne ou flavienne. Dans un premier temps, il a été cherché, sans succès, à proximité du sanctuaire où l'association sanctuaire-théâtre et même thermes est fréquente. Le château médiéval aurait-il été construit sur ses ruines ? Les archives ayant disparu, on sait seulement par la Chronique de Bèze qu'en 1301 Robert le Pieux « vint assiéger et détruire Mirebeau : il y avait là en effet une de ces demeures de voleurs […] qui s'étaient construit des maisons fortes et des nouveaux châteaux pour s'y retirer en toute liberté et impunité ». L'étude du tissu urbain est parfois révélatrice. Ainsi les analyses de « couvertures » verticales peuvent faire apparaître le noyau primitif, les remparts, l'organisation des rues… (Burger, 1964 p. 191-196). L'interprétation de villes comme Orléans, Nantes, Pontoise, Auxerre, Toulouse en avait été enseignée aux Ingénieurs du Ministère de l' Équipement (Goguey, 1972 à 1976). Sur une petite agglomération comme Mirebeau, c'est à une échelle plus détaillée qu'apparaît cette pérennité des tracés urbains. Les angles très arrondis et la forme compacte du rempart sont ceux d'une fortification médiévale. Par contre, l'axe principal rectiligne et son raccordement aux voies extérieures paraissent antiques. Au centre, une structure viaire en forme de fer à cheval (Dumasy, 1992, p. 25, fig. 1; Matter, 1992, p. 35, fig. 6 et p. 36, fig. 8), de 60 à 70 m de diamètre, encadre une plate-forme en légère surélévation (fig. 19). Ce pourrait être l'emplacement d'un petit théâtre. Alignée sur la voie principale, la façade dégradée d'un théâtre déjà ancien devait attirer l'attention. La restauration payée par Attia Sacrata, fille d'un citoyen romain, témoigne d'une certaine aisance. Elle devait donc habiter une véritable agglomération et non une simple dépendance d'un sanctuaire. Un tambour de colonne mis au jour par le défonçage de la Grande Rue dans les années 1986 confirmerait le caractère monumental de l'agglomération, qu'il fasse partie d'un portique ou du théâtre lui -même. Une stèle funéraire érigée par un vétéran de la VIII ème Légion pour son ami défunt a été « trouvée vers 1856 à environ 500 pas de la voie romaine de Beaumont et dans le prolongement du camp sur la route de Gray » (Protat, 1861, LII) : [… ], [T]eretina (tribu), [u]eter(anus) leg(ionis) VIII [A]ug(ustae), hic situs [e]st, sui testa[m]ento iussit [si]bi fieri (per) P. […]trium Va[le]ntem, ueter(anum) [leg(ionis) eiusdem (?) ]. « Ci-gît …, inscrit dans la tribu Teretina, vétéran de la VIII ème Légion Auguste, qui a ordonné en vertu de son testament que (ce monument) soit érigé par les soins de P. …trius Valens, vétéran (de la même légion ?) ». (CIL, XIII, 5613; Le Bohec, 2003a, p. 142). Elle prouve que des vétérans de la VIII ème légion sont morts à Mirebeau. Ont-ils acquis leur statut de vétérans pendant le séjour de la légion à Mirebeau et se sont-ils installés dans les canabae ? C'est peu probable, car la sépulture est plus proche de l'agglomération civile que du camp. Sont-ils revenus s'installer à Mirebeau lorsque la légion était à Strasbourg ? C'est possible, et dans ce cas les habitants des canabae ayant suivi les légionnaires, c'est le Mirebeau indigène qui les a attirés. Rien ne permet cependant d'évoquer comme on l'a fait au XIX e siècle un statut de colonie. Que l'on place d'ordinaire sur l'itinéraire antique Langres-Mirebeau-Pontailler-Lausanne (cf. fig. 1). Mais cette voie s'incurve au nord de Mirebeau où elle se rattache à l'axe principal du village. Ce tracé n'a rien d'un diverticule : si, comme on le suppose parfois, un chemin relie directement la voie d'Isômes à celle de Pontailler en évitant Mirebeau, il ne s'agit que d'indices incertains, repérés sur une seule photo verticale « R. Goguey / Armée de l'Air », et suivant un tracé qui n'a plus le caractère linéaire des voies romaines. Il passe à côté du camp de terre, mais aucune chaussée visible ne le relie à la porte décumane de la forteresse. Sa jonction avec la voie de Pontailler à la sortie orientale n'est pas habituelle, alors que celle -ci a clairement marqué le cadastre jusqu'aux années 1980. À Mirebeau, au niveau du sanctuaire, le tracé diverge en trois directions : Vertault et le bassin de la Seine par le col et l'agglomération de Beneuvre, Beire-le-Châtel où il éclate à nouveau, et Dijon par le sud. C'est à Mirebeau que se greffe l'itinéraire de Pontailler vers le sud-est et c'est sur cet axe que sera édifié sous les Flaviens le camp de la VIII ème Légion (fig. 1). L'origine protohistorique de ces itinéraires est suggérée par leur tracé, qui n'a pas la rigueur de la voie Lyon-Trèves, et par les sites qui les jalonnent (enceintes rectangulaires, sanctuaires…). C'est vers le nord, en direction de Langres, que les informations sont les plus nombreuses. Le segment Mirebeau/Vaux-sous-Aubigny (fig. 1, B) appartient vraisemblablement à l'itinéraire antique Langres-Lausanne décrit par Strabon (Reddé, 1995, p. 5-9). Un premier vicus routier a été découvert à Dampierre-Fontenelle, à 11 km au nord de Mirebeau (Goguey, 1976-1977; Bénard, 1994). Les bâtiments alignés sur 400 m sont très nets sur les photographies aériennes, mais n'ont pas été fouillés (fig. 20). Sacquenay est connu par son milliaire gravé sous Claude (CIL, XIII, 1044). La voie traverse un plateau riche en structures protohistoriques aujourd'hui arasées. En pied de côte sur le territoire d'Isômes, ont été mis au jour des bâtiments gallo-romains approximativement parallèles à la voie et interprétés comme station routière avec sanctuaire de type fanum et lot de 277 monnaies d'Auguste à Trajan (Thévenard, 1996). Mais les clichés de 1996 en éclairage rasant font apparaître en micro-relief une organisation spatiale quadrillée divergente coupée en biais par la levée de la chaussée romaine (fig. 21). À l'est les prairies sont marquées par des alignements et les limites d'une enceinte rectangulaire – aujourd'hui disparue. Plus au nord, à l'approche de son carrefour avec la voie Dijon-Langres, la voie de Mirebeau est environnée d'habitats gallo-romains construits sous des axes différents, telle la grande villa à cour péristyle (fig. 22). Un monument isolé en forme de cercle dans un carré – monument funéraire ou plutôt fanum à petite cella dont on voit l'entrée – a été décelé au sud de la jonction (fig. 23). On peut donc noter que cet itinéraire aujourd'hui déserté, qui traverse une région actuellement peu habitée, fut un axe d'intense activité dans l'Antiquité. Les carrières ouvertes au XIX e siècle sur le quart nord-ouest de la forteresse en ont mis au jour un important tronçon visible sur 88 m (Le Bohec, 1995). Construit dans une tranchée profonde de 4 m, il utilisait en réemploi des fragments de briques. En partie voûté, en partie fermé par de grosses dalles, il était recouvert par la chaussée de la via principalis et de la voie externe qui, passant derrière le cimetière, se dirigeait vers le chemin de Mirebeau à Beaumont (Boudot, 1835, p. 135-153). Ce qui en restait n'était plus accessible lorsque nous avons commencé les fouilles de 1968 sur les principia, et sa profondeur excluait la destruction des couches supérieures pour l'atteindre. Seul un sondage à la pelleteuse a été tenté sur le point le plus haut, jusqu' à la rencontre du sommet d'un ouvrage maçonné, interprété comme un bassin de distribution. Le manque de moyens matériels et financiers ne nous a pas permis d'ouvrir plus largement ce chantier. Comme le remarque très justement Boudot, « les fragments de briques qu'on a employés à sa construction attestent qu'il existait déjà d'autres constructions plus anciennes dans cet endroit ou dans les environs » (Boudot, 1835, p. 141). Comme jusqu' à maintenant aucun bâtiment antérieur n'a été décelé à l'emplacement du camp flavien, l'hypothèse d'une première agglomération romano-celtique détruite avant l'arrivée de la VIII ème Légion expliquerait ces réemplois. Les troubles qui affectèrent l'Empire romain en 68-70 pourraient être à l'origine des destructions : les Lingons, avec leur héros Sabinus et après leur révolte contre Rome (Le Bohec, 2003b), furent l'objet d'une grave répression qui ne dut pas épargner Mirebeau. L'aménagement de la Bèze ne s'arrête pas au méandre des horrea flaviens. Il remonte en amont de l'agglomération, jusqu'au niveau du sanctuaire et du camp augustéen. Une partie est liée aux biefs des anciens moulins à céréales. Mais l'hypothèse d'un transport fluvial pré-flavien et même protohistorique n'est pas à rejeter. Il pouvait alors se faire dans les deux sens, avec dans la descente le blé réputé des Lingons expédié à Rome, Mirebeau étant, comme Lux, au centre de vallées et de plateaux fertiles (Goguey, 1994, p. 203). Par ailleurs, la Bèze est jalonnée de sites tels qu'un ensemble de petits bâtiments au lieu-dit « La Venelle », deux enceintes apparemment protohistoriques sur la rive gauche. L'une, quadrangulaire à angles arrondis, a la forme d'un camp romain de terre, mais on ne distingue pas d'entrées axiales. L'autre est formée de grosses fosses disposées en cercle évoquant le bâtiment celtique sur poteaux de bois de Molesme, mais un pédoncule sinueux ne correspond à rien de connu. Il semble cependant que l'ensemble soit protohistorique (fig. 24). L'hypothèse de navigation sur de petites rivières comme la Bèze et la Tille a d'abord été accueillie avec scepticisme. Elle est cependant confortée par l'inscription NAVTA ARARICVS H M S L H N S trouvée en 1768 dans le rempart du castrum de Dijon (CIL, XIII, 5489). Elle est dédiée à un « marin de la Saône. Ce monument et cet emplacement ne font pas partie de l'héritage » (Le Bohec, 2003a, p. 67-68). On peut en déduire que ce naute, habitant Dijon, assurait le transport des marchandises symbolisées par le bas relief, non seulement sur la Saône mais aussi sur l'Ouche. Or la Bèze, la Tille et l'Ouche sont des rivières comparables sur la rive droite de la Saône. Les données recueillies par la photographie aérienne sur les grands sites de Bourgogne sont importantes, parfois spectaculaires : les nécropoles de Vix, le camp néolithique, le théâtre, le Temple de Janus à Autun, et en archéologie militaire, les travaux de César à Alésia… Mais c'est à Mirebeau que les résultats sont les plus riches et les plus novateurs. Dans un premier temps, pressés par l'urgence, nous n'avons exploité que les traces les plus nettes, sur lesquelles l'interprétation était quasi assurée : celles du camp de la VIII ème légion. Mais personne ne s'attendait à la découverte du sanctuaire de la Fenotte lorsqu'en ce jour de juin 1973, ses temples et son aqueduc apparurent à nos yeux lors d'un virage serré autour du village. Dans un deuxième temps, avec l'accumulation des documents photographiques et les moyens techniques offerts par l'informatique, une étude synthétique du dossier « Mirebeau » a révélé de nombreux indices nouveaux. Mais si un fanum, des thermes, des portes fortifiées sont facilement reconnaissables aussi bien en vol que sur les photographies, les interprétations proposées ici ne sont que des hypothèses de travail. Le théâtre de Mirebeau est-il bien au centre du village ? Le semis de taches au pied du rempart est-il une nécropole ? Les traces relevées dans la forêt à l'ouest de la voie Mirebeau/Vaux-sous-Aubigny sont-elles bien celles des tuileries de la VIII ème Légion ? C'est aux archéologues de terrain de nous apporter des certitudes. Par ailleurs, les plans visibles sur les photographies aériennes peuvent n' être que l'état final d'un site dont les niveaux les plus anciens sont dissimulés en profondeur. Le sanctuaire de la Fenotte le démontre de façon exemplaire. C'est donc d'une recherche pluridisciplinaire que pourra se dessiner une image plus assurée de cette région de Lingonie, son contact avec les Pays des Séquanes et des Éduens, avec son important centre religieux, son agglomération civile, la présence éphémère des légionnaires sous Auguste puis sous Vespasien . | Par les tuiles à estampilles ramassées dans les champs et par les photographies aériennes et les fouilles réalisées depuis 1964, la présence de la VIIIème Légion à Mirebeau est avérée. Les légionnaires construisirent un vaste camp à remparts, portes, principia, magasins, thermes, amphithéâtre et d'après les dernières données, débarcadère sur la Bèze et peut-être nécropole. Sa présence ne dépassa pas une vingtaine d'années sous les Flaviens alors qu'en amont s'était développé un important sanctuaire celtique, puis gallo-romain. Une agglomération civile a perduré à l'emplacement du village actuel, au carrefour de voies antiques et avec un théâtre qui, tombant en ruines, fut restauré par la fille d'un citoyen romain. | archeologie_10-0136517_tei_347.xml |
termith-163-archeologie | L'étude du contenu archéologique des dépôts funéraires constitue, sans doute, un des piliers fondamentaux du développement de la science archéologique. La recherche autour du fait funéraire dans les communautés préhistoriques a fait un saut véritablement spectaculaire dans ces quinze ou vingt dernières années. À partir d'une définition générique des « cultures » et des « périodes culturelles » (on peut rappeler, par exemple, les propositions de Gordon Childe), les préhistoriens ont constitué un véritable objet d'étude en soulignant le rôle très particulier tenu par l'anthropologie biologique. Mais dans la grande majorité des sites funéraires on trouve, outre des ossements humains, des éléments faisant partie du mobilier funéraire de l'individu ou des individus déposés. Toutefois, la présence d'objets matériels et d'autres éléments qui peuvent être trouvés dans un dépôt funéraire peut être le résultat de différents gestes, activités ou situations. Ainsi, et sans vouloir être exhaustif, on peut noter quelques possibilités : a - des éléments matériels déposés spécifiquement comme offrandes dans le contexte du rituel funéraire effectué en l'honneur d'un individu concret, et qui de fait définissent son mobilier funéraire; b - des éléments matériels qui, même en faisant partie de l'ensemble du mobilier funéraire, n'ont pas de valeur intrinsèque mais parce qu'ils peuvent contenir ou signifier; c - des éléments matériels incorporés de manière non intentionnelle au dépôt funéraire, comme par exemple les pointes de flèche retrouvées dans certains corps; d - des éléments tombés par hasard au cours des visites postérieures sur les sites funéraires. .. D'autre part, et c'est une question non moins importante, nous devons considérer que dans tout objet matériel produit par les êtres humains, en tant que produit social, on peut définir différents niveaux de signification formelle, technologique, fonctionnelle, sociale, symbolique de telle sorte que ces objets sont de véritables signes des différents aspects des groupes qui les produisent et les utilisent (fig. 1). Ainsi, il est vrai que les sépultures sont des témoins archéologiques essentiels, mais le seul qualificatif de sépulcral ou de funéraire ne suffit pas à donner tout leur sens et à nous expliquer tous les aspects des rôles et des fonctions de tout type d'éléments matériels qu'on y peut trouver. La présence des éléments céramiques dans les contextes funéraires en est un bon exemple. Ils sont des éléments récurrents dans les ensembles matériels que nous pouvons retrouver dans les sites funéraires construits et utilisés pendant la préhistoire récente. Jusqu' à présent, la céramique a généralement été mise à profit pour dater le moment de construction et la possible durée d'utilisation des sites funéraires. De même, leurs formes et décors permettent d'établir le contexte culturel qui les a produit. Toutefois, la présence de céramiques dans les sites funéraires nous permet de poser un éventail beaucoup plus vaste de questions sur leur rôle spécifique dans les rituels funéraires réalisés mais aussi, et de manière plus générale, sur leur rôle dans le contexte des processus de production et reproduction économique, sociale et idéologique de ces communautés. Pour le développement de ces hypothèses, il est fondamental de connaître et de comprendre la fonction de l'élément céramique dans le développement des règles et des gestes funéraires effectués. Ainsi, on peut aborder un nombre considérable d'aspects et les mettre en relation entre eux, comme par exemple, et encore une fois sans vouloir être exhaustifs : - les productions céramiques sont-elles locales ou importées ?; - s'agit-il de vases destinés à tout type d'utilisation ou sont-ils destinés à un usage spécifique ?; - les vases ont-ils été déposés pour leur propre valeur symbolique ou pour ce qu'ils pouvaient contenir ?; - quel est le rôle de chaque vase dans les différents gestes et situations qui ont eu lieu autour du site funéraire ?… L'étude de tous ces aspects doit tenir compte d'informations de différents types, comme les données issues de la fouille, l'analyse de la distribution spatiale des céramiques, l'analyse du contenu des vases, les études petroarchéologiques, etc. Afin d'approfondir les différentes fonctions de la céramique en contexte funéraire, nous allons présenter quelques exemples concrets qui nous aident à percevoir la diversité des possibilités et les problèmes qui en découlent. Le premier cas étudié est une sépulture mégalithique. Un des faits les plus remarquables des dernières années dans le développement de la recherche autour des questions funéraires est la fouille et l'étude de sites qui nous sont parvenus intacts depuis leur dernière utilisation ou leur destruction au cours de la préhistoire. Ces dépôts ont rendu possible l'approfondissement des différents aspects des pratiques funéraires. Il est évident que l'examen soigneux du rôle que revêtent les éléments matériels est beaucoup plus compliqué dans le cas de sépultures collectives. Mais par là même, l'analyse de dépôts collectifs intacts depuis leur dernière utilisation funéraire nous permet d'aborder de manière beaucoup plus clair les possibilités et les limites de l'analyse du rôle et la fonction des éléments matériels dans ces contextes funéraires. C'est ainsi que nous utiliserons les résultats et les questions posées à l'occasion de l'excavation de la sépulture mégalithique des Maioles (Clop & Faura 2002). Le site des Maioles se trouve à quelque soixante kilomètres au sud de Barcelone en Catalogne. Il est situé sur un emplacement stratégique de « contrôle » du passage naturel entre deux zones ayant des différences écologiques importantes : le plateau de Calaf et la vallée d'Odena. Il s'agit d'une petite galerie d' à peu près 2 mètres de longueur où l'on a pu différencier trois phases : une phase de construction, une phase d'utilisation funéraire et une phase de fermeture et d'abandon de la structure (fig. 2 et 3). La chambre funéraire et le couloir sont de forme trapézoïdale et sont constitués de dalles de grès oligocènes provenant du substrat géologique local. Il n'y a aucune trace du système de couverture de l'ensemble et de la fermeture de la chambre. Il n'y a toutefois aucun doute sur l'existence de ces éléments, puisque nous n'avons trouvé que quelques restes osseux montrant des marques de dents de petits rongeurs. Le tumulus possède une forme elliptique et on a utilisé pour sa construction du sable rapporté d'un des paléochenaux situé à 200-300 mètres au sud de la sépulture mégalithique. Les Maioles est une sépulture collective mégalithique qui dispose d'une série d'inhumations successives qui a abouti, finalement, à un dépôt d'ossements sans ordre apparent. La réalisation d'une minutieuse étude archéoanthropologique (Majó dans Clop & Faura 2002) a permis de dépasser l'impression de « chaos » et de reconnaître en grande partie la succession de gestes funéraires qui ont été réalisés à cet endroit. Cette étude a rendu possible l'identification des deux premiers individus déposés. Ceux -ci furent inhumés à peu de temps l'un de l'autre ou peut-être même, simultanément. Ensuite, et avant d'effectuer la dernière inhumation, on y déposa les restes d'au moins 12 autres individus. Chaque fois que l'on procédait à une nouvelle inhumation, il était nécessaire de déplacer les restes du défunt précédent pour pouvoir le déposer dans l'espace central de la chambre. La concentration de restes augmentera progressivement jusqu' à ce que le manque d'espace n'entraîne son probable abandon. Globalement, on a pu attester de la présence des restes d'un minimum de quinze individus. Les éléments matériels trouvés dans la chambre funéraire permettent de définir les caractéristiques du mobilier funéraire. Globalement, celui -ci serait peu important, comme l'indique la quantité totale d'objets retrouvés. Il s'agit d'un poinçon métallique, de parures, de percuteurs en silex, de vases céramiques. .. Les études réalisées ont permis d'identifier d'autres éléments, comme des offrandes florales ou un liquide déposé dans un des vases céramiques. On reviendra plus bas sur ce dernier élément. En tout cas, les éléments du mobilier funéraire des Maioles ne semblent pas refléter une dépense de travail social importante et ne signalent dans aucun cas l'existence de grandes différences sociales, du moins face à la mort. Le dernier « geste » mené à terme fut la condamnation de l'espace funéraire, avec le retrait des systèmes de fermeture de l'entrée et de la couverture de la structure ainsi que le remplissage de la chambre et du couloir par un niveau de remblai, lui -même surmonté d'un niveau de blocs de pierre. La réalisation de trois datations radiocarbones nous a permis de constater que la sépulture fut utilisée au cours du premier tiers du II e millénaire BC. La fouille systématique de la chambre et la réalisation de deux tranchées dans la structure tumulaire ont permis de récupérer un ensemble de 122 tessons céramiques. Dans cet ensemble on a pu identifier 1 vase complet (trouvé in situ), 1 vase conservé à plus de 50 % et 5 fragments de bords, 2 fragments de fond, 2 fragments décorés et 111 fragments non décorés. On a pu définir un nombre minimal de 15 individus céramiques. Il convient de souligner que le vase complet était un élément du mobilier funéraire du dernier individu déposé. En fonction de leur situation dans la structure funéraire, nous pouvons distinguer deux principaux groupes de vases : les céramiques localisées dans la chambre funéraire et celles localisés à l'extérieur de celle -ci. La simple analyse de la distribution spatiale des céramiques souligne déjà leur possible hétérogénéité fonctionnelle en contexte funéraire. Nous commencerons par analyser les éléments récupérés dans la chambre. Il s'agit de 97 éléments céramiques, parmi lesquels figurent 1 vase complet et 1 vase conservé à plus de 50 %. Au total, les fragments céramiques correspondent à 11 vases différents. Notre attention est attirée sur l'effectif réduit qui concerne aussi bien la céramique que les autres types de mobiliers. Ceci est une caractéristique qui a été soulignée au cours des dernières années dans différentes régions, comme ils ont souligné les travaux d'Armendáriz au Pays Basque ou de Delibes dans la Meseta espagnole (Armendáriz 1992; Delibes 1995). Un autre fait remarquable est l'état de conservation des éléments céramiques. Aux Maioles, et à l'exception des vases 1 et 2, les fragments de céramiques sont de taille variable, dispersés dans toute la chambre funéraire, ce qui est un fait commun à beaucoup de sépultures collectives. Si on expliquait traditionnellement cette fragmentation comme le résultat de la violation des monuments postérieurement à leur utilisation funéraire, la récurrence de ces preuves dans des sites intacts permet de proposer d'autres possibilités, comme c'est le cas dans les sites de la Atayuela, los Millares ou encore dans différents monuments mégalithes du Pays Basque. Les données disponibles permettent d'envisager une fragmentation intentionnelle des récipients céramiques. Mais si l'on admet cette hypothèse, il faut se poser une nouvelle question : à quel moment a pu se produire le bris des vases ? Dans le cas des Maioles, et en tenant compte du degré de dispersion des fragments dans la chambre funéraire, l'hypothèse la plus probable est que les vases étaient cassés lorsque l'on effectuait une réduction de corps afin de pouvoir placer un nouveau défunt. Il est ainsi possible, de notre point de vue, que le remaniement des os des dépôts précédents entraîne un aménagement général de l'espace funéraire qui induirait le retrait probable des mobiliers précédents et qui occasionnerait la cassure des vases. En tout cas, une question demeure. Si la rupture des vases s'est produite dans la structure funéraire, pourquoi ne trouvons -nous pas tout ou la grande majorité des fragments des différents vases déposés ? Par conséquent, quelques questions restent ouvertes sur les gestes qui ont été réalisés au cours du processus de gestion de l'espace funéraire. Un autre aspect important est la question classique du statut des vases. Possèdent-ils une valeur en eux -mêmes ou pour ce qu'ils contenaient ? Bien que la réponse traditionnelle à cette question provienne d'une évaluation formelle et esthétique des vases, l'analyse des contenus a ajouté de nouveaux éléments qui, nous croyons, permettent d'avancer dans le débat. Ainsi, l'étude pollinique du contenu du vase nº 1 des Maioles a permis déterminer la présence de restes d'algues qui se forment en milieu aquatique. Le vase étant couvert par une plaque de pierre qui empêchait de possibles contaminations externes, on peut émettre l'hypothèse que ces algues se sont formées dans l'eau que pouvait contenir ce vase au moment de son dépôt dans la sépulture mégalithique, qu'il s'agisse d'eau douce seule ou d'une substance contenant de l'eau. En général, les analyses de contenu des récipients céramiques en contexte funéraire sont rares. Pour des périodes chronologiques similaires à celle de l'occupation des Maioles, quelques études mettent en évidence la présence d'éléments végétaux. Ce serait le cas, par exemple, de plusieurs sites funéraires proches de la mer Caspienne, dans lesquels les analyses des résidus retrouvés au fond de divers récipients céramiques ont permis d'identifier la présence de miel (Fedorova 1964). Dans des sites funéraires de la région de Lugovoï (Russie), l'analyse pollinique du contenu de plusieurs vases a permis de constater la présence de pollens de plantes aquatiques, ce qui a été interprété comme un indice clair de présence d'eau douce ou d'une substance aqueuse dans les vases (Fedorova, 1964), ce qui est un cas semblable à celui des Maioles. Un autre exemple serait constitué par la présence de pollens de céréales dans un petit vase de type SOM provenant de la sépulture collective de la Chaussée-Tirancourt (Somme, France; Girard 1986). Le second ensemble d'éléments céramiques des Maioles est constitué par les vingt-cinq fragments retrouvés dans la zone du tumulus. Il s'agit des restes d'au moins quatre vases différents. La présence de ces vases dans la structure tumulaire des Maioles ne paraît pas être le résultat d'une pratique rituelle spécifique, mais plutôt un résultat accidentel, comme semblent l'indiquer les différentes profondeurs où ils apparaissent, leur appartenance à différents récipients et, spécialement, la localisation de neuf fragments pratiquement hors du tumulus. Comment expliquer ici leur présence ? à quel moment les vases auxquels ils appartiennent ont-ils été brisés ? Encore une fois, nous pouvons poursuivre la discussion mais nous rencontrons des interrogations pour lesquelles il est réellement difficile de proposer une réponse fondée. En tout cas, et en accord avec les faits, il s'agit de récipients céramiques qui n'ont aucune fonction funéraire spécifique. Toutefois, on connait d'autres cas où la présence d'éléments céramiques à l'extérieur d'une structure funéraire peut donner lieu à d'autres interprétations. Ainsi par exemple, la présence d'un vase complet déposé dans la structure tumulaire appartenant au Groupe de Tavertet, en Catalogne, à la fin du V e millénaire BC. Il s'agit de tombes individuelles en coffre entourées d'un grand tumulus de terre et de pierres. Dans la structure tumulaire de l'une de ces tombes on a découvert un vase complet de type Montboló qui a été interprété comme un possible témoin de rite de fondation (Molist et al. 1987). Un autre exemple provient de la nécropole chasséenne de Monéteau (Yonne) fouillé et étudié par Anne Augereau et Philippe Chambon. Il s'agit d'une nécropole de 20 sépultures, pour la plupart en coffre. L'étude de l'ensemble céramique a livré quelques données intéressantes. En premier lieu, on constate la présence d'un récipient céramique dans toutes les tombes, indépendamment du sexe et de l' âge des individus. Mais l'on a aussi pu constater la présence de céramique qui, bien que faisant partie du mobilier funéraire de l'individu, fut déposée après la fermeture du coffre dans le remplissage de la tombe, au niveau des pieds. Par exemple, dans la tombe 458 le vase était placé dans le remplissage, à 50 cm au-dessus du niveau des os des pieds. Dans ce cas comme dans d'autres connus, le vase ne repose jamais à plat sur son assise, il est à l'envers, ou renversé et en net pendage, ou encore totalement fragmentée et dispersé. Nous allons maintenant examiner la fonctionnalité des vases céramiques en contexte funéraire dans une autre perspective. La céramique est un élément principalement utilitaire, fabriquée dans le but de constituer un moyen de travail spécifique pour développer ou prendre part à une grande variété de processus de travail dans le cadre des différentes activités de production et de reproduction sociale des groupes qui les fabriquent. Les récipients céramiques ont été largement utilisés pour transporter des liquides, stocker différents types de substances ou pour les réchauffer par leur exposition à une source de chaleur. Chacune de ces utilisations implique certaines conditions de travail qui rendent nécessaire des caractéristiques spécifiques à chaque cas, pour la réalisation adéquate et efficace des tâches. Ces caractéristiques sont acquises pendant le processus d'élaboration du produit céramique, depuis la sélection de la matière première jusqu' à la dernière étape de leur fabrication, de telle sorte que ces caractéristiques morphotechnologiques soient directement en rapport avec l'activité concrète à laquelle doit participer le vase. Les produits céramiques sont, tant par leur forme que par le matériau avec lequel ils sont fabriqués, des éléments soumis à des lois physiques spécifiques. Pour cette raison, les produits céramiques d'une forme particulière et fabriqués avec des matériaux précis peuvent répondre à certaines fonctions et en revanche s'avérer inaptes ou moins efficaces par rapport à d'autres produits céramiques pour couvrir d'autres fonctions. Il ne faut pas oublier, toutefois, que les récipients céramiques peuvent être multifonctionnels et être utilisés pour effectuer certaines fonctions pour lesquelles ils n'avaient pas été fabriqués. L'étude de l'utilisation des produits céramiques, tant pour l'utilisation primaire pour laquelle ils ont été fabriqués que pour leur utilisation finale, peut aborder différentes perspectives, comme l'analyse morphologique et l'établissement de corrélations forme-fonction, ou encore la détermination, au moyen de différents types d'analyses, des substances qu'ils ont pu contenir. Une autre voie d'étude possible est la détermination des caractéristiques spécifiques du comportement des matériaux avec lesquels ont été élaborés les produits céramiques. Dans cette perspective, qui est celle que nous développons, l'étude doit être orientée vers la reconnaissance des critères et des modes de sélection, ainsi que du traitement de la matière première utilisée dans l'élaboration de la céramique c'est-à-dire, la forme spécifique de gestion de la matière première choisie pour la fabrication. De nombreux chercheurs sont plus ou moins familiarisés avec un aspect spécifique de ce type de rapprochement, comme le sont les études de provenance. Toutefois, ces études recouvrent une partie seulement de ce que l'on appelle les études de caractérisation. Celles -ci ont pour objet d'étude la détermination des caractéristiques chimiques, minéralogiques, granulométriques et la quantité relative d'argile et d'éléments non-plastiques (dégraissants) présents. Ils sont la base de la variabilité des propriétés physiques et, par conséquent, des propriétés fonctionnelles de chaque produit céramique. Les propriétés physiques peuvent être modifiées pendant le processus de production en fonction des nécessités spécifiques dont doit disposer le récipient céramique, du degré de spécialisation des processus de travail mis en œuvre et de l'habilité de l'artisan dans les différentes phases du processus de production. Ainsi, le traitement de la matière première définit, dans chaque pas du processus productif, les propriétés qu'aura le produit final. De manière spécifique, le traitement de la matière première est effectué depuis le moment même où on choisit les terres jusqu' à l'instant où l'on considère le produit comme fini, en passant par la préparation des terres, la réalisation du produit céramique, son séchage, sa cuisson et ses possibles traitements pré ou post-cuisson. La connaissance du comportement spécifique des produits céramiques doit se poser à partir de la définition des caractéristiques formelles et du degré de variation d'un certain nombre de propriétés physiques spécialement significatives pour l'utilisation des produits céramiques, comme le sont les propriétés mécaniques, les propriétés thermiques et les propriétés d'imperméabilité. Ce sont ces propriétés qui conditionneraient des aspects fortement déterminants dans l'utilisation spécifique de tout produit céramique comme la résistance mécanique, la résistance au choc thermique, la porosité, etc. Nous présentons brièvement quelques résultats obtenus dans l'étude de caractérisation de la céramique de 11 sites funéraires de Catalogne (Clop 1994 et 2000). Il s'agit de 8 tombes mégalithiques et de 3 grottes sépulcrales. Au total, l'étude porte sur 156 échantillons de céramique datés entre 3000 et 1500 BC. Ainsi, l'étude inclut des échantillons de céramique campaniforme de type international, de céramique campaniforme de type régional, de céramique de type groupe des Treilles, de céramiques épicampaniformes et de céramiques lisses. Le premier aspect étudié a été celui de la provenance possible des produits céramiques. Les résultats obtenus permettent de constater que 147 des 156 échantillons analysés ont été réalisés avec des terres qui proviennent des Zones Théoriques d'Approvisionnement des terres à poterie définies dans chaque lieu funéraire. Nous avons, par conséquent, 94 % des échantillons analysés qui correspondent à des productions locales. Il est important d'indiquer que parmi les échantillons considérés comme locaux nous trouvons des échantillons de céramique campaniforme de type international, des échantillons de céramique campaniforme de type régional, des échantillons de céramique épicampaniforme et la plupart des échantillons de céramique lisse. Seulement 9 échantillons sont produits avec des terres qui ne se trouvent pas dans l'environnement immédiat des sites funéraires. Sept échantillons proviennent de la tombe mégalithique de la Torre dels Moros de Llanera (Solsonès) et deux échantillons de la tombe mégalithique du Mas Pla (Alt Camp). Un seul fragment est décoré d'un motif de type Treilles et provient de la tombe mégalithique de la Torre dels Moros de Llanera. Il est constitué de terres distantes d'au moins 60 km. Tous ces échantillons ont été effectués avec terres de dépôts situés entre 30 à 90 km des sites funéraires dans lesquels on les a trouvés. À partir des propositions effectuées par un grand nombre de chercheurs anglo-saxons concernant les caractéristiques fonctionnelles des céramiques, une étude sur l'usage de la céramique en contexte funéraire a été menée. L'accent a été mis sur le traitement de la matière première qui définit des usages plus ou moins adaptés. La détermination de l'aptitude fonctionnelle plus ou moins grande des récipients, se fonde sur l'évaluation conjointe d'un certain nombre de caractères macroscopiques et microscopiques. À partir de l'étude de cet ensemble de données nous pouvons relever par exemple quelques aspects concrets : - les récipients à parois minces sont plus fréquents dans les sites funéraires que dans les habitats étudiés; - la porosité relative de la céramique en provenance de contextes funéraires présente des valeurs comprises entre 15 % et 50 %. L'étude statistique indique qu'il s'agit d'une distribution significativement non normale. L'étude comparée de la porosité des récipients à parois épaisses et des récipients à parois minces indique que dans le premier cas la dispersion des valeurs est réduite et que les différences sont régularisées tandis que dans le second cas, la dispersion des valeurs des porosités est plus importante, avec une distribution significativement non normale. La comparaison des récipients céramiques à parois minces provenant des lieux d'habitat et des sites funéraires permet de relever l'existence de différences significatives. La moyenne de la valeur de porosités de ces vases dans les sites d'habitat est de 27,25 %, tandis que dans les sites funéraires elle est de 35,90 %, avec une concentration importante des effectifs entre 30 % et le 45 %. Cette donnée contraste avec celle des sites d'habitat, dont les valeurs se concentrent surtout dans l'intervalle 20 % - 35 %. La conclusion de l'étude statistique est donc que les récipients céramiques des sites funéraires présentent, de manière générale, une plus grande porosité relative. En définitive, par cette étude, nous voulons souligner que les produits céramiques des sites funéraires étudiés ne paraissent pas avoir été fabriqués pour être exclusivement utilisés au cours des pratiques rituelles funéraires. Par conséquent, l'examen des matières premières et leur traitement ne mettent pas en évidence une production funéraire spécifique. Globalement, on observe dans les sites funéraires une situation opposée à ce qui se passe dans les sites d'habitat étudiés jusqu' à présent. Les récipients dont l'aptitude fonctionnelle présumée relève de la cuisine/vaisselle de service, atteint 75 % des échantillons analysés, tandis que les récipients déstinés au stockage/transport ne constituent que 25 % (fig. 4). En approfondissant ces données, on remarque que le groupe d'échantillons le plus nombreux est celui qui correspond aux productions céramiques destinées à la cuisine et au service de manière indifférenciée. En tout cas, le second groupe en importance est constitué par les récipients les plus adaptés au service. En revanche, les échantillons qui ont été identifiés comme particulièrement aptes à la cuisson des aliments sont faiblement représentés. Enfin, les récipients destinés au stockage et/ou transport sont présents de manière sporadique (fig. 4). Par conséquent, les données obtenues soulignent que les récipients céramiques choisis pour être déposés dans les sites funéraires sont surtout des produits liés à des activités quotidiennes comme le service et, dans une moindre mesure, à la transformation de la nourriture par leur cuisson. On doit remarquer que l'on a jamais identifié des productions céramiques destinées à être exclusivement un mobilier funéraire. Au contraire toutes les céramiques analysées présentent, depuis la sélection de la matière première et de leur traitement, les caractéristiques qui les rendent aptes pour leur utilisation dans l'une ou l'autre des activités quotidiennes. Par conséquent, on n'a pas identifié de production funéraire spécialisée. Comme conclusion, ou comme bilan global de ce que nous venons d'exposer, nous pouvons soulever plusieurs interrogations. Une première question est celle de la variabilité des fonctions que peuvent revêtir des récipients céramiques en contexte funéraire préhistorique. Au-delà de leur valeur comme indicateur chrono-culturel, les récipients céramiques sont des éléments matériels qui peuvent jouer des rôles différents dans le développement et la gestion des pratiques funéraires de ces groupes. La découverte de sites intacts depuis leur dernière utilisation funéraire (ce qui est très significatif dans le cas des sépultures collectives) ainsi que le développement de la recherche consacrée aux pratiques funéraires ont permis de définir un objet d'étude précis et complexe, que nous commençons seulement à comprendre à l'heure actuelle. Parmi de nombreuses questions, la diversité de l'utilisation de la céramique en contexte funéraire, figure l'aspect sémiologique qui se traduit dans les pratiques tout comme dans les différents aspects culturels des groupes humains qui les ont utilisés comme tel. Pour le moment, nous pouvons constater la diversité de ces signes et, dans quelques exemples qui constituent des cas particuliers, avancer quelque peu dans la compréhension de leur rôle dans la « grammaire » des pratiques funéraires à laquelle ils ont participé. Il est évident que les données dont nous disposons sont faibles et que la variabilité des utilisations possibles, mais aussi de leur diversification dans l'espace et dans le temps, peut être considérable. Mais il est important de commencer à soulever ces problématiques, de poser ces questions, de développer des axes de travail dans différentes perspectives méthodologiques, ce qui nous permettra, après un certain temps, de pouvoir obtenir une vision élargie des différentes fonctions qu'ont pu remplir les éléments céramiques ainsi que le reste de la culture matérielle présents dans les sites funéraires préhistoriques . | Dans les sites funéraires, outre des restes osseux, on trouve généralement un ensemble d'éléments matériels considérés habituellement comme le mobilier funéraire ou le viatique du ou des individus déposés. En général, l'étude de ces éléments mobiliers se limite à en constater la présence, sans approfondir la connaissance des possibles utilisations et/ou fonctions matérielles et sociales que ces objets purent avoir dans le cadre des relations sociales, économiques et idéologiques du groupe comme aussi dans le cadre spécifique des pratiques funéraires effectuées dans le dépôt étudié. Un exemple clair de cette situation est illustré par l'étude des restes céramiques, qui constituent sans doute une des catégories d'artefacts les plus communes dans les contextes funéraires. Le développement quantitatif et qualitatif de la recherche autour du monde funéraire dans la Préhistoire, favorisés par ce qui est la lente mais progressive découverte de dépôts funéraires intacts, ont permis la réalisation d'analyses plus détaillées. Ces études ont mis en évidence que la présence des vases céramiques dans les contextes funéraires peuvent répondre à une diversité de motifs. La discussion de ces éléments permet d'étendre notre vision de la complexité des fonctions qu'ont pu avoir les éléments matériels dans les contextes funéraires | archeologie_10-0215370_tei_307.xml |
termith-164-archeologie | Jusqu' à la moitié du XXème siècle, la stratification sociale des sociétés du Paléolithique supérieur n'était pas considérée comme un sujet de recherche à aborder par l'étude des collections archéologiques car l'ethnographie des peuples chasseurs-cueilleurs donnait déjà toutes les réponses. Bon nombre d'ethnologues et de préhistoriens ont pendant longtemps soutenu que les sociétés de chasseurs-cueilleurs étaient par définition égalitaires et caractérisées par l'absence d'une division de travail marquée, d'un artisanat spécialisé, de richesses, d'institutions religieuses et d'une stratification sociale hormis celle imposée par les inégalités “naturelles” (c'est-à-dire l' âge et le sexe biologiques) entre individus et par la nomination temporaire d'un chef informel (Lips 1947; Steward 1955; Service 1962, 1966, Rogers 1965; Slobodin 1969; Williams 1974 et Nooter 1979). Les études ethnographiques menées depuis ont cependant montré qu'il existe une forte variabilité dans l'organisation sociale de ces sociétés et que des groupes sociaux autres que biologiques et basés, selon les cas, sur la division du travail, la richesse, le pouvoir religieux ou politique - ne sont pas exclusifs des sociétés de production (Lee et DeVore 1968, Testart 1981, 1982a-b, Koyama et Thomas 1981, Price et Brown 1985, Kelly 1995, Price et Feinman 1995 et Arnold 1996). Si par exemple il est établi que toutes les sociétés font une distinction entre les sexes et que dans la majorité des cas cette distinction correspond à l'appartenance biologique des individus et va de pair avec des tâches sociales spécifiques (Mead 1948, McClormack et Strathern 1980, Ortner et Whitehead 1981, Caplan 1987, Mathieu 1991), l'ethnographie nous apprend aussi que dans certaines sociétés il peut y avoir divergence entre le “sexe biologique” et le “sexe social” (ou genre) et qu'il existe des sociétés avec un “troisième sexe” ou genre mixte auquel sont attribués des pouvoirs particuliers, notamment chamaniques (Désy 1978, Whitehead 1981). Selon Price (1991), ces différences de sexe ou de genre se reflètent constamment dans la parure. Mais le sexe et l' âge ne sont pas les seuls fondements de division dans ces sociétés. Certaines tribus de chasseurs-cueilleurs de la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord présentent une hiérarchie en trois classes : les “esclaves ”, les “gens du commun” et les “honorables” (Testart 1981, Donald 1997), la primauté de ces derniers se fondant sur leur munificence ostentatoire (le “potlatch ”) envers les autres membres de la tribu. Aujourd'hui, on admet qu'il est dangereux de faire des généralisations sur l'organisation sociale des sociétés de chasseurs-cueilleurs et que les archéologues doivent élaborer des hypothèses explicites concernant l'organisation de ces sociétés et vérifier ces dernières par l'analyse des données archéologiques. Cela n'est pas toujours aisé et, par exemple, le débat sur l'interprétation chamanique de l'art des grottes ornées en témoigne (Lewis-Williams et Dowson 1988, Parkington 1989, Clottes et Lewis-Williams 1996, de Beaune 1998, Bahn 2001). La distribution spatiale des vestiges découverts in situ dans des sites d'occupations tels que Pincevent (Leroi-Gourhan et Brézillon 1966, 1972, Julien et al., 1988, Julien et Rieu 1999, Bodu 1993, Taborin 1994), Gönnersdorf (Bosinski et al., 2002), Les Eglises (Delpech et Villa 1993), Meer (Cahen et Van Noten 1980) et Etiolles (Pigeot et al., 1991) a permis d'obtenir des informations sur l'organisation de l'espace domestique et proposer des hypothèses sur l'apprentissage et la division du travail. Les objets d'art mobilier ont été utilisés pour différencier les sites d'agrégation des sites d'habitat temporaire (Conkey 1984, 1987, 1992). L'étude des compétences techniques nécessaires à la réalisation de l'outillage lithique (Pigeot et al., 1991), des œuvres d'art (Vialou 1987, Lorblanchet 1995, 1997, Fritz 1999) et de la parure (Fritz et Simonnet 1996) semble indiquer l'existence dans les sociétés du Paléolithique supérieur d'artisans spécialisés consacrant sans doute une partie non négligeable de leur temps à l'apprentissage et à l'entretien de leur compétences. Une prédominance d'adolescents et adultes masculins dans les sépultures gravettiennes d'Italie a été évoquée pour proposer que les chasseurs constituaient un groupe privilégié au sein de ces sociétés (Mussi et al., 1989) mais l'attribution au sexe masculin de ces sépultures est remise en cause (Henry-Gambier 2001). Malgré l'apport de ces études, force est d'admettre que l'on sait encore relativement peu de chose sur l'organisation des sociétés de cette période. L'étude des objets de parure associés à des sépultures peut contribuer à combler ce vide. A l'intérieur d'une société, la parure a souvent la fonction de marquer l'appartenance d'un individu à un ou à plusieurs groupes sociaux (Roach et Eicher 1965, Strathern et Strathern 1971, Faris 1972, Kuper 1973, Ray 1975, Tainter 1978, Corwell et Schwarz 1979, Brain 1979, Hodder 1979, 1991, Turner 1980, O'Shea 1984, Wiessner 1984, Carey 1986, 1991, Dubin 1987, Taborin 1993, Preston-Whyte 1994, Sciama et Eicher 1998, O'Hear 1998, Meisch 1998 et Vanhaeren 2002). Selon les sociétés, les groupes sociaux sont déterminés par le sexe de l'individu, par son âge (enfance, adolescence, maturité, vieillesse) et/ou par le franchissement, au cours de sa vie, de certaines étapes biologiques (puberté, ménopause) et relationnelles (célibat, mariage, veuvage). A cette fonction de base de la parure, commune à la plupart des sociétés traditionnelles, se superpose celle d'identifier des groupes composés par des individus partageant des liens de parenté biologiques et/ou culturels plus ou moins stricts (lignage, clan, caste, etc.) ou appartenant à la même classe sociale (hommes libres, esclaves, guerriers, aristocrates, etc.). La parure peut aussi avoir la fonction de mettre en exergue des individus ayant acquis ou hérité un statut social exclusif (chamane, chef, pape, roi, etc.). Mais l'ethnographie montre également que d'une part, les objets de parure peuvent avoir un grand nombre de fonctions en dehors de celle de marqueurs sociaux et que, d'autre part, les membres d'un groupe peuvent ainsi porter des objets de parure de type différent en fonction du contexte d'utilisation (guerre, fête, rituel, funérailles, événement d'agrégation, etc.). Ces études indiquent par ailleurs que c'est souvent la combinaison et l'arrangement d'objets différents sur le corps qui sont utilisés pour communiquer ces identités. Perdue pour la plupart de ces objets, trouvés au cours de fouilles dans des sites d'habitat, cette dimension est partiellement préservée pour les parures associées à des contextes archéologiques tels que des dépôts intentionnels (cachettes, offrandes, sépultures primaires) ou accidentels mais conservant l'unité de la parure d'origine (p. ex. perte de colliers entiers). Pour extraire ces informations il est nécessaire d'organiser les données archéologiques concernant l'acquisition, la production, le port et l'abandon des parures dans un réseau d'inférences qui peut permettre d'identifier leur fonction prédominante et le rôle qu'elles ont joué dans la structuration des sociétés paléolithiques (Vanhaeren et d'Errico 2001, 2003a, 2003b; d'Errico et Vanhaeren 1999, 2000, 2002; Vanhaeren 2002). En suivant cette démarche, nous avons récemment, à travers l'étude de la parure de l'enfant de La Madeleine (Vanhaeren et d'Errico 2001), pu mettre en évidence de longues heures passées au ramassage, à la fabrication et à l'assemblage d'ornements complexes destinés à être portés par certains jeunes enfants. Cet effort, que l'on retrouve également dans la parure des enfants de Sungir (White 1999) et de la Grotte des Enfants (Vanhaeren 2002), est certainement le reflet de l'attachement des parents ou d'un groupe familial élargi à sa progéniture; mais, remis dans le contexte d'une société traditionnelle, il doit également être mis en relation avec l'attribution d'une identité sociale distincte à l'ensemble ou à une partie des membres de cette classe d' âge. L'étalage ostentatoire de centaines, voire de milliers d'objets sur des individus qui, en considérant leur âge, n'ont pas pu acquérir un statut particulier par leurs actes, suggère l'existence, au moins embryonnaire, de lignages utilisant la parure pour se reconnaître et s'identifier au sein du groupe. Soumis à une telle analyse, le mobilier funéraire de la Dame de Saint-Germain-la-Rivière offre un important potentiel d'information sur la stratification sociale des sociétés du Paléolithique supérieur. Il est en effet associé à un seul individu, daté directement par 14 C AMS dont l' âge et le sexe sont estimés avec un bon degré de certitude (Gambier et al., 2000, 2002). Ce mobilier funéraire inclut la plus grande collection connue de craches de cerf associées à une inhumation individuelle et cela à une époque où cette espèce était extrêmement rare dans la région (Delpech 1983). De plus, ce mobilier provient d'un site ayant livré des couches d'occupation contemporaines de la sépulture et riches en objets de parure dont deux lots de dents percées, découverts groupés. La comparaison du mobilier de la sépulture avec celui découvert dans le site met en exergue le caractère exceptionnel du premier et permet de discuter la question du rôle social de l'inhumée et, de manière plus générale, le degré de complexité des sociétés du Paléolithique supérieur. Le site de Saint-Germain-la-Rivière est situé au lieu-dit “Pille-Bourse” sur la commune éponyme à mi-chemin entre Libourne et Saint-André-de-Cubzac en Gironde. Il se trouve en pied de falaise, face au sud, sur la rive droite de la Dordogne, qui coule actuellement 1200 mètres plus loin et 35 mètres en contrebas. Le site a été découvert en 1929 par Henri Mirande et René Lépront, membres de la Société d'Etudes Préhistoriques de Libourne, qui venait d' être créée une année auparavant (Lépront et Mirande 1933). Les deux abris adjacents, le talus intermédiaire et le talus situé à l'avant des zones abritées ont fait l'objet de plusieurs fouilles menées par Mirande et Lépront entre 1929 et 1933 (Garde 1934, 1969), par Blanchard entre 1933 et 1934 (Blanchard et al., 1972), par Trécolle entre 1963 et 1968 (Lenoir 1983; Lenoir et al., 1991, 1994, 1995) et par Lenoir en 1996 (1997) (fig. 1). Les fouilleurs ont mis en évidence une séquence composée de trois unités archéostratigraphiques relevant du Magdalénien (tab. 1), une frise gravée, les restes d'au moins douze individus, dont deux certainement inhumés, et deux lots d'objets de parure appelés les “colliers” Mirande. Bien que les informations publiées par les premiers fouilleurs du site soient souvent lacunaires, celles fournies par les derniers répondent aux impératifs de la recherche archéologique actuelle. Un Magdalénien ancien, daté entre 17 000 et 16 000 BP (tab. 1) est identifié dans la tranchée Trécolle creusée dans le talus à l'avant du grand abri (couches C3-C4). L'industrie lithique est “peu laminaire mais lamellaire, riche en lamelles à dos” et en éclats (Lenoir et al., 1994 : 67). L'industrie osseuse comprend des aiguilles, des sagaies entières et fragmentées, un fragment de bâton percé, une baguette et des fragment de bois de renne portant des traces de sciage. Certains de ces objets portent des incisions ou des rainures (Lenoir et al., 1994). L'Antilope saïga domine l'assemblage faunique qui se complète par le Renne, le Cheval et les Bovinés (Ouzrit 1986; Costamagno 1999, 2001). La couche qui surmonte cet ensemble (couche C2) résulte d'après les fouilleurs d'un mélange entre les couches sous - et sus-jacentes. Un premier ensemble de Magdalénien moyen, daté entre 16 500 et 14 000 BP (tab. 1) est observé dans la tranchée Trécolle (couches C1-C) et dans le grand abri (couche inférieure). L'industrie lithique, laminaire, comprend des grattoirs, des grattoirs-burins, des burins, des perçoirs, des pointes à cran atypiques, des lames courtes souvent larges et épaisses, des lamelles à dos, des lamelles à dos denticulées et des triangles scalènes (Blanchard et al., 1972; Lenoir 1983; Lenoir et al., 1991, 1994, 1995). L'industrie osseuse se compose d'aiguilles, de sagaies et fragments de sagaies (dont certaines à section ovale, biseau double et une de forme biconique), de baguettes, d'une spatule et d'os portant des incisions, rainures ou polis (Blanchard et al. op. cit.; Lenoir et al., 1994). L'art mobilier comprend un renne stylisé gravé sur un fragment de bois de renne (Dubourg 1997). La faune est semblable à celle du Magdalénien ancien. Un possible mur, des blocs calcaires avec anneaux et cuvettes, un galet utilisé, des oxydes de manganèse, des ocres jaunes et rouges et un morceau de résine sont inventoriés par Blanchard (Blanchard et al. op. cit.). Un deuxième ensemble de Magdalénien moyen est reconnu par Blanchard dans le grand abri et l'abri de la terrasse supérieure. L'industrie lithique se distingue du premier ensemble par la rareté des grattoirs et des lamelles denticulées et la plus grande variété de burins (Blanchard et al. op. cit.; de Sonneville-Bordes 1960; Lenoir 1983). L'industrie osseuse est plus riche et comprend des baguettes, poinçons, aiguilles, ciseaux, sagaies à biseau simple et double, un tube en os, un bâton percé et des outils divers en os et en bois de renne (Blanchard et al., 1972). L'art mobilier se compose d'un avant-train de bouquetin sculpté sur un bâton percé et de divers objets en os présentant des décors en forme de cannelures profondes, croix, triangles, ovales et traits divers (Blanchard et al. op. cit.; de Sonneville-Bordes 1960; Lenoir 1983; Dubourg 1997). Des blocs calcaires à cupules et deux galets présentant une surface plane proviennent également de cet ensemble. Les deux ensembles du Magdalénien sont séparés sous le grand abri par une couche stérile. La découverte d'un harpon à double rang de barbelures (Blanchard et al. op. cit.) et d'un assemblage faunique dominé par le Cheval et comportant aussi du Cerf et du Sanglier (Blanchard et al. op. cit.; Garde 1946) suggère une occupation du Magdalénien supérieur ou de l'Azilien en sommet de séquence dans l'abri de la terrasse supérieure. Les dépôts situés dans le talus entre les deux abris se composent d'un amoncellement de fragments de crâne et d'os longs, parfois en connexion anatomique, de Cheval, de Bœuf et de Cerf ainsi que de restes de Rongeurs (Blanchard et al., 1972). Le talus est interprété par Blanchard comme “une réserve de viande” (Blanchard et al. op. cit. : 42). En 1997, Lenoir identifie également de gros ossements dans le talus qu'il interprète en revanche comme provenant soit de fouilles anciennes, soit du secteur situé au-dessus du gisement qui a été exploité comme carrière. La frise gravée (Courty 1957; Leroi-Gourhan 1965; Breuil dans Blanchard et al., 1972 : 32-33; Bouvier et Trécolle 1966; Dubourg 1997) a été découverte sous les éboulis, sur la paroi dans la zone ouest du grand abri lors de la campagne de fouille menée par Blanchard (fig. 1). L'abbé Breuil repérait parmi les traits un arrière-train de cheval acéphale et un animal indéterminable. Bouvier et Trécolle identifient par contre ce dernier comme un anthropomorphe et les traits restant comme appartenant à l'arrière-train d'un autre animal acéphale, peut-être un Bovidé, associés à des signes. Un premier squelette a été découvert devant l'abri de la terrasse supérieure (fig. 1) en 1930 par Mirande et Lépront (Garde 1934, 1969). Ce squelette en position repliée était très mal conservé et seuls quelques restes fragmentaires de la calotte crânienne et de la mandibule ont été récupérés. L'étude de Vallois montre qu'ils appartiennent à un homme de 40-50 ans (Blanchard et al., 1972). La deuxième sépulture, connue sous le nom de Dame de Saint-Germain-la-Rivière a été découverte en 1934 par Blanchard à l'aplomb de la voûte de l'abri de la terrasse supérieure (fig. 1), une dizaine de mètres plus au nord de la première (Blanchard s.d., 1935; Garde 1969, Blanchard et al., 1972). Le squelette a été attribué à une jeune femme adulte (Riquet 1959; Blanchard et al., 1972), ce qui a été confirmé par une étude récente (Gambier et al., 2002). Des fragments de crânes et de mandibules appartenant à un homme, à une jeune femme et à trois enfants de 6 à 8 ans proviennent de la couche supérieure du secteur (fig. 1) laissé comme témoin par Blanchard entre le gros bloc et la paroi du grand abri (Blanchard et al., 1972 : annexe). Un inventaire plus récent de l'ensemble des restes humains (Gambier et Lenoir 1991) dénombre les restes d'au moins douze individus dont six adultes et six enfants. Deux ensembles d'objets de parure, l'un composé de “22 craches de cerf biforées” et l'autre de “55 incisives de renne perforées d'un trou” (Garde 1946), font partie de la collection Mirande conservée au Musée de la Société Historique et Archéologique de Libourne. La provenance stratigraphique de ces ensembles est inconnue. Selon Garde, membre de cette société, les colliers auraient été découverts dans le grand abri, en dessous du grand rocher (Garde 1946 : 72). Cette zone était inaccessible avant les fouilles effectuées par Blanchard. Les “colliers” proviendraient donc de fouilles menées après 1934. Un autre mystère qui entoure la découverte de ce matériel concerne la date d'entrée de ces “colliers” au Musée. Quand en 1937, Mirande fait don de ses collections au Musée, ces “colliers” n'en font pas partie. Ce n'est qu'en 1945 que Mirande fait, au cours d'une réunion de la Société, une communication les concernant, relatée par Garde (1945). Ils sont inscrits dans l'inventaire du Musée en 1946 (Garde 1946) sans que l'on sache précisément de quelle façon et à quelle date ils ont été acquis par cette institution. Nous savons, grâce au compte-rendu d'un visiteur anonyme, que ces colliers étaient exhibés à côté des craches de cerf de la sépulture lors de l'exposition commémorative consacrée à la découverte du gisement, organisée à Libourne en 1969 (Garde 1969). La fouille de cette inhumation, menée par Blanchard, Neuville et Chauveau (Blanchard et al., 1972), a mis en évidence une structure composée de quatre blocs soutenant deux dalles qui semblaient protéger la défunte (fig. 2). La plus grande dalle est pourvue d'un anneau situé à l'aplomb du crâne. La petite dalle protégeait les membres inférieurs. Deux blocs supplémentaires calent les piliers soutenant la grande dalle. Le corps reposait les membres fléchis et en décubitus latéral gauche sur le substrat rocheux, la tête, recouverte de la main droite, à l'est, les pieds à l'ouest (Blanchard et al. op. cit.). La conservation des connexions anatomiques suggère que le corps a été recouvert de sédiment avant sa décomposition (Gambier et al., 2000). Blanchard (Blanchard s.d., Blanchard et al., 1972) mentionne comme mobilier funéraire (tab. 2) “deux poignards” en bois de cervidé (fig. 3 a-b), “une côte de Cervidé” fendue et perforée qu'il interprète comme un “passe-lien” (fig. 3 c), “des Trivia ”, “une Cypraea ”, “70 canines de renne et de cerf perforées ”, “des instruments en silex” (burins, grattoirs, lames, lamelles à bord abattu, etc.) et “un gros nucléus en forme lenticulaire” (fig. 4). L'emplacement exact du mobilier funéraire n'est pas connu. En 1935, Blanchard écrit que celui -ci “dents, coquillage, armes reposait à l'aplomb de ce qui fut le ventre et les reins de l'ensevelis ”. En 1972 il affirme que les outils en os auraient été “placés sur le squelette ”, les coquillages trouvés “à la hauteur du bassin ”, les dents perforées “formaient vraisemblablement un collier ”, et les outils lithiques semblent avoir été trouvés mélangés aux éléments du collier (Blanchard s.d., Blanchard et al., 1972). D'après l'auteur (Blanchard et al., 1972) l'ocre était omniprésente sur le squelette, sur le mobilier funéraire, sur les nombreux ossements de rongeurs découverts autour de ceux -ci et imprégnait le sédiment environnant. Blanchard relie au rite funéraire un foyer et un certain nombre de restes osseux trouvés à proximité de la sépulture (fig. 5). Le foyer s'étalait apparemment au - dessus et autour de la grande dalle couvrant le squelette. Les restes osseux comprenaient “des fragments de cornes de bovidé ”, un frontal de bovidé muni de ses chevilles osseuses, “des massacres de chevaux, et des bois de renne ”. Touché par la complexité de la structure funéraire et la richesse du mobilier, Blanchard proposa que le personnage inhumé devait être “vénéré de sa tribu” (Blanchard et al. op. cit.). Une date 14C AMS effectuée sur une côte (Gambier et al., 2000), situe la mort de l'individu vers 15 780 ± 200 BP (GifA 95456). Quatre-vingt six objets provenant de cette sépulture sont conservés dans les réserves du Musée National de Préhistoire (tab. 2, fig. 6). En comparant cet inventaire à la description dressée par Blanchard (Blanchard s.d., Blanchard et al., 1972), on remarque l'absence d'une cyprée, d'un métatarsien de renne, d'une mâchoire de renard et de quatre pièces lithiques. Parmi les dents perforées, nous avons identifié exclusivement des craches de cerfs. Il est probable que les “canines de renne” citées par Blanchard ne soient pas perdues mais correspondent en réalité aux craches de biche. Cela est d'autant plus probable que le nombre de dents de la collection coïncide à peu près à celui donné par Blanchard. De plus, l'idée erronée selon laquelle seuls les cerfs mâles possèdent des craches a été très souvent répandue et même citée dans une publication en rapport direct avec cette collection (Garde, 1969). Bien que nous ayons repéré une canine de plus que le nombre indiqué par Blanchard, la comparaison entre nos craches et celles figurées dans la monographie du site révèle qu'une crache supplémentaire manque à l'appel (fig. 6 encadré). En revanche, nous avons découvert, mêlée aux craches, une perle allongée en stéatite (fig. 6 n° 72). Blanchard affirme que de nombreuses Trivia se seraient “transformées en poussière” lors de la mise au jour du squelette. Nous avons cependant retrouvé trois de ces coquillages dans la collection du Musée. Une phalange d'Antilope saïga, non mentionnée par Blanchard, semble également faire partie du mobilier funéraire. Dix-neuf des 71 craches manquent d'une partie (n = 3) ou de la totalité (n = 16) de la racine. Des 53 craches restantes, 18 présentent un excellent état de conservation, 10 sont entières mais avec la racine recollée et 25 présentent des petites fractures ou des écaillements. Les craches cassées ont souvent des fractures nettes, localisées au niveau de la perforation, qui rappellent celles des craches entières recollées. Ce fait et l'absence de patine sur les fractures indique qu'il s'agit de cassures post-dépositionnelles récentes. La totalité des craches présentent un état de conservation permettant l'indentification du sexe avec la méthode proposée par d'Errico et Vanhaeren (2002). L'application de cette méthode révèle une forte prépondérance des craches de cerfs mâles (88 %) (tab. 3, fig. 6 n° 1-63). La crache figurée par Blanchard, manquante dans la collection du Musée, était une crache de biche. La latéralisation des dents indique, chez les deux sexes, une légère prédominance de craches droites. La recherche systématique d'appariements a permis d'identifier cinq paires de craches provenant chacune d'un même cerf mâle et une paire provenant d'une même biche (fig. 7). La prise en compte de ces appariements donne un nombre minimal d'individus de 58 mâles et 8 biches soit 66 individus au total. De ces derniers, 84 % ne sont représentés que par leur canine gauche ou droite. Le rapport entre la largeur et l'épaisseur des racines (fig. 8) confirme l'identification du sexe fondée sur la morphologie dentaire : les trois craches de biches entières ont des racines plus étroites que celles des cerfs mâles comme ce que l'on observe systématiquement dans les populations actuelles (d'Errico et Vanhaeren op. cit.). Deux méthodes ont été appliquées pour estimer l' âge des cerfs qui ont fourni les craches perforées. La première, basée sur des stades d'usure de la couronne (d'Errico et Vanhaeren 2002), indique qu'un tiers environ des craches de mâle provient d'animaux dont l' âge est compris entre 2 et 4 ans (stade 1), un tiers de cerfs adultes âgés de 4-6 ans (stade 2) et un dernier tiers d'individus de 6-12 ans (stade 3), les vieux mâles (stade 4-5) étant rares (fig. 9). Cette attribution est confirmée par la méthode morphométrique, applicable aux craches avec une facette d'usure occlusale (stades d'usure 2-5), qui indique une préférence pour des mâles plus jeunes que 9 ans et surtout pour des jeunes mâles de moins de 5 ans. Quatre-vingts pour cent des craches de mâles appartiennent à des animaux de moins de 6 ans (fig. 9 e-f). Les huit craches de biche appartiennent à des individus de tous âges, indiquant que la chasse aux femelles ne se cantonnait pas exclusivement à une classe d' âge particulière. La très faible représentation de mâles âgés peut être interprétée comme la démonstration du faible rôle joué par la chasse de mâles dominants pendant ou à la fin de la période du rut, face à une chasse menée tout au long de l'année sur des mâles jeunes et moins expérimentés. L'hypothèse alternative est celle d'une sélection, dictée par une préférence culturelle pour les craches de jeunes mâles, aux couronnes non endommagées par l'usure. A l'exception de trois craches de mâles présentant une double perforation (fig. 6 n° 8-9 et 44), toutes les autres dents possèdent une perforation unique, localisée au centre de la racine. Cette perforation a été réalisée par une rotation exercée sur les faces vestibulaire et linguale de la dent à l'aide d'une pointe robuste en silex. Ce procédé a produit des perforations biconiques évasées (fig. 10). La perforation par rotation a été précédée par la gravure d'un sillon orienté dans l'axe de la racine dont les extrémités sont encore visibles sur bon nombre de craches (fig. 10 b-d). Ces sillons ont sans doute servi à caler la pointe de l'outil à l'amorce de la rotation. Celle -ci a produit des perforations d'un diamètre supérieur à 2 mm et pouvant atteindre 5 mm (fig. 11). Il s'agit des plus grandes perforations que nous avons pu examiner jusqu' à présent sur des craches de cerf (Vanhaeren et d'Errico 2003b). Aucune différence significative ne s'observe entre les perforations réalisées sur les craches des deux sexes. Malgré la dimension réduite des perforations sur les craches biforées, la technique de perforation est comparable : production de deux sillons parallèles près du collet suivie d'une rotation réalisée avec une pointe en silex extrêmement fine. Les craches appariées portent des perforations presque identiques en forme et dimensions (fig. 7 et 11), indice suggérant que le même artisan a été responsable de la perforation de chaque paire (d'Errico et Vanhaeren 1999, 2002). Les quelques traces d'utilisation repérées, qui consistent dans un poli localisé de préférence à droite et/ou à gauche de la perforation, ne permettent pas une identification certaine du mode d'attache. Deux tiers des craches de cerf mâles et un tiers des craches de biches ont été décorés (tab. 2) sur la surface occlusale (fig. 12 n° 14). Le décor consiste en des séries de trois à six entailles parallèles ou des croisillons formés par deux ou trois entailles. Trois pièces associent les deux motifs (fig. 12 n° 7, 24, 28 et Fig. 13 c). Toutes les entailles ont été réalisées par le mouvement de va-et-vient d'un tranchant non retouché comme l'indiquent leur morphologie étroite et profonde, leur section symétrique et l'absence de “marches” provoquées par les aspérités d'un tranchant retouché (d'Errico 1998). Sur certaines pièces, cette technique laisse des entailles nettes (fig. 13 a, e, f), sur d'autres les sorties accidentelles du tranchant ou la difficulté d'entamer le sillon sur l'émail a produit, à côté d'entailles profondes, plusieurs stries parasites parallèles ou légèrement désaxées (fig. 13 c, d, h). Quatre des six paires sont décorées et il est intéressant de remarquer que l'artisan n'a réalisé aucun décor symétrique sur les deux craches provenant du même animal. On observe même un exemple où seule une crache de la paire a été décorée. La position du décor sur la dent attire également l'attention : ces décors ne sont visibles que si la face mésiale ou vestibulaire est orientée vers l'observateur. La perle en stéatite, de couleur verte jaunâtre, est légèrement plus petite que les craches et présente une perforation obtenue par rotation (fig. 6 n° 72). La position désaxée de cette dernière, qui devait fragiliser l'anneau, est probablement à l'origine de la fracturation de la pièce. La surface est couverte de stries larges, superficielles et sans orientation préférentielle, évoquant une abrasion effectuée par des éléments grossiers. Ces stries apparaissent émoussées par une usure due à un polissage intentionnel ou produite par le port de l'objet. Un seul des trois exemplaires est entier (fig. 6 n° 73), les autres portent des fractures récentes. Tous sont biforés et présentent des résidus de colorants semblables à ceux observés sur les autres objets de la sépulture, ce qui semble confirmer leur appartenance à celle -ci. Dans les trois cas, les perforations ont été pratiquées sur la face convexe près des extrémités et du labre. Cette localisation suggère la présence d'un fil traversant les deux perforations et orientant l'ouverture vers l'observateur. Les 22 craches qui composent ce “collier” présentent un excellent état de conservation (fig. 14). Même si à première vue ces craches ne semblaient pas porter de traces d'ocre, l'analyse microscopique des perforations en révèle la présence sous forme de microrésidus. A l'inverse de celles de la sépulture, ces craches ne présentent pas d'encroûtements de sédiment. Cette collection est composée de 12 craches de cerf mâles et de 10 craches de biches (tab.3). Une opposition s'observe dans leur latéralisation (fig. 15) : les craches de biche sont en majorité des droites, celles de mâle presque toutes des gauches. Aucun appariement n'a pu être identifié. L'estimation de l' âge par la méthode morphométrique est rendue difficile à cause des modifications que ces craches ont subies lors de leur aménagement en objet de parure (cf. ci-dessous). Les stades d'usure révèlent que toutes les classes d' âges sont représentées aussi bien chez les mâles que chez les femelles (fig. 15). Les craches d'animaux d' âge compris entre 4 et 6 ans (stade 2) et, en moindre mesure, entre 6 et 10 ans (stade 3), constituent le groupe le plus important chez les mâles. Une préférence pour des individus plus âgés (10-16 ans, stade 3-4) s'observe chez les femelles. La morphologie naturelle des craches a été modifiée intentionnellement sur toutes les dents de biche (fig. 14, n° 13-22) et sur huit des douze dents de mâles (fig. 14, n° 1-3, 7-11). Les racines d'au moins cinq dents, quatre appartenant à des femelles et une à un mâle (fig. 14 n° 8, 14, 16, 18, 19), ont été raccourcies par sciage. Les stigmates laissés par ce procédé ont été ensuite régularisés par abrasion (fig. 16 a, b, i). Les racines des autres pièces, qui ne semblent pas, à en juger par leur longueur, avoir été sciées, ont été néanmoins abrasées. L'abrasion a été pratiquée soit de façon à produire une facette nette, perpendiculaire à l'axe de la dent (fig. 16 d, e, h), soit de manière à réduire l'étendue de celle -ci en réalisant des facettes convergentes de part et d'autre de la première (fig. 16 a, b). Sur une racine la surface abrasée est arrondie, ce qui évoque un changement constant de l'orientation de l'objet au cours du travail (fig. 14 n° 13 et fig. 16 c). Toutes ces facettes ont ensuite été soigneusement polies, processus qui a effacé les traces d'abrasion pour ne laisser que des stries microscopiques et un lustrage luisant (fig. 16 f, g). La reproduction expérimentale de ces traces (d'Errico 1993a-b) indique que le lustrage a pu être obtenu à l'aide d'une peau animale ou même en frottant les pièces entre les doigts. L'abrasion et le polissage ont sans doute également été utilisés pour modifier la morphologie de la couronne de plusieurs craches et pour leur donner un aspect luisant (fig. 14 n° 16, 19, 20, 21). Sur une crache de mâle (fig. 14 n° 9), l'abrasion a régularisé la face distale de la couronne. L'orientation des stries laissées par ce procédé indique que l'abrasion a été effectuée avec un geste parallèle à l'axe majeur de la dent (fig. 17). Ces craches biforées ont été perforées avec la même technique que celle décrite pour les craches de la sépulture : creusement d'un fin sillon longitudinal suivi d'une perforation par rotation. Cependant, la perforation a réclamé ici l'utilisation de perçoirs fins, nécessaires à la production de petites perforations cylindriques (fig. 18 a). Les perforations sur les dents de biche sont systématiquement plus petites que celles sur les craches de mâle (fig. 19). L'artisan était donc conscient des contraintes imposées par la différence de taille entre les racines et utilisait des pointes différentes pour les craches des deux sexes. Si les craches de mâles et de femelles étaient intégrées dans la même parure, le lien utilisé pour les attacher devait avoir un diamètre inférieur à 1 millimètre, largeur minimale des perforations sur les craches de biche. Quatre craches de mâle et quatre de biche portent un décor gravé sur la face occlusale de la dent (tab. 3). Il s'agit : d'entailles parallèles, présentes chez les deux sexes et réalisées, comme celles de la sépulture, par le va-et-vient de tranchants aigus, probablement non retouchés (fig. 20 a-b, e, g); d'entailles convergentes, réalisés avec la même technique, sur une crache de biche (fig. 20 c); de chevrons, gravés avec des tranchants fins sur une autre crache du même sexe (fig. 20 c, d); de “v” emboîtés, gravés sur une crache de mâle avec une pointe robuste (fig. 20 f). Ces craches présentent des traces d'utilisation intenses qui permettent de reconstituer avec certitude le mode d'attache. L'usure affecte systématiquement la surface entre les deux perforations sur la face linguale et les ponts latéraux sur la face vestibulaire (fig. 21). Elle produit à ces endroits un sillon arrondi et lustré, associé à des stries perpendiculaires à l'axe de la dent, qui emporte les traces de perforation ainsi que un à deux tiers de l'épaisseur des ponts (fig. 18 b et 21). Sur deux pièces (fig. 14 n° 13 et 17) l'usure a même sectionné le pont central ou latéral (fig. 21 b). Le fil d'attache devait donc passer entre les deux trous sur la face linguale et derrière les ponts latéraux sur la face vestibulaire. Les traces d'usure indiquent que les craches étaient enfilées plutôt que cousues individuellement. L'attache individuelle aurait en effet produit des usures sur les faces mésiales et distales, ce qui n'est pas le cas. La localisation de l'usure fait plutôt penser au passage du lien de la face vestibulaire d'une crache à la face vestibulaire de la voisine dans un collier continu. Il est probable que dans ce collier, les craches étaient attachées de manière à orienter leur face vestibulaire vers l'observateur car c'est cette position qui permet de rendre visible leur décor. En orientant ainsi les craches, le fil d'attache n'était visible que sur le pont entre les deux perforations, le reste du fil étant caché par les ponts latéraux. En jouant sur la latéralisation et sur les différences de taille et de forme, dues au sexe et à l' âge des animaux, ce collier pouvait créer un effet de symétrie et de dégradé d'impact visuel certain (fig. 22). Cette hypothèse est renforcée par le raccourcissement artificiel des racines mené vraisemblablement dans le but de mettre le bord des ces dernières au même niveau que celui des autres et, de ce fait, donner une homogénéité à l'ensemble. Ce lot est composé actuellement de 46 incisives entières de renne en bon état de conservation, une pièce cassée et deux fragments (fig. 23), soit six spécimens en moins que le nombre indiqué par Garde lors du premier inventaire (1946). Les huit incisives inférieures sont représentées dans la collection dans des proportions qui ne sont pas significativement différentes. Vingt-trois des 49 incisives étudiées sont des I1/I2 dont 13 gauches et 10 droites. Les 26 restants sont des I3/I4 dont 11 gauches et 15 droites. La comparaison systématique des stades d'usure et la recherche des facettes de contact a permis d'identifier des groupes de deux ou trois incisives ayant appartenu à quatre rennes différents. Comme on ne peut exclure, au contraire des craches de cerf, que certaines dents manquantes ne fassent pas partie de la collection, le nombre de rennes abattus pour créer cette parure ne peut être établi précisément et oscille entre 8 et 15. La première étape de l'aménagement des incisives a consisté dans le sciage des racines. Ce sciage a pu être effectué directement sur la mandibule, comme il a été proposé par Poplin (1983) pour les incisives de Petersfels, ou après extraction des dents. Choisir entre ces deux possibilités est problématique ici car, après sciage, les extrémités des racines ont été systématiquement régularisées par abrasion (fig. 24). Il est de ce fait difficile de savoir si la différence de hauteur que l'on observe entre les extrémités de certaines racines de dents adjacentes et provenant de la même mandibule sont dues à un sciage individuel ou à une abrasion plus intense. L'aménagement des incisives en objets de parure suit un procédé standardisé. La racine est raclée longitudinalement au burin, comme indiqué par la régularité des facettes et l'absence de stries sur celles -ci. L'extrémité de la racine est ensuite régularisée par abrasion en deux étapes. La première consiste à produire une facette perpendiculaire à l'axe de la dent. La deuxième à abraser les bords de celle -ci par l'intermédiaire d'une série de facettes adjacentes qui donnent à l'extrémité de la racine une morphologie caractéristique en tronc de cône. Pour perforer les racines, un sillon est gravé sur les faces mésiales et distales en partant du collet en direction de l'apex avant d'achever le travail par rotation avec une fine pointe en silex (fig. 24). La dimension minimale de ces perforations indique que le fil d'attache avait un diamètre inférieur à 1 millimètre (fig. 25). L'usure affecte systématiquement la surface de la perforation du côté lingual en effaçant les stries concentriques laissées par la perforation et en amenuisant, dans certains cas, le pont créé par celle -ci. Cela suggère que les incisives étaient attachées individuellement par leur pont lingual mais il est difficile d'établir si elles étaient cousues sur un vêtement ou reliées les unes aux autres pour former un collier. Il est vraisemblable, comme proposé pour les craches, qu'en jouant sur les différences de taille entre incisives centrales et latérales, sur les différences de forme due à la latéralisation et sur le raccourcissement des racines, ces dents pouvaient être disposées de façon à créer un dégradé harmonieux. La collection Mirande du Musée de Libourne comprend plusieurs objets de parure isolés. Nous ne disposons que de peu d'informations sur ce matériel. Selon Garde (1934), une dent percée aurait été découverte par Mirande dans une zone ocrée mise au jour dans la tranchée creusée par ce fouilleur en avant de l'abri supérieur. Une “crache percée d'un trou ”, “un petit coquillage ”, “un fragment d'os” et “une coquille Saint-Jacques” également percés, font partie de l'inventaire du Musée à partir de 1946 sans que l'on puisse établir leur provenance (Garde 1946). Ce matériel n'étant pas marqué, toute information sur sa provenance stratigraphique et spatiale semble perdue à jamais. De son côté, Blanchard ne mentionne, dans ses publications, aucun objet de parure en provenance des couches d'habitat du site. Cependant, nous avons trouvé sept objets de parure dans le matériel conservé au Musée des Eyzies, dans une boite étiquetée Saint-Germain-la-Rivière “Magdalénien III ”. Un certain nombre d'objets de parure provient également des fouilles Trécolle. Ils sont décrits par Lenoir et al., 1994 comme “une incisive de renne” (couche C), “trois incisives de renne” (interface C/C1), “une incisive de renne ”, “une perle en stéatite ”, “un oursin ”, “des fragments de pecten” et “un fossile indéterminable” (couche C1); “deux perles en os” (interface C1/C2); “une coquille de Pecten percée” et “une perle en stéatite à double perforation qui imite une incisive de renne” (couche C2), “une incisive de renne sciée” et “un fragment de Pecten paraissant perforé” pour l'interface C2/C3; “un oursin” et “deux métapodes vestigiels de renne” (couche C3); “une canine de renard” et “un métapode vestigiel de renne portant un essai de perforation ”. A cette liste il faut ajouter “une deuxième prémolaire supérieure droite” humaine perforée (interface C2/C3) étudiée par Le Mort (1985). Nous avons pu examiner au Musée de Libourne un grand pecten perforé (fig. 26 n° 1), deux Nucella lapillus de taille différente (fig. 26 n° 2, 5), une crache droite appartenant à un jeune mâle adulte (fig. 26 n° 3), une incisive d'antilope saïga (fig. 26 n° 4) et un élément de parure en os biforé imitant une racine d'incisive (fig. 26 n° 6). De la collection Blanchard conservée au Musée National de Préhistoire (fig. 27) font partie deux moulages internes d'un bivalve (fig. 27 n° 3) et d'un gastéropode indéterminé (fig. 27 n° 2), un fragment de gastéropode, également indéterminé (fig. 27 n° 1), ainsi qu'un objet tubulaire non déterminé, présentant une perforation latérale anthropique, obtenue par abrasion et rotation (fig. 27 n° 4). Les deux moulages internes ne portent aucune trace anthropique et doivent de ce fait être exclus de la collection des objets de parure. A cette collection appartiennent aussi une incisive de renne percée (fig. 27 n° 5), une crache droite de cerf mâle âgé (fig. 27 n° 6), un fossile d'oursin avec une perforation naturelle (fig. 27 n° 7), trois Trivia europea dont une avec une petite perforation naturelle (fig. 27 n° 9) et un grand Glycymeris avec une perforation sur l'umbo (fig. 27 n° 8). Le matériel des fouilles Trécolle, que nous avons pu examiner grâce à l'amabilité de Michel Lenoir, comprend, du haut vers le bas de la séquence stratigraphique, une incisive perforée de renne âgé (fig. 28 n° 1) et un fragment d ' Ostrea (fig. 28 n° 2) (couche C); trois incisives de renne perforées, dont une cassée (fig. 28 n° 3-5), un fragment de Pecten (fig. 28 n° 6) et trois fossiles d'oursins (fig. 28 n° 7-9) dont un avec perforation naturelle (interface C-C1); une incisive de renne perforée (fig. 28 n° 10), un oursin (fig. 28 n° 11) et une perle ronde en stéatite (fig. 28 n° 12), un grand (fig. 28 n° 13) et un petit (fig. 28 n° 14) fragment de Pecten et un fragment de bivalve indéterminé (fig. 28 n° 15) (couche C1); deux pendeloques (fig. 28 n° 16-17) en stéatite dont une imitant une incisive de renne, un oursin non perforé (fig. 28 n° 18), un fragment d'huître (fig. 28 n° 19) et de Pecten (fig. 28 n° 20) (interface couche C1-C2); une perle en stéatite biforée imitant une incisive de renne (fig. 29 n° 1), le moulage interne d'un fossile indéterminé (fig. 29 n° 2), un petit tronçon de dentale (fig. 29 n° 3), un fragment de Pecten avec perforation naturelle (fig. 29 n° 4), un autre fragment de Pecten (fig. 29 n° 5), un moulage interne d'un coquillage indéterminé (fig. 29 n° 6), une Nucella lapillus avec deux grandes perforations obtenues par rotation (fig. 29 n° 7) (couche C2); une incisive de renne avec gorge près du collet (fig. 29 n° 8) (interface entre les couches C2 et C3); un oursin avec perforation naturelle (fig. 29 n° 9), deux épiphyses de métacarpe vestigiel de renne (fig. 29 n° 10-11), le moulage interne d'un coquillage indéterminé (fig. 29 n° 12) et un fragment de coquillage, également indéterminé (fig. 29 n° 13) (couche C3); une épiphyse de métacarpe vestigiel de renne sans perforation (fig. 29 n° 14), une canine de renard avec perforation cassée (fig. 29 n° 15) (interface couche C3-C4); une autre canine de renard avec perforation cassée (fig. 29 n° 16) (couche C4). Nous n'avons pas pu analyser la prémolaire humaine (fig. 29 encadré) (interface C2-C3), qui est en cours d'étude par D. Gambier. L'incisive de renne (fig. 27 n° 5) et la crache de cerf (fig. 27 n° 6) de la collection Blanchard ont été perforées avec les mêmes techniques que celles décrites précédemment pour les colliers de la collection Mirande. La localisation et la taille des perforations sont également les mêmes. La crache de la collection Mirande a été perforée avec la même technique que celle décrite sur les craches de la sépulture et présente une perforation de taille comparable (fig. 26 n° 3). Cependant, elle se différencie de ces dernières par la position excentrée de la perforation, particularité jamais observée sur les craches de la sépulture. Malgré leur différence de taille, les deux Nucella lapillus de la collection Mirande (fig. 26 n° 2, 5) présentent des grandes perforations localisées au même endroit, indice possible de leur intégration dans une même parure. Les incisives de renne provenant des couches C et C1 de la fouille Trécolle (fig. 28 n° 1, 3-5, 10) ont eu la racine sciée, polie et perforée en suivant le même procédé que nous avons décrit pour le collier Mirande. Des différences s'observent cependant dans la morphologie de la zone façonnée par abrasion et dans la gestuelle adoptée. Sur une pièce, cette technique est utilisée pour produire une extrémité pointue (fig. 30 c), sur une autre, une facette oblique (fig. 30 b), sur une troisième, le plan de sciage est régularisé par simple polissage sur une surface souple (fig. 30 a). Aucune pièce du collier Mirande ne présente ces caractères. De plus quatre de ces incisives ont une couleur foncée que l'on ne retrouve pas chez les pièces de Mirande. L'incisive de renne de la couche C2-C3 (fig. 29 n° 8) a été sciée de la même façon que toutes les autres mais le plan de sciage n'a pas été régularisé et une gorge a été pratiquée près du collet (fig. 30 d). Des gorges d'origine naturelle, semblables à celle de la couche C2-C3, sont connues en littérature (Gauthier 1986). Cependant, dans notre cas, la présence de traces diagnostiques d'outil, résultant de la sortie accidentelle du tranchant au cours du creusement de la gorge, démontrent l'origine anthropique de celle -ci. Nous pouvons également dire que la pièce a été portée, à en juger par l'émoussé présent, à l'intérieur de la gorge. Aucune trace anthropique claire ne s'observe sur les six oursins fossiles issus des fouilles Trécolle et sur le spécimen des fouilles Blanchard. La présence de perforations sur plusieurs de ces pièces et leur similitude morphologique et dimensionnelle avec la perle ronde en stéatite et les deux perles façonnées sur l'épiphyse de métacarpe vestigiel de renne découvertes dans les mêmes couches, nous ont poussé à comparer les dimensions et la fréquence des perforations de notre échantillon avec ceux d'une thanatocénose d'oursins oligocènes (fig. 31). Cette comparaison révèle que les pièces archéologiques ont des diamètres proches ou dépassant la limite supérieure de l'étendue des diamètres des oursins oligocènes (fig. 32). De plus, les oursins de l'échantillon de contrôle perforés naturellement ne représentent que 1 % de l'ensemble tandis que la moitié des pièces archéologiques est perforée. Ces différences peuvent refléter un choix des Paléolithiques ou être due à un processus taphonomique pre - ou post-dépositionnel qui aurait sélectionné les oursins de plus grande taille et généré un taux plus important de perforations naturelles. Les méthodes de fouille et de tamisage auraient pu par exemple entraîner un tel biais. Cependant, la moitié des oursins de la collection de comparaison a un diamètre supérieur à 5 mm et plusieurs objets de parure issus des fouilles Trécolle ne dépassent pas cette dimension. Nous ne pouvons donc attribuer la différence de taille entre les oursins du site et ceux de la collection de comparaison au mode de prélèvement. De même, il est difficile d'envisager un processus taphonomique lié au mode de formation du site (altération chimique, ruissellement…) qui produirait une sélection dimensionnelle aussi forte. Il semble plus raisonnable, en considérant la forte similitude de dimension des oursins avec les autres perles rondes du gisement, de penser que ces fossiles étaient ramassés de façon sélective par les Magdaléniens pour en faire des objets de parure. L'analyse microscopique de la perle ronde en stéatite (fig. 28 n° 12, fig. 33) révèle de rares traces d'une abrasion réalisée en frottant la pièce sur une surface rugueuse. Les stries parallèles engendrées par cette technique sont partiellement effacées par une abrasion postérieure, réalisée par des éléments abrasifs libres (Fig. 33 d). Des stries dues au port de la perle se superposent à ces dernières sans que l'on puisse les distinguer aisément. Contrairement à ce que l'on observe généralement la surface de la perforation est couverte de stries parallèles qui la traversent longitudinalement (fig. 33 b-c). Leur largeur et présence sur la totalité de la perforation évoquent plus le glissement d'une tige souple pour régulariser les parois de la perforation que des traces d'utilisation. Une zone avec quelques stries concentriques grossières garde la trace de la rotation de l'outil responsable de perforation. La perle biforée en stéatite de la couche C2 (fig. 29 n° 1) conserve des traces plus claires d'une abrasion sur une meule dormante. L'analyse microscopique des perforations met en évidence une technique de percement originale (fig. 34). Les perforations ont été réalisées par deux forets de taille différente. Le premier avait une pointe cylindrique creuse, comme l'indique le rebord visible près de la perforation. Le deuxième, également cylindrique mais plus fin, a profité de la cupule engendrée par le premier pour achever la perforation. Le support des perles rondes réalisées à partir des épiphyses de métacarpes vestigiaux de renne (fig. 29 n° 10, 11) a pu être obtenu par simple détachement de celle -ci de la diaphyse chez de jeunes animaux ou en sciant l'articulation synostosée chez des adultes. Aucune trace de sciage n'apparaît sur les pièces étudiées, mais celles -ci ont pu être effacées par l'abrasion qui a régularisé cette zone. La perforation a été obtenue en raclant les surfaces mésiales et latérales avec une pointe en silex (fig. 35 a) et en perforant ensuite l'os par rotation avec une pointe lithique (fig. 35 b, c). L'épiphyse de métacarpe vestigiel de renne provenant de l'interface entre les couches C3 et C4 ne porte pas de traces anthropiques claires. Pouvons -nous interpréter le mobilier funéraire de la Dame de Saint-Germain-la-Rivière et, en particulier, les nombreuses craches percées comme la preuve que les sociétés magdaléniennes possédaient des richesses, c'est-à-dire des accumulations de biens déterminant des inégalités sociales ? Dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs où de telles richesses existent (Kroeber 1925; Ceci 1982; Godelier 1996; Ingold et al., 1991; Dubin 1999), elles sont composées d'objets présentant une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : ces objets sont fait dans des matériaux rares soit par nature soit par l'éloignement de leur lieu d'origine; leur fabrication demande un investissement important de temps et de travail; leur production utilise des techniques complexes maîtrisées exclusivement par certains membres du groupe; ils présentent une standardisation de forme et de couleur. Les trois premiers comportements assurent le contrôle de la production des unités de valeur, le dernier garantit l'interchangeabilité d'objets ayant la même valeur. Dans les sociétés traditionnelles, le port ostentatoire de parures constituées de nombreux objets exotiques acquis par échange caractérise les individus appartenant à un groupe social dominant (Ingold et al., 1991; Boone 1998; Neiman 1998; Smith et Bleige-Bird 2000; Testart 2001). Selon les sociétés, ces richesses sont héritées, distribuées, échangées, détruites ou abandonnées de façon ritualisée, par exemple lors de cérémonies funéraires (Testart 2001, 2003). L'abandon de ces biens dans la tombe s'inscrit généralement dans une stratégie de soustraction délibérée de richesse au réseau d'échange qui empêche la perte graduelle de leur valeur due à l'introduction, par production ou échange, de nouveaux objets dans le système. Dans ces sociétés, les individus ayant accès à ces richesses constituent une minorité. Les autres membres peuvent recevoir en prêt ou en cadeau de petites quantités de ces biens et posséder des biens de moindre prestige car moins élaborés ou d'origine non exotique. Largement diffusés au sein de la société et utilisés par la plus grande partie de ses membres, ces derniers biens devraient avoir plus de chance d' être perdus puis englobés dans le registre archéologique. Les cérémonies funéraires réservées aux “gens communs” peuvent être très différentes de celles destinées aux “honorables” ou simplement constituer une version simplifiée des premières (Testart 2003). Des études transculturelles indiquent que l'appartenance à un groupe social privilégié est souvent marquée par la construction de structures mortuaires durables (Tainter 1978; Carr 1995). Nous devrions par conséquent pouvoir identifier des sociétés complexes par la présence de sépultures associées à des biens de prestige et à des structures élaborées. Ces sépultures devraient soit s'accompagner d'autres, sans mobilier ou avec un mobilier constitué de biens de moindre prestige pouvant inclure des petites quantités d'objets exotiques, soit apparaître comme les seules témoignages funéraires – indice que les membres des groupes sociaux moins privilégiés étaient soumis à des pratiques funéraires archéologiquement invisibles. Plusieurs indices font penser que le mobilier funéraire de Saint-Germain-la-Rivière devait représenter une richesse et que son abandon dans la sépulture pourrait témoigner des pratiques que nous venons d'évoquer. Les craches associées avec certitude à la sépulture sont au nombre de 69 et possèdent toutes une seule perforation. Elles proviennent, en considérant les appariements, de 63 individus, 55 mâles et 8 biches. Cet ensemble correspond à une accumulation de dents prélevées sur des animaux abattus au cours d'une période relativement longue et probablement pendant plusieurs années. Mais l'importance prise par cette espèce dans la parure associée à la sépulture contraste avec sa virtuelle absence dans les assemblages fauniques exhumés des couches d'occupation de ce site par les fouilles Trécolle. Ces assemblages (Costamagno 1999) sont dominés par l'Antilope saïga (entre 84 et 66 % du NISP), suivie par le Renne (entre 17 et 8 % du NISP). La présence de restes de Cerf est exceptionnelle dans toutes les couches (moins de 0,1 %). De plus, le Cerf est absent dans les couches (C1 et C2) qui ont livré les dates 14 C les plus proches de celle obtenue pour la sépulture (fig. 36). A cela s'ajoute le fait que les ensembles fauniques issus de ces couches présentent une forte cohérence écologique (association Saïga, Renne, Cheval) indiquant un environnement steppique sec et froid (Delpech et al., 1983). Des assemblages fauniques comparables se retrouvent dans tous les sites contemporains du Sud-ouest de la France (Delpech 1983; Slott-Moller 1988; Seronie-Vivien 1995; Costamagno 1999; Castel 1999) indiquant que le Cerf, et par conséquent la matière première nécessaire à la production de la parure de la sépulture, devait être très rare voir absent dans la région. D'où viennent alors toutes ces craches ? Elles peuvent provenir de cerfs chassés par les Magdaléniens de Saint-Germain-la-Rivière dans des régions méridionales ou avoir été acquises par échange. La deuxième hypothèse semble la plus probable. En effet, les gisements contemporains les plus proches (fig. 37, tab. 4) avec une présence notable de Cerf se situent à au moins 300 km de Saint-Germain-la-Rivière, au Pays Basque espagnol (Altuna et Merino 1984; Altuna et al., 1985; Utrilla 1982) et dans le Piémont languedocien (Fontana 1999; Sacchi 1986). Cette distance est généralement considérée comme le rayon maximal de circulation des groupes de chasseurs-cueilleurs autours de leurs campements de base (Wobst 1976; Kelly 1983, 1995; Hewlett et al., 1986; Féblot-Augustins et Perlès 1992). On pourrait avancer que les sites du nord de l'Aquitaine marquaient la limite septentrionale de ce rayon et que les groupes qui les fréquentaient pouvaient chasser le Cerf dans la zone méridionale de leur territoire. Cependant, cette hypothèse est contredite d'une part par les études sur les saisons d'occupation de Saint-Germain-la-Rivière et de Moulin-Neuf, qui montrent que les Magdaléniens de Gironde ont occupé annuellement cette région (Costamagno 2001) et, d'autre part, par les datations 14 C disponibles qui indiquent qu'aucun site archéologique n'est recensé dans le bassin aquitain au sud de la Garonne entre 16 500 et 15 000 BP. Les premiers indices d'une nouvelle occupation de cette région ne sont attestés qu' à partir de 14 800 BP dans des sites comme Dufaure (Landes), Aurensan, Bois du Cantet, Bedeilhac (Pyrénées) et s'accompagnent de faunes froides (Renne, Cheval) avec de rares restes de cerf (Bahn 1983; Altuna et Mariezkurrena 1995). Bien que les raisons de l'absence de sites dans le sud du bassin aquitain soient encore à déterminer, cette absence semble indiquer que les territoires de chasse des Magdaléniens nord aquitains ne s'étendaient pas vers le sud où les cerfs étaient peut être plus répandus. L'hypothèse alternative est que les craches associées à la sépulture soient le résultat d'une longue accumulation de craches acquises par les Magdaléniens nords aquitains au cours de chasses exceptionnelles à cette espèce. Cette hypothèse ne peut être exclue mais le faible nombre d'appariements dans la sépulture et de restes de cerf dans les couches archéologiques de la région rendent une origine exclusivement régionale de craches peu probable. Repérer avec certitude la région de provenance des craches obtenues par échange est pour l'instant problématique. La découverte de cyprées méditerranéens (Luria lurida et Z onaria pyrum) dans la sépulture contemporaine de “l'Homme écrasé” de Laugerie Basse (Massenat et al., 1872, Taborin 1993 : 431) démontre que des objets de parure arrivaient à cette époque en Aquitaine en provenance de la Méditerranée. La présence d'éléments de parure aussi caractéristiques que les perles sur épiphyse distale de métacarpe vestigiel de renne à la Grotte Gazel, dans le couloir de l'Aude (Sacchi 1986) indique des similitudes entre ces deux régions. Quelle que soit la région de provenance, l'origine exotique de la totalité ou de la plupart des craches semble vraisemblable. La contradiction entre d'un côté une présence aussi abondante de craches dans la sépulture et d'un autre la composition faunique du site et des sites contemporains de la région est encore plus frappante en considérant les classes d' âges représentées et la proportion de cerfs mâles par rapport aux biches. On pourrait s'attendre, dans un milieu où les cerfs étaient rares, à voir les magdaléniens profiter de toutes les craches disponibles. Or, même si on interprète la courbe de mortalité en forme de “L” (Stiner 1994; Klein 1982; Klein et Cruz-Uribe 1982; d'Errico et Vanhaeren 2002) observée chez les mâles comme le reflet d'une chasse non sélective s'attaquant tout le long de l'année à une population naturelle, il n'en reste pas moins que les craches de vieux mâles sont sous représentées. La proportion de craches de biches correspond quant à elle au plus faible pourcentage observé dans des collections de craches perforées que nous avons pu étudier. A l'Aven des Iboussières (d'Errico et Vanhaeren 2002), où une chasse épargnant les biches en âge de reproduction a été identifiée, le pourcentage des craches de biche (35 %) est trois fois supérieur à celui du “collier” de la sépulture de Saint-Germain-la-Riviere (12 %). Ce dernier semble donc se caractériser par un choix délibéré de craches de jeunes mâles adultes. Ces dents, de morphologie semblable, sont celles qui produisent le plus fort impact visuel en raison de la grande taille de leurs couronnes. Un intérêt pour des objets finis de forme standardisée est confirmé par l'analyse technologique des craches. L'étude des perforations sur l'ensemble des craches révèle d'un part que plusieurs artisans et outils ont été impliqués dans leur réalisation et, d'autre part, que tous ces artisans ont fait attention à produire des perforations relativement grandes et localisées au centre de la racine. Cette standardisation indique que les craches ont été perforées de façon à obtenir des objets semblables et interchangeables au sein d'une parure. Ce constat s'accorde avec l'hypothèse selon laquelle, pour garder leur valeur, ces dents devaient être conformes à des canons partagés par les “producteurs” et les “acquéreurs ”. Le fait que les paires semblent avoir été perforées à chaque fois par un seul individu indique que la perforation a été probablement effectuée peu après l'abattage de l'animal et certainement au sein du groupe responsable de sa chasse. Le constat du faible nombre d'appariements s'accorde avec notre interprétation si on conçoit un système de circulation dans lequel le lot de craches disponibles lors de l'échange est significativement supérieur au nombre de craches acquises ou implique un nombre relativement élevé d'intermédiaires. Les craches perforées découvertes dans les sites du Magdalénien ancien de la côte cantabrique et du Languedoc ne contredisent pas cette hypothèse. Elles présentent dans les deux cas et comme chez la Dame de Saint-Germain-la-Rivière des perforations de moyenne à grande taille obtenues par rotation et situées au milieu de la racine. Comme dans la sépulture, certaines craches des deux régions sont décorées d'entailles gravées sur la surface occlusale de la couronne (Corchon 1986; Sacchi 1986). L'ensemble de ces similitudes est difficilement explicable comme le simple résultat d'une convergence technique. Par exemple, aucune des perforations sur les 196 craches associées à la sépulture multiple épipaléolithique de l'Aven des Iboussières (d'Errico et Vanhaeren 2002) porte les traces d'un percement par rotation et leurs dimensions sont significativement plus petites que celles de Saint-Germain-la-Rivière. Contrairement à ce dernier site, les entailles qui décorent les craches de l'Aven des Iboussières sont en grande majorité localisées sur les racines et ne forment jamais de motifs complexes comme ceux présents sur les craches de la sépulture et des sites contemporains du Lot et de la côte cantabrique. Les craches associées à la sépulture gravettienne de Lagar Velho (Vanhaeren et d'Errico 2003) ont des perforations encore plus petites, localisées près du bord proximal de la racine, phénomène absent à Saint-Germain-la-Rivière. En somme, ces différences démontrent que la catégorie des “craches perforées” cache un éventail de choix possibles qui peuvent, une fois identifiés par le croisement d'informations archéozoologiques, techniques, morphométriques et stylistiques, servir pour délimiter des territoires de production et circulation d'objets. Aucun objet de parure découvert en stratigraphie dans les couches d'occupation contemporaines de la sépulture ne trouve d'analogue dans les objets associés à celle -ci. La parure des couches d'habitat est dominée par les incisives de renne et leurs imitations en stéatite ainsi que par les perles rondes réalisées en stéatite ou en utilisant des oursins fossiles et des métacarpes de renne. A l'exception des pièces en stéatite, dont la source n'est pas établie, tous ces objets sont réalisés dans des matières d'origine locale ou régionale. Ceci et le fait que l'on retrouve en abondance ces mêmes objets dans les autres sites contemporains (Ladier et Welté 1994), s'accordent avec l'hypothèse que les objets abandonnés dans les couches d'habitat représentent des biens d'utilisation plus courante et de valeur moindre que ceux de la Dame de Saint-Germain-la-Rivière. Quant aux sépultures, des quatre inhumations attribuées au Magdalénien ancien/moyen ou datées par le 14 C de cette époque (Gambier et al., 2000), trois (Lafaye, Cap Blanc et Chancelade) ne semblent pas avoir livré d'objets de parure (Hardy 1888; Capitan et Peyrony 1912; May 1986; Binant 1991). La dernière (Laugerie Basse) comportait une vingtaine de cyprées dont certaines méditerranéennes (Massenat et al., 1872; Taborin 1993 : 431), une catégorie d'objets qui faisait également partie du mobilier funéraire de Saint-Germain-la-Rivière. Les données archéologiques s'accordent donc avec l'idée que certains groupes du Magdalénien ancien du Sud-Ouest possédaient des objets de parure courants et des objets de prestige d'origine exotique destinés à accompagner certains individus dans la tombe. Les objets de parure découverts hors stratigraphie ne contredisent pas notre cadre interprétatif. Les objets exotiques y sont rares (craches isolées Mirande et Blanchard) ou découverts sous la forme d'objets finis (collier Mirande) qui ont pu s'inscrire dans une logique de soustraction semblable à celle identifiée pour la sépulture ou même, en considérant le peu d'informations que l'on possède sur ces objets, être associés aux vestiges humains isolés découverts dans la même zone du site. Les craches du collier Mirande, bien que d'apparence très différentes de celles de la sépulture, pourraient avoir joué un rôle semblable. Comme ces dernières, elles semblent avoir été acquises par échange comme suggéré par l'absence d'appariements. Cette absence est d'autant plus frappante que le collier, clairement construit sur la symétrie, aurait pu gagner en éclat par l'utilisation de craches appariées. Mais, contrairement aux craches de la sépulture à une seule perforation, celles du collier semblent avoir été perforées par les Magdaléniens de la région, à en juger par la similitude de leurs perforations avec celles pratiquées sur les incisives de renne et l'absence de craches biforées dans les régions voisines. A cette différence s'ajoute celle engendrée par leur façonnage. En modifiant les craches par sciage et abrasion, le ou les artisans ont exclu celles -ci du réseau d'échange qui l'approvisionnait avec l'objectif d'intégrer définitivement ces objets dans une parure figée ne pouvant vraisemblablement être échangée qu'en entier. Il est raisonnable de penser que le transfert d'un tel “capital” ne devait pas représenter un fait anodin dans la vie de la communauté. Dans les sociétés traditionnelles possédant des richesses (Testart 1996, 2000; Dubin 1999) la transmission de parures de ce type se fait par exemple à l'occasion de l'acquisition d'une femme ou pour payer les services d'un chaman ou le prix du sang. Notre étude semble indiquer que certains membres des sociétés du Magdalénien ancien/moyen du Sud-Ouest de la France possédaient des richesses constituées d'objets de parure rares, très probablement exotiques. A l'instar de ce que l'on observe chez certaines populations de chasseurs-cueilleurs et en contradiction avec le caractère supposé égalitaire des groupes humains paléolithiques, ces objets étaient probablement utilisés pour marquer l'appartenance de certains individus à des groupes sociaux privilégiés . | L'analyse archéozoologique et technologique du mobilier funéraire de la Dame de Saint-Germain-la-Rivière (15 570 ′ 200 BP) et sa comparaison avec les objets de parure et la faune découverts dans ce même gisementainsi que dans les sites et sépultures contemporains révèlent le caractère exceptionnel de cette inhumation. Le grand nombre de craches perforées et la préférence pour des craches de jeunes cerfs mâles qui caractérisent le mobilier de la sépulture contrastent avec l'extrême rareté de cette espèce dans les sites contemporains du Sud-Ouest de la France. La rareté et l'origine probablement exotique des craches, le faible nombre de craches appariées et l'homogénéité technique et morphologique de la collection suggèrent que ces dents ont été acquises par échange sur longue distance et qu'elles devaient représenter des objets de prestige. A l'instar de ce que l'on observe chez certaines populations de chasseurs-cueilleurs et en contradiction avec le caractère supposé égalitaire des sociétés paléolithiques, ces objets pourraient avoir été utilisés pour marquer l'appartenance de cette femme à un groupe social privilégié. | archeologie_525-06-10680_tei_267.xml |
termith-165-archeologie | La partie centre-est de la France regroupe une quinzaine de sites se rapportant à la culture gravettienne. Leur répartition met en évidence une forte concentration sur la bordure orientale du Massif central entre les vallées de la Loire et de la Saône (fig. 1). Comment expliquer une telle densité d'occupations relativement rare pour cette période du Paléolithique supérieur ? Les recherches actives menées dans ce secteur, en particulier autour du gisement de Solutré, depuis la fin du XIX è siècle, puis par la suite tout au long du XX è siècle, ont certes favorisé la découverte de nombreux sites. À l'échelle du Centre-Est, il ressort cependant assez nettement un ensemble « Loire-Saône » qu'il nous a semblé nécessaire de caractériser à la lumière des études récentes réalisées sur l'industrie lithique de La Vigne-Brun, la plus importante occupation gravettienne régionale connue à ce jour. Certains sites ne sont pas pris en compte dans le cadre de ce bilan, soit parce qu'ils se situent en marge du secteur Centre Est (Le Blot, Chamvres, Arcy-sur-Cure), soit en raison du peu d'informations disponibles (cas des occupations gravettiennes signalées sur les communes de Neuville-sur-Ain, Culles-les-Roches, Marly-sur-Arroux, Champlecy et Marcilly-la-Gueurce). Localisé dans la partie orientale du Massif central, dans les gorges de la Loire à quelques kilomètres en amont de Roanne, ce site de plein air occupait un replat délimité par un escarpement dominant la Loire. Découvert en 1880, il a surtout été fouillé lors des campagnes de sauvetage par J. Combier et J.-L. Porte de 1977 à 1983 (Combier et al. 1982; Digan 2007). Exploité sur une superficie de 470 m ², c'est surtout la mise au jour d'un ensemble de six structures d'habitat qui donne à ce gisement son caractère exceptionnel. Le matériel archéologique (lithique, faune, art mobilier) associé à ces structures est considérable (13 319 pièces lithiques pour l'unité KL19). L'ensemble du site est actuellement en cours d'étude dans le cadre de thèses et fait l'objet d'un Programme Collectif de Recherche coordonné par J-P. Bracco (Combier et Bracco, à paraître). Pour ce qui concerne le matériel lithique, l'étude de l'unité KL19 a débouché sur les principaux résultats suivants (Digan 2001; 2003b et 2006). Les différentes productions ont pour objectif principal la recherche de petites lames et de lamelles très standardisées, utilisées pour la fabrication des pointes de La Gravette et des microgravettes, et plus particulièrement d'un type de microgravettes. Cette armature – que nous avons nommée microgravette « type Vigne-Brun » (Digan 2001 - p. 159) - se distingue des autres pièces par sa standardisation et sa morphologie : à la fois élancée et robuste, calibrée par la retouche du dos ainsi que par la retouche de son bord opposé. Elle possède une pointe acérée, mais également une base pointue évoquant un caractère réversible (fig. 2). Pour ce qui est des armatures, on trouve également quelques pointes de La Font-Robert. Les outils du fonds commun comprennent principalement des burins (majoritairement dièdres), puis des grattoirs et des pièces esquillées enfin, dans des proportions moins importantes, des troncatures, des perçoirs et des lames retouchées. L'obtention des supports emprunte des modes opératoires différents. Trois chaînes peuvent être distinguées (fig. 3) : l'une, destinée à la production de petites lames et lamelles, une autre, à la production lamellaire uniquement, et la dernière à celle de grandes lames, petites lames et lamelles. Par ailleurs, quelques indices attesteraient un débitage lamellaire intercalé à la production des lames. Ces différentes chaînes mettent en jeu des modalités très spécifiques, tout en demeurant proches. Leurs points communs peuvent se résumer ainsi : un investissement marqué dans la mise en forme; un débitage qui progresse toujours de manière semi-tournante, inscrivant les nucléus dans des volumes très cintrés; les surfaces de débitage qui montrent très souvent des profils longitudinaux rectilignes, surtout les nucléus à petits supports, mais aussi une partie des nucléus laminaires. Cette tendance à la rectitude est, bien sûr, à mettre en relation avec la recherche de produits rectilignes. Concernant plus particulièrement les modalités d'approvisionnement en matières premières lithiques, il existe un grand choix de matières premières siliceuses (11 catégories) et une gestion bien spécifique, aussi bien dans les modes de transport, que dans la manière d'utiliser ces silex en fonction des différentes productions (Digan 2003a). Quel que soit l'éloignement, les modes d'approvisionnement sont très diversifiés : les silex régionaux (5 à 30 km) représentés par le silex jaspoïde et la chaille silicifiée, sont rapportés sous forme de blocs et nucléus préformés, mais aussi de produits finis, tandis que les cinq types de silex extra-régionaux (30 à 230 km), sont surtout introduits sous forme de lames, mais aussi sous forme d'éclats de gabarit moyen et de quelques nucléus laminaires en cours d'exploitation. Il y a donc un transport sur de longues distances, de matières siliceuses de qualité, sous forme d'éclats destinés à la production lamellaire et à la fabrication des armatures. Quant au territoire parcouru, l'origine géographique d'une grande partie de ces silex permet de mettre en évidence un axe de circulation septentrional privilégié le long de la vallée de la Loire et de ses affluents jusqu' à des distances de 200-230 km. L'assemblage typologique de La Vigne-Brun peut être rapproché des industries lithiques du niveau 5 de l'Abri Pataud aux Eyzies en Dordogne (Bricker 1995), du niveau 4 du Roc-de-Combe à Gourdon dans le Lot (Sonneville-Bordes 2002). La Vigne-Brun peut également être rapprochée de l'industrie lithique du gisement du Sire, fouillé récemment (Surmely et al. 2003) et pour lequel des datations 14 C indiquent un âge ancien : 29 350 ± 310 BP (Beta-145820) et 27 300 ± 330 BP (OXA-10820). A partir de l'unité KL19 de La Vigne-Brun, une attribution culturelle à un Gravettien de phase ancienne a donc été proposée (Digan 2001 - p. 318). Le matériel lithique d'une autre unité (OP10) a été étudié : il apparaît que les deux ensembles sont très proches (Pesesse 2003). Ceci évoque soit la présence de groupes possédant les mêmes traditions techniques qui seraient contemporains ou non contemporains mais dont les traditions se seraient perpétuées. Le travail de remontage effectué sur l'ensemble du site pourra en partie répondre à ces questions de contemporanéité. Enfin, le matériel lithique est associé à des vestiges fauniques représentés pour l'essentiel par du Cheval (environ 95 %). Ce site de plein air se situe à 17 km au nord-ouest de Mâcon, au fond de la vallée de la Mouge (affluent de la Saône) à environ 200 m au sud de l'entrée de la grotte de Rizerolles I qui est connue pour ses occupations du Paléolithique inférieur jusqu'au Magdalénien (Floss 2000; Floss et al. 2005). Le gisement a été fouillé durant cinq campagnes de fouilles (de 1999 à 2005) sous la direction de Harald Floss (Floss 2003; Floss et Beutelspacher 2005). La séquence stratigraphique est d'origine fluviatile. Dans la partie inférieure, les sédiments se composent de graviers de la Mouge, recouverts d'un sédiment hydromorphe argileux qui contient le niveau gravettien. On observe une dilatation verticale de l'industrie lithique d'environ 40 cm qui pose la question d'éventuels déplacements post-dépositionnels du matériel. À l'exception de quelques objets non-utilitaires et de rares vestiges fauniques (très mal conservés), le matériel archéologique est constitué pour l'essentiel par l'industrie lithique : soit environ 40 000 pièces. Une part importante du matériel est patinée. Beaucoup de pièces ont subi l'action du gel. Par ailleurs, un bon nombre d'éléments présentent des traces de chauffe (passées rouges, craquelures, etc.). Les matières premières lithiques proviennent en grande partie des argiles à silex situées aux abords du site (Floss et al. 2005). Les premiers affleurements se trouvent à environ 500 m. Pour cette matière première, la totalité des chaînes opératoires est présente, de la préparation des rognons jusqu' à la phase d'utilisation. Quelques matières faiblement représentées ne proviennent pas des argiles à silex du Mâconnais : chaille bathonienne / bajocienne, chaille oolithique, cristal de roche, rhyolithe (?) et un silex tertiaire vraisemblablement du type Mont-Saint-Etrelles (Haute-Saône). Ces matières ont été introduites sous forme de produits finis (lames, outils) : ce qui indiquerait un transport sur de longues distances. Enfin, parmi le matériel patiné certaines pièces qui ne sont pas des silex à bryozoaires (bien identifiables malgré la patine) pourraient s'apparenter à d'autres types de silex locaux (très variés), mais pourraient aussi avoir des provenances extra-régionales. L'étude typo-technologique du matériel est en cours d'étude (U. Maurer). Concernant les modalités du débitage laminaire, on observe une grande variété de nucléus. Une bonne partie de ceux -ci ont été abandonnés à un stade précoce en raison de la qualité médiocre de certains blocs (diaclases). Quelques grands nucléus à lames présentent des productions plus standardisées. Les préparations par la mise en place des crêtes sont importantes. Le débitage est plutôt unipolaire - du moins en début de production - et progresse de manière semi-tournante. Pour ce qui concerne la production lamellaire (destinée à la fabrication des nombreuses armatures), à côté des petits nucléus à lamelles « classiques », on observe un type de nucléus (ou de burins sur éclat) de forme plus ou moins rectangulaire et qui possède des enlèvements lamellaires sur toutes les faces de la pièce. Enfin, cette industrie possède quelques éclats épais et larges montrant des enlèvements lamellaires sur la face inférieure, des lames qui présentent des enlèvements lamellaires sur la face supérieure, effectués à partir d'une troncature et qui s'apparentent donc à des pièces de type de Kostienki. Les pièces retouchées constituent un corpus d'étude homogène, abondant (environ 500 pièces) et standardisé. Les outils du fonds commun sont dominés par l'abondance des burins qui présentent des formes variées : les burins dièdres, auxquels s'ajoutent des burins sur cassure, des burins sur pan naturel et des burins busqués. Les grattoirs sont relativement nombreux. Puis on trouve également des troncatures, des lames retouchées et des pièces esquillées. Les perçoirs, en revanche, sont quasiment absents. Les armatures sont très fréquentes (230 pièces) et sont représentées pour l'essentiel par des microgravettes, minuscules pour certaines. Cet ensemble de petites armatures s'accompagne de quelques pointes de La Gravette et de rares pointes de La Font-Robert (fig. 4). Découvert à la fin du XIX e siècle, ce gisement est fouillé à plusieurs reprises par différents archéologues. Repris par J. Combier à partir de 1968, il a été récemment publié (Combier et Montet-White 2002). Nous renvoyons donc le lecteur à cette monographie complète qui retrace toutes les études réalisées sur ce gisement. Solutré renferme plusieurs niveaux du Paléolithique supérieur dont un niveau gravettien mis au jour au début du siècle puis repris par J. Combier au début des années soixante-dix. Cette industrie est située dans les secteurs J10 et L13 et les sondages A et B. Le matériel archéologique de ces niveaux gravettiens est représenté pour l'essentiel par des vestiges fauniques : le « magma » de Cheval extrêmement dense en ossements (secteur L13 et J10). Le matériel lithique a été étudié par A. Montet-White (Montet-White 2002 p. 230-233). L'auteur insiste sur le grand nombre de lames retouchées et appointées. Récemment cette série a fait l'objet d'observations pétrographiques (M. Rué) et d'une analyse typo-technologique (M. Digan), présentées ci-après. Il faut noter avant tout que la série est peu abondante : 165 pièces (supérieures à 2 cm), auxquelles s'ajoutent environ 300 petits éclats et esquilles (tabl. 1). La faiblesse de cet ensemble nous invite donc à une certaine prudence quant aux analyses litho-typo-technologiques. Le matériel lithique est fortement patiné (96 % des pièces). Seul le silex local à bryozoaires est parfaitement identifiable grâce aux restes fossiles encore visibles. Il représente environ 22 % de l'industrie lithique, pourcentage supérieur au taux de silex à bryozoaires que l'on trouve naturellement dans les gisements locaux (altérites à silex crétacés). Il indique donc peut-être un choix intentionnel de la matière première. Le reste du matériel est très probablement composé de silex locaux au grain fin à grossier, sans que l'on puisse l'affirmer complètement. En effet, 5 % des pièces sont issues d'un silex homogène très fin, d'une qualité évoquant plutôt des silex étrangers à ceux du Mâconnais-Chalonnais. Le faible nombre de pièces permet difficilement de reconstituer la chaîne opératoire dans son intégralité. Par ailleurs comme le souligne A. Montet-White, il n'y a pas de nucléus. Ce sont surtout les lames qui apportent quelques éléments sur les modalités de la production laminaire. Ce qui est frappant, c'est le caractère très rectiligne de la plupart des lames de grands et moyens gabarits (fig. 5 - 1). Certaines portent les stigmates caractéristiques de la percussion directe à la pierre tendre (Pelegrin 2000). En revanche, quelques lames présentent des profils beaucoup plus courbes et ne montrent pas ces mêmes stigmates de percussion. Ces deux groupes de lames induisent des modalités de débitage incontestablement différentes qui pourraient indiquer la présence de chaînes opératoires distinctes plutôt que d'une rupture dans la même chaîne opératoire. A moins qu'il ne s'agisse d'industries gravettiennes différentes, sachant que les données géologiques indiquent de fortes perturbations (solifluxion, piétinements) du « magma » gravettien entraînant une réorganisation des vestiges (Kervazo et Konik 2002-p.153). Quelques éléments techniques apportent des données sur les modalités du débitage laminaire (fig. 5) : la présence d'une lame à crête, d'une néo-crête et d'éclats portant des traces de crête, indique l'utilisation de crêtes tabulaires pour la préparation des nucléus, ainsi que dans les phases de réfection; la production plutôt unipolaire se fait sur des surfaces de débitage étroites et rectilignes (longitudinalement) et progresse de manière semi-tournante. Il est possible de compléter l'analyse technologique de cette série par l'observation d'un nucléus provenant des anciennes fouilles de Solutré (avec précaution cependant car les séries anciennes sont mal inventoriées). Ce nucléus présente les mêmes modalités décrites plus haut : débitage unipolaire effectué à partir d'une surface laminaire très cintrée et rectiligne (longitudinalement) et dos aménagé par une crête. Concernant les données techno-économiques, nous pouvons dire qu'une partie de la production (lames de moyen gabarit et lamelles) aurait eu lieu sur le site; le nombre de petites tablettes et de petits éclats de réfection confirme cette hypothèse. La production de lamelles se serait donc faite sur place. Les lamelles sont présentes sur le site (17 %), il y a, en revanche, très peu de microgravettes. Si le tamisage n'a pas été systématique, il est possible que ces petits éléments, lorsqu'ils étaient fragmentés, n'aient pas été recueillis. Par ailleurs, le faible nombre de microgravettes peut aussi s'expliquer par la perte de ces pièces destinées à sortir du campement. On s'interroge sur l'absence de nucléus : ont-ils été emmenés ailleurs ? Il est aussi possible que les processus géologiques (phénomènes de solifluxion) aient fait disparaître une partie du matériel (Kervazo et Konik 2002 - p. 153). La gestion des différents types de silex en fonction des productions et des types d'outils est délicate à définir en raison du fort taux de pièces patinées. On observe cependant qu'une grande partie des opérations de débitage concerne le silex à bryozoaires. Nous pouvons noter par ailleurs que le silex au grain très fin supposé extra-régional se trouve plus souvent parmi les outils (lames retouchées notamment). À partir des données typologiques, J. Combier attribuait cette industrie à une phase finale du Gravettien (Combier 1976). Le faible nombre d'outils (fouilles anciennes et récentes) doit nous conduire à une certaine prudence. Par ailleurs, l'ensemble typologique comprenant des microgravettes, une pointe de La Gravette, une pointe de La Font-Robert accompagnées de quelques grattoirs et burins (dont des dièdres) pourrait tout aussi bien s'apparenter à un Gravettien de phase ancienne (Demars et Laurent 1989 p.156). C'est exactement le type d'assemblage qui existe pour le site de La Vigne-Brun (unité KL19) que nous avons proposé d'attribuer à un Gravettien ancien (Digan 2001 p.318). De nombreuses datations ont été effectuées selon les deux techniques (comptage de la radioactivité) et spectrométrie de masse avec accélérateur (S.M.A.). Le niveau gravettien a fait l'objet de datations par S.M.A. : secteur J10 28 420 ± 160 BP; secteur L13 28 280 ± 150 (Montet-White et al. 2002 p.186). Ces dates sembleraient donc indiquer une occupation ancienne pour cette culture. Nous avons inclus dans cette catégorie essentiellement des sites de surface qui ont pu avoir un potentiel important, mais qui n'ont malheureusement pas pu être tous fouillés. Même si le matériel issu de ces ramassages est à considérer avec prudence, certaines données sont tout de même exploitables dans l'étude du contexte régional. Situé à 10 km de Solutré, ce gisement a fait l'objet de ramassages, mais aussi d'une fouille réalisée en 1928 par G. Lafay. Les ramassages ont livré de nombreux éléments de débitage pour ce site situé à proximité des argiles à silex et identifié comme un atelier de taille. Ont été recueillies également de nombreuses pointes de La Gravette et des microgravettes. La série lithique (provenant des fouilles Lafay) a été étudiée par J. Combier (Combier 1950). L'ensemble typologique est composé essentiellement de grattoirs, de lames à bords retouchés, de deux pointes à cran et d'une pointe de La Font-Robert ainsi que de pièces présentant une retouche couvrante (fig. 6). J. Combier rapproche cette industrie au Périgordien final. D'après un des collectionneurs de ce site, il semblerait qu'il existe plusieurs phases d'occupations. Cette localité située dans les vignes a fait l'objet de nombreux ramassages au début du XX è siècle, mettant en évidence une dizaine de sites du Paléolithique supérieur, et livrant du matériel lithique et faunique. Lors de réaménagements et de travaux dans la vigne, A.-C. Gros repère un site gravettien et recueille un ensemble de pointes de La Gravette, de microgravettes et de pointes de La Font-Robert (fig. 7). Par la suite, en 1963, le site est sondé ce qui permet de préciser la stratigraphie du gisement et de recueillir un ensemble de microgravettes et pointes de La Gravette associées à de la faune (Cheval essentiellement). Des datations 14 C (méthode classique) donnent trois dates : 24 150 ± 550 BP (Ly-309), 22 900 ± 600 BP (Ly-311) et 21 100 ± 1 300 BP (Ly-310). (Gros, 2005). Ce site de surface est situé à quelques kilomètres au sud de Mâcon. L'industrie est très patinée, roulée. Cette série comprend des pointes de La Gravette et des pointes de La Font-Robert (Joly 1968). Cette station est située à trois kilomètres de La Vigne-Brun, plus en aval. Dans les années 1960, J. Combier et J.-L. Porte effectuent des ramassages et recueillent une industrie à pointes de La Gravette, proche de celle de La Vigne-Brun selon les auteurs (Combier 1977). Cette série très patinée et fragmentée (com. orale J. Combier) n'a jamais été étudiée. Il ressort de ce bilan du Gravettien du centre-est de la France un fait marquant : la forte concentration des occupations sur un territoire réduit, en particulier dans le secteur du Mâconnais-Chalonnais (fig. 1). J. Combier évoque ce phénomène qui reste assez rare pour cette période du Paléolithique supérieur. Il y voit une aire de circulation relativement réduite, comprenant trois sous-ensembles géographiques (Mâconnais, Chalonnais et Charolais). (Combier et Montet-White 2002 - p. 251). Cette concentration pourrait s'expliquer par la présence dans ce secteur de ressources minérales abondantes et de qualité (plaquages d'argiles à silex crétacés). Pour trouver des silex de cette qualité, il faudrait atteindre le sud du Bassin parisien. À environ 80 km, du Mâconnais, le gisement de La Vigne-Brun représente pratiquement l'unique occupation gravettienne connue à ce jour dans la vallée de la Loire (amont) et apparaîtrait à première vue comme un site isolé. Cependant, plusieurs données font que cette occupation se rapprocherait du complexe de la vallée de la Saône. Tout d'abord il existe un ensemble de stations gravettiennes situées le long des affluents de la Loire, le long de l'Arconce mais surtout du Saint-Sornin (com. orale J. Combier) (fig. 8). S'ajoute à cela les données topographiques qui montrent que ce secteur apparaît comme une zone aisément franchissable et relativement peu accidentée. Le deuxième élément concerne les données relatives à l'approvisionnement des matières premières lithiques. La Vigne-Brun livre trois types de silex d'origine saône-et-loirienne (identification à partir des travaux d'échantillonnage réalisés sur les argiles à silex, Rué 2001) : silex à bryozoaires typiquement mâconnais; silex à plages grises, fréquent en Chalonnais; silex brun translucide hétérogène, probablement d'origine mâconnaise. Bien que ces silex soient faiblement représentés (6,43 % en fréquence et 6,55 % en poids), ils ont cependant été très utilisés pour la fabrication des pointes de La Gravette et des microgravettes (84 %). Ces matières ont été transportées sous forme d'éclats et de quelques nucléus préparés (destinés à la production des supports d'armatures). Les groupes préhistoriques de La Vigne-Brun auraient donc effectué des déplacements dans la région du Mâconnais ou à l'inverse, seraient venus de cette région (fig. 8). Qu'en est-il des communications des groupes mâconnais (Azé – Solutré) avec l'extérieur ? Même si la majorité des silex proviennent des gîtes locaux, il ne faut pas écarter le fort pourcentage de pièces patinées qui peuvent contenir des silex d'origine éloignée. Des observations approfondies permettraient de lever le doute. A Solutré, les quelques éléments supposés allochtones sont probablement le témoignage de grands déplacements. À Azé, la présence de quelques matières allochtones, comme par exemple du cristal de roche et une matière volcanique (rhyolite ?) pourrait, elle aussi, être l'indicateur de déplacements plus importants, notamment en direction de l'ouest et du sud-ouest (Massif central). A titre d'hypothèse, il est possible d'envisager des modalités d'occupation du territoire différentes de celles proposées par J. Combier. Les groupes gravettiens de la région mâconnaise Solutré-Azé auraient fonctionné de manière moins « isolationniste » et auraient effectué des déplacements sur de plus longues distances. Les groupes de La Vigne-Brun se sont approvisionnés en silex du Mâconnais et ont donc été en relation avec cette région riche en occupations gravettiennes. Le second aspect de ce bilan montre que d'un point de vue culturel, on constate une homogénéité entre les trois industries gravettiennes, Vigne-Brun / Azé / Solutré : présence d'armatures dont des microgravettes, de pointes de La Gravette, associées à quelques pointes de la Font-Robert (tabl. 2). Les rapprochements entre La Vigne-Brun et Azé sont particulièrement intéressants. Tout d'abord parce qu'ils sont fondés sur des séries abondantes et homogènes. Entre les deux sites, on retrouve les mêmes assemblages typologiques et ceci dans les mêmes fréquences. Par ailleurs, on note à Azé, la présence de « microgravettes type Vigne-Brun » (fig. 2 et 4). Par ailleurs, les données archéozoologiques montrent aussi une homogénéité entre les différents sites de ce secteur et mettent en évidence la part prépondérante du Cheval : exclusive à Solutré 99 %, environ 95 % à La Vigne-Brun. Le Cheval semble donc avoir occupé une place privilégiée dans l'économie des groupes gravettiens situés dans ce secteur Loire-Saône, région limitant au sud une zone septentrionale où les populations de cet herbivore étaient peut-être très importantes (com. orale L. Fontana et Bridault 2001; Fontana, sous presse). Enfin, il ressort de ce bilan l'existence d'un fort potentiel archéologique pour cette période du Paléolithique supérieur ancien : les sites repérés mais non fouillés sont nombreux. D'où la nécessité pour cette région de continuer à développer les études des collections, les travaux de prospection, de cartographie, mais aussi de fouilles afin de poursuivre les recherches portant sur les modalités d'occupation au Gravettien de la région Loire-Saône . | La région centre-est de la France regroupe de nombreux sites gravettiens qui se concentrent plus particulièrement entre les vallées de la Loire et de la Saône en Bourgogne du sud. Parmi les séries lithiques, provenant en grande partie de ramassages de surface, trois sites majeurs, permettent de mieux appréhender les occupations gravettiennes de cette région: le site de La Vigne-Brun dans la vallée de la Loire et les sites d'Azé et de Solutré le long de la vallée de la Saône. Leurs industries présentent de nombreux points communs techno-typologiques. Par ailleurs, les données litho-technologiques mettent en évidence un approvisionnement en matières premières siliceuses du Mâconnais vers le site de La Vigne-Brun. Ces résultats nous invitent à reconsidérer les conceptions des modalités d'occupation du Gravettien régional: La Vigne-Brun - considérée comme un site isolé en raison de la quasi-absence d'autres sites gravettiens dans cette partie de la Loire - s'intégrerait au complexe des sites de la vallée de la Saône ; à l'inverse, les sites de la vallée de la Saône pourraient montrer des communications à l'extérieur de cette zone. | archeologie_10-0037499_tei_217.xml |
termith-166-archeologie | Situé en limite méridionale d'extension du Sable des Landes, le gisement de plein air de Seyresse s'inscrit dans un espace largement fréquenté par les groupes humains du Paléolithique supérieur (fig. 1), au coeur d'une zone par ailleurs marquée par l'abondance et la qualité des matériaux siliceux disponibles (Normand 1986, 2002; Bon et al. 1996; Séronie-Vivien et al. 2006; Chalard et al. à paraître). Découvert à la fin des années soixante par J.-P. Lescarret à l'occasion du nettoyage d'un sous-bois, le gisement fit l'objet d'une fouille de sauvetage menée par R. Arambourou et les membres du groupe d'archéologie du lycée de Dax (Arambourou 1970). Cette opération permit la mise en évidence d'une occupation paléolithique sur une superficie approchant les 80 m². L'analyse typologique de l'industrie lithique ainsi recueillie, bien que peu abondante, amena R. Arambourou à attribuer le gisement de Seyresse au Proto-Solutréen (sensu Peyrony). En effet, outre la présence de types ubiquistes à l'échelle du Paléolithique supérieur, l'auteur remarque sur plusieurs pièces l'existence « (. ..) de retouches faites près de la base, sur la face ventrale (. ..) » (op. cit. p. 7), qu'il compare judicieusement aux « grattoirs de Saint-Sourd » (Leyssalles et Noone 1949) tout en les considérant comme des arguments d'attribution au Solutréen. La comparaison statistique de l'outillage de Seyresse avec l'industrie de la couche G de Laugerie-Haute-Est lui permet de confirmer ce diagnostic. Néanmoins, sur la base de l'analyse des éléments ayant amené R. Arambourou à privilégier la piste solutréenne, les travaux de M. Lenoir conduisirent quelques années plus tard à rediscuter de l'appartenance culturelle de l'industrie de Seyresse. Ainsi, cet auteur propose une nouvelle lecture des enlèvements plans d'extrémité isolés lors de la première publication, considérant pour sa part qu'il s'agit de « pièces de la Bertonne » équivalentes aux « pièces à retouches anormales » de F. Daleau (Daleau 1910 a et b) et aux « grattoirs de Saint-Sourd » de Leyssalles et Noone (Leyssalles et Noone 1949), véritables fossiles directeurs du Magdalénien ancien (Lenoir 1987). À travers l'analyse de l'industrie de Seyresse, laquelle s'insère dans un renouvellement des recherches en technologie lithique, cet article est l'occasion de reprendre le débat concernant l'attribution des séries à pièces dites de « La Bertonne ». À la suite d'un rappel historiographique des travaux menés sur ces éléments originaux, la présentation de nos résultats aboutira, sur la base de comparaisons d'échelles diverses, à une nouvelle mise en perspective de ces industries. C'est au sein d'une industrie découverte à la fin du XIX e siècle à La Bertonne (Peujard, Gironde), que F. Daleau signala pour la première fois l'existence d'un type d'objet nouveau qu'il décrit ainsi : « les retouches inverses transversales que portent ces silex sont des éclats horizontaux, longs, étroits et minces pratiqués sur le bord supérieur droit de la lame du bout opposé au conchoïde, allant tous de droite à gauche traversant tout ou partie de la face interne; l'extrémité de ces outils souvent arrondie à la façon de la tête du grattoir classique est émoussée et non avivée par la retaille, celle -ci semble produite par la compression suivie d'un mouvement de torsion » (Daleau 1910b - p. 275-276). Il nomme ces pièces « silex à retouches anormales » ou « compresseurs-retouchoirs », leur conférant ainsi le statut d'outil (ibid.). Le contexte de collecte du matériel (ramassage de surface) ainsi que son apparente hétérogénéité (indices de Paléolithique moyen, supérieur et de Néolithique) n'ont par ailleurs pas permis d'attribution plus précise. Quarante ans plus tard, et sans doute par méconnaissance des publications de F. Daleau, G. Leyssalles et H.-V.-V. Noone décrivent au Pech Saint-Sourd (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne) un nouvel « instrument », pourtant très proche des « silex à retouches anormales » de la station de la Bertonne : ces pièces « (. ..) présentent, à l'une de leurs extrémités et sur leur faceinférieure, une série de longues cannelures transversales et plus ou moins parallèles, résultantdel'enlèvement de lamelles par une pression ou percussion quelconque exercée latéralement sur laface supérieure gauche de la lame. (. ..) il semble donc qu'il s'agisse d'un instrument conçuspécialement pour servir de grattoir, mais dont la forme nouvelle n'a pas été signalée jusqu' àprésent » (Leyssalles et Noone 1949 - p. 251). De fait, le terme de « grattoirs de Saint-Sourd » est créé pour désigner ces éléments particuliers que les auteurs, à la différence de F. Daleau qui n'en avait pas la possibilité à son époque, attribuent à une phase moyenne de l'Aurignacien 3. Ils signalent, pour finir, la présence de pièces similaires en contexte solutréen et magdalénien à Laugerie-Haute, preuve, selon eux, de la persistance du procédé. Si à l'aube des années cinquante, ces « outils » particuliers - souvent comparés à des grattoirs - bénéficient d'une reconnaissance et d'une description même limitée, aucun recoupement n'est officiellement fait entre les publications citées précédemment, ceci n'arrangeant pas le flou entourant leur attribution culturelle (en grande partie lié à la nature des séries, le plus souvent issues de ramassages de surface). De fait, au moment où R. Arambourou étudie l'industrie de Seyresse et en compare certains éléments avec les « grattoirs de Saint-Sourd », rien ne l'amène à réviser son jugement. Alors qu'en 1973 P. -Y. Demars signale la présence de cinq « grattoirs de Saint-Sourd » à la Bombetterie (Cublac, Corrèze) au sein d'une industrie attribuée à l'Aurignacien (Demars 1973), M. Lenoir, plus d'une vingtaine d'années après les travaux de Leyssalles et Noone, reprend l'analyse du matériel récolté par F. Daleau sur le gisement de la Bertonne et établit pour la première fois un lien entre toutes ces découvertes. Offrant la première analyse détaillée de ces objets, il propose alors, non sans réserves, d'attribuer une grande part de la série au Magdalénien ancien et note, notamment, la présence de « nombreux éclats à retouche abrupte qui cependant ne rappellent pas les raclettes (. ..) » (Lenoir 1976 - p. 43). C'est donc à cette occasion que, rapprochant ces pièces des exemplaires décrits au Pech Saint-Sourd, il opte, par refus des interprétations fonctionnelles données auparavant (« compresseur », « grattoir », amincissements), pour l'utilisation d'une terminologie plus neutre tout en rendant hommage au travail précurseur de Daleau : après les « compresseurs retouchoirs », les « pièces à retouches anormales » et les « grattoirs de Saint-Sourd », il défend l'appellation de « pièces de la Bertonne ». Suite à une nouvelle récolte de matériel effectuée par G. Fredon sur la station éponyme, M. Lenoir publie un nouvel article dans lequel il discute plus précisément des aspects « fonctionnels » et chrono-culturels des pièces de la Bertonne. Pour cela, le corpus de gisements est largement enrichi et y figure, notamment, le site de Seyresse (Lenoir 1987). L'auteur explique l'organisation particulière des « retouches » observables sur les pièces de la Bertonne à la lueur d'expériences de taille l'ayant « (. ..) conduit à l'obtention presque fortuite de retouches de type la Bertonne en faisant en percussion posée sur bord d'enclume à l'aide d'un galet oblong une troncature retouchée inverse en extrémité de lame ou d'éclat épais de section triangulaire » (op. cit. p. 170). Ces éléments constitueraient donc selon lui des « pièces tronquées d'un type particulier communes dans les stades anciens du Magdalénien (. ..) » (ibid. p. 171). Bien qu'il cite le cas des pièces « d'Orville », M. Lenoir, en même temps qu'il les distingue des pièces de La Bertonne du fait qu'elles ne comportent « (. ..) pour la plupart qu'un seul négatif d'enlèvement lamellaire (. ..) » (ibid. p. 168), évacue l'idée d'une interprétation de ces pièces comme nucléus à lamelles, hypothèse alors privilégiée pour le gisement berrichon (cf. infra; Perlès 1982). En l'absence récurrente de fraction lamellaire au sein des ensembles à « pièces de La Bertonne », il reste donc, à la suite de F. Daleau, G. Leyssalles et H.-V.-V. Noone, attaché à une interprétation typologique de ces éléments, les considérant comme des outils particuliers. « Ce sont des outils à enlèvements inverses transversaux obliques qui prolongent le plus souvent les enlèvements d'une troncature retouchée inverse. (. ..), ils sont presque exclusivement dextres lorsque la pièce est examinée selon sa face ventrale (. ..) » (Lenoir 1987 - p. 167). Au demeurant, est proposée et argumentée pour la première fois une piste d'attribution culturelle claire, celle du Magdalénien ancien, futur Badegoulien (Rigaud 1989). Tandis que M. Lenoir pose un regard neuf sur les « pièces à retouches anormales » de Daleau (Lenoir 1976), C. Perlès réalise un sondage sur le site de plein air d'Orville (Indre) découvert quelques mois auparavant par M. Haté (Perlès 1977). Ce sondage, qui fit suite à des prospections systématiques mises en place par J. Allain au début de l'année 1975, permit de recueillir une série lithique originale, d'apparence homogène, s'ajoutant à l'abondant matériel issu du ramassage (ibid.). L'originalité du matériel réside dans la présence marquée, voire dominante, d'un type d'objet n'ayant « pratiquement pas d'équivalent dans le Paléolithique français » (ibid. p. 141). « Ces pièces ont en commun non pas une morphologie mais une série d'opérations techniques : d'abord une troncature inverse, souvent déjetée sur la face d'éclatement, puis l'enlèvement d'une lamelle le long de l'arête du dièdre troncature-face d'éclatement, à partir de l'extrémité droite de la troncature lorsque la pièce est orientée sur sa face d'éclatement, troncature en haut » (ibid.). Si cette description ne manque pas de rappeler les « pièces de La Bertonne », C. Perlès, tout comme M. Lenoir, effectue une distinction basée sur le degré de récurrence des enlèvements lamellaires : « les cas d'enlèvements multiples sont rares et ils n'envahissent jamais la face inférieure. C'est ce qui distingue (. ..) le plus nettement les pièces d'Orville des « pièces à retouches anormales » publiées par F. Daleau et réétudiées récemment par M. Lenoir » (ibid.). Réservée sur l'interprétation de ces objets, C. Perlès évoque trois possibilités dont aucune, selon elle, n'est apte à « rendre compte de l'ensemble des faits observés » (ibid. p. 144) : outre l'hypothèse « outil » et sa variante consistant à y voir une « technique commune » (ibid.) d'aménagement pour des outils variés, la première des options citées est celle de nucléus à lamelles, proposition jamais clairement évoquée pour les « pièces de la Bertonne ». C'est cette dernière hypothèse qui, quelques années plus tard, est finalement retenue à la suite d'une étude analytique détaillée publiée dans le cadre d'une série spéciale de la revue Studia Praehistorica Belgica (Perlès 1982). Les « pièces d'Orville » sont donc définitivement interprétées comme les déchets d'une production lamellaire originale, motivée par la recherche de supports spécifiques possédant « un pan droit facetté et un pan gauche lisse » (Perlès 1983 - p. 99) désignés plus tard sous le vocable de « lamelles d'Orville » (Parisot 1995). Cette lecture technologique est renforcée par l'existence, au sein de l'assemblage, de lamelles à dos dont les supports proviennent indubitablement des « pièces d'Orville », car présentant le pan « facetté » caractéristique ainsi que les vestiges, sur le pan opposé, de la face inférieure de la lame ou de l'éclat-support. À l'occasion de ce nouveau regard porté sur cette industrie, J. Pelegrin publie dans le même volume une approche expérimentale, décrivant en détail toutes les étapes de cette chaîne de production si particulière (débitage « systématique » ou « réplicatif » - Pelegrin 1982 - p. 153). Quant à l'attribution de la série d'Orville, si aucune piste n'était véritablement proposée au-delà d'un rattachement au Paléolithique supérieur lors de la première publication (Perlès 1977), la voie magdalénienne ouverte au début des années 80 va finalement être privilégiée lors des études ultérieures. Ainsi, le travail universitaire de O. Parisot (Parisot 1995), dirigé par C. Perlès, J. Pelegrin et P. Bodu, va non seulement s'attacher à replacer ces nucléus au sein de l'ensemble des chaînes de productions mises en œuvre dans l'industrie, mais également permettre d'avancer de nouveaux arguments d'attribution chronoculturelle. Sur la base de la présence de quelques nucléus de type « la Marche/Rocher de la Caille » associés aux « pièces d'Orville » et, réciproquement, sur l'existence de ces dernières sur le site du Rocher de la Caille (Loire) (Deloge et Deloge 2003), O. Parisot évoque l'hypothèse d'un Magdalénien moyen comme la plus convaincante. Depuis, cette proposition a été très largement relayée, publiée à plusieurs reprises (Alix et al. 1995; Soriano et Lechenet 2000; Soriano 2004). Si proches puissent-elles paraître à l'issue de ces descriptions, il semble en définitive que l'appréhension de l'ensemble de ces pièces à enlèvements transversaux, outre leur pluralité terminologique héritée de l'histoire et de la régionalisation des recherches, doit encore être approfondie du point de vue technologique. C'est particulièrement le cas pour les « pièces de La Bertonne » et ce, au regard de ce qui a déjà été réalisé pour les « pièces d'Orville ». Ainsi seulement, pourra être discuté le bien-fondé de leur distinction. Pour tenter de dénouer cette question, l'analyse de la série lithique de Seyresse s'est avérée fructueuse. Lors d'un séjour au dépôt du Service Régional de l'Archéologie d'Hasparren, en fin d'année 2005, nous avons pu recueillir des données technologiques suffisantes pour discuter du statut de ces fameuses « pièces de La Bertonne » et préciser le contexte techno-économique global de l'industrie. La proximité géographique de Seyresse avec le gisement à raclettes de Cabannes où une « pièce de la Bertonne » a pu être isolée (Gellibert et Merlet 2001; Ducasse 2004, thèse en cours; Merlet 2005) n‘est évidemment pas étrangère à ce choix, la comparaison de ces deux assemblages permettant, nous le verrons, d'alimenter le débat lié à la question de l'attribution culturelle de ces industries particulières. Bien que n'ayant pas donné lieu à une étude détaillée semblable à celle que nous proposons ici pour les « pièces de La Bertonne », l'observation de l'ensemble de l'industrie a tout de même permis l'établissement d'une base de données succincte visant à obtenir une image fiable et chiffrée de sa composition. Toutefois, une attention particulière a été portée à la réalisation de remontages, ceci nous permettant de répondre à certaines questions d'ordre taphonomique et techno-économique. Le recours aux remontages, facilité par la faible quantité de matériel (fig. 2, n° 2; N = 385) a donc été privilégié pour appréhender cette série dans le but premier d'en tester l'homogénéité. Sa composition, bien que marquée par l'existence d'un tri dimensionnel lié aux méthodes de fouilles (absence de fraction fine, notamment lamellaire) est en effet, par la présence de déchets correspondant aux principales étapes de la chaîne opératoire, propice à cet exercice. Il s'agissait par ailleurs de tester, dans un second temps, les observations effectuées par R. Arambourou sur l'organisation spatiale des vestiges lithiques : « la répartition de l'outillage, comme celle des débitages et des galets montre trois concentrations : une au sud-ouest, la seconde vers le nord, la troisième à l'est [. ..] Les concentrations de galets paraissent correspondre aux anciens foyers. Celle des outils et des débitages les entourent généralement » (Arambourou 1970 - p. 10). L'homogénéité de l'assemblage, dont l'apparence est renforcée par l'utilisation de matières premières peu diversifiées issues principalement des formations maestrichtiennes locales (fig. 2, n° 3; Normand 2002), a pu être confirmée par cette approche, non seulement sur des bases technologiques mais aussi par le biais d'une projection planimétrique des différents remontages effectués (fig. 3). Ces projections, dont la précision n'a pu être optimisée par l'utilisation des carnets de fouille restés indisponibles, ont donc été réalisées par mètre carré, superposées aux densités du matériel lithique. Seuls les galets ont pu être situés de façon absolue, R. Arambourou les ayant figurés dans sa publication (op. cit.). Si de manière générale, le plan ainsi proposé semble confirmer les observations faites par le fouilleur (concernant notamment l'existence de trois concentrations de vestiges), le traitement différentiel de chaque ensemble de matières premières renforce cette impression de structuration de l'espace. En effet, alors que la projection des silex de Tercis, de loin les plus nombreux, correspond globalement à la dispersion totale du matériel (fig. 3, en haut), la localisation d'autres matières premières laisse apparaître l'existence d'amas distincts suggérant une bonne préservation de l'organisation spatiale des vestiges (fig. 3, au centre et en bas). Par ailleurs, et contrairement aux outils qui montrent une répartition régulière sur toute l'étendue du gisement, les « pièces de La Bertonne » elles, s'illustrent par une localisation préférentielle au centre de l'espace fouillé, liées à l'une des trois concentrations déjà évoquées. Cette approche préliminaire montre tout l'intérêt de l'analyse de ce matériel qui, bien que quantitativement réduit, offre d'intéressantes perspectives de recherches. Nous ayant permis d'en évaluer le degré d'homogénéité, les remontages effectués nous ont ensuite amenés à préciser l'identification typo-technologique de l'assemblage. Ainsi composée de matériaux collectés dans un rayon n'excédant pas 35 km, aucun élément allochtone n'évoquant de liens extra-régionaux (silex d'Audignon et de Sensacq pour les plus lointains, N = 63), cette industrie se caractérise de prime abord par l'emploi d'une gamme de supports assez diversifiée. Cette diversité, allant de l'éclat à la lame en passant par l'éclat allongé, s'exprime au sein d'un outillage dominé par les burins (fig. 4, n° 4 bis; fig. 5, n° 2) associés à des grattoirs (fig. 9, n° 2), des pièces perforantes (fig. 9, n° 4), de rares outils composites (fig. 5, n° 1) ainsi qu' à quelques pièces à retouches latérales ou denticulées. Outre cet outillage, nous verrons par ailleurs qu'une partie des supports débités est réinjectée dans la sphère de production, jouant le rôle de nucléus. (clichés S. Ducasse). (Photos S. Ducasse). (clichés S. Ducasse). (Photos S. Ducasse). (dessins S. Ducasse). (drawings S. Ducasse). Dessins et clichés S. Ducasse. Drawings and photos S. Ducasse. Dessins S. Ducasse. Drawings S. Ducasse. Le nombre d'outils décomptés lors de notre analyse montre certaines différences vis-à-vis des données publiées, faisant état de 51 pièces contre 90 pour R. Arambourou (fig. 2, n° 1). La cause de ce décalage est double : s'il s'est avéré que certains des outils déterminés en 1970 ne présentaient aucune modification intentionnelle (« faux » coups de burin notamment), la relecture technologique de cet assemblage a, en outre, permis d'écarter certaines pièces de l'outillage, celles -ci ne correspondant finalement qu' à des déchets de débitage. Ainsi, mis à part le cas des « rabots sur nucléus » (qui de leur côté ne posent aucun problème), la réinterprétation de certains éléments en tant que « pièces de La Bertonne » (fig. 2 en grisé) devait, au vu de l'ambiguïté de leur statut, engendrer leur éviction de l'outillage en l'attente de leur analyse détaillée (cf. infra). Il existe, au demeurant, de véritables différences d'interprétation typologique entre les deux décomptes : pour ne prendre qu'un exemple, les raclettes signalées par R. Arambourou ne nous semblent pas pouvoir être dénommées ainsi, le bord de ces outils ne présentant pas la retouche si caractéristique de ce type de pièces. Cela se laisse d'ailleurs comprendre à la lecture de l'article où l'auteur décompte « 6 raclettes sur éclats minces où une retouche très fine se développe complètement sur un bord ou, plus souvent, demeure partielle, comme sur les raclettes moustériennes » (ibid. - p. 6). L'existence d'une variété de supports pose d'emblée la question de la pluralité des schémas opératoires. En d'autres termes, la présence concomitante de lames, dont certaines montrent les stigmates d'une percussion tendre organique (en relation avec des talons fréquemment facettés, fig. 7, n° 1 et 5; fig. 5, n° 2) d'éclats, voire d'éclats allongés qui, proches des lames par certaines caractéristiques (modules, matières premières) s'en éloignent par d'autres (régularité, préparation moins soignée, percussion à la pierre) est-elle le reflet de la mise en place de schémas opératoires distincts ? L'analyse préliminaire des nucléus, couplée à la réalisation de remontages, illustre finalement le contraire, la succession de ces différents objectifs sur un même volume paraissant plus conforme à la réalité technologique de l'assemblage. Ainsi, rien n'interdit de penser que l'intention laminaire, bien perceptible à travers l'existence de supports relativement soignés, ait pu intervenir en amont de l'exploitation de certains volumes. La présence de nucléus associant une gestion volumétrique relativement soignée (entretiens des flancs à partir de crêtes postérieures. ..) à l'utilisation d'une percussion à la pierre (fig. 4, n° 4; fig. 6, n° 1), semble ainsi pouvoir étayer cette hypothèse. La recherche d'éclats allongés marque nettement l'industrie (nombreux nucléus et produits; fig. 4, n° 3; fig. 6, n° 2) sans qu'il soit possible, à ce stade de l'analyse, de comprendre s'il s'agit d'une simple chute de soin ou si elle correspond à un objectif économique bien différencié de celui des lames. Quant à certains éclats minces vraisemblablement utilisés comme tranchants naturels, ils pourraient provenir de courtes séries effectuées en fin de chaîne opératoire, l'un des nucléus à éclats témoignant clairement de l'antériorité d'une production allongée. Ce choix se distingue, d'un point de vue économique, de la recherche d'éclats minces documentée au Badegoulien, cette dernière motivant généralement la mise en place d'un schéma opératoire autonome (Morala 1993; Bracco et al. 2003). C'est dans ce contexte de production aux objectifs variés, qu'un schéma opératoire ramifié a été mis en œuvre dans le but manifeste d'obtenir des supports lamellaires. Ce schéma opératoire est à l'origine des « pièces de La Bertonne » que l'analyse détaillée permet désormais d'insérer dans une perspective technologique. Ce prisme analytique nous amène donc à valider une interprétation qui, bien que maintes fois évoquée, n'a pour autant jamais été démontrée. Si, lors de sa publication, R. Arambourou souligne la présence marquée de pièces à retouches inverses d'extrémité, il ne crée pas pour autant de catégorie typologique spécifique. L'existence de nettes variations morphologiques au sein de ces pièces le pousse au contraire à les assimiler à des types variés (fig. 2). Il distingue par exemple : « un [. ..] fragment de lame large, façonné en grattoir ogival [. ..] [portant] une vigoureuse troncature droite [. ..] un fragment proximal de lame à bord abattu [. ..] [dont] la base a été modifiée par une vigoureuse troncature [. .. ]. Un fragment proximal a une troncature convexe et des enlèvements à plat, transversaux qui ont supprimé bulbe et plan de frappe [. ..] ». Il remarque que ce « [. ..] même genre d'enlèvements transversaux se retrouve à l'extrémité distale d'un éclat allongé et d'une lame [. .. ], pièces très semblables à celles de Saint-Sourd » (Arambourou 1970 - p. 4-6). Les lames retouchées ne sont pas oubliées, puisqu'un « fragment proximal de lame large » présente des « tentatives d'enlèvements minces et à plat à partir des bords » (ibid.). À l'image de l'approche menée par C. Perlès visant à mettre en exergue les « seuls traits les plus constants » des « Orvilles » (Perlès 1982 - p. 130), M. Lenoir put, fort de l'analyse des industries du gisement éponyme, diagnostiquer l'existence de « pièces de La Bertonne » à Seyresse (Lenoir 1987). C'est donc en dépassant les aspects strictement morphologiques, qu'il devient possible de réintégrer une partie des outils publiés par Arambourou au sein d'un ensemble d'apparence hétérogène mais de technologie similaire (fig. 2, n° 1 et 2). Ainsi, les décomptes présentés ici, s'ils restent préliminaires et mériteront d' être détaillés ultérieurement (Ducasse thèse en cours), offrent une nouvelle vision de l'outillage en silex. Seize pièces ont donc été isolées sous le vocable temporaire de « pièces de La Bertonne », constituant alors un groupe où sont rassemblés des éléments se situant à divers stades de leur exploitation (12 pièces abandonnées en fin d'exploitation, trois pièces probablement abandonnées en cours de (re)mise en forme et un exemplaire incertain). Douze de ces pièces ont donc fait l'objet d'une observation rigoureuse afin de décrire l'enchaînement des gestes techniques visibles sur le support, leur incidence sur l'architecture de la pièce, ceci permettant, in fine, d'en déduire le rôle. La synthèse de ces observations nous a amené à l'établissement d'un schéma opératoire qui, bien que présentant des variables d'ordre technique, semble bien répondre à une intention unique : produire des supports lamellaires (fig. 10). La sélection préférentielle de matrices allongées (fig. 7), de section indifféremment triangulaire ou trapézoïdale, trouve sa logique dans le choix de l'orientation de la table. En effet, installée exclusivement aux extrémités du support, elle inscrit potentiellement le nombre de séquences dans la longueur de ce dernier. Localisé indifféremment en zone proximale ou distale, le nombre de tables analysables s'élève à 16 sur 12 exemplaires décomptés, trois d'entre eux comportant deux tables opposées (fig. 7, n° 2; fig. 8, n° 1 et 3). Bien que difficile à appréhender, la segmentation volontaire de ces volumes allongés et globalement réguliers devait permettre l'obtention de plusieurs matrices aux caractéristiques stables. Cette segmentation (par percussion ou par flexion) joue, par ailleurs, un rôle important lors des phases d'ouverture ou de ré-ouverture de la table de débitage (fig. 10, 2A); la moitié d'entre elles laissant visible une ou plusieurs surfaces de fracture (fig. 7, n° 2 et 3; fig. 8, n° 3). Cependant, sur les huit cas décomptés, quatre sont repris par une « troncature » inverse d'ampleur variable (fig. 10, 2D) ce qui, de fait, ne nous permet pas de considérer que lorsque cette « troncature » est totale, elle constitue le seul aménagement effectué sur la pièce (fig. 8, n° 1 et 2; fig. 10, 2B). Si, sur certains volumes, un aménagement de ce type peut s'effectuer sans préparation préalable, il est probable que dans d'autres cas, la réalisation d'une fracturation corresponde à la première étape de réalisation de cette « troncature » (fig. 8, n° 3). Ainsi, sans minorer le statut des fractures qui ont parfois permis à elles seules la mise en forme de la table (fig. 7, n° 3), la succession de ces deux opérations pourrait être plus fréquente qu'il n'y paraît, la « troncature » venant, de façon plus ou moins importante, corriger la régularité de l'arête alors créée. Car, au-delà de choix variables, parmi lesquels le recours à un enlèvement « burinant » reste exceptionnel (deux cas, fig. 10, 2C), c'est une même intention qui transparaît : la création d'une nervure exploitable à la jonction entre cette nouvelle surface et la face d'éclatement du support. Une fois la matrice « conformée » par l'aménagement de cette nervure, le plan de frappe, lorsqu'il n'est pas simplement constitué par un pan de la face supérieure (neuf cas sur 16; fig. 7, n° 1 [bord gauche] à 3 et 5; fig. 8, n° 1) est aménagé par une reprise directe et localisée du bord latéral (fig. 7, n° 1 [bord droit]; fig. 8, n° 3). Dans la majorité des cas uniques (deux occurrences d'enlèvements opposés), il est latéralisé à gauche, face supérieure du support tournée vers l'observateur. Lorsque les deux extrémités de la matrice ont permis l'installation d'une table, les plans de frappe sont opposés selon une diagonale proximal droit/distal gauche (fig. 7, n° 2; fig. 8, n° 1 et 3). Ces différents aménagements menés à bien, le débitage à proprement parler peut s'engager (fig. 10 – n° 3). La séquence de production consiste en l'enlèvement d'une première lamelle le long de la nervure (huit cas sur 16; 3A et B), le négatif ainsi créé pouvant donner lieu à une seconde extraction lamellaire (six cas sur 16; 3C) voire plus rarement à une troisième (deux cas sur 16; 3D). La multiplicité des enlèvements, souvent notée comme l'un des caractères permettant de distinguer les « Bertonnes » des « Orvilles » (cf. supra) n'est ici pas si évidente. La lecture diacritique montre ainsi, une fois appréhendé le rôle de chaque enlèvement, que les tentatives d'extraction lamellaire sont rarement supérieures à deux. Au demeurant, la poursuite du débitage, dont les conditions passent par un réaménagement de la table plus ou moins important, peut engendrer l'amalgame de deux séquences distinctes chronologiquement, donnant alors l'impression d'une plus grande récurrence (fig. 7, n° 1). En effet, les différentes séquences sont rythmées par des remises en forme systématiques, soit par fracturation volontaire de la table, soit par la réalisation directe d'une nouvelle « troncature » inverse, de sorte que les deux grandes étapes de ce schéma (mise en forme de la table / production) se répètent sur le même volume jusqu' à ce qu'intervienne une impossibilité technique. L'ensemble de ces (ré)aménagements engendre un certain nombre de déchets caractéristiques (fig. 11, en bas) dont la plupart sont absents de l'industrie de Seyresse par défaut de tamisage : divers éclats de (re)mise en forme de la troncature (présentant parfois un pan revers distal ou une portion du négatif lamellaire antérieur), tronçons de supports obtenus par percussion ou par flexion (présentant, dans le cas d'un réaménagement, les vestiges d'une ancienne table), « chutes de burin », etc. La question du mode d'extraction des lamelles recherchées reste par ailleurs ouverte : si le recours à une percussion tendre lato sensu semble concerner une partie du corpus étudié, l'hypothèse de l'emploi de la pression, parfois évoquée pour ces mêmes pièces comme un procédé de retouche (Leysalles et Noone 1949; Arambourou 1970; Lenoir 1976), a retenu notre attention au vu du caractère très « rasant » ainsi que de la régularité de certains négatifs. Loin d' être inédite au Paléolithique supérieur (Alix et al. 1995; Bordes et Pelegrin com. orale) et déjà considérée dans le cas des « pièces d'Orville » (Pelegrin 1982; Parisot 1995), l'utilisation de la pression pour le débitage pourrait documenter une gestion nettement différenciée de chaque séquence articulant ce schéma opératoire. L'abandon des nucléus est majoritairement dû à des réfléchissements, conséquence fréquente d'une gestion des convexités longitudinales devenue délicate. Cependant, six fois sur seize, le dernier geste effectué sur la table de débitage consiste en une reprise inverse proximale du (ou des) dernier(s) enlèvement(s); reprise ne donnant lieu à aucune nouvelle extraction (fig. 8, n° 1 et 2). Certaines « pièces de La Bertonne » du site éponyme (Lenoir 1983), de Laugerie-Haute-Est (Demars et Laurent 1989; Cretin 2000) ou du site de la Malignère (Demars 1985) montrent, d'après les dessins publiés, les mêmes traces de reprises proximales des tables (fig. 11). Ces stigmates pourraient correspondre, à l'image d'un ultime ravivage du plan de frappe de certains « Orvilles » supprimant le contre-bulbe des négatifs lamellaires (Perlès 1977 - p. 141), à une tentative avortée de remise en forme de la table par « troncature » inverse. Cette piste nous paraît être la plus raisonnable en l'attente de l'analyse d'un corpus de pièces plus étendu. Prenant alors l'allure de pièces tronquées, ces exemplaires abandonnés en cours de remise en forme ont pu être confondus avec de simples outils, légitimant une interprétation déjà appuyée par l'existence de pièces associant aux « Bertonnes » différents parties actives (Lenoir 1976 - p. 44). Ces pièces mixtes, signalées tant au Pech Saint-Sourd qu' à Orville, sont présentes à Seyresse. Ainsi, sur 12 nucléus, trois sont associés à des parties actives a priori indépendantes, correspondant exclusivement à des fronts de grattoirs (fig. 9, n° 1 à 3). Il semble par ailleurs possible, sur deux d'entre eux, d'affirmer l'antériorité de l'outil sur la zone aménagée en nucléus. Une quatrième pièce associe une extrémité perforante à une troncature inverse opposée dont le rôle reste discuté (fig. 9, n° 4). Quoi qu'il en soit, ces associations ne nous semblent pas pouvoir contredire l'interprétation que nous faisons de ces pièces, considérant qu'elles illustrent un comportement économique classique visant à rentabiliser l'usage de certains supports (leur conférant une plus grande durée de vie). En définitive, ce schéma opératoire, quasiment exclusif, vise à produire de fines lamelles rectilignes, parfois légèrement torses en partie proximale. La mesure de longueur maximale des tables, inscrites dans la largeur des matrices, permet de situer les modules recherchés entre 15 et 35 mm de long. Ces supports, absents de la série pour des raisons identiques à celles que nous évoquions concernant certains sous-produits (défaut de tamisage, tri à la fouille ?), devaient compter en leur sein des pièces à la morphologie particulière, visibles sur au moins cinq des nucléus présents dans l'assemblage. Il s'agit de lamelles associant un pan revers sénestre à un pan dextre constitué par les négatifs distaux de la troncature d'aménagement de la table (fig. 10, en bas : a). Ces lamelles à pan « cannelé » correspondent en tous points aux « lamelles d'Orville » décrites par C. Perlès (cf. supra). Cette analyse, en nous permettant d'établir une description technologique neutre de l'ensemble de ces pièces, nous conduit in fine à l'élaboration d'une terminologie exempte de toute référence éponyme, nécessaire à des comparaisons objectives (Fourloubey et al. 2006; Ducasse et Langlais 2007) : les « traits les plus constants » (Perlès 1982 - p. 130) de ce schéma opératoire l'inscrivent dans la famille des débitages plans préférentiels sur tranche transversale dont l'une des principales caractéristiques réside dans le débordement des produits recherchés en face inférieure de la matrice (enlèvements plans). L'usage du terme « préférentiel », s'il peut se discuter au cas par cas, nous semble bien rendre compte de la tendance observée ainsi que de la « structure » de ce débitage. Le dynamisme des recherches menées ces dernières années sur la question des productions lamellaires, perçues comme un important vecteur identitaire car situées fréquemment au cœur des stratégies de subsistance (confection des armements), permet de renforcer le caractère original de ce procédé de débitage. En effet, les données disponibles sur les principaux technocomplexes du Paléolithique supérieur ancien montrent que ce débitage « plan préférentiel sur tranche transversale » n'est pas documenté dans l'Aurignacien (Le Brun-Ricalens 2005; Pesesse et Michel 2006), le Gravettien (Klaric 2003; Pesesse 2003 et 2008; Foucher 2004; Simonet 2004; Guillermin 2006), ou même le Solutréen (Aubry et al. 1998 et 2004; Renard et Geneste 2006; Renard 2008 et soumis). Par ailleurs, sur plus d'une vingtaine de gisements comportant ce type de nucléus, seulement deux d'entre eux ont été, sur le seul indice de laminarité de l'industrie, attribués au Magdalénien moyen (« Le Signal », fig. 15, n° 2 et Kervazo-Duchadeau 1982; « Guimberteau », Lenoir 1987). En revanche, l'ensemble des autres gisements, dont aucun ne présente un profil similaire à celui de la station éponyme, a pu être rapporté à une phase ancienne du Magdalénien (sensu Bordes, cf. supra), et ceci soit par l'allure générale de l'industrie, soit grâce à la présence de certains « fossiles directeurs » tels que les raclettes (Lenoir 1987). Cependant, le contexte de récolte de la plupart de ces assemblages laisse planer le doute, la moitié d'entre eux correspondant à des ramassages de surface ne garantissant pas l'homogénéité du matériel. Cet état de fait, confronté aux données acquises ces dernières années sur les industries lithiques de la fin du Dernier Maximum Glaciaire montrant une diversification des schémas opératoires de production lamellaire, nous amène à appréhender une nouvelle fois la question de l'attribution chronoculturelle des industries à « pièces de La Bertonne » : « fossile directeur » (Lenoir 1987) probable du Magdalénien ancien. .. mais lequel ? Jusque -là documentées essentiellement dans les Cantabres et considérées dans cette zone géographique comme les premiers témoignages de la culture magdalénienne (Utrilla 1981, 1996; Cazals 2000), certaines industries découvertes sur le territoire français ont permis la clarification du cadre chrono-culturel post - solutréen. Ainsi, le Magdalénien inférieur, caractérisé par des assemblages riches en nucléus carénés et microlamelles à dosest donc venu, d'après les données stratigraphiques et radiométriques disponibles, s'intercaler entre le Badegoulien récent (ex Magdalénien I) et le Magdalénien moyen. Reconnu en Gironde (Cousté 1951; Lenoir et al. 1991), dans la Vienne (Primault et al. 2007), dans le Lot (Langlais et al. 2007a), dans le Tarn-et-Garonne (Millet-Conte 1994 et 1995; Ladier 2000; Langlais et al. 2007b) en passant par le Gard (Bazile et al. 1989), l'Hérault (Philippe et Bazile 2000), le versant nord-pyrénéen (Pétillon et al. 2008) et, très certainement, l'Yonne (Le Brun-Ricalens et Brou 2003), ce technocomplexe semble actuellement couvrir une bonne partie du territoire paléolithique français (Langlais 2007). Cette reconnaissance tardive nous amène actuellement à poser un regard critique non seulement sur certains assemblages dits « aurignacoïdes », mais également sur la variabilité fréquemment soulignée du Badegoulien. De fait, en raison de caractères techno-économiques qui, bien que distincts, laissent entrevoir une communauté de style (Ducasse et Langlais 2007), Badegoulien et Magdalénien inférieur ont longtemps été associés (voire « mélangés ») au sein du Magdalénien ancien sensu lato. Dès lors, la critique taphonomique de ce regroupement permet de s'interroger sur certaines attributions : si nous possédons actuellement une bonne image des productions lithiques de ces deux entités nous autorisant à les distinguer, les assemblages comme celui de Seyresse ou de La Bertonne continuent de semer le doute (Cretin et al. 2007 - p. 731). La présence d'objets morphologiquement proches des « pièces de La Bertonne » au sein d'industries attribuées au Magdalénien inférieur a été signalée à plusieurs reprises (Soriano 2004; Langlais 2007). Il s'agit notamment des « nucléus grattoir/burin » décrits à Thèmes (Le Brun-Ricalens et Brou 2003), de certains grattoirs carénés « à front inverse » de Saint-Germain-la-Rivière (Lenoir et al. 1991 - p. 249) ou de quelques burins « carénoïdes » de Gandil (Millet-Conte 1995; Ladier 2000 - p. 193). Toutes ces pièces correspondent effectivement à un ensemble cohérent, dont nous allons voir que s'il peut, par certains aspects morphologiques, être rapproché des nucléus décrits à Seyresse, il doit en être distingué sur de nombreux autres. Cette modalité de débitage, dite « sur front ventral déjeté » (fig. 12, n° 1 à 3; Langlais 2007) correspond à l'exploitation semi-transversale d'un support souvent allongé (lame ou éclat laminaire). L'ouverture de la table, si elle n'est jamais effectuée par le biais d'une « troncature » inverse, peut être réalisée soit à l'aide d'une fracturation volontaire du support, soit par le recours à un enlèvement « burinant »; ces opérations étant réalisées à partir d'un plan de frappe constitué par un pan de la face supérieure. Cependant, le rôle de l'arête ainsi créée (ou préexistante dans le cas de l'exploitation d'une extrémité légèrement rebroussée) stigmatise la différence entre ce schéma opératoire et le « débitage plan préférentiel sur tranche transversale » documenté à Seyresse : si dans ce dernier cas, la morphologie de l'arête conditionne directement la qualité du (ou des) support(s) recherché(s), dans le second, elle permet l'amorce du débitage destiné à se développer en récurrence dans l'épaisseur de la matrice. Il ne s'agit donc pas d'un débitage « sur tranche » exploitant la face étroite du support, mais d'une production « sur front » investissant la face large de celui -ci de manière sub-transversale. À l'état d'abandon, la plupart de ces nucléus arborent un front de débitage tout à fait semblable à certains des « grattoirs » carénés abondants dans ces industries (fig. 12, n° 4 et 5; nucléus « sur front dorsal »), soulignant l'existence d'une pluralité de modalités, mises en œuvre afin de répondre à un objectif unique : la microlamelle torse à dos dextre et tranchant convexe. De fait, et à l'instar de M. Lenoir qui notait l'absence de « pièce de La Bertonne typique » à Saint-Germain-la-Rivière (Lenoir et al. 1991, op. cit.), il semble bien que nous ayons affaire à deux schémas opératoires différents sous-tendus par des objectifs distincts. À titre d'exemple, le réexamen de la série de « la Cave à endives » dans le Lot (fig. 15, n° 22), attribuée à un Magdalénien ancien ou moyen et au sein duquel étaient signalées deux « pièces de La Bertonne » (Raux et Piel-Desruisseaux 1997), a montré qu'une partie de ce matériel devait plus vraisemblablement être rapprochée du Magdalénien inférieur, ces pièces particulières correspondant finalement à des nucléus « sur front ventral déjeté ». (dessins et clichés S. Ducasse). Drawings and photos S. Ducasse. La distinction entre ces nucléus et le « débitage plan préférentiel sur tranche transversale » semble manifeste à la Bombetterie (fig. 12, n° 6 et 7). En effet, la consultation des planches publiées nous amène à considérer leur coexistence au sein de cette industrie, par ailleurs recueillie en surface par A. Cheynier autour des années 1950, l'attribuant alors à un Aurignacien final (Cheynier 1956). Si cette association permet d'imaginer l'appartenance de ces « grattoirs de Saint-Sourd » (Demars 1973) au Magdalénien inférieur (auquel, d'après les publications, une partie du matériel semble pouvoir correspondre), les conditions de collecte du matériel (ramassages sur plusieurs locus) ainsi que le caractère isolé de ce « couple technologique » incitent à rester prudent. En attendant une analyse technologique complète – incontournable – de ce matériel, nous privilégierons, en terme de tendance, une distinction chronoculturelle entre ces deux modalités considérant, nous allons le voir, que c'est avec le Badegoulien que les liens technologiques semblent les plus étroits. En effet, c'est avec les « burins transversaux sur encoche » du Badegoulien que nous avons pu effectuer les comparaisons les plus intéressantes. Cette modalité qui, bien que pressentie par un certain nombre de chercheurs n'a été décrite dans sa dynamique qu'au début des années 2000 à partir des industries de Oisy (Bodu et Senée 2001; Bodu 2003), constitue une « formule » (Cazals 2000) permettant de répondre à des objectifs divers, notamment lamellaires (Cretin et al. 2007; Bodu et al. 2007; Ducasse et Langlais 2007). Reconnue par la suite dans de nombreux autres gisements (Chehmana 2004 et thèse en cours; Chehmana et al. 2007; Ducasse 2004 et thèse en cours) elle correspond, dans la plupart des cas, au schéma « phare » de ces assemblages, quasi-exclusif lorsqu'il s'agit de produire des supports lamellaires (d'autres modalités sont documentées, mais en proportions souvent infimes). Largement décrite par ailleurs, nous n'en rappellerons que les traits essentiels nécessaires aux comparaisons présentées ici. Cette « formule » consiste donc, dans sa version lamellaire, en l'exploitation de la tranche transversale d'un éclat épais plus ou moins allongé, afin d'en extraire un nombre relativement limité de supports par séquences. L'aménagement de la table s'effectue le plus souvent par le biais d'un enlèvement « burinant » qui vient, de manière tout à fait similaire aux pièces décrites à Seyresse, « conformer » la table par la création d'une arête transversale constituée par la rencontre de cet enlèvement et de la face inférieure de l'éclat. Cette nervure est alors mise à profit, à partir d'un plan de frappe aménagé latéralement (« encoche »), lors de l'extraction lamellaire dont le « rythme » peut être considéré comme « préférentiel ». En effet, la récurrence de ces enlèvements est extrêmement rare (une à deux lamelles par séquence), la poursuite du débitage étant rythmée par des réaménagements tabulaires conséquents (enlèvements « burinant » épais). Ce schéma opératoire est donc guidé par la recherche de fines lamelles rectilignes dont la plus grande part porte un résidu de la face inférieure de la matrice (débordement); pan revers plus ou moins abrupt (fig. 12, n° 8 et 9). Ce « débitage préférentiel débordant sur tranche transversale » badegoulien (Ducasse et Langlais 2007; Ducasse et Lelouvier soumis) présente, ainsi décrit, de nombreux points communs avec le « débitage plan préférentiel sur tranche transversale » de Seyresse. Bien qu'il existe des distinctions au niveau des procédés mis en œuvre (façonnage d'une troncature inverse, type de plan de frappe), justifiant de probables différences dans la morphologie des produits recherchés (caractère « plan » accru à Seyresse peut-être lié à la recherche de supports plus graciles), la structure générale de ces débitages leur confère un air de famille certain. Leur proximité conceptuelle ainsi que, dans les deux cas, leur mise en œuvre privilégiée (voire quasi-exclusive) au sein des assemblages qui les abritent, incitent à considérer un véritable rapprochement culturel entre les deux, confirmant ainsi – en les précisant – les premières approches typologiques (Lenoir 1987). Cette relation, qui revient donc à associer (en tout cas conceptuellement) industries à raclettes et industries à « pièces de La Bertonne », trouve des arguments supplémentaires au sein de l'industrie de Seyresse elle -même, ainsi que dans son environnement archéologique proche. En effet, s'il n'y existe aucun nucléus à lamelles « classique » (prismatique ou pyramidal), l'assemblage de Seyresse compte trois éclats dont la tranche montre clairement la recherche de supports allongés. Or, deux d'entre eux semblent pouvoir être rapprochés des « burins transversaux sur encoche » badegouliens, l'orientation de leur table (longitudinale) mise à part (fig. 13). En même temps qu'elles illustrent la variabilité de ce schéma (Ducasse, soumis), ces deux pièces permettent de documenter une intention probablement distincte du « débitage plan préférentiel sur tranche transversale » (les « Bertonnes »), les supports produits ne supportant que difficilement la comparaison. Par ailleurs, les travaux de J.-C. Merlet (Merlet 2005), s'ils ont offert une meilleure connaissance des occupations badegouliennes régionales, ont en outre permis la mise au jour d'indices tout aussi intéressants. Ainsi, au-delà du signalement de nouveaux gisements de surface documentant cette association « raclettes / pièces de la Bertonne » (Le Réservoir; fig. 15, n° 15), les données issues de la fouille du gisement de plein air de Cabannes nous semblent décisives pour notre propos (fig. 1 et fig. 15, n° 14; Gellibert et Merlet 2001). La mise en évidence de ce « débitage plan préférentiel sur tranche transversale » au sein d'un assemblage homogène, marqué par la présence massive de raclettes (plus de 1000 exemplaires) et d'un abondant débitage laminaire et lamellaire (Ducasse 2004), a constitué pour nous un argument solide de rapprochement malgré le caractère unique de la pièce (fig. 14, n° 2). Cette dernière, réalisée sur un fragment mésial de lame large, présente en effet à elle seule l'ensemble des caractères documentés sur les pièces de Seyresse : chacune des tables montre les résidus d'une fracturation volontaire, la table distale ayant quant à elle été régularisée par le biais d'une « troncature » inverse partielle; les plans de frappe sont indifféremment constitués par un pan de la face supérieure (table proximale) ou par une reprise directe du bord (table distale); les lamelles recherchées sont extraites aux dépens de l'arête située à la jonction fracture/face inférieure de la lame, la table proximale présentant un plus grand nombre de tentatives. Enfin, cette pièce offre un dernier intérêt : si la table proximale ne semble pas pouvoir être distinguée des exemplaires issus du gisement éponyme (fig. 14, b et c), la seconde, observée seule, pourrait tout à fait être interprétée comme une « pièce d'Orville ». .. Le regard technologique porté sur la série de Seyresse ouvre un certain nombre de perspectives pour la compréhension de ces industries particulières. En effet, confrontée aux données les plus récentes, l'analyse de cet assemblage permet de rediscuter de l'attribution culturelle du phénomène « Bertonne » ainsi que de ses relations avec ses « cousins » d'Orville et du Pech Saint-Sourd. Les liens évoqués entre l'industrie de Seyresse et les assemblages attribués au Badegoulien, non plus seulement sur des critères typologiques (Lenoir 1987; Merlet 2005), mais avant tout par le biais de comparaisons technologiques, s'insèrent dans une réflexion sur la structuration à la fois diachronique et synchronique de ce techno-complexe. Remise en cause dans la moitié nord de la France (Bodu et al. 2007), la structuration interne du Badegoulien telle qu'elle a pu être perçue à partir d'un certain nombre de stratigraphies de qualité variable (Badegoule, Laugerie-Haute, Fritsch, Cassegros, Casserole, le Cuzoul de Vers, etc.) privilégie un découpage chronologique basé en grande partie sur les critères de présence ou d'absence de certains éléments jugés caractéristiques. Ainsi se succèdent Badegoulien ancien et Badegoulien récent, distingués sur les proportions relatives du couple « raclettes / burins transversaux » marquées par une évolution inverse (Cheynier 1939; Bordes 1958; Le Tensorer 1981; Trotignon et al. 1984; Clottes et Giraud 1989; Detrain et al. 1991). Si les données récentes acquises au Cuzoul de Vers ne nous permettent pas de contredire cette succession (Ducasse et Lelouvier, soumis), elles conduisent par contre à en réévaluer la dynamique, bien plus complexe que ces seules questions de proportions (qui, par ailleurs, ne se vérifient pas systématiquement, notamment concernant les « burins transversaux »). Mais ce qu'il faut souligner, c'est l'inadéquation de ces cadres avec un assemblage comme celui de Seyresse. À l'inverse du Badegoulien ancien qui n'est jusqu' à présent documenté clairement qu'en stratigraphie, les gisements à nombreuses « pièces de La Bertonne » ne se rencontrent exclusivement qu'en plein air (fig. 12), de sorte qu'il a été jusqu'ici difficile de leur assigner une place précise au sein de cette structuration. Il apparaît en outre que les rares occurrences de la présence de ce type de nucléus en contexte stratigraphique sont à mettre en relation avec les seules occupations badegouliennes de Laugerie-Haute (Demars et Laurent 1989; Cretin 2000), de Badegoule (Cretin 2000; Bodu 2005 et obs. pers.) ou des Jamblancs (Cretin 1993), et ne concernent qu' à peine 4 % du total des pièces recensées. Cette dichotomie « sites à nombreuses Bertonnes et sans raclette/sites à nombreuses raclettes et très rares Bertonnes » incite à aborder une approche synchronique de ces assemblages par le biais d'une différentiation fonctionnelle. Une telle interprétation implique l'existence d'une complémentarité inter-sites qui semble malheureusement difficile à étayer sur la base des données recueillie à ce jour : si nous ne réfléchissons que sur une partie des manifestations techniques liées à ces occupations (absence d'industrie osseuse et de faune conservée), le sous-système abordé, en l'occurrence lithique, est lui -même le plus souvent incomplet, à l'image de Seyresse où les intentions économiques du schéma opératoire décrit dans cet article restent inconnus, faute de fraction fine. .. Finalement aussi délicate que celle de la Bertonne, l'attribution culturelle de l'industrie d'Orville pose un type de problème similaire : reliée au Magdalénien moyen, elle n'en réunit pourtant aucun marqueur lithique incontestable (si ce n'est l'existence de quelques nucléus de type « La Marche » - Parisot 1995). Ainsi, c'est une nouvelle fois la présence - sporadique - de « pièces d'Orville » dans des contextes mieux maîtrisés qui a permis d'asseoir cette hypothèse (Parisot 1995; Soriano et Lechenet 2000; Angevin 2008). Aujourd'hui est donc privilégiée une distinction non seulement technologique, mais aussi culturelle et géographique, entre « pièces de la Bertonne » et « pièces d'Orville »; la répartition des gisements qui renferment ces deux types d'objets montrant de façon générale une bipartition nord/sud attendue (fig. 15). Nous pensons cependant que les données apportées ici permettent une nouvelle fois d'aborder la question épineuse du rapport entre ces deux schémas opératoires dont la relation nous semble moins « formelle que conceptuelle » (Perlès 1982 - p. 131). Certains exemplaires de Seyresse (comme la pièce décrite à Cabannes; fig. 14, n° 2) soulignent en effet l'impossibilité fréquente d'une distinction entre « Orvilles » et « Bertonne » (fig. 8, n° 1 et 2), de sorte que nous aurions bien pu – à tort – considérer cet assemblage comme associant les deux modalités. Au contraire, l'emploi d'un vocabulaire descriptif neutre lors de l'analyse a permis de dépasser la barrière psychologique imposée par l'utilisation de termes éponymes. À l'heure actuelle, la seule et unique différence qu'il serait possible d'évoquer pour les distinguer concernerait, tout comme l'ont fait M. Lenoir et C. Perlès, la multiplicité des enlèvements observables sur les « pièces de la Bertonne » (au contraire des nucléus d'Orville qui n'en comptent généralement qu'un seul). Il est intéressant, à cet égard, de remarquer que si les « pièces d'Orville » ont été assez rapidement distinguées des « pièces de la Bertonne » sur cet argument, elles ont paradoxalement été rapprochées des « grattoirs de Saint-Sourd » (Perlès 1977 - p. 141) alors même que ces derniers peuvent présenter jusqu' à cinq négatifs lamellaires consécutifs (Leysalles et Noone 1949). En définitive, cet argument ne nous semble pas assez solide pour permettre une distinction nette de la gestion de ces productions, considérant au contraire qu'il s'agit d'une seule et même modalité de débitage lamellaire exprimée dans sa variabilité. La rareté des gisements connus pour la présence de « pièces d'Orville » qui, le site éponyme excepté, en possèdent par ailleurs peu d'exemplaires, contraste avec le nombre relativement important de sites à « pièces de la Bertonne » (présents pour leur part sur un espace plus étendu). Ceci, ajouté au fait qu'il existe, aux marges de la zone de présence des « Orvilles » (voire en son sein), des industries à « pièces de la Bertonne » (Trotignon 1985 et 1993; Valentin 1995; Chehmana, thèse en cours) nous amène à nous interroger à la fois sur la pertinence de cette distinction et sur le caractère référant du site d'Orville. Sans pour autant franchir le pas d'une attribution badegoulienne de ce dernier, nous pensons que cette hypothèse mérite largement d' être discutée, même si nous n'oublions pas que, pensé dans sa variabilité, ce schéma opératoire peut correspondre à une modalité transculturelle dont le succès a pu varier avec le temps et les comportements économiques. Nous ne doutons pas que les recherches actuelles menées sur les gisements de la moitié nord de la France viendront très rapidement alimenter un débat déjà largement ouvert par la découverte de l'industrie de Oisy (Bodu et Senée 2001). Concernant le sud de la France, ces propositions mériteront donc d' être évaluées à l'avenir sur une base double : une réévaluation techno-économique préalable des principaux assemblages à « Bertonnes » appuyée, nous ne pouvons que le souhaiter, par l'analyse d'un matériel plus complet, aussi bien dans la nature des vestiges recueillis (lithiques, osseux, etc.) que dans leur représentativité . | Le site de plein air de Seyresse (Landes, France), fouillé à la fin des années soixante par R. Arambourou, a livré une série lithique originale bien que quantitativement faible. Rapproché lors de sa publication au Proto-Solutréen, cet assemblage a fait l'objet, dès le milieu des années quatre-vingt, de nouvelles expertises conduisant à une révision de cette interprétation chronoculturelle. En effet, certaines pièces qui, comportant des enlèvements plans inverses d'extrémité avaient été rapprochées d'outils solutréens, correspondent plus vraisemblablement aux « pièces de la Bertonne » décrites par M. Lenoir à partir de sites girondins attribués pour leur plus grande part au Badegoulien/Magdalénien ancien (0/1). Les données acquises ces dernières années par le biais des travaux menés sur les industries lithiques comprises entre 19 500 et 15 000 BP dans la moitié sud de la France sont venues préciser le cadre chronologique post-solutréen (validant notamment une succession Badegoulien à raclettes/Magdalénien inférieur), permettant alors d'appréhender ces industries à « pièces de la Bertonne » sous un angle nouveau. À la suite d'une présentation générale de l'industrie de Seyresse, une lecture technologique de ces éléments particuliers est proposée, conduisant à confirmer une hypothèse souvent évoquée, consistant à les intégrer au sein d'un schéma opératoire de production de lamelles. Si les comparaisons effectuées nous permettent, en l'état actuel des données, de rejeter l'hypothèse magdalénienne, elles conduisent à privilégier l'attribution de la série au Badegoulien. | archeologie_10-0039791_tei_211.xml |
termith-167-archeologie | Le Quercy est longtemps resté le parent pauvre de son célèbre voisin, le Périgord. Aujourd'hui, l'intérêt des préhistoriens se tourne davantage vers cette région, notamment dans le cadre d'une démarche pluridisciplinaire menée par une Action Collective de Recherche, ACR (M. Jarry dir). En dehors d'indices d'occupations issus de fouilles anciennes ou de ramassages de surface, les gisements gravettiens sont peu nombreux en Quercy (fig. 1) mais peuvent présenter des caractères intéressants pour l'appréhension des modalités d'exploitation de cette région et de son insertion au sein des territoires paléolithiques. L'exemple présenté ici est le gisement des Fieux, situé sur le causse de Gramat.; F. Champagne, qui dirigea les fouilles sur ce site pendant plus de 20 ans, y distingua plusieurs niveaux gravettiens stratifiés. Le plus récent, correspondant à la couche E, est aussi le plus important. L'originalité de cet ensemble, qui lui valut une première attribution à l' Épipaléolithique, pose encore aujourd'hui le problème de sa signification chrono-culturelle précise. Son étude permet d'aborder, à nouveau, la question de l'interprétation du polymorphisme des industries gravettiennes. Cette réflexion constitue le fil directeur du travail mené sur les modalités d'exploitation et d'occupation du territoire en Quercy par les groupes du Gravettien (Guillermin 2005). Les paysages du Haut-Quercy sont marqués par la présence des causses, vastes plateaux calcaires du Jurassique moyen et supérieur dont les limites abruptes dessinent des vallées encaissées. C'est dans ce paysage que se trouve le gisement des Fieux, sur la partie la plus septentrionale du causse de Gramat, à trois kilomètres au nord-ouest de la commune de Miers (fig.1). La situation de ce gisement, sur un point culminant du plateau, le distingue des sites en grottes et abris creusés dans les falaises bordant les vallées de la Dordogne, du Lot et de leurs affluents. Situé à la confluence de deux vallées sèches se rejoignant pour aboutir 7,5 kilomètres plus loin, à la Dordogne, le gisement n'est pourtant pas à l'écart de l'axe de circulation que devait constituer cette vallée pour les groupes préhistoriques. En outre, l'approvisionnement en eau était vraisemblablement possible du fait de l'activité karstique du causse (Champagne et al. 1996). Cette activité est à l'origine de la formation de nombreuses galeries « sous-cutanées » formant un large réseau à l'intérieur des causses. L'effondrement partiel d'une de ces galeries, la reliant à la surface, constitue le gisement des Fieux. Une équipe du spéléo-club de Bergerac découvre la grotte ornée des Fieux en 1964. Le gisement proprement dit fut découvert en 1966 par le propriétaire, monsieur Caminade, alors qu'il exécutait des travaux de dégagement du porche à l'entrée de la grotte. Le site est ensuite fouillé de 1967 à 1991 (Champagne 1977 et 1986-1987; Champagne et Jaubert 1979; Champagne et al. 1990 et 1996; Champagne 1996). Les campagnes sont menées sous la direction de F. Champagne et R. Espitalié jusqu'en 1975. Par la suite, F. Champagne dirigera seul les opérations avec la collaboration de J. Jaubert de 1976 à 1985 ainsi que celle d'A. Fournier. Le gisement est divisé en trois principaux secteurs. Dans un premier temps, les fouilles ont concerné le porche à l'entrée de la grotte (porche ouest). Elles ont, par la suite, été étendues vers l'extérieur, à l'est, découvrant le secteur effondré du boyau karstique. À cette zone effondrée succède un nouveau porche (le porche est) ouvrant sur la poursuite du karst dont l'étendue du réseau reste indéterminée. Un sondage a néanmoins été effectué plus à l'est derrière le porche, mettant en évidence un second effondrement la galerie. Ce sondage correspond au locus 2 tandis que le reste du gisement représente le locus 1 (fig. 2). À terme, les fouilles ont entièrement délimité la partie effondrée de la galerie dont l'ouverture, « au niveau du sol rocheux, […] mesure 30 m de longueur sur une largeur maximale de 9 m, avec une orientation générale nord-ouest/sud-est » (Champagne et al. 1990, p.2). Les témoignages artistiques découverts aux Fieux furent étudiés parallèlement par plusieurs spécialistes (Glory 1965; Nougier 1965a et b; Lorblanchet 1984a et b). Jusqu' à présent, le lien entre ces témoins et les couches archéologiques n'a pas été clairement établi. Les caractères originaux de la couche E sont établis d'une part par le remplissage auquel elle correspond et d'autre part par l'ensemble lithique qu'elle contient. À ' instar de nombreux préhistoriens, F. Champagne a corrélé l'étude du matériel à l'interprétation chrono-climatique du remplissage sédimentaire de ce puissant niveau (Belounis, 1987). Nous reprenons ici les hypothèses avancées par F. Champagne pour la formation du site. Celle -ci s'organiserait en cinq grandes phases : « 1. Formation du karst et sédimentation souterraine. 2. Ouverture du karst puis chutes de blocs et de plaquettes consécutives à l'ouverture du karst. 3. Formations cryoclastiques issues de l'effritement des parois et des vestiges de la voûte. Dans le secteur central, ces formations ont cessé dès que les parois ont été colmatées en totalité, mais elles se sont prolongées jusqu' à la fin du Würm dans le secteur est. L'épaisseur des dépôts cryoclastiques (plus de 10 m) n'est pas surprenante si on prend en compte simultanément la fragilité de la roche encaissante (calcaire jurassique moyen) et la durée de la séquence stratigraphique [ces formations renferment les niveaux moustériens, aurignaciens et gravettiens ]. 4. Mise en place d'un dépôt limoneux d'origine éolienne qui comble entièrement le chenal formé par les dépôts cryoclastiques [c'est la couche E ]. 5. Sédiments post-würmiens (contemporains du Sauveterrien) puis sédiments plus récents (probablement médiévaux) qui colmatent définitivement les deux porches. A ces grandes phases, il convient d'ajouter divers phénomènes annexes : érosions, colluvionnement et ruissellement par exemple » (Champagne et al. 1990, p.2). F. Champagne met en avant une nette distinction entre les couches cryoclastiques et le remplissage de la couche E qui le surmonte : cette dernière est composée d'un important dépôt de limon argileux très homogène, de couleur brun-rouge foncé et totalement dépourvu d'éléments calcaires grossiers. Ce dépôt, dont la puissance est par endroit supérieure à trois mètres, comble la dépression - qualifiée de « chenal » formée par les couches sous-jacentes. L'hypothèse retenue pour l'origine de sa formation est celle d'une sédimentation d'origine éolienne (Belounis 1987). L'os n'étant pas conservé, aucune datation n'a été réalisée pour le niveau archéologique présent à l'intérieur de cette puissante couche. L'interprétation de l'ensemble de la couche E a posé des problèmes à F. Champagne ainsi qu' à J. Jaubert, lorsque ce dernier l'a étudié dans le cadre d'un travail de maîtrise en 1979 (Jaubert 1979). F. Champagne avait distingué des stratigraphies différentes suivant les secteurs (fig. 3). Ainsi, la couche E est au-dessus d'un niveau aurignacien dans le secteur central et au-dessus d'indices gravettiens voire d'un ensemble attribué au Solutréen dans le secteur est (nous discuterons plus loin de la réalité de cette observation stratigraphique). Elle se trouve, d'autre part, sous des occupations sauveterriennes et néolithiques. Le niveau F1c livre une date à 23 900 ± 330 BP (Gif 6304) tandis que les niveaux sauveterriens (du porche ouest) ont livré comme date la plus ancienne 9 450 ± 190 BP (Gif 1807). Cela réserve un grand intervalle chronologique dans lequel la couche E peut se placer. F. Champagne s'est fondé sur l'interprétation chrono-climatique du remplissage afin de resserrer cet intervalle. Ce raisonnement a tenu une place très importante au sein de la communauté scientifique : les préhistoriens l'utilisent pour comparer et interpréter en terme de contemporanéité ou de succession les stratigraphies des différents sites (Laville et Rigaud 1973). Cette démarche a été particulièrement utilisée pour étayer l'hypothèse de contemporanéité d'industries différentes, notamment l'Aurignacien et le Gravettien (Bordes 1968; Laville et Rigaud 1973; Rigaud 1976). F. Champagne part du principe que le remplissage sédimentaire du gisement représente la totalité de la séquence chronologique. Les couches cryoclastiques correspondent alors au Paléolithique tandis que l'arrivée du limon traduit un changement climatique qui serait postérieur au Würm. Ainsi, l'industrie de la couche E serait épipaléolithique. C'est à partir de cette hypothèse que J. Jaubert va mener ses comparaisons. Cependant, depuis le début des fouilles de la couche E, F. Champagne mentionne le caractère périgordien de l'industrie, tout en insistant sur son originalité (Champagne 1976). Il propose alors deux hypothèses : la première est celle d'un nouveau faciès de transition Paléolithique-Mésolithique, en accord avec l'interprétation chronologique du remplissage. La seconde est celle d'un faciès local de tradition périgordienne, avec la restriction que « […] dans cette hypothèse, il faudrait reconsidérer la datation de la castine sous-jacente » (Champagne 1976). Il y a donc, dès le début, une discordance entre l'interprétation chrono-climatique du remplissage et une industrie présentant manifestement des caractères gravettiens. J. Jaubert (1979), dans son étude de la couche E, reste attaché à cette interprétation du remplissage mais ne conclut pas sur l'attribution chrono-culturelle le problème demeure entier : « Nous sommes persuadés que la couche E des Fieux ne peut être attribuée qu' à un faciès épipaléolithique local, étant entendu que nous utilisons le terme Epipaléolithique pour situer dans le temps, une industrie que tout incline à considérer comme contemporaine de l'extrême fin du Würm, mais qui n'a rien de commun avec le Mésolithique traditionnel » (Champagne et Jaubert 1979, p.98). Ainsi, sur les bases d'une interprétation chrono-climatique du remplissage sédimentaire, F. Champagne s'attache à qualifier l'ensemble de la couche E d'épipaléolithique alors que son caractère gravettien avait été observé dès le départ. 1.2.3 - Une nouvelle hypothèse : l'attribution au Protomagdalénien. Lorsqu'il présente la couche E au colloque de Bordeaux en 1977 sur la Fin des Temps glaciaires en Europe, F. Champagne est interpellé par D. de Sonneville-Bordes qui attribue l'industrie de la couche E au Périgordien. À la suite de cette discussion, F. Champagne décide de ne pas publier sa présentation (J. Jaubert, communication orale). Presque dix ans plus tard, F. Champagne propose une nouvelle hypothèse d'attribution, évoquant un rapprochement avec le Protomagdalénien (Champagne 1986-1987). Le préhistorien rapproche alors l'ensemble de la couche E de la famille gravettienne (fig. 4), tout en lui conférant un caractère récent, appuyé par l'existence d'un niveau solutréen sous-jacent (la couche F1a du porche est). Les interprétations livrées par l'étude sédimentologique menée par N. Belounis semblent conforter cette hypothèse : le dépôt du limon se placerait immédiatement après l'épisode de Tursac. Une manifestation d'illuviation a par ailleurs été observée à mi-hauteur, attribuée à l'épisode de Laugerie (Belounis 1987). Cette dernière détermination semble se confirmer dans les données de la palynologie (Renault-Miskovsky 1983), l'ensemble de ces résultats se basant sur les méthodes et les cadres chronologiques en vigueur à cette date. Néanmoins, F. Champagne ne cache pas ses difficultés à conclure. Il reprend les problèmes liés à une fourchette stratigraphique trop large, l'absence de vestiges osseux ou de restes calcinés empêchant la réalisation d'une datation radiométrique. Concernant l'étude des vestiges, il ajoute : « L'étude exhaustive du matériel lithique n'est pas encore terminée; dans ces conditions il est prématuré de tenter une analyse comparative de la couche E avec des séries datées du Périgordien final ou évolué et du Proto-Magdalénien. Il semble néanmoins que c'est vers cette dernière attribution culturelle que les comparaisons devront s'orienter [… ]. En conclusion, l'ensemble lithique recueilli dans la couche E est incontestablement de tradition périgordienne, mais il s'écarte franchement des faciès classiques de cette culture par l'absence de vraie pointe de la Gravette, de pointe de la Font-Robert et de burin de Noailles. Un essai d'analyse factorielle des correspondances tenté par B. Bosselin a montré que le niveau E possède à la fois les caractères du Magdalénien et du Périgordien, mais les données de la sédimentologie et de la palynologie, et surtout sa position stratigraphique probable au-dessus du Solutréen, en font une industrie nettement plus récente que le Périgordien évolué » (Champagne et al. 1990, p.16). Conformément au souhait de F. Champagne, l'étude de l'ensemble de la couche E est reprise dans le cadre d'un mémoire de DEA (Guillermin 2004), intégré dans l'ACR sur le Quercy. La série lithique bénéficie ainsi d'un nouveau regard porté sur le matériel par le biais d'une analyse typo-technologique. Cette reconsidération implique une reprise des données stratigraphiques des différents secteurs, afin de préciser le positionnement de la couche E. Plusieurs éléments permettent d'attribuer résolument toute une partie de la couche E au Gravettien. Certains peuvent être qualifiés de « typiquement » gravettiens, étant présents dans la quasi-totalité des assemblages attribués à cette tradition (fig. 5), à l'image de pointes et micropointes de la Gravette. Nous pouvons les associer à une modalité opératoire « classique » d'obtention de leur support, souvent qualifiée de « bipolaire », qui sera décrite ultérieurement. D'autres éléments sont plus spécifiques du faciès à burins du Raysse (fig. 6), ces derniers étant présents en quantité non négligeable. D'après les travaux récents (Klaric 2003; Klaric et al. 2002), il est par ailleurs possible de les associer à d'autres éléments caractéristiques, plus discrets au sein de l'ensemble : une lamelle de la Picardie, des lames portant une préparation particulière (dite à « facettage latéralisé oblique ») ainsi que des nucléus laminaires exploités suivant une modalité proche de la méthode décrite par L. Klaric. Le niveau E des Fieux appartient au monde gravettien et peut-être plus particulièrement, sous réserve de son homogénéité, au Gravettien moyen. Il est cependant nécessaire d'approfondir l'étude avant d'effectuer des comparaisons plus précises. En premier lieu, la question est de savoir quelle est sa relation avec les autres niveaux du gisement attribués à cette culture. La stratigraphie relevée dans le secteur Est montre la superposition de la couche E à un niveau solutréen (couche F1a), deux niveaux gravettiens (F1b et F1c) et un niveau aurignacien (couche F2) (fig. 7). La reprise des carnets de fouilles ainsi que des séries nous invite à une certaine réserve concernant l'intégrité de ces différents assemblages. Les vestiges attribuables à la couche E sont très peu nombreux dans le secteur Est où nous sommes à la limite de l'extension de la couche. De plus, aux abords des parois, le niveau disparaît. À cet endroit, « le cailloutis cryoclastique remonte au niveau de la couche C » (Champagne 1982). Lors de la découverte de la couche sous-jacente, F. Champagne écrit : « […] immédiatement sous le dépôt de limon, elle est recouverte près des parois par un cailloutis composé d'éléments fins très altérés, probablement colluviés à partir de la surface du lapiaz. Nous avons décomposé arbitrairement F1 en trois sous-niveaux : - F1a : limite limon-castine - F1b : partie supérieure de la castine - F1c : niveau mieux individualisé à l'intérieur de la castine » D'après les 62 outils trouvés à ce stade des fouilles, F. Champagne avance une appartenance de la série au Périgordien (Champagne 1983). La stratigraphie du porche Est montre la succession de couches proches de la paroi, dans des sédiments cryoclastiques qualifiés d'éboulis, à très fort pendage. Les subdivisions au sein de ces sédiments, faites de manière arbitraire au départ, ont connu par la suite une interprétation archéologique. Les notes des carnets de fouilles montrent que les fouilleurs ont eu du mal à les discerner. De plus, ces distinctions ont été conservées lors de l'extension de la fouille vers le porche Est. F. Champagne attribue la couche F1a au Solutréen par la présence de deux pointes à face plane, de deux lames appointées, d'un grattoir circulaire et d'un fragment de sagaie (fig. 8). Cette couche est constituée d'un dépôt limono-argilo-sableux associé à des éléments calcaires de petites dimensions. Le reste de l'outillage est composé de burins, lames retouchées et pièces à dos qui ont, pour la plupart, un caractère gravettien. En outre, les cinq éléments solutréens cités ont été trouvés lors de l'extension des fouilles sous le porche, à un endroit où la couche E n'est plus présente (fig. 8). Ainsi, les témoins d'une occupation solutréenne aux Fieux sont faibles et mélangés à des éléments gravettiens. En définitive, à l'endroit où la couche E se superpose au niveau F1a, celle -ci ne contient pas d'éléments caractéristiques du Solutréen. Le sédiment de la couche F1b est de teinte brun-jaune et contient de petites plaquettes calcaires associées à des cailloux de forme polyédrique. La série lithique recueillie dans ce niveau est pauvre mais la présence de pointes de la Gravette permet de l'attribuer au « Périgordien supérieur à pointes de la Gravette » (Champagne et al. 1990). Concernant la couche F1c, F. Champagne écrit : « De composition sédimentologique et de teinte identiques, les couches F1b et F1c sont difficiles à isoler, sauf vers la paroi sud où elles sont séparées par des blocs issus de l'effondrement de la voûte […] Le matériel lithique comprend 69 outils et 536 lames et éclats. Nous attribuons cette série à un faciès du Périgordien moyen, encore difficile à préciser et qui semble dépourvu de pointe de la Gravette typique et de burin de Noailles. Cette attribution est par ailleurs confirmée par une mesure d' âge qui a donné 23 900 ± 330 BP » (Champagne et al. 1990, p.17). Il ajoute que la faune est assez riche, comprenant en grande partie des fragments de bois de renne en très mauvais état de conservation « dû à l'infiltration de la couche E » (Ibid.). L'observation des séries révèle des industries à effectif restreint se démarquant très peu de l'outillage de la couche E, comme nous le verrons par la suite (tab. 1) : les armatures, variées, sont bien représentées et le burin du Raysse est présent. Au final, une étude taphonomique et typo-technologique plus approfondie des assemblages lithiques doit être menée avant d'utiliser les données stratigraphiques de ce secteur. La quasi-totalité des vestiges de la couche E sont concentrés dans le secteur central, se superposant à un niveau aurignacien dans la moitié est du secteur (fig. 10). Or, quelques éléments à caractère aurignacien, identiques à l'industrie de l'Aurignacien récent du niveau F2 du secteur Est (Bon et Bordes 2005) (burins busqués, grattoir à museau, lame aurignacienne, lamelles Dufour) sont présents dans l'assemblage de la couche E. Nous avons écarté ces éléments de l'étude (n=18). D'autres, plus ubiquistes, tels que des burins carénés – pouvant être considérés comme des burins busqués « atypiques » - ont également été mis de côté, sans pouvoir être attribués de manière certaine à l'une ou l'autre des industries (n=13). Beaucoup d'incertitudes demeurent dans ce secteur. Les différentes industries du Paléolithique supérieur trouvées au sein de l'important ensemble de castine (F), « n'ont pu être isolées avec certitude » (Champagne 1974). En effet, les couches de ce secteur sont pour la plupart composées de plaquettes calcaires emballées dans un sédiment argilo-limono-sableux dont la teinte varie du brun-rouge au brun foncé et il a été difficile de différencier différentes unités à l'intérieur. Ainsi, tous les vestiges trouvés ont été regroupés dans un ensemble intitulé couche F, qui a livré un marqueur fort du Gravettien : une pointe de la Font-Robert (fig. 9). En réalité, la série révèle une association d'éléments aurignaciens (essentiellement des burins busqués, lames aurignaciennes) et gravettiens (pièces à dos, burins du Raysse et la pointe de la Font-Robert). Les premiers sont présents de manière ponctuelle sur toute la surface du secteur, tandis que les seconds sont plus concentrés, proches du massif stalagmitique. En ce qui concerne la couche E, son étendue ainsi que sa superposition à la couche F, ne sont pas clairement établies. Il est possible que la distinction sédimentaire entre les deux couches ne soit pas apparue de manière toujours évidente, le limon pouvant être associé, par endroit, à des éléments calcaires. En conclusion, la reprise des données stratigraphiques des différents secteurs du gisement des Fieux appelle à une certaine réserve concernant les interprétations de F. Champagne : d'une part, il n'est plus possible d'entériner la superposition de la couche E à un niveau solutréen; d'autre part, les difficultés de lecture stratigraphique de niveaux gravettiens comportant de faibles indices, nous laissent, pour l'instant, peu de données exploitables. La présence de mobilier aurignacien dans la couche E, ainsi que les méthodes de fouilles de l'époque ne facilitant pas la lecture du pendage des couches, sont autant d'éléments conduisant à s'interroger sur l'intégrité de la série par rapport aux autres niveaux archéologiques. Par ailleurs, la répartition du matériel au sein d'un puissant dépôt sédimentaire d'une épaisseur exceptionnelle de plus de trois mètres, demande à être précisée. Étant donnés les problèmes énoncés précédemment dans les secteurs est et ouest, nous avons choisi de restreindre le corpus d'étude au secteur central (des bandes 17 à 26, fig. 11). Cette restriction n'a qu'une incidence minime sur l'assemblage (près de 10 %), la majorité des vestiges étant concentrée dans ce secteur. La densité de mobilier est par ailleurs visible dans l'épaisseur du sédiment, révélant l'existence d'un niveau archéologique (fig. 11). Cette concentration était telle que F. Champagne, parlant de la découverte d'un « sol d'habitat », change ses méthodes de fouilles et entreprend un grand décapage du niveau à l'occasion du Congrès Préhistorique de France en 1979 (Champagne et Jaubert 1981). Des raccords de cassure et de débitage ont été effectués. Ils concernent essentiellement les silex jaspéroïdes, l'importance de la série et les contraintes de temps ne nous ayant pas permis d'intégrer l'ensemble des vestiges dans cette démarche. Au total, 1 350 pièces ont été considérées, le taux de raccord de débitage (calculé ici à partir du nombre d'artefacts raccordés sur le nombre total d'artefacts) s'élève à 11 %. L'espace couvert par ces raccords révèle une très nette concentration correspondant au « sol d'habitat » (fig. 11). Ceci confirme l'existence d'un niveau archéologique (mais pas nécessairement d'un sol d'habitat) dans le secteur central. Son épaisseur est d'environ 30 cm, quelques vestiges isolés ‘ flottant'au-dessus et en dessous (à partir de 1981, les vestiges trouvés sous le « sol d'habitat » sont notés E2) (fig. 11). Ce niveau accuse un pendage fort, marqué d'est en ouest, et épouse transversalement la forme d'un « paléochenal », le matériel remontant aux abords des parois. Nous ne pouvons conclure sur le degré de perturbation de ce dépôt archéologique. Nous reprenons néanmoins l'affirmation posée par D. Cahen et al. : « La présence de pièces raccordables à un même niveau indique généralement que la couche n'a pas été sérieusement perturbée » (Cahen et al. 1980, p.212). Nous posons ainsi l'hypothèse de l'intégrité de notre corpus d'étude par rapport aux autres occupations gravettiennes distinguées par les fouilleurs. L'étude du matériel nous permettra par la suite d'avancer des arguments en faveur de son homogénéité. La série se compose de plusieurs milliers d'artefacts, F. Champagne parle de plus de 21 000 objets, comptant les esquilles. Le corpus restreint au secteur central correspond donc à environ 19 000 artefacts, dont plus de la moitié sont inférieurs à 1 cm. Deux catégories sont distinguées au sein de l'outillage : les armatures et les outils à usage domestique. L'inventaire typologique révèle l'importance de la première dont la production de supports constitue l'objectif principal du débitage (tab. 2 et 3). Les armatures de la couche E sont diversifiées (fig. 5) : certaines, minoritaires, sont sur support laminaire d'assez grand gabarit mais la plupart sont microlithiques, les supports pouvant être aussi bien de petites lames que des lamelles, voire exceptionnellement des chutes de burin. Les pointes et micropointes de la Gravette, déjà évoquées, sont bien représentées (fig. 12). Elles sont associées à des lamelles à dos tronquées, parfois bitronquées, presque aussi nombreuses que les lamelles à dos simples. Ces dernières présentent des modules variés parfois très petits. Signalons que l'absence de tamisage durant la fouille a vraisemblablement entraîné une sous-représentation de cette fraction la plus fine. Par ailleurs, certains outils, initialement considérés comme des burins, peuvent être requalifiés de pointes : ce sont des lames apointées portant des fractures interprétables comme d'impact latérales burinantes. La proportion des armatures est importante au sein de l'outillage (près de 50 %). Les critères décrits et précisés sur les fractures d'impact des gravettes et microgravettes de Corbiac (O'Farrell 1996 et 2000), nous ont permis d'évaluer l'importance de ce type de stigmates (35 %). Par ailleurs, les extrémités apicales de pointes et micropointes de la Gravette de la couche E, portant pour certaines des fractures d'impact, ont pu être introduites par l'intermédiaire des carcasses ramenées sur le site, à l'intérieur desquelles elles étaient restées fichées (Chadelle et al. 1990). Ainsi, même si l'os n'est pas conservé, plusieurs éléments laissent envisager l'importance d'une activité de chasse conduite aux abords de l'occupation. Cela permet d'avancer l'hypothèse d'une interprétation de la couche E des Fieux comme résultant, au moins, d'une occupation spécialisée dans l'activité cynégétique. En dehors des nucléus informes ne révélant aucune modalité d'exploitation précise (n = 15), quatre principales formes de débitage lamino-lamellaire sur bloc ont été observées, nous les rapprocherons dans un second temps du débitage sur tranche d'éclat. Ces modalités sont par ailleurs accompagnées d'un débitage d'éclats plus ou moins allongés. C'est le schéma opératoire qui semble le plus communément rencontré dans un contexte gravettien, souvent qualifié de débitage bipolaire prismatique. Son objectif est la production de lames plus ou moins grandes mais toujours rectilignes et régulières, supports potentiels de pointes et micropointes de la Gravette. L'initialisation du débitage peut se faire par l'extraction de lame à crête ou par envahissement progressif de table par des enlèvements plus ou moins obliques par rapport à l'allongement de la future surface de débitage. La mise en forme du volume au cintre polygonal est le plus souvent élaborée à l'aide de crêtes postéro-latérales. Certaines plages corticales peuvent par ailleurs être conservées tout au long de la séquence suivant le volume offert au départ par le bloc. L'angle recherché entre les flancs et la table est relativement fermé, donnant un caractère resserré au cintre. Son entretien est réalisé à partir de crêtes mais aussi par l'enlèvement de grandes lames de flanc. Le rythme de recul frontal maintient des nervures saillantes donnant l'aspect polygonal au cintre. Les plans de frappe sont majoritairement lisses. L'installation du second semble intervenir dès le début du débitage. Cette double ouverture sur la table permet l'obtention de supports rectilignes. Très souvent, les plans de frappe sont décalés : l'exploitation à partir d'un premier plan de frappe entretient le cintre d'un côté de la table, favorisant l'exploitation de l'autre côté à partir du second. L'alternance de l'exploitation d'un bord à l'autre de la table, favorise pleinement l'entretien d'un cintre polygonal resserré. Cette alternance des plans de frappe est plus visible sur les négatifs d'enlèvements des nucléus en fin d'exploitation que sur les supports d'outils ou sur les produits bruts. Il semble donc que, dans la mesure où le débitage ne rencontre pas de difficultés, le tailleur ne recherche guère une utilisation simultanée des deux plans de frappe. En outre, les négatifs d'enlèvement opposés révèlent plutôt une hiérarchisation des plans de frappe qui peut s'inverser suivant les opportunités choisies par le tailleur durant la séquence. La question se pose alors de savoir à partir de quel rythme d'inversion il est possible de parler de débitage bipolaire. Quoi qu'il en soit, l'exploitation d'un tel volume favorise avant tout la rectitude et la régularité des produits. De manière plus spécifique, elle privilégie l'épaisseur des supports tout en maîtrisant leur largeur, accentuant leur robustesse. L'objectif de cette modalité est également la production de supports laminaires (le plus souvent de petit gabarit) rectilignes et réguliers mais qui semblent toutefois moins épais que les produits issus du schéma précédent. Celui -ci repose en grande partie sur l'aménagement du cintre, dans le cadre d'une production gérée à l'aide d'un seul plan de frappe (le plus souvent lisse). En effet, dans le cadre d'un débitage de produits rectilignes, la carène est plate sur une bonne partie de la table. Ainsi, le maintien du cintre est d'autant plus important : il permet de ‘ cadrer ' la propagation de l'onde de choc, lui évitant de s'étaler. Il est ici réalisé à l'aide d'enlèvements obliques convergents vers la partie distale de la table, issus de l'arrière du plan de frappe. De larges enlèvements transversaux issus de la table et/ou du dos peuvent s'associer à ces enlèvements obliques. L'angle alors formé entre les flancs et la table est relativement fermé. Des lames sont par la suite débitées à cette jonction, recréant des nervures régulières pour guider les futurs enlèvements. Ainsi, à l'entretien du cintre, s'associe une entreprise de « nervuration » de la table, contrôlant l'étalement de l'onde de choc. Ces lames latérales sont souvent torses car débitées en retrait du plan de frappe au niveau du flanc et recentrées sur la table au niveau de leur partie distale. Sans être systématiquement torses, leur talon est très souvent incliné par rapport à l'axe de la pièce. Cette opération a pour effet d'installer des nervures régulières, moins inclinées que celles installées par les premiers enlèvements plus obliques. L'installation de nervures-guides, fréquemment convergentes, prime sur le maintien d'une angulation fermée entre la table et les flancs. Le cintre recherché est ainsi arrondi en partie proximo-mésiale, dépourvu de nervures saillantes. La mise en place de ces nervures permet l'extraction de lames issues du bord de la table convergeant dans leur partie distale vers la base cintrée du nucléus. Cette convergence s'effectue parfois d'une manière outrepassée, entretenant à la fois le cintrage mais aussi une légère carène en partie distale. Des nervures régulières, légèrement convergentes en partie distale, sont à présent installées sur la table permettant l'extraction en son centre d'enlèvements réguliers, rectilignes, plus courts que les enlèvements latéraux. Ce débitage s'effectue dans un rythme de recul frontal, pour une exploitation volumétrique qui, du fait d'un cintre relativement étalé, est plutôt faciale. Cela favorise la production de lames relativement plus fines et plus larges que celles extraites de nucléus à exploitation volumétrique frontale évoqués précédemment. Ces lames sont globalement rectilignes, parfois courbes en partie distale si elles parcourent toute la longueur de la table. Le tailleur doit doser précisément sa force pour extraire une lame qui ne file pas jusqu'au bout. Si le coup porté est trop faible, l'enlèvement est rebroussé. Le négatif de cet enlèvement est alors enlevé par l'extraction de lame plus épaisse et plus large, souvent outrepassée. Cet outrepassement permet la restauration d'une carène distale, compensant l'aplatissement du cintre causé par l'enlèvement plus large. Un second plan de frappe, transversal par rapport au premier, peut être installé à des fins d'entretien. Les enlèvements qui en sont issus sont courts et ont pour but le recintrage de la partie distale du nucléus (compensant un cintre qui est par ailleurs plat dans sa partie proximo-mésiale). Plusieurs remontages effectués pour les silex jaspéroïdes (n=5) révèlent la succession de ces deux modalités dans l'exploitation d'un même bloc. En effet, si un outrepassement survient lors de l'exploitation frontale d'un volume au cintre resserré, emportant le plan de frappe opposé, il est rédhibitoire pour la poursuite de cette modalité. Cependant, le volume résultant a parfois permis au tailleur de continuer le débitage suivant une modalité unipolaire convergente. Dans d'autres cas, lorsque le volume exploité suivant une modalité unipolaire convergente ne permet plus une exploitation faciale, le tailleur peut terminer la séquence par une exploitation frontale d'un volume réorienté à partir du petit coté du nucléus et initiée par l'installation d'un plan de frappe opposé. Une autre modalité exploite un volume au cintre polygonal resserré de façon unipolaire. Un second plan de frappe est parfois installé de manière transversale au premier, permettant l'entretien du cintre. Dans la majorité des cas, la mise en forme est peu élaborée, le cortex étant le plus souvent conservé au niveau des flancs et du dos. Le plan de frappe présente fréquemment des traces d'aménagement. Il s'agit d'une exploitation moins normalisée de blocs parfois de qualité médiocre. La productivité est alors limitée et l'abandon sera plus précoce. D'après les travaux menés par L. Klaric sur les assemblages rayssiens, les burins du Raysse sont aujourd'hui considérés principalement comme des nucléus. Nous les considérons également comme tels aux Fieux, la présence d'une lamelle de la Picardie dans la couche E étayant cette hypothèse. En parallèle de ce débitage lamellaire (n=23), certains nucléus laminaires révèlent une exploitation proche de la méthode du Raysse, comme cela a été montré (Klaric 2003). Ils sont rares (n=3) et seul l'un d'entre eux est clairement exploité selon cette modalité. Pour d'autres, l'aménagement du petit côté par une série d'enlèvements transversaux ne peut être qualifié de réel facettage. Ces indices rayssiens sont néanmoins complétés par la présence, certes anecdotique, de lames à facettage latéralisé oblique (n=4). Nous n'avons pu, cependant, déterminer l'objectif de ce débitage. La requalification des burins du Raysse en tant que nucléus nous amène à intégrer les burins plans, considérés comme des burins du Raysse atypiques, dans cette catégorie (n= 22), ainsi que certains burins multiples pouvant être qualifiés de burins du Raysse d'un côté et comportant des enlèvements plans d'un autre (n=4). D'autres éléments sont également susceptibles d' être des nucléus à lamelles : certains se rapprochent d'un débitage unipolaire très cintré témoignant d'un recul frontal avec un envahissement très peu prononcé des flancs (n=9), deux autres, peu lisibles, sont bipolaires. Tandis que les différentes formes de débitage sur bloc précédemment décrites témoignent d'une continuité lames-lamelles dans la production, un débitage exclusivement lamellaire, réalisé sur tranche d'éclat, existe donc au sein de l'assemblage. Ce dernier concerne principalement des éléments se rapprochant plus ou moins précisément de la méthode du Raysse. D'autres schémas sont néanmoins présents auxquels pourraient être associés les burins carénés mentionnés précédemment (cf. § I.3.3). Plusieurs nucléus présentent, à leur stade d'abandon, des négatifs de petits éclats laminaires (n=6), voire d'éclats (n=3). Un remontage entre deux de ces éléments montre qu'il a pu y avoir une recherche de ce type de débitage. Le bloc de départ avait cependant été déjà exploité, probablement pour un débitage laminaire. De plus, aucun objectif relatif à cette production n'a été décelé au sein de l'outillage qui demeure donc anecdotique. Nous n'avons pas quantifié les différents caractères observés concernant la préparation et le détachement des produits. Nous pouvons néanmoins noter que la majorité des produits présente un talon lisse, très souvent linéaire. Cette observation est à nuancer pour les lames de flanc qui présentent un talon souvent lisse plus épais. Une abrasion peut accompagner le détachement, mais elle n'est pas systématique ni très soignée. es parties proximales des lames (plus particulièrement en silex jaspéroïdes) portent de nombreux stigmates caractéristiques de l'utilisation de pierre tendre tels qu'ils ont pu être décrits : points d'impact prolongés par des bulbes marqués, présence de petites rides fines et serrées proches du point de contact, esquillement du bulbe (Pelegrin 2000). La caractérisation des différents types de silex a été réalisée par P. Chalard (tab. 4). Cela a permis de montrer, à travers l'étude typo-technologique, l'importance de l'aspect économique dans le traitement des matières siliceuses : des différences ont pu être observées à tous les stades de la chaîne opératoire. Le traitement différentiel des matières premières se révèle tout d'abord à travers les proportions d'outils (fig.15) : l'outillage à usage domestique en silex sénonien est en proportion plus importante que les armatures (65 % des outils) alors que les pourcentages sont inversés pour les silex jaspéroïdes et tertiaires. Par ailleurs, pratiquement aucune armature en silex du Jurassique n'est présente sur le gisement. Ensuite, la répartition des divers types d'armatures par matière première montre une production très orientée des silex jaspéroïdes vers les lamelles à dos tronquées tandis que la production en silex sénonien est beaucoup plus variée, concernant l'ensemble des armatures (fig.15). L'orientation préférentielle dans la production en silex jaspéroïdes dévoile une exploitation adaptée à cette variété de silex. En effet, les lamelles à dos tronquées sont des armatures que l'on peut envisager emmanchées latéralement, donc recherchées pour leurs qualités tranchantes. Or, le grain des silex jaspéroïdes est particulièrement fin, favorisant le tranchant des produits issus de cette matière. En outre, la modalité opératoire majoritairement employée est unipolaire convergente. Cette modalité favorise la largeur et la finesse du support, accentuant son caractère tranchant. Par ailleurs, la finesse du grain, facilitant la propagation de l'onde de percussion, accentue les risques d'outrepassement des produits. Dans la mesure où ces phénomènes sont légers, ils ne perturbent pas toujours la poursuite d'un débitage intégrant ce type de produits, et peut-être même au contraire. Ainsi, cette modalité, la plus employée pour les silex jaspéroïdes, est adaptée d'une part à une matière où il est nécessaire de gérer et d'anticiper le risque d'outrepassements, d'autre part à l'objectif d'une armature fine et tranchante. Concernant le fractionnement de la chaîne opératoire, hormis les toutes premières phases, toute la séquence est présente sur le site jusqu' à l'abandon de l'outil. Les outils en silex jurassique sont essentiellement des outils à usage domestique. Cependant ces derniers sont peu élaborés (éclats retouchés, encoche, denticulé, burin sur cassure…) réalisés sur éclats, très souvent corticaux, issus des phases de mise en forme et d'entretien. Ces proportions ne sont pas révélatrices de l'exploitation effective de la matière la plus représentée parmi les restes abandonnés sur le site. Cette exploitation est très différente de celle des jaspéroïdes. Tout d'abord, la matière a été introduite sur le site sous forme de rognons bruts, souvent de grand gabarit. Les modalités opératoires employées sont plus ou moins élaborées suivant la qualité des blocs au départ : ceux qui bénéficient d'une mise en forme révèlent une exploitation d'un volume au cintre polygonal resserré, mettant en jeu un ou deux plans de frappe suivant le degré d'élaboration possible. Ces modalités favorisent l'épaisseur et donc la robustesse du support, cette dernière étant déjà induite par une matière grenue. Enfin, les supports produits sont absents de l'outillage, ils ont donc été exportés, sous forme brute ou retouchée. Compte tenu de leur rectitude, de leur gabarit souvent laminaire et de leur robustesse, ils sont pour la plupart très différents des supports de lamelles à dos tronquées, se rapprochant de ceux des pointes de la Gravette. L'exploitation des ressources allochtones a été détaillée en collaboration avec P. Chalard (Chalard et al. 2006). Le silex tertiaire, pouvant être issu d'un approvisionnement en partie local, a été exclu de nos considérations. Les matières allochtones sont alors regroupées dans un ensemble « Sénonien-Turonien ». La polyvalence de ces matériaux, visible à travers la répartition des divers types d'outils, se retrouve dans leur traitement économique. Tout d'abord, certaines spécificités sont à mettre en avant, notamment la quasi-exclusivité de ces matières comme support de production des burins du Raysse. Deux d'entre eux sont en Jurassique, les autres sont réalisés en Sénonien mais aussi dans un silex blanc porcelainé d'origine indéterminée. Notons cependant que ce n'est pas le cas des nucléus laminaires débités dans une méthode proche du Raysse qui sont également réalisés dans des matériaux locaux, jaspéroïdes et jurassiques. Ensuite, les rares représentants d'un débitage d'éclats sont en silex sénonien. Cela témoigne d'une utilisation de supports variés en ces matières, en liaison avec la réalisation d'une large panoplie d'outils à usage domestique. En effet, les supports d'outils à usage domestique sont intégrés dans la chaîne opératoire de production d'armatures par la récupération de sous-produits de formes diversifiées, même corticaux. Les groupes ont alors choisi de transporter la matière sous forme variée, y compris brute. Cela permet, lors du débitage, la récupération sur place de sous-produits pour subvenir à différents types de besoins, traduisant ainsi une certaine économie du débitage (Perlès 1991). La présente étude typo-techno-économique apporte des éléments de réflexion sur la question de l'homogénéité de la série. Formulons dans un premier temps, l'hypothèse où la couche E correspondrait à un palimpseste d'occupations : il est alors possible d'envisager l'appartenance des lamelles à dos tronquées et du schéma unipolaire convergent qui leur est associé à un ensemble distinct du reste. Les acteurs de l ' (ou des) occupation(s), relative(s) à cet ensemble, privilégieraient ainsi l'exploitation des silex jaspéroïdes au détriment de l'autre matière locale, le jurassique. D'autres occupants auraient alors eu une stratégie d'exploitation des ressources locales inverse, privilégiant pour leur part les silex du Jurassique. Or, les remontages témoignent clairement de la succession possible de deux des principales modalités opératoires – unipolaire convergente et prismatique à deux plans de frappe – pour l'exploitation d'un même bloc, démontrant leur appartenance au même ensemble. Ainsi, les différents groupes peuvent utiliser des schémas opératoires similaires, privilégiant l'un ou l'autre. Sur quels critères pouvons -nous alors distinguer des ensembles différents au sein des silex allochtones ? En effet, ces derniers sont exploités suivant toutes les modalités et ont la particularité de représenter l'ensemble de l'outillage de la couche E, contrairement aux silex locaux. Au final, aucun argument ne nous permet d'écarter les lamelles à dos tronquées du reste de l'ensemble. Au contraire, il nous semble que le traitement différentiel des variétés de silex témoigne d'une complémentarité au sein d'une stratégie d'exploitation des ressources siliceuses, les regroupant dans le même ensemble archéologique. Il y a donc eu, selon notre interprétation, une exploitation adaptée des ressources locales au cours d'une occupation (ou de plusieurs occupations réalisées dans un temps relativement court par le même groupe). Ces matières, suivant leurs propriétés mécaniques, remplissent des objectifs différents dont l'usage peut être immédiat ou différé : les lamelles à dos tronquées produites sont abandonnées sur place tandis que les pointes de la Gravette sont vraisemblablement exportées. Néanmoins, demeure le cas des éléments caractéristiques du faciès « rayssien », qui ont toujours été en marge de cette étude. Ils sont beaucoup plus discrets et aucun raccord de débitage n'a permis de les mettre en relation avec les autres éléments gravettiens. En reprenant l'hypothèse d'un palimpseste, il est possible d'envisager l'existence d'un ensemble correspondant à un faciès rayssien « pur » tel qu'il a été défini par L. Klaric – dépourvu de pièces à dos et de schémas opératoires d'obtention de supports rectilignes (Klaric, 2003) – mélangé au reste de l'assemblage. Cependant, ces éléments « rayssiens » n'ont pas de localisation particulière, ils sont présents sur l'ensemble du niveau. De plus, les burins du Raysse sont réalisés dans des matières presque exclusivement allochtones. Les nucléus laminaires sont rares et débités selon une modalité, certes proche de la méthode du Raysse, mais qui semble mal maîtrisée. Au final, il est difficile d'isoler ces éléments pour reconstituer un niveau archéologique à part entière. Cela impliquerait par ailleurs le même cas de figure pour les autres niveaux gravettiens des Fieux qui présentent la même association. Par conséquent, il nous semble plus réaliste de considérer que l'ensemble de la couche E est homogène. Résumons à présent les données que nous avons sur les différents types de matière première : Les silex allochtones du Sénonien ont produit en grand nombre des outils à usage domestique. Ces derniers sont réalisés à partir des sous-produits de la chaîne opératoire de production d'armatures. Ainsi, les matières allochtones sont polyvalentes et peuvent être qualifiées de « matière première de voyage », utilisées en réponse à l'ensemble des besoins que peut avoir le groupe durant ses déplacements, induisant un transport sous forme variée de la matière, du bloc brut à l'outil. Ce stock diminuant en quantité mais aussi en volume, le groupe a exploité une matière locale - le Jurassique - adaptée pour la production de supports laminaires relativement robustes afin de restaurer le stock de matière première, anticipant les besoins des futurs déplacements au sein du territoire. Les silex jaspéroïdes ont fait l'objet d'une exploitation adaptée et orientée principalement vers la production de lamelles à dos tronquées. De plus, l'absence de fractionnement de la chaîne opératoire révèle un usage immédiat plus spécifique que pour les silex du Sénonien. Ce phénomène est révélateur d'un investissement technique fort dans la production d'armatures que l'on est tenté de mettre en relation avec l'activité de chasse pratiquée aux abords du site. Ainsi, sans parler de réelle économie des matières premières, des préférences se manifestent dans l'exploitation des ressources siliceuses. Elles révèlent une adaptation du groupe aux opportunités offertes par les ressources locales et un investissement technique raisonné pour répondre à des objectifs présents ou futurs, complété par l'anticipation que constitue l'apport de matière première de voyage. Tout ceci donne une image d'un groupe maîtrisant son parcours au sein d'un territoire dont l'étendue et le mode d'exploitation restent à préciser. Le bilan effectué sur l'exploitation des ressources siliceuses de la couche E illustre un modèle bien connu : « …[les stratégies économiques] peuvent être le résultat d'une cascade d'interactions entre trois types de contraintes : ressources du milieu, possibilités techniques au niveau des procédés et des méthodes, enfin besoins en produits finis » (Geneste 1991, p.16). Les ressources du milieu ont été exploitées de manière adaptée à leurs propriétés. Ce phénomène dévoile un comportement gravettien relevant d'une certaine souplesse, ce qui va à l'encontre de l'image que l'on peut avoir d'un groupe qui se bornerait à transporter sur des kilomètres une matière première de qualité, leur permettant de mettre en œuvre un schéma opératoire pour une production normalisée. Les études récentes tendent à montrer que les groupes gravettiens peuvent utiliser des schémas opératoires variés dans leur production, possèdant une gamme élargie de possibilités techniques (Digan 2001; Klaric 2003; Lucas 2000; Pesesse 2003). L'ensemble de la couche E illustre le lien pouvant exister entre la variabilité de certains schémas, les différentes matières présentes dans l'environnement et le statut d'une production anticipée ou à usage immédiat. En développant l'idée de l'interaction entre les trois types de contraintes énoncées, la question de leur hiérarchie se pose : dans le cas des Fieux, est -ce parce qu'ils cherchaient à produire des lamelles à dos tronquées que les paléolithiques ont ainsi exploité les silex jaspéroïdes ? Ou bien est -ce la présence de silex jaspéroïdes dans l'environnement de l'occupation qui a favorisé la production de ce type de produit, entraînant l'accroissement de la catégorie des lamelles à dos tronquées ? Autrement dit, jusqu'où va la capacité d'adaptation du tailleur et par la même la souplesse des Gravettiens ? La diversité des armatures ne peut-elle pas être le résultat d'une recherche de combinaison optimale des trois types de contraintes pour répondre à l'objectif d'une occupation spécialisée ? Cela ne résout pas la question de l'association des éléments dits « rayssiens » aux armatures à dos et aux schémas producteurs de leurs supports. L'originalité de la couche E soulève néanmoins la question de la fonction du site et des implications d'une éventuelle spécialisation dans la constitution des assemblages. Interpréter l'originalité de certains assemblages gravettiens du fait de la fonctionnalité de l'occupation a déjà été énoncé auparavant. Cependant, très peu ont entamé des démarches d'études concrètes étayant cette hypothèse (Rigaud 1978, 1985). Aujourd'hui la technologie lithique, associée à la pétroarchéologie, permet l'insertion de l'industrie lithique au sein d'une stratégie d'acquisition et d'exploitation des ressources minérales. Cette ouverture amène une vision plus globale de l'occupation du site, replacée au sein d'un territoire parcouru par le groupe. Des éléments de réponse à la question de la motivation de leurs déplacements et de l'éventuelle spécialisation des occupations pourront être avancés. Les hypothèses énoncées devront ensuite être testées par les études archéozoologiques. L'accumulation de ces démarches permettra de valider ou non l'hypothèse de la spécialisation des occupations comme l'un des facteurs du polymorphisme des assemblages gravettiens. Les résultats de l'étude menée sur l'ensemble de la couche E apportent des éléments de réflexion sur les stratégies d'acquisition et d'exploitation des matériaux siliceux des groupes gravettiens. Parcourant des environnements différents, ils ont pu développer une souplesse adaptative leur permettant d'optimiser les opportunités offertes par les ressources de leur environnement proche, en fonction de leurs objectifs spécialisés ou non. Cette souplesse technique des groupes gravettiens, pouvant avoir un impact conséquent sur la constitution même de l'outillage, demande à être étudiée. Même si l'étude typo-techno-économique étaye l'hypothèse d'homogénéité de l'ensemble de la couche E, envisageons une nouvelle fois le cas d'un palimpseste et voyons les attributions chrono-culturelles qui en découlent : les éléments « rayssiens » constitueraient un ensemble archéologique à part entière, mélangé à un ensemble gravettien à gravettes et lamelles à dos tronquées. Ce dernier, en l'absence de stratigraphie, peut être attribué au Gravettien ancien ou évolué, gardant dans les deux cas un caractère atypique par la présence de nombreuses lamelles à dos tronquées. Certaines pointes de la Gravette portent une retouche de « type Vachon » à l'extrémité basale (n=6). Il semble que cette dernière affecte principalement les pointes du Gravettien moyen du Périgord et des Pyrénées 2. Elle est néanmoins présente dans les couches ancienne (couche 5) et récente (couche 3) de l'Abri Pataud (Bricker 1995; Simonet A. 2005) et se trouve très bien représentée dans l'une des couches du Gravettien récent de l'Abri des Peyrugues (couche 22) (Allard 1994-1996). Il est donc difficile, dans l'état actuel des recherches sur la structuration du Gravettien, d'interpréter d'une manière chronologique la présence de cette retouche sur les pointes de la Gravette de la couche E des Fieux. L'importance des lamelles à dos tronquées n'a, jusqu' à présent, été mis en avant que dans l'industrie de la couche 2 de L'Abri Pataud. Cette caractéristique aurait tendance à rapprocher l'ensemble du Gravettien final (ex « Protomagdalénien »), mais ce faciès – défini principalement d'une part, par la présence de grandes lames retouchées, supports de burins majoritairement dièdres ou de grattoirs, d'autre part par l'absence (ou la rareté) des pointes et micropointes de la Gravette – ne correspond pas à la couche E (Bordes F. 1978; Bordes F. et Sonneville-Bordes 1966; Bricker 1995; Clay 1968; Movius 1958 et 1968; Sonneville-Bordes 1960; Guillermin en cours) 3. Par ailleurs, aucun ensemble « purement rayssien » (similaire à la Picardie) n'a été trouvé dans le Sud-Ouest de la France : les burins du Raysse sont toujours associés à des pièces à dos, à l'exemple de l'Abri Pataud (c.4), du Flageolet I (c.VII,VI et V) et de Solvieux (c. III.2 et M.6), (Bricker 1995; David 1973; Klaric 2003; Lucas 2000, 2002; Pottier 2005; Rigaud 1969 et 1982; Sackett 1999). En outre, cette coexistence est quasi-systématiquement associée à la présence de burins de Noailles 4. Aux Fieux, ces éléments sont absents mais si le burin du Raysse est un marqueur chrono-culturel fort, il nous permet d'attribuer l'occupation de la couche E des Fieux au Gravettien moyen à burins du Raysse. Ainsi, la couche E des Fieux vient rejoindre les séries du sud-ouest de la France, questionnant les différentes hypothèses d'interprétation du faciès « rayssien ». L'étude de la couche 4 de l'Abri Pataud a amené N. David, et par la suite C. Pottier, à définir un faciès noaillien, indépendant de la lignée gravettienne (David 1973; Pottier 2005). Pour N. David, le Noaillien inférieur, riche en burins de Noailles, évoluerait vers le Noaillien supérieur, riche en burins du Raysse. C. Pottier n'établit pas ces subdivisions, considérant une évolution continue, sans aucune rupture. La couche E contribue difficilement à étayer cette vision : d'une part elle ne possède aucun burin de Noailles, d'autre part, la présence importante de pièces à dos ainsi que les schémas opératoires décrits rapprochent indubitablement la série de la famille gravettienne au sens large. En revanche, si nous nous référons au modèle maintenant le Rayssien dans une lignée évolutive gravettienne (Bosselin et Djindjian 1994), les burins du Raysse remplaçant les burins de Noailles, l'absence de ces derniers peut être interprétée comme un caractère évolué de la série. Notons cependant que l'explication des auteurs sur un changement motivé par une évolution technologique des burins est remise en question (Klaric 2003; Pottier 2005). L. Klaric vient ébranler cette vision évolutive et avance une troisième hypothèse : celle de la considération du Rayssien comme une tradition technique distincte du reste de la lignée gravettienne, y compris du faciès moyen à burins de Noailles (Klaric 2003). Il s'appuie sur les gisements de la Picardie et d'Arcy-sur-Cure, révélateurs d'une utilisation exclusive d'un système technique dit « rayssien », profondément différent des systèmes gravettiens (plus anciens et plus récents) destinés à l'obtention de supports de pièces à dos. Ce modèle septentrional doit être testé par les ensembles du Sud-Ouest. En effet, ces derniers, parmi lesquels nous intégrons à présent la couche E des Fieux, révèlent l'association de ces deux systèmes. Si nous poursuivons l'idée de L. Klaric, il est alors possible d'envisager l'existence de groupes différents porteurs de ces traditions techniques. Auquel cas, pourquoi ne pas avancer l'hypothèse selon laquelle cette coexistence est le témoignage de liens entre un groupe gravettien méridional avec un groupe « rayssien » plus septentrional ? Cela s'accorderait bien avec la quasi-exclusivité de l'emploi de matériaux allochtones pour la confection des burins du Raysse ainsi que la rareté et la maladresse dans l'emploi de la modalité laminaire qui leur est associée. Cette hypothèse appuierait la thèse de la contemporanéité de deux groupes, souvent décrits comme noaillien et rayssien. Il est néanmoins difficile de rattacher la couche E au premier en l'absence de burins de Noailles, même si ce caractère peut être attribué à l'éventuelle spécialisation de l'occupation. Il est alors possible d'envisager la perduration de ce phénomène de contemporanéité dans les faciès récents. Nous ne pouvons conclure sur ces différentes interprétations. Une séquence stratigraphique plus septentrionale, apporterait par ailleurs des éléments déterminants dans ces considérations. Les études doivent être multipliées, axées notamment vers la pétroarchéologie. L'étude de la couche E des Fieux met en valeur plusieurs caractères problématiques inhérents aux assemblages gravettiens. Les premières étapes de son étude montrent les dangers que peut comporter une interprétation chrono-climatique du remplissage des gisements. Ensuite, l'originalité de la série pose des questions déjà soulevées par différents préhistoriens confrontés à l'interprétation du polymorphisme des assemblages gravettiens, notamment de l'impact de la fonctionnalité du site sur la constitution des assemblages. La technologie lithique replace l'ensemble lithique au sein d'une stratégie économique d'exploitation des matières premières, induisant une réflexion sur la mobilité du groupe (Chalard et al. 2006). Ces éléments ne pourront réellement donner corps à une modélisation de l'exploitation et de l'occupation d'un territoire que confrontés aux données d'autres spécialités telles que l'archéozoologie. Néanmoins, les éléments de stratégies économiques décelés aux Fieux révèlent une véritable souplesse adaptative d'un groupe gravettien optimisant les opportunités offertes par leur environnement en fonction de leurs objectifs, pouvant peser sur la variabilité des assemblages. Cette adaptation peut alors mettre en valeur différentes facettes de leur système technique en fonction des étapes du parcours du territoire. De nouveaux critères de comparaisons de gisements, replacés dans leur contexte, peuvent ainsi être définis. Enfin, concernant la dimension culturelle d'un faciès gravettien, l'ensemble de la couche E amène également des éléments de réflexion sur l'interprétation de la présence de burins du Raysse dans les séries du sud-ouest de la France. Ces derniers étaient jusqu' à présent considérés comme des marqueurs forts du Gravettien moyen mais les travaux récents (Klaric 2003), remettent en question cette vision chronologique, introduisant une dimension géographique. Il décrit ainsi un faciès septentrional « purement » rayssien, dépourvu du système de production des armatures à dos. L'association des deux systèmes dans les séries du sud-ouest de la France demande à être interprétée. Ce phénomène peut notamment être envisagé comme le témoignage de contacts et d'échanges entre des groupes contemporains, détenteurs de traditions techniques différentes. Quoi qu'il en soit, d'après les stratigraphies du Sud-Ouest et dans l'attente de nouvelles données, l'ensemble de la couche E pourrait être attribué au Gravettien moyen, mais l'absence de burins de Noailles plaide en faveur d'un caractère plus évolué de la couche E, la rapprochant du Gravettien récent. Ainsi, les trois prismes d'interprétation du polymorphisme du technocomplexe gravettien sont toujours d'actualité, regroupant la chronologie, le régionalisme et la fonctionnalité des sites . | Le matériel lithique de la couche E du gisement des Fieux avait été attribué à l'Epipaléolithique puis au Protomagdalénien par F. Champagne qui fouilla le site de 1967 à 1991. La présence de pointes et micropointes de la Gravette ainsi que des burins du Raysse permet, de fait, de rattacher cet ensemble au Gravettien. Cependant, la question de son originalité demeure. Celle-ci ne.peut être interprétée comme la conséquence d'un processus taphonomique, l'étude technologique et typologique appuyant l'hypothèse d'homogénéité de la majeure partie de l'ensemble. Par ailleurs, la forte proportion d'armatures, envisagée comme une conséquence de la spécialisation du site dans l'activité cynégétique, met en avant le facteur fonctionnel dans cette interprétation. Celui-ci est en mesure de répondre partiellement à la question de l'association peu commune de différents types d'outils dans l'ensemble de la couche E. D'une part, les lamelles à dos tronquées, nombreuses au sein d'un ensemble où les pointes et micropointes de la Gravette sont bien représentées, témoignent d'une stratégie d'exploitation des ressources siliceuses très adaptée à l'environnement, optimisée pour répondre à l'objectif d'une occupation spécialisée. D'autre part, d'après les travaux de L. Klaric sur le Gravettien moyen à burins du Raysse dans la partie septentrionale de la France, l'interprétation des assemblages du Sud-Ouest de la France associant des éléments rayssiens à ceux d'un système de production d'armatures à dos, doit être discutée. Ainsi, les trois prismes d'interprétation du polymorphisme du technocomplexe gravettien sont toujours d'actualité, regroupant la chronologie, le régionalisme et la fonction des sites. | archeologie_08-0040094_tei_257.xml |
termith-168-archeologie | La présence gravettienne en Italie est attestée sur une vingtaine de sites dont la liste correspond pratiquement à celle indiquée par A. Palma di Cesnola (1993) dans son ouvrage de synthèse sur le Paléolithique supérieur italien. L'importance scientifique de ces sites est très variable puisque l'on trouve des gisements stratifiés dans des grottes ou sous abri, mais aussi en plein air, où l'industrie gravettienne se ramasse en surface, parfois mélangée à des éléments d'autres périodes. Si ces derniers sites se traduisent en points sur une carte, comme simples témoins d'une présence, se sont les séries stratigraphiques qui fournissent les informations culturelles, chronologiques et paléoenvironnementales nécessaires. Nous pouvons ajouter à la liste de Palma, qui comptait dix-huit sites gravettiens, deux sites liés à des recherches récentes : la grotte de la Serratura à Camerota et le site de plein air de Bilancino, près de Florence. Du point de vue géographique, on observe que les stations gravettiennes sont, pour la plupart, distribuées sur le versant tyrrhénien, alors que les sites à l'est des Appennins sont rares. Les séries de référence qui permettent d'évaluer divers faciès gravettiens, sont celles de Riparo Mochi en Ligurie, de la grotte della Cala en Campanie et de la grotte Paglicci dans les Pouilles. Ces séries indiquent que le premier peuplement gravettien en Italie correspond au faciès “à pointes à dos ”, selon la définition de Palma di Cesnola (2004), équivalent au Gravettien “indifférencié “de Laplace. Ce faciès, en raison de l'absence d'aspects particuliers ou de “fossiles directeurs “, est caractérisé par une abondance de pointes à dos, la plupart de très petite taille. La tendance à la fabrication de microgravettes atteint son maximum à la grotte della Cala, où les pointes aciculaires de 10-12 mm de long sont fréquentes, parfois produites sur des chutes de burin. A Paglicci, le microlithisme est évalué en relation avec le territoire local, riche en silex; même s'il y a abondance de microgravettes, celles -ci n'atteignent pas les dimensions des plus petites microgravettes de la grotte della Cala. On peut souligner, dans ce premier Gravettien, quelques traits aurignacoïdes représentés par des grattoirs carènes, des museaux, des burins carénés et des lamelles (Cala) à retouche demi-abrupte proches de celles du type Dufour (Boscato et al. 1997). En ce qui concerne la chronologie radiométrique, l'industrie en apparence la plus ancienne est celle de Paglicci (niveau 23), datée de 28 100 ± 400 BP, alors que le niveau GB3 de la Cala, le plus ancien de la séquence gravettienne locale, est daté de 26 880 ± 320. Les niveaux attribuables au même faciès indifférencié, de l'abri Mochi et de la Calanca (cette dernière de la même aire que celle de la Cala) ne sont pas datés. Si ces dates, encore trop peu nombreuses, devaient être confirmées, nous devrions supposer que la première diffusion du Gravettien en Italie a eu lieu par une porte orientale. L'absence presque totale de dates dans l'aire balkanique ne permet pas, pour le moment, de formuler des hypothèses sur la trajectoire de diffusion des populations gravettiennes mais on peut présumer, au moins pour la portion transadriatique, qu'un rôle important a été joué par le tracé de la côte, ainsi que par la plaine côtière, située bien plus au sud que sa situation actuelle à cause de la régression glacioeustatique (Vai et Cantelli eds. 2004). Plusieurs indices présents sur les sites des Pouilles témoignent en faveur de la provenance orientale, en particulier à la grotte Paglicci et à la grotte des Vénus de Parabita. A Paglicci, sur les sites gravettiens, on trouve : quelques couteaux de Kostienki, absents dans le reste de l'Italie; la sépulture féminine PA25, datée d'il y a environ 23 000 ans, avec diadème en dents percées rapportables aux modèles est-européens (Palma di Cesnola 2004); la sépulture PA12, datée d'il y a environ 24 700 ans, dont l'ADN mitocondrial a des caractères en commun avec celui des populations du Proche Orient et du Caucase (Caramelli et al. 2003). Deux exemplaires de Vénus en os, que l'on peut confronter à des figures analogues de Kostienki (Radmilli 1966), proviennent de Parabita. La porte orientale, déjà supposée dans le passé par Mochi et plus récemment évoquée par Palma di Cesnola (1993), doit avoir longtemps permis le passage des Gravettiens vers l'Italie de l'est. En effet, si l'on se fie aux dates 14 C, on passe de 28 000 ans BP environ de la base de la série stratigraphique de Paglicci, à 20 000 ans BP environ avec les industries finales de la période. Durant cet arc chronologique, le faciès de l'industrie lithique présente deux changements fondamentaux : au Gravettien antique à pointes à dos, se substitue d'abord un Gravettien évolué avec micro-gravettes et de rares pointes de La Font-Robert et puis un Gravettien final à dos anguleux. Il est plausible que le flux de populations d'Orient n'ait pas eu lieu de manière continue mais, au contraire, par pulsations successives qui ont laissé des traces dans la séquence stratigraphique de Paglicci. La situation sur la façade occidentale de la péninsule, où les sites gravettiens sont les plus nombreux, est très différente avec des faciès presque exclusivement à burins de Noailles. Si l'on prend par exemple la série stratigraphique de la Cala, nous constatons qu'initialement, à une date proche de 27 000 ans BP, on trouve un niveau gravettien indifférencié – avec des caractères en partie semblables à ceux de Paglicci – qui a comme trait caractéristique une dimension microlithique des armatures à dos (Boscato et al. 1997; Borgia et Wierer 2005). Le changement de faciès suivant intervient aux alentours de 25 000 ans (OxA 6263 24 620 ± 220), avec l'avènement d'industries à burins de Noailles; ces derniers se rarérifiant par rapport aux industries analogues plus septentrionales. L'hypothèse de Palma di Cesnola (1993) est encore valable, selon laquelle une migration le long de la zone côtière tyrrénienne, partant de la France, arrive, en l'état actuel, jusqu'au Cilento, alors que la présence des produits manufacturés les plus caractéristiques et diagnostiques du faciès diminue progressivement. Il est peut-être prématuré de se demander ce qui a bien pu donner le coup d'envoi à la diffusion des populations “Noailles” vers des latitudes plus basses par rapport à l'aire française; aux causes généralement invoquées pour des phénomènes similaires, comme la pression démographique et le changement environnemental, nous pouvons ajouter un nouvel élément de réflexion. Il s'agit de l'hypothèse, due à de récentes recherches (Aranguren et Revedin 2001, 2005), de l'association entre le burin de Noailles et le travail des herbes palustres. Dans ce cas, la diffusion devrait être vue comme une réponse à un facteur environnemental à mettre en relation avec la présence de matières particulièrement recherchées par les Gravettiens de l'époque. La série de la Cala ne contient pas d'informations sur les niveaux gravettiens plus récents que ceux à burins de Noailles, à cause d'une importante lacune stratigraphique, avec un trou de plusieurs milliers d'années après lesquels se dépose une couche d'Epigravettien évolué. Un tel vide est en partie comblé par la série de la grotte voisine de la Serratura où une couche avec industrie gravettienne à dos tronqués datée des alentours de 20 000 ans BP (Martini et al. 2001) se superpose à un niveau à burins de Noailles. La différence entre les deux versants de la péninsule est donc considérable et il n'y a pas de preuves, en l'état actuel des recherches, de contacts entre un versant et l'autre. Nous devons penser que la chaîne des Appennins a découragé son franchissement par différents groupes gravettiens (figure), dans un sens ou dans l'autre. A première vue, l'hypothèse semble faible, puisque les Appennins présentent aujourd'hui encore des cols à des altitudes relatives basses et les témoignages glaciaires en Italie centrale et méridionale permettent d'exclure que même lors des périodes les plus froides, il y ait eu des glaciers en mesure de constituer un obstacle au franchissement de la chaîne. Cependant, il est vrai qu'au cours d'autres moments du Paléolithique, on observe également des différences sensibles entre l'aire adriatique et l'aire tyrrénienne. En définitive, les Appennins ont fonctionné comme une barrière même si celle -ci n'était pas en fait insurmontable. Nous pouvons alors nous demander si une chaîne montagneuse modeste est suffisante pour arrêter un flux de population paléolithique et quel aura été le rôle des Balkans par rapport à l'hypothèse citée de la diffusion de certains groupes gravettiens à partir de l'Orient ? En voulant rester sur cette hypothèse, comme cela nous semble juste, nous devrons chercher des voies de pénétrations directes, à travers l'aire montagneuse balkanique, ou bien formuler l'hypothèse d'un parcours de diffusion plus long, sur la façade côtière méditerranéenne. Les données jusqu'ici disponibles sont tout à fait insuffisantes pour affronter le problème; nous pouvons seulement espérer en de futures recherches . | En comptant sur une vingtaine de sites gravettiens en Italie, on observe que, en partant d'un faciès commun à pointes à dos (28-27 Ky BP), les deux versants de la péninsule montrent un différent développement. Le faciès Noailles est limité au versant tyrrhénien, tandis qu'à l'Est on trouve des complexes à dos tronqués. Les Apennines se posent comme une sorte de frontière entre les Gravettiens provenant de France et ceux provenant de l'Europe orientale. | archeologie_09-0052802_tei_233.xml |
termith-169-archeologie | Axés sur la Tille, les sites archéologiques de Lux, Côte-d'Or (fig. 1) étaient connus par de nombreuses trouvailles fortuites sur la rive droite. Au lieudit « La Ville d'Ogne », les photographies aériennes ont révélé les éléments d'une exceptionnelle villa gallo-romaine sans doute liée à la navigation fluviale (Goguey, 1972a et b; Goguey, 1994). Les nombreuses découvertes faites sur la rive gauche prouvent que son importance n'était pas moins grande à l'époque pré-romaine. Ces découvertes résultent des survols répétés de cette zone, accumulant les clichés révélateurs de 1973 à 2007. Le traitement informatique des plus anciennes, sur film argentique, a permis d'en extraire aussi bien les grands ensembles que les détails les plus fins. L'étude des clichés de Photo Explorer, des couvertures verticales stéréo de l' .I.G.N. et des photos « satellite » de Google Earth prouve que ces techniques ne doivent pas être négligées. Mais les photos à très basse altitude restent sans égal pour leur précision. Trois sites majeurs ont ainsi été découverts, échelonnés de l'amont à l'aval (fig. 2, plan d'ensemble) : - une double enceinte curviligne établie sur un fond de fosses et de trous de poteaux, - un village à trous de poteaux et silos, - une succession d'enceintes et d'habitats répartis entre la Tille et les Pertes de la Venelle. Elle est située à 200 mètres de la rive gauche de la Tille, au bord du plateau calcaire diaclasé entamé par la vallée. Elle est très visible sur le tuffeau crayeux qui comble cette vallée, beaucoup moins sur le plateau. Elle comporte deux types de fossés curvilignes : - à l'intérieur un élément de fossé dont le prolongement définit une enceinte circulaire (fig. 3); - à l'extérieur, un fossé plus large, qui enveloppe le précédent au sud sans lui être exactement parallèle. Ce fossé se prolonge vers le nord par des segments coupés par une incurvation. Les diaclases masquent la partie qui devait fermer l'enceinte. Cependant quelques clichés de 1995 montrent des éléments d'un fossé transversal divisant l'ensemble en deux parties : celle du sud en demi-cercle vers la rivière, celle du nord, quadrangulaire à angles arrondis (fig. 4 et 4 bis). Du côté Tille, le substrat révèle de nombreuses structures en creux : trous de poteaux, fosses allongées, fossé sinueux. Ces traces sont disposées au hasard, sans organisation visible. Elles semblent antérieures aux enceintes (fig. 5). À 700 mètres en aval des enceintes curvilignes a été découvert un ensemble de trous de poteaux et de fosses dont l'analyse fait ressortir l'organisation (fig. 6, 7 et 7 bis) : - des alignements parallèles de trous de poteaux donnant le plan de maisons rectangulaires parfois en carré (greniers ?); - des trous de poteaux alignés sur un seul rang curviligne : éléments d'une enceinte palissadée ? - des taches sombres, généralement circulaires, dont les plus grandes peuvent être des fonds de cabanes, les autres des silos. Quelques trous de poteaux indiquent une extension moins dense du site vers le nord-ouest et vers le sud-est, où il est traversé par une bande humide qui sera drainée à partir de 1992. Un fossé pourrait délimiter le site au nord; mais il coupe en biais une maison à trous de poteaux; il lui est donc postérieur. Ce site s'étend sur 1 500 mètres, de la Tille au sud aux Pertes de la Venelle au nord. Ces enceintes coupent l'ancien vallon de la Venelle (dont le cours est aujourd'hui canalisé) avec un premier élément au nord. Celui‑ci, le mieux caractérisé (C 1), barre la légère dénivelée du vallon où sa trace, visible sur les photographies de juillet 1992, est confirmée par celles de mai 1998 et de juin-juillet 2002. Il s'agit d'un large fossé curviligne qui se dessine tantôt par une bande d'un vert plus foncé, tantôt par des céréales nettement plus hautes (fig. 9 et 9 bis). Il est doublé à l'extérieur par un fossé étroit qui le suit parallèlement à quelque 6 m. Cette rigole, habituellement interprétée comme la trace d'une palissade, se rabat vers un hiatus pour délimiter un passage inférieur à 4 m (fig. 10 et 10 bis). Quelques gros trous de poteaux indiquent vraisemblablement un système défendant l'entrée (portail, tour. .. ?). Les deux lignes parallèles qui encadrent l'entrée sont celles de l' « avenue » qui sera étudiée plus loin. Une deuxième enceinte, en aval (C 2), se réduit à un seul fossé, sans trace d'organisation défensive (fig. 11 et 11 bis). Deux branches approximativement rectilignes sont reliées par un angle arrondi de grand diamètre. Les courbes de niveau excluent l'hypothèse d'un fossé de drainage. À l'extrême sud du site, une troisième enceinte (C 3) peut être comparée à l'un de ces « enclos emboîtés » reconnus par Roger Agache dans la Somme (Agache, 1978, p. 130-146). À Lux, les fossés encadrent une aire centrale quadrangulaire (fig. 12 et 12 bis). Ils sont triples sur un des côtés, formant un long couloir d'accès en chicane, débouchant sur l'un des angles. Le quatrième côté a été détruit par des hangars, la route et un lotissement récent. Il devait être proche du méandre de la Tille. Ces indices sont d'autant plus nombreux qu'on se rapproche de la Tille. Ils sont rares entre les enceintes C I et C 2. Ils se distinguent mal des diaclases à l'ouest. Au centre, des trous de poteaux dessinent une structure oblongue. À l'intérieur de l'enceinte C 2 s'affichent des images de fosses, de trous de poteaux, de fossés apparemment désordonnés. Quelques alignements cependant révèlent des plans de maisons rectangulaires. D'autres suivent un tracé sinueux. Les plus denses sont rassemblées dans l'enclos à emboîtement, autour d'un petit bâtiment quadrangulaire à deux rangs internes de trous de poteaux. Au sud-est, quelques fosses allongées sont disposées en rayon autour d'un léger relief : est -ce une nécropole ? L'une des structures carrées serait‑elle une tombe aristocratique liée à la ferme indigène ? Au nord, une tache compacte, avec des bords polylobés, rappelle ces zones de prélèvement de matériaux utilisés pour édifier des tumulus de terre et de gravier (nécropole à enclos circulaires de Pluvet par exemple; Goguey, Szabó, 1995, p. 25, fig. 21). À Lux, il peut s'agir de la terre destinée aux parois en pisé des maisons à trous de poteaux, plus qu' à l'édification d'un rempart (fig. 13). L'élément le plus original du site est constitué par deux traces sensiblement rectilignes et parallèles décelées pour la première fois autour de la porte de l'enceinte Cl. Leur prolongement a été reconnu au sud jusqu' à l'intérieur de 1'enceinte C 2. Elles se poursuivent au nord où l'une est entamée par l'enclos circulaire d'un tumulus arasé. Elles bifurquent ensuite en direction du lieudit « Pertes de la Venelle » (fig. 14 et 14 bis). Peu avant le coude, un bâtiment rectangulaire à deux rangs de quatre trous de poteaux occupe une partie de l'avenue. La branche orientale contourne le site par le nord, l'autre, marquée par des surépaisseurs, par le sud. De quelle nature sont les limites de l'avenue ? Leur faible largeur fait penser à une palissade. Mais sa longueur totale - deux fois mille mètres environ - et la distance entre les portes et les Pertes de la Venelle - 500 m -, le volume de bois et le travail nécessaires rendent cette hypothèse peu vraisemblable. Les traces sont plutôt celles d'un fossé, accompagné d'un modeste talus fait de terre de rejet. Peut-être y avait-il, de place en place, de gros poteaux dont on aperçoit les trous. Dans ce cas cette avenue n'était qu'un jalon symbolique alors que sur les photographies aériennes, la liaison entre l'habitat et le gouffre est clairement visible. Les Pertes de la Venelle ont toujours été une des curiosités géologiques de la région. Ruisseau plus que rivière né au sud du Plateau de Langres, la Venelle débouche dans la plaine à Selongey et se dirige vers la Tille. À l'origine, elle aboutissait au lieudit des Pertes où elle s'infiltrait dans la roche diaclasée. Selon la pluviométrie, la rivière disparaissait complètement ou s'étendait en une zone marécageuse d'où elle inondait les champs de Lux. C'est pour mettre fin à cette situation qu'en 1968 la municipalité fit aménager le site. Le marécage fut « nettoyé » à l'explosif et à la pelleteuse, creusant un bassin artificiel et dégageant la roche, où trois puits furent mis au jour. Les spéléologues de la Société Spéléologique de Bourgogne et ceux du Spéléo-Club de Dijon en firent l'exploration, atteignant à 25 m de profondeur une salle naturelle de 2 x 4 m (Soc. Spéléologique de Bourgogne, 1970, p. 7; Spéléo-Club de Dijon, 1970, p. 55-56). Aucun objet, aucun ossement ne fut repéré. Des tests à la fluorescéine prouvèrent, deux jours plus tard, que les eaux de la Venelle coloraient celles de la Bèze dans les grottes de la résurgence. Actuellement une digue limite un premier bassin utilisé par les pêcheurs. Par grande sécheresse rien ne se déverse dans un bassin inférieur creusé dans le sable et on distingue l'entrée de deux cavités s'enfonçant dans la roche (fig. 15). En période pluvieuse (juillet 2007), les deux bassins sont remplis et on voit du sol un tourbillon à l'aplomb du gouffre (fig. 16). Qu'allaient faire à cet endroit les constructeurs de l'enceinte à palissade ? Et d'abord, à quelle période peut‑on rattacher leur activité ? Un élément de chronologie relative essentiel est fourni par la relation « avenue – tumulus ». Confuse sur certaines photographies, elle semble indubitable sur celles du 16 juillet 1975 après traitement numérique poussé : le fossé de l'enclos circulaire coupe le fossé de l'avenue. Celle -ci serait donc antérieure au Bronze-Hallstatt, datation la plus fréquemment retenue pour ce type d'enclos dans la région. L'hypothèse d'un ensemble néolithique peut-elle être proposée ? Elle est compatible avec le plan de la porte et le tracé de l'avenue. La palissade extérieure au fossé d'enceinte n'est pas courante, mais on la trouve dans la partie occidentale du camp néolithique d'Autun. À Charmoy dans l'Yonne, l'enceinte septentrionale ne comporte que des palissades (Delor et alii, 1988). Dans la Somme, le « camp de l' Étoile », découvert par Roger Agache, est divisé par une palissade interne curviligne (Agache, 1978, p. 83-88). Les fouilles menées par Bruno Bréart sur les entrées - et particulièrement sur l'entrée ouest - ont mis au jour la rigole d'une palissade se rabattant en forme d'entonnoir pour réduire le passage à 1,20 m (Bréart, 1984). En Angleterre et en Allemagne les enceintes néolithiques sont aussi d'une grande variété, dont on retrouve quelques caractères à Lux. La fonction de ces enceintes est encore mal définie. Lieu de rassemblement des troupeaux canalisés par l'entrée en entonnoir ? L'avenue reliant les Pertes de la Venelle au camp exclut cette possibilité à Lux, de même que celle de troupeaux allant boire si loin alors que le cours primitif de la Venelle passait dans le camp. Fonction cultuelle ? Cette hypothèse est la plus vraisemblable si une partie des multiples traces visibles à l'intérieur de l'enceinte C 2 correspond à des habitats néolithiques. L'avenue conduirait alors au lieu mythique que représenterait pour ces populations la disparition de la rivière dans les profondeurs de la terre : lieu exceptionnel, alors que les avens sont nombreux et fréquemment utilisés pour les sépultures dans les régions karstiques. C'est ainsi que la fouille du Gouffre d'Aurélie révéla, dans cette zone de Lux, des squelettes d'époques diverses, et en surface, un grand nombre de silex (pointes de flèches, lamelles, polissoirs, hache polie. ..) qui « s'insèrent dans un ensemble culturel nettement néolithique » (Joly, Ratel, 1954). Le dossier « Lux rive gauche » révèle avec précision les trois sites échelonnés le long de la Tille. En l'absence de données scientifiques sur le terrain, la photographie aérienne ne peut déterminer à elle seule leur chronologie : c'est le cas pour le village à trous de poteaux, probablement village protohistorique mais dont les maisons peuvent aussi correspondre à un habitat du haut Moyen Âge. La typologie et les indices de chronologie relative peuvent orienter vers des hypothèses de travail. La moins assurée est celle des enceintes curvilignes doubles, où l'on pourrait reconnaître des éléments de l' Âge du Bronze. La plus complexe concerne le site Pertes de la Venelle / Tille, où l'échelonnement dans le temps et dans l'espace est apparent. La relation avec le gouffre, le tracé de « l'Avenue » et l'architecture de la porte en sont les éléments les plus typiques. Malgré le caractère fragmentaire des enceintes, on voit que l'ensemble est accroché à la Tille, comme c'est le cas pour les « enclos emboîtés » de la ferme indigène. La richesse de la Tille en sites protohistoriques tout au long de son parcours est à souligner, avec une densité particulière aux Maillys, à son confluent avec la Saône. Elle n'est pas moindre à l'époque romano-celtique. Peut-être faut-il rechercher dans cette continuité l'étymologie de Lux, dont le nom aurait pérennisé la lointaine présence d'un bois sacré aux Pertes de la Venelle. Les fouilles nous apporteront-elles un jour leurs données sur cette zone Tille-Venelle dont nous n'avons que l'image ? En l'absence de grands projets de travaux publics, on peut en douter. Seules des campagnes concertées associant les données de la photographie aérienne à celles de prospections géophysiques, de prospections par détecteur de métaux et de sondages aboutiraient à une connaissance assurée du site. Mais l'exemple des Pertes de la Venelle illustre les menaces qui pèsent sur ces sols : on « aménage » un jour un cours d'eau et on détruit en profondeur un site vraisemblablement cultuel dont nous ne connaîtrons jamais les rites . | À Lux (Côte-d'Or), la photographie aérienne prouve que la rive gauche de la Tille fut le siège d'une intense activité depuis le Néolithique. Trois sites majeurs ont été déterminés de l'amont à l'aval: - une enceinte circulaire fossoyée doublée d'une enceinte curviligne sur fond de fosses et de trous de poteaux, - un village avec maisons à trous de poteaux et silos, - un vaste ensemble d'enceintes dont la plus ancienne est doublée d'une palissade externe: une porte clairement organisée est traversée par les fossés parallèles d'une « avenue » qui conduit aux Pertes de la Venelle, lieu de culte vraisemblablement néolithique. | archeologie_08-0202236_tei_360.xml |
termith-170-archeologie | Le Gravettien n'est connu en Auvergne que sur deux ou trois sites, ce qui est fort peu à l'échelle d'une région qui couvre plus de 26 000 km², soit 5 % du territoire français. L'Auvergne est une région dont les traits caractéristiques sont sa position centrale, entre Bassin parisien, Midi, Aquitaine et Bassin rhodanien, la présence de reliefs accusés, avec un bassin central (La Limagne) encadré par des moyennes montagnes culminant à 1 800 m et un climat assez rude. Le milieu environnant est peu favorable à la bonne conservation des sites préhistoriques. L'érosion, particulièrement active dans une région toute entière marquée par la rudesse du climat, l'ampleur des précipitations et l'importance des pentes, a eu un effet destructeur sur les habitats. Les cavités véritables sont très rares. Les témoins d'origine organique (ossements, pollens) sont rarement conservés. La présence des glaciers, l'activité volcanique tardiglaciaire et holocène dans certains secteurs ont contribué au démantèlement ou à l'enfouissement profond des sites würmiens. Ajoutons enfin que la recherche préhistorique a été moins active que dans d'autres régions. Les sites gravettiens et protomagdalénien connus actuellement en Auvergne sont, nous l'avons vu, au nombre de deux ou trois. Aucun gisement n'est actuellement recensé dans les départements de l'Allier et du Cantal, malgré quelques indices incertains (découverte de pièces lithiques isolées évoquant une présence gravettienne). Dans le département du Puy-de-Dôme, le seul site connu à ce jour est celui du Sire, sur la commune de Mirefleurs (Puy-de-Dôme), avec une séquence attribuable à une phase ancienne de cette civilisation. Enfin, le département de la Haute-Loire abrite deux gisements, dont l'un, Le Blot (Cerzat, Haute-Loire), a livré des niveaux attribuables au Gravettien moyen ou récent et au Protomagdalénien. Il convient de souligner que cette faible présence gravettienne n'est pas propre à la période considérée, mais s'étend à toute la partie ancienne et médiane du Paléolithique supérieur. L'Aurignacien est presque totalement absent, avec seulement quelques pièces figurant dans les séries des fouilles anciennes du site de Châtelperron (Allier; Delporte et al. 1999). Quant au Solutréen, il est inconnu dans la région. Beaucoup d'auteurs ont attribué ces carences à la rudesse du climat auvergnat qui aurait créé un environnement naturel peu attirant, voire carrément inaccessible pour l'homme, alors même qu'Aurignacien, Gravettien et Solutréen sont assez bien représentés dans les régions périphériques (Corrèze, sud du Bassin parisien, Ardèche, Bourgogne…), y compris par des grottes ornées. Nous discuterons de cette hypothèse dans la conclusion. Découvert en 1969 par Pierre Daniel, à l'occasion de travaux agricoles, le site avait d'abord été attribué au Magdalénien supérieur. A la suite de la reprise des recherches, à partir de 2000, sous notre direction, la datation et l'intérêt du gisement ont pu être reconsidérés. Le gisement s'étend sur le versant d'une petite butte calcaire dominant la vallée de l'Allier, au pied des escarpements formés par la coulée de la Roche-Noire (d' âge pliocène), sur un substrat marno-calcaire d' âge oligocène supérieur (fig. 1). La situation géographique semble particulièrement propice à une installation : exposition au midi, proximité des escarpements rocheux, large vue sur la vallée de l'Allier qui est un axe de circulation naturel, proximité des affleurements carbonatés d' âge oligocène offrant d'abondantes ressources en silex (Surmely 1998; Dufresne 1999) et de sources minérales salées (Surmely 2004). Ce secteur de la moyenne vallée de l'Allier a d'ailleurs été intensément fréquenté au cours du Paléolithique supérieur et de l'Epipaléolithique, comme le montre la forte densité de gisements connus dans un rayon de quelques kilomètres (Surmely et al. 2003). Enfin, en contrebas du site, sur la même commune, se trouve un très important gisement moustérien, les Chausses, dont la datation pourrait être placée aux environs de 37 000 BP (Pasty et al. soumis). Photo F. Surmely. De 2000 à 2002, les opérations se sont limitées à des sondages, destinés à caractériser le site. À partir de 2003, les investigations ont été orientées vers un décapage d'une surface d'environ 60 m². Les sondages, même s'ils n'ont pas permis de reconnaître les limites précises du site, montrent que son extension dépasse les 5 000 m². Le site a été affecté par des remaniements d' âge moderne, liés à la mise en culture en terrasses du versant qui ont bouleversé les niveaux sommitaux. La plasticité des sédiments marno-calcaires et la pente affectant le gisement ont favorisé la dispersion verticale des artefacts archéologiques. La base des niveaux archéologiques n'a pas été atteinte à ce jour. Les opérations réalisées, à l'issue de la campagne de 2005, montrent la présence de deux niveaux archéologiques, enveloppés dans des colluvions argilo-limoneuses contenant de nombreux blocs issus du démantèlement de la coulée basaltique sommitale. Dans certains secteurs, les deux niveaux sont difficilement différenciables. Il faudra attendre la suite des recherches pour préciser les choses et opérer des distinctions plus tranchées. Faute de sondages profonds, l'existence éventuelle de couches archéologiques sous-jacentes n'a pu être vérifiée, mais reste très probable. Une étude micromorphologique préliminaire a été effectuée par J.-P. Texier. Une seconde étude est en cours (C. Ballut). Les investigations n'ont pas permis de mettre en évidence des structures nettes, en dehors de zones rubéfiées indiquant des foyers altérés par l'érosion. Une étude est en cours sur la répartition spatiale des vestiges. On note l'existence d'amas de vestiges, principalement osseux, évoquant par endroits le célèbre « magma » d'ossements de Solutré. Les datations, au nombre de 15 (dont trois n'ont pas donné de résultat) ont été faites par AMS, sur ossements animaux. Cinq laboratoires sont intervenus : Waïkato (Nouvelle-Zélande), Oxford (Angleterre), Beta Analytic, Tucson (Etats-Unis d'Amérique) et Poznan (Pologne). Les datations, qui s'échelonnent de 27 300 à 31 305 BP se répartissent en deux groupes : 27 000 / 28 000 BP pour le niveau supérieur et 30 000 / 31 000 BP pour le niveau inférieur. Bien qu'anciennes, elles confirment le diagnostic typo-technologique en rattachant l'ensemble du site au Gravettien ancien. Si l'on admet le schéma actuel de variabilité climatique du Paléolithique supérieur élaboré par Heinrich, ces datations placent l'occupation du site dans une période située en dehors des phases de péjoration climatique d'Heinrich 4 et Heinrich 3 (Heinrich 1988; d'Errico et al. 2001). Cette hypothèse reste toutefois à confirmer par les avancées récentes de la paléoclimatologie du dernier épisode glaciaire et les problèmes induits par la faible résolution des datations radiocarbone pour les âges antérieurs à 20 000 BP (Zilhao et d'Errico 2003; Fontugne 2004; Mellars 2004). Ces datations placent, sans conteste, l'occupation du site dans une plage chronologique très ancienne pour le Gravettien. Les matières premières lithiques présentent des caractéristiques qui semblent communes à l'ensemble des sites du Paléolithique supérieur de la partie centrale du Val d'Allier (Surmely et Pasty 2003), à savoir la domination, en proportion (90 % du total de l'industrie lithique, en poids), des silex locaux (silex intraformationnels tertiaires de l'Oligocène supérieur), l'existence de quelques rares silex régionaux (brèches filoniennes silicifiées du secteur de Madriat, Puy-de-Dôme) et la présence de silex d'origine lointaine, avec, dans l'ordre décroissant d'importance, les silex de la craie du Turonien inférieur du Berry (fig. 2), les silex de l'Infralias (Hettangien) provenant très probablement du secteur de Saint-Jeanvrin (Cher; étude en cours M. Piboule) et les calcarénites silicifiées du Turonien supérieur du secteur du Grand-Pressigny. Les occupants du site ont donc eu recours à des sources d'approvisionnement variées. Photo F. Surmely Malgré des stratégies d'exploitation bien distinctes, les trois grandes catégories de matières premières (silex crétacé du Turonien inférieur du Berry, silex tertiaire local et silex de l'Infralias de Saint-Jeanvrin) semblent avoir été utilisées de façon indifférenciée pour le façonnage des divers types d'outils. Tout juste peut-on observer une légère préférence des silex tertiaires pour la production d'armatures microlithiques et à l'inverse des silex turoniens pour les pièces esquillées. Bien évidemment, d'autres paramètres nous restent inconnus (utilisation de certaines pièces par certains types d'individus du groupe humain, valeur supérieure de certaines pièces, selon des critères que nous ne pouvons mettre en évidence…) et rendent une conclusion définitive impossible. Mais l'on peut dire que rien, selon les critères pris en compte, ne permet d'affirmer que les silex allochtones avaient une valeur fonctionnelle supérieure à celle des silex tertiaires locaux que les gravettiens avaient quasiment sous leurs pieds. La même étude conduite sur les corpus d'autres gisements du Paléolithique supérieur du Massif central (Le Blot, Le Pont-de-Longues, Thônes, Le Cheix, Béraud, la Bade de Collandres…) aboutit au même constat (Surmely sous presse). La justification de l'importation de silex d'origine lointaine nous semble donc à chercher en dehors du domaine purement technique, comme nous l'avions déjà supposé (Surmely et Pasty 2003). A l'évidence, ce recours à des matières premières allochtones, à la fois précieuses, belles et bien différenciées par la couleur des matériaux locaux, pourrait répondre à un désir de prestige social, en tous points comparable à celui qui présidait à l'utilisation d'éléments rares pour la parure (Vanhaeren et d'Errico 2003). Les considérations qui suivent sont basées sur l'étude préliminaire du niveau supérieur, le niveau inférieur n'ayant été à ce jour reconnu que sur une assez faible surface. Il faudra attendre les remontages et les études technologiques détaillées, en comparant les chaînes opératoires mises en œuvre sur les différents types de matières premières. Nous donnons donc ici un aperçu rapide des observations préliminaires. De prime abord, on observe peu de différences entre les deux niveaux, ce qui confirme les indications données par les datations 14 C sur le rattachement des deux occupations à une même phase culturelle. L'industrie lithique est caractérisée par la recherche d'un débitage laminaire et lamellaire de qualité (fig. 3), à partir de nucléus principalement unipolaires, mais aussi bipolaires, avec l'utilisation de percuteurs tendres pour le débitage des supports allongés. Les préparations se cantonnent en une abrasion de la corniche et les talons en éperon sont très rares. Dessins Ph. Alix. Drawings Ph. Alix. Les plaquettes de silex tertiaire, apportées sur le site à l'état presque brut (fig. 4-1), sont travaillées par façonnage de crêtes sur la tranche et un débitage dans le sens du litage naturel de la roche siliceuse, avec beaucoup de lames à trois pans à section légèrement dissymétrique. Cela constitue un mode habituel, pour le Paléolithique supérieur, d'exploitation des plaquettes de silex tertiaires. Dessins Ph. Alix. Drawings Ph. Alix. Le silex crétacé d'importation est arrivé sur le gisement à l'état de nucléus préformés, façonnés dans des rognons allongés et cylindriques, voire quelquefois sous forme de supports. Les lames à deux pans dominent. Il n'y a pas de chaîne opératoire de fabrication d'armatures à partir de chutes de burin du type du Raysse (Klaric 1999). Les lamelles semblent avoir été extraites de véritables nucléus à lamelles, dont certains exemplaires sont parvenus jusqu' à nous. La question de la continuité éventuelle entre production de lames et de lamelles, n'a pas été éclaircie à ce jour. Les outils sont représentés surtout par les armatures microlithiques (43 % de l'outillage total), parmi lesquelles dominent largement les pointes à dos de type microgravette (fig. 5) (Hays et Surmely 2005). Il faut rappeler que le tamisage exhaustif à l'eau des sédiments, à l'aide de tamis à maille fine, a permis une collecte exhaustive des microlithes. Les lames retouchées arrivent en seconde position (22 %), suivies par les grattoirs (13 %), les burins (9 %) et les pièces esquillées (5 %) (fig. 6). On trouve enfin, en petit nombre, des perçoirs et becs, des outils mixtes, des éclats retouchés. Il est à noter la découverte de plusieurs lames appointées typologiquement très proches de celles du Protomagdalénien (cf. infra). Les pointes de La Gravette sont assez peu abondantes (3 %). On constate également la présence d'une pointe de La Font-Robert et d'une fléchette (fig. 2-1 et 2-3). Dans le niveau inférieur, les armatures semblent moins abondantes, avec un plus grand nombre de burins, dont la proportion atteint celle des grattoirs. Dessins Ph. Alix. Drawings Ph. Alix. Dessins Ph. Alix. Drawings Ph. Alix. L'outillage lithique du niveau supérieur du Sire présente ainsi un profil typologique tout à fait comparable à celui des autres gisements du Gravettien ancien d'Europe et notamment du site de Geissenklosterle (Hahn 1993), avec comme critères caractéristiques l'abondance des microgravettes, la présence beaucoup plus discrète des pièces esquillées, Font-Robert, fléchettes et l'absence totale de burins de Noailles. Plus près de nous, le site se rapproche également de celui de la Vigne Brun (Loire; Digan 2001) et du niveau 5 de l'Abri Pataud (Leoz 2001). Une étude tracéologique a été conduite sur les microgravettes, afin de préciser leur rôle fonctionnel. Les arguments ont été développés dans un autre article (Hays et Surmely 2005). Malgré le petit nombre de pièces étudiées (37), il apparaît que toutes les microgravettes portant des traces d'utilisation ont été utilisées comme pointes de projectile. Leur poids et surtout leurs dimensions ne peuvent correspondre qu' à un projectile de type flèche d'arc, ce qui recule l'utilisation de cette arme dans le temps, comme l'avaient supposé plusieurs chercheurs. Les restes de faune sont très abondants, puisqu'ils représentent près de 70 % des vestiges cotés lors de la fouille. Comme nous l'avons dit, ils forment par endroits de véritables amas. Le Cheval correspond à l'espèce dominante dans l'ensemble des secteurs fouillés. Sa fréquence varie cependant d'un niveau à l'autre. Il domine très largement (plus de 90 %) dans le niveau supérieur. Il est moins bien représenté dans le niveau inférieur (60 % environ), au profit du Renne. L'abondance des restes de loups (10 %) qui proviennent d'au moins trois individus, est également remarquable dans cette dernière couche. On note l'absence complète de restes de petits animaux, terrestres et aquatiques, ce qui peut être imputé, en première analyse, à un problème de conservation. En ce qui concerne les profils squelettiques, les nombres minimums d'éléments n'ont pas encore été calculés. Cependant, d'après D. Grayson et de C. Frey (en prép.), il semble que les profils squelettiques obtenus sur la base des nombres minimums d'éléments (NME) soient très proches de ceux établis à partir des nombre de restes NRD). En procédant de la sorte, il apparaît, dans les deux niveaux considérés, une nette sous-représentation du squelette axial post-crânien et des os courts. Les éléments les plus abondants sont les métapodes et, dans une moindre mesure, le tibia. La faible représentation des os courts pourrait résulter du mode de calcul utilisé. En effet, contrairement au NME, le NRD ne permet pas de prendre en compte des taux de fragmentation différentiels selon les ossements or, les os courts sont souvent complets alors que les os longs sont retrouvés sous forme de fragments. Par ailleurs, les attaques corrosives observées sur certaines pièces pourraient être à l'origine de la disparition d'une partie de ces éléments qui sont riches en tissu spongieux donc plus susceptibles de destruction. La présence de vertèbres particulièrement bien conservées ne permet pas pour autant d'exclure un problème de conservation différentielle : certaines pièces pourraient en effet avoir subi une forte attaque corrosive qui serait à l'origine de leur disparition. En ce qui concerne les os des membres, les éléments riches en viande, scapula, humérus, os coxal et fémur, sont peu abondants. Les données relatives au traitement des carcasses sont limitées en raison de la mauvaise conservation des surfaces osseuses qui empêche la lecture des stries de boucherie. La présence de nombreux os longs entiers montre cependant une exploitation peu intensive des carcasses. Malgré la très grande abondance des ossements brûlés, l'hypothèse d'une utilisation de l'os comme combustible reste à confirmer par une étude détaillée des résidus osseux issus des combustions (Costamagno et al. 2005; Théry-Parisot et Costamagno sous presse). Le site se caractérise par l'absence totale d'industrie osseuse. Cette caractéristique pourrait s'expliquer, en première analyse, par la domination du Cheval dans la faune chassée, ce qui aurait induit une faible disponibilité en bois de cervidés et le remplacement de l'industrie osseuse habituelle par des pièces lithiques. Les objets d'art et de parure sont rares et se limitent à un crache de cerf perforé (étude en cours F. d'Ericco), un fragment de pendeloque circulaire doté d'incisions périphériques, un morceau d'hématite présentant des stries et un petit fragment osseux portant des stries volontaires. Il est à noter enfin que des poches de sédiment ocré ont été retrouvées dans les deux niveaux. Ces résultats permettent de formuler un certain nombre d'hypothèses provisoires quant à la fonction du site et sa place au sein du cycle saisonnier des groupes humains ayant occupés le Sire. Le choix de l'emplacement du campement, sur le versant d'une colline offrant une large vue sur la vallée de l'Allier, ne semble pas fortuit. L'hypothèse d'un site d'abattage peut être exclu en raison de l'abondance de l'outillage lithique, mais également de la mise en évidence d'importantes activités de boucherie sur les carcasses. Un site de boucherie primaire au sens strict peut également être rejeté. En effet, la présence de foyers associés à des os brûlés et la mise en évidence d'une consommation sur le gisement d'au moins une partie des ressources fournies par les animaux abattus témoignent d'un site occupé pendant un certain laps de temps ce qui va à l'encontre de la définition généralement retenue pour un site de boucherie stricto sensu. Le gisement pourrait donc correspondre soit à une halte de chasse occupée durant quelques jours dans le but de traiter les carcasses de chevaux abattus à proximité du site et de transporter les ressources alimentaires (ou d'autres ressources comme la peau) ainsi obtenues sur un autre gisement, soit à un camp résidentiel occupé durant un laps de temps relativement long où l'ensemble des ressources alimentaires était consommé sur place. L'introduction d'ossements qui ne sont pas exploités ensuite (présence de nombreux os longs entiers) témoigne de sites d'abattage relativement proches du gisement. Si cette proximité des sites d'abattage va dans le sens d'une halte de chasse, elle ne permet pas d'exclure l'hypothèse d'un camp résidentiel dont l'emplacement aurait été choisi en raison, justement, de son faible éloignement des territoires de chasse. L'absence des parties nutritivement les plus riches sur le site est un argument fort en faveur d'une halte de chasse. L'abondance des armatures semble également étayer l'hypothèse d'occupations de durées relativement courtes, ciblées sur la chasse aux chevaux : l'étendue du gisement témoignerait alors de présences récurrentes au fil des ans. Cependant, la surface fouillée à ce jour, par rapport à l'extension totale du site ne permet pas de rendre compte d'une éventuelle segmentation des activités dans l'espace. Ainsi, les ossements charnus pourraient être présents sur le site mais dans une zone non fouillée, ce qui serait alors l'indication d'un camp résidentiel et non plus d'une halte de chasse. Les datations placent sans conteste l'occupation du site dans une plage chronologique très ancienne pour le Gravettien. Elles figurent même parmi les plus anciennes obtenues en Europe pour le Gravettien. Cela amène à des conclusions de portée extra-régionale. Le Gravettien ne peut plus être défini comme une culture née en Europe orientale ou centrale. L'hypothèse d'un foyer oriental du Gravettien, voire d'un « couloir du Danube », doit être réfutée ou, du moins, discutée selon des critères autres que ceux du carbone 14 (compte tenu des incertitudes de la calibration évoquées plus haut). Il faut aussi réviser l'idée selon laquelle le Gravettien serait apparu vers 28 000 BP (Djinjian et al. 1999). Même si le gisement du Sire peut apparaître comme isolé dans cette plage chronologique à ce jour, il faut prendre en considération, d'abord que les gisements du Gravettien ancien ne sont pas nombreux en France et que les principales occupations pouvant s'y raccorder (La Vigne Brun; Abri Pataud, couche 5; certains niveaux de Solutré) ont livré des dates paraissant douteuses qui demanderaient à être vérifiées par de nouvelles mesures par AMS. Par ailleurs, ces datations sont très proches de celles obtenues pour les grands sanctuaires artistiques de la grotte Chauvet (France) et du Hölhenstein-Stadel (niv. IV), du Vogelherd et de Geissenklosterle II (Allemagne; Hahn 1993; Djinjian et al. 1999). L'attribution traditionnelle de ces sites à l'Aurignacien II, qui repose essentiellement sur les données radiocarbones, serait peut-être à revoir, notamment pour la grotte Chauvet. Le site du Blot, sur la commune de Cerzat (Haute-Loire), est situé au pied d'un grand escarpement basaltique, en bordure de la rivière Allier (fig. 7), à une altitude de 630 m (Virmont 1981; Bosselin 1992). Découvert en 1934, il fut sondé par J. Combier en 1956, puis fouillé de 1964 à 1984 par H. Delporte, assisté de J.-P. Daugas et J. Virmont. Trois locus, baptisés « chantiers 1, 2 et 3 » ont fait l'objet de fouilles. Le remplissage, caractérisé par des mélanges d'éléments détritiques de toutes tailles issus de l'altération de la coulée basaltique sus-jacente, d'apports alluvionnaires dus à des crues de la rivière et de colluvions argileuses (Marguerie 1982; Bosselin 1992), est d'une grande complexité, rendant le découpage stratigraphique d'une rare difficulté. La base des niveaux archéologiques n'a pas été atteinte, les fouilles ayant été stoppées par la nappe phréatique. Photo F. Surmely. Il faut souligner la qualité des travaux de terrain, avec un relevé minutieux des vestiges et un tamisage à l'eau des sédiments, qui explique en grande partie l'abondance des microlithes. Le Gravettien et le Protomagdalénien ont été reconnus dans le « chantier 3 ». Le Gravettien est représenté par les couches 37 à 52 du chantier 3, correspondant « à une succession d'occupations restreintes et discontinues, au nombre minimum de 7 à 8 » (Virmont 1981). D. Buisson parle de « quatre couches majeures regroupant la vingtaine de niveaux reconnus à la fouille », même si son étude est basée ensuite sur la prise en considération de trois « ensembles » (Buisson 1991). Enfin J.-P. Daugas a proposé un schéma de deux grandes phases d'occupations, séparées par un épisode stérile, composées d'une part, des couches 37 à 40 et 42 à 52, d'autre part. Le niveau 39 est de loin le plus riche, puisqu'il regroupe la moitié des outils découverts dans toute la séquence périgordienne. Ces chercheurs s'accordent à souligner la relative pauvreté en vestiges des différents niveaux et leur ressemblance, ce qui impliquerait des occupations assez brèves et proches dans le temps. La couche 39 avait fait l'objet de deux datations 14 C,réalisées par la méthode classique : 21 700 BP ± 1200 (Ly-564) et 21 500 ± 700 (Ly-565) (Virmont 1981). Tout récemment, de nouvelles datations ont été effectuées par AMS : 24 640 ± 120 (GRA-17336) pour le niveau 39, 22 210 ± 150 (GRA-17217) pour le niveau 42 et 24 610 ± 200 (GRA-17218) pour le niveau 48 (Klaric 2003). Ces nouvelles mesures donnent un âge plus ancien à la séquence malgré les incertitudes liées à la calibration imprécise pour cette période. Sur le plan des matières premières, aucune étude détaillée n'a été réalisée à ce jour. Les différents chercheurs ayant examiné les séries témoignent de la présence de silex allochtones, mais sans en donner les proportions. Celles -ci semblent plus réduites que dans les niveaux protomagdaléniens. J. Virmont mentionne aussi la présence de silex tertiaire de Limagne. Du point de vue typologique, il faut se référer aux études de D. Buisson et B. Bosselin. 455 outils ont été décomptés sur l'ensemble des niveaux, dont 242 pour les seuls niveaux 39. Les armatures microlithiques représentent 77 % avec 50 % de lamelles à dos et 27 % de microgravettes (Bosselin 1992). Le second groupe est celui des burins (15,4 %) dont certains exemplaires rappellent les burins de Noailles. Les grattoirs sont presque totalement absents. Des variations s'observent selon les niveaux, avec une tendance allant à la diminution des microlithes du bas vers le haut de la série. L'étude typotechnologique a été réalisée récemment par L. Klaric qui a identifié une production de lamelles à partir de lames épaisses. Laure Fontana a étudié la faune, les résultats restant encore inédits. L'outillage osseux est très réduit. Les objets de parure se réduisent à quatre perles et pendeloques en ivoire et en pierre (c. 39) et un galet orné de figurations animales. Tous les auteurs attribuent, avec prudence, l'intégralité de la séquence à une phase récente du Gravettien. Les arguments présentés sont les suivants : premières datations 14 C et présence de lames appointées évoquant le Protomagdalénien sus-jacent (Virmont 1981; Buisson 1991), absence de burins du Raysse et présence de lames-nucléus (Klaric 2003). Nous avons vu que la fiabilité des premières dates a été mise en doute par la réalisation de mesures récentes par AMS, qui indiqueraient des âges plus anciens. Les points communs entre les deux séquences gravettiennes et protomagdaléniennes, à savoir l'abondance des microlithes et la présence de lames appointées, peuvent s'expliquer d'une part, en partie au moins, par la mise en œuvre d'un tamisage à l'eau et d'autre part, en raison de problèmes stratigraphiques. La grotte de Tâtevin, située sur la commune de Chanteuges (Haute-Loire) s'ouvre sur le flanc sud-ouest d'un long escarpement basaltique orienté sud-ouest (Virmont 1981). Elle domine l'Allier d'environ 30 m. Découverte et sondée anciennement, le site a fait l'objet de deux campagnes de fouilles en 1971 et 1973, sous la conduite de J. Virmont. L'industrie lithique se caractérise par l'abondance des burins (plus d'un tiers de l'outillage), la présence des grattoirs (15 %) et des pièces à dos, parmi lesquelles figure une pointe de La Gravette. Malgré les différences par rapport aux séries du Blot, J. Virmont attribue le mobilier au Gravettien. Toutefois, ce diagnostic a été contesté par D. Buisson, qui penchait plutôt pour un rattachement au Protomagdalénien (Buisson 1991). Le Protomagdalénien est une culture encore peu connue et sa présence en Auvergne mérite assurément un développement. Caractérisé à Laugerie-Haute (Peyrony 1938), le Protomagdalénien (ou Périgordien VII, cf. infra) se distingue aussi des autres cultures du Paléolithique supérieur par sa rareté. Il n'a en effet été identifié clairement à ce jour que dans quatre gisements français : Laugerie-Haute-Est c. F, 36 et 38, Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne; Peyrony 1938; Bordes 1978; Bordes et Sonneville-Bordes 1966; Sonneville-Bordes 1960; Demars 1994), Pataud c. 2 (Bosselin 1992; Clay 1995; Kong-Cho 1997), Le Blot (Cerzat, Haute-Loire; Delporte 1976; Bosselin 1992 et 1997) et Les Peyrugues (Cabrerets, Lot; fouille M. Allard). Sa datation semble à placer autour de 20 000 BP, d'après les datations 14 C. Aucune datation n'est disponible à ce jour pour les niveaux protomagdaléniens du Blot. Le Protomagdalénien se rencontre dans les niveaux 22 à 34 du « Chantier 3 ». Comme pour le Gravettien, le découpage stratigraphique est d'une grande complexité, renforcé en cela par un changement de dénomination des couches en cours de fouille. La séquence protomagdalénienne est séparée des niveaux gravettiens d'une part et badegouliens d'autre part par des couches stériles, ce qui n'exclut toutefois pas des mélanges dus à la nature hétérogène du remplissage de l'abri. J.-P. Daugas a proposé récemment un découpage de la séquence en trois phases d'occupation : phase 2 inf., phase 2 sup. et phase 3. Le nombre exact de niveaux d'occupation reste indéterminé. Un aménagement de gros blocs issus de l'altération du surplomb a pu être mis en évidence dans la phase 2 sup. H. Delporte et J. Virmont ont cru voir une « cabane » de 8 à 10 m de long pour quatre de large. B. Bosselin semble plus prudent quant à l'interprétation (Bosselin 1992). Les « structures » présumées ont fait l'objet de multiples réaménagements au cours du temps, jusqu'au début de la « phase » 3. Les vestiges organiques d'origine animale ont été étudiés récemment par F.-X. Chauvière et L. Fontana (Chauvière et Fontana sous presse 1 et 2). Le Renne constitue l'essentiel de la faune chassée (88 % des 2 011 restes de faune). Les animaux semblent avoir été tous abattus entre les mois de mai et de septembre. Les carcasses ont été apportées entières sur le site. Aucune différence significative n'a pu être observée entre les différents niveaux. vindt-sept objets d'art et de parure, dont des poinçons et des perles en ivoire, ont été découverts mais aucun élément de projectile en matière animale n'a été retrouvé. Elle n'est pas très abondante, compte tenu de l'existence de nombreux niveaux. Les séries protomagdaléniennes se caractérisent par la prépondérance quasi-exclusive des matières premières allochtones. Ce constat avait été effectué par A. Masson (Masson 1981, 1983 et 1986). Nos propres travaux, sur la base des études microfaciologiques de J.-C. Foucher (Université de Reims) et P. Barrier (IGAL) ont permis d'en confirmer l'exactitude, parfois de l'affiner et de le compléter par un décompte effectué sur la base du poids et non seulement du nombre de pièces. Le type majoritaire, (52 à 60 % des matières premières, en poids, selon les niveaux) est représenté par les silex bien connus des calcarénites du Turonien supérieur du secteur du Grand-Pressigny (type 23 d'A. Masson; Giot et al. 1986; Aubry 1991). On retrouve au Blot les variations de couleur et de texture connues sur les gîtes primaires (fig. 8 à 11). Photo F. Surmely. Remontage J.-F. Pasty, photo F. Surmely. Refitting J.-F. Pasty, photo F. Surmely. Remontage et photo J.-F. Pasty. Refitting and photo J.-F. Pasty. Remontage et photo J.-F. Pasty. Refitting and photo J.-F. Pasty. Le second type, en importance (27 à 43 % du poids total), est formé par les silex de la craie du Turonien inférieur. Deux sous-variétés se rencontrent : la plus abondante est de teinte blond-gris clair (type 07 d'A. Masson; Masson 1981). Mais il existe aussi une sous-variété de teinte grise ou noire, également translucide Masson 1981; Surmely et al. 1998). Cette attribution a été confirmée par un examen en lame mince effectué par J.-C. Foucher et nous -mêmes, sur la base de l'identification des dinoflagellés et acritaches (Foucher 1979; Surmely et al. 2002). L'origine géographique est évidemment plus difficile à déterminer, ce type de silex étant présent sur la bordure sud et est du Bassin parisien et notamment en Berry (canton de Saint-Aignan, Loir-et-Cher), en Champagne (secteur d'Estissac, Aube) et en Gâtinais (Loiret), le Berry étant le plus proche du gisement du Blot. Des études géochimiques ont permis de confirmer ce rapprochement, sans toutefois apporter de preuves formelles (Gervais 2001). Des études complémentaires sont en cours par l'un d'entre nous (FS). Un ensemble de matériaux qui représente 5 à 13 % de l'approvisionnement regroupe des silex issus de formations marines du Crétacé, dont l'origine est à chercher sans doute dans le sud du Bassin parisien et, dans une très faible proportion, un matériau de teinte orangé à marron, souvent bariolée, qui évoque le silex de l'Infralias du secteur de Saint-Jeanvrin (Cher). Enfin, il faut signaler la présence, dans le niveau 2 supérieur seulement, de quelques pièces en silex tertiaire, de couleur gris clair et à texture homogène. Sur la base d'analyses fondées notamment sur la géochimie, N. Dufresne a pu montrer que ces silex tertiaires ne correspondent pas aux matériaux d'aspect semblable que l'on peut trouver dans les bassins sédimentaires tertiaires d'Auvergne (Dufresne 1999). Comme l'avait déjà supposé A. Masson, il s'agit très vraisemblablement de matériaux provenant de régions extérieures. Une étude géochimique comparative (Giez 2001) n'a pas permis de faire le rapprochement avec les silex tertiaires du sud (Irribaria 1992) et du centre du Bassin parisien (Mauger 1985). L'origine géographique de ces matériaux, qui sont beaucoup plus abondants dans les niveaux magdaléniens du même site (étude en cours, F. Surmely), reste donc à déterminer. Il n'y a pas de silex tertiaire de Limagne, malgré ce qui a pu être indiqué parfois (Bosselin 1992). En conclusion, il faut donc souligner que la totalité des matériaux utilisés par les protomagdaléniens du Blot sont, sans contestation possible, d'origine étrangère à la région. Cela est d'ailleurs confirmé par la gestion particulière de l'approvisionnement, qui est typique de roches d'origine lointaine. Ce recours exclusif aux silex allochtones s'explique assurément par l'absence de bons matériaux locaux (Surmely 1998; recherches en cours de P. Fernandes et J.-P. Raynal). Il est à noter enfin que les silex tertiaires de Limagne sont totalement absents des séries protomagdaléniennes du Blot. Il est difficile d'établir des comparaisons interrégionales, vu le très faible nombre de sites de la première moitié du paléolithique supérieur. Observons toutefois que le gisement du Blot se singularise par la très forte proportion des silex attribués au secteur du Grand-Pressigny. Les décomptes technologiques des différents niveaux suffisent à mettre en évidence l'un des deux traits marquants des séries lithiques qui est le fractionnement des chaînes opératoires. En amont, la sous-représentation des produits corticaux montre que les blocs sont parvenus dans le gisement principalement sous la forme de modules déjà partiellement décortiqués. Cela est particulièrement marqué pour le silex blond de la craie. En effet, dans ce matériau, les éclats de décorticage sont rares et représentés presque exclusivement par des pièces où le cortex n'offre qu'une plage très réduite. Les lames à crête sont également presque absentes. Dans certains cas (silex tertiaire allochtone et certaines catégories de silex marins d'origine non déterminée), le silex est arrivé à l'état de support déjà débité, voire même d'outils déjà façonnés. Cela est caractéristique de chaînes opératoires des gisements où la matière première était importée, à grande distance (comme par exemple sur la plupart des gisements du Paléolithique supérieur d'Auvergne; Bracco 1992 et 1996; Surmely 1998). Ce phénomène est à rapprocher de la circulation de nucléus prêts à débiter durant le Magdalénien (Morala 1999; Surmely et al. 2002). Pour le silex pressignien, on observe toutefois quelques cas d'importation de blocs bruts qui ont été exploités sur place (fig. 9). Les deux remontages principaux, qui intègrent respectivement 63 et 31 pièces, concernent ce matériau (fig. 9 à 11). Le second caractère marquant des chaînes opératoires lithiques du Protomagdalénien du Blot est la gestion rigoureuse de la matière première, qui s'explique aussi par l'éloignement des sources d'approvisionnement. On constate en effet que les outils ont été ravivés, souvent plusieurs fois (fig. 12 et 13). Nous reviendrons par la suite, dans le paragraphe consacré à la typologie, sur l'incidence de ces transformations. Dans le même ordre d'idée, il faut signaler l'emport, hors du gisement, des éléments récupérables, et notamment des nucléus. Les niveaux protomagdaléniens n'ont en effet livré que deux petits nucléus en silex de la craie, dont un réutilisé en petit abraseur. On pourrait bien évidemment objecter que ces pièces ont pu être plus simplement rejetées hors de la partie centrale de l'abri, mais cette hypothèse est contredite par le fait que cette absence de nucléus est commune à l'ensemble des gisements du Paléolithique supérieur de la moyenne montagne auvergnate que nous avons pu étudier (Surmely 1998; Surmely 2000). A l'évidence, les hommes, lors de leur départ du gisement, ont emporté avec eux les produits encore utilisables, parmi lesquels figuraient les nucléus. Pour nous, ce comportement est à mettre en relation avec la mobilité des groupes humains et une gestion rigoureuse de matières premières d'origine éloignée. Dessins Ph. Alix. Drawings Ph. Alix. Dessins Ph. Alix. Drawings Ph. Alix. Cette récupération concerne également d'autres pièces, comme des outils et des lames brutes. Il existe en effet un déficit sensible de produits laminaires, par rapport à ce qui a pu être débité sur place. Pourtant, et c'est là où le Blot se distingue nettement des autres gisements de la moyenne montagne auvergnate et notamment du gisement voisin de Béraud (attribué à l'Epipaléolithique ancien, Surmely et al. sous presse), ce souci de récupération n'est pas systématique. Les fouilles ont permis en effet de mettre au jour des pièces entières, qui paraissent encore tout à fait utilisables ou transformables. L'exemple le plus frappant est la lame appointée de 18 cm de long, réalisée dans du silex pressignien (fig. 8-3). Considérant les comportements évoqués plus haut et le haut degré de ravivage de la majorité des outils, on peut s'étonner de l'abandon sur place d'une telle pièce. Plusieurs réponses peuvent être apportées à cette interrogation, parmi lesquelles l'hypothèse de comportements « cultuels », échappant à la simple logique rationaliste ou bien celle d'une réserve pour un séjour ultérieur qui n'eût jamais lieu. La production lithique a été incontestablement tournée vers la réalisation de grandes lames, souvent assez robustes et peu arquées, même si la fragmentation de celles -ci et leur transformation en outils nous empêchent de donner des chiffres précis pour ce qui est de la longueur. Il s'agit là d'un trait marquant du Protomagdalénien (Peyrony 1938), et qui se retrouve de façon très nette dans les autres gisements, tels que Pataud ou Laugerie-Haute (Bosselin 1992 et 1997; Bordes 1978; Clay 1995; Delporte 1972; Demars 1994; Kong-Cho 1997; Peyrony 1938). Cette culture de la grande lame distingue nettement le Protomagdalénien des faciès culturels qui l'ont immédiatement précédé ou suivi. C'est le cas notamment au Blot et à Laugerie-Haute-Est (Demars 1994). On peut penser que c'est cette finalité de débitage de grande taille qui a induit le recours à des matières premières allochtones propices à cet usage. En l'absence de remontages significatifs et de nucléus, il est difficile de reconstituer précisément les processus opératoires. Ceux -ci semblent être voisins des autres faciès culturels à grandes lames, comme le magdalénien évolué, avec Étiolles et les Tarterêts comme références principales. L'examen des négatifs d'enlèvement sur les lames montre nettement que le débitage unipolaire a été privilégié, le bipolaire étant apparemment réduit le plus souvent à une fonction marginale de rectification de la convexité longitudinale de la table laminaire. L'une des caractéristiques du Protomagdalénien du Blot est la fréquence de l'aménagement d'éperons pour le détachement des lames (fig. 12-2 et 12-11). Ce processus a été analysé en détail dans un autre article (Surmely et Alix 2005) et nous le décrirons ici très brièvement. Les Protomagdaléniens ont eu largement recours à l'aménagement en éperon des talons. Ces éperons, souvent assez discrets, sont parfois massifs et proéminents (atteignant une hauteur de 5 mm, pour une largeur de 10 mm). conjuguée à la proéminence et à la position très en avant de l'éperon, a entraîné un véritable arrachement de la lame en arrière du point d'impact, donnant à la partie proximale de la lame une morphologie caractéristique, avec un talon éversé, une lèvre très marquée et une absence de bulbe de percussion (qui est parfois même concave). Les talons en éperon se retrouvent exclusivement sur les lames et surtout sur les beaux produits de plein débitage, ce qui explique qu'ils sont surtout associés aux outils. Ils se retrouvent aussi sur des lames à crête ou d'entame. Ils sont totalement absents sur les éclats. La fonction des éperons correspond à la volonté de renforcer le plan de frappe, pour réduire sensiblement le risque d'éclatement ou d'esquillement de celui -ci et faciliter ainsi le débitage de belles lames planes. Il est difficile de connaître leur fréquence exacte, compte tenu de leur élimination postérieure dans de nombreux cas. Un décompte permet toutefois d'observer qu'ils constituent 51 % des talons conservés des lames non corticales, pour l'ensemble des niveaux protomagdaléniens. Ce pourcentage est de 20 % pour le niveau 36 et de 46 % pour le petit niveau 38 de Laugerie. Ce pourcentage est assurément inférieur à la réalité initiale, compte tenu de leur élimination préférentielle avant utilisation du support. Les éperons concernent tous les types de silex. Les préhistoriques ont cherché le plus souvent à faire disparaître la saillie gênante (notamment pour l'emmanchement) que formait le talon en éperon, notamment quand celui -ci était très massif. Le moyen le plus fréquemment utilisé était celui de l'aménagement d'une lame appointée (aussi appelée grattoir ogival, selon les auteurs), elle -même servant de base pour la fabrication d'un burin. Cette élimination quasi systématique des talons explique qu'ils soient rarement conservés. Dans le même temps, il est à noter que l'aménagement d'éperons a eu pour effet, surtout dans le cas des types massifs, la création d'un rentrant important dans le plan de frappe, ce qui a nécessité de fréquents ravivages, sous la forme de tablettes ou d'éclats épais et donc une consommation plus importante de matière première (Pèlegrin 1992; Pigeot 2004). Dans le cas du Blot, on observe que les éperons ont été aménagés à partir d'un plan de frappe très oblique qui tend à se rapprocher de l'horizontale au fur et à mesure des ravivages par le biais de tablettes et surtout d'éclats qui deviennent de plus en plus petits et ont parfois l'aspect de petites pièces esquillées et sont tirés de l'avant du nucléus. Dans certains cas, le tailleur a été amené à surcreuser le plan de frappe pour lui donner une obliquité partielle, par le biais de tous petits éclats. Le remontage principal (fig. 10 et 11) montre que la situation a été rétablie, au prix d'une diminution sensible de la longueur des lames obtenues, par l'enlèvement de tablettes et éclats épais, extraites à partir d'un des flancs. Cette séquence a même été répétée deux fois, ce qui témoigne du souci d'exploitation rigoureuse du nucléus. La très forte fragmentation des produits laminaires, due au bris lors du détachement et surtout de la transformation en outils, empêche de dresser un inventaire précis des longueurs de lames. Les critères statistiquement utilisables sont seulement ceux de la largeur et de l'épaisseur. On observe que les modules de lames réalisées dans le silex pressignien sont en moyenne plus larges que ceux des produits façonnés dans le silex de la craie. La production de lamelles reste une question non résolue. Les lamelles brutes sont rares. Les supports des très nombreuses lamelles à dos paraissent avoir été des produits assez courts, assez peu épais et larges, parfois irréguliers, et plus proches des esquilles lamellaires que des lamelles véritables. Les lamelles des autres gisements protomagdaléniens que nous avons observées présentent les mêmes caractéristiques et procèdent vraisemblablement du même processus technique, même si les études antérieures (Bricker 1995; Bosselin 1992 et 1997; Kong-Cho 1997) n'ont guère abordé cet aspect. Le caractère particulier des séries lithiques du Blot, et notamment la disparition des nucléus, nous empêche de déterminer avec précision les modalités de production de lamelles à partir de nucléus véritables et l'existence d'une continuité éventuelle entre production laminaire et production lamellaire. A notre avis, cette question devra d'abord être éclaircie sur les gisements où les nucléus sont présents, avant d' être étudiée au Blot. La morphologie de certains supports transformés en armatures laisse penser que des chutes de burin ont pu être utilisées à cette fin, par sélection des exemplaires les plus aptes à remplir cette fonction. Mais, il n'existe pas, à notre avis, d'exploitation spécialisée à cette fin de « burins-nucléus », du type de ceux individualisés dans le Gravettien sous-jacent (Klaric 1999). De même, il n'existe aucune pièce du type « burin du Raysse » (Klaric et al. 2002) et les lamelles ne présentent pas de vestiges de la « retouche tertiaire du biseau ». En effet, la morphologie des burins du Blot montre que l'existence de plusieurs enlèvements sur de nombreuses pièces s'explique avant tout par une volonté de ravivage des outils, ce qui est confirmé par les analyses tracéologiques réalisées par M. Hays. Il semblerait donc plus juste, en première analyse, de parler de récupération opportuniste de chutes de burins, que d'évoquer une éventuelle production spécialisée de lamelles à partir de supports laminaires épais. Une caractérisation typologique détaillée a été faite par B. Bosselin (1992). Nous donnons ici le résultat de nos observations personnelles. La première observation porte sur le type de supports utilisés pour la transformation en outils. D'une façon générale, les outils de fonds commun ont été aménagés de façon quasi exclusive sur des lames. Les déchets de débitage, tablettes, outils, ont été dédaignés, à l'exception de quelques rares pièces retouchées ou utilisées comme pièces esquillées. En second lieu, il convient de rappeler une fois de plus, en préalable aux observations qui suivent, le très fort degré de ravivage et de fragmentation des outils. Cela constitue bien évidemment un frein sérieux à l'étude typologique classique, mais permet également d'éclairer certains processus évolutifs. Le « remontage » de ravivages d'outils montre en effet la succession de plusieurs types d'outils. La séquence la plus fréquente, bien représentée sur le gisement du Blot, est celle qui conduit de la lame appointée au burin dièdre sur cassure via le burin sur troncature et le burin dièdre d'axe (cf. infra). Ce comportement, déjà remarqué sur plusieurs gisements et noté par D. Buisson à propos des niveaux gravettiens (Buisson 1991), permet de limiter la portée informative et surtout comparative des listes typologiques classiques, dont la composition nous paraît dépendre autant du degré de ravivage des outils (donc du degré des supports et par là de l'éloignement plus ou moins grand des sources de matières premières) que du faciès culturel proprement dit. En allant plus loin dans cette réflexion, il est même possible de subodorer une fonction technique à certaines pièces présentées comme des outils. Il s'agit d'une retouche écailleuse, proche de celle rencontrée dans le moustérien. Ce type de retouche, qui est pratiquement inconnu dans le gravettien, a constitué un des éléments distinctifs de la culture protomagdalénienne. Il convient de signaler également que la retouche protomagdalénienne a été appliquée le plus souvent aux deux bords de la pièce (71 % des pièces), alors que la proportion est presque exactement inverse dans le cas des autres types de retouches (retouche sur un seul bord sur 74 % des pièces) (fig. 13). A l'évidence, la retouche dite protomagdalénienne joue un rôle distinct des autres retouches courantes. Nous avions d'abord pensé à une retouche à but technologique, destinée à régulariser le bord des lames, dans le but de faciliter l'enlèvement des chutes de burins. Ce raisonnement se basait sur le fait que les burins étaient majoritairement aménagés sur des lames à retouches protomagdaléniennes, observation vérifiée également pour les séries de l'Abri Pataud. Mais C. Sestier (com. orale) nous a démontré qu'une retouche simple aurait été suffisante pour cet objectif. La retouche écailleuse, complexe, correspond plus probablement à une volonté de ravivage du (ou des) tranchant(s) de la pièce. Il est donc possible de mettre en relation la mise en œuvre de ce type de retouches avec la gestion rigoureuse de la matière première et de la production laminaire. Ainsi s'expliquerait également le fait que la retouche protomagdalénienne ait été appliquée majoritairement sur les deux bords de la pièce, dans un but d'exploitation maximale. On pourrait objecter que ce type de retouches se rencontre également dans des sites du Périgord où la matière première était de provenance beaucoup moins lointaine (silex du Bergeracois), voire sub-locale (silex sénonien blond ou noir de Dordogne). Mais, même dans les cas où le silex était d'origine proche, il n'en demeurait pas moins que la production de supports laminaires de grande taille, avec l'aménagement de talons en éperon, restait un objectif difficile à atteindre et assez lourd en terme de mise en œuvre. Les produits obtenus devaient donc rester assez précieux, ce qui pourrait expliquer qu'ils ont été ravivés beaucoup plus fortement que ceux, moins imposants, que d'autres faciès culturels. Il faut ajouter que la mise en œuvre de la retouche écailleuse, au-delà de son utilité fonctionnelle pour certains types de matières premières, a pu être généralisée, en devenant un comportement habituel. Les burins sont les outils les mieux représentés sur le site du Blot, comme sur les autres gisements protomagdaléniens (Bosselin 1992) avec 36 à 52 % de l'ensemble des outils de fonds commun (fig. 16). Ces pièces sont presque exclusivement aménagées sur des lames. Les quelques exemplaires qui sont parvenus entiers jusqu' à nous montrent la recherche de supports de belles dimensions, très probablement en vue de l'emmanchement. Comme nous l'avons fait observer plus haut, ces classements typologiques classiques, établissant une distinction minutieuse des différents types, nous semblent ici peu pertinents. En effet, les remontages montrent que la forme du burin correspond en fait, avant tout, à sa position dans un cycle de transformation progressive du support initial. Du burin sur troncature, la pièce devient un burin dièdre par enlèvement d'une ou plusieurs chutes, avant de terminer, souvent, à l'état de burins doubles ou de burins sur cassure, dans le cas de pièces brisées lors de l'utilisation. Au Blot, pour des raisons tenant à l'origine lointaine des matières premières, le degré d'exhaustion des outils a été particulièrement fort, ce qui se traduit logiquement par une plus forte proportion de burins dièdres, nucléiformes, doubles, mixtes… que dans les autres gisements du Protomagdalénien du Périgord où une partie au moins de la matière première était d'origine locale ou sublocale. Sans remettre en question de façon générale la classification habituelle des divers types de burins, il nous semble que dans le cas du gisement du Blot, ces distinctions semblent peu informatives et en tout cas ne peuvent constituer un instrument comparatif à l'état brut. L'étude tracéologique montre que le taux d'utilisation des burins est de 71 %, ce qui est assez important. Les lames appointées sont formées de supports présentant une pointe régulière mais jamais très aiguë, dégagée par des retouches le plus souvent écailleuses qui se prolongent parfois sans rupture sur les bords de la lame. Certains auteurs (Bosselin 1992) n'ont pas voulu distinguer ces pièces du groupe plus large des lames retouchées, ce qui nous semble une erreur, compte tenu du caractère volontaire et soigné de la retouche apicale. D'autres les ont regroupées dans la catégorie des grattoirs, en y ajoutant le qualificatif « ogival ». D'autres encore parlent de « pointes ». A la suite d'H. Delporte et de F. Bordes, nous pensons que les lames appointées, de par leurs caractères spécifiques, constituent un groupe distinct des lames retouchées, des grattoirs et des véritables pointes. L'abondance des lames appointées, quelles que soient leurs dénominations, constitue un trait caractéristique du Protomagdalénien (6 à 13 % des outils de fonds commun, selon les « phases » d'occupation). Au Blot, l'aménagement de la pointe a été réalisé, dans plus de 70 % des cas, sur l'extrémité proximale de la lame. Le plus bel exemple est celui de la lame appointée, aménagée sur la plus grande lame entière de 18 cm retrouvée sur le site (fig. 8-3). Ce caractère se retrouve à l'identique sur les autres sites étudiés, tels que Laugerie-Haute-Est. Il ne s'agit pas donc d'un hasard et l'on peut supposer, comme nous l'avons déjà dit plus haut, que la mise en forme de la pointe a permis d'éliminer la saillie très marquée que constituaient les talons en éperon et qui devait représenter un obstacle ou tout du moins une gêne importante pour l'emmanchement des lames. La deuxième information est apportée par l'étude tracéologique qui montre que les lames appointées retrouvées sur le site ne portent pas de traces fonctionnelles et semblent n'avoir pas servi (ou pas encore servi). Ainsi, la proportion de pièces portant des traces d'utilisation est seulement de 37 %. Ce chiffre est à comparer avec les 71 % de pièces utilisées pour les burins et même 82 % pour les pièces esquillées. Ajoutons que les utilisations présumées sont variables, ce qui indique qu'il n'y avait pas de fonction définie pour ces pièces, tout en montrant un spectre d'utilisation globalement assez proche de celui des burins. Enfin, on observe, dans de très nombreux cas, que la lame appointée est transformée en burin, ce qui est parfaitement observable quand il est possible de faire le remontage des chutes (fig. 12-1, 12-13 et 13-1). De ces observations, il est possible de douter que les lames appointées aient un rôle fonctionnel réel ou spécifique. Il faut donc envisager l'hypothèse que l'aménagement de ces pièces ait eu surtout une fonction de façonnage de la lame, permettant d'éliminer la saillie du talon et de régulariser l'extrémité afin de permettre l'obtention d'un burin régulier, ce qui était encore amélioré par la présence d'une retouche latérale. Les lames appointées pourraient donc être avant tout des « pièces techniques ». Les véritables grattoirs, que nous distinguons des lames appointées (cf supra), sont très rares sur le gisement du Blot, comme dans l'ensemble des séries protomagdaléniennes (Bosselin 1992). Ceci pose bien évidemment le problème du recours éventuel à d'autres types d'outils pour les travaux de préparation des peaux. De nombreux supports comportent des esquillements sur les bords, qui sont souvent discontinus. Comme toujours, ceci pose le problème de la détermination de l'origine de ces traces. S'agit-il de stigmates post-dépositionnels (ce qui semble être dans la majorité des cas), de traces d'utilisation (= supports bruts utilisés, selon la terminologie typologique traditionnelle), ou bien de retouches (= outils, selon la détermination traditionnelle) ? Seule la tracéologie peut permettre, au cas par cas, de répondre à cette interrogation. Les lames retouchées indubitables et encochées sont nombreuses. Elles comportent une retouche qui se partage, en proportions presque égales, entre type écailleux (= retouche protomagdalénienne) et types standards. Comme nous l'avons déjà mentionné, les retouches écailleuses concernent majoritairement les deux tranchants des pièces, alors que les retouches d'autres types n'affectent généralement qu'un seul bord. L'importance numérique des pièces esquillées est un autre trait caractéristique des séries protomagdaléniennes du Blot, comme l'avaient déjà noté les chercheurs précédents (Bosselin 1992. Elles représentent 6 à 19 % des outils de fonds commun. L'étude tracéologique a confirmé leur rôle fonctionnel. Elle montre aussi que le taux de pièces présentant des traces d'utilisation est très élevé (82 %), ce qui tient peut-être à des raisons taphonomiques (les usages de la percussion sont sans doute ceux qui sont les plus apparents), mais aussi indiscutablement fonctionnelles. Elles sont aménagées presque exclusivement sur des tronçons de lames, qui correspondent certainement à des pièces mises au rebut. Les armatures microlithiques présentent deux caractéristiques essentielles qui ont été remarquées par l'ensemble des chercheurs ayant étudié les séries : - leur importance numérique. Les armatures microlithiques sont, en nombre, les outils les plus abondants dans l'ensemble des niveaux protomagdaléniens du Blot (55 à 70 % de l'ensemble des outils, selon Bosselin 1992). Plusieurs auteurs ont souligné cette abondance en la rapprochant de celle observée dans les niveaux gravettiens sous-jacents et en l'opposant aux taux beaucoup plus faibles de microlithes des gisements périgourdins. Mais cette représentation exceptionnelle s'explique d'abord indiscutablement par le fait qu'un tamisage à l'eau systématique a permis, au Blot, de recueillir la quasi intégralité des exemplaires, y compris des fragments véritablement minuscules, alors que les fouilles des gisements périgourdins, y compris à l'Abri Pataud, se sont faites sans cette opération. Les travaux de L. Chiotti et R. Nespoulet à l'Abri Pataud (Nespoulet et al. 2008), ou de J.-G. Bordes à l'Abri Caminade opération (Bordes et Lenoble 2002) ont permis de comparer les résultats dans ce domaine entre des méthodes récentes avec tamisage et des travaux des années 50 sans cette opération; - le second critère distinctif est celui de la taille (fig. 14 et 15). Les lamelles à dos du Blot se caractérisent en effet par des dimensions remarquablement réduites. 68 % des pièces ont une largeur inférieure à 3 mm et 86 % une épaisseur inférieure à 4 mm (fig. 14). Ceci fait des armatures du Blot des pièces nettement plus petites que celles trouvées dans bien d'autres gisements (Bosselin 1992), bien que les différences dans la collecte amenuisent singulièrement la portée de cette comparaison (note 10). Dans le Protomagdalénien de l'Abri Pataud (fig. 15), les valeurs respectives sont 2,5 et 47 %, proches de celles relevées sur le gisement du magdalénien final du Pont-de-Longues (3 % ont une largeur inférieure à 3 mm; Surmely et al. 2002). Ce pourcentage n'atteint pas 10 % sur le gisement magdalénien moyen de Thônes (Grandeyrolles, Puy-de-Dôme; Surmely 1998). Les pièces des gisements magdaléniens du Bassin Parisien, malgré des différences entre sites, sont également en moyenne bien plus larges que les armatures protomagdaléniennes du Blot (Valentin 1995; Debout 2003). Cette petite taille pourrait s'expliquer en premier lieu par la technique de fabrication du support, qui semble faire largement appel à des chutes de burin, détachées de burins véritables et d'éclats épais. Ce point reste toutefois à vérifier. La troisième caractéristique est typologique. Selon B. Bosselin, les armatures du protomagdalénien ne sont pas des microgravettes mais plutôt des lamelles à dos. Mais cette qualification repose sur la définition typologique restrictive adoptée par ce chercheur. Avec nos critères (cf. supra), qui placent les fragments mésiaux dans la catégorie des armatures de type indéterminé, nous trouvons 12 % de microgravettes, 7 % de pointes à dos simple, 5 % de lamelles à dos, et 75 % d'armatures de type indéterminé (essentiellement des fragments mésiaux). Notons enfin que le caractère « pointu » est parfois difficile à apprécier sur les plus petites armatures. Ces caractéristiques, tant quantitatives que morphologiques amènent évidemment à poser la question de l'usage de ces armatures microlithiques. Leur importance et leur standardisation tendent à indiquer qu'il s'agissait d'outils dont la fonction était à la fois bien précise et importante dans la vie quotidienne des populations. Leurs petites dimensions ne plaident pas en faveur d'une utilisation comme armatures de couteaux. En l'absence d'étude tracéologique sur ces pièces, il est difficile d'en dire plus. Si les plus grandes peuvent correspondre à des armatures de projectile, placées en tête ou en barbelure latérale d'une hampe dont le mode de propulsion reste impossible à préciser, la question se pose de l'usage des plus petites, certaines étant si minuscules qu'elles sont difficiles à saisir. Sur tous les plans, le Protomagdalénien du Blot présente beaucoup d'analogies avec les quelques autres gisements de cette époque recensés à ce jour : Abri Pataud, Laugerie-Haute-Est (Dordogne), Les Peyrugues (Lot). Les différences observées, comme les proportions de microlithes, tiennent assurément à la méthodologie retenue pour la fouille et notamment la mise en œuvre ou non d'un tamisage à l'eau. Reste la question, déjà abordée par de nombreux auteurs (notamment Bosselin 1992), des liens éventuels qui ont pu exister entre les différents gisements. Si l'existence de liens directs entre l'Abri Pataud et Laugerie-Haute, voire les Peyrugues, peut être tenue pour possible, voire très probable (note 5), il n'en est pas de même pour Le Blot. Aucun indice matériel ne permet en effet de supposer l'existence d'un lien direct ou d'une communication quelconque entre le Blot et les autres gisements cités. La distance qui les sépare est de plus de 300 km à vol d'oiseau avec, en outre, l'obstacle supplémentaire des monts d'Auvergne. Aucune pièce lithique retrouvée au Blot ne peut provenir d'Aquitaine ou du Quercy. Toute la matière première utilisée au Blot provient de Touraine. Les parentés étroites observées entre les différentes industries lithiques semblent donc s'expliquer par des convergences culturelles, sans relation physique entre les deux groupes de gisements. Le seul lien possible réside dans la présence très probable, en très faibles quantités, de silex pressigniens dans les séries de l'Abri Pataud (obs. personnelles), ce qui pourrait accréditer l'idée d'un berceau ou d'un lieu de rassemblement ou d'échanges au cours du Protomagdalénien dans ce secteur. Cette hypothèse reste toutefois très fragile. Cette unité du Protomagdalénien contraste aussi avec les cultures antérieures. La plupart des chercheurs ont minimisé le caractère spécifique du Protomagdalénien, individualisé par D. Peyrony, pour en faire un simple faciès évolutif du Gravettien final (Périgordien VII). Leurs arguments portent principalement sur la présence de quelques pointes de La Gravette dans les niveaux protomagdaléniens et l'abondance, dans les deux faciès, des microlithes. Cette argumentation nous semble à revoir. En effet, la complexité stratigraphique des différents gisements, et avant tout celui du Blot, a pu faciliter la migration de quelques pièces isolées d'un niveau à l'autre. Mais surtout, le Protomagdalénien s'individualise nettement des cultures antérieures, au Blot comme ailleurs, par de très nombreux critères : débitage laminaire de grande taille avec aménagement fréquent en éperon des talons, importance de la proportion en matières premières exogènes, retouche spécifique… Du point de vue typologique, le Protomagdalénien se distingue également par une composition originale d'outils : abondance des burins, des lames retouchées et des pièces esquillées, présence de lames appointées. Enfin, la forte proportion de microlithes dans les deux cultures ne saurait être considérée comme un argument fiable de continuité. Selon B. Bosselin (1992), qui a étudié les armatures des deux faciès, ces dernières seraient différentes. Tout ceci signe, selon nous, l'individualité manifeste du Protomagdalénien comme faciès culturel, distinct du Gravettien récent et, dans une moindre mesure, du Solutréen, même si la méconnaissance du Solutréen inférieur nous prive de possibilités de comparaison précises. Comme le note B. Bosselin, qui parle de « coupure typologique » (Bosselin 1992), le lien phylétique entre le Gravettien et le Protomagdalénien du Blot est impossible à établir et la redénomination du Protomagdalénien comme « Gravettien final », suggérée par certains chercheurs (Djinjian et al. 1999), nous paraît très discutable. Les différences évoquées plus haut sont en effet bien plus importantes que les quelques points de convergence (rareté des grattoirs, abondance des armatures microlithiques). La culture la plus proche du Protomagdalénien nous paraît être le Magdalénien supérieur, en raison de nombreux critères de convergence (production laminaire soignée, talons en éperon massifs, abondance des armatures microlithiques et des burins), même si une continuité véritable est impossible, compte tenu des millénaires qui séparent ces deux cultures. En tenant compte de cette dernière observation, le terme de Protomagdalénien nous paraît donc tout à fait justifié pour désigner ce faciès culturel. Enfin, aucune différence sensible ne peut être observée, du point de vue de l'industrie lithique, entre les différents niveaux protomagdaléniens du Blot et notamment entre les trois phases distinguées lors de la fouille. C'est également le constat fait par l'ensemble des chercheurs ayant étudié les séries (Bosselin 1992; Chauvière et Fontana Sous presse 1). Ceci, appuyé par l'existence de quelques remontages entre pièces de niveau différents, la réutilisation de la « structure » de blocs d'une phase à l'autre, plaiderait en faveur d'une faible dispersion dans le temps des différents niveaux d'occupation, sous forme de séjours saisonniers répétés et assez courts, à moins que ce caractère ne soit imputable à un remaniement des niveaux non décelé lors de la fouille. Le Gravettien est peu représenté en Auvergne. Toutefois, la présence de faciès assez rares (Gravettien ancien, Protomagdalénien) et l'importance du gisement de plein air du Sire, laissent penser que ce fait est imputable avant tout au faible développement de la recherche et à de mauvaises conditions taphonomiques, plus qu' à une faible attractivité de la région à l'époque considérée. Les dates obtenues au Sire placent le site parmi les plus anciennes manifestations du Gravettien en Europe, même si l'incertitude des calibrations des dates 14 C incite à beaucoup de prudence dans les comparaisons. Toujours à propos du même site, le poids écrasant du Cheval dans la faune chassée et les modalités de gestion de ce gibier, évoquent les occupations de La Vigne-Brun (Loire) et de Solutré (Saône-et-Loire) tout en réaffirmant l'importance cynégétique du Cheval dans la France du centre-est et la place secondaire qu'occupait le Renne, ce qui jette le doute sur la prétendue migration estivale des rennes et son importance économique en Auvergne durant cette période. Il convient ensuite de revenir sur le Protomagdalénien, culture rarement identifiée et qui est pourtant bien présente en Auvergne. Comme nous l'avons vu, ce faciès culturel présente une grande originalité, qui le démarque du Gravettien. Malgré de très fortes ressemblances, aucun indice matériel ne permet d'aller dans le sens de contacts physiques entre les occupants du gisement du Blot et ceux des autres sites contemporains du Bassin aquitain. La genèse et le développement du Protomagdalénien restent donc inexpliqués. Les séries gravettiennes et protomagdaléniennes d'Auvergne se caractérisent par l'absence de projectiles en matière animale. Ceci est à mettre très probablement en relation avec l'abondance générale des armatures lithiques qui pourraient avoir pris la place des traits en bois de renne, avec des hampes en bois végétal. Ce phénomène, qui pourrait s'expliquer sur le gisement du Sire par la très forte domination du Cheval dans la faune chassée, concerne également, et de façon plus surprenante, le Blot, où le Renne est pourtant l'animal dominant. En dernier lieu, il faut souligner l'importance qu'occupent les matières premières importées à longue distance dans l'industrie lithique des chasseurs-cueilleurs du Gravettien et surtout du Protomagdalénien d'Auvergne. Ce trait nous semble a priori explicable d'abord par des raisons d'ordre social et non technique. Comme nous l'avons déjà montré par ailleurs, il caractérise l'ensemble des industries lithiques du Paléolithique supérieur et du Néolithique d'Auvergne. Addendum : Il nous est agréable de rendre hommage à la mémoire d'Henri Delporte, récemment disparu, qui a été l'initiateur de la fouille du gisement du Blot. La publication de cette recherche est coordonnée par J.-P. Daugas . | Le Gravettien et le Protomagdalénien ne sont connus en Auvergne que sur deux ou trois sites, ce qui est fort peu à l'échelle d'une région qui couvre plus de 26 000 km2. Cela semble imputable à des raisons taphonomiques, dans une région marquée par un climat rude ainsi que par un faible développement des recherches. Le gisement du Sire (Mirefleurs, Puy-de-Dôme) est un vaste site de plein air qui a livré deux riches niveaux d'occupation datés du Gravettien ancien (circa 30 000 BP). Le Gravettien récent et le Protomagdalénien ont été reconnus sur le site du Blot (Cerzat, Haute-Loire) qui présente une stratigraphie complexe, avec de nombreux niveaux archéologiques correspondant probablement à des occupations répétées et de courte durée. Le Protomagdalénien du Blot offre des caractères spécifiques (comme la recherche d'un débitage de grandes lames) qui le distinguent nettement du Gravettien. Les gisements d'Auvergne se caractérisent par un recours systématique à des matières premières d'origine lointaine, parmi lesquelles figurent le silex du Grand-Pressigny et le silex de la craie du Turonien inférieur. Ils sont marqués également par l'abondance des armatures microlithiques (microgravettes et lamelles à dos) et l'absence de projectiles en matière animale. | archeologie_10-0037506_tei_216.xml |
termith-171-archeologie | La nécropole de « La Campagne » à Basly (Calvados), localisée à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Caen (fig. 1a), a fait l'objet d'une fouille programmée en 1997 et1998 à la suite de sa découverte en prospection aérienne en 1994 (San Juan et Le Goff, 2003). Le site, implanté sur un rebord de plateau en éperon, comprend deux fossés d'enclos palissadés datant du Néolithique final et de la fin du premier âge du Fer (fig. 1b). La nécropole est contemporaine de cette dernière phase d'occupation; elle est constituée d'un enclos carré d'une vingtaine de mètres de côté, de deux sépultures secondaires à crémation et de quatorze sépultures à inhumation (fig. 1c). Ces dernières apparaissent réparties en trois groupes selon leur localisation. Il s'agit aussi bien de sépultures individuelles que de sépultures doubles ou triples. Ce sont dans tous les cas des sépultures primaires et, lorsqu'il y a plusieurs défunts, ils ont vraisemblablement été déposés en même temps; il n'y a donc pas eu de réutilisation de fosses. Le premier groupe (cf. infra, fig. 4 « groupe central ») est constitué des sépultures situées à l'intérieur de l'enclos quadrangulaire : les fosses F3 et F7 qui contenaient respectivement les défunts n° 1 et 3. Un doute subsiste quant à la fosse vide F21, orientée est-ouest (80 x 60 cm) et qui a été interprétée comme une sépulture d'enfant dont les os se seraient dissous. Le deuxième groupe (ou « groupe sud-ouest »), numériquement le plus important, est situé au sud-ouest de l'enclos et comprend les fosses F4 (squelette n° 2), F5 (n° 4), F6 (n° 5), F10 (n° 6, 7 et 8), F13 (n° 13) et F20 (n° 9 et 12). Le dernier groupe, situé au nord-ouest de l'enclos, ne comprend que deux fosses : F37 (sq. n° 10 et 11) et F48 (n° 14). Les deux sépultures secondaires à crémation, qui ont été précédemment étudiées (San Juan et Le Goff 2003, p. 71-73) sont en lien avec l'enclos; l'incinération n° 1 a été découverte dans le quart sud-ouest de l'enclos, dans une fosse circulaire (diamètre 20 cm) peu profonde. Les ossements étaient contenus dans un vase à fond plat qui était à l'origine recouvert d'une écuelle carénée. L'incinération n° 2 (un amas de 160 g partiellement incinéré) a été retrouvée dans le fossé de l'enclos carré (F1), près de l'angle sud-ouest et elle apparaît plus tardive. Le travail qui suit a été réalisé dans le cadre d'un mémoire de DEA soutenu en juin 2003 (Oudry, 2003). L'objectif était d'étudier les sépultures à inhumation, par une approche aussi bien archéologique (San Juan et Le Goff, 2003) qu'anthropologique, afin tout d'abord de caractériser la population inhumée à Basly : sa conception de la tombe et les différences de traitement qui apparaissent entre les individus ou les groupes d'individus, l'organisation des individus entre eux et au sein de la nécropole; puis de tenter de présenter une approche sociale avec des indices de différences de statut décelables à travers la présence ou l'absence de mobilier, l'état sanitaire et les conditions de vie, les liens biologiques qui peuvent exister entre individus, visibles à partir des variations morphologiques et des caractères « discrets ». Tout ceci a été rendu possible par le fait que nous sommes ici en présence d'un ensemble funéraire bien délimité; en effet, les sondages effectués par Guy San Juan montrent que l'espace funéraire ne s'étend pas plus loin. Nous avons donc affaire à un ensemble qui est certes de petite taille (une quinzaine d'individus), mais complet et archéologiquement pertinent. Je ne reviendrai pas en détail sur l'aménagement des tombes, la restitution de l'espace de décomposition ou la position d'inhumation car tout ceci a été détaillé dans la publication du site (San Juan et Le Goff, 2003, p. 68-89). Les formes des fosses sont assez variables, même si la tendance générale est à la forme rectangulaire à angles arrondis. Trois groupes typologiques de tombes (A, B et C, distincts des groupes à caractère topographique) ont été établis par G. San Juan et I. Le Goff en fonction du remplissage de la fosse et de la place disponible pour le défunt dans la sépulture (fig. 2 et 3). – Le groupe A (F3, F13 et F20) rassemble les fosses dont le comblement est constitué de pierres taillées ou brutes délimitant un espace au fond de la fosse, ces pierres n'étant pas issues du creusement. Les individus inhumés disposent de fosses très grandes par rapport à la taille des corps et deux de ces tombes ont livré un mobilier métallique important (F3 et F20; cf. tabl. 1). – Le remplissage des tombes du groupe typologique B (F5, F7 et F10) ne présente pas d'organisation particulière, hormis F10 où des traces de division de l'espace ont été notées : la position des dalles calcaires très redressées de part et d'autre d'un axe a permis de retenir l'hypothèse d'un boisage médian délimitant deux volumes séparés, l'un renfermant le sq. 6, l'autre les sq. 7 et 8. Ce sont les tombes les plus profondes, environ 80 cm par rapport au substrat. Les tombes F7 et F10 ont livré du mobilier, mais de façon moins importante que pour le groupe A. – Enfin le groupe typologique C (F4, F6, F37 et F48) montre le moins d'investissement en temps et en énergie pour le creusement des sépultures; aucun des individus n'y a reçu de mobilier et la taille de la fosse est très ajustée aux dimensions du corps. Hormis la tombe F3 qui a montré des indices de coffrage, tous les individus du cimetière semblent avoir été inhumés dans un élément en matériau périssable – tissu ou cuir – mais aucune trace de cercueil ou de dispositif semblable n'a été notée (pour le détail des observations de phénomènes taphonomiques, cf. la publication du site : San Juan et Le Goff, 2003). Le mobilier est peu abondant et semble avoir été réservé à quelques individus (sq. 1 et 3 dans le groupe central, sq. 6, 7, 8 et 12 dans le groupe sud-ouest). Il est presque uniquement composé de parures annulaires en bronze, plus un bracelet en lignite. On note l'absence totale et surprenante de fibules, torques, armes, outils et céramique (pour une étude détaillée de ce mobilier, voir également San Juan et Le Goff, 2003). En ce qui concerne les tombes renfermant plus d'un individu, la règle semble avoir été la simultanéité du dépôt des corps. Presque tous les défunts ont la tête au sud et tournée vers la droite (face à l'est). Il y a cependant une exception, le sq. 3 dont la tombe est orientée SE-NO et qui regarde vers le nord. En majorité, les corps reposent sur le côté droit, avec les membres supérieurs et inférieurs fléchis; là aussi deux exceptions sont à noter : le sq. 10 reposant sur le côté gauche et le sq. 2 inhumé en décubitus dorsal avec le crâne apparaissant en vue antérieure et non latérale. On dénombre cinq sujets immatures, huit adultes inhumés (trois femmes et cinq hommes) et deux adultes incinérés. La question de la distribution spatiale (fig. 4) s'est posée car nous avons vu que les tombes sont réparties en trois groupes. Il ne semble pas y avoir de règle d'exclusion pour la répartition par âge et par sexe puisque chaque groupe comprend des adultes et des enfants, et qu'il y a des femmes et des hommes dans les groupes sud-ouest et nord-ouest; trois points importants sont cependant à retenir. – Tout d'abord la position centrale de la tombe d'un enfant de 5 ans environ (sq. 1 – fosse F3). Celle -ci présentait un aménagement particulier avec l'utilisation de pierres taillées disposées de manière spécifique : les pierres, à plat ou de chant le long des parois semblaient caler un boisage périphérique de faible élévation. Le mobilier accompagnant cet enfant est important et il faut rappeler la localisation même de cette sépulture, quasiment au centre de l'enclos carré alors qu'il n'y a que deux tombes avérées au sein de cet enclos. Tous ces éléments traduisent vraisemblablement un statut social important. – Ensuite, il n'y a pas de défunt masculin inhumé dans le groupe central et aucun individu masculin n'a reçu de mobilier d'accompagnement. – Enfin un troisième point à noter est le lien particulier qui existe entre les femmes et les enfants, qui sont inhumés côte à côte; ce lien apparaît à trois reprises, une fois dans chaque groupe : entre les sq. 1 et 3, 6 et 7 et 10 et 11. Dans ce dernier cas (F37) le lien semble même plus important car la femme repose dans une position complètement à l'inverse de celle de tous les autres défunts : elle est sur le côté gauche, certainement pour faire face à l'enfant avec lequel elle est inhumée (fig. 3). Ce cimetière est donc composé de petits groupes funéraires proches, distribués à l'intérieur et autour d'un enclos; ces groupes pourraient éventuellement correspondre à des familles et leur organisation semble répondre à des règles spécifiques. Compte tenu du faible nombre d'individus, aucune approche démographique n'a été réalisée. Tant que l'individu n'a pas atteint sa taille adulte, la détermination de son âge au décès repose sur des phénomènes liés à la croissance, que ce soit des os ou des dents; on pourra donc observer, pour les immatures, l'apparition, l'augmentation des dimensions ou la synostose (fusion) d'un certain nombre d'éléments du squelette, mais surtout la maturation dentaire. Une fois la taille adulte atteinte, les seuls indicateurs visibles au niveau du squelette reposent sur des processus de sénescence tels que l'usure des dents et l'apparition de phénomènes dégénératifs (arthrose). On voit donc que les éléments qui sont à notre disposition pour l'estimation de l' âge au décès des individus adultes sont fortement soumis à l'environnement : l'usure des dents est particulièrement liée à la qualité de l'alimentation, les pathologies dégénératives sont accentuées par l'activité physique et les raisons comme la chronologie des différents degrés de synostose crânienne sont encore mal connues. Tous ces biais intrinsèques et méthodologiques sont rappelés par A. Schmitt (2002). C'est pourquoi je n'ai attribué aux sujets adultes qu'une indication très large d' âge (tabl. 2 et 3), les répartissant en trois groupes : jeune, mature et âgé, d'après les seuls éléments disponibles : usure des dents et apparition des phénomènes dégénératifs, avec toutes les réserves que cela implique. Seul le sq. 7, dont la crête iliaque n'est pas complètement synostosée, a pu se voir attribuer une tranche d' âge plus précise : entre 18 et 23 ans (cf. White, 2000, p. 350; Webb et Suchey, 1985). L'estimation de l' âge au décès des immatures a été réalisée d'après les observations de Moorrees, Fanning et Hunt (Moorrees et al., 1963a et b; Smith, 1991; Hillson, 1996). La diagnose sexuelle (tabl. 4) a été établie à partir de la morphologie des coxaux (cf. Bruzek, 2002). Il semble à première vue qu'il n'y ait pas de répartition préférentielle par âge et par sexe au sein de la nécropole (fig. 4). On peut noter la présence de plusieurs sujets immatures par rapport au nombre total d'individus (5 sur 14). Il n'y a pas d'individu décédé en période périnatale et cette absence n'est pas une surprise; en effet c'est une constante dans un grand nombre de nécropoles protohistoriques et les raisons exactes n'en sont pas connues. Plusieurs hypothèses ont été avancées à ce sujet : une profondeur moindre de la fosse sépulcrale ou le faible taux de minéralisation des os des immatures (Guy et Masset, 1997) conduisant à une mauvaise conservation, ou bien la possibilité d'une inhumation dans des lieux différents qui n'ont pas été retrouvés à ce jour. Enfin, il est évident que la population inhumée ici n'est pas le reflet de la population vivante et notamment d'une population pré-jennérienne où l'on attend beaucoup d'enfants décédés avant l' âge de 5 ans. Les estimations de stature (cf. Olivier, 1963) ont été réalisées seulement sur six individus en raison des problèmes de conservation des os longs, notamment au niveau des épiphyses. Les femmes (sq. 3, 7 et 10) ont une stature comprise entre 153,6 et 157,9 cm avec une moyenne de 156 cm. Les hommes (sq. 4, 13 et 14) ont une stature comprise entre 164,9 et 167,3 cm avec une moyenne de 165,5 cm. On observe ainsi une différenciation relativement bien marquée au sein de cet échantillon de population puisque les estimations ne se chevauchent pas et qu'il y a autour de 10 cm d'écart entre les deux sexes. Ce sont des variations anatomiques non métriques et non pathologiques (Murail, 1996; Crubézy, 1988 et 1991), qui sont présentes ou absentes sur certaines parties du squelette. Il peut s'agir d'os surnuméraires, de foramens supplémentaires, etc. (plusieurs listes sont disponibles dans El-Najjar et McWilliams, 1978; Hauser et De Stefano, 1989; Saunders, 1989; Buikstra et Ubelaker, 1994). Ces variations polyfactorielles sont influencées par des facteurs génétiques mais peuvent également dépendre de facteurs environnementaux et la part de chacun d'eux dans l'expression de la variation est souvent difficile à déterminer (Rösing, 1984). L'intérêt de l'étude des caractères discrets est de mettre en évidence des regroupements à caractère familial au sein d'un sous-ensemble archéologiquement pertinent. Ceux qui ont été choisis ici sont les plus facilement observables, localisés sur des parties bien conservées du corps et dont l'observation n'est pas sujette à caution. Les variations anatomiques observées (tabl. 5) sont, pour le crâne, la perforation du canal condylaire, le foramen infra-orbitaire accessoire, les foramens pariétaux présents, le foramen supra-orbitaire accessoire, les osselets coronaux, les osselets lambdoïdes, le pont ptérigo-spinal, la suture métopique, la suture nasale vestigiale, le foramen zygomatico-facial accessoire et le foramen mentonnier accessoire. Au niveau du squelette post-crânien, les deux seuls caractères observés sont la perforation de la fosse olécrânienne de l'humérus et l'encoche acétabulaire sur le coxal. On constate que ce sont souvent les mêmes individus qui présentent des variantes anatomiques : les sq. 2, 4, 7 et 12. Ces quatre sujets ont tous été inhumés dans le même secteur, le « groupe sud-ouest »; il y a donc très certainement un lien entre ces personnes (fig. 5). Au niveau des dents, les variations morphologiques sont également de différents types (Hillson, 1996, p. 85 sq.; Turner et al., 1991) : anomalies du nombre de dents, anomalies de formes (couronne ou racine) ou de morphologie (cuspides, racines), ou encore malpositions. On a pu observer ici des agénésies (sq. 3 et 10) et quelques malpositions concernant les dents labiales supérieures (sq. 2 et 4). Les variations observées dans le nombre et la forme des racines sont : canines inférieures bifides, 2 e molaires supérieures à 4 racines, molaires inférieures à 3 racines, 1 res prémolaires inférieures présentant une racine de Tomes (dédoublement de la racine dans sa partie apicale), 1 re molaires à 6 cuspides, 2 e molaires avec les racines soudées – appelées autrefois racines pyramidales (fig. 6, photo. 1), fusion partielle ou totale des racines des 2 e molaires supérieures, variation dans la forme de la couronne de la 2 e incisive supérieure (cingulum ou tuberculum marqué). Les associations de variations morphologiques montrent ici une nette concentration entre quatre individus : les sq. 6, 8, 12 et 13 (tabl. 5). Ils sont à nouveau regroupés géographiquement dans le groupe sud-ouest et deux d'entre eux (sq. 6 et 8) sont inhumés dans la même fosse. Comme les dents sont souvent bien conservées même si elles sont sorties de leur emplacement anatomique, elles portent des traces d'éventuelles carences ou maladies ayant eu lieu au cours de la croissance et, une fois cette croissance achevée, elles sont peu remaniées. Ce sont donc souvent elles qui apportent le plus d'informations sur l'état sanitaire des individus. Les pertes ante mortem concernent le sq. 2 (homme mature, fig 6, photo. 2) et les sq. 3 et 10 (femmes âgées). Il s'agit uniquement de molaires et principalement des 3 es molaires. Sur le nombre total de dents étudiées (332 dont 24 déciduales), on ne compte que 11 dents cariées, dont 7 chez le sq. 2. Quant au sq. 3, il ne présente qu'une seule carie mais la dent a été très touchée et présente une cavité importante de 5 mm de diamètre (fig. 6, photos 3 et 4); à cette carie sont associés deux abcès péri-apicaux qui ont creusé l'os alvéolaire, mettant à nu la racine. Enfin le sq. 10 présente trois caries sur des molaires, dont une cavité de 7 mm de diamètre (fig. 6, photo. 5). On obtient un total de 3,31 % de dents cariées, ce qui est très inférieur aux taux de caries connus pour d'autres populations anciennes : 18 % au Néolithique final dans le Bassin parisien (Jagu, 1997) ou 7,63 % à Saint-Martin-de-Fontenay (Buchet, in Pilet, 1994), sur une période qui va du v e siècle av. au vii e siècle apr. J.-C. Nous sommes donc en présence ici d'une population qui semble peu touchée par les caries, ce qui est peut-être dû à une bonne hygiène dentaire ou à une alimentation particulière. L'usure n'est pas une pathologie en soi mais elle peut parfois le devenir. Sur la totalité des individus observés, ceux qui présentent une usure dentaire nulle sont les sujets immatures. On note que l'usure n'est pas nécessairement au même stade sur la dentition inférieure et sur la dentition supérieure. Si cette différence n'est jamais très importante, elle est, chez les individus de Basly, toujours plus marquée sur la dentition supérieure. Les résultats de l'observation de l'usure ne sont pas surprenants, sauf peut-être pour le sq. 10 qui présente un stade d'usure très marqué alors que son âge n'est pas extrêmement avancé. Les parodontopathies sont des atteintes dégénératives ou inflammatoires qui touchent le tissu de soutien de la dent; cela se caractérise par une « résorption alvéolaire qui laisse apparaître le collet et parfois […] la racine » (Courtaud, in Piningre, 1996, p. 176). Elles sont souvent plus faciles à observer sur la mandibule car l'os alvéolaire des maxillaires est plus fin, donc fréquemment mal conservé. Les individus inhumés à Basly montrent une présence importante de parodontopathies, parois à des stades élevés, et aucun os alvéolaire conservé n'est exempt de cette pathologie. S'il ne semble pas y avoir de corrélation entre le sexe et la parodontopathie, en revanche – et ce n'est pas surprenant – un lien certain existe entre cette maladie et l' âge du défunt. Les dépôts de tartre ont pu être observés aussi bien sur les dents en place que sur les dents isolées, tout en sachant que ces dépôts sont facilement éliminés au cours de la fouille et/ou du lavage. Leur volume est généralement plus important en face linguale qu'en face labiale; il est souvent assez hétérogène au sein d'une même cavité buccale. On constate qu'il n'y a pas nécessairement de lien entre ces dépôts et l' âge ou le sexe : des individus jeunes (comme le sq. 7, de 21/24 ans) peuvent présenter des dépôts relativement importants. On est donc en présence d'une petite population dont les dents sont saines, mais peu entretenues. Les données manquent pour une comparaison avec les individus d'autres nécropoles de la même période et de la même zone géographique. Elles correspondent à des interruptions dans le dépôt de l'émail au cours de la croissance de la dent (Crubézy, 1988; Hillson, 1979, p. 149; Lewis, 2002, p. 214). Les facteurs à l'origine des hypoplasies sont multiples et peuvent se combiner : on trouve aussi bien des déficiences nutritionnelles que certaines infections et traumatismes périnataux. Les hypoplasies sont ainsi considérées de façon générale comme des indicateurs de stress survenus pendant la croissance des dents (principalement entre 2 et 5 ans, comme le sevrage), car il n'y a pas de nouveau dépôt ou de renouvellement de l'émail dentaire après la fin de la croissance de la dent. Les dents les plus atteintes sont habituellement les canines inférieures et les incisives centrales supérieures. Sur les onze individus de Basly dont les dents sont suffisamment bien conservées, ce sont les canines et les prémolaires qui sont les plus touchées, avec une prédilection pour la dentition inférieure. Le sq. 1 n'a pas présenté d'hypoplasies, même sur sa dentition déciduale. Les individus les plus touchés sont les sq. 6 et 7, inhumés dans la même fosse; pour le sq. 7, ce sont toutes les dents sauf les 3 e molaires qui sont touchées; pour le sq. 6, seules les 1 re et les 3 e molaires ne sont pas atteintes. Aucune des dents déciduales n'a présenté d'hypoplasies linéaires; on peut donc supposer que les immatures représentés ici n'ont pas subi de stress pendant la période périnatale (autour de la naissance) ou pendant leurs premières années. – Les cribra orbitalia Ces hyperostoses du toit de l'orbite sont généralement considérées comme un signe de malnutrition. Elles peuvent indiquer des carences en fer – anémies – et il est possible qu'elles soient également liées à d'autres pathologies et/ou à des facteurs génétiques encore mal connus (Walper, 1998). Seuls les sq. 3 et 4 présentent des cribra orbitalia sur les deux plafonds de l'orbite, à un stade peu avancé. Je garderai le terme de « phénomène arthrosique » pour désigner différents types de pathologies qui se manifestent par une dégénérescence du cartilage articulaire et un remaniement général de l'articulation. Chez le sq. 2, on a observé un phénomène de lyse au niveau des vertèbres lombaires – peut-être une hernie discale intra-spongieuse avec migration du nucleus pulposus (Aufderheide et al., 1997, p. 97). Le même phénomène est présent sur une vertèbre lombaire et deux thoraciques du sq. 4. Chez ce sujet et chez le sq. 7, les articulations pour les têtes costales sont très développées sur les vertèbres thoraciques; cette manifestation est associée à une production ostéophytique sur les côtes au niveau du tubercule costal. Chez le sq. 10, on a noté la présence d'un phénomène arthrosique de l'articulation temporo-mandibulaire droite, qui se traduit par la lyse de la partie postérieure du condyle mandibulaire associée à une production osseuse sur la face antérieure (fig. 6, photo. 6); ceci est fréquemment lié à une usure très avancée des dents et au développement mono-latéral de caries, le tout prédominant chez les femmes, ce qui est le cas ici. Aucun phénomène arthrosique n'a été observé ni au niveau des pieds ni au niveau des articulations des os longs. Les individus de Basly semblent donc peu touchés par ces phénomènes inflammatoires, malgré la présence de sujets âgés chez lesquels ils sont fréquemment notés. Il n'y a pas nécessairement de corrélation entre cette pathologie et l' âge au décès; en effet deux sujets jeunes sont fortement touchés (sq. 4 et 7). Un autre type de pathologie fréquent est représenté par les enthésopathies – atteintes des enthèses (insertions de ligament, tendon ou capsule articulaire). Elles peuvent aller de simples exostoses (ce qui n'est pas encore une pathologie) à l'ossification complète du ligament. Ces enthésopathies ont principalement été observées au niveau du ligament jaune, sur la face postérieure du corps de la vertèbre, et sur la face antérieure de l'arc vertébral : traces légères chez les sq. 4 et 10, traces relativement plus importantes chez le sq. 7. Dans l'ensemble, il y a peu de phénomènes arthrosiques ou d'enthésopathies et, lorsqu'ils apparaissent, ils restent somme toute peu développés. Il faut toutefois noter le nombre relativement important de pathologies sur le sq. 7 malgré son jeune âge, ce qui est à rapprocher de la présence importante d'hypoplasies, d'une importante usure dentaire et des dépôts de tartre. Il faut enfin remarquer le nombre peu élevé de traumatismes (un seul cas incertain de fracture sur le radius droit du sq. 9), alors même que les os longs sont bien conservés, du moins chez les adultes. Dans ce cimetière ont été inhumés quatre individus montrant les mêmes variations anatomiques (sq. 2, 4, 7 et 12), ainsi que trois sujets montrant les mêmes variations dentaires (sq. 6, 8 et 12). Tous appartiennent au « groupe sud-ouest » et nous avons noté que les sq. 6 et 8 sont issus de la même tombe. Cependant, il faut rester prudent sur ces individus en raison de la faiblesse de l'échantillon : selon certains auteurs (notamment Ubelaker, 1989), la recherche de liens de parenté entre individus à partir des caractères discrets ne peut être mise en place qu' à partir d'une centaine de sujets. D'un point de vue strictement dentaire, il n'y a pas de différence de traitement particulièrement marquée entre les individus, ce qui suppose une certaine égalité d'accès à la nourriture. La personne sans conteste la plus favorisée de cette petite population est le sq. 1, enfant de 5 ans inhumé dans la sépulture située au centre de l'enclos; il est le seul individu à n'avoir pas présenté d'hypoplasies alors que, vu l'excellent état de conservation des dents, la moindre trace en aurait été décelable. Contrairement à ce qui pouvait être attendu, les lésions de type arthrosique et les enthésopathies ont révélé une atteinte singulière de deux individus de moins de 25 ans (sq. 4 et 7). On est frappé par le nombre de lésions et de séquelles de stress du sq. 7; rappelons que cette jeune femme est morte entre 18 et 23 ans environ; elle aura certainement eu des conditions de vie déplorables durant sa brève existence. Mais ce fait ne correspond pas aux données archéologiques qui la classent parmi les individus relativement favorisés : présence de parures annulaires en bronze, fosse de grande taille avec investissement de temps pour le creusement, etc. Nous observons tout de même quelques différences de richesse et une hiérarchisation entre les trois groupes de sépultures de Basly, même si elles ne sont pas fortement marquées. Nous l'avons vu, la tombe située au centre de l'enclos et l'enfant qui y a été inhumé ont un statut particulier. Il est bien difficile de savoir à quoi correspondait cette différence; il est possible que ce jeune individu n'ait pas acquis un tel statut par lui -même mais de manière héréditaire. La femme âgée inhumée à proximité de cet enfant (sq. 3) ne semble pas avoir partagé le même statut et l'orientation de son corps la situe légèrement en marge des autres; cependant, le fait qu'elle ait été inhumée dans l'enclos témoigne peut-être d'un lien avec l'enfant. Les sépultures du « groupe nord-ouest » rassemblent trois individus ayant probablement un rang moins élevé (localisation géographique en marge, investissement moindre dans le creusement de la tombe, grand nombre d'atteintes pathologiques du sq. 10, absence de mobilier). Enfin le « groupe sud-ouest » apparaît beaucoup plus hétérogène même si deux fosses s'y détachent par leur mobilier et la typologie de la tombe : les fosses F10 (sq. 6, 7 et 8) et F20 (sq. 9 et 12); on a également signalé la mauvaise santé relative des sq. : 4 et 7. Rappelons qu'aucune sépulture masculine n'a livré de mobilier en matériau non périssable; on peut difficilement y voir la seule conséquence de l'absence d'armes, mobilier généralement considéré comme étant masculin. Ce phénomène est peut-être à mettre en rapport avec le lien privilégié qui semble ici exister entre les femmes et les enfants. La raison de ces associations n'est pas connue et il ne s'agit pas nécessairement de l'inhumation simultanée d'une mère avec son enfant. En effet, dans le cas de la tombe F10, la jeune femme (sq. 7) semble trop jeune pour avoir eu pour enfant l'un des deux immatures inhumés avec elle : l'un est âgé d'environ 14 ans et l'autre d'environ 11 ans. Dans les deux autres cas, la femme est vraisemblablement trop âgée. On est donc en présence d'une population inhumée relativement homogène, mêlant des hommes, des femmes et des enfants dans des proportions presque identiques (respectivement 4, 4 et 5, ainsi qu'un adolescent de sexe indéterminé), malgré l'absence des individus les plus jeunes. De plus, cette population semble avoir été inhumée dans un temps assez court, bien qu'il n'ait pas été possible de distinguer différentes phases d'utilisation du cimetière à partir du mobilier. L'approche anthropologique a donc permis d'apporter d'autres types de renseignements concernant le cimetière, informations complémentaires à l'étude archéologique. Le meilleur exemple en est le mauvais état sanitaire du sq. 7, qui ne correspond pas à ce qui apparaissait au terme de l'étude archéologique : richesse relative et aménagement particulier de la tombe. Il y a par contre une convergence des informations dans le cas du statut spécifique du sq. 1, observé aussi bien du point de vue archéologique que du point de vue anthropologique. Grâce aux récents travaux d'archéologie préventive, de nouveaux ensembles funéraires de la même période ont été mis au jour en Basse-Normandie (Eterville, Ifs, etc.) et leur étude permettra de compléter les conclusions ébauchées ici . | La fouille de la nécropole de Basly (Calvados - France) a livré 14 sépultures à inhumation datées de la fin du premier âge du Fer (Hallstatt D1-D2). Les sépultures apparaissent organisées en trois groupes répartis à l'intérieur et autour d'un enclos carré. L'étude archéologique avait révélé en son temps des différences sur de nombreux aspects de la sépulture (forme et organisation de la fosse, mobilier, etc.). L'étude anthropologique présentée ici a porté sur la détermination du sexe et les estimations de l'âge au décès et de l'état sanitaire à partir du squelette et notamment des dents, de la stature et finalement une étude des variations non métriques. Les résultats, reliés à l'organisation du site et à sa dimension sociale, on conduit à proposer l'hypothèse de différences de richesse et de hiérarchisation somme toute peu marquées, et certains éléments contradictoires, montrés par la combinaison des deux types d'étude, ne nous permettent pas de comprendre le statut de certains inhumés. | archeologie_08-0202217_tei_169.xml |
termith-172-archeologie | Panthera gombaszoegensis, grand félin fossile dont la taille se situe entre celle du Jaguar et celle du Lion actuel, vivait au Pléistocène ancien (Villafranchien supérieur : - 1,8 à - 1 million d'années) et au Pléistocène moyen jusque vers 350 000 ans. C'est une espèce ubiquiste. A. Argant (1989) indique que dans le gisement de Château, suivant les données palynologiques (Argant J. 1980), sa présence donne des “indications ponctuelles d'une période tempérée plus froide que l'actuelle et d'une autre plus froide encore. Les arbres étaient présents (…, mais) le milieu ouvert existait aussi. Il n'est donc pas possible de considérer Panthera gombaszoegensis comme uniquement forestier” (Argant 1989, p. 221). Panthera gombaszoegensis a été identifiée par M. Kretzoï en 1938 à partir des restes découverts à Gombaszög, en Hongrie (Pléistocène ancien; Villafranchien supérieur : - 1,8 à - 1 million d'années) et la diagnose repose sur des dents isolées (carnassière supérieure, P/3, P/4, M/1, canines). D'après M. Kretzoï, la taille de Panthera gombaszoegensis se situerait entre celle du Jaguar (Panthera onca) et celle du Lion (Panthera (Leo) leo). Certains auteurs le considèrent comme un Jaguar européen qui aurait vécu dans des zones boisées avec des cours d'eau (Guérin et Patou-Mathis 1996). La longueur du corps, tête comprise, pouvait atteindre de 120 à 170 cm et son poids pouvait varier de 60 à 160 kg. D'après B. Kurtén (1973), Panthera gombaszoegensis, forme proche du Jaguar, et Panthera onca, le Jaguar lui même, sont issus d'une même population qui vivait dans les régions circumpolaires au Pléistocène ancien. Quant à H. Hemmer, il considère que “the European jaguars from the Upper Villafranchian and from the Epivillafranchian to lower Middle Pleistocene should be referred to as P. onca toscana and P. onca gombaszoegensis, respectively” (Hemmer et al. 2001, p. 476). Les jaguars d'Amérique du Nord devant, quant à eux, être rapportés à P. onca augusta. En France, de plus en plus de fossiles sont découverts, décrits et attribués à Panthera gombaszoegensis : quatre sites archéologiques ont livré des restes en quantité non négligeable; il s'agit de Château en Saône-et-Loire, de la grotte de l'Escale dans les Bouches-du-Rhône, d'Artenac en Charente et de la Grotte XIV en Dordogne. En Bourgogne, à Château, A. Argant (1989) a découvert des fragments de maxillaire, de mandibule, des dents isolées (I/2, P/3, P/4, M/1) et des fragments de squelette post-crânien. Il rapporte ces vestiges à Panthera gombaszoegensis et suivant la palynologie des niveaux fossilifères (Argant 1980), retient que cette espèce se serait développée surtout dans un biotope forestier. Toutefois comme Panthera gombaszoegensis était aussi représentée lors des épisodes froids du Pléistocène moyen, A. Argant (1989) la considère comme relativement ubiquiste. Ce gisement a livré des vestiges dont l' âge se place entre 0,4 et 1 Ma. Le matériel se compose essentiellement de fragments de crâne et de dents de quatre jeunes adultes (Bonifay 1971). Cet auteur a constaté que ce grand félin présentait à la fois des caractères de Guépard (Acinonyx), de Lion et de Megantereon mais aussi des caractères qui lui sont propres. Les caractères originaux de ce fossile sont essentiellement liés à la capacité de broyer les os d'après M.-F. Bonifay (1971), ce qui est rare pour un félin. Proche de celui décrit à Gombaszög mais présentant des caractères particuliers, ce félin a été distingué par M.-F. Bonifay (op. cit.) des autres félins au niveau du genre, sous le nom de Jansofelis vaufreyi. Toutefois pour H. Hemmer (1972), Jansofelis vaufreyi serait un synonyme de Panthera gombaszoegensis, les restes présents à l'Escale se rapportant à des individus en cours de croissance. Quant à Rimmer (in Hemmer 1972), il estime que les particularités de l'individu trouvé dans le Sud de la France ne justifient une distinction qu'au niveau sous-spécifique. Il faut cependant envisager de façon tout à fait probable une évolution de Panthera gombaszoegensis au cours du Pléistocène. Ce site a livré de nombreux restes de carnivores tels que ceux rapportés aux genres Ursus, Canis ou à l'espèce Dinobastis latidens ,. .. ainsi que des restes d'un félin que J.-F. Tournepiche (1996) a décrit comme appartenant à Panthera gombaszoegensis. Ces vestiges proviennent des niveaux inférieurs de la grotte datés entre le Villafranchien récent et la fin du Mindel. Les fouilles ont notamment mis au jour deux crânes rapportables à ce taxon, plus ou moins complets, datant du Mindel. Récemment, un quatrième site, la Grotte XIV en Dordogne, a livré des vestiges qui appartiendraient à l'espèce Panthera gombaszoegensis. Nous avons étudié les restes mis au jour dans ce site et nos résultats sont exposés dans les paragraphes suivants. Cette grotte se situe en Dordogne, sur la commune de Cénac et Saint-Julien. La séquence chronologique des dépôts de ce site s'étale de 500 à 600 000 ans pour l'ensemble inférieur, à 120 000 ans pour l'ensemble supérieur (Guadelli 1998). Le matériel étudié qui provient des ensembles inférieur et moyen, se compose de deux mandibules (B1-384, mandibule droite complète; B1-238, branche montante cassée d'une mandibule gauche) et de restes d'os post-crâniens. Les deux mandibules sont de même taille (fig. 1 et 2; tabl. 1). La branche montante du spécimen B1-384 est moins haute que chez Panthera spelaea et son départ est assez abrupt. La fosse massétèrienne est assez vaste et s'arrête nettement avant la racine distale de la première molaire inférieure (M/1). A. Argant (1989) signale que H. Hemmer et G. Schütt (1969) et M.-F. Bonifay (1971) ont constaté les mêmes caractères sur les fossiles qu'ils ont découverts. Les bords supérieur et inférieur de l'os mandibulaire sont chaque fois à peu près rectilignes et parallèles sur toute leur longueur. A la partie antérieure de la symphyse, on remarque une proéminence qui n'est visible ni sur les fossiles de l'Escale (Bonifay 1971) ni sur ceux de Château (Argant 1989). On note également que la hauteur de la branche horizontale de la mandibule paraît importante. En vue occlusale, nous pouvons observer que la série des dents jugales (P/3, P/4, M/1) forme une convexité vers la face vestibulaire. On s'aperçoit que sur la mandibule B1-384, la M/1 a un protoconide plus élevé que le paraconide, observation impossible à effectuer sur l'autre mandibule compte tenu de l'usure de la dent (tabl. 2). Il n'y a pas d'espace entre les dents jugales ce qu'a noté M.-F. Bonifay (op. cit.) pour le fossile de l'Escale. La P/3 est petite par rapport à la P/4 particulièrement puissante. Le protoconide de cette dernière est pointu et presque aussi haut que celui de la M/1, il est encadré de deux petits tubercules : un antérieur et l'autre postérieur. La série dentaire étant en “tuile de toit ”, la partie distale de P/4 est, du côté vestibulaire, plus en arrière que le bord mésial de la M/1. La M/1 est à peine plus grosse que la P/4 : ce que nous pouvons constater figure 2 et dans le tableau 2. Il apparaît figure 3 que les M/1 découvertes à Artenac sont de même taille que celles provenant de la Grotte XIV, ce qui est un argument de plus à l'attribution des fossiles de cette dernière grotte à Panthera gombaszoegensis. L'axis découvert à la Grotte XIV est en bon état de conservation et apparaît robuste (fig. 4a, 4b), toutefois il est difficile de le comparer aux deuxièmes vertèbres cervicales d'autres espèces de Panthera car très peu ont été retrouvées dans un état permettant leur étude. Dans sa partie crâniale, cette vertèbre est plus large que celle d'un jeune lion conservé à l'I.P.G.Q. de l'Université de Bordeaux I (61,8 mm; 65,7 mm pour l'axis de la Grotte XIV). Le processus épineux, très long et très oblique, dépasse très nettement vers l'arrière le corps de la vertèbre (fig. 4a). Ce processus est plus oblique vers le haut et vers l'arrière que chez un jeune lion actuel. En revanche, les articulations de cette vertèbre avec l'atlas de ce jeune félin sont identiques à celles du félin de la Grotte XIV (fig. 4b). Les processus articulaires caudaux sont détachés du processus épineux contrairement à ce que l'on peut voir chez les lions actuels. Nous avons comparé cet os à celui du Lion actuel car nous n'avons pas pu nous référer à des ossements fossiles. Ce radius, dont on n'a que l'extrémité distale (fig. 5), possède une diaphyse plus aplatie antéro-postérieurement que chez le Lion actuel. Le processus styloïde radial est présent mais très peu développé. L'articulation avec le carpe est très rectangulaire et paraît creusée en son milieu. La largeur de la diaphyse est comparable à celle du Lion actuel. Sur la face dorsale de cette diaphyse, la proéminence au-dessus du processus styloïde est plus développée et plus haute. La face palmaire du radius du félin de la Grotte XIV était endommagée donc il n'a pas été possible d'observer et de juger du développement des insertions musculaires. Sa partie proximale est plus globuleuse que sa partie distale. Si on le compare à un métacarpien V de Panthera spelaea de Malarnaud (Dufour 1989), il est beaucoup plus petit et plus court. En comparant les mesures des 5èmes métacarpiens des différents carnivores (tabl. 3), on s'aperçoit que celui du félin de la Grotte XIV est plus proche en taille de ceux de Panthera gombaszoegensis de Château (Argant 1989) que de ceux de P. pardus et P. mosbachensis. Ce métacarpien se situe entre celui plus robuste d'un lion actuel et celui plus fin et plus court d'une panthère actuelle. Mais il possède la même morphologie que celui de Panthera pardus. Par rapport au Lion actuel, la facette articulaire en relation avec le 4ème métacarpien est plus droite et dans l'axe de l'os. C'est ce que l'on retrouve également chez la Panthère actuelle. La diaphyse de ce fémur a une section arrondie sur la face dorsale et plane sur la face plantaire. Le grand trochanter, cassé, ne paraît pas avoir été très volumineux. La trochlée fémorale est beaucoup moins développée et moins épaisse que celle d'un lion actuel. Par ailleurs, relativement au fémur du Lion, celui découvert à la Grotte XIV possède une diaphyse plus robuste. Cette dernière semble plus torse ce qui est observable aussi sur les fémurs des panthères. La face plantaire de cet os, dans sa moitié distale, possède au milieu de la diaphyse une légère carène, c'est pourquoi cette face paraît moins plate que celle du Lion actuel. La tête articulaire du fémur n'a aucun caractère particulier, elle est comparable à celle du Lion mais son col paraît plus court. Le tibia est malheureusement cassé, il ne nous reste que la moitié distale. Il paraît assez robuste par rapport à celui du Lion actuel. Les deux faces articulaires sont plus ou moins obliques, peu profondes mais la plus latérale forme une gouttière. Cette articulation distale paraît plus aplatie antéro-postérieurement chez le félin de la Grotte XIV que chez le Lion actuel. Les diamètres transversal et antéro-postérieur paraissent plus importants pour le tibia trouvé à la Grotte XIV que pour celui du Lion actuel. Le talus (fig. 6) est très bien conservé et ses dimensions (tabl. 4) comparées à celles des deux talus trouvés à Château en Bourgogne (Argant 1989) semblent assez proches. Par rapport au Lion actuel, ce talus est moins haut (Gr. XIV : 49 mm; Lion actuel : 53,14 mm), paraît plus comprimé dans le sens dorso-plantaire et sa trochlée est un peu plus large avec une gorge un peu moins profonde. L'articulation avec le naviculaire apparaît plus trapue et son col plus court. Au niveau de cette articulation, en position médiale, on peut observer un petit tubercule qui n'existe pas chez les autres félins. Sur sa face plantaire, la plus petite facette articulaire pour le calcanéum est moins vaste et plus ronde que chez le Lion actuel. Le tibia et le talus semblent appartenir au même individu. La phalange appartenant au fossile découvert à la Grotte XIV paraît un peu plus petite que celles trouvées par A. Argant (1989) à Château (tabl. 5). Elle est très arquée et son articulation proximale comprend une échancrure assez vaste. Cette phalange est un peu plus large et longue que celle d'une panthère actuelle mais beaucoup moins robuste que celle d'un jeune lion. Néanmoins, sur cet os, en vue dorsale, on peut repérer, dans sa partie proximale, un petit bourrelet proéminent du côté gauche de la diaphyse et un creux du côté droit (fig. 7a). Les deux 2èmes phalanges trouvées à la Grotte XIV sont, elles aussi, arquées et comprimées transversalement (fig. 7b). Comme chez tous les félins, elles possèdent une dépression ronde dans la partie proximale de la face plantaire (fig. 7c). La taille de ces phalanges est plus proche de celle des phalanges d'un jeune lion que de celle des phalanges d'une panthère actuelle. Du fait de sa taille, cette phalange paraît avoir porté une griffe assez imposante. A partir des mesures et des descriptions des différents restes découverts à la Grotte XIV, nous pouvons remarquer que ce félin possède plusieurs caractères montrant son appartenance à l'espèce Panthera gombaszoegensis : la branche horizontale des mandibules est haute et ses bords supérieur et inférieur sont rectilignes et parallèles; la vaste fosse massétérienne s'arrête avant la racine distale de la M/1, les carnassières sont robustes, le talus est comprimé et son col est court. Sur sa face plantaire, la petite facette articulaire calcanéenne médiale est petite et ronde. Cependant, Panthera gombaszoegensis découvert à la Grotte XIV présente des caractères qui n'ont pas été évoqués dans la littérature à notre disposition; ils sont peut-être propres à la forme de ce site ou caractéristique de l'espèce sans que nous ne puissions trancher pour l'instant pour l'une ou l'autre des deux hypothèses : le processus épineux de l'axis est long et oblique, les mandibules possèdent dans la partie inférieure de la symphyse une proéminence, la diaphyse du fémur est torse, elle possède une carène dans sa moitié distale, sur la face postérieure et son col est assez court, la face palmaire du troisième cunéiforme est volumineuse et son articulation avec le métacarpien III est vaste, la phalange proximale possède, à la partie proximo-médiale, un petit tubercule. A ces quelques détails près, ce félin ressemble beaucoup à ceux de Château (Argant 1989). Les particularités notées ci-dessus relativement aux félins de Château ou à celui de l'Escale (Bonifay 1971) relèvent peut-être d'une adaptation régionale. Panthera gombaszoegensis présent à la Grotte XIV vivait en compagnie d'autres carnivores : Ursus deningeri, Dinobastis latidens, Panthera (leo) spelaea, Lynx sp., Canis etruscus, Vulpes praeglacialis, sous un climat frais et humide dans un environnement forestier de type chênaie (Guadelli 1998). Ceci est comparable aux résultats d'A. Argant (1989) qui, à partir des données palynologiques de Château (Argant 1980) associe Panthera gombaszoegensis à un milieu forestier, tempéré frais. On observe les mêmes conditions climato-écologiques à l'Escale (Bonifay 1971). Les fouilles de la Grotte XIV ont permis de mettre au jour des restes de Panthera spelaea et de Panthera gombaszoegensis dans les mêmes couches de l'ensemble moyen et de l'ensemble inférieur (Guadelli 1998) ce qui indiquerait, semble -t-il, que ces deux espèces n'entraient pas en compétition. Selon A. Argant (1989), Panthera gombaszoegensis n'était pas non plus directement en concurrence avec Panthera mosbachensis. Nous avons voulu, dans cette étude, apporter quelques éléments à la connaissance de l'espèce Panthera gombaszoegensis mais il reste des zones d'ombre au niveau taxonomique, Jansofelis vaufreyi doit-il être mis en synonymie avec Panthera gombaszoegensis malgré ses caractères propres ? Le Félin de Gombaszög était une espèce qui a couvert une grande étendue chronologique et géographique (Villafranchien supérieur; Italie : Val d'Arno, Olivola; Pays Bas : Tegelen. Pléistocène moyen; Hongrie : Gombaszög; Allemagne : Mosbach; France : l'Escale, Château, Artenac, la Grotte XIV). Il peut donc être représenté par plusieurs formes, différentes entre elles au niveau sous spécifique, qui auraient eu une évolution propre au sein d'aires géographiques non superposées . | Panthera gombaszoegensis a vécu dès la fin du Pléistocène ancien jusqu'au milieu du Pléistocène moyen. La présence de ce félin en France est peu documentée mais il ne s'agit peut-être que d'un manque de sites. Après un rappel des quelques travaux relatifs à cette espèce, cet article aborde l'étude de la série de vestiges recueillie ces dernières années dans la Grotte XIV (Dordogne) (Fouilles J.-L. Guadelli). On y trouvera la description de ces vestiges et quelques remarques sur la répartition géographique et la phylogénie de ce félin. | archeologie_525-04-10202_tei_281.xml |
termith-173-archeologie | Le gisement de La Souquette (Sergeac, Dordogne) est situé à l'extrémité nord-ouest du vallon de Castel-Merle (ou Vallon des Roches), à proximité immédiate des gisements de Labattut, Roc de l'Acier, Reverdit, Les Merveilles, Blanchard 1 et 2 et Castanet. La plupart de ces sites renfermaient d'importantes formations attribuables à l'Aurignacien I. L'abri de La Souquette fut fouillé dans la première décennie du XXème siècle, lors de campagnes souvent expéditives dont le but était, avant tout, la récupération d'objets caractéristiques comme les grandes lames aurignaciennes à étranglement. D. Peyrony, dans un lambeau préservé, y recueillit aussi des sagaies losangiques ou à biseau et divers éléments d'industrie osseuse (Peyrony 1909). La parure présente des similitudes avec celle des gisements de Castanet et Blanchard (White 1993, 1995, 1996). Dans les années qui ont suivi, F. Delage (1938) constata la présence de niveaux du Magdalénien moyen. C'est grâce au tamisage systématique des déblais par Marcel Castanet, entre les deux guerres, qu'une importante collection de vestiges, essentiellement attribuable à l'Aurignacien I (provenant des déblais de l'abbé Landesque et de quelques autres fouilleurs et donc susceptibles de contenir aussi du Magdalénien), put être recueillie; elle est conservée à Sergeac dans le Musée d'archéologie de René Castanet. Les ensembles lithiques ont été étudiés par D. de Sonneville-Bordes (1960). Enfin, au début des années 1980, A. Roussot a conduit un petit sondage de 4 m 2 dans les niveaux aurignaciens (Rigaud 1982; Roussot 1982). La présence d'une canine de grand carnivore utilisée comme retouchoir à La Souquette est signalée par Mouton dès 1956 (Mouton 1957). Ch. Leroy-Prost signale la présence de cette dent dans les collections du Musée Castanet à Sergeac, mais ne l'étudie pas étant donné son contexte de découverte douteux (Leroy-Prost 1975, 1996). Cependant, on peut considérer que l'Aurignacien I constitue la plus grande partie du remplissage de l'abri de la Souquette et que ce genre de vestiges n'est pour l'instant connu que dans l'Aurignacien (voire dans l'Aurignacien I uniquement) (Leroy-Prost op. cit.). Par ailleurs, au cours de la fin du Würm, Ours et Lion des Cavernes se raréfient rapidement et mis à part le cas exceptionnel du Closeau (Bodu et Bémilli 2000), l'on ne connaît guère de sites magdaléniens ayant livré d'autres vestiges que des produits symboliques. Les dents susceptibles d'avoir été retirées de dépôts plus anciens ne devaient plus être très favorables à l'utilisation comme outil, sans toutefois pouvoir exclure complètement une transformation en élément de parure. C'est pourquoi, nous avons considéré qu'en complément du réexamen des canines de grands carnivores de La Ferrassie (Castel, et al., ce volume), cette dent très certainement attribuable à l'Aurignacien, pouvait être présentée avec les réserves que nous avons mentionnées. La visite du Musée d'archéologie de Sergeac nous a permis de découvrir non pas une seule mais deux dents de grands carnivores utilisées. Elles ne portent pas de traces d'utilisation comme objets de parure. La première, une canine inférieure droite d ' Ursus spelaeus (voir critères dans Castel et al. ce volume), provient d'un individu immature (fig. 1). Elle est bien conservée malgré l'absence de quelques lames de dentine sur la racine. Deux plages d'utilisation sont très nettes (plages 1 et 2) et deux autres (face externe, en haut de la racine; face interne) plus difficiles à définir compte tenu de l'altération post-fouille des pièces. Sur la face postérieure, la racine porte trois séries de courtes incisions assimilables à des stries de découpe et non à une utilisation technique; elles pourraient correspondre au prélèvement de la dent sur la mâchoire. La seconde canine est plus abîmée (fig. 2). Il s'agit probablement d'une canine inférieure droite de Panthera spelaea. En effet, malgré l'absence d'émail et la détérioration de la dentine sur les faces antérieure et postérieure de la racine, on devine la présence d'un bourrelet sur la face externe qui ne peut s'expliquer que par l'existence d'au moins un sillon caractéristique des Félidés. On peut, de plus, distinguer les crêtes mésiale et distale qui indiquent, d'après leurs localisations, plus probablement une canine inférieure (Castel et al., ce volume). Malgré sa dégradation, il est possible de remarquer sur trois faces, quatre plages d'utilisation bien visibles (plages 3 à 6). De petites stries très fines (stries secondaires), qui bordent parfois les plages utilisées, peuvent être observées sur la face interne, en périphérie de la plage située sous la couronne. Les plages n° 2 à 6 sont constituées de petits arrachements réguliers et parallèles; leurs limites sont bien marquées (tab. 1). La plage n° 1, sur la face interne de la canine d'ours, se distingue des autres par des stigmates plus légers et des limites moins franches. Les arrachements côtoient les incisions courtes et profondes; ces stigmates traduisent une utilisation différente des autres ou peut-être simplement moins intense. Aucune de ces dents ne porte d'enlèvement par percussion sur la face antérieure, à la base de la racine, comme cela est observé à La Ferrassie et aux Rois (Castel et al., ce volume). Même si la faune de La Souquette n'est guère connue, il paraît probable que ces dents soient les seuls restes de grands carnivores retrouvés lors des fouilles. En tout cas, les auteurs des fouilles et les paléontologues du début du vingtième siècle ne mentionnent de restes de ces espèces si remarquables. Il s'agit donc vraisemblablement de dents sélectionnées en fonction de leur fort pouvoir symbolique. Elles sont beaucoup plus fortement investies que les retouchoirs sur diaphyses qui remplissent un rôle technique similaire. Les canines de carnivores de La Ferrassie et de La Souquette présentent ainsi de nombreux points communs en ce qui concerne leur rôle symbolique dans les sociétés qui les utilisaient. Leur mode d'utilisation semble en revanche différent. Dans les deux cas, les plages délimitées de petits arrachements réguliers et parallèles dominent; ils sont semblables à ce qui s'observe sur les retouchoirs sur diaphyses d'os longs d'Ongulés (p. ex. : Castel 1999; Armand et Delagnes 1998; Patou-Mathis 2002). Cependant, à La Ferrassie, il existe une grande diversité d'utilisation (Castel et al., ce volume). Au contraire, on ne trouve sur les dents de La Souquette ni les incisions de type “stries” ni les aménagements de la base de la racine qui sont présents sur plusieurs exemplaires de La Ferrassie. La question se pose de savoir si cette différence est due à la faiblesse de l'échantillon ou si l'on peut y déceler des comportements techniques différents ? Comme l'observe R. White, il n'y a presque aucun point de ressemblance entre la parure aurignacienne de La Ferrassie et celle de l'ensemble formé par La Souquette, Blanchard et Castanet. Plus précisément, l'Aurignacien de La Ferrassie n'a livré aucune perle du type “en forme de panier” alors que les sites de Castel-Merle en ont livré des milliers (White 1993, 1995, 1996). De plus, D. de Sonneville-Bordes (1960) a bien distingué, sur la base de l'analyse typologique des industries lithiques du sud-ouest de la France, deux faciès de l'Aurignacien ancien en Périgord : l'Aurignacien type Ferrassie et l'Aurignacien type Castanet. Cette distinction conforte les différences observées sur les dents de grands carnivores de La Ferrassie et de La Souquette. A la suite de cette brève analyse, il s'avère nécessaire, pour la compréhension de l'Aurignacien ancien, de réaliser une révision complète de l'ensemble des dents utilisées à la fois par l'examen de la diversité des modes de sélection et d'utilisation et par les liens entre ce type de vestiges et les autres marqueurs de cette phase culturelle . | L'examen des canines de grands carnivores utilisées à La Ferrassie (Castel, Chauvière, Madelaine, ce volume) nous a conduit à réévaluer le matériel aurignacien de la Souquette, insuffisamment connu. Au lieu d'une dent attendue, ce sont deux dents de grands carnivores caractéristiques que nous avons pu décrire et comparer au reste du corpus. Même si l'échantillon est de petite taille, il semble que le mode d'utilisation de ces dents soit moins diversifié que ce qui est observé dans les niveaux contemporains de la Ferrassie. | archeologie_525-07-10138_tei_264.xml |
termith-174-archeologie | Ce que l'on nomme communément industrie « peu élaborée » désigne un outillage domestique dont les modalités de fabrication sont restées très sommaires. Les quelques outils connus pour le Paléolithique inférieur et moyen constituent les premiers témoignages de cette industrie. Avec l'Aurignacien, on assiste à la mise en place d'une réelle gestion de l'exploitation des matières osseuses avec l'apparition d'une production importante et systématisée. Mais à côté de cette production d'outils d'apparence soignée, témoins d'un investissement technique certain, un outillage « peu élaboré » se développe et perdure tout au long du Paléolithique supérieur. Pour les périodes récentes, cette industrie ne suscite pas un grand intérêt de la part des chercheurs qui privilégient l'étude des objets plus élaborés, jugés plus informatifs et révélateurs des aptitudes techniques, cognitives et conceptuelles des Préhistoriques. Néanmoins, si on souhaite appréhender d'une manière globale l'économie, les choix techniques et culturels des sociétés paléolithiques, il devient indispensable de prendre en compte la totalité des productions. L'étude de l'industrie peu élaborée s'avère d'autant plus nécessaire qu'elle représente souvent une part importante des ensembles en matières osseuses du Paléolithique supérieur. Par l'étude de l'industrie en os aurignacienne de la grotte des Hyènes à Brassempouy (Tartar 2003; Tartar in Henry-Gambier & Bon, à paraître), nous entendions mener une première réflexion sur les raisons qui ont conduit les Préhistoriques à maintenir la production d'une industrie peu élaborée alors que le reste de l'équipement domestique – et parfois même des outils de même type – témoigne d'un investissement technique important et de modalités de fabrication plus complexes. Cet article reviendra sur la démarche adoptée pour l'étude de cet outillage. Il sera ensuite consacré à une catégorie particulière d'outils : les pièces intermédiaires. Les artefacts étudiés proviennent de la grotte des Hyènes à Brassempouy. Situé en Chalosse, dans le sud du département des Landes, le gisement de Brassempouy est découvert dès 1880. Des fouilles sont rapidement entreprises par différents chercheurs landais qui s'intéressent essentiellement à la longue séquence de la grotte du Pape. C'est en 1981 avec la reprise des fouilles par H. Delporte que s'amorcent véritablement les recherches sur la grotte des Hyènes. Ces recherches, poursuivies par D. Buisson (1995-1996) puis D. Gambier et F. Bon (depuis 1997) permettent de recueillir un matériel archéologique important (industries lithique et osseuse, parure) présentant les caractéristiques techniques de l'Aurignacien ancien (Bon 2000; Bon in Henry - Gambier & Bon, à paraître; Katz in Henry - Gambier & Bon, à paraître; White 1993; White in Henry - Gambier & Bon, à paraître). L'équipement en os étudié (Tableau 1) provient des campagnes de fouilles menées depuis 1981. L'analyse s'est déroulée en plusieurs étapes. Elle a débuté par une évaluation de l'état de préservation des artefacts, état dont dépendent la quantité et la qualité des informations rassemblées. Celle -ci a d'abord consisté en une estimation de la fragmentation des pièces. L'état de surface des artefacts a ensuite été évalué. Il a été jugé bon quand les altérations de surface ne gênaient pas ou peu la lecture des stigmates techniques, moyen quand elles n'autorisaient qu'une lecture correcte et mauvais quand elles gênaient l'observation des stigmates. L'étape suivante a visé l'identification anatomique et taxinomique des supports exploités. L'étude technologique stricto sensu a alors pu commencer. Pour les outils manufacturés, nous avons tenté d'identifier les modalités de débitage et de façonnage employées lors de leur élaboration. La majorité des outils n'ayant connu aucune transformation, la démarche s'est le plus souvent réduite à l'évaluation des particularités offertes par les supports. L'examen s'est poursuivi par une analyse morphométrique des pièces, soit dans leur globalité, soit dans certaines zones précises. Pour les artefacts transformés, nous avons cherché à cerner les objectifs techniques du façonnage à partir de la restitution morphologique des supports d'origine. Ces différentes étapes d'analyse sont essentielles pour réunir toutes les informations nécessaires à l'identification des choix techniques et économiques effectués lors de la production des outils. Mais pour comprendre ces choix et les motivations qui ont conduit les Préhistoriques à produire un outillage peu élaboré, sa fonction s'impose comme une donnée nécessaire. Si la remarque vaut pour tous les types d'outils, elle semble indispensable pour les outils peu élaborés dans la mesure où leur faible transformation laisse peu de place aux hypothèses par analogie morphologique. Par ailleurs, si nous envisageons d'appréhender les raisons qui ont présidé à la réalisation de cette industrie, il est important de comprendre les répercussions de la faible transformation des outils sur leur fonction. C'est pourquoi, en complément de l'approche technologique, nous avons effectué une lecture tracéologique des surfaces actives. Celle -ci ne peut, toutefois, avoir valeur « d'analyse fonctionnelle » dans la mesure où la constitution du référentiel expérimental exigé ne s'accordait pas avec les délais alloués à la préparation du DEA. La confrontation des données issues de l'analyse des stigmates d'utilisation avec les données technologiques nous a cependant permis d'amorcer la discussion sur les possibilités fonctionnelles des différentes catégories typologiques d'outils. Cette approche constitue ainsi un travail préliminaire conduit comme un test de faisabilité de la démarche techno-fonctionnelle sur l'outillage osseux paléolithique. Plus précisément, elle a comme objectif d'évaluer le potentiel informatif de la démarche dans l'étude de l'outillage peu élaboré. Les couches aurignaciennes anciennes de la grotte des Hyènes ont livré sept pièces intermédiaires, toutes en os. Une seule d'entre elles a fait l'objet d'une mise en forme. L'identification typologique de ces pièces intermédiaires repose donc sur les stigmates d'utilisation (enlèvement, écrasement) observés à leurs extrémités. Peu de pièces intermédiaires en os ont été recensées pour le Paléolithique supérieur. A notre connaissance, seuls quatre exemples sont mentionnés pour l'Aurignacien. L. Pradel (1952) à Fonténioux (Vienne) et A. Cheynier et H. Breuil (1963) à Pair-non-Pair (Gironde) signalent quelques exemplaires mais ils ne donnent aucune précision quant à leurs éventuelles modalités de débitage ou de façonnage. Récemment, D. Liolios (1999) évoque trois « ciseaux », au biseau façonné par raclage, dans les niveaux proto-aurignacien et aurignaciens de Geißenklösterle (Allemagne). Les exemplaires de Brassempouy pourraient donc constituer les seules pièces intermédiaires non façonnées signalées jusqu' à présent. Aucune pièce n'est préservée dans son intégralité. Deux d'entre elles ont néanmoins conservé leur longueur d'origine. Une de ces dernières, la pièce façonnée BA10-933 est cependant fortement altérée au niveau de son extrémité proximale où ne subsiste qu'un vestige du plan de frappe. Les pièces restantes sont représentées par des fragments mésio-distaux (n = 4) et distaux (n = 1). Par ailleurs, quatre artefacts sont fracturés longitudinalement. Leur état de surface est peu satisfaisant, allant de moyen (n = 4) à mauvais (n = 3). La cavité médullaire de l'exemplaire le plus complet (BE4-1307) est totalement comblée par des sédiments concrétionnés. Quatre pièces intermédiaires procèdent d'un recyclage d'outils : de trois retouchoirs et d'un lissoir/retouchoir (Tableau 2). Les stigmates de percussion sont postérieurs aux traces d'utilisation inhérentes à leur utilisation en retouchoir ou en lissoir. Les retouchoirs se composent d'un fragment de radius de cheval (fig. 1c), un fragment diaphysaire de gros ongulé et un fragment de côte de rhinocéros. Le lissoir/retouchoir a été effectué sur un fragment de côte de gros ongulé (fig. 1d). Ces outils ont été recyclés sans aucun réaménagement préalable. Parmi les trois pièces « monofonctions », deux sont des fragments diaphysaires de gros ongulé, l'une provient d'un fémur (fig. 1a) et l'autre est indéterminé. La morphologie des bords atteste une fracturation des os en percussion lancée. Dans la mesure où les Aurignaciens de Brassempouy ont systématiquement fracturé les os pour y récupérer la moelle (Letourneux 2003), il semble raisonnable de penser que ces fragments ont fait l'objet d'une récupération parmi les déchets de consommation. Ils n'ont subi aucune transformation avant leur utilisation. La dernière pièce intermédiaire provient d'un corps mandibulaire de cheval (fig. 1b). La présence récurrente de mandibules fracturées intentionnellement parmi les vestiges de faune plaide une nouvelle fois en faveur d'une récupération de déchets culinaires mais à la différence des autres exemplaires, elle a bénéficié d'une importante mise en forme (cf. infra). La régularité et l'arrondi parfait des bords attestent un façonnage important et très soigné qui a entièrement remodelé les pans de fracture (fig. 2). Cependant, aucun stigmate de façonnage n'est visible sur ces régions. Quelques stries de raclage, sur la face supérieure, à proximité d'un bord, laissent envisager le recours à cette technique. En face inférieure, dans le canal médullaire, on constate la présence de stries longitudinales très fines et longues et la surface présente un « aspect brillant ». Ces stigmates sont, de toute évidence, à rattacher à un polissage de la pièce à l'aide d'un matériau souple. En effet, les stries, beaucoup trop fines pour envisager un raclage, se situent dans une région en creux ce qui écarte l'usage d'un tranchant lithique ou l'abrasion sur meule. Enfin, leur localisation rend très improbable une formation conjointe à l'utilisation de la pièce. Ces stries relèvent selon toute évidence d'une étape de finition par polissage. Cette dernière, appliquée à l'ensemble de l'objet, aurait oblitéré les traces antérieures de façonnage à l'exception de celles localisées dans le creux du canal médullaire, inaccessibles. La morphologie des pièces reste imprécise en raison de leur fragmentation importante. Les exemplaires les moins endommagés laissent penser que les outils présentaient une forme allongée, des bords grossièrement rectilignes ou légèrement convexes et convergents vers l'extrémité distale. La section de leur partie mésiale est majori-tairement convexe-concave (n = 6) en raison de la présence, en face inférieure, du canal médullaire sur les fragments de diaphyse et le fragment mandibulaire ainsi que celle de la concavité présentée par l'os compact sur les fragments de côtes. L'exemplaire sur lissoir présente une section plano-convexe. Les données métriques sont également limitées. Les pièces BE4-1307 et BA10-933 ont conservé leur longueur d'origine soit 115 et 85 mm. Elles mesurent actuellement 24 et 20 mm de large, mais mesuraient davantage. Leur épaisseur respective est de 12 et 13 mm. Ces mensurations en font des outils relativement robustes. Il semble en avoir été de même pour la majorité des pièces restantes (n = 5). En effet, quatre d'entre elles ont une largeur comprise entre 24 et 37 mm et leur épaisseur varie entre 9 et 12 mm. En revanche, l'exemplaire sur lissoir, qui a conservé sa largeur et son épaisseur initiales, offre des dimensions bien plus réduites : 19 et 7 mm. La forme actuelle des parties distales est inhérente à leur utilisation. La restitution de leur morphologie d'origine va dépendre de l'intensité d'utilisation des pièces et de leur état de conservation. En vue de face, cinq pièces présentent un front convexe et une autre un front ogival. Cette morphologie semble être proche de la forme initiale. En revanche, une pièce qui présente un front rectiligne, lié à un écrasement important, témoigne probablement d'une utilisation ayant sensiblement modifié le contour originel de l'extrémité. Il s'agit de l'exemplaire sur lissoir, outil que l'on sait présenter le plus souvent un front arrondi. Telle devait vraisemblablement être sa morphologie avant utilisation. En vue de profil, les fronts des outils sont arrondis. Quatre exemplaires possèdent une extrémité biseautée. Pour trois d'entre eux, le biseau est « naturel » et résulte de la fracturation en percussion des os longs et de la côte dont ils sont issus (fig. 3). Le biseau peut être « plein », c'est-à - dire pris dans l'épaisseur de compact (n=2), ou « en creux » avec le canal médullaire en son milieu (n = 1). Ils présentent des faces grossièrement rectilignes convergentes. En réalité, la face supérieure (face externe de l'os) est rectiligne et régulière mais la face inférieure (pan de fracture) est plus accidentée. Ils montrent un angle compris entre 22 et 35°. Le biseau de l'exemplaire façonné devait être présent à l'issue de la fracturation de la mandibule mais a été accentué et régularisé lors du façonnage : la courbure naturelle du fragment a été préservée en face supérieure tandis que la face inférieure a été entièrement aplanie. Il montre un angle de 27°. L'exemplaire sur lissoir présente des faces parallèles-rectilignes. Selon toute évidence, la pièce n'offrait pas de biseau, mais a pu éventuellement posséder un front tranchant. Les deux dernières pièces montrent des fractures longitudinales au niveau des bords ce qui complique la reconstitution de la forme originelle de l'extrémité distale. L'arrondi marqué du front et leur section convexe laissent envisager que ces pièces portaient un biseau « en creux ». BE4-1307 présente une extrémité proximale rectiligne-droite et perpendiculaire à l'axe longitudinal de l'outil. L'extrémité proximale de BA10-933 est bien trop altérée pour évaluer sa forme d'origine. Les pièces intermédiaires reflètent deux comportements distincts. Les données archéozoologiques et technologiques laissent penser que le plus représenté a consisté en la simple récupération de vestiges de consommation ou d'outils pour une utilisation directe. Ce comportement peut, dans une certaine mesure, être qualifié d'opportuniste : en s'approvisionnant dans les déchets de consommation, les Paléolithiques ont sélectionné les supports dont la morphologie s'accordait directement à leurs besoins. Leur choix s'est porté sur des formes allongées, rectilignes et régulières présentant une extrémité naturellement anguleuse. Seuls des fragments d'os de gros ongulés ont été sélectionnés, probablement pour garantir des dimensions et une solidité suffisantes aux outils. Toutefois, la pièce intermédiaire sur lissoir se distingue par sa gracilité. Elle est également la seule à ne pas présenter de biseau. La pièce intermédiaire BA10-933 relève d'un comportement différent. Elle témoigne d'un investissement technique important qui s'est manifesté au travers d'une mise en forme intensive et élaborée. Les particularités morphologiques du support expliquent sans doute en partie qu'on lui ait accordé une attention particulière. En effet, le fragment mandibulaire offre une courbure naturelle à son extrémité, une convexité qui convient particulièrement à l'aménagement d'un biseau. Les parties distales des artefacts portent, sur les fronts et faces, des stigmates d'utilisation macro et microscopiques. Les stigmates macroscopiques se composent de stigmates de percussion - écrasement, micro-fissures et éclats (enlèvements et écaillures) - ainsi que d'un émoussé. Ce dernier correspond à une déformation de la morphologie de l'extrémité occasionnée par la perte de matière relative au frottement de l'outil sur le matériau traité. Les micro-traces consistent en un lustré et des stries. Le lustré procède d'un changement de l'aspect de surface qui devient brillant ou luisant suite à l'échange de particules de matière entre l'outil et la matière travaillée. Les stries résultent, quant à elles, de la présence de fines particules abrasives entre les surfaces en contact au moment de l'utilisation. Elles matérialisent la cinématique donnée à l'outil. Les stigmates de percussion restent clairement identifiables en dépit d'une fragmentation importante des pièces. En revanche, ce dernier phénomène est vraisemblablement responsable de la disparition de régions porteuses de micro-traces et d'émoussés, au moins sur les surfaces actives de trois pièces : deux fragmentées longitudinalement au niveau de leurs bords et une fragmentée transversalement juste au-dessous de son extrémité distale (fragment distal). Par ailleurs, des altérations de surface ont pu effacer des traces existantes. Ainsi, les stigmates observés ne sont pas totalement représentatifs de l'état des artefacts à l'issu de leur utilisation. L'écrasement est le principal responsable de la déformation du modelé initial de la partie active des pièces. Il se limite strictement au front des outils. Identifié sur toutes les pièces, il est bien marqué (n = 4), sinon léger (n = 2), voire très léger (n = 1). Il se traduit par un facettage du front des outils et une coloration plus foncée de la surface osseuse (fig. 4). Il s'accompagne systématiquement de micro-fissures, parallèles ou perpendiculaires à l'axe du front. Les éclats s'observent systématiquement, sous forme d'enlèvements pour les plus grands et d'écaillures pour les plus petits. Certaines pièces présentent uniquement des enlèvements (n = 1) ou des écaillures (n = 4), alors que d'autres combinent les deux (n = 2). Les écaillures se limitent au front de l'outil, tandis que les enlèvements partent du front pour gagner l'une des faces et peuvent atteindre les 26 mm. Les éclats sont souvent émoussés et lustrés, ce qui indique une altération progressive des parties actives au cours de l'utilisation des pièces. Sur nos pièces, l'émoussé s'accompagne systématiquement d'un lustré. Ils ont été identifiés sur 3 pièces où ils s'observent systématiquement sur le front et s'étendent sur la face inférieure (n = 2) ou sur les deux faces (n = 1). Trois pièces portent des stries. Dans deux cas, elles se présentent sur les deux faces des outils et dans l'autre uniquement en face supérieure (face inférieure absente). Les stries présentes en face supérieure sont très localisées - à proximité immédiate du front - peu nombreuses, courtes, superficielles et parallèles entre elles. Dans deux cas elles sont obliques par rapport au front et dans l'autre perpendiculaires. Les stries de la face inférieure occupent une zone plus étendue et associées à un émoussé et un lustré, absents en face supérieure. Elles sont désordonnées et de dimensions variables. On ne peut affirmer avec certitude que ces stries procèdent de l'utilisation des pièces. Leur manque d'organisation peut s'expliquer par le déplacement des objets dans les sédiments. La partie proximale de la pièce BE4-1307 présente un écrasement de la matière au niveau de son extrémité distale qui se manifeste par un repli des fibres osseuses (fig. 5a). Une série d'enlèvements part de l'extrémité et gagne la face supérieure de la pièce sur une longueur de 22 mm. Les sédiments concrétionnés sur la face inférieure empêchent toute lecture d'éventuels stigmates. Sur la pièce BA10-933 ne subsiste de l'extrémité proximale qu'une surface de 3 mm (fig. 5b). Celle -ci s'apparente à un écrasement de la matière sous forme d'un méplat où la surface osseuse offre une coloration plus foncée. Un enlèvement de 12 mm s'observe sur la face supérieure tandis qu'en face inférieure, un enlèvement de 60 mm a fait disparaître une portion de la partie proximale avant de se prolonger sur le bord droit de la pièce en partie mésiale. Les stigmates macroscopiques de percussion observés en partie distale (écrasement, écaillure, enlèvement) et en partie proximale (écrasement, enlèvement) ne laissent aucun doute quant à l'utilisation des outils en pièces intermédiaires. Cependant, ces indices de fonctionnement ouvrent un vaste champ de possibilités concernant le type d'activité effectué et le matériau travaillé. Tenter d'identifier plus précisément les modalités d'utilisation de ces outils demande impérativement l'appui d'un référentiel expérimental, indispensable au déchiffrage des macro et micro-traces d'utilisation. Ce référentiel nous faisant défaut, nous pensions pouvoir nous appuyer sur les travaux des chercheurs ayant déjà reproduits et utilisés expérimentalement des pièces intermédiaires en os (Peltier & Plisson 1986; Sidera 1993; Maigrot 1997; Legrand 2000). Toutefois, la comparaison de nos observations aux leurs s'est avérée peu concluante. En effet, leurs résultats expérimentaux diffèrent fréquemment alors même que les expérimentateurs ont a priori testé une même utilisation sur un même matériau. Ces divergences s'expliquent en partie par les protocoles qui ne sont pas strictement identiques (variations inévitables entre les types d'outils et les matériaux travaillés, savoir-faire propre à chaque expérimentateur, etc.). Elles relèvent aussi des méthodes d'observation (appareillages avec des grossissements différents) qui ne permettent pas toujours d'accéder à la même échelle d'informations. De plus, les exemplaires de notre corpus appartiennent à un contexte culturel particulier ce qui, à notre avis, n'autorise pas la comparaison avec des référentiels établis à partir d'autres modèles archéologiques. Pour ces raisons, nous nous sommes limités à des remarques d'ordre général en nous appuyant sur les données contextuelles. « L'identité » aurignacienne des pièces intermédiaires du corpus laisse envisager leur utilisation dans trois activités : le fendage, l'entaillage et l'écorçage. Les Aurignaciens de Brassempouy ont vraisemblablement pratiqué le fendage sur bois de Cervidés dans la mesure où les niveaux archéologiques ont livré une vingtaine de pointes de sagaies à base fendue et qu'il est communément admis que la fente longitudinale de tronçons de bois de renne est l'unique technique d'extraction de baguettes, supports d'outillage, à l'Aurignacien (Liolios 1999, p. 90). La même technique a probablement été appliquée aux côtes : les lissoirs sont systématiquement obtenus sur hémi-côtes (étude en cours, in Henry-Gambier & Bon, à paraître). Contre toute attente, aucune pièce biseautée en bois de cervidé n'a été retrouvée dans les niveaux aurignaciens bien qu'elles soient généralement bien représentées dans les productions de cette période. Leur absence pourrait bien sûr relever d'une conservation différentielle mais notons également que le détachement de baguettes en bois de Cervidés ou le fendage des côtes peut tout à fait s'exécuter à l'aide de pièces lithiques ou de bois végétal (Liolios 1999, p. 91). Ainsi, il existe trop d'incertitudes pour supposer que les pièces intermédiaires en os du corpus ont servi dans la fabrication des pointes de sagaie et des lissoirs. Le fendage du bois végétal est aussi envisageable en dépit de l'absence de témoins archéologiques. On ne dispose pas de preuves d'opérations d'entaillage par les Aurignaciens de Brassempouy, mais l'emploi du procédé est plausible ne serait -ce que par la nécessité d'obtenir des tronçons de bois de cervidé pour la confection des pointes de sagaie. L'entaillage de bois végétal est également à envisager. Enfin, l'écorçage de ce dernier ne doit pas être ignoré, bien qu'aucun témoignage direct ne l'atteste. Cette activité a pu relever de deux intentions techniques : la récupération de l'écorce ou l'accès au cœur de l'arbre. La confrontation de ces hypothèses contextuelles d'utilisation aux données obtenues par les analyses technologique et morphométrique permet de faire quelques remarques. Concernant le fendage et l'entaillage, on peut s'interroger sur l'efficacité des pièces dont le biseau montre un angle compris entre 22 et 35°. De tels biseaux semblent peu appropriés à des opérations de fente, risquant de gêner la progression de l'outil dans la matière. Ils paraissent également peu adéquats pour l'entaillage faute d'une pénétration suffisamment importante. En outre, les propriétés biomécaniques du bois de cervidé rendent peu crédibles son fendage et/ou son entaillage avec un tel outil en os. Ces activités, envisageable pour la pièce façonnée, sont exclues pour le lissoir, trop gracile pour un emploi aussi violent. Pour l'écorçage, l'emploi des pièces biseautées semble improbable. En effet, A. Legrand rapporte, après expérimentation, que les écorçoirs au tranchant aigu, pénétrant profondément dans la matière, sont les plus efficaces (2000, p. 17). Cette description s'accorde bien avec l'exemplaire sur lissoir pourvu d'une partie distale mince. Ces remarques formulées, il est maintenant nécessaire d'établir un référentiel expérimental afin de vérifier leur pertinence et d'apporter des informations supplémentaires. La caractérisation fonctionnelle des pièces intermédiaires « de fortune » est une étape d'analyse essentielle pour appréhender la place que ces outils occupent au sein de l'équipement technique et définir leur statut en regard de celui de leurs homologues façonnés. Leur mise en forme était-elle superflue ? Le façonnage, au contraire, garantissait-il une efficacité et une résistance plus importantes ? Le degré de transformation dépend -il des activités auxquelles les outils étaient destinés ? Les outils ont-ils été utilisés dans une même activité mais doivent-ils leur degré de transformation à un niveau d'exigence fonctionnelle différent ? Ce travail préliminaire démontre que l'industrie peu élaborée possède un fort potentiel informatif. Elle représente en effet une part importante de l'équipement domestique des Paléolithiques laissant supposer qu'elle tient une place importante dans les activités des groupes humains. En outre, les exemples ethnographiques montrent que les outils en matière osseuse offrent une voie de connaissance privilégiée pour découvrir toute une panoplie d'activités de transformation des matières organiques (bois végétal, peau, plante…) qui n'ont pas laissé de traces archéologiques directes. L'apport conjugué des approches technologique et fonctionnelle semble constituer une méthode d'analyse particulièrement adaptée à l'étude de cet outillage. Cette démarche offre en outre l'opportunité de développer la tracéologie sur l'outillage osseux préhistorique. Il s'agit à présent d'élargir le cadre de notre recherche afin d'appréhender les raisons de la permanence de cette industrie peu élaborée au cours du Paléolithique supérieur, de la replacer dans le système technique, économique et social des sociétés paléolithiques . | L'Aurignacien marque la mise en place d'une gestion organisée des matières osseuses avec l'apparition d'une production importante et systématisée. Mais à côté d'une fabrication d'outils soignés, fortement investis techniquement, un outillage « peu élaboré » se développe et perdure tout au long du Paléolithique supérieur. Longtemps négligée par les chercheurs, cette industrie représente pourtant une part importante des ensembles en matière osseuse du Paléolithique supérieur. De fait, son étude semble incontournable si on veut appréhender d'une manière globale l'économie, les choix techniques et culturels des sociétés paléolithiques. Ce constat nous a conduit à nous interroger sur la place tenue par cette industrie dans le système technique et économique des Paléolithiques. Pour ce faire, nous avons étudié, dans le cadre du DEA, l'outillage en os peu élaboré aurignacien de la grotte des Hyènes à Brassempouy. Dans cet article, nous reviendrons sur la démarche adoptée lors de l'étude de ce matériel et nous présenterons une catégorie d'outils originale: les pièces intermédiaires. | archeologie_08-0169095_tei_321.xml |
termith-175-archeologie | La sépulture a été exhumée dans le cadre d'un diagnostic archéologique réalisé pendant l'été 2008 (Landry, 2008) sur la commune de Chens-sur-Léman (hameau de Véreître), dans la partie nord-ouest du département de la Haute-Savoie (fig. 1 et 2). Cette découverte s'inscrit dans le contexte de la région du Bas-Chablais, inégalement documenté pour l' Âge du Fer (Bocquet, 1991; Willigens, 1991). Les connaissances archéologiques reposent en majeure partie sur des découvertes qui, bien qu'anciennes et ponctuelles, rendent compte de l'important potentiel scientifique de la commune. À noter que l'implantation humaine sur la rive sud du lac est attestée dès le Néolithique, par l'existence de stations littorales (Tougues, Beauregard) et d'occupations terrestres (Sur les Plans, La Charbonnière, Véreître) (Bertrandy et alii, 1999, p. 205). La période du Bronze final est illustrée par de nombreuses stations lacustres (La Fabrique Canton, La Vorze, Beauregard, Tougues, La Vie-à-l'Âne) (Marguet, 1997), mais aussi par des sites d'habitat localisés à l'intérieur des terres; parmi ces derniers, certains ont été repérés fortuitement (vestiges mobiliers métalliques du Bronze final à La Charbonnière / Longues Pièces) ou à l'occasion de diagnostics anciens (habitat daté de la transition Bronze final-premier Âge du Fer à Champ Rogin : De Klijn, 1986), mais une occupation du Bronze final (Gisclon et alii, 2007), caractérisée par une dizaine de bâtiments sur poteaux dont les tranchées d'installation sont conservées, a été fouillée par une équipe de l'Inrap au cours de l'année 2008 (Néré, 2010a). Ce site présente de nombreuses similitudes avec celui fouillé en 2009 à Véreître (Néré, 2010b) suite à notre diagnostic, et sur lequel se trouve la sépulture. La transition Bronze final-Âge du Fer et le premier Âge du Fer sont surtout représentés par des trouvailles fortuites anciennes en contexte de carrières d'extraction de graviers, principalement au lieu-dit La Charbonnière (Les Longues Pièces, carrière Mathieu). Il est ainsi fait état de la découverte dans les années 1940 d'une épingle et d'un bracelet en bronze, ainsi que d'une sépulture féminine accompagnée d'objets de parure en bronze : un torque, une fibule, un bracelet ouvert en forme de serpent et un anneau (Willigens, 1991, p. 164 et 201). Un objet de toilette hallstattien d'origine italique, un scalptorium, a été recueilli lors de sondages effectués en contexte d'habitat au lieu-dit Les Marais (Chastel, 1986). De façon générale, les campagnes d'extraction de graviers ont conduit par le passé à la mise au jour d'un grand nombre de sépultures de l' Âge du Fer, riches en mobilier, notamment aux lieux-dits Les Longues Pièces (ou Longepice, Sur les Crêts, ou encore La Charbonnière) et Vérancy (Bertrandy et alii, 1999, p. 207-208; Willigens, 1991, p. 163-164), au point que le Service régional de l'Archéologie a dû définir un espace suspecté de renfermer un ensemble funéraire, couvrant tout le rebord du plateau entre la rive droite du ruisseau des Léchères et la rue du Léman (D25). Les sépultures qui ont été recensées dans ce secteur sont en majorité datées du second Âge du Fer, mais le mobilier qui leur était associé a été dispersé au fil des ans, hormis quelques rares objets encore conservés au Musée d'Art et d'Histoire de Genève. Ces découvertes peuvent être inventoriées comme suit (fig. 1) : 1 - Tougues (terrassements dans le camping, 1954) : une fibule en bronze de type Münsingen (Lebascle, 1988, p. 42, fig. 9); 2 - Vérancy (carrière, 1920) :. une sépulture avec une chaîne de ceinture ,. une sépulture avec un bracelet en bronze, une fibule ornée de corail; 3 - Les Longues Pièces (carrière Mathieu) :. 1928 : quatre sépultures dont deux avec armes, datées de La Tène B2 (ca. 320-275) : SP1 : une épée en fer datée de La Tène B2-C1, SP2 : une épée en fer et deux pointes de lance d'aspect proche du type « feuille de saule », deux anneaux plats en bronze, SP3 : trois fibules et un bracelet ouvert en bronze, SP4 : un bracelet fermé, un anneau plat et deux fibules en bronze, et une fibule en fer, la seule datée de La Tène B1 (ca. de 400-380 à 320) ;. 1931 : une sépulture avec une bague, trois fibules et deux bracelets en bronze ;. 1932 : trois sépultures avec des fibules et des bracelets ;. 1933 : une sépulture avec un anneau et quatre fibules en bronze dont l'une porte un chaton gravé d'une étoile à cinq rayons ;. deux bracelets en bronze sans décor. 4 - Lagraie : « plusieurs » sépultures avec épée et fer de lance; 5 - Véreître (carrière Favre, 1954) : une fibule en bronze et quatre perles de verre bleu, à 2 m de profondeur. Cet inventaire permet donc d'estimer à seize le nombre minimum de sépultures laténiennes d'ores et déjà détruites au cours de travaux anciens. La sépulture dont il est question se trouve être la première à faire l'objet d'une expertise archéo-anthropologique, et revêt ainsi une grande importance qui justifie sa publication. Le site s'étend sur les flancs d'une petite éminence culminant à 429 m NGF au cœur de la plaine de Douvaine, à 700 m à l'est de la rive du lac Léman et 57 m au-dessus du niveau du lac (fig. 1). Il est implanté sur les terrasses lémaniques édifiées dans le bassin molassique périalpin résultant de l'érosion consécutive à la mise en place des Alpes. Le relief antéquaternaire - Tertiaire moyen : oligocène - miocène (Vial et alii, 1989) - du bassin lémanique présente une vaste aire synclinale légèrement plissée, entourée par les massifs du Jura, du Chablais, du Vuache, du Grand Mont Sion et du Salève, qui ont conditionné l'extension des glaciers au cours du Würm. Ces derniers ont entraîné certaines formations comme les terrasses fluvio-glaciaires, qui ont masqué la morphologie préexistante jusqu' à ce qu'en résulte le relief actuel. Dans ce cadre, le terrain étudié s'incline jusqu' à 422 m d'altitude au sud, et 416 m à l'est, en direction de la rive gauche toute proche du ruisseau des Léchères. Ce dernier prend sa source à Douvaine et se jette dans le lac Léman à 300 m au nord-est du hameau de Tougues. Il s'agit d'un petit émissaire du réseau hydrographique drainant le massif préalpin du Chablais, qui culmine à 2 221 m d'altitude à l'est de la plaine de Douvaine. Sur la partie sommitale de l'emprise évaluée, le terrain naturel affleure sous la terre végétale. Il est représenté par un limon sableux jaune, sec et très compact, formant des litages et des mottes, qui peuvent lui donner un aspect argileux. Ce niveau est recouvert par un horizon organo-minéral sablo-limoneux brun-gris d'un aspect assez grumeleux, et dont l'épaisseur n'excède pas 0,45 m. Cette terre arable semble ne pas avoir été labourée depuis un temps relativement long, à en juger par la taille atteinte par les divers feuillus qui y ont pris racine. La densité de la couverture végétale au sommet de la colline a ainsi engendré une importante bioturbation atteignant les couches qui reposent sous cet horizon. À ce phénomène s'ajoute un processus d'érosion assez marqué : en résultent un faible recouvrement et l'occultation des niveaux d'ouverture, voire d'une grande part des contours des structures excavées. C'est dans un contexte largement dominé par des vestiges domestiques du Bronze final IIIb, outre quelques éléments attribuables à l'Antiquité et au Moyen Âge, que la sépulture a été mise au jour, localisée dans l'angle nord-est des 26 476 m 2 diagnostiqués en 2008(fig. 3). En effet, à l'issue de l'opération de fouille de 2009, la tombe laténienne SP88 s'est avérée être totalement isolée de tout contexte funéraire comme d'une occupation contemporaine. Cependant, sa situation en limite d'emprise n'exclut pas, a priori, son appartenance à un ensemble plus vaste, en dépit de l'absence d'indices repérés en 2003 sur les parcelles voisines lors d'un diagnostic (Hénon, Ackx, 2003). En raison des processus taphonomiques décrits ci-dessus, aucune anomalie sédimentaire n'a été discernée et seule l'apparition, en bordure d'un sondage, de traces d'oxydation métallique signalant l'extrémité fragmentée du fer de lance, a permis un dégagement minutieux de la sépulture. Ainsi, les limites perçues correspondent-elles en partie au fond de la structure, repérable grâce aux modifications sédimentaires engendrées par l'activité biologique de la décomposition du cadavre. Ces limites sont apparues dans une couche limono-sableuse compacte parsemée de cailloux (us 38), à une profondeur de 0,40 m sous le niveau actuel; le fond de la fosse se situe 0,10 m plus bas, à une cote variant de 426,67 m au SO à 426,52 m NGF au NE. Elles délimitent un espace rectangulaire aux angles très arrondis, d'une longueur SO-NE de 2,05 m et d'une largeur maximale de 0,68 m. On ne dispose pas d'information sur le profil transversal du fond de la fosse. Ces conditions générales compromettent à jamais la restitution globale du dispositif funéraire. Si l'architecture du contenant directement lié au corps a pu être identifiée par l'analyse des anomalies taphonomiques du squelette (Duday, 2005), le contexte du dépôt (chambre funéraire renfermant le cercueil ou dépôt de ce dernier dans une simple fosse ?) et la manière dont il s'inscrivait dans le paysage (tertre ? enclos quadrangulaire ?) constituent des questions non résolues. Le squelette est très fragmenté et incomplet. Le tronc et le bassin sont particulièrement lacunaires. Toutefois, l'état osseux est excellent : la surface de l'os cortical n'est pas altérée et l'os spongieux des épiphyses et des vertèbres, lorsqu'elles sont présentes, est en parfaite cohésion. L'examen des clichés indique que l'importante fragmentation des os n'est pas consécutive au lavage mais préexistait in situ. Ainsi, l'origine des lacunes du squelette est de toute évidence mécanique; en effet, les os étaient inclus dans un sédiment très compact, sec, à la structure litée, se fragmentant en mottes indurées au décapage. Sans doute une partie des os a -t-elle été piégée dans ces dernières au moment du dégagement du squelette. Le squelette repose sur le dos, la tête au SO et les pieds au NE (fig. 4 et 5). Son membre supérieur droit est en extension, parallèle à l'axe longitudinal du corps, l'avant-bras gauche repose à l'emplacement présumé de l'os coxal homolatéral, au contact de la face médiale du tiers proximal du fémur. Les membres inférieurs sont en rectitude. Les conditions inhérentes au contexte de diagnostic font que l'analyse archéo-anthropologique a été réalisée en s'appuyant sur les clichés. Le squelette porte des accessoires vestimentaires et de parure et est accompagné de pièces d'armement. Les armes sont représentées par un fer de lance (objet n° 1) et par une épée dans son fourreau (objet n° 2). Elles reposent latéralement côté droit du squelette, l'épée placée en arrière de la lance. L'épée est orientée avec la pointe au NE, la poignée ne se situe pas au niveau de la ceinture, mais jouxte la face latérale droite du bloc crânio-facial du squelette. La lance, dont il reste des traces de la hampe en bois latéralement au genou et à la jambe du squelette, présente une orientation inverse, la pointe au SO. Par ailleurs, une trace d'oxydation courbe, située en avant du tiers proximaldu tibia droit, peut être rapportée aux restes d'un bouclier (objet n° 7). La parure est illustrée par un bracelet en fer (objet n° 3), en place autour du tiers médian de l'avant-bras gauche du squelette. Les accessoires vestimentaires sont illustrés par deux fibules en fer(objets n os 4 et 5) et une en bronze (objet n° 6) : - la fibule n° 4 est placée dans la partie médiane de l'hémi-thorax droit, - la fibule n° 5 a été retrouvée en butée contre le bloc crânio-facial effondré, en arrière de l'extrémité proximale de l'humérus gauche qui s'est déplacé vers l'amont, - enfin, la fibule n° 6 est située en arrière de la mandibule, qui se présente en vue latérale gauche. Plusieurs anomalies relatives à l'agencement du squelette peuvent être relevées. Le crâne paraît avoir basculé vers la droite et l'arrière puis s' être écrasé sur place, comme l'indiquent la situation du maxillaire et sa dislocation avec la mandibule. La moitié supérieure témoigne de perturbations d'un genre particulier. Les deux scapulas semblent en place, mais se sont de toute évidence rapprochées de l'axe longitudinal médian : si l'on restitue leur largeur complète (la moitié médiale est détruite dans les deux exemplaires), elles devaient se trouver au contact l'une de l'autre. Par ailleurs, l'humérus gauche, qui recouvre la moitié sternale des côtes moyennes gauches, est déplacé en hauteur d'un peu plus de 10 cm et son tiers proximal, légèrement décalé en direction de l'axe longitudinal médian du corps, s'engage en partie en arrière du bloc crânio-facial. Ce mouvement a été suivi par l'avant-bras et s'est donc produit relativement tôt, avant la dislocation complète du coude; il semble résulter d'une contrainte latérale marquée (appui). Si la majeure partie des vertèbres conservées est en place sur l'axe longitudinal médian du corps, les deux premières côtes gauches sont retournées, de même que la clavicule droite (dont seul le tiers sternal est conservé), et les côtes supérieures droites sont très verticalisées. On note également que les deux fibules n os 5 et 6 se situent en amont des scapulas et s'engagent en arrière du crâne. L'humérus droit, qui se présente en vue antérieure, s'est rapproché avec la scapula de l'axe longitudinal médian du corps et paraît s' être effondré latéralement (rotation), puisque les os de l'avant-bras sont disloqués : le radius passe en avant de l'épicondyle latéral mais sa moitié distale est en situation médiale à l'ulna. Les mains se sont quant à elles, dispersées à l'intérieur et en dehors du volume du corps, au niveau de l'abdomen et de la cuisse droite. Les anomalies observées sur la moitié inférieure rappellent en partie celles qui affectent la moitié supérieure. En effet, le membre et l'os coxal droits ont glissé en direction de l'axe longitudinal médian du corps. Du côté gauche, il s'est produit une fracture complète du col du fémur : l'extrémité proximale est en place, en vue antérieure en connexion anatomique avec l'ischium, mais la diaphyse, passée en vue médiale, est décalée vers l'axe longitudinal médian; le tibia s'est retourné (il est en vue postérieure), tandis que la patella, également en vue postérieure, s'engage en arrière du genou. À noter qu'une vertèbre de l'étage inférieur a migré latéralement au tiers proximal du fémur gauche. Les mouvements décrits sont d'une amplitude suffisamment importante pour envisager que le corps s'est décomposé en espace vide. La présence d'un contenant en matériau périssable est probable, en dépit de l'absence d'effets de délimitation linéaire (les os ne se répartissent pas sur une limite rectiligne parallèle aux bords de la fosse). Toutefois, la migration vers l'amont du membre supérieur gauche et le léger décalage en hauteur de la hanche gauche relativement à la droite pourraient traduire un effet de paroi initial. Dans cette hypothèse, la non-conservation de cette contrainte latérale originelle doit être mise en relation avec l'anomalie majeure relevée, à savoir le déplacement de la plus grande partie des os en direction de l'axe longitudinal médian du corps. Cette attraction médiane résulte de toute évidence de la morphologie du fond du contenant, qui devait forcément être concave. La concavité du fond explique également les mouvements enregistrés sur le tiers supérieur du squelette : le crâne devait se trouver légèrement surélevé au-dessus du fond et lors de la dislocation du cou, des ceintures scapulaires et des côtes supérieures, qui intervient très tôt dans le processus de décomposition, ces éléments se sont effondrés sur le fond en auge du contenant, occasionnant le rapprochement des scapulas, le retournement des côtes et de la clavicule gauche, tandis que l'extrémité proximale de l'humérus et les deux fibules se sont engouffrées dans l'espace disponible sous le crâne. Enfin, ce dernier a basculé vers la droite et l'arrière. Par ailleurs, les clichés obliques de détail réalisés in situ montrent que les armes reposent quelques centimètres moins profondément que la partie longitudinale médiane du squelette, ce qui confirme la concavité du contenant. Le non-bouleversement de ces deux objets, qui reposent l'un sur l'autre, indique qu'ils ont été placés à l'intérieur du contenant. Nous restituons donc un dépôt dans un contenant de bois à fond concave, de type cercueil monoxyle (fig. 6). Celui -ci devait être relativement long dans la mesure où aucun effet de contrainte n'est relevé en amont du bloc crânio-facial ni sur les pieds. L'épée et la lance se trouvaient à l'intérieur du contenant (cf. ci-dessus). La question reste cependant posée pour le probable bouclier, compte tenu du caractère fugace de ses vestiges. L'hypothèse d'un dépôt vertical à l'extérieur du contenant, comme cela a été observé dans une tombe du ii e s. du site d'Aulnat - Gandaillat dans le Puy-de-Dôme (Blaizot, in Vermeulen et alii, 2002, p. 174-175, et tombe 474, catalogue du vol. 2), ne peut être retenue ici, en raison de l'emplacement de l'orle en avant du tibia alors que la paroi externe du contenant est convexe. Reposait-il sur le défunt ou sur le cercueil monoxyle ? La trace de la hampe se situant au même niveau que les éléments oxydés de l'orle, on peut supposer que la conservation du bois a été favorisée par le poids que le bouclier faisait peser dessus, ce qui implique qu'il se trouvait à l'intérieur du contenant, comme l'interprètent généralement les archéologues( Ginoux, 2009, p. 26-27; Millet, 2008, fig. 52). Dans le cas d'un contenant monoxyle, cela suppose un bouclier allongé relativement étroit, à l'image de celui restitué pour la tombe 175 de Monéteau (Yonne), datée du iii e s. (LT B2), où le mode d'inhumation est identique à celui relevé à Chens-sur-Léman (Guillaumet, Larcelet, 2001, p. 21; Guillaumet, 2001, p. 110-113). La localisation de l'orle pourrait indiquer que le bouclier était placé en biais, incliné vers le fond du cercueil, mais l'élément conservé peut également se trouver en position secondaire résultant de la décomposition du bois (effondrement depuis un niveau horizontal). Les fibules ont toutes été retrouvées en position fermée, ce qui implique une situation fonctionnelle. Cependant, leur situation archéologique ne reflète certainement pas exactement celle du dépôt. La fibule n° 4 par exemple, est située latéralement à droite des vertèbres thoraciques inférieures, ce qui correspond sur le vivant à un point situé entre la poitrine et la taille; elle se trouve peut-être en situation secondaire, puisque la décomposition du corps dans un espace concave a pu entraîner l'objet vers l'aval et l'axe longitudinal médian. Les fibules n os 5 et 6, respectivement situées en amont de la scapula gauche et de la scapula droite du squelette, sont apparues toutes deux engagées en arrière du crâne descendu dans le fond concave du cercueil. Contrairement à la précédente, elles sont globalement restées en place tandis que les scapulas et l'humérus droit descendaient dans le fond de la gouttière : elles étaient donc placées, à l'origine, sur la face supérieure des épaules. Le squelette, très lacunaire et fragmenté, est celui d'un adulte aux insertions musculaires très marquées. Sur le fémur, la tubérosité glutéale du grand fessier est largement développée et la ligne âpre très saillante. Il en est de même de la crête supinatrice sur l'ulna et de l'insertion du muscle brachial sur la tubérosité ulnaire. Les protubérances occipitale externe et mentonnière sur la mandibule apparaissent aussi particulièrement proéminentes. Les ossements examinés sont sains : ils ne portent pas de traces de pathologie dégénérative, systémique ou traumatique. L'absence des os coxaux ne permet aucune estimation du sexe de l'individu. La robustesse des éléments disponibles demeure en effet un argument insuffisant pour émettre une diagnose masculine, dans la mesure où nous ne disposons d'aucune étude portant sur la variabilité morphologique des populations laténiennes des Alpes. Pour ce qui concerne l' âge au décès, la méthode probabiliste établie sur les modifications de la surface sacro-pelvienne ne peut être mise en œuvre puisque cette dernière n'est pas conservée. Toute l'épiphysation des os longs est achevée, ainsi que la maturation dentaire (fermeture de l'apex des troisièmes molaires dont la surface occlusale de la couronne présente des traces d'usure), tandis que la surface d'un fragment conservé de l'extrémité sternale d'une clavicule désigne un sujet de plus de 30 ans (Scheuer, Black, 2000, p. 251-252). Les coefficients de synostose des sutures crâniennes calculés à partir des tables externes et internes (équations du second degré, Masset, 1982) confirment la maturité du sujet, sans toutefois les préciser au seuil des séquences moyenne à âgée(fig. 7). La sépulture de Chens-sur-Léman comporte une panoplie du IV e s. av. J.-C. quasiment complète, selon le concept développé par A. Rapin (Rapin, 1999, p. 51) : épée, fourreau, décor, fer de lance. Seul le talon de la lance ne se trouve pas dans la tombe. Les objets étaient dans l'ensemble assez bien conservés, malgré une forte fragmentation. Les nombreuses cassures et fissures, postérieures à l'inhumation, sont anciennes : un limon très fin s'est infiltré et a colmaté les brèches et les plans de joints. L'étude de l'équipement militaire déposé dans la tombe s'avère déterminante pour la datation de cette dernière. Deux éléments caractéristiques du guerrier laténien sont ici présents : l'arme d'hast et l'épée avec son fourreau. Cet objet en fer a été en partie endommagé lors de la découverte, mais tous les éléments permettant de le reconstituer ont été récoltés. Il s'agit d'un fer de lance avec un fragment de la hampe conservé grâce à la minéralisation du bois par les oxydes de fer. L'ensemble de l'objet mesure 40 cm de longueur, pour une masse après restauration de 164,5 g. L'armature en elle -même mesure 38,5 cm de longueur et présente une forte nervure médiane, de part et d'autre de laquelle se développent deux ailes d'empennage dont la largeur maximale de chacune est de 4,7 cm. La forme de la flamme est régulière, symétrique et sans ressaut, sur une longueur de 32 cm de la douille à la pointe. On peut la rattacher au type 1 classique défini par A. Rapin (Brunaux, Rapin, 1988, p. 132). Si la largeur maximale conservée de la flamme complète n'est plus que de 7,3 cm, sa largeur maximale estimée par symétrie axiale s'élève à 9,4 cm.La forme nervurée de la section est homogène, bien que s'atténuant nécessairement en direction de la pointe. On peut parler d'une section plate à arête médiane rhomboïdale. Cette flamme était emmanchée sur une hampe en bois par une douille tronconique qui mesure 6,5 cm de long, pour une section circulaire d'un diamètre maximal à l'ouverture de 1,9 cm, et minimal de 1,3 cm à la jonction avec la flamme. Une incertitude demeure après restauration au sujet de la fermeture de cette dernière. Si la moitié haute semble présenter une jointure bord à bord parfaite, un petit arrachement de matière empêche de statuer sur la nature de la jointure au niveau de la base de la douille (bord à bord ou superposition), voire sur l'existence ou non d'une légère ouverture. La fixation sur le bois de la hampe est opérée à cet endroit par deux rivets (dont un est légèrement écrasé) disposés symétriquement dans un axe perpendiculaire à l'arête médiane, et dont la tête sphérique présente un diamètre de 0,7 cm. Toutefois, l'objet n'ayant pas été démonté, on ignore s'il s'agit de deux clous-rivets refoulés, ou d'un rivet et sa contreplaque de même forme (Guillaumet, 2003, p. 54-56). La deuxième hypothèse pourrait être privilégiée au regard de la parfaite symétrie des deux têtes de rivet, mais les radiographies laissent apparaître un court fragment de tige, légèrement désaxé, ce qui ne permet pas d'exclure définitivement la première technique. Les vestiges de la hampe s'observent sur une longueur d' 1,5 cm hors de la douille, et on peut estimer leur conservation sur un minimum de3,5 cm si on considère la section prise dans la douille et fixée par les deux rivets opposés. En outre, quelques petits fragments de bois minéralisé se sont désolidarisés lors de la restauration : il s'agit sans certitude d'un bois de frêne (Fraxinus sp.), essence souvent utilisée pour des manches d'outil, car ce bois est parmi les plus souples, les plus élastiques et ceux qui résistent le mieux à la rupture. La hampe a également laissé, comme nous l'avons vu précédemment, une empreinte par l'oxydation du sédiment sur 25 cm latéralement au genou et au tiers proximal du tibia droit. En revanche, aucun talon métallique n'était présent à l'extrémité de la hampe. En dépit de l'extrême finesse des ailes de cette longue armature, ainsi que du diamètre étroit de la hampe (1,9 cm), la nervure médiane constitue un élément en faveur d'une interprétation comme une arme d'estoc (Rapin, 1999, p. 48). En effet, la structure nervurée permet à l'armature métallique d'absorber les différentes ondes de choc libérées par les impacts répétés lors de l'affrontement rapproché des combattants. Notons que ce fer de lance présente de grandes similitudes avec celui découvert en 1928 dans la tombe n° 2 des Longues Pièces (Willigens, 1991, p. 163 et 201). Quant au diamètre de la hampe, il se situe dans la moyenne observée pour les lances laténiennes. Si l'on considère la distance entre l'extrémité de l'empreinte de la hampe et la base de la flamme (1 m), on obtient une arme longue d' 1,30 m. Si l'on suppose que la hampe dépassait l'empreinte observée, et se prolongeait jusqu' à la limite aval du cercueil, la longueur de l'arme complète devrait s'élever à 1,60 m, ce qui paraît relativement court pour une lance de cette période. On peut donc ici envisager que la hampe, de grande taille, ait été brisée en deux fragments afin de s'ajuster à la taille du contenant funéraire (Brunaux, Lambot, 1987, p. 93), procédé qui pourrait expliquer la largeur de l'empreinte observée. Toutefois, la morphologie du fer de lance n'est pas en elle -même un facteur déterminant de datation, puisque les Celtes sont connus pour la grande diversité de leurs armes d'hast, notamment à partir du V e siècle av. J.-C. Lefin filament de fer oxydé qui recouvrait en partie l'empreinte laissée par la hampe de la lance et en partie le tiers proximal des os de la jambe droite du squelette provient très certainement d'un orle, fine gouttière enserrant le pourtour d'un bouclier en bois (Brunaux, Lambot, 1987, p. 98). La finesse de ce fantôme métallique n'a pas autorisé sa conservation, mais son empreinte était nettement visible. L'orle pouvait en ornertoute la circonférence, les bords supérieur et inférieur, ou uniquement l'extrémité basse (Millet, 2008, p. 62 et 96), ce qui semble être le cas pour la tombe de Chens. La fonction première consistait à renforcer la planche, à la protéger contre les coups d'épée, mais également lorsque le bouclier était posé à terre. Des orles pouvaient en outre servir à la réfection d'une partie de la structure. Par extension, l'orle prouve son utilité lorsque le bouclier est manié à des fins offensives pour frapper l'adversaire. La courbure observée sur l'orle dans le cas présent, ainsi que sa position relativement au squelette (cf. supra), permettent de restituer approximativement la forme et la taille du bouclier. Ce dernier devait être de forme ovoïde allongée, d'une longueur proche de 1,10 - 1,20 m, si l'on considère que cette arme protégeait un individu de taille adulte des genoux jusqu'au sommet de la tête. Par ailleurs, les boucliers sont assez bien connus, grâce aux fragments en bois du site de La Tène (Gassmann, 2007), aux représentations figurées du monde gréco-romain, comme celles de l'arc de triomphe d'Orange (Amy et alii, 1962), de Camarina (Rapin, 2001) ou du sanctuaire de Pergame (Brunaux, 2005), ainsi qu'aux exemples d'orles complets retrouvés in situ (Ginoux, 2009, p. 94). Il ressort que la morphologie des boucliers, tout au moins pour les fantassins, est assez figée autour d'un rapport longueur/largeur égal ou supérieur à deux. Lors de la désagrégation de la structure en bois du contenant et de celle du bouclier, il est envisageable toutefois que d'autres fragments d'orle aient été déplacés, ou se soient décomposés, si l'on considère que l'orle pouvait très bien être remplacé par des bandes de cuir cousues (Ginoux, 2009, p. 87). Cependant, la fouille de la sépulture a permis d'affirmer que ce bouclier ne comportait ni spina ni umbo en métal. Dans le cas contraire, ces éléments n'auraient pas manqué de se trouver au contact du squelette après décomposition du bois. L'ensemble de la structure était en matériaux périssables : les ais du plat en bois blanc, éventuellement recouverts de cuir, et le manipule également en bois fixé probablement par des queues d'aronde. On peut en outre envisager l'adjonction d'une spina fixée éventuellement par chevillage sur mortaises et d'un umbo en bois ajusté à la plaque par une pièce de cuir cousu (Ginoux, 2009, p. 87 et 93). Les boucliers sont généralement datés en fonction des typologies de l'umbo et de la spina, chose impossible ici. Mais des exemples similaires existent, comme le cas de la tombe 18 de la nécropole de Saint-Benoît-sur-Seine, qui peut être rattachée à La Tène B2 (Millet, 2008, p. 96-97). Pour Chens, un ancrage chronologique à la fin du IV e s. est tout à fait envisageable, puisque selon A. Rapin, « passé la période des mobilisations du début du siècle le bouclier devient difficile à identifier lorsque l'essentiel de ses composantes métalliques tend à disparaître » (Rapin, 1999, p. 49). Mais selon N. Ginoux (Ginoux, 2009, p. 87), la technique de fabrication du bouclier sans umbo métallique n'est pas non plus un critère d'antériorité au début du III e s. Ces deux éléments en fer et emboîtés sont rendus indissociables par les phénomènes d'oxydation métallique. Par ailleurs, l'épée se trouve sous la lance, le revers avec le pontet du fourreau tourné vers le haut, au contact du fer de lance. Seul l'avers est décoré. L'ensemble épée-fourreau mesure 80 cm de long, pour une masse de 754,5 g après restauration. Les radiographies ayant révélé un jour de 3,5 cm entre l'extrémité de la bouterolle et celle de la lame (fig. 12), on peut estimer la longueur de l'épée à 76,5 cm, pour une lame de 64,5 cm. Quant au fourreau, il mesure 69 cm de longueur, 5 cm de largeur à la chape, 2,3 cm avant le renflement terminal de la bouterolle, et 3 cm au plus large de cette dernière. Ces dimensions permettent de rattacher cette épée au grand module, parmi les trois mis en évidence par A. Rapin pour le IV e siècle av. J.-C., atteignant même la marge supérieure des standards qu'il a définis (Rapin, 1999, p. 51). Les épées étant plus grandes à La Tène A, et diminuant de longueur tout au long du IV e siècle, l'épée de la tombe SP88 s'apparente à un grand modèle de La Tène B. Toutefois ces trois modules se maintiennent au III e siècle. La lame de l'épée ne peut être appréhendée qu'au moyen des radiographies, qui montrent une extrémité, bien que très légèrement émoussée, susceptible de conférer à l'épée une fonction d'estoc non restrictive, excluant une datation laténienne plus tardive (Rapin, 1999, p. 58). La morphologie de la section de la lame ne peut en revanche être caractérisée. Si on ne tient compte que de la forme du fourreau, dans l'hypothèse où la lame est ajustée à l'étui, on peut restituer une lame à section losangée, à deux tranchants présentant une convergence très légère et continue. La poignée se compose d'une soie à section circulaire, d' 1,2 cm de diamètre au niveau de la garde, et d'un diamètre de 0,6 cm en son extrémité. La soie est conservée sur une longueur de 12 cm.L'épaule de la lame forme un angle moyen de 147 g avec la soie. La présence de vestiges organiques et de rivets permet d'esquisser la morphologie de la poignée. En effet, des traces de bois minéralisé sur la soie, accompagnées de restes de fibres ligneuses observées sous binoculaire, traduisent un habillage de la poignée par du bois de feuillu. Trois empreintes identifiables marquent les limites des trois pièces assemblées qui constituaient cette poignée. Ces empreintes semblent correspondre à un serrage différencié de la garde, de la fusée et du pommeau. Un total de douze clous-rivets en fer à tête hémisphérique (diamètre : 1,3 cm) et tige quadrangulaire (0,3 x 0,1 cm) était conservé au niveau de la poignée (fig. 11). Quatre d'entre eux se trouvaient maintenus en place par les concrétions formées par la terre et la corrosion : trois au niveau du revers et un à l'avers de la garde. Un cinquième a pu être restitué sur ce même avers grâce à l'empreinte laissée par l'objet sur la terre sous-jacente prélevée lors de la fouille. Les photographies de terrain ont permis de restituer la position de deux autres rivets au niveau du pommeau, que les observations après restauration permettent de confirmer : un fantôme de tige demeure fiché dans les restes minéralisés autour de la soie. Les cinq autres rivetsdésolidarisés de la soie par la disparition des éléments en matériau périssable ont pu être sauvés grâce aux radiographies des mottes de terre sur lesquelles reposait l'épée.L'un des rivets présente un empâtement de sa tige, qui laisse envisager un blocage par refoulement lors du contact de la pointe avec le fer de l'épée (Guillaumet, 2003, p. 54). La disposition des rivets permet de restituer (fig. 13) une garde en bois en demi-lune, vraisemblablement d'un seul tenant (les rivets revêtent alors une fonction semi-décorative), qui s'ajuste à la largeur de l'épaule de la lame et à la morphologie de l'entrée du fourreau, qui est campaniforme de type A2 (De Navarro, 1972).Quant au pommeau, le rapprochement des rivets ainsi que la courbure de la troisième limite observée sur les restes de bois minéralisé évoquent une pièce pouvant être en forme de demi-lune et symétrique à la garde. La largeur de cette pièce est à estimer aux alentours de 5,4 cm, pour un arc extérieur de 3 cm de rayon. La distance entre les pièces constituant la garde et le pommeau s'élève dès lors à 6,4 cm, et s'avère par conséquent trop étroite pour une préhension optimale. La majorité des épées de La Tène présentent cette particularité, qui implique un positionnement du pouce et de l'index sur la pièce de la garde. Cette préhension n'est pas incompatible avec une utilisation en estoc demeurant occasionnelle, la garde n'acquérant sa fonction de protection de la main que dans un concept de combat singulier beaucoup plus tardif. Pour ce qui concerne la suspension de l'épée, l'observation du fourreau montre un système à pontet simple, c'est-à-dire qu'une seule pièce est rapportée sur la face arrière de la chape. Ce pontet fixé par des appliques circulaires asymétriques présente des dimensions très réduites. Sa longueur totale n'est que de 6,4 cm, le passant présente une longueur de 2,3 cm pour une largeur de 0,8 cm, tandis que les appliques ont un diamètre de 1,3 (haut) et 1,4 cm (bas), et que l'écartement avec la tôle du fourreau atteint 0,7 cm. Les dimensions de ce pontet, à morphologie similaire, atteignent à peine celles mesurées sur le fourreau de la sépulture 18 de Saint-Benoît-sur-Seine La Perrière, que le contexte situe à La Tène B2 (Millet, 2008, p. 56, pl. 10, n° 2). Comme le précise l'auteur, « la forme simple du pontet est un critère qui illustre l'hypothèse d'une datation à La Tène ancienne ». Deux anneaux étaient en outre coincés entre le fourreau et la flamme de la lance. Il s'agit d'anneaux creux constitués de deux coques en tôle de bronze embouties et serties, assemblées certainement à l'origine par une fine gouttière, et comportant un rebord étroit sur leur circonférence interne (Mathieu, 2005, p. 24) (fig. 11). Ces anneaux peuvent se rattacher au groupe 2 défini par B. Raftery (Raftery, 1987) : anneaux creux non rivetés et présentant un étroit rebord sur leur circonférence, type qui apparaît à La Tène B2. Le diamètre de ces anneaux est de 2,8 cm, leur épaisseur d' 1 cm. Deux coques ont été restaurées, mais de nombreux fragments n'ont pu être exploités. La surface de la tôle était couverte d'une corrosion s'apparentant à la chalcopyrite, résultant du contact prolongé de l'alliage cuivreux et du fer de la lance et du fourreau. L'orifice central présente un diamètre de 0,4 cm, qui suppose le passage de lanières très fines. Les matières organiques peuvent, en se minéralisant, avoir concouru à la formation de la couche de corrosion observée sur la circonférence des anneaux. La face interne de l'une des deux tôles conservées se trouve en outre au contact d'un fragment (3 x 1 cm) de bois minéralisé (fig. 14), ce qui semble impliquer que les coques de cet anneau étaient déjà désolidarisées lors du dépôt. En revanche, la provenance de ce morceau de bois, dont l'essence n'a pu être déterminée, pose problème au regard de la position de l'anneau dans la tombe. Si le second était situé à 3 cm plus bas que le passant du pontet, et entièrement enserré entre deux objets en fer, l'anneau en question était à 13 cm du pontet, et seule une partie de la coque était en contact avec le fourreau. On peut dès lors exclure un rapprochement avec les éléments ligneux de la poignée ou la hampe de la lance, et envisager que ce bois, s'il n'est pas allogène, provient de la structure contenant le défunt, ou d'une seconde hampe juxtaposée à l'épée, ce qui accréditerait l'hypothèse de la hampe brisée en deux fragments (cf. supra). Les travaux d'expérimentation d'A. Rapin (Rapin, 1987 et 1996) et ceux plus récents effectués à l'occasion de la fouille de la nécropole Hallstatt final de Chaillon (Meuse), sur le tracé de la LGV est (Mathieu, 2005), ont permis de comprendre le fonctionnement d'un tel système de suspension. Ainsi, les deux anneaux creux étaient rendus solidaires du pontet par une fine ligature en cuir, et ils étaient reliés à une ceinture principale par deux courroies, ces dernières également en cuir et cousues aux anneaux. L'expérimentation montre que l'inversion de la tension de ces courroies permettait de maintenir le fourreau incliné, de façon à ne pas gêner les mouvements du guerrier dans les phases de combat. Cette technique nuance donc la théorie admise qui voulait que les chaînes de suspension aient été introduites, à La Tène B2, pour stabiliser l'épée et « réduire les mouvements aléatoires de l'épée le long de la jambe droite » (Rapin, 1999, p. 57). La chaîne n'est qu'une amélioration technique destinée à rigidifier le système de suspension à deux anneaux avec inversion des courroies, dont l'efficacité est désormais éprouvée. Ce système relativement simple a été mis en pratique lors des essais de reconstitution du fourreau de Bézange-la-Grande (Meurthe-et-Moselle), daté de la fin du IV e siècle (Dechezleprêtre, 2006). Cette suspension coïncide en outre avec la morphologie réduite du pontet et l'absence de frettes de renfort rendues souvent nécessaires par la suite en raison de la rigidité accrue qu'induit le système à chaîne, qui fragilise d'autant les tôles du fourreau (Mathieu, 2005, p. 28). Le système de suspension de l'épée de Chens - Véreître peut donc constituer un critère de datation de l'objet au début de La Tène B2, dans le système de chronologie d'Europe centrale. L'entrée campaniforme du fourreau mesure 1 cm de hauteur. L'étui est constitué de deux minces tôles en fer. La plaque avers comporte une nervure médiane de 0,5 cmde largeur, et se rabat sur la plaque du revers pour former après pincement des gouttières de 0,4 cm de largeur. La section revêt ainsi une forme rhombique aplatie au revers. L'entrée est renforcée par une « croisière » rapportée, d'une épaisseur de 0,3 cm, et solidaire des deux plaques et des gouttières. L'applique proximale du pontet se situe à 0,4 cm sous l'entrée. Le fourreau se termine par une bouterolle d'un seul tenant (fig. 15), longue de 15,5 cm, comportant au revers une entretoise, de 0,6 cm de largeur, soudée aux gouttières qui protègent les bords de l'étui, pour maintenir leur écartement. Sur l'avers, à hauteur de l'entretoise, les gouttières se prolongent par deux pinces en forme de disque d'un diamètre d' 1,2 cm qui se rabattent sur la plaque du fourreau, à laquelle elles sont fixées chacune par une petite tige cylindrique en alliage cuivreux, de 0,2 cm de diamètre. L'extrémité de la bouterolle est cordiforme, et comporte deux ajours de chaque côté de la partie distale de l'étui. La gouttière s'épaissit jusqu' à former, entre les ajours, deux globules d' 1 cm de diamètre, percés à l'avers par deux tiges cylindriques en alliage cuivreux, qui maintiennent la gouttière fermée. Cette bouterolle correspond sensiblement au type 12 décrit par J.-L. Brunaux et B. Lambot, caractéristique de la fin de La Tène ancienne (Brunaux, Lambot, 1987, p. 124-125). La présence des quatre ajours constitue un critère déterminant de datation, qui atteste que l'épée est postérieure aux mutations technologiques du IV e siècle (Rapin, 1999, p. 49). Le décor du fourreau se compose sur la plaque avers de deux registres différents. Sous l'entrée, un motif zoomorphe d'une hauteur de 4,4 cm se distingue du programme décoratif qui orne la suite de la plaque. Ce dernier est constitué par quatre appliques en fer esquissant des formes ondulées, fixées chacune par trois petits rivets en alliage cuivreux (fig. 16). Ces « esses » ou « accolades » présentent des excroissances globulaires à leurs extrémités (une grande tête et une petite) et sur le sommet d'une des courbes, afin d'accueillir le rivet. La largeur de l'applique n'est pas régulière, elle varie de 0,5 cm à 1,2 cm au niveau de la plus grande excroissance. Les champs décorés sont alternés de part et d'autre de la nervure médiane, et chaque applique se développe selon une symétrie centrale par rapport à la précédente. Les quatre motifs supérieurs mesurent respectivement, de l'amont vers l'aval, 7 cm, 6,4 cm, 6,5 cm et 3,2 cm de hauteur. Mais la forme de la quatrième applique n'est pas complète : seule la petite tête est figurée et rivetée, et on ne distingue que deux inflexions de la tige martelée. Toutefois, la figuration du motif peut former un ensemble si on l'associe avec l'une des pattes proximales de la bouterolle. Deux hypothèses s'imposent : soit ce décor a été apposé après l'installation de la bouterolle, et l'artisan a mal évalué la longueur dont il disposait pour alterner ses quatre motifs (l'idée d'une telle maladresse serait confortée par la diminution de l'espacement entre les appliques : de haut en bas, 7,3 cm, 7,3 cm, puis seulement 6,4 cm), soit la bouterolle est fixée dans un second temps, et le dernier motif est mutilé en raison du chevauchement des pattes et de l'applique. On peut dans ce dernier cas envisager le remplacement d'une première bouterolle par une pièce plus longue, au sacrifice d'un décor originel complet. L'interprétation de ces motifs demeure délicate, mais on peut évoquer un caractère serpentiforme, qui placerait le décor de ce fourreau dans un registre entièrement zoomorphe. La technique d'ornementation à fort relief observée sur ce spécimen de fourreau est caractéristique du style plastique, qui se développe à partir de la transition entre le IV e et le III e siècle (Rapin, 1999, p. 58). Or, l'ensemble des observations technologiques effectuées sur le fourreau permet de l'insérer dans le type 3 de la typologie de Gournay (Lejars, 1994), qui coïncide également avec La Tène B2. L'alternance des champs décorés est en outre un élément attesté sur d'autres sites de l'Europe celtique. Deux épées découvertes dans les tombes 1002 et 1004 de la nécropole du Plessis-Gassot (Val-d'Oise) présentent notamment cette particularité, bien que le style se distingue sensiblement et que le contexte soit plus tardif (Ginoux, 2003, p. 41, 49, 53; Ginoux, 2007, pl. 32-33; Ginoux, 2009). Le fourreau de la tombe 2 du site de Sus Fey, à Gumefens, dans le canton de Fribourg (Suisse), comporte également quatre décors trilobés alternés, dont le dernier est en partie recouvert par les attaches de la bouterolle. Ce fourreau est attribué à La Tène B2/C1 (Brunaux, Lambot, 1987, fig. 29, p. 165; Schwab, 1995, cat. 132; Ginoux, 2007, pl. 78, p. 272; Jud, 2009). Quant au motif des « esses », on le retrouve sur un fourreau de La Tène ancienne provenant du site des Jogasses à Chouilly, dans la Marne (Bretz - Mahler, 1971, p. 106-107, pl. 86; Rapin, 1985), où il est décliné selon un rythme ternaire. Le fourreau est illustré en registre supérieur par un motif bien connu depuis les travaux de De Navarro sur le site de La Tène (De Navarro, 1972; Honegger dir., 2009) : le thème emblématique des deux « dragons » ou « griffons » affrontés, avec sa variante de la « lyre zoomorphe ». Avec les progrès de la recherche en laboratoire spécialisé sur le métal, plus de 300 exemplaires de ce motif ont été recensés sur des armes laténiennes dispersées à travers l'Europe (Rapin, 1999, p. 51; Stöllner, 1998). Ce thème a été étudié par Nathalie Ginoux dans sa thèse de doctorat (Ginoux, 1996 et 2007).Le décor observé sur le fourreau de Chens-sur-Léman est constitué par deux appliques en alliage cuivreux, maintenues sur la tôle du fourreau par des petits rivets cylindriques en fer (fig. 17). Le motif ici présent illustre une créature à tête de rapace, possédant des mâchoires très écartées et une petite oreille ou crête tirée vers l'arrière. Le corps du monstre est arrondi et doté d'un appendice très saillant, partant à la verticale jusqu' à chevaucher la mâchoire inférieure, laissant ainsi un grand vide central et circulaire. Les radiographies laissent entrevoir au sein de ce vide un petit cercle pointé, gravé sur la tôle du fourreau. Après restauration, ces éléments demeurent difficiles à distinguer de la simple altération de la surface métallique de la plaque du fourreau. La partie inférieure du corps consiste en une patte, ou jambe anthropomorphe, relativement oblique, repliée au niveau de l'articulation du genou, qui est lui -même arrondi. La patte se termine par un pied, lui -même replié, l'extrémité vers l'arrière, et relativement courbe. Notons qu'un rivet en fer prend place au niveau de la tête, pouvant matérialiser un œil, et que deux autres sont situés dans le pied et à la jointure de la patte avec le corps. Les deux appliques présentent une différence de patine remarquable, liée probablement à la composition de l'alliage ou aux conditions de conservation. De même, la symétrie des deux griffons n'est pas parfaite. Si la rupture entre l'appendice et la mâchoire inférieure est nette pour l'individu dextre, les mêmes éléments de son homologue sont quasiment jointifs. Selon la typologie établie en 1972 par De Navarro, ce motif appartient au type I ou « paire de dragons », et semble présenter à la fois des caractéristiques propres aux décors répertoriés dans l'ouest de l'Europe (patte oblique, genou arrondi, cercles centraux), et d'autres plus communs aux styles plus géométriques de l'est (découpe interne du bec) (Ginoux, 1995, p. 407). Mais selon la nouvelle typologie élaborée par N. Ginoux (Ginoux, 2007), le présent motif appartient désormais au type 2, qui regroupe toutes les représentations de la « paire de griffons affrontés », par opposition aux « lyres zoomorphes » du type 1. Nathalie Ginoux a étudié un corpus de 152 exemples de ce thème symbolique, dont 70 pourvus d'un contexte autorisant l'élaboration d'une typologie rendant compte des variations et évolutions des différents schémas référencés. Le type auquel appartient le décor de Chens compte 42 exemplaires avec contexte recensés dans ce corpus. Plus précisément, le cas présent peut être inséré dans le groupe A des petits griffons de schéma initial (38 exemplaires avec ou sans contexte du corpus) : l'absence de motifs secondaires et le style non géométrique des griffons l'attestent. Enfin, on peut attribuer cette représentation à la première variante au sein du groupe 2A, en dépit de la présence d'une oreille surmontant la tête des créatures. Mais les griffons ne sont pas en position héraldique puisqu'on ne distingue aucun arc de cercle tracé de part et d'autre de la nervure médiane, et la patte est clairement oblique, ce qui permet d'exclure une attribution aux deuxième et troisième variantes. Les décors du type 2, en Champagne, sont apparus, conjointement à l'émergence d'un nouveau type d'équipement militaire (épée courte, étroite, fourreau à large bouterolle circulaire ajourée, système de suspension à anneaux creux), entre la seconde moitié du IV e s. et le début du siècle suivant (La Tène B1-B2). Dans l'aire danubienne, le type 2 se diffuse également très largement au cours de La Tène B2 (Ginoux, 2007, p. 102). Quelques exemplaires répertoriés par N. Ginoux offrent des similitudes troublantes avec le décor de Chens. Citons les fourreaux de Baron-sur-Odon (Calvados) (cat. 53, p. 219), Gournay-sur-Aronde (Oise) (cat. 59, p. 220), Marolles-sur-Seine (Seine-et-Marne) (cat. 63, p. 228), Piscolt (Roumanie) (cat. 80, p. 229) (cf. fig. 2). Le fourreau décoré de la tombe SP88 de Chens-sur-Léman, dont le décor de griffons est caractéristique du type 2A1, peut donc légitimement être daté de la transition entre la fin du IV e siècle et le premier quart environ du III e s. av. J.-C. L'objet est fissuré en de nombreux points. Cet important morcellement explique les légères déformations observables à l'issue du processus de restauration.Il s'agit d'un anneau à section circulaire fermé, massif, en fer, dont la surface s'avère dépourvue de décors côtelés ou incisés. Le diamètre extérieur de l'anneau est de 7,7 cm et le diamètre intérieur de 6,1 cm. La section circulaire mesure 0,8 cm.La masse de l'objet restauré atteint 36,1 g. Dans les deux Savoie, il s'agit d'un des premiers exemplaires de bracelet en fer complet. Seuls deux fragments côtelés avaient été mis au jour jusque là à Gruffy, en 1926 (Willigens, 1991; Dupinay, 2009), et deux bracelets sont mentionnés au XIX e s. à Pringy (Dupinay, 2009), mais tous sont datés de la fin du premier Âge du Fer. Pour La Tène, l'immense majorité des bracelets découverts dans les Alpes françaises sont en alliage cuivreux. Dans l'hypothèse où la sépulture SP88 de Chens - Véreître serait contemporaine de l'épée, soit de La Tène B2, force est de constater qu' à cette phase du second Âge du Fer, les parures annulaires se distinguent par leur forte abondance et leur grande diversité morphologique, notamment de l'autre côté du Léman (Kaenel, 1990, p. 241). Ce bracelet ne constitue par conséquent pas un critère de datation pertinent. Cette catégorie d'objets est représentée dans la sépulture seulement par des fibules, dont deux sont en fer (objets n os 4 et 5) et la troisième en bronze (objet n° 6) (fig. 20). La longueur totale de l'objet s'élève à 6 cm, pour une hauteur de 2 cm et une masse après traitement de 2,3 g. Il s'agit d'une fibule à ressort bilatéral à deux fois deux spires et corde externe (E22). Le pied repose sur l'arc et se termine par un disque en forme de timbale inversée, d'un diamètre de 1,8 cm, percé en son centre d'un orifice de 0,5 cm de diamètre ayant accueilli un cabochon disparu ou non conservé. L'arc est droit et écrasé en son sommet, qui atteint une largeur de 0,9 cm. Il ne comporte aucun décor. L'ardillon mesure 3,5 cm de longueur, à une distance de 1,6 cm de l'arc. Le pied représente environ un tiers de la taille de l'objet (1,8 cm). La présence de la timbale illustre une sorte d'archaïsme hallstattien, mais la position du pied reposant sur l'arc constitue un caractère propre à la fin de l'évolution du schéma de La Tène ancienne, et ne s'oppose donc pas à une datation de la fin du IV e s. Il s'agit d'une fibule à ressort bilatéral à deux fois quatre spires et corde externe (E44), à arc massif renflé et pied libre à tige bouletée. La connexion entre le pied et le corps de l'arc n'a pu être restituée lors de la restauration. On peut toutefois estimer la longueur totale de l'objet à environ 6 cm, pour une hauteur de 3,2 cm et une masse après traitement de 14,2 g. L'ardillon mesure 4 cm de longueur, et l'arc s'en éloigne de 2 cm. L'épaisseur maximale de l'arc s'élève à 0,9 cm et la perle globulaire du pied présente un diamètre également de 0,9 cm. Le corps de l'objet ne comporte aucun décor. La tige, ornée d'une perle hémisphérique, se termine par un bec à trois petites rotondités, et on observe une cassure ancienne à son extrémité, ce qui laisse présager l'existence d'une seconde perle, éventuellement en matière organique. Cette fibule s'inscrit sans conteste dans le schéma dit de Duchcov (Kruta, 1971, 1973 et 1979), à pied de type 3b. Ce type de fibule est caractéristique de La Tène ancienne. Si le schéma Duchcov apparaît à La Tène B1, la plupart des objets de ce type étant en général en bronze, les exemplaires en fer se développent légèrement plus tardivement, jusqu'aux premières décennies du III e s. av. J.-C. Le métal qui compose cette fibule est un alliage cuivreux. L'objet mesure 6,2 cm de longueur, pour une hauteur de 1,6 cm et une masse après restauration de 12,2 g. Cette fibule se caractérise par son ressort étiré bilatéral, à deux fois trois spires, et à corde externe (E33). L'arc est en dos d' âne allongé et massif, légèrement épaissi en son milieu et décoré. Ce décor se compose d'un registre d'incisions en arcs de cercle opposés, auxquelles s'ajoutent quatre petits cercles pointés poinçonnés. Ce registre est encadré par deux côtes incisées, du côté du ressort et du côté du pied. L'ardillon, long de 4,5 cm, repose sur un porte-ardillon lié à la fermeture de l'arc et au départ d'un pied libre très dégagé. La distance entre l'arc et l'ardillon est d' 1 cm. Le pied forme une courbe le ramenant au sommet de l'arc, sur lequel il repose. Il mesure 2 cm de long, et représente ainsi un tiers de la fibule. Le pied se termine par un disque d' 1 cm de diamètre, prolongé par une spatule sur laquelle ont été poinçonnés deux cercles pointés. Deux autres cercles pointés prennent place de l'autre côté du disque et se chevauchent. Le disque présente un aménagement excavé percé en son centre, de 0,1 cm de diamètre, emplacement d'un probable cabochon riveté. D'après les exemplaires similaires déjà mis au jour, le cabochon pouvait être en divers matériaux : émail, verre, ambre, corail, ou encore en bronze. Il paraît peu probable que ce cabochon se soit détaché après l'inhumation, car nous l'aurions retrouvé lors du démontage. Il semble plus vraisemblable qu'il ait été perdu, ou récupéré, avant le dépôt funéraire. Mais s'il était en corail, il peut ne pas s' être conservé. Un tel décor par pastillage pourrait permettre de situer la sépulture dans le premier tiers du III e s. (Perrin, 1990, p. 36-37). Une telle morphologie tend à insérer cet objet dans le type Münsingen, dont l'objet de référence provient de la tombe 138 de la nécropole de Münsingen-Rain (Hodson, 1968), située en Suisse, dans le canton de Berne. Pour la Suisse, ce type se développe à La Tène B1 (Kaenel, 1990) et la fibule de Véreître concorderait assez bien avec celles de La Tène B2 recensées en Suisse occidentale (ibid., p. 239-240). Il est en outre assez étonnant que l'une des fibules les plus proches morphologiquement ait été découverte également dans la commune de Chens-sur-Léman. Elle se trouvait dans la sépulture n° 4 de l'ensemble funéraire mis au jour en 1928 dans la carrière Mathieu, aux Longues Pièces (Willigens, 1991, p. 164 et 201, fig. 62, objet n° 62). Seuls le sommet de l'arc et son décor côtelé varient, et le cabochon était conservé, en l'occurrence en émail. Le reste de la fibule ressemble à s'y méprendre à notre objet n° 6. Doit-on commencer à y voir l'esquisse d'une particularité locale ? Certes non, mais l'étude de la nécropole voisine (perturbée anciennement par la carrière susdite) permettrait d'étoffer le corpus d'étude, et peut-être d'établir des particularités culturelles propres à cette communauté. La sépulture SP88, dans l'immédiat, semble plutôt se rattacher à la phase tardive de cette nécropole. Comme c'est le cas dans les Alpes et plus largement en Suisse à La Tène ancienne et encore très majoritairement à La Tène moyenne et finale, le corps a été inhumé. Par ses caractéristiques générales (absence de dépôt de céramiques, de faune, présence d'armes), la sépulture 88 de Chens-sur-Léman se rattache bien, culturellement, aux groupes orientaux. La rive méridionale du lac Léman est connue par ses très nombreux ensembles funéraires, implantés dès le début de La Tène ancienne : Chens-sur-Léman, Reignier, Douvaine, Nernier (Bertrandy et alii, 1999, p. 280 : découverte de « tombes celtiques » en 1849) (cf. fig. 2). Plus au sud et à l'ouest, d'autres sépultures ont été relevées, par exemple à Faverges et à Gruffy. La plupart de ces sépultures ont été découvertes anciennement; un recensement effectué par M.-P. Willigens, publié en 1991, montre que les sépultures connues pour La Tène ancienne sont principalement des tombes de guerriers, caractérisées par des dépôts d'épées non ployées, contrairement à ce qui est pratiqué dans les régions méridionales (vallée du Rhône, Languedoc oriental…). Malheureusement, outre quelques mentions de tertres individuels de cailloux au-dessus de la fosse ou de celles qui ont trait au mobilier, on ignore tout des modalités de dépôt dès lors que l'architecture n'est pas directement explicite (coffres de dalles, par exemple); ainsi, les architectures funéraires périssables n'ont pas été envisagées au moment des découvertes : « les sépultures ne comportent généralement pas de structure » (Willigens, 1991, p. 190), tandis que la situation des armes et des accessoires dans la sépulture est très rarement précisée. Dès le début du III e s., des épées ployées font leur apparition dans le cadre du rite de la crémation (dépôts de crémation de Rives, Isère), mais les quelques inhumations connues conservent des épées intactes. Peu de fouilles récentes se rapportent à des sépultures du deuxième Âge du Fer. En 1997, un petit groupe de sépultures au riche mobilier datées de La Tène D1 (parure et accessoires vestimentaires) a été fouillé à Lanslevillard (Savoie); les squelettes reposaient dans des coffres de bois placés dans d'imposants coffrages de blocs (Bellon et alii, 2002). Sur le site du Replat, à Aime (Savoie), une opération préventive réalisée en 2001 sur un ensemble funéraire du Haut-Empire (Blaizot et alii, 2003) a révélé la présence de sépultures sous-jacentes, dont une a été datée par radiocarbone (LY11441 – 2185 ± 35 BP, 375-124 av. J.-C.). L'ensemble peut donc être classé dans La Tène B ou La Tène C. À noter qu'il s'agissait des seules sépultures potentiellement attribuables à La Tène moyenne relevées alors. Ces sépultures ont été pratiquées dans de simples fosses fermées d'une couverture de bois et sont totalement dépourvues de mobilier. En Suisse occidentale, les informations ne sont guère plus substantielles (Kaenel, 1990). Les architectures funéraires sont mal connues (ibid., p. 280). Comme partout, l'inhumation individuelle sous grand tumulus disparaît après le VI e s. et statistiquement, à La Tène A et B, les individus sont préférentiellement orientés N-S; toutefois, sur l'ensemble du Plateau suisse, les guerriers sont généralement inhumés avec la tête à l'est, se distinguant en cela du reste de la population, ce qui n'est pas le cas du sujet de la sépulture 88 de Chens-sur-Léman, dont la tête est située au SO. Toutefois, au moins deux hommes armés ont été inhumés avec la tête à l'est sur le site de Saint-Sulpice, sur le littoral lémanique septentrional (ibid., p. 267). Des coffrages de dalles à section rectangulaire, voire disposées en bâtière, illustrent le type architectural le plus fréquemment mentionné - Arpillières à Chênes-Bougerie et Corsier pour La Tène A et B1, La Combe-Sala à Ollon pour La Tène C1 (ca. 275-220) -, tandis que les nombreuses citations de « traces noires » permettent de concevoir une utilisation régulière de contenants de bois (ibid., p. 262-263). Ces derniers demeurent non définis à ce jour, à l'exception des évidents cercueils cloués, qui ne semblent pas toutefois apparaître avant La Tène D. La seule sépulture dont les caractéristiques (mode d'inhumation et situation du mobilier) sont identiques à celles de la tombe 88 de Chens-sur-Léman, provient de Saint-Guérin à Sion : le guerrier de la tombe 1 a été inhumé dans un tronc d'arbre évidé, avec son épée déposée à droite du corps, le pommeau au niveau de l'épaule (Kaenel, 1983, p. 49-50; Curdy et alii, 2009); la sépulture de Saint-Guérin est cependant plus récente que la nôtre (La Tène D). Le cercueil monoxyle est en tout cas largement utilisé dans les contextes protohistoriques, comme en témoignent de nombreux exemples sur le site de Nordhouse, dans le Bas-Rhin (Hallstatt final - La Tène ancienne : Duday et alii, 1990), et dans l'Yonne (Baray et alii, 1994), dont celles de Macherin à Monéteau (Guillaumet, 2001). À Macherin, seize inhumations sur trente-quatre ont été pratiquées dans un contenant monoxyle, identifié par les vestiges conservés du bois et par l'analyse archéo-anthropologique; les tombes, datées de La Tène B1-B2, sont principalement implantées au centre d'enclos quadrangulaires, et deux possèdent une panoplie guerrière : la tombe 37 (La Tène B2-C1), à l'exclusion de la lance, et la tombe 175 (fin de La Tène B2), ainsi que deux fibules chacune et un bracelet en fer porté à droite dans SP37. Un exemplaire est décrit pour la fin de La Tène A à propos de la tombe 12 du site de Longvic en Côte-d'Or (Barral, Depierre 1993, p. 381). Récemment, des inhumations en cercueils monoxyles ont été mises en évidence sur le site des Chavoures, aux Martres d'Artière (Puy-de-Dôme), datées de La Tène ancienne, et une également à Aulnat - Gandaillat à LT C1-C2 (études inédites de F. Blaizot). Il est ainsi très probable que ce mode de dépôt est plus usité à l'époque laténienne que la documentation disponible à ce jour le laisse envisager. Si l'épée de la tombe 88 de Chens-sur-Léman n'est pas ployée, on remarque qu'elle ne se présente pas en position fonctionnelle, portée à la ceinture; elle a été déposée certes la pointe en bas du côté droit, mais latéralement à la moitié supérieure du corps, à l'intérieur du cercueil monoxyle, avec la lance.Seuls les fibules et le bracelet étaient portés, les premières (deux à l'épaule, une dans le thorax) indiquant que le défunt était vêtu. Le bracelet est en place sur l'avant-bras gauche, ce qui correspond à une situation récurrente des parures annulaires uniques dans les sépultures de La Tène ancienne. Précisons que le port symétrique est généralement considéré comme une prérogative féminine dans les sépultures laténiennes de Suisse occidentale et que les hommes portent le bracelet au bras gauche (Kaenel, 1990, p. 273). Cette caractéristique, ponctuellement relevée en dehors de ce secteur géographique, comme en Auvergne (Blaizot, Milcent, 2002, p. 63; Deberge, Orengo, 2007, p. 345),en contexte guerrier Aisne-Marne pour La Tène ancienne (Demoule, 1999, p. 188), constitue ici un indice de sexe masculin potentiel pour la sépulture 88, mais quelques exceptions existent. Rappelons que des inversions systématiques d'usage peuvent exister pour marquer le statut exceptionnel d'un individu féminin : à Champ Lamet (Pont-du-Château, Puy-de-Dôme), au moins une femme inhumée dans le tumulus collectif portait son bracelet à gauche (SP169), tandis que deux autres (SP191 et 235) possédaient un ceinturon de suspension d'épée ou de poignard (Blaizot, Milcent, 2002). L'étude technologique, typologique et stylistiquedu mobilier mis au jour dans la sépulture permet, comme nous l'avons vu objet par objet, de dater la tombe avec une relative précision. La présence conjointe du fer de lance, de la grande épée, des anneaux de suspension à deux anneaux creux et d'un fourreau large à longue bouterolle ajourée et décor emblématique des dragons affrontés, est en elle -même à la fois rare et suffisamment déterminante et constitue une panoplie presque complète (seul manque le talon de lance) caractéristique de la transition IV e - III e s., soit correspondant à La Tène B2 de la chronologie d'Europe centrale. De façon générale, l'ensemble épée/fourreau auquel nous sommes confrontés correspond à un type d'arme qui apparaît au IV e siècle, à La Tène B1. Ce type est toutefois nettement plus représenté dans les découvertes datées de La Tène B2 et même, avec quelques légères variations, de La Tène C1. Une épée similaire et datée de La Tène B2 a d'ailleurs récemment été mise au jour dans une tombe de Gumefens, dans le canton de Fribourg, en Suisse (Jud, 2009). Plus précisément, la panoplie de Véreître s'insère dans le schéma de panoplie de type A1 (Rapin, 1995, p. 288) qui apparaît dès les années 320 av. J.-C. et persiste jusqu' à la seconde décennie du III e siècle. En outre, l'absence de l'umbo bivalve et de la chaîne de suspension exclut un rapprochement avec les types B1 et B2 qui commencent à se développer aux alentours du changement de siècle, et permet en tout état de cause de situer cet équipement militaire en amont de La Tène C1 et du terme des innovations de La Tène B2. Il faut ajouter à cet armement la parure annulaire et les trois fibules, qui corroborent l'attribution chronologique proposée, correspondant à l'horizon Duchcov-Münsingen, qui s'insère en effet dans La Tène B1-B2, embrassant des phases plus ou moins définies d'archaïsme, de standardisation et de variation. Les fibules auxquelles s'apparentent celles de la tombe SP88 disparaissent de façon générale lorsque se développent les chaînes de ceinturon et les premiers umbos bivalves, soit vers 275-260 av. J.-C. (Charpy, 1995, p. 359). Les inventaires régionaux (Willigens, 1991; Dupinay, 2009) mentionnent une douzaine de fibules de types variés (dont Duchcov et Münsingen) pour la commune de Chens-sur-Léman, toutes issues de découvertes fortuites anciennes, toutes en bronze (les fibules en fer n'ont certainement pas été perçues à l'époque) et datées invariablement de La Tène B1, certainement en relation avec les découvertes suisses. Seule l'association d'une fibule (vraisemblablement de type Münsingen) avec une chaîne de ceinture permet une attribution plus large à La Tène B-C. En outre, les datations proposées pour les pièces d'armement conservées ou ayant fait l'objet d'une description correspondent à La Tène B1-B2, mais ne concernent que deux épées avec fourreau et deux fers de lance. Notons que les fourreaux ne comportent pas d'emblème lyres/griffons conservé, ce qui limite grandement les comparaisons. Par ailleurs, les cartes de répartition de ce symbole, antérieures aux travaux de N. Ginoux, mentionnent à Chens-sur-Léman un décor du type III de De Navarro (De Navarro, 1972; Bulard, 1979; Ginoux, 2007, p. 18). Ce dernier n'est pas étudié par N. Ginoux qui ne recense plus que deux uniques exemplaires pour tout l'arc alpin français. Il s'agit des décors des fourreaux de Rives et de Voreppe, dans l'Isère. Le premier est issu d'un dépôt de crémation découvert en 1882 au lieu-dit « Le Plan » (Ginoux, 2007, cat. 108, pl. 68, p. 252), et le second provient de la fouille, ancienne également, d'un dépôt de crémation, au lieu-dit « La tuilerie des Balmes de Voreppe » (Ginoux, 2007, cat. 109, pl. 70, p. 254). Ces deux fourreaux comportent toutefois des décors de type 2C, soit des « griffons de forme transitoire vers un schéma géométrique », qui les situent plus tardivement, à La Tène moyenne (deuxième tiers du iii e siècle, La Tène C1, pour celui de Voreppe) (Ginoux, 2007, p. 104). Ainsi, cette sépulture de guerrier celte semble s'insérer, par sa datation de la charnière entre les IV e et III e s. av. J.-C., dans un contexte pour lequel s'applique un schéma diachronique récurrent durant la Protohistoire, d'innovation technologique en relation avec des mouvements migratoires et des évolutions culturelles (Rapin, 1999, p. 54). Cette phase capitale du second Âge du Fer correspond en effet à une rupture dans les comportements militaires et à une mutation dans toute l'Europe celtique de la panoplie militaire déposée dans les sépultures. Cette mutation se traduit par « d'intenses innovations » (Rapin, 2007, p. 248) et accompagne un accroissement relatif de la proportion de sépultures à armes dans les ensembles funéraires. Dans certaines régions, comme en Auvergne par exemple, elles n'apparaissent d'ailleurs pas avant La Tène B1 (Jouannet et alii, 2010).Cet accroissement a ainsi fait naître l'idée d'une « démocratisation de l'armement » (Marion, 2007, p. 111). La nouvelle panoplie se généralise par la suite à La Tène C1, mais le nombre de dépôts diminue, comme si le discours funéraire se faisait moins l'expression de cet idéal (Rapin, 1995, p. 290), relayé peut-être par les sanctuaires « militaires » dont les fosses sont alors abondamment dotées en objets. Ce changement dans le traitement de l'armement semble en effet traduire un transfert de valeur, de l'affirmation du statut social individuel vers celle du statut collectif de la force armée (Marion, 2007, p. 111-112). Dans le même domaine d'interprétations historiques et sociales, les mutations de La Tène B2 traduisent, selon les auteurs, « une nouvelle phase d'agressivité » en relation avec un nouveau mouvement d'expansion militaire vers la fin du IV e siècle, en direction principalement de l'Europe balkanique( Rapin, 1999, p. 54),ouune « militarisation de la société » alliée à « des réorganisations des instances aristocratiques et idéologiques » (Marion, 2007, p. 111). A. Rapin a proposé, en croisant les résultats des analyses technochronologiques de l'armement avec les sources émanant des historiens antiques grecs, ainsi qu'avec l'examen de la statuaire méridionale (Entremont et Roquepertuse), d'insérer cette phase d'innovations entre les terminus que constituent en amont la mort d'Alexandre (323 av. J.-C.) et en aval l'épisode du pillage du sanctuaire de Delphes (280-278 av. J.-C.), soit peu ou prou deux générations d'hommes en armes (Rapin, 1995; Rapin, 2004, p. 274; Rapin, 2007, p. 248). Si le guerrier de la tombe 88 semble ne pas s' être converti aux principales innovations de La Tène B2, à savoir le bouclier à umbo bivalve et la suspension à chaîne, et a conservé des éléments plus représentatifs de la mutation précédente du début du IV e s. (La Tène B1), cela est peut-être dû à un statut particulier de combattant. En effet, on constate (Rapin, 1999, p. 55) que les guerriers porteurs d'une épée moyenne, gainée dans un étui orné de la paire de « dragons/griffons » ou de motifs végétaux, adoptent en premier les innovations techniques du moment. En revanche, les combattants utilisant les grandes épées et les fourreaux à « lyre zoomorphe » se munissent plus tardivement de ces nouveaux équipements. Certes, le guerrier de Chens - Véreître utilisait une grande épée et un fourreau aux « dragons » … mais la taille de l'épée, davantage que le décor, semble susceptible de déterminer une technique de combat et donc un statut militaire. L'épée longue associée au fourreau à grande bouterolle ajourée semble apparaître peu avant l'offensive balkanique contre les Autariates (entre 320 et 310 av. J.-C.), au sujet de laquelle Pausanias évoque les trimarkisia, unités tactiques de trois cavaliers fonctionnant par roulement (Pausanias, Periegesis, X, 19, 12). Ces guerriers utilisaient-ils cette nouvelle épée ? Ces interprétations sont à nuancer. Tout d'abord, d'autres facteurs rentrent en compte, comme l'apparition du ceinturon à chaînes qui améliore le système de suspension à anneaux en limitant davantage les oscillations de l'épée le long de la jambe : ces recherches technologiques semblent transcrire des préoccupations de fantassins plutôt que de cavaliers (Rapin, 2007, p. 243). De même, N. Ginoux introduit l'interprétation du motif emblématique du griffon doté d'une jambe humaine comme le signe de reconnaissance d'une fonction, jouant conjointement le rôle d'image de protection, pour des combattants dont la spécialisation se renforce et « pour lesquels la course rapide devait être un impératif » (Ginoux, 2007, p. 103). Ainsi, au début du III e s. av. J.-C., sur une même arme sont associés des motifs et des détails technologiques autrefois distincts (Rapin, 2007, p. 248), et force est de constater la réalité du concept de « panoplies concomitantes » (Rapin, 2004, p. 274) et non plus successives. A. Rapin avance alors l'hypothèse selon laquelle les décors des fourreaux « deviennent des emblèmes de grade ou de fonctions militaires précises qui se transforment ou disparaissent au gré des diverses évolutions des techniques de combat, de l'obsolescence de certains corps d'armée, des adaptations aux adversaires du moment » (ibid., p. 274). La grande diversité des équipements tient également au fait que plusieurs classes d' âge devaient se côtoyer au sein d'un même corps d'armée (Rapin, 2007, p. 248). L'armement des guerriers les plus âgés présentait nécessairement un certain retard sur les innovations du moment adoptées par les individus les plus jeunes. En effet, l'épée accompagne le guerrier durant toute sa vie (contrairement à l'arme de jet forcément renouvelée) : en attestent les nombreuses reprises et réparations observées sur les éléments les plus fragiles des fourreaux (entrée, pièce de suspension et bouterolle), et qui supposent une utilisation longue (et/ou intensive) en concordance avec l' âge des défunts (Ginoux, 2007, p. 88; Rapin, 2004, p. 270). En outre, l'exemple du jeune guerrier de Barbey (Rapin, 2002) accrédite l'hypothèse de l'acquisition précoce de sa panoplie par le guerrier : « L'acquisition d'une panoplie participe d'un rite social marquant l'accès de l'adolescent dans le monde des guerriers adultes » (Rapin, 2004, p. 270). Quoi qu'il en soit, la réflexion sur l'écart entre le moment de l'inhumation et celui de la fabrication de l'équipement militaire nécessite une estimation précise de l' âge de l'individu au moment du décès (Szabó, 1995 et 1996), d'autant plus indispensable quand les autres éléments de mobilier, comme les fibules, qui peuvent constituer un terminus post quem relativement fiable, appartiennent au même horizon que l'armement, ce qui est le cas pour la tombe SP88 de Chens-sur-Léman. Malheureusement, les données biologiques relatives à la maturation recueillies sur les squelettes ne revêtent pas la précision souhaitée, en raison de la variabilité individuelle face au vieillissement. Ces difficultés sont par ailleurs accrues sur le squelette SP88, puisqu'en raison de la non-conservation des os coxaux (cf. supra), les résultats fournis par la seule méthode employable ici doivent être interprétés à leur juste valeur : ils ont été obtenus en calculant les régressions de l' âge moyen d'un individu en fonction du degré de synostose de ses sutures crâniennes, soumis à une importante variabilité. Ainsi, les chiffres de la figure 7 sont des valeurs moyennes assorties d'une erreur standard variant de 10 à 12 ans, et indiquent seulement que l'individu est décédé dans sa phase de maturité (plus de 30 ans). On peut donc tout au plus envisager que cet individu a vécu, et combattu, au cours de La Tène B2, que sa mort a pu censément survenir vers le début du III e s. av. J.-C., et que sa position sociale, responsable d'une certaine spécialisation militaire, peut-être dans un corps de fantassins, est à l'origine des concepts technologiques adoptés. Encore faut-il nuancer une telle hypothèse en évoquant la question de la valeur marchande de l'équipement militaire et de l'investissement qu'il représente pour l'individu. Par ailleurs, au même titre que la diffusion des innovations techniques peut émaner du déplacement des groupes humains, des rapports commerciaux mais aussi de contacts plus personnels (Szabó, 1995, p. 55), le rapport à la nouveauté demeure soumis à des facteurs individuels, par définition non quantifiables et archéologiquement imperceptibles, qui tiennent aux notions d'autodétermination, d'indépendance ou de résistance vis-à-vis des modes. À l'échelle locale, les interrogations soulevées par la découverte de Chens/ Véreître trouveront dans le futur, espérons -le, des éléments de réponse par le biais de nouvelles données relatives à l'occupation du second Âge du Fer de Chens-sur-Léman. Remerciements à Gilbert Kaenel pour sa relecture et ses conseils . | L'article porte sur la sépulture d'un guerrier celte, datée entre les IVe et IIIe siècles avant J.-C. (La Tène B2), fouillée lors d'un diagnostic mené à Chens-sur-Léman (Haute-Savoie), au lieu-dit Véreître. Plusieurs sépultures datées du second Âge du Fer et découvertes anciennement sont connues aux abords méridionaux du lac Léman, mais cette tombe est la première à faire l'objet d'une véritable analyse. Le corps a été placé dans un cercueil monoxyle, avec à sa droite un fer de lance et une grande épée dans son fourreau décoré, et portait un bracelet massif en fer au poignet gauche, deux fibules enfer et une fibule en bronze. | archeologie_12-0135609_tei_332.xml |
termith-176-archeologie | De nombreux processus sont susceptibles de modifier et d'altérer les ossements après la mort. Ces processus, dits taphonomiques, peuvent intervenir dès les premières phases de putréfaction des tissus mous et se prolonger dans l'environnement sédimentaire tout au long de l'enfouissement (diagenèse), sous l'effet combiné de facteurs biologiques et géochimiques (Collins et al., 2002; Hedges, 2002). L'étude de ces processus taphonomiques, et de leurs effets sur les assemblages osseux en contexte archéologique et paléontologique, peut constituer une source d'information permettant de reconstituer l'ensemble des évènements intervenus entre la mort de l'animal et la découverte de restes squelettiques, c'est-à-dire de déterminer leur histoire taphonomique. Les processus bio/physico-chimiques peuvent également entrainer des changements profonds de la structure et de la composition des ossements, et modifier ou supprimer certains signaux biomoléculaires, élémentaires ou isotopiques (Hedges et al., 1995; Hedges, 2002; Trueman et al., 2004; Trueman et al., 2008). De nombreux travaux ont ainsi démontré que les altérations diagénétiques pouvaient limiter l'utilisation des ossements fossiles comme source d'information dans le cadre des reconstitutions paléo-climatiques/environnementales, de l'étude des régimes alimentaires, des analyses paléogénétiques ou encore des études géochronologiques (Lee-Thorp, 2002; Lee-Thorp et Sponheimer, 2003; Bocherens et al., 2008). Différentes méthodes ont ainsi été développées afin de caractériser les altérations diagénétiques, d'évaluer l'état de préservation des ossements fossiles et de comprendre les processus mis en œuvre. Cependant, très peu de données sont disponibles à ce jour sur les variations de composition ou de structure des phases organique ou minérale des ossements fossiles à micro-échelle. Seuls quelques travaux ont permis l'obtention de données sur la composition élémentaire par analyse par faisceau d'ion (PIXE/PIGE) ou par spectrométrie de masse (Reiche et al., 1999; Goodwin et al., 2007, Gaschen et al., 2008; Olivares et al., 2008, Hinz et Kohn, 2010), ainsi que sur la préservation de la trame organique par Microscopie Électronique à Transmission (Reiche et al., ce volume, Chadefaux, 2009). Seuls des paramètres structuraux tels que la taille et l'épaisseur moyenne des cristaux de la phase minérale de l'os ont également pu être obtenus in situ par diffusion des rayons X aux petits angles (SAXS) (Wess et al., 2002). D'autres techniques peuvent permettre d'accéder à des informations structurales et de composition à micro-échelle. C'est notamment le cas de la micro-spectrométrie infrarouge (IR-TF) qui présente l'avantage de fournir des informations résolues spatialement, à la fois pour les phases organique et minérale de l'os. Cette technique a ainsi été largement utilisée dans le domaine biomédical pour l'étude des échantillons modernes (Paschalis et al., 1996, Boskey et Mendelsohn, 2005, Boskey et Pleshko-Camacho, 2007). La micro-spectrométrie IR a également été appliquée récemment afin de caractériser à micro-échelle les modifications de composition induites par les processus diagénétiques (Reiche et al., 2010; Lebon et al., 2011). Ce type d'analyses par spectrométries vibrationnelles s'est révélé pertinent afin d'améliorer notre compréhension des phénomènes d'altération diagénétique et de mieux évaluer l'état de conservation des échantillons. Une autre spectrométrie vibrationnelle, la micro-spectrométrie Raman a été appliquée dans le domaine biomédical afin de cartographier les variations de composition au niveau des structures histologiques des ossements modernes (Timlin et al., 1999; Kazanci et al., 2007; Goodyear et al., 2009; Gamsjaeger et al., 2010; Shen et al., 2010). Cette technique a aussi été utilisée afin de déterminer localement l'état de préservation d'échantillons fossiles ou la conservation de matériel osseux dans les collections muséales (Pucéat et al., 2004; Edwards et al., 2005; Thomas et al., 2007; Le Blond et al., 2009). Le but de cette étude est de présenter des premiers tests de cartographies réalisées par micro-spectrométrie Raman afin de caractériser les modifications de composition à l'échelle histologique de l'os pendant la diagenèse. Ces cartographies Raman seront comparées à celles enregistrées en spectrométrie IR-TF sur des échantillons similaires. Il sera ainsi possible d'évaluer le potentiel de cette technique pour l'étude in situ des processus d'altérations diagénétiques. Afin de caractériser l'état de préservation des échantillons présentés ci-dessous, plusieurs paramètres spectraux permettant de caractériser les phases organique et minérale ont été mesurés à la fois en spectrométrie Raman et infrarouge. Ces paramètres spectraux permettront notamment de caractériser la proportion relative de collagène, de carbonates, ainsi que la cristallinité de la phase minérale des échantillons fossiles. Avant d' être appliquées à un échantillon archéologique préparé sous forme de coupes minces, les résultats fournis par ces deux types de spectrométries ont tout d'abord été comparés pour des échantillons sous forme de poudre d'ossements chauffés et non chauffés retrouvés en contexte archéologiques. En effet, différents travaux ont mis en évidence une perte de la matière organique et des carbonates au cours de la chauffe. La perte de ces deux composés s'accompagne de la recristallisation de la phase minérale à haute température (>650 °C) qui conduit à une augmentation importante de la cristallinité (Stiner et al., 1995; Hiller et al.; 2003, Lebon, 2008; Lebon et al., 2008, Piga et al., 2008; Lebon et al., 2010). Une sélection d'échantillons présentant différents états de chauffe peut ainsi permettre d'appliquer les paramètres spectraux établis en spectrométrie IR-TF et Raman à des échantillons présentant des différences importantes de composition et de structure. Des différences de composition dues à des processus diagénétiques très distincts entre les deux sites archéologiques étudiés peuvent s'ajouter aux modifications des différences de composition induites par les états de chauffe. À travers cette étude, il sera ainsi possible de comparer les informations fournies par ces deux techniques d'analyses avant de les appliquer à des échantillons fossiles préparés sous forme de coupe mince obtenue par microtomie ou de coupes épaisses. Les échantillons osseux étudiés proviennent de deux sites archéologiques pléistocènes. Il s'agit des sites de Bize-Tournal (Aude-France, 15 ka [Tavoso, 1987 ]) et de Song Terus (Java-Indonésie, 60-80 ka [Sémah et al., 2004]). Pour chacun des sites, des échantillons chauffés et non chauffés ont été sélectionnés sur la base de critères macroscopiques tels la présence ou l'absence de traces de carbonisation ou de calcination (Lebon et al., 2010). Les échantillons non chauffés du site de Bize-Tournal sont généralement peu altérés puisqu'ils contiennent du collagène préservé. Les échantillons provenant du site de Song Terus sont quant à eux fortement altérés puisque la totalité de leur matière organique a disparue, et que leur phase minérale est partiellement recristallisée en fluorapatite (Lebon et al., 2010). Les échantillons présentés ici ont fait l'objet d'une précédente étude exhaustive par spectrométrie IR-TF (Lebon, et al., 2010). Pour chaque échantillon, un prélèvement a été effectué en utilisant une mèche diamantée à faible vitesse de rotation pour éviter toute chauffe de l'échantillon. Une partie de cet échantillon a alors été utilisée pour la spectrométrie infrarouge, l'autre pour la spectrométrie Raman. Les échantillons pour la spectrométrie IR-TF ont été préparés selon la méthode du pastillage. Quelques milligrammes de chaque échantillon ont été broyés dans de l'acétone afin d'obtenir une taille de grains très inférieure à 5 µm. Les pastilles ont ensuite été préparées en mélangeant 2,5 mg de l'échantillon broyé complété à 1 g par du bromure de potassium (KBr). Enfin, 300 mg de ce mélange sont pesés et pressés à 11 t.cm ‑ 1 pendant 1,5 min. Les données IR-TF ont alors été collectées en transmission entre 4 000 et 400 cm - 1 sur un spectromètre Vector 22 (Bruker) équipé d'un détecteur DGTS, par l'accumulation 64 spectres avec une résolution spectrale de 2 cm ‑ 1. Les spectres Raman ont été collectés sur un spectromètre RFS 100/S (Bruker) utilisant comme source excitatrice une diode laser Nd : YAG (1 064 nm) et un détecteur germanium refroidi à l'azote liquide. Les spectres Raman ont été enregistrés entre 3 550 et 50 cm ‑ 1 avec une résolution spectrale de 4 cm ‑ 1, en accumulant de 128 à 512 scans afin d'obtenir un rapport signal/bruit satisfaisant. L'interface d'analyse macroscopique du spectromètre permet de focaliser le rayonnement laser (fixé à 100 MW sur l'échantillon) sur une zone de 100x100 µm² à la surface de l'échantillon sous forme de poudre, placé sur un miroir d'or afin d'améliorer l'intensité du signal Raman récolté par le spectromètre. Les micro-spectrométries infrarouge et Raman ont été appliquées à deux échantillons préparés sous forme de coupes minces obtenues par microtomie, selon le protocole présenté ci-dessous. Il s'agit de l'échantillon ST-Ta-8 provenant du site de Song Terus et de l'échantillon BZ-O30-9 provenant du site de Bize Tournal. L'état de conservation de ces échantillons est représentatif de l'état général du matériel osseux fossile provenant de ces sites. L'analyse d'échantillons en transmission par micro-spectrométrie IR-TF nécessite leur préparation sous forme de coupes minces d'une épaisseur de l'ordre de 2 µm. Cette étape n'est possible pour des échantillons fossiles altérés qu'après leur induration par de la résine (Lebon et al., 2011). De petits fragments d'échantillons (0,5 x 0,5 x 1 cm 3) ont donc été déshydratés avant d' être inclus dans une résine de polyméthylméthacrylate (PMMA). Cette résine a été choisie car ses bandes les plus intenses se situent en dehors des zones d'intérêt du matériau osseux. Pour chaque échantillon, plusieurs coupes minces de 2 µm d'épaisseur et d'une taille comprise entre 500 x 500 et 500 x 1 000 µm² ont été obtenues en utilisant un ultramicrotome Leica EM UC6 (plateforme IPANEMA-SOLEIL). Les analyses par micro-spectrométrie IR-TF ont été réalisées à la ligne SMIS du synchrotron SOLEIL (Gif-sur-Yvette, France), en utilisant un microscope Continuµm couplé à un spectromètre Nicolet 5700 (ThermoNicolet). Le microscope IR-TF est équipé d'un détecteur Mercure-Cadmium-Telluride (MCT-A) collectant le rayonnement IR dans la gamme 4 000-650 cm ‑ 1. Les sections fines d'ossements fossiles ont été placées sur des fenêtres BaF 2 (MolTeck, GmBH) et fixées à ce support par une goutte d'éthanol. En séchant, l'éthanol permet à la coupe d'adhérer à son support ce qui assure ainsi la planéité de la surface. Les supports BaF 2 avec les échantillons ont ensuite été placés sur la plateforme motorisée du microscope afin d' être analysés en mode transmission en utilisant une ouverture de diaphragme de 12 x 12 µm² et un pas de 10 µm entre chaque point d'analyse. Pour chaque pixel de la zone analysée, 128 scans ont été accumulés sur la gamme spectrale 4 000-400 cm - 1 avec une résolution spectrale de 4 cm ‑ 1. Des backgrounds ont été réalisés dans les mêmes conditions avant chaque cartographie. Pour chaque échantillon, des zones d'au moins 100x100 µm² ont été étudiées. Ces zones ont été choisies en dehors des parties de la coupe présentant des artéfacts de préparation (fissurations, replis, manque de planéité, etc.). L'ensemble du protocole de préparation des échantillons et du mode de traitement des données est détaillé dans Lebon et al. (2011). Des analyses Raman ont pu être également réalisées sur ces mêmes coupes minces et des sections polies en utilisant un spectromètre Raman DXR (ThermoScientific) avec une source laser à 532 nm. Le microscope muni d'un objectif x40 permet de focaliser le faisceau laser sur une zone d'environ 5 µm. Ces conditions analytiques permettent d'obtenir un bon compromis entre résolution spatiale et intensité du signal Raman. Pour chaque point d'analyse, cinq à dix spectres de 10 à 15 s ont été accumulés avec une résolution spectrale de 4 cm ‑ 1 afin d'obtenir un rapport signal/bruit suffisant. Un échantillon provenant du site de Song Terus a également été préparé sous forme de lame polie avant d' être étudié par micro-spectrométrie Raman. Cet échantillon (ST-Ta-3) correspond à un ossement chauffé présentant des traces de calcination avancée sur ces faces externes, tandis que la partie interne est restée carbonisée. Après la réalisation d'une section transversale à l'axe longitudinal de l'os sans aucune préparation préalable, une des faces a donc été polie afin de procéder aux analyses Raman (fig. 1c). Le polissage permet une visualisation des zones d'intérêt par microscopie optique avant d'entreprendre les analyses Raman et assure une focalisation constante du rayonnement laser au cours de l'analyse. Cet échantillon, trop fragile, n'a pas pu être préparé sous forme de coupe fine nécessaire à une analyse par micro-spectrométrie IR en transmission. À partir des spectres obtenus en spectrométries IR-TF et Raman, différents indices ont été mesurés afin de caractériser les échantillons. Les figures 2a et 2b présentent des spectres typiques d'un ossement fossile bien préservé provenant du site de Bize-Tournal, acquis respectivement en spectrométrie IR et Raman. L'augmentation de la cristallinité de la phase minérale des ossements au cours de la diagenèse est couramment évaluée en spectrométrie IR par l'intermédiaire du « Splitting Factor » (IRSF) (Weiner et Bar-Yosef, 1990). Cet indice de cristallinité est basé sur le degré d'individualisation des deux bandes phosphates (n 4 PO 4) situés à 565 et 605 cm ‑ 1 (fig. 2c). Plus ces deux bandes sont individualisées, plus l'IRSF et la cristallinité (taille et perfection des cristaux) sont importantes. D'autres indices de cristallinité peuvent également être mesurés en se basant sur le domaine spectral situé entre 1200 et 900 cm - 1. Ce large massif spectral résulte de plusieurs composantes correspondant aux modes de vibration n 1 et n 3 des groupements phosphates (Rey et al., 1991; Gadaleta et al., 1996; Lebon et al., 2008). Plusieurs travaux ont montré que l'établissement de rapport entre des composantes attribuées aux groupements phosphates dans un environnement stœchiométrique, et des composantes attribuées aux groupements phosphates dans un environnement non stœchiométrique, pouvait permettre d'évaluer la cristallinité de la phase minérale. C'est notamment le cas des indices basés sur les rapports d'intensité des composantes 1030 cm ‑ 1 /1 020 cm ‑ 1 et 1 060 cm ‑ 1 /1 075 cm ‑ 1 (Paschalis et al., 1996 Lebon et al., 2010). Dans le cadre de cette étude, la cristallinité des échantillons a été évaluée par l'intermédiaire de l'IRSF, ainsi que de l'indice 1060/1075. Une précédente étude a mis en évidence une bonne correspondance entre ces deux modes d'évaluation de la cristallinité pour des ossements fossiles (Lebon, et al., 2010). En spectrométrie Raman, la cristallinité des échantillons fossiles a été évaluée par la mesure de la largeur à mi-hauteur (« Full Width at Half Maximum », FWHM) de la bande centrée vers 960 cm ‑ 1 correspondant au mode de vibration n 1 des groupements phosphates (Pucéat, et al., 2004) (fig. 2d). Différents travaux ont également montré que la position de cette bande n 1 PO 4 était susceptible de varier suite à une amélioration de l'organisation du réseau cristallin due à l'incorporation de différents ions au sein de la maille cristalline. Une augmentation de la position en fréquence de cette bande peut ainsi être utilisée afin de mettre en évidence des altérations diagénétiques et notamment un enrichissement en fluor (Thomas et al., 2007; Lebon et al., 2010). La position de cette bande a été relevée à la fois en spectrométrie IR-TF et Raman (Figure 2a et 2b). La préservation éventuelle de collagène au sein des échantillons fossiles, et l'évaluation de la quantité relative de collagène pour les différents échantillons fossiles constitue un paramètre important de l'évaluation de l'état de préservation. Plusieurs bandes attribuées au collagène sont identifiables sur les spectres IR-TF et Raman. La mesure de la préservation relative du collagène dans les différents échantillons peut être réalisée par le rapport d'aire ou d'intensité entre la bande amide I et la bande phosphates la plus intense, c'est-à-dire autour de 1 035 cm - 1 en spectrométrie IR-TF et vers 961 cm - 1 en spectrométrie Raman (fig. 2a et 2b). De façon comparable, le rapport d'aire ou d'intensité entre bande carbonates et phosphate a permis d'évaluer la proportion relative de carbonates dans les différents échantillons (Thomas et al., 2007). La bande carbonates à 1 415 cm - 1 a été utilisée dans le cas de la spectrométrie IR-TF, tandis qu'en spectrométrie Raman, c'est la bande centrée vers 1 073 cm - 1 qui a été employée (fig. 2a et 2b). En spectrométrie IR-TF, l'intensité relative des bandes a été utilisée afin d'établir les concentrations relatives en carbonates et en collagène, alors qu'en spectrométrie Raman, la plus faible intensité de ces bandes a nécessité l'utilisation de leur aires afin d'obtenir des rapports fiables. Ces différents indices ont été mesurés suivant les modes de mesure présentés des différents travaux cités précédemment (Pucéat et al., 2004; Thomas et al., 2007; Lebon et al., 2010). Ces différents paramètres spectraux ont été calculés en utilisant le logiciel GramsAI (ThermoScientific) pour les données IR-TF et le logiciel OPUS (Bruker) en ce qui concerne les données Raman. Les valeurs de cristallinités mesurées en spectrométrie IR (IRSF) et Raman (FWHM) pour les échantillons en poudre sont présentées en figure 3a. Une augmentation de la cristallinité de la phase minérale de l'échantillon se caractérise par une réduction de la FWHM de la bande n 1 PO 4 vers 960 cm ‑ 1 en spectrométrie Raman, tandis que l'on observe une augmentation de l'IRSF en spectrométrie IR. Les échantillons calcinés présentent des valeurs d'IRSF supérieures à 7,5 et une FWHM de la bande n 1 PO 4 inférieure à 10 cm ‑ 1, sans qu'il soit possible d'établir de corrélation entre ces deux valeurs. En ce qui concerne les échantillons non chauffés, ils présentent des valeurs d'IRSF comprises entre 3,2 et 4,5, et des FWHM comprises entre 14,4 et 17,2 cm - 1. Une corrélation entre les mesures de cristallinité obtenues en spectrométrie IR et en spectrométrie Raman pour les échantillons non chauffés (r² = 0,6, p < 0,01) a été observée. Pour la position de la bande n 1 PO 4, une bonne corrélation entre les mesures effectuées en spectrométrie Raman et IR a également été mise en évidence (r² = 0,77, p < 0,01). L'évaluation de la proportion relative des carbonates dans la phase minérale a également pu être déterminée en utilisant le rapport des bandes carbonates et phosphates (fig. 3c). Une corrélation est observée entre les données obtenues en spectrométrie IR et Raman, mais celle -ci est essentiellement représentée par deux groupes de points distincts. Il semble donc que la mesure des teneurs en carbonates soit plus difficile en spectrométrie Raman qu'en IR-TF. Il en est de même en ce qui concerne le collagène, puisque la détection et la mesure de la bande amide n'a été possible que pour trois échantillons en spectrométrie Raman (contre six échantillons en spectrométrie IR-TF). Ces données sont pour le moment insuffisantes pour tenter d'établir une corrélation entre les résultats de quantification du collagène établie avec ces deux méthodes. La micro-spectrométrie IR a été appliquée sur une coupe mince provenant de l'échantillon ST-Ta-8 du site de Song Terus. La figure 4a présente une vue en microscopie optique de la zone d'analyse étudiée pour cet échantillon et les figures 4b et 4c représentent respectivement les répartitions spatiales des teneurs en carbonates et des valeurs de la cristallinité. Aucune trace de matière organique préservée n'a pu être détectée dans cet échantillon. Une répartition très hétérogène de la teneur en carbonates et des valeurs de cristallinité au niveau de cette zone d'analyse a été observée. Ces variations importantes à micro-échelle témoignent de l'hétérogénéité des altérations diagénétiques qui interviennent à l'échelle histologique. Les valeurs de cristallinité, très supérieures à celles classiquement observées pour des échantillons modernes, mettent en évidence une importante recristallisation de la phase minérale. Cette recristallisation est confirmée par les teneurs en carbonates assez faibles pour l'ensemble de la zone d'analyse, à l'exception de deux zones beaucoup plus riches en carbonates. Ces deux zones, entourant les porosités naturelles de l'os que constituent les canaux de Havers, présentent des teneurs en carbonates très supérieures à celles relevées dans les échantillons modernes et pourraient donc correspondre à des zones d'enrichissement en carbonates exogènes provenant des eaux d'infiltration. La teneur en carbonates au sein de la phase minérale est corrélée aux valeurs de cristallinité (fig. 5), à l'exception de quelques pixels correspondant à ces zones enrichies en carbonates en périphérie des canaux de Havers (fig. 5, points blancs). Cette absence de corrélation entre teneurs en carbonates et valeurs de cristallinité au niveau de ces zones suggère que les carbonates ne sont pas directement incorporés à la phase minérale, mais plutôt adsorbés à la surface des cristaux ou précipités sous forme de calcite. Par ailleurs, il apparaît que les zones présentant des valeurs de cristallinité plus importantes se situent en périphérie, et entre, les ostéons. Des faciès similaires peuvent être observés dans ces ossements modernes où ces zones correspondent à des zones du tissu osseux beaucoup plus minéralisées (Paschalis, et al., 1996). Cependant, les valeurs de cristallinité sont ici beaucoup plus importantes que celles observées pour des ossements modernes (rapport 1060/1075 ≈ 1.12 ±0.02; [Lebon, et al., 2011]). Il semblerait donc que les altérations diagénétiques, et notamment les recristallisations de la phase minérale, puissent dans certains cas agir de façon à conserver les faciès présents in-vivo. Le nombre limité d'échantillons traités ne permet cependant pas de conclure pour le moment sur ce type de phénomène. Pour l'échantillon BZ-O30-9, les teneurs en carbonates sont relativement hétérogènes dans la zone d'analyse contrairement aux valeurs de cristallinité assez homogènes. Seule une zone présente une cristallinité plus élevée (FWHM plus faible). Cette zone correspond à la zone présentant un enrichissement en carbonates et semble donc plus altérée que les autres parties de la zone d'analyse. Pour cet échantillon, une partie de la phase organique est préservée. La distribution du collagène est cependant très hétérogène et la partie supérieure de la zone analysée semble plus altérée, de même que la zone entourant le canal de Havers dans la partie inférieure de la cartographie Raman. Une corrélation inverse entre la distribution du collagène et celle des carbonates est observée. Bien que la mesure quantitative de ces deux composés semble possible à micro-échelle, leur détection est cependant difficile en spectrométrie Raman du fait de la faible intensité de leurs bandes correspondantes et de la faible intensité du signal Raman. Des analyses complémentaires sont en cours, notamment sur du matériel moderne, afin d'évaluer la fiabilité des mesures obtenues pour ces deux composés. En ce qui concerne l'analyse par micro-spectrométrie Raman de l'échantillon ST-Ta-8 (fig. 7a), aucune trace de matière organique n'a été détectée ce qui confirme les résultats obtenus en micro-spectrométrie IR. Les teneurs en carbonates sont relativement faibles, à l'exception de la partie en périphérie du canal de Havers situé au centre de la zone d'analyse (fig. 7b). Ceci traduit une augmentation de la cristallinité liée à des phénomènes de recristallisation induits par les processus diagénétiques (fig. 7c). Des positions en fréquence importantes pour la bande correspondant au mode de vibration n 1 des groupements phosphate ont été constatées (fig. 7d). Ceci peut caractériser une amélioration de l'organisation du réseau cristallin due à différents processus diagénétiques possibles, par exemple des phénomènes de dissolution/recristallisation ainsi qu' à un enrichissement important en fluor tel qu'il a pu être mis en évidence dans une précédente étude pour les échantillons de Song Terus (Lebon, et al., 2010). Une présence importante de calcite a été mise en évidence autour du canal de Havers. La présence de calcite au niveau d'une porosité naturelle de l'os et le taux important de carbonates dans cette zone de l'échantillon témoignent d'un enrichissement en carbonates par les eaux d'infiltration. Par ailleurs, les données de micro-spectrométrie Raman montrent que cet enrichissement reste très localisé et affecte peu le tissu osseux environnant. L'ensemble de ces résultats est en accord avec les résultats obtenus en micro-spectrométrie IR et avec l'état de préservation général observé pour le matériel osseux provenant de ce site. Une cartographie Raman a également été réalisée sur une coupe épaisse de d'un autre échantillon du site de Song Terus (ST-Ta-3) sur une zone à la transition entre la partie interne carbonisée et la partie externe calcinée (Figure 8a). Les teneurs relatives en carbonates apparaissent beaucoup plus importantes dans la partie carbonisée que dans la partie calcinée (fig. 8b). La FWHM de la bande n 1 PO 4 est plus faible dans la partie calcinée (fig. 8c) caractérisant ainsi une cristallinité plus importante dans cette zone de l'échantillon. Les tendances observées pour ces deux paramètres mettent en évidence la recristallisation importante de la phase minérale de l'os qui intervient lors de la calcination (température de chauffe supérieure à 650 °C). Les variations spatiales de composition observées pour cet échantillon correspondent donc bien aux tendances attendues compte tenu de l'état de chauffe de cet échantillon. Les résultats présentés précédemment ont mis en évidence l'existence d'une hétérogénéité importante de la composition des ossements fossiles à micro-échelle. Une telle hétérogénéité nécessite la mise en place de protocoles analytiques adaptés afin d'étudier les processus de fossilisation et d'évaluer les états de préservation à micro-échelle. Les spectrométries IR et Raman permettent une caractérisation de l'état d'altération des échantillons. Les deux techniques analytiques offrent la possibilité de déterminer les caractéristiques de la phase minérale de l'os telles que sa teneur en carbonates, le degré d'organisation du réseau cristallin, ou encore sa cristallinité qui constitue l'un des paramètres d'évaluation de l'état de préservation les plus utilisés. En spectrométrie IR, l'évaluation de la teneur en carbonates et en collagène est relativement aisée compte tenu du bon rapport signal/bruit, même lorsque ces composés sont présents en faible concentration. Pour les échantillons analysés en spectrométrie Raman, la faible intensité des bandes correspondant au collagène et aux carbonates, et le faible rapport signal/bruit rend leur détection moins aisée et la précision des mesures devra être confirmée par des analyses complémentaires. La micro-spectrométrie IR offre une résolution spatiale pouvant atteindre une dizaine de micromètres lorsque l'on souhaite obtenir des données sur la gamme spectrale 2 000-650 cm - 1 nécessaire à l'étude des propriétés de l'os. Cette résolution est adaptée à l'étude des structures histologiques de l'os. L'obtention d'une telle résolution spatiale nécessite cependant l'utilisation de sources de lumière synchrotron, dont le temps d'accès est limité. L'obtention d'une résolution d'une résolution de l'ordre de 20 à 10 µm est cependant possible en utilisant des systèmes d'imagerie de laboratoire. La spectrométrie Raman offre en général une meilleure résolution spatiale (<5 µm). Cependant, les temps d'acquisition des spectres sont généralement beaucoup plus longs qu'en spectrométrie IR, ce qui ne permet pas la cartographie de zones de taille importante. L'usage de cette technique semble donc réservé à l'étude de zones d'intérêt particulières de taille restreintes avec une résolution spatiale importante. Par ailleurs, ces deux techniques peuvent également s'avérer complémentaires pour la détection de certaines phases minérales exogènes, c'est notamment le cas de la calcite, difficilement identifiable en micro-spectrométrie IR mais facilement caractérisable en micro-spectrométrie Raman. La micro-spectrométrie Raman présente un avantage majeur sur la micro-spectrométrie IR en ce qui concerne la préparation des échantillons. Le protocole d'analyse établi en micro-spectrométrie IR nécessite de préparer les échantillons sont forme de coupes minces. Le temps nécessaire pour la préparation des échantillons (de l'ordre de plusieurs jours) constitue un facteur limitant, et la taille des coupes obtenues reste limitée et difficilement contrôlable. En ce qui concerne la spectrométrie Raman, elle est applicable directement sur des surfaces polies ce qui minimise le temps de préparation et permet d'accéder à des zones d'investigation plus larges. Il pourrait alors être possible de combiner cette approche avec des analyses par micro-spectrométrie Infrarouge en mode réflexion ou en réflexion totale atténuée (ATR). L'étude des processus d'altérations diagénétiques des matériaux osseux constitue un thème important de recherche depuis de nombreuses années. Ces études se sont longtemps consacrées à l'analyse de fractions globale d'échantillons, ce qui ne permet pas de prendre en compte l'hétérogénéité de la composition de l'os in vivo, de même que l'hétérogénéité des altérations induites par les processus de fossilisation. Les développements techniques réalisés ces dernières années permettent désormais de s'affranchir des difficultés analytiques et de préparation des échantillons pour permettre une étude de ces processus diagénétiques à l'échelle histologique du tissu osseux. Dans cette étude, nous avons montré que les micro-spectrométries IR et la micro-spectrométrie Raman pouvaient permettre d'obtenir des informations résolues spatialement sur la composition moléculaire et la structure des différents constituants minéraux des ossements fossiles. Ces deux techniques peuvent ainsi permettre de caractériser différents états d'altérations, depuis les premiers stades d'altération de l'os (perte du collagène), jusqu'aux modifications plus profondes de la phase minérale (recristallisation de la phase minérale notamment). Le protocole analytique présenté dans cette étude pourra également constituer un apport important dans le cadre de la sélection des échantillons, ou des parties d'échantillons, susceptibles de fournir des informations d'ordre paléo-isotopiques, paléo-génétiques ou encore géochronologiques. À travers les premiers résultats présentés dans cette étude, il est possible d'entrevoir les possibilités offertes par ces deux techniques. Cependant, en raison du faible nombre d'échantillons étudiés jusqu'ici, il s'avère difficile de déterminer avec certitude les processus ayant conduit à la formation des facies d'altération observés. Afin d'améliorer notre compréhension des processus diagénétiques, ces deux techniques complémentaires devront être appliquées à un nombre plus important d'ossements fossiles provenant de différents contextes archéologiques et paléontologiques, afin de prendre en compte des paramètres tels que l'environnement sédimentaire, le contexte climatique et l' âge des échantillons considérés. L'étude d'un corpus plus large d'échantillons préparés sous forme de coupes polies est ainsi en cours par spectrométrie Raman. Il sera également nécessaire d'améliorer les référentiels modernes permettant de prendre en compte les différences de composition in vivo liées à l'espèce et à l' âge des individus. Ces études futures permettront ainsi de mieux appréhender les processus d'altération diagénétique et leurs effets sur le potentiel informatif de la composition des ossements fossiles . | Différents processus post-mortem peuvent altérer les ossements et limiter l'utilisation de leur composition élémentaire et isotopique comme marqueurs paléo-environnementaux/climatiques, paléo-alimentaires ou encore géochronologiques. De part leur structure complexe et hiérarchisée, les ossements in vivo sont des tissus hétérogènes. La prise en compte de cette hétérogénéité, renforcée au cours de la fossilisation, nécessite l'utilisation de techniques d'analyses adaptées permettant l'étude des variations de structure et de compositions à micro-échelle. De précédents travaux ont montré que des techniques de micro-spectrométrie vibrationnelle telle que la micro-spectrométrie infrarouge pouvait permettre de caractériser les modifications induites par les processus diagénétiques et de déterminer les états de préservation des échantillons fossiles. Dans cette étude, des indices permettant de déterminer la composition d'ossements fossiles ont été acquis en spectrométrie infrarouge et Raman, ceci dans le but de comparer les informations fournies par ces deux techniques. Les micro-spectrométries IR et Raman ont ensuite été appliquées à des échantillons fossiles préparés sous forme de coupes minces ou de lames épaisses. Ces premiers résultats de cartographie obtenus par micro-spectrométrie Raman permettent de mettre en évidence l'apport de cette technique à la compréhension des processus diagénétiques en permettant de déterminer la répartition des principaux composés des ossements fossiles (teneur en collagène, en carbonates, cristallinité de la phase minérale, etc.). | archeologie_12-0352383_tei_367.xml |
termith-177-archeologie | Dans le domaine de l'archéologie funéraire « si un geste est intentionnel il peut être un rituel… ». « Quand on n'a pas de sources d'information aptes à compléter nos observations de fouille, il n'est possible que faire de l'archéologie des gestes et non des rites, qui dérivent de l'interaction de gestes et pensées… ». En l'absence de sources écrites on recherche parfois des comparaisons ethnographiques, mais elles aussi peuvent être fallacieuses parce qu'elles -mêmes montrent comment « des gestes analogues peuvent avoir des sens différents » …(Duday 2005). De ces énoncés, tirées des cours d'archéothanatologie donnés par Henri Duday à Rome en 2004, nous proposons d'aborder un aspect de l'archéologie funéraire, celui inhérent à la présence d'objets lithiques dans les contextes sépulcraux. Ceux -ci représentent une donnée récurrente, liée aux différentes compositions du mobilier funéraire, qui impliquait des objets d‘usage quotidien et des objets distincts : de prestige et à valeur symbolique. Toutefois la présence d'autres éléments de la chaîne opératoire ouvre des nouvelles problématiques, que l'on peut rapporter au travail de la pierre dans la tombe même, et donc à des actions plus complexes que le dépôt d'offrandes et du mobilier. En outre, parfois la présence de pièces instrumentales n'est pas liée au mobilier funéraire mais à des traumatismes : « flèches fichées dans des os à Roaix, deux armatures tranchantes plantées dans deux vertèbres lombaires au Capitaine… » (Guilaine 2000). Le croisement des analyses fonctionnelles et statistiques, encore peu appliquées en Sardaigne, donne des précieuses informations sur les différents usages des instruments par rapport au sexe et à l' âge des inhumés et par conséquence sur l'organisation sociale des groupes humains (Gibaja & Wünsch Royo 2002). Par exemple l'étude des pointes de flèche de quelques tombes du faciès chalcolithique de Rinaldone (Lemorini 2004), en Italie centrale, a mis en évidence des comportements rituels différents : un groupe de tombes contenait des pointes très usagées et souvent avec des ravivages, un autre comprenait des objets avec peu de traces d'usure et un troisième 30 % de pointes apparemment sans traces. À partir des données de fouilles et de l'analyse technologique des mobiliers des hypogées domus de janas 3 et 32 d'Ispiluncas, en Sardaigne centrale, principalement rapportés à un horizon final du Néolithique, on soulignera des points de discussion autour de la dynamique des rituels funéraires. Parmi les réflexions initiales, il faut souligner la nécessité d'établir l'intentionnalité du geste, à travers par exemple l'observation de sa répétitivité. Dans les contextes examinés cela a été vérifié, mais une forte limite aux reconstructions est donnée par la fréquente absence d'informations relatives à la position des objets par rapport aux cadavres. Cela résulte de la réutilisation des hypogées et des violations. Souvent nous sommes obligées de renoncer à ces éléments d'évaluation. Malgré cela il a été possible de porter l'attention sur quelques données significatives. Le domaine d'application est la Sardaigne préhistorique et, en particulier, une nécropole située dans sa région centrale. Le monument funéraire le plus répandu en Sardaigne est la domus de janas, c'est-à-dire l'hypogée creusé dans la roche. Depuis longtemps les points communs entre l'architecture domestique et celle des hypogées sont connus : en effet dans les tombes nous trouvons la représentation du pilier, souvent pourvu d'une plinthe, de fenêtres, de parastates, de la base de la paroi, du toit. En outre on observe des lits funéraires, des foyers, des portes et des « fausses portes » (fig. 1). (photo : M. G. Melis) La découverte du village de Serra Linta (Tanda 1992), auquel la nécropole d'Ispiluncas que nous allons analyser est associée, constitue le modèle réel d'un type architectural représenté dans les hypogées. Pour ce qui concerne le thème présent, on ne peut que remarquer l'évidente volonté qu'il y avait à creuser la tombe semblable à une maison. Cela nous aidera à comprendre la présence soit d'objets de prestige soit d'objets d'usage domestique. On connaissait déjà, en Sardaigne, la présence dans la tombe d'outils utilisés pour son creusement. Leurs caractéristiques technologiques, qui ne seront pas analysées ici, ainsi que les différentes traces sur les surfaces creusées des hypogées, évoquent une séquence articulée de différents gestes de creusement, du premier travail grossier à la finition. Mais pourquoi ces objets sont-ils présents dans la tombe ? Nous allons voir comment, dans certains cas, ils ne sont pas abandonnés, mais déposés intentionnellement. Le sens symbolique de cette présence est souligné par la découverte de deux pics déposés avec les pointes opposées dans la tombe 2 d'Ispiluncas (fig. 2). Ils furent trouvés sur le sol de la chambre h. Selon l'auteur de la fouille (Depalmas 2000), ils pourraient être rapportés à des modifications architectoniques, peut-être l'abaissement du sol, effectué après le premier creusement. (Depalmas 2000) La découverte de ces objets n'est pas si fréquente en Sardaigne, par rapport au nombre d'hypogées (dans la seule province de Sassari, où la concentration la plus élevée est connue, on dénombre environ 1350 domus de janas). Cela est dû en partie à des facteurs contingents, comme la fréquente absence d'indications dans les rapports de fouille et la découverte d'un nombre considérable d'hypogées vidés ab antiquo. Dans ce cadre, nous considérons que les données de la nécropole d'Anghelu Ruju près Alghero (fig. 3, 1-3) sont particulièrement importantes. Constituée de 38 tombes, elle a été fouillée par Antonio Taramelli, en deux séries de campagnes en 1904 et 1908 (Taramelli 1904; 1909), puis par Doro Levi (Levi 1950-1951) et enfin par Ercole Contu (Contu 1968). Les tombes de I à X furent fouillées au cours de la première période, mais c'est à partir de la deuxième que la présence d'outils de creusement fut signalée (fig. 3, 2), à la suite des découvertes exceptionnelles de la tombe XI (fig. 3, 3). Ce qui est étonnant est leur abondance : en effet si la présence de moins de 10 éléments est la fréquence normale dans les hypogées, la plupart dépassent de beaucoup cette limite pour arriver à un maximum de 70 instruments dans une tombe. Même avec les lacunes causées par les bouleversements ab antiquo des hypogées et l'imprécision des comptes rendus de fouilles, nous avons pu faire les observations suivantes : 1 - quand l'auteur enregistre la donnée spatiale, nous voyons que ces outils sont trouvés surtout dans l'antichambre, moins fréquemment dans le couloir d'entrée et dans les chambres secondaires, rarement dans la chambre centrale principale, quand elle est présente, et dans les niches (fig. 3, 1). On signale souvent des groupes d'objets près des portes, surtout entre le couloir et l'antichambre. 2 - les outils décrits sont souvent peu soignés; quand ils sont trouvés en groupes il y a au maximum 1, 2 ou 3 objets bien travaillés, avec une pointe à l'une ou aux deux extrémités. 3 - bien que quelques éléments soient en bon état, la pointe est généralement cassée et ils sont détériorés par l'utilisation. Dans la tombe A, la pointe d'un pic a été trouvée dans la chambre principale et son corps dans le couloir. 4 - dans un cas, le pic présentait des traces évidentes de couleur rouge. Il s'agit vraisemblablement d'ocre, qui est souvent présente sur les parois des domus de janas et quelquefois sur les restes humains et leur mobilier. Cet usage pourrait être interprété comme un rituel lié à la symbolique du rouge, bien attestée dans les domus de janas et au sanctuaire de Monte d'Accoddi-Sassari. 5 - à côté des pics on a trouvé dans les hypogées un nombre considérable d'éclats, que l'archéologue a interprété comme témoignant de la dégradation des outils pendant leur utilisation. Cependant, en considérant que les éclats de cassures d'outils au cours du travail de creusement des tombes devaient régulièrement être évacués avec les débris, on peut supposer plutôt que quelques pics furent fabriqués dans l'hypogée, après le creusement, avec peut-être un caractère rituel. On doit préciser que les objets étaient presque tous obtenus sur deux types de calcaire : un type jaune dur, qui provient du Monte Doglia, situé quelques kilomètres à l'ouest de la nécropole, et plus rarement un type gris très dur, qui a pu être recueilli sous forme de galets près du torrent Filibertu, coulant près de la nécropole. La trachyte, locale, n'est utilisée que de manière exceptionnelle. 6 - dans quelques cas, le nombre d'outils correspond au nombre des inhumés. Par exemple, dans la tombe XIV, où à 6 corps correspondent 6 outils; ou bien la tombe XVII avec deux sépultures et deux instruments; ou encore la tombe XX où l'on compte 17 crânes et 17 outils. 7 - dans d'autres tombes ce rapport numérique n'existe pas : par exemple 26 outils pour deux inhumations dans la tombe XII. Mais la découverte la plus sensationnelle est celle de la tombe XI (fig. 3, 3) qui contenait au moins 70 pics, dont une dizaine dans chacune des chambres secondaires et une cinquantaine dans la chambre principale, où l'on a retrouvé deux individus en decubitus dorsal. On ne comprend pas si les outils étaient disposés autour d'un ou des deux corps. La description n'est pas claire. Aucun autre objet ne fut trouvé dans la chambre. De ce que nous avons exposé, la valeur rituelle de la présence des outils utilisés pour creuser la tombe paraît indubitable. Cela nous amène à faire quelques mises au point : en effet, il faut distinguer entre la présence d'objets individuels et les groupes de matériels. Un outil pour un mort, avec la signification de pouvoir offensif et défensif que l'objet dégage, pouvait avoir pour fonction de l'accompagner vers l'outre-tombe en le protégeant. Les groupes d'outils, au-delà de cette valeur, semblent aussi liés au geste de creusement de l'hypogée, qui pouvait être une phase du rituel funéraire. Le creusement pouvait être une offrande ? Ou plutôt était-il un événement à fort impact émotif, entendu comme une pénétration dans les entrailles et les mystères de la terre ? Ces offrandes multiples étaient peut-être réservées à quelques personnages seulement. Mais on n'exclut pas une interprétation différente : la présence des pics autour du cadavre pouvait être une défense pour les vivants contre le monde des morts. N'oublions pas que les dimensions réduites des portes des hypogées ont toujours suggéré la peur du monde des morts et la nécessité de créer une barrière physique de protection contre lui. Le même caractère souterrain des tombes souligne la valeur distincte et opposée du monde des vivants et du monde des morts. De telles concentrations pourraient suggérer l'hypothèse d'une implication d'un grand nombre de personnes dans le creusement des hypogées. Peut-être des groupes familiaux ? D'autres situations, comme le dépôt d'une douzaine de pics dans une fosse creusée dans le sol d'un hypogée vauclusien (Le Capitaine; Sauzade 1983), suggèrent une interprétation différente comme celle d'un rite de fondation de la tombe plutôt qu'un rite lié à un individu. Nous pouvons peut-être proposer la même hypothèse à propos de la présence de six pics regroupés dans la fosse du dolmen de Coutignargues (Fontvieille; Sauzade 1974). Comme on l'a vu, parmi les outils de creusement quelques-uns sont neufs, mais la plus grande partie est usagée, avec la pointe cassée. Dans quelques cas la fracture semble intentionnelle. La cassure intentionnelle des objets est souvent individualisée dans les sépultures : elle concerne des outils de creusement de la tombe, des objets de prestige et d'usage quotidien. On connaît différents cas de fragmentation intentionnelle d'objets funéraires en ethnologie et en préhistoire (Castaldi 1965), rapportés à des contextes géographiques et culturels très différents entre eux et dont le sens ne peut être unique : on rapporte, par exemple, une hache-marteau déposée sous la nuque d'une inhumée, après bris intentionnel de la pointe, à Lausanne-Vidy (Moinat & Gallay 1998). Dans ces cas on remarque aussi que ces objets brisés normalement associés à des sépultures masculins ou infantiles (Gibaja & Wünsch Royo 2002). Dans ce contexte nous considérons très intéressante l'étude des pointes de flèches de l'hypogée de la Costa de Can Martorell (Dosrius, Barcelona) (Palomo & Gibaja 2002). Parmi tous les exemplaires, 80 % étaient cassés et usagés; on a proposé l'hypothèse que dans quelques cas il s'agissait de projectiles plantés dans les individus inhumés plutôt que faisant partie du mobilier. En Sardaigne plusieurs auteurs ont souligné la présence d'objets brisés dans les sépultures (Foschi Nieddu & Paschina 2004), mais aucune étude technologique ni fonctionnelle n'a jamais été abordée pour définir les modalités de cassure et d'usage. Parmi les objets lithiques retrouvés à l'état de fragments, on connaît des pics, des haches, des têtes de massue, des pointes de flèches, des lames, des statuettes féminines etc. Par rapport à ces dernières on doit souligner que souvent la fracture est au niveau du col ou de la taille ou des bras, c'est-à-dire des parties les plus fragiles, on ne peut donc exclure une rupture accidentelle; en outre quelques statuettes montrent près de la fracture au niveau du col deux trous de restauration. Font exception, vraisemblablement à cause de la position de la fracture, deux exemplaires retrouvés dans les tombes XX et XXbis d'Anghelu Ruju (Taramelli 1909) et un de la tombe de Marinaru (Contu 1955), qui présentaient la partie inférieure débitée. Dans la tombe XV de la même nécropole d'Anghelu Ruju, sont signalés 22 pics et une tête de masse d'excellente facture, avec un petit trou peu fonctionnel, cassée à la moitié, qui accompagnaient un riche mobilier, évidemment lié à un personnage de prestige. Dans l'hypogée I de S. Pedru-Alghero (Contu 1964) les pics semblent cassés à la moitié (fig. 3, 4). Leur découverte en différentes positions stratigraphiques donne quelques éléments de chronologie, qui dans d'autres cas ne sont pas évidents. En effet, si de nombreux objets peuvent appartenir à la première phase de creusement, correspondant à la plus grande partie du travail, donc au Néolithique récent ou final, quelques-uns peuvent être rapportés à des modifications et agrandissements de l'installation primaire. En particulier un des pics de S. Pedru est localisé dans la couche inférieure de l'antichambre, attribué à la phase chalcolithique de Filigosa. À côté de cette classe de matériels, d'autres objets se trouvent en contextes funéraires à l'état fragmentaire ou avec des traces d'utilisation, mais l'absence d'analyses technologiques et fonctionnelles ne permet pas toujours de vérifier l'intentionnalité de la cassure et le type d'usage. La présence d'autres éléments de la chaîne opératoire a été quelquefois signalée par les archéologues, mais jamais approfondie et expliquée. À travers l'analyse technologique des mobiliers des tombes 3 et 32 de la nécropole d'Ispiluncas, qui a été effectuée par Ramona Cappai, ces thèmes seront discutés et nous proposerons de nouveaux éléments pour la reconstruction des gestes du rituel. Cette vaste nécropole à domus de janas est située dans la pente du plateau d'Iloi, qui a été fréquenté pendant différentes phases de la préhistoire et de la protohistoire. Ce territoire a été l'objet de recherches pluriannuelles coordonné par les Universités de Sassari et Cagliari. La fouille archéologique fut effectuée dans les tombes 2, 3 et autour des hypogées, en conduisant à la découverte de nouvelles tombes comme les tombes 30 et 32 (Melis 1998; Melis 1999; Cappai & Melis 2006). Dans cette étude Ramona Cappai a abordé l'analyse technologique des éléments lithiques, principalement en obsidienne, retrouvés dans les domus 3 et 32. Elle conduit d'une part à la reconstruction des processus de transformation de la matière première et d'autre part à celle des rituels funéraires. La tombe 3 est de type pluricellulaire (fig. 4, 1) à développement centripète, avec un court dromos, une chambre centrale, autour de laquelle 11 chambres de formes et dimensions différentes se développent, dont deux, q et s, creusées au-dessous de la chambre n. La pièce centrale, comme on le note dans d'autres domus de janas, semble principalement destinée aux rituels. À travers elle on peut entrer dans les chambres périphériques, qui sont de dimensions plus petites et qui eurent probablement une fonction exclusivement funéraire. La chambre centrale présente une petite fosse au centre du sol, où on trouve souvent dans les hypogées la reproduction du foyer. D'autres éléments rapportés aux rituels sont deux cupules dans le sol, l'une près de la petite fosse et l'autre près de l'entrée de la chambre. Finalement trois niches, creusées dans la paroi Nord-Est, nombreuses par rapport à la moyenne, semblent destinées au dépôt d'offrandes. La présence de deux petites niches dans les parois du bref couloir d'entrée suggère l'accomplissement de gestes semblables : dépôt d'offrandes ou d'outils pour le rituel. L'utilisation de l'hypogée commence avec l'Ozieri, dont témoignent quelques tessons de céramiques dans la couche de base du dromos; après, on enregistre une fréquentation sporadique pendant le Monte Claro (fig. 4, 2), par la suite la tombe fut vidée et occupée par les Campaniformes (fig. 4, 3). À l' âge du Bronze, l'intérieur du monument fut couvert d'une couche puissante de gros blocs de basalte, apparemment pour oblitérer le passé et reconsacrer l'hypogée (fig. 4, 4). Un remplissage de blocs de basalte dans les niches de la pièce centrale souligne également l'existence de nouveaux rites qui n'utilisaient plus ces niches et les effaçaient et, avec elles, le souvenir des vieux rites. Après, on a une longue période d'abandon, attestée par une puissante couche de dépôt naturel, avec peu de matériel; la partie supérieure de la couche contenait quelques inhumations avec du mobilier médiéval. Si on accepte l'hypothèse d'une attribution des éléments lithiques à la fin du Néolithique, leur découverte dans des US qui appartiennent aux époques plus récentes pourrait être l'effet des plusieurs réutilisations et des bouleversements; mais on n'exclut pas qu'ils pourraient se rapporter à ces époques. L'hypothèse qu'ils soient à attribuer à l'Ozieri semble confirmée par leur nombre réduit, qui correspond à une faible présence des matériels Ozieri dans le dépôt archéologique. Cette incidence limitée trouve son explication dans les dynamiques d'utilisation de la tombe, les réemplois répétés, les vidanges et les accumulations à l'extérieur; la forte pente de la paroi de la falaise provoqua la dispersion des mobiliers plus anciens. La découverte d'une concentration de matériels dans une zone extérieure à l'Ouest du dromos pourrait être liée à la présence d'une partie aménagée pour faciliter l'accès à l'hypogée et qui en même temps a concouru à contenir le dépôt archéologique et à le préserver partiellement du glissement vers la base de la pente. Les éléments lithiques se concentrent particulièrement dans la partie antérieure du couloir. L'hypogée n° 32 (fig. 4, 5) fut découvert dans une zone où, à la suite du nettoyage superficiel, les traces de structures n'étaient pas visibles, cependant une concentration anormale de matériels archéologiques émergeait (Melis 1998, 1999, 2002; Cappai & Melis 2006). La continuation de la fouille mit en évidence les parois du couloir. Au-delà du couloir, les restes d'une vaste antichambre, probablement semi-circulaire, furent découverts. La présence de ce type de chambre et les dimensions considérables du couloir suggèrent, en analogie avec d'autres monuments, que ces deux pièces étaient destinées aux rites. Il faut signaler la présence d'une niche dans une paroi de la chambre. Elle était encombrée jusqu'au plafond d'une couche puissante témoignant d'une longue phase d'abandon et de formation d'un dépôt naturel, avec une faible quantité de matériels. La fouille du couloir mit par contre en évidence, sous l'humus, une unité stratigraphique riche en matériels, principalement de la céramique, très fragmentaire, surtout distribués dans la zone centrale du couloir. Une telle accumulation se forma probablement au cours des violations répétées que la tombe dut subir aux époques anciennes, comme la découverte de matériels appartenant aux différentes phases de la préhistoire nous le confirme. Les dimensions considérables du dromos favorisèrent la conservation d'une plus grande quantité de mobilier, par rapport à la tombe 3, en empêchant le glissement le long de la pente. Les éléments lithiques se concentrent particulièrement dans la partie antérieure du couloir. Parmi les matériels on reconnaît des tessons céramiques appartenant à la civilisation d'Ozieri (fig. 4, 6) et un fragment de vase avec une représentation anthropozoomorphe à tête de bœuf (fig. 4, 7); les phases Sub-Ozieri (fig. 4, 8) et Monte Claro (fig. 4, 9) sont aussi attestées. Ils manquent les éléments Filigosa, Abealzu et Campaniformes, qui dans d'autres hypogées sont bien représentés par du mobilier de grand intérêt. L'absence de matériels campaniformes n'étonne pas, mais elle offre des suggestions sur la dynamique des violations au cours des siècles. En effet, comme il a été plusieurs fois remarqué, les mobiliers les plus anciens (Ozieri), rapportés à la première installation de l'hypogée, se trouvent à l'extérieur, comme les Sub-Ozieri et Monte Claro. Nous pouvons supposer que pendant le Campaniforme, succédant au Monte Claro, l'hypogée fut vidé, pour faire place aux nouvelles sépultures et aux nouveaux mobiliers. D'une manière analogue l'hypogée ne connaît pas, dans l'état actuel de la recherche, des témoignages relatifs aux réemplois au cours de l' âge du Bronze et au Moyen-Âge, qui ont été signalées dans les autres tombes. Les aspects des rituels sont aussi bien représentés par l'industrie lithique en pierre taillée, toujours peu étudiée, qui ne fait pas seulement partie du mobilier, mais joue un rôle important dans leur mise en œuvre, souvent difficile à reconnaître. Nous le démontrerons par l'analyse technique des éléments de pierre taillée. Puis nous terminerons par quelques remarques générales. Notre but est de trouver des indices sur le déroulement d'un rituel funéraire au sein duquel le débitage occupait une place manifeste. Une analyse technologique des matériaux des tombes 3 et 32 d'Ispiluncas à Sedilo et une relecture plus attentive de sites analogues, permettent de proposer des hypothèses. Nous avons alors pris en considération quelques éléments qui permettent d'approfondir chaque situation. D'abord la présence ou l'absence de certains éléments de la chaîne opératoire, nous renseigne sur l'organisation spatio-temporelle de la production et la gestion des outils lithiques. Ensuite, l'analyse économique des matières premières présentes, que l'on peut lier à des stratégies particulières, sont susceptibles d'apporter des informations chronologiques et culturelles. Enfin, la découverte d'objets particuliers, comme les pièces à cassures intentionnelles, la présence d'assemblages mixtes associant des mobiliers prestigieux et des mobiliers communs, à faible investissement technique, sont autant d'indices qui renforcent le lien qui existe entre les différents univers en jeux. Le point de départ est représenté par les tombes 3 et 32 de la nécropole d'Ispiluncas à Sedilo. Une étude de ces ensembles avec les méthodes technologiques, en prenant en considération les éléments présents et absents à travers une reconstruction de la chaîne opératoire, permet d'identifier des moments de la production pour comprendre le rapport entre le contexte et les modes d'exploitation de la matière première. L'industrie lithique de la tombe 3 comprend 54 éléments en obsidienne, 3 en silex et 3 en quartz. 20 fragments lithiques sont représentés par des galets et d'autres matériaux, tandis que celle de la tombe 32 est constituée de 194 éléments en obsidienne, 2 en silex et 1 en quartz (fig. 5, 1-2). L'obsidienne est donc la matière première prédominante dans les deux tombes, et joue un rôle très important dans leur économie. Représentée par plusieurs variétés, selon ses propriétés physiques macroscopiques, elle vient du Monte Arci, situé dans la Sardaigne centre occidental, à plus de 50 km à vol d'oiseau du site de Sedilo, et donc ne peut être considérée comme locale. La présence de plusieurs variétés, montre une gestion différentielle de la même matière : dans la tombe 3 (fig. 5, 3, 5) ont été identifiées l'obsidienne noire vitreuse granuleuse (33 %), noire opaque (27 %), noire translucide (20 %), et celle avec des bandes (20 %). Dans la tombe 32 (fig. 5, 4, 6) il y a la variété noire vitreuse granuleuse (représentée par le 43 %), la noire opaque (23 %), la noire translucide (19 %) et celle avec des bandes (11 %). Une petite quantité des fragments montre une altération de surface ne permettant pas l'identification. En comparant les pourcentages on notera une similitude entre les deux ensembles qui traduit les choix d'approvisionnement de la matière première orientés vers les mêmes types. Dans la tombe 3, l'ensemble étant plutôt hétérogène et sans éléments culturels certains, on a seulement 6 % d'outils. Ceux -ci sont peu élaborés, avec des coches simples et des retouches isolées dont les caractéristiques renvoient aux contextes du Néolithique récent. En raison des pillages anciens qui ont dispersé les matériaux, il n'a pas été possible de faire de remontages, mais on peut néanmoins reconnaître les phases de la chaîne opératoire présentes. Éclats de préparation, de mise en forme et débris se retrouvent dans l'ensemble, mais c'est surtout la phase de plein débitage qui est attestée par de petits éclats plutôt minces, des fragments des lames et lamelles que l'on peut rapporter à la production des supports (fig. 5, 7) et, dans quelques cas, à des outils. Mais toutefois, l'absence des nucléus en obsidienne, rend la lecture technologique plus difficile car elle ne permet pas d'isoler les finalités du débitage. Ces éléments suggèrent que le débitage de l'obsidienne était effectué sur place. En faveur de cette hypothèse est la présence, bien que retrouvé dans la couche superficielle, d'un petit percuteur en basalte de forme arrondie qui pèse 114 g. (fig. 7, 4). À côté de l'obsidienne, l'économie des matières premières est représentée par d'autres roches que ce soit de petits galets en porphyre quartzifère, de fragments de basalte, d'ignimbrite ou de gneiss utilisés comme meulette. Mais la caractéristique la plus intéressante est la présence de petits éclats et déchets en silex et quartz, d'une partie distale de lame et de 2 nucléus en quartz (fig. 7, 5, 8). La présence donc de différentes matières premières qui, selon l'analyse pétrographique peuvent être locales, à côté de l'obsidienne qui laisse supposer un haut investissement technologique, rappelle un comportement expédient bien connu dans le cadre culturel néolithique, non seulement sarde mais européen (Astruc 2005; Binder & Perlés 1990). La tombe 32 au contraire a présenté des caractères plus hétérogènes et complets. D'après ces considérations et la comparaison avec les sites contemporains du même territoire, on peut dater le matériel au plus tard du Néolithique final. L'obsidienne est présente de manière variée dans les Unités Stratigraphiques identifiées (fig. 5, 6), mais les éléments ont des facteurs communs qui quelquefois se répètent en causant les mêmes comportements. Complètent l'ensemble un éclat de quartz et trois éléments en silex. L'analyse différentielle des éléments identifiés pour chaque variété d'obsidienne et par US n'a pas toutefois montré beaucoup de différences dans l'utilisation de la matière première, aussi avons -nous considéré l'ensemble comme unique. La chaîne opératoire (fig. 5, 8), incomplète, est représentée par des d'éclats de ravivages des débris, des éclats ou des éléments de mise en forme, quelquefois avec le cortex, des éclats supports, des outils et des nucléus résiduels identifiés pour chaque type d'obsidienne et témoignage d'un débitage sur place ou plus correctement de la mise en place d'une partie de la chaîne de production. Les nucléus résiduels (fig. 6, 1, 4), au nombre de 3, ne permettent pas d'identifier la finalité des opérations de taille, mais sont la dernière phase d'exploitation souvent faite à partir de gros éclats. Il manque les nucléus et les témoins d'opérations liées aux premières phases de mise en forme au travers du décorticage et la préparation au premier détachement. La présence de cortex dans les matériaux, en faible pourcentage et souvent sous la forme de petits fragments d'éclats, n'est donc pas liée à cette phase initiale, ce qui signifie que toute la chaîne opératoire n'est pas représentée. Il est donc difficile d'établir la morphologie sous laquelle la matière première était introduite : on peut toutefois faire quelques remarques. Avant tout, la présence de cortex peu développé permet d'exclure l'utilisation de galets ramassés en dépôt secondaire, mais ne dit pas si la matière première était introduite déjà préparée ou brute (Luglié et al. 2006). En considérant les stratégies indirectement identifiées pour cette période, il est possible de supposer qu'entre le lieu de ramassage et le site final (ici la nécropole), il y avait un passage intermédiaire représenté par un village. Ce n'est pas encore sûr, mais le site de Serra Linta à Sedilo se place bien dans cette reconstruction, de même que la typologie des éléments lithiques qui y furent retrouvés (Tanda & Depalmas 1997). L'analyse typologique et analytique de quelques éléments provenant du village, a montré la présence de l'obsidienne (551 éléments) comme matière première principale à côté du silex (50 éléments), peu représenté. Les outils sont peu formalisés, sur éclats et lames et montrent une retouche simple, discontinue. La production du débitage de la tombe 32 est représentée par des éclats et des lames-lamelles. Les outils aussi ont des supports variables qui souvent sont choisis entre les ravivages (fig. 6 et 7). La présence de beaucoup de débris, fragments informes pour lesquels il n'est pas possible de remonter à une morphologie bien définie, tend à exclure la possibilité qu'ils aient été introduits après leur débitage. Une caractéristique à souligner est la présence de quelques accidents de taille, parfois combinés entre eux qui montrent des stigmates liés à la percussion directe, avec la production, bien attestée, de débris plus nombreux dans le débitage de l'obsidienne. Parmi ceux -ci on note la présence d'éclats et de lames avec réfléchissements associés à des ondulations de percussion très marquées aux bulbes avec cône incipient et double point d'impact associé, dû probablement à la répétition du geste dans le même point d'impact. Ces caractéristiques, causées quelquefois par un coup peu efficace ou par l'utilisation d'un percuteur plus léger (Sollberger 1994), peuvent être reliées à la présence d'un petit percuteur plat en grès, trouvé dans la tombe (fig. 7, 1), présentant quelques petits détachements. Par ailleurs, on trouve une série de lames présentant des cassures intentionnelles mais surtout « accidentelle ». En effet il est très commun de retrouver des lames cassées en plusieurs parties surtout par percussion directe. Dans le cas de la tombe 32, les matériaux présentent des cassures en languette simple obtenues par percussion directe à la pierre tendre. En ce qui concerne les outils, ils sont sur éclat comme sur lame. Burins, grattoirs, lames-racloirs, coches, pointes de flèche et pièces esquillées sur éclat sont présents (fig. 6 et 7). Comme dans les contextes d'habitat de la même période, deux différents modes de transformation des supports ont été mis en évidence (Cappai 2006; Cappai et al. 2004). À part les rares outils qui demandent un haut investissement technique, comme les deux pointes de flèche à retouche soigneuse bifaciale (fig. 6, 5; fig. 7, 6, 15, 16), le fond de l'outillage est constitué de fragments de lames avec des coches isolées, des pièces esquillées sur éclat et des lames avec une retouche discontinue et irrégulière. Dans ces cas il ne s'agit pas de cassure accidentelle, mais intentionnelle, créée à partir de coches simples ou à retouches multiples, comme on peut le voir sur le raccord de deux lames cassées (fig. 7, 2, 3). L'une présente une retouche abrupte sur un bord qui démontre clairement que la cassure a été réalisée après la retouche. Plus problématiques sont les autres fragments dont on n'a pas trouvé le correspondant. Loin d' être un cas unique, ni le phénomène le plus particulier, les tombes 3 et 32 montrent que l'industrie lithique continue à être utilisée aussi à la fin du Néolithique en jouant un rôle très important, ce qui lui donne une place préférentielle dans le domaine funéraire jusqu' à aujourd'hui peu reconnue. Les premières confirmations viennent d'une autre tombe de la même nécropole : la tombe 2 (fig. 8, 1) (Depalmas 2000) ce qui nous révèle aussi la présence de plusieurs éléments de la même période. Les éléments en obsidienne sont le plus nombreux (94 %) suivis par les éclats en silex (3 %) et les fragments de quartz (3 %). L'analyse effectuée sur les supports et sur les outils a montré différentes techniques de production et d'investissement technique. En plus, les pourcentages indiqueraient que la majorité des éléments sont des éclats de ravivage liés au débitage sur place, indiqué aussi par la présence d'un percuteur en ignimbrite du poids de 940 g. Cet aspect peut-être retrouvé dans des contextes plus anciens, dont la signification est toutefois plus directe et claire. À Bau Angius (Terralba – Oristano) (Luglié 2006), on a récolté un vase du Néolithique moyen dans lequel on a retrouvé quatre galets, un nucléus et huit lamelles en obsidienne (fig. 8, 2). Deux galets ont été interprétés, l'un (173 g) comme percuteur pour le débitage, l'autre (62 g) utilisé pour préparer le plan de frappe du nucléus. Le nucléus est seulement partiellement utilisé. Les lamelles appartiennent à une phase de plein débitage attestée aussi par le remontage de la plupart des éléments. Si l'on ne connaît pas précisément le contexte, habitat ou funéraire, quelques indications sont cependant données par la présence de traces d'hématite sur le galet percuteur et sur la partie proximale d'une lamelle. Ces objets nous font plutôt penser à un contexte funéraire. Si l'interprétation de Bau Angius est correcte, le débitage rituel en Sardaigne doit être daté du Néolithique moyen. En effet, il est étonnant de trouver un cas similaire dans la tombe 387 (fig. 8, 3) de la nécropole de Cuccuru Is Arrius (Cabras – Oristano) datée de la même période. Cette sépulture est un exemple des premières manifestations de l'hypogéisme méditerranéen mais, à la différence des domus de janas, elle ne contenait qu'un seul individu avec son mobilier (il est toutefois attesté la présence dans la nécropole de la déposition d'un autre crâne à côté du défunt). L'aspect intéressant, est la présence, dans le mobilier, d'un nucléus pyramidal et de 6 éclats en obsidienne débités sur place dont 2 directement liés au nucléus déposé (Santoni 2000). La pratique du « débitage rituel » peut être supposée également pour la domus de l'Ariete (Perfugas, Sassari) (Lo Schiavo 1982), qui se trouve près de la localité de Concas où un affleurement de silex de couleur noisette a été identifié. D'un point de vue économique, le silex est la matière première prédominante, mais on retrouve aussi le jaspe, l'obsidienne et le quartzite. La chose la plus importante pour cette discussion est la présence de 16 nucléus dans toutes les matières représentées avec éclats, outils et déchets. Malheureusement, il n'existe aucune analyse de l'industrie lithique qui puisse confirmer notre hypothèse. D'autres notices, quelques fois précises, proviennent des hypogées du Nord de la Sardaigne. Dans la tombe I, ou Amorelli, à Marinaru (Sassari), Contu (Contu 1955) a trouvé des éléments liés à cette discussion : un nucléus en silex dans la chambre c, mais surtout un couteau en silex à section trapézoïdale fragmenté en deux parties, l'une retrouvée dans le couloir à cause des pillages plus récents, et l'autre dans la couche inférieure de la chambre d associée au mobilier campaniforme (fig. 8, 7). Près du premier fragment du couteau, se trouvait une petite hache non seulement cassée mais surtout portant des marques, sur l'une des deux faces, de coups portés vraisemblablement avec un percuteur. Comme nous l'avons vu supra, la nécropole de Anghelu Ruiu (Alghero, Sassari), a livré beaucoup d'éléments concernant le rituel funéraire (Contu 1968; Levi 1952; Taramelli 1904, 1909). L'industrie lithique est présente, aussi bien en silex qu'en obsidienne avec des nucléus (tombe I, B, C), des éclats bruts ou des outils. Les lames cassées, surtout en silex, retrouvées, selon l'interprétation des données, dans les tombes VIII, XXbis, XXII (fig. 8, 4) sont également bien représentées. La fragmentation dans ces hypogées, déjà soulignée pour les pics (voir supra la présentation du contexte d'étude par Maria Grazia Melis), s'applique à d'autres objets et constitue donc une pratique bien développée. D'autres informations sont apportées par l'analyse des tombes II et V de la nécropole de Pranu Mutteddu à Goni (Atzeni & Cocco 1988), attribuées au Néolithique récent en raison de la présence d'un mobilier lithique prestigieux. Dans les deux tombes ont été retrouvées plusieurs lames en silex de couleur noisette (fig. 8, 5). La tombe V a par ailleurs livré plusieurs pointes de flèche en obsidienne, ainsi qu'un poignard et un stylet en silex de la même qualité, finement façonnés. Le caractère prestigieux du mobilier est souligné par le haut investissement technique de la production, mais aussi par le choix de la matière première : l'obsidienne pour les pointes de flèche, et le silex, qui provient peut être de Perfugas, pour les longues lames, le poignard et le stylet. On retrouve ce même système dans d'autres contextes comme, toujours dans le Néolithique récent, l'industrie lithique de la nécropole de San Benedetto (Iglesias - Cagliari). La tombe II (Maxia & Atzeni 1964; Atzeni 2001) compte quelques lames en silex (longueur entre 8 cm et 20 cm et largeur de 1 - 2 cm) à section trapézoïdale mais aussi triangulaire, avec une retouche bien soignée, qui témoignent de différentes phases de la chaîne opératoire, tandis que des pointes de flèche ont été réalisées en obsidienne. Le débitage sur place est donc un élément sûr dans les deux tombes prises en considération, et trouve des parallèles dans d'autres contextes funéraires. Il faut comprendre comment cette pratique s'est développée. Malheureusement, l'absence d'étude technologique sur l'industrie lithique, souvent découverte dans des contextes remaniés, ne nous aide pas à tracer un cadre chronologique et culturel précis. En général la présence dans les mobiliers funéraires d'outils lithiques est une donnée constante, mais on y trouve aussi des éclats, définis comme « informes » qui peuvent être interprétés comme débris ou éclats de ravivage. Le schéma opératoire est presque le même que celui que l'on peut trouver dans les villages; la typologie et la technologie renvoient à des gestions similaires. On retrouve dans les sépultures presque toujours la même économie de la matière première avec la présence de silex surtout du nord de l' île et de l'obsidienne du centre sud, les deux associés aux matières locales. Le caractère « commun » de cet aspect est toutefois outrepassé par sa position dans le contexte funéraire. Dans d'autres cas, on constate des exceptions qui témoignent du caractère non seulement sacré mais aussi prestigieux de quelques mobiliers funéraires. La gestion des sources, dans ces cas, ne répond pas forcément aux règles que l'on observe dans le contexte d'habitation. Si la présence d'industrie lithique en contexte funéraire est un fait qui nous apparaît commun, il n'est cependant pas assez analysé, en raison de la présence d'éléments non retouchés qui le plus souvent ne sont pas pris en compte. Ce que nous mettons peut ici en évidence est la présence d'un rituel dans lequel le débitage a peut-être eu une signification « cérémonielle » de répétition des gestes, car sa finalité ne pouvait être seulement la production de supports (effectuée déjà dans le village, où l'on retrouve par exemple les phases initiales du débitage). Ceci est toutefois une hypothèse de travail à tester par d'autres découvertes. Pour conclure À la fin de ce parcours les aspects suivants ont été soulignés. D'abord, l'hypogée comme maison du mort se prête à accueillir tant des objets de prestige que d'usage commun. La présence d'instruments pour creuser les hypogées souligne le sens symbolique du geste même du creusement de la tombe. De tels instruments furent en partie réalisés dans la tombe. Dans quelques cas, un outil accompagne un inhumé, dans d'autres cas des groupes d'instruments sont en relation avec peu de corps. Ces pics sont souvent cassés, usés, dans un cas déposés avec les pointes opposées; dans un autre cas l'outil présente des traces de substance rouge. L'analyse technologique des matériaux d'Ispiluncas témoigne d'un débitage sur place, aussi signalé dans d'autres hypogées par la présence de claires évidences (éclats bruts, de ravivage, nucléus, percuteurs, etc.). On signale la présence d'objets cassés intentionnellement, véritablement associés à des pratiques funéraires bien répandues. Du point de vue de l'économie de la matière première on souligne la coexistence d'objets en obsidienne et silex, souvent d'approvisionnement à longue distance, et d'objets en roches de provenance locale. La poursuite de la recherche, avec l'apport de nouvelles données de fouille et des résultats d'analyse fonctionnelle, pourra mieux expliquer les gestes qui produisirent les objets lithiques dans les tombes, et qui les brisèrent, parfois après les avoir utilisés dans des tâches utilitaires ou dans un rituel funéraire spécifique . | La présence d'outillage lithique dans les dépôts sépulcraux est un fait récurrent de la composition des mobiliers funéraires, qui contenaient des objets d'usage quotidien, mais aussi de prestige, dont la dimension symbolique est plus directement perceptible. Les éléments lithiques retrouvés dans les hypogées funéraires d'Ispiluncas (Sedilo, Sardaigne), offrent l'occasion de lancer un débat sur le sens et la valeur des dépôts funéraires, liés aux rituels, faits de gestes et d'offrandes. Ces éléments suggèrent le déroulement de rituels complexes : ils commencent par le déplacement dans le domaine funéraire des objets appartenant à la vie quotidienne qui, en perdant leur fonction d'usage, entrent dans le monde des morts au travers de gestes techniques qui deviennent symboliques. Un aspect du rituel parait être suggéré par la présence de pics de creusement des hypogées, d'objets usagés et d'objets avec des cassures vraisemblablement intentionnelles, qui peuvent être vus comme relevant de la volonté de priver de sa fonction normale l'objet appartenant à l'univers quotidien pour l'insérer dans le monde parallèle, et en même temps opposé, de l'au-delà. L'analyse technologique de l'industrie lithique taillée de Sedilo et la reconstruction de la chaîne opératoire ont mis en évidence la présence de plusieurs éléments liés aux phases de débitage : éclat de préparation, produits du débitage, outils et débris. Ces éléments montrent d'abord qu'une partie du débitage a été effectuée dans la nécropole. En outre une telle évidence ouvre la discussion sur la valeur des opérations de taille comme gestes du rituel, bien que l'état actuel de la recherche en limite fortement le discernement a cause de la mauvaise qualité des données disponibles. Il faut avant tout établir quel était le but réel du débitage dans la tombe : était-ce la réalisation d'objets du mobilier ou des offrandes, ou bien la fabrication d'outils servant à fabriquer de tels objets ou bien encore, le débitage lui-même était-il une partie du rituel ? Au point de vue économique on remarque là aussi un lien étroit avec la vie quotidienne : à côté du choix préférentiel de l'obsidienne sont utilisées à Sedilo des roches locales ou faciles à repérer qui témoignent des différentes modalités de l'exploitation des matières premières telles qu'elles sont connues dans les habitats. | archeologie_10-0215372_tei_306.xml |
termith-178-archeologie | La retouche permet de préparer des parties actives, définissant ainsi des outils (Tixier, 1963). Il est important de rappeler dès à présent que la retouche peut présenter plusieurs objectifs. L'objectif d'une retouche peut être de donner une morphologie particulière à l'objet, ou d'obtenir un tranchant coupant, ou au contraire d'obtenir un bord non coupant (abrupt). Ces objectifs sont le plus souvent combinés sur un même outil et peuvent aussi être atteints lors d'une même opération technique. Seuls quelques auteurs, comme M. Lepot (1992), E. Boëda (1997), L. Bourguignon (1997) ou C. Lemorini (2000) se sont attachés à étudier le rapport entre la production de supports d'outils et la production d'une retouche. La « retouche fonctionnelle » consiste à transformer un support en outil ou à réaviver un bord pour rendre ses capacités fonctionnelles à un outil. Comme M. Brézillon, nous constatons que « l'importance évidente de la zone active [des outils] aurait pu inciter les typologistes à en placer l'analyse au premier rang de leurs préoccupations. Au lieu de cela, l'interprétation directe est presque toujours intervenue par comparaison avec les formes des instruments actuels » (Brézillon, 1971, p. 22). Ces typologies se sont pourtant parfois avérées inadaptées pour décrire et classifier diverses productions, comme celles du Paléolithique inférieur, et celles de l'outillage « commun » mais « atypique » du Néolithique (Gassin, 1996), et plus généralement toutes les productions en roches mal taillables et donnant des objets « atypiques ». Ainsi, ce constat vaut pour toute production d'outil lithique non standardisé, où il n'existe pas une synergie entre la forme et la fonction. Pour G. Simondon (1958), ces objets sont en fait non totalement « concrétisés ». Une critique de la typologie de F. Bordes, proposée par M-S. Bisson, analyse les défauts majeurs des typologies (Sonneville-Bordes et Perrot, 1954; Bordes, 1961; Bisson, 2000). Il y est suggéré la nécessité de typologies plus proches du « fonctionnel ». Paradoxalement, M.-S. Bisson ne propose pas de solutions particulières ni spécifiques pour l'étude de la retouche, bien que de nombreux auteurs aient déjà proposé leurs contributions à cette question, dans des travaux antérieurs (voir Brézillon 1971, p. 106 à 124). Il nous paraît donc important de reprendre l'étude de la retouche, non pas en augmentant le nombre de paramètres descriptifs ou le « détail » de ces descriptions, mais en identifiant des paramètres en rapport avec la raison d' être de la retouche « fonctionnelle », qui est d'obtenir une partie active sur un objet, et donc un outil (Tixier, 1963). Ces parties actives pouvant être renouvelées par un nouveau cycle de retouche, nous proposons d'observer l'influence de cette retouche sur la forme générale de l'objet, tout au long de la vie « active » de l'objet, et lorsque cette retouche répond à certaines caractéristiques fonctionnelles (coupant, non coupant, etc). Cette partie de l'étude concerne les « cycles de vie » des outils, prenant en compte à la fois le caractère fonctionnel des tranchants, lié à la retouche, et la morphologie des bords et des outils dans leur globalité. Pour cette raison, il est particulièrement important de définir des critères mesurables permettant de décrire et de distinguer ces différents objectifs sur les outils archéologiques. Si la forme générale du tranchant peut avoir une importance dans le fonctionnement des outils, comme cela a été suggéré anciennement par analogie avec les outils modernes (Vayson de Pradenne, 1920, p. 461), c'est plus précisément les contacts et les liaisons mécaniques entre les parties de l'outil qui déterminent son fonctionnement (Heurtemate et Mercier, 1992) et sa fonction (Siegel, 1985; Hayden, 1979; Sigaut, 1991). Quelques auteurs ont suggéré une différenciation des parties actives de l'outil, soit pour la « préhension » (retouche d'accommodation : Rutot, 1904; contact préhensif : Lepot, 1992) soit pour un contact tranchant ou coupant (retouche d'utilisation : Brézillon, 1971, p. 106-123; contact transformatif : Lepot, 1992). Nous proposons d'analyser la pertinence de certains des critères utilisés pour décrire la retouche (Brézillon, 1971), non en terme simplement morphologiques, mais en terme « fonctionnels », c'est-à-dire en rapport avec un fonctionnement. Parmi les critères descriptifs de G. Laplace et les « styles » de retouche (Laplace, 1964), lesquels ont réellement un rapport avec le fonctionnement de l'objet ? L'angle de retouche Ar (angle entre la retouche et la surface d'éclatement, Barnes & Kidder, 1936) a -t-il une réelle pertinence dans cette description ? Les catégories descriptives (retouche rasante 10°, très oblique 30°, abrupte 70°) proposées par A. Leroi-Gourhan (1964, p. 15) ont-elles une signification fonctionnelle ? La surface de retouche a -t-elle un rapport avec sa fonction (Yvorra, 1995), ou un rapport avec l'entretien d'un fil coupant par « retouche » ? L'étude vise à comprendre l'interaction des différents facteurs entraînant la modification morphologique des objets après plusieurs cycles de retouches. L'objectif archéologique est d'estimer le nombre de cycles de retouche des bords latéraux de chaque lame, et ultérieurement de proposer un modèle de gestion des parties actives. Il s'agit d'élaborer une méthode quantitative, basée sur des expériences, pour la caractérisation et la quantification de la retouche. Ces expériences ont aussi pour but de comprendre la genèse des différentes catégories morphologiques des objets qui jusqu' à présent sont le plus souvent étudiés selon les critères d'une typologie descriptive sans rapports avec la genèse de ces objets. Cette méthode descriptive devrait permettre de quantifier les degrés d'utilisation et en tous cas le nombre de réaffûtages des outils au cours de leur « cycle de vie ». Nous appellerons ici « cycle de vie » de l'outil l'ensemble des transformations morphologiques pouvant être reliées à un entretien des parties actives et à la conservation d'une ou plusieurs fonctions. Ce « cycle de vie » s'arrête lorsque l'objet est rejeté ou transformé en un autre objet présentant des caractéristiques entièrement nouvelles. A terme, la comparaison des différents « cycles de vie » de chaque outil devrait permettre de comparer les différents degrés d'utilisation des outils intra-site, inter-sites, selon la chronologie et en fonction de la distance à la matière première exploitée. À titre de modèle expérimental, nous avons choisi de tester le fonctionnement en coupe (avec un mouvement longitudinal) d'un support d'outil standardisé (des lames en silex, fragments allongés, de longueur très supérieure à la largeur, à section triangulaire, et dont les deux bords sont quasiment parallèles) pour une fonction (la coupe de végétaux non ligneux). Plus particulièrement, le modèle d'étude s'adresse à des supports laminaires produits au Néolithique final (première moitié du troisième millénaire B.C.) dans la région du Grand-Pressigny (Indre-et-Loire, France). Ces produits ont diffusé principalement sous forme d'objets retouchés (« poignards ») dans une grande partie du nord-ouest de l'Europe (Ihuel, 2004, 2008 et 2009; Mallet, 1992; Mallet et al., 2000, 2004, 2008 et 2009; Delcourt-Vlaeminck, 1998, 1999 et 2004). Les « poignards » exportés dans le Jura français et en Suisse occidentale ont été retrouvés dans des contextes archéologiques précisément datés par dendrochronologie (Ramseyer, 1987; Honegger, 2001; Pétrequin et al., 1988; Pétrequin, 1994 et 1997). Dans diverses régions, une forte proportion de ces objets sont manifestement « usés », leur forme très éloignée de celle d'origine suggère que de nombreux cycles de retouche ont dû être réalisés. De plus, dans de nombreux cas on peut proposer qu'une fracturation ait entraîné la production de deux fragments, eux -mêmes réutilisés (Mallet, 1992, voir par exemple planches 39, 63, et 64; Ramseyer, 1987). Il a été suggéré que les « poignards » faiblement retouchés sont les stades initiaux d'objets plus irréguliers et à section plus trapue et donc plus « usés ». On trouve principalement ces pièces « neuves » dans la zone de production, bien que de rares exemples soient connus dans des zones plus éloignées comme c'est le cas de la lame de Jaulzy trouvée dans le lit de l'Aisne (Oise) ou de celle de Guévaux (lac de Morat, Suisse) (Mallet, 1992, pl. 105). La tracéologie a montré que les « poignards » étudiés ont été utilisés pour la coupe de végétaux non ligneux, par « sciage » (Anderson et al., 1992; Plisson et al., 2002), pour le travail des peaux ou bien avec un contact de matière abrasive souple (Beugnier et Plisson, 2004). Le faible nombre d'objets étudiés par rapport aux six mille outils exportés recensés (Mallet et al., 2009) ne permet pas d'étendre ces conclusions à l'ensemble du matériel « pressignien », mais fixe le domaine du possible, au moins dans le cadre de l'économie néolithique de la première moitié du 3 e millénaire dans le nord de la France. Dans ce cadre, la fonction de coupe de végétaux non ligneux, attestée par la tracéologie, suggère que l'angle de tranchant et la régularité du fil tranchant de la retouche ont une importance particulière. Dans un premier temps, il est nécessaire d'évaluer ce qui correspond à une retouche « coupante », et pouvoir la reproduire sur des fac-similés. De plus, une modélisation de la consommation de ces produits nécessite d'évaluer le rôle de la retouche dans le maintien des capacités de coupe et dans le changement de forme de l'objet. Pour réaliser la lecture du matériel archéologique et évaluer le degré de retouche, il faut déterminer quels paramètres descriptifs et quantitatifs permettent de déterminer le degré de retouche responsable de la transformation morphologique de l'objet, à partir d'un stade initial qui est une lame brute en silex, ou une lame faiblement retouchée. Ces lames, produites selon une méthode connue (Kelterborn, 1981; Airvault et Primault, 2002; Pelegrin, 2002; Sestier, 2006), ont une forme générale relativement standardisée (Geslin et al., 1975). On s'attachera à évaluer leur transformation à la suite de plusieurs cycles de retouche. H1 : Il existe une véritable technique de retouche « coupante ». H2 : La morphologie des « poignards » est la conséquence de la méthode d'entretien des tranchants, et non la recherche d'une morphologie particulière (sauf peut-être dans certains cas qui seraient à identifier). H3 : Le renouvellement du fil tranchant est effectué au plus « économique ». H4 : La réduction de la section transversale des objets est proportionnelle au nombre de cycles de retouche. Il serait alors possible de quantifier le nombre de cycles de retouches. H5 : Cette réduction de la section transversale serait seulement due à la coupe de végétaux. On sait pourtant que les « poignards » ont exercé aussi d'autres fonctions qui n'ont pas été testées expérimentalement dans cette étude. La méthode est expérimentale : l'interprétation de processus complexes comme le façonnage d'objets en silex nécessite la reconstruction de ce processus, et l'étude de ses étapes, au cours d'expériences. Les objets en silex on été produits en utilisant des techniques, des méthodes et des matériaux, au plus près de ce qu'on pense être la méthode « néolithique ». Cette première phase nécessite en préalable une validation, présentée ailleurs (Sestier, 2006). Le présent article introduit seulement les méthodes utilisées pour la quantification de la retouche, retouche nécessaire et suffisante pour produire les objets archéologiques appelés « poignards », à partir de supports laminaires, identiques aux lames de silex obtenues par la méthode pressignienne. Le terme « poignard » est pris dans sa signification la plus large (Octobon, 1935, p. 637), et sans connotation fonctionnelle. La figure 1A montre les principales étapes de la méthode d'étude. Le bord retouché de la lame en silex est moulé. Les angles de tranchant sont déterminés à partir d'images numérique sur les coupes sériées du moulage, au fur et à mesure des cycles de retouche. a) Une série archéologique provenant des fouilles de Delley/Portalban II en Suisse (Ramseyer, 1987) a été étudiée de la même façon que les fac-similés. Cette série a été étudiée en tracéologie (Anderson et al., 1992; Plisson et al., 2002). Ces objets appartiennent à deux phases culturelles, le Lüscherz (2900-2700 BC) et l'Auvernier-Cordier (2650-2500 BC). b) Fac similés : des lames ayant des profils représentatifs de la production pressignienne ont été produites. La conformité des techniques, méthodes et produits est discutée ailleurs (Sestier, 2006). La conformité de la retouche est testée dans cette étude. Le terme « fac-similé » se réfère à la reproduction d'un objet selon des techniques et des matériaux au plus près de la réalité archéologique. Le fac-similé n'est pas une simple reproduction des formes, de l'apparence. La qualité de « fac-similé » implique une validation par comparaison critique avec l'objet archéologique original. Le terme « expérimental » n'est utilisé que lorsqu'il se réfère à une expérience décrite dans le corps de l'article. Pour les besoins de l'étude, une seule catégorie de retouche a été réalisée : une retouche coupante, avec un angle de fil assez faible, et dans tous les cas inférieur à 40 degrés d'angle. Le choix d'étudier ce type de retouche est à la fonction de coupe de végétaux non ligneux observée sur les lames archéologiques (Anderson et al., 1992). Le profil général des bords, en section transversale, est de type plano-convexe (Tixier, cité dans Brézillon, 1971, p.109). La technique d'obtention de cette retouche est simple mais spécifique, la pression à l'origine de la fracturation du bord étant appliquée dans une direction « rentrante » par rapport à ce bord (la direction du choc est approximativement médiane, entre les deux plans virtuels formés par la face supérieure et inférieure de la lame). Les tranchants latéraux de chaque lame sont retouchés intégralement. Chaque cycle de retouche vise à enlever le fil coupant précédent, dans sa totalité. On peut contrôler cette modification en colorant préalablement la surface à retoucher, les éclats laissent un négatif de la couleur d'origine du silex. La retouche est effectuée de façon à enlever un minimum de silex. Cette volonté d'économie se réfère à la notion d'économie des outils, et à un principe de conservation de la valeur d'usage des objets exportés. Par ailleurs, ce protocole permet de produire des expériences homogènes et cohérentes. Entre deux cycles de retouche, le fil coupant a été détruit par ponçage léger avec un papier corindon très fin, sans cependant produire une facette d'usure. Cette usure du fil coupant simule une utilisation prolongée et la perte de capacités coupantes. Dans l'état des connaissances actuelles, et sauf pour la retouche par pression dite « en écharpe » (Brézillon, 1971; Thevenot, 1973), il ne semble pas possible de caractériser de façon univoque la technique utilisée. En ce qui concerne nos expériences, la retouche a été réalisée par percussion directe (Tixier et al., 1980) avec un percuteur calcaire. La surface de retouche pourrait être proportionnelle au nombre d'enlèvements réalisés, et donc reliée à la fréquence de renouvellement du tranchant. Cette surface a été mesurée par relevé direct à l'aide d'un papier transparent. Par exemple, la figure 1B montre pour la lame L2 le relevé des surfaces de retouches pour les 8 cycles successifs de retouche. Ce relevé peut aussi être fait sur un moulage en plâtre après prise d'empreinte à l'aide d'un élastomère Vinyl-polysiloxane (Turboflex® putty fast soft, CFPM, France). Le contour de la surface retouchée est numérisé et la surface mesurée en utilisant un logiciel du domaine public (Image J, Wayne Rasband,). La précision est de l'ordre de 0,5 mm 2 (erreur relative < 1 %), ce qui est très largement suffisant pour cette étude. Les résultats peuvent alors être présentés sous forme d'une courbe d'évolution de la surface de retouche en fonction du nombre de cycles de retouche. La définition des angles est proposée en figure 2. La retouche enlève un volume près du bord de la lame, et donc modifie la section transversale de la lame (fig. 1A et 2B). Cependant, la zone proche du fil tranchant a un angle plus petit que l'angle de tranchant (fig. 2A). De plus, les retouches enlèvent des volumes courbes. Il faut donc définir sur quelle profondeur la mesure doit se faire, afin de mesurer un angle qui est en rapport avec le fonctionnement de l'objet (Sestier, 2001). Ici, dans un fonctionnement en coupe de matières souples, la profondeur de contact est très faible, de l'ordre de quelques millimètres. L'angle à mesurer est donc assimilable à un angle de fil. Méthode de mesure : Les négatifs d'enlèvements qui sont recoupés par la section sériée sont visibles sur des images agrandies (4x et plus si nécessaire) des moulages élastomères (Fig.1A, 2B, 3A). Les sections sont numérisées, et les angles sont mesurés sur l'image numérique (Image J). Définition des angles : On mesure l'angle entre la surface inférieure et le négatif de l'enlèvement le plus proche du bord, ceci définit l'angle Af ou angle de fil (Fig. 2A), et Ar l'angle de retouche. Lorsque le négatif de l'éclat de retouche près du bord est courbe (ce qui est rare, sur une très faible distance), on prend une valeur non pas tangente mais en traçant une droite de distance minimum à chaque point de cette courbe (fig. 3B). Pour étudier la valeur moyenne des angles sur un objet, on réalise un moulage de l'objet, puis des sections sériées tous les 2 mm et perpendiculairement au fil tranchant. La figure 2B montre trois coupes réalisées à plusieurs endroits d'une même lame, les angles Af sont très différents. Les éclats de retouche peuvent se superposer sur plusieurs rangs, formant un étagement (Brézillon, 1971, p. 107), ou rang de retouche. On peut supposer que le rang de retouche augmente avec le nombre de cycles de retouche. En effet, si la retouche a été réalisée avec un souci d'économie de la matière première, le renouvellement du fil tranchant dans sa totalité peut se faire par juxtaposition de petits éclats, entamant le bord de l'outil, et il n'est pas nécessaire d'étager plusieurs éclats. On réalise une lecture par plage de 5 mm, perpendiculairement au tranchant, et l'on détermine dans chaque zone le rang maximum de retouche (fig. 2C). Cette stratégie permet de produire un rang de retouche normalisé à une longueur de tranchant. On peut supposer que le volume perdu par retouche est proportionnel au nombre de retouches effectuées et au nombre de cycles de retouche. Pour les fac-similés, ce volume perdu est mesuré par pesée. Pour les objets archéologiques, l'évaluation de ce volume nécessite de reconstituer la section initiale de la lame (fig. 4A). On peut supposer que la surface de fracturation des lames est de courbure assez régulière pour autoriser une modélisation géométrique. La méthode de reconstruction est basée sur un calcul d'extrapolation : on note les coordonnées des points définissant le profil de l'objet (fig. 4A-1), on trouve un modèle numérique de ce profil (une régression polynomiale, (fig. 4A-2), et on calcule les points manquants, de part et d'autre de ce profil (fig. 4A-3). Les coordonnées des points sont obtenues sur l'image numérique à l'aide du logiciel Image-J. Une régression polynomiale de degré 2, 3 ou 4 est réalisée sur ces points, pour tracer une courbe rejoignant ces points et au-delà (logiciel Kaleidagrah®, Synergy Software). On a utilisé la série archéologique des lames de Portalban (Suisse) pour évaluer la largeur minimum à partir de laquelle il est possible de reconstituer les profils. Sur cette série de Portalban, la largeur minimum des lames est de 15 mm. Sachant que la largeur initiale de ces lames est estimée à 30 mm, on a testé si la méthode de reconstitution des profils fonctionne pour des largeurs aussi faibles. La méthode a été testée sur des fac-similés de lames : 5 lames à section triangulaire (2 pans) et 5 lames à section trapèze (3 pans). Sur une largeur de 15 mm centrée sur le milieu de la lame expérimentale, on mesure la position des points permettant de retracer la section (fig. 4A1). Ensuite, on calcule la position du profil de part et d'autre de cette zone de 15 mm (fig. 4A2). L'intersection des courbes définit une surface qui correspond à la section transversale, l'erreur d'estimation est mesurée pour la largeur ∆x (mm) et l'épaisseur ∆z (mm); l'erreur de surface calculée est 0.5∆x∆z (mm 2). Le silex est tenu à la main, en position de coupe, sur une pile de papier bloquée sur le plateau d'une balance électronique. Pendant la coupe, la balance a servi à contrôler la pression maximale exercée sur le papier, afin que les différentes expériences soient comparables entre elles. L'efficacité de coupe est évaluée en comptant le nombre de feuilles de papier (120 g/m 2) que l'on peut couper, pour une pression définie. Ce test simple a permis d'obtenir des résultats répétables et reproductibles. La retouche coupante est une technique spécifique. En effet, pour obtenir un bord coupant et régulier, il faut contrôler l'orientation et la force du percuteur qui va détacher un petit éclat de silex, à partir de ce bord. Cette technique de retouche donne des résultats conformes à ceux observés sur le matériel archéologique, tant pour l'aspect général de la retouche que pour les angles de tranchant obtenus (fig. 3C). Les bords ayant un angle de fil inférieur à 45° sont coupants, comme on peut le voir dans les tests en figure 3A. Dans ce test, on montre par ailleurs qu'un tranchant non coupant, à la suite de sa dégradation au cours d'une utilisation, peut être renouvelé par une opération de retouche qui lui redonne des capacités de coupe équivalentes. Les opérations de retouche entraînent une réduction du support d'origine, comme on peut le voir sur le matériel expérimental (fig. 5B). On observe en effet une évolution progressive de la forme de la lame d'origine, avec un rétrécissement rapide de l'extrémité. Ceci nous permet de supposer que la diversité de forme observée sur le matériel archéologique (fig. 5A) découle d'un tel processus, sans pour autant qu'on puisse affirmer pour ces objets que le fil tranchant ait été renouvelé dans son intégralité à chaque cycle de retouche. Sur le matériel archéologique, il est plus probable que le renouvellement du fil tranchant a été réalisé par petites zones de quelques centimètres. A : Diversité des types de formes de « poignards » pressigniens définis par N. Mallet (d'après Mallet, 1992, échelle 1/2). Les parties retouchées ont été grisées. B : Fac-similé de lame retouchée. La même lame est dessinée au cours de plusieurs cycles de retouche (cycles 5 à 10). La surface retouchée figure en grisé. Mais seule une analyse tracéologique associée étroitement à ces analyses techno-fonctionnelles permettrait de tester cette hypothèse. Néanmoins, indépendamment des modalités de réfection de ce tranchant, l'effet cumulé de ces réfections produit obligatoirement une réduction de la forme des objets. Il est intéressant de noter que cette évolution dépend en partie des profils d'origine, lorsque l'objectif est de renouveler le fil coupant, avec un souci d'économie. La figure 6A montre que des bords plus « épais » sont présents au même endroit à toutes les étapes du cycle de retouche. L'utilisation systématique d'une retouche amincissante ne permettrait pas ce phénomène. Une retouche amincissante est parfois utilisée, faute de pouvoir continuer une retouche coupante sur des bords de plus de 60° d'angle. Ceci peut nécessiter la préparation d'un plan de frappe, consommateur en silex, accélérant le rétrécissement de l'objet, et pouvant le fragiliser. A : Évolution des angles au cours de la retouche. Exemple (lame expérimentale L2, aux stades 2 et 10, tranchant droit). Le schéma de la lame L2 au stade 10 est mis en vis-à-vis du graphique montrant Af (angle de fil) en fonction de sa position sur le bord (exprimé en mm). Les trois zones avec un angle supérieur à 80° sont indiquées en grisé. B : Évolution des angles moyens au cours de plusieurs cycles de retouche. La plage de mesure est indiquée entre deux pointillés horizontaux. On donne la valeur moyenne de l'angle Af, mesuré sur le tranchant droit de chacune des lames, respectivement aux stades 2, 4, 8, 10. On donne la valeur moyenne ± écart-type. L'échelle est celle de la figure 5B, en grisé la surface de retouche, en blanc la surface d'origine. Le stade 2 est représenté par un moulage partiel. Le poids des éclats varie selon que des retouches plus ou moins « amincissantes » doivent être réalisées. La production de retouches plus amincissantes (enlevant des zones abruptes) peut se voir sur la figure 7, avec un doublement du poids des retouches (cycle de retouche n° 6 et n° 8). Lorsque les angles de tranchant sont trop abrupts (supérieurs à 70°) ou lorsque l'épaisseur de la pièce ne facilite pas une retouche amincissante par percussion, une autre solution technique consiste à obtenir une réduction par polissage. Ce polissage est connu pour une proportion significative d'objets trouvés loin des zones de production primaires (voir par exemple Mallet, 1992, planches 14 n° 11, 17 n° 4, 27 n° 1, 53 n° 4, 55 n° 2, 63 n° 2). En l'absence de cette technique, la section de l'objet évoluerait vers une forme étroite et épaisse, en « barre de chocolat », avec des difficultés croissantes pour réaliser un fil coupant par une retouche plano-convexe. Il est donc remarquable que le profil transversal des lames retouchées évolue de façon différente selon leur géométrie initiale. Une lame plus plate est moins « coûteuse » en retouche qu'une lame plus épaisse. On peut le voir en figure 7, avec la lame expérimentale L3 qui est 30 % plus plate que la lame L2, à largeur initiale comparable. Ceci est aussi observé sur des lames dont la section est dissymétrique, le bord plus abrupt demandant d'enlever plus de silex que le bord moins abrupt, à retouche équivalente. Ces résultats suggèrent que des lames de dimension identique mais de section dissymétrique peuvent évoluer de façon différente. Ces observations suggèrent aussi que les producteurs et/ou les consommateurs néolithiques ont peut-être privilégié certains supports laminaires, en fonction des besoins et des nécessités fonctionnelles. Des lames larges, peu épaisses et présentant une courbure longitudinale peu prononcée auraient été recherchées, car particulièrement économiques à retoucher. Ces observations démontrent aussi que le classement des lames en fonction de l'intensité de la retouche nécessite de prendre en compte leur profil transversal, et donc d'estimer le volume de silex enlevé par retouche. Pour ce qui est de l'extension de la retouche, on s'aperçoit que cette surface n'est pas strictement proportionnelle au nombre de cycles de retouche (fig. 8A). On observe une stabilisation de l'évolution de cette surface après plusieurs cycles de retouche, par aplanissement des reliefs sur la lame brute, mais ce n'est pas le seul mécanisme en jeu. Il est aussi possible que cycliquement on doive faire une retouche un peu plus amincissante, particulièrement lorsqu'on rencontre des difficultés avec un bord plus abrupt et un écrasement du fil tranchant (voir précédemment, commentaires sur la figure 7). Le rang de retouche (tableau 1) n'est pas du tout corrélé au nombre de cycles de retouche. Par ailleurs, on n'observe pas de rang supérieur à 4. Les résultats obtenus sur des lames de même facture et retouchées dans les mêmes conditions sont similaires, et démontrent la généralité de ces observations. La précision de la mesure sur moulages est de 5° d'angle, la différence de mesure entre deux lecteurs est de 5°. Cette précision est comparable à d'autres méthodes (Dibble et Bernard, 1980). On observe que l'angle moyen du bord dépend du nombre de cycles de retouche. Son évolution n'est cependant pas linéaire (fig. 8B). Il est ainsi possible de conserver des angles très coupants jusqu' à concurrence de 8 cycles de retouche, et probablement beaucoup plus si la lame est large et plate. Ceci suggère que la durée de vie des lames retouchées est certainement longue, mais des études complémentaires seront nécessaires pour évaluer cette durée de vie « active » de l'outil. Si on compare l'évolution morphologique des objets expérimentaux et archéologiques, il apparaît que l'angle moyen de tranchant ne semble pas refléter directement la variation morphologique, bien qu'il y ait une certaine corrélation (fig. 6B, fig. 9). Il faut très probablement tenir compte des sections transversales, dont l'asymétrie peut favoriser l'augmentation des angles moyens au cours de la retouche. Enfin, il est possible que les extrémités des « poignards » ne soient pas entretenues de la même façon que les bords. Les tranchants en ogive de certains poignards (Type E de N. Mallet, 1992, fig. 5A), ressemblent fortement à ceux reconnus sur les grattoirs « pisciformes » pressigniens, ce qui évoque une possible diversité fonctionnelle des tranchants, confirmée par la tracéologie (Beugnier et Plisson, 2004). La reconstruction des profils complets à l'aide des points relevés sur les profils (fig. 4A) montre qu'une équation polynomiale de degré 2 permet une bonne modélisation des courbures. Chaque courbe, définie par ses propres paramètres, est unique et spécifique à chaque section. La reconstruction des sections est d'autant moins fiable que la zone résiduelle est petite. En se plaçant dans les conditions les plus drastiques observées sur le matériel archéologique, c'est-à-dire une largeur résiduelle de 16 mm (pour Portalban, les largeurs minimum des lames sont 17.4 ± 1.6 mm), on peut reconstituer les sections dans 12 cas sur 13. Les sections dissymétriques semblent un peu plus difficiles à traiter. L'erreur sur la largeur est beaucoup moins importante pour des sections symétriques, l'erreur sur z est généralement plus faible que sur x, l'erreur sur la surface ∆x∆z/2 est environ de 0,5 mm 2, ce qui est faible par rapport à la surface totale de la section transversale de la lame. En effet, la surface moyenne des sections de 20 lames de Portalban choisies au hasard, est de 160±37 mm 2. Les mesures ont été faites d'après les dessins des sections (Mallet, 1992). Par rapport à la réduction de largeur observée sur les lames expérimentales, une erreur de 3 mm sur la largeur de la lame pourrait correspondre à 1 ou 2 cycles de retouche, dans les conditions que nous avons définies : une telle erreur paraît faible sinon négligeable. Cependant, on ne dispose pas encore de données suffisantes pour tenir compte de sections dissymétrique, et calibrer l'évolution des sections en fonction de la géométrie « initiale » de l'objet. De plus la correspondance entre la reconstitution par le calcul et la reconstitution par projection géométrique des négatifs d'enlèvements (ainsi que la méthode « à l'oeil »), reste à établir, bien qu'elle semble satisfaisante. Enfin, il reste quelques cas impossibles à traiter (fig. 4B), parce que les surfaces d'origine ont totalement disparu, par retouche ou polissage. Ces objets sont heureusement minoritaires dans le corpus étudié. En conclusion, en raison de leurs interactions mutuelles ou par manque de précision, les paramètres habituellement utilisés pour décrire la retouche ne sont pas utilisables. L'analyse de la retouche des lames archéologiques nécessite en revanche la restitution des sections par toute méthode exacte et dont la précision est suffisante (relevés au conformateur, moulages, etc). La restitution des sections par le calcul apparaît une très bonne méthode, elle est cependant assez longue. Il faudra comparer ses mérites à des méthodes moins précises mais peut-être suffisantes : approximation des courbures par des droites, reconstitution « à main levée » des courbures. Une validation croisée de ces méthodes permettra leur usage raisonné. La mesure de l'angle de fil et de l'angle de tranchant devra tenir compte de l'hypothèse fonctionnelle qui est testée, de façon à mesurer l'angle à un certaine profondeur de tranchant. Enfin, pour accéder à la durée d'utilisation des parties actives, il faudra préalablement calibrer les usures de tranchant à l'aide d'expériences correctement conçues. Ce dernier point ne peut être exposé dans les limites de cet article. La retouche réalisée dans cette étude est une véritable technique pour produire du fil tranchant. Nous supposons que les modifications de la forme des lames résultent d'une succession de multiples cycles de retouche, et n'est pas obtenue en une ou deux étapes, comme il suffirait de le faire par l'enlèvement d'éclats épais si on voulait uniquement changer la forme. Pour démontrer définitivement cette hypothèse, il faudrait pouvoir disposer des éclats issus de ces retouches, de façon à étudier leur dimension. Ces éclats devraient être retrouvés lors du tamisage des sédiments au cours des fouille, à la condition que ces retouches aient été réalisées sur le site. Des arguments indirects sont probablement disponibles, comme la valeur moyenne des angles de tranchant, en fonction de la conformation locale de la lame qui a elle même une influence sur l'évolution des angles de fil et de tranchant. La tracéologie pourrait donner des indications très utiles sur le mode de recouvrement des différentes retouches, elles -mêmes marquées par des traces d'utilisation. Enfin, on ne peut oublier qu'une proportion significative de ces objets ont été « emmanchés » et que la réfection d'un tranchant est influencée par la présence d'une zone de ligature. L'existence de poignards losangiques évoque cette question, comme si l'objet présentait deux extrémités utilisées alternativement. Il existe aussi sur ces objets deux types de zones actives, de conceptions différentes : une extrémité retouchée en ogive (comme les « grattoirs pisciformes ») et des bords latéraux. Cette zone fonctionnelle, l'ogive terminale, peut être entretenue par une retouche visant à maintenir la forme en ogive brisée, ce qui a pour effet de raccourcir l'objet, sans nécessairement diminuer la largeur du corps de l'outil. L'autre type de zone active est réalisée sur les bords latéraux, initialement des bords bruts ou faiblement retouchés. Le maintien des qualités de coupe du bord (pour un mouvement longitudinal de sciage) nécessite de conserver une certaine linéarité de ce bord, ainsi qu'un angle de tranchant compatible avec ce fonctionnement. Les expériences ont montré que même avec un angle de tranchant At supérieur à 50°, il est possible de conserver un angle de fil Af inférieur à 40°, grâce à la technique de retouche plano-convexe. Dans des cas extrêmes, cette technique produit des petits éclats rebroussés, souvent considérés à tort comme des « accidents » de taille. Cette étude montre qu'en parallèle de la typologie basée sur la forme des objets, il existe une autre façon de classer les outils, à partir de critères fonctionnels. L'actuelle typologie des « poignards » (Mallet, 1992) prend en compte les diverses formes observées (à languette plus ou moins large, équarrie ou non, appointée ou non, à soie, à forme losangique), mais ne tient pas compte de la retouche et de son influence sur l'évolution de la forme de l'objet. Pourtant, N. Mallet (1992) avait suggéré l'influence des « réaffûtages » sur la modification morphologique des outils sur lames en silex du Grand-Pressigny. La typologie de D. Ramseyer est basée sur le même principe de description morphologique, bien qu'il ait proposé un mode d'évolution de ces « poignards » par retouche ou fragmentation (Ramseyer, 1987, fig. 12). Il est presque certain que ces deux approches typologiques sont liées entre elles dans le sens où le fonctionnement des outils a engendré des formes et où le maintien de la forme pouvait être le moyen d'entretenir l'outil fonctionnel à la fois par une forme adaptée à la ou aux fonctions et par un entretien des parties actives de l'outil. Mais pour permettre une analyse des parties actives des « poignards » et objets dérivés de lames ou éclats laminaires, il serait nécessaire dans un premier temps de s'affranchir de la classification typologique habituelle, afin de pouvoir prendre en compte l'histoire fonctionnelle de l'objet, et notamment celle de la retouche. Nous avons démontré la faisabilité technique d'un projet de reconstitution initiale des supports laminaires. Ceci nécessite de mieux comprendre les mécanismes de transformation induits par la retouche. Cela permettra de proposer ultérieurement une typologie génétique des objets, qui sera confrontée à la typologie « classique ». Le principe d'une telle approche a déjà été proposé pour certains outils du Paléolithique français (Kuhn, 1992; Dibble, 1984 et 1987), sans toutefois avoir été validé par une approche expérimentale. Nous avons identifié des retouches archéologiques possédant les caractères fonctionnels d'une retouche coupante, permettant une coupe en « percussion posée », avec un mouvement longitudinal. Ce premier point mérite d' être souligné car, paradoxalement, l'étude de la retouche n'a pas fait l'objet de tests quantitatifs (Lepot, 1992; Boëda, 1997). La corrélation entre l'expertise tracéologique (identification des fonctions) et les potentialités fonctionnelles du tranchant retouché reste d'ailleurs à réaliser. Elle devrait apporter des indications sur les connaissances techniques et les « savoir-faire » des utilisateurs des outils. Ces analyses croisées devraient également nous apporter des informations sur les besoins techniques et fonctionnels en relation avec les activités de coupe. Cette étude permet de poser la question du choix des supports d'outils et de leur conception. Nous savons désormais que des supports larges et d'angle initial faible supportent un rang de retouche plus élevé que des supports d'angle initial plus ouvert (fig. 7). A partir de 2800 avant J.-C., l'augmentation des importations de silex du Grand-Pressigny sur les lacs du Jura français (Pétrequin et al., 1988), de Suisse occidentale et de l'Isère (Mallet, 1992) pourrait attester d'un accroissement des besoins en tranchants et de leur demande. Dans le midi de la France, on peut supposer qu'une telle augmentation de la demande a pu inciter à développer de nouvelles solutions techniques, adaptées aux ressources locales, comme la production d'éclats laminaires larges et plats (sur quartzite, 3300-2800 cal BC à Fontréal, Haute-Garonne; Pons et al., 2004) ou ailleurs sur nucléus « plats », donnant des lames plates et courtes. Jusqu' à présent, les analyses tracéologiques ont été réalisées le plus souvent en fonction des types d'outils. Or, il serait nécessaire d'échantillonner les outils et supports à étudier en tracéologie, également en fonction des angles de tranchant. Parce que la fonction et le fonctionnement des outils dépendent en partie des angles (At et Af) et de la délinéation de ces tranchants. La fonction de la retouche non coupante doit être envisagée en synergie avec la retouche coupante, la reconnaissance de telles retouches nécessite un travail qui n'est pas actuellement validé par l'expérimentation. Nous envisageons aussi de réaliser l'étude spatiale des outils selon leur degré de recyclage (fig. 9) et la nature des supports (2 ou 3 pans, symétrique ou asymétrique et en fonction de la largeur initiale). Ceci devrait fournir des résultats originaux sur l'économie de l'outillage réalisé sur des supports importés, et argumenter pour une économie des parties « actives », en complément des notions d'économie des supports d'outils (Perlès, 1991). Augmenter nos connaissances sur ces systèmes techniques vise à documenter des systèmes complexes et plus globaux, où par exemple des besoins techniques sont liés à des besoins alimentaires. Cette approche économique nécessite de répondre à des questions certes élémentaires, mais essentielles comme la durée de vie active des outils, les cinétiques d'usure, pour aboutir à des modèles décrivant la production et la consommation de ces objets. En l'absence de documents directs, comme ceux fournis par l'observation ethnologique, la modélisation des activités techniques au Néolithique nécessite une véritable reconstitution basée sur une méthode expérimentale systématiquement confrontée aux observations archéologiques, permettant d'acquérir des données qualitatives et quantitatives . | La transformation des lames et éclats de silex en outils est réalisée par la retouche, selon diverses méthodes et techniques. Nous étudions ici les caractéristiques d'une retouche donnant un fil coupant, apte à servir à la coupe de végétaux non ligneux. Différents paramètres descriptifs et quantifiables ont été testés pour estimer l'intensité de la retouche située sur les bords latéraux des lames et donc leur degré de modification. L'objectif de cette recherche est de développer les moyens de comparer quantitativement les outils en silex à partir de critères mesurables et quantifiables, afin d'évaluer leurs degrés d'usure et de fonctionnement. Pour évaluer le degré de modification du bord des lames, il est nécessaire de connaître leur section initiale avant la modification par retouche. Une méthode mathématique et une méthode géométrique de reconstruction des sections sont proposées et testées pour les lames pressigniennes. Elle permet de calculer le volume de matière enlevé par retouche. L'influence des cycles de retouche successifs sur les transformations morphologiques des outils a été évaluée et quantifiée. Le volume de matière enlevée par retouche est corrélé au nombre de cycles d'affûtages successifs. Ces résultats méthodologiques permettent de classer les séries d'outils archéologiques sur la base de leur évolution morphologique, elle-même issue des usages répétés des outils. Il s'agit en quelque sorte d'une typologie « génétique » qui tient compte de mécanismes techno-fonctionnels. La méthode élaborée a été appliquée à l'étude des « poignards » pressigniens réalisés à partir des grandes lames en silex du Grand-Pressigny (Indre-et-Loire, entre 3 100 et 2400 avant J.-C. environ). L'étude quantitative et qualitative de la retouche, à différents stades de la vie de ces outils sur lames, devrait permettre une meilleure évaluation de leur diversité morphologique et typologique. Ultérieurement, le classement des outils en fonction de leur degré de transformation morphologique (usure, recyclages) sera spatialisé à l'échelle macro-régionale. Cette spatialisation devrait permettre d'évaluer la valeur économique du silex et des outils exportés, ainsi que les besoins fonctionnels des populations, en fonction de la distance par rapport à la source de matière première et à la zone de production des lames. | archeologie_11-0226701_tei_374.xml |
termith-179-archeologie | Les fouilles préventives de l'autoroute A 87 entre Angers (Maine-et-Loire) et la Roche-sur-Yon (Vendée) ont livré plusieurs occupations de l' âge du Fer qui contribuent à renouveler les connaissances sur la période dans une région pour laquelle les essais de synthèse sont déjà anciens (Bouvet, 1987) au vu de ces récentes découvertes. Sur la commune de Mozé-sur-Louet (Maine-et-Loire), au lieu-dit les Chaloignes, à une importante occupation mésolithique (Marchand, en préparation), se superpose un établissement de l' âge du Fer. Au sein de celui -ci, un ensemble complexe de creusements (fosses et trous de poteaux) a livré un très abondant mobilier céramique associé à des éléments de parure en verre, en lignite et en fer, ainsi qu' à une faune abondante et à des restes humains. Le lot céramique, par son abondance et son contexte de découverte, semblait dès le départ pouvoir aider de manière significative à la compréhension du site. L'étude réalisée est destinée à la fois à mieux cerner la chronologie de l'occupation mais aussi à caractériser le faciès culturel d'une région encore mal définie sur ce point. C'est également par le mobilier qu'on peut tenter de comprendre la fonction des creusements et les éventuelles modalités de dépôt. Le site des Chaloignes se trouve à 10 km au sud d'Angers et à environ 5 Kmde la Loire (fig. 1). Prospecté en 1998, il a été fouillé d'avril à septembre 1999 sous la direction de G. Marchand, dans des conditions parfois difficiles, particulièrement dans les zones humides de fond de vallon (Marchand, 2000). Au sud-est du Massif armoricain, le site est inclus dans le proche réseau hydrographique de la Loire; le substratum se caractérise par des formations schisto-gréseuses au-dessus desquelles on trouve des argiles de décomposition, y compris à l'emplacement même des fouilles. Les schistes qui affleurent en abondance intègrent d'importants filons de quartz. Le site se trouve dans une cuvette où convergent trois petits talwegs et où naît le ruisseau de la Fontaine de Mont qui se jette dans l'Aubance avant de rejoindre la Loire (fig. 2). Bien que le relief ne soit pas particulièrement escarpé, il est, de par sa forme, à l'origine d'une accumulation sédimentaire importante à la confluence des vallons, particulièrement favorable à la conservation des vestiges archéologiques. L'environnement archéologique est riche, connu surtout depuis les travaux préalables à la construction de l'autoroute A 87. Distant de moins de 1,5 km, le site des Humelles à Mûrs-Érigné se présente comme un éperon barré dont la première phase remonterait au iii e ou au ii e siècle et qui, au i er siècle avant J.-C., prend une grande ampleur avec la mise en place de véritables aménagements défensifs (Le Goff, 1999). Si les premières phases sont contemporaines de l'occupation des Chaloignes, les aménagements les plus importants semblent intervenir dans les années qui suivent l'abandon de ce dernier. La fouille a mis au jour des structures d'habitat sur la pente nord du vallon occidental. Celles -ci se structurent autour d'un ensemble de tranchées de fondation et de trous de poteaux (fig. 3). La densité des trous de poteaux ne permet pas de distinguer un plan clair, le bâtiment ayant pu connaître différentes phases d'aménagement. Il est intéressant de signaler qu'un niveau de sol préservé y était associé. Les tranchées dessinent un plan rectangulaire de 80,5 m 2 de surface sur lequel pourraient venir s'appuyer une ou plusieurs annexes (Marchand, 2000). Ce plan, bien que sujet à caution, n'est toutefois pas sans rappeler celui du site proche de la Boirie 1 à Chemillé (Maine-et-Loire) (Guérin, 1999). Au nord de cet habitat, un ensemble de six trous de poteaux peut être interprété comme un bâtiment rectangulaire d'une surface de 31 m 2. Plus à l'ouest se dessinerait un grenier sur quatre poteaux. Accolé à l'entrée du bâtiment principal, un silo de 0,5 m de profondeur et de forme tronconique a été mis au jour. 21 fosses ont également été retrouvées. Circulaires ou ovales, elles ne présentent pas de caractères particuliers. Toutefois, l'une d'entre elles a été creusée pour accueillir une panse de céramique sans fond, trop petite pour être assimilée à un dolium. Une autre présentait l'aspect d'une sole de foyer sous laquelle était aménagé un radier formé de tessons de céramiques, au-dessus d'un sol rubéfié. Dix structures empierrées se répartissant à l'ouest et au nord du bâtiment central sont elles aussi vraisemblablement liées à l'utilisation du feu. De forme ovale, elles présentent parfois un creusement. Se répartissant en deux catégories (celles d'une longueur inférieure à 1,90 m et d'une surface inférieure à 0,6 m 2 et celles d'une longueur supérieure à 1,90 m et d'une surface supérieure à 0,8 m 2), elles contiennent chacune de 28 à 352 pierres chauffées ou brûlées, dont 90 % de quartz. Des charbons de bois d'assez grande taille sont rencontrés en grand nombre dans ces structures sous lesquelles la rareté des traces de rubéfaction plaide en faveur de l'absence de feu in situ. En revanche, on peut envisager une fonction de pierres chauffantes. Quelques tronçons de fossés périphériques ont pu être datés de l' âge du Fer, à savoir les fossés 9, 22, 174 et 274 (fig. 3). Les deux premiers présentent une chronologie relative puisque le fossé 9 recoupe le 22. Malheureusement ces fossés n'ont pu être suivis sur toute leur longueur. Il en va de même du fossé 174 qui se développe selon un axe est-ouest en fond de vallon et qui sépare la zone en deux parties. Au sud de celui -ci, à côté de l'étroit fossé 274, des trous de poteaux et ce qui pourrait s'apparenter à des tranchées de fondation ont été distingués sans qu'un plan cohérent ait pu être dégagé. Au travers de ces différents vestiges se dessine donc un établissement rural de taille relativement modeste qui ne se distinguerait pas du corpus régional, si ce n'est par un type de bâtiment assez original. Les quelques traces artisanales (présences de scories liées au travail du fer, de pesons et de fusaïoles) sont à considérer comme des activités annexes directement liées à l'habitat. À 15 m au sud-ouest du bâtiment principal se développe un ensemble de creusements regroupés dans une même entité, nommée ‘ fait 18 ', et qui s'étend sur une surface de 10 m sur 4 (fig. 4). Avant la fouille, il se présentait comme une tache noire uniforme au fond de l'actuel talweg, perpétuellement humide malgré un ruissellement aujourd'hui décalé de 20 m en contrebas. On peut s'interroger sur la contemporéanité de ces creusements. Toutefois il semble bien que différentes phases puissent être perçues. Une première fosse (147) est recoupée par un creusement courbé (146). D'une profondeur de 0,4 m et d'une largeur variant de 0,8 à 2,15 m, cette structure a été primitivement perçue comme un fossé. Il est malheureusement impossible de la suivre à l'ouest où son éventuelle prolongation a été détruite par des creusements modernes. En aval, et en raison de choix de fouille, aucun lien stratigraphique n'a pu être mis en évidence entre les creusements 146 et 174. Si l'hypothèse d'un fossé ne peut être a priori exclue, l'irrégularité des contours, mais aussi et surtout celle du fond (fig. 4), nous incitent à penser à des fosses d'extraction, peut-être d'argile. Avec 3 397 tessons, c'est la fosse 146 qui a livré le plus grand nombre de céramiques en plus d'une centaine d'os animaux, d'une fibule, de quatre perles en verre et de deux fragments de bracelets en lignite. À l'endroit où la largeur du ‘ fait 146 ' se réduit, se développe au sud une grande fosse polylobée nommée 151, de 3,2 x 4 m dans ses plus grandes dimensions. Sous un niveau de pierres brûlées qui semblait couvrir une surface plus importante que cette seule excavation, un niveau de limon renfermant de gros charbons ainsi que des os et de la céramique en grande quantité a été mis au jour (US 32.01). Une couche encore plus charbonneuse, l'US 32.10, a été creusée dans un sédiment orange (fig. 4). Un effet de sape est visible, tout d'abord interprété comme un effondrement des parois mais que nous aurions tendance à considérer plutôt comme le résultat d'une sape intentionnelle (les US 32.22 et 32.25 n'ont livré aucun mobilier). C'est au fond de cette fosse, dans l'US 32.11, qu'a été découvert un thorax humain en connexion anatomique entouré de nombreux ossements animaux (dont un crâne de bœuf et un demi-crâne de porc), ainsi que de la céramique (459 tessons pour l'ensemble de la structure, dont 380 pour cette seule US). Il y avait également trois fragments de radius humain (US 32.11 et 32.10). Aucun indice stratigraphique ne permet de caler cette fosse dans une chronologie relative.Le creusement 148, profond de 0,3 m, ne contenait qu'un seul petit vase entier posé sur le fond (fig. 5), rappelant la fosse de l'habitat. Le trou de poteau 150 était exempt de tout mobilier. La fosse 349 n'a livré que 10 tessons. Plus au nord, la fosse 350, d'une longueur de 3,3 m, n'a été fouillée que dans sa partie orientale et montrait, sous un niveau de pierres brûlées mêlées de tessons, une couche argileuse charbonneuse livrant quelques tessons. Là encore un trou de poteau accolé à la paroi septentrionale a pu être distingué. Le prolongement de cette fosse à l'est, en direction du fossé 174, évoque un ruissellement naturel. Quant au ‘ fait 149 ', il se distingue clairement par son remplissage limoneux gris jaune et un niveau supérieur de cailloutis de quartz mais la relation stratigraphique qu'il entretient avec les autres structures est inconnue. En revanche, il vient recouper en partie le fossé 146 et montre un profil très incliné vers le sud. Il renfermait lui aussi de la céramique ainsi qu'un fragment de bracelet de verre. La synthèse stratigraphique est complexe et même parfois impossible à saisir, ceci essentiellement en raison des difficultés inhérentes à la fouille dans un contexte perpétuellement humide. Sur un plan fonctionnel, l'hypothèse de fosses d'extraction d'argile nous semble devoir être privilégiée en raison de l'irrégularité des creusements mais aussi du fait que c'est précisément en fond de vallon, autour de la source, que la décomposition des sols a été la plus forte, donnant naissance à des argiles purifiées par le ruissellement. L'hypothèse d'une extraction opportuniste d'argile, pour la construction de l'habitation par exemple, nous semble la plus convaincante, bien qu'elle n'exclut pas d'autres usages postérieurs, surtout pour le ‘ fait 151 '. Quant aux stratigraphies internes à chaque structure, elles s'avèrent sujettes à discussions même si on peut saisir une alternance quasi systématique de couches pierreuses et de couches limoneuses. Cette complexité de lecture s'accorde tout à fait à des fosses d'extraction devenues dépotoirs et qui se remplissent donc sur un temps relativement long de manière hétérogène. Une étude systématique du mobilier céramique particulièrement abondant de ce ‘ fait 18 ' (4 125 tessons sur les 4 740 du site) était donc nécessaire pour tenter d'approcher la chronologie et la fonction des différents creusements. Cela s'avérait d'autant plus intéressant que la céramique était associée à d'autres artefacts de parure et à des gestes vraisemblablement non domestiques. L'étude céramologique nécessitait la mise en place d'un protocole de travail particulier au regard des contextes de découverte perturbés. De surcroît, le manque de temps à l'issue de la fouille avait amené à la constitution de lots basés sur la seule provenance des tessons et le seul traitement de quelques rares éléments remarquables. L'ensemble du mobilier a été repris, en considérant également celui des structures autres que le ‘ fait 18 '. La quantification des céramiques s'est faite en retenant, après remontage, le nombre de bords comme élément discriminant pour le calcul du nombre minimum d'individus (NMI) (cf. Arcelin et Tuffreau-Libre [dir. ], 1998). La grille d'enregistrement, adaptée forcément au contexte, mêle des descripteurs typologiques et morphométriques. L'état général d'usure et de conservation a été systématiquement noté. Cela nous semblait important pour une éventuelle définition des fonctions des structures. Quelques observations technologiques ont été faites : traitement de surface, nature de la pâte, taille des inclusions. Le mode de montage n'a été précisé que lorsqu'il apparaissait certain. Le critère de régularité ne nous semble pas toujours pertinent et peut refléter davantage le degré de maîtrise du potier que le mode de montage. Le terme de ‘ modelé ' regroupe l'ensemble des modes de montage manuels qui ont été mis en œuvre (technique du colombin ou modelage stricto sensu). Au total, 389 individus-vases ont été recensés et 196 formes ont été identifiées dans la fosse 146 contre seulement 50 dans la fosse 151. Nous avons tenté au maximum d'établir un classement fondé sur le rapport hauteur/diamètre à l'ouverture (cf. Balfet et al., 2000) avec une distinction nette entre pots et jarres basée sur la grandeur, ce critère étant discriminant quant à la destination de ces vases. Toutefois, au vu de l'importante fragmentation et du nombre très réduit de profils complets (huit au total), un certain empirisme a présidé à l'élaboration de la typologie. S'il est en général possible de se rattacher à des modèles connus, une typologie des rebords a été ajoutée pour tenir compte de cette fragmentation. D'un point de vue purement morphologique, nous avons pu dégager 12 formes, certaines connaissant des variantes (fig. 6). Cette typologie s'appuie en partie sur celle d'O. Nillesse (2003), la seule publiée pour le Maine-et-Loire. Les formes tronconiques de type 1 se caractérisent par un profil sortant et une lèvre à méplat. La convexité varie d'un sous-type à l'autre. La lèvre présente, sur certains exemplaires, des moulures et des décors de stries sommitales, l'une d'entre elles (cf. infra, fig. 17) présentant même des digitations. Ces formes tronconiques simples se rencontrent de La Tène moyenne à La Tène finale : au Clouët à Carquefou (Loire-Atlantique), E. Le Goff (2003) constate que ce type de vases, et notamment ceux à lèvre à méplat, est le plus fréquent. Ces vases se retrouvent également en proportion non négligeable dans les sablières du bâtiment de la Boirie 1 à Chemillé (Maine-et-Loire) (Guérin, 1999), soit dans la phase précoce datée du iii e siècle. L'assiette de type 1.3 retrouvée dans la fosse 146 pourrait être plus ancienne; on en connaît une à Trémentines (Richebourg, Maine-et-Loire), datée de la fin de La Tène ancienne (Pithon, 1999). Dans tous les cas, on peut noter avec intérêt que ce type, constituant 10 % des individus identifiés, est parmi les mieux représentés dans notre corpus et est présent à quantité égale dans les deux fosses considérées, si ce n'est que les types 1.1 et 1.2 représentent 58 % des formes basses de la fosse 151 (fig. 7). Le type 2, qu'on peut qualifier de jattes tronconiques à bord pseudo-rentrant, se distingue nettement des jattes à bord rentrant totalement absentes de notre corpus. O. Nillesse en a trouvé en grand nombre à Marcé (Maine-et-loire), sur les sites de Deffroux et d'Hélouine (Nillesse, 2003). Des équivalents de ce type de vases existent en Ille-et-Vilaine, dans la Sarthe (Maguer et al., 2003), et en Mayenne avec les « bols mayennais » qui présentent des bourrelets externes sur la lèvre (information orale de Jean-Philippe Bouvet). On en rencontre également en Loire-Atlantique, sur le site de Sandun à Guérande par exemple, au début de La Tène (Letterlé et al., 1990) ainsi que dans la phase datée de La Tène ancienne de Richebourg à Trémentines (Maine-et-Loire) (Pithon, 1999). O. Nillesse supposait une production régionale. Cette étude tend à valider cette hypothèse, et on peut même proposer qu'il s'agisse d'une alternative locale aux jattes à bord rentrant dont la Loire semble marquer une limite septentrionale. Notons toutefois qu'on rencontre ces céramiques jusqu' à Vernou-sur-Brenne (Indre-et-Loire), sur le site de la Butte aux Trésors (Maugard, 1977) et qu'elles coexistent avec des jattes à bord rentrant aux Pichelots (Les Alleuds, Maine-et-Loire) (Cornu, 1997). Les écuelles à profil en S qui constituent le type 3 sont présentes dans les mêmes proportions que le type 1. Les formes moyennes et basses semblent se répartir de manière égale (fig. 7). Si elles caractérisent les sites régionaux de La Tène moyenne et finale, elles ne permettent pas une distinction chronologique fine. Le seul profil complet (n° 3.1, fig. 6) présente un pied annulaire, et la très bonne représentation de ce type de pied (18,6 % des pieds inventoriés, soit la catégorie la mieux représentée après les fonds plats) rappelle celle constatée à la Croix-Boizard à Brion (Maine-et-Loire) (Barbier, 1995), dans un contexte daté du début de La Tène, même s'il ne semble pas s'agir d'un indice chronologique précis. Notons que plusieurs exemplaires présentent un décor de cordon, et que l'un d'entre eux porte une fine cannelure interne. Cinq jattes à profil en S présentent un col marqué par un décor de cordons multiples (type 3.4) qu'on peut rapprocher des céramiques bretonnes (Daire, 1992) plutôt que des formes rencontrées en Vendée et Maine-et-Loire où le col ne s'orne en général que d'un seul cordon (Nillesse, 2003). Le type 3.5, caractérisé par un épaulement haut, se rencontre dans beaucoup des contextes précédemment évoqués mais est présent en grand nombre sur le site des Pichelots (Les Alleuds, Maine-et-Loire). On rencontre des formes proches aux Natteries à Cholet (Maine-et-Loire) (Maguer, 2001). Les formes moyennes ouvertes de types 4.1 et 4.2, à profil en S peu marqué, ne semblent pas trouver d'exact équivalent régional. Le type 4.3, à col éversé ou très légèrement concave et représenté ici par six individus, ne se rencontre pas dans les contextes de La Tène finale, le seul équivalent que nous ayons trouvé nous renvoyant encore une fois aux phases anciennes de Richebourg (Trémentines, Maine-et-Loire). La forme 4.4 n'est présente que dans la fosse 151; elle existe à l'Alleu (Bouvet, 1987) à la fin du premier âge du Fer (Saint-Hilaire-Saint-Florent, Maine-et-Loire). Les trois vases ‘ tulipiformes ' de type 5 trouvent de bons équivalents sur le site du Clos-Flaubert à Guérande (Loire-Atlantique) (Pirault, 1996), soit à la fin de La Tène moyenne, ainsi qu' à Richebourg (Trémentines, Maine-et-loire) et à Villejames (Guérande, Loire-Atlantique) où ils sont datés, avec plus d'incertitude, de La Tène finale (Devals, 1996). Les vases à profil en S marqué et à carène haute de type 6 pourraient trouver des équivalents tournés à Richebourg (Trémentines, Maine-et-Loire), alors qu'aux Chaloignes ils sont modelés et grossiers. Mais ce sont les formes hautes (types 7 à 9) qui constituent le gros du corpus étudié avec presque la moitié des formes identifiées (133 vases). Des différences existent entre la fosse 146 où les vases hauts représentent 52 % des formes identifiées, contre seulement 44 % dans le creusement 151. Parmi les formes hautes, on note la prédominance des pots ovoïdes de type 7 (74 %) dont la majorité présente une lèvre arrondie et un col éversé, celui -ci pouvant parfois l' être exagérément (type 7.2). Les pots de type 8, ornés d'un gros cordon sur un haut col et de cannelures sur la panse, évoquent des formes de La Tène moyenne qu'on trouve en Bretagne, en particulier pour les lèvres à cannelure interne du type 8.1 (information orale d'Yves Ménez), et dans la Sarthe, à la Gaudine à Vivoin (Maguer et al., 2003) au début du deuxième âge du Fer. Les pots étroits à profil en S (type 9), avec un épaulement très marqué pour le type 9.2, ne semblent pas trouver d'équivalents régionaux. Si l'on excepte un fragment isolé dans la fosse 146, le type 9.1 n'existe que dans la structure 151 où, aditionné aux vases de type 9.2, il représente 8 % du corpus. Les vases modelés ubiquistes de type 10.1 rappellent les vases modelés de l'Alnais à Fay-de-Bretagne (Loire-Atlantique). Les quatre microvases du type 10.2 se rattachent à des exemplaires connus en Bretagne, plus qu'aux exemplaires trouvés à la Glannerie (Athée, Mayenne) ou à Richebourg (Trémentines, Maine-et-Loire). Ils ressemblent trait pour trait à ceux trouvés sur le site du Pouilladou à Prat dans les Côtes-d'Armor (Daire, 2002), site daté de La Tène ancienne. En règle générale, il semble qu'on retrouve ce type de très petits vases modelés autour du doigt et cuits grossièrement dans des contextes plutôt anciens. Ici, ils n'apparaissent que dans la fosse 146 (fig. 7). Enfin on trouve deux formes exceptionnelles, chacune représentée par un unique exemplaire trouvé dans le ‘ fait 146 ', les types 11 et 12. Ce dernier se retrouve également à l'Alnais (Fay-de-Bretagne, Loire-Atlantique). Deux éléments remarquables ont été retrouvés dans la fosse 151. Il s'agit d'un élément de préhension d'argile pure (cf. infra, fig. 18 n° 38) difficile à caractériser, et d'un fond de passoire ou de faisselle (ibid., n° 39). Ce dernier type d'objet se multiplie dans les contextes d'habitat à partir de la fin de La Tène moyenne (Adam, 2002) mais reste rare dans l'ouest de la Gaule (Daire, 2002). L'exemplaire des Chaloignes présente la particularité d'avoir été percé avant cuisson, se rapprochant ainsi d'un autre trouvé à Paule (Côtes-d'Armor) ou encore de la passoire de Brion (Maine-et-Loire), sans qu'il y ait de commune mesure avec la finesse de la réalisation et du décor de cette dernière (Barbier, 1995). À Levroux (Indre), les passoires en céramique à fond plat se rapprochant des formes de type 1.1 des Chaloignes sont datées de La Tène C2 (Adam, 2002). Il existe une passoire aménagée dans le fond d'un vase, après la cuisson, sur le site contemporain de la Bleure à Cholet (Sandoz, 1999). La typologie des bords (fig. 8) permet d'étoffer celle des formes et apporte des indications supplémentaires (cf. Ménez, 1996). Nous avons tenté d'éviter la redondance d'informations entre les deux typologies même si celle -ci est parfois inévitable. – Le bord de type 1 à lèvre sortante à méplat horizontal, pourrait correspondre à une variation de la forme 1. Les bords de type 2 sont très bien représentés dans le fait 146 (huit de type 2.1 et quatorze de type 2.2), alors qu'il n'existe qu'un exemplaire de type 2.1 dans la fosse 151. Ce type de bord pourrait se rapprocher des formes retrouvées en grand nombre dans des sites comme Bellevue à Augan (Morbihan) et qui semblent constituer un poncif des ensembles bretons du iii e au i er siècle avant notre ère (Hinguant et al., 1997). – Parmi les bords de type 3, la série 3.1 se distingue par ses dimensions réduites avec un diamètre moyen à l'ouverture de 10 cm. Les bords de type 3.3 présentent des cannelures labiales internes relativement larges (0,30 cm en moyenne). Ce trait est récurrent en Bretagne où la largeur de la cannelure semble constituer un bon critère de datation, diminuant au fil du temps (Daire, 1992; Le Goff [dir. ], 1998). Parmi les seize individus retrouvés (soit 4,5 % du NMI), onze l'ont été dans la fosse 146 contre un seul dans la 151. Le bord 3.4 se différencie par un col court et très éversé. On en retrouve aux Humelles à Mûrs-Erigné (Maine-et-Loire) à l'extrême fin de La Tène (Le Goff 1999), ainsi qu' à Villejames à Guérande (Loire-Atlantique) pour la même période (Devals, 1996) ou aux Morélaines à La Baule, en Loire-Atlantique (Boyer, 1985), à La Tène moyenne. – Le type 4 présente un col droit très haut (type 4.1) ou au contraire très court (type 4.2). Il semble que, dans la région, on trouve ce type de col sur des vases ovoïdes durant tout le second âge du Fer, autant sur le site de la Croix-Boizard à Brion (Maine-et-Loire) (Barbier, 1995) que dans des contextes très tardifs comme celui du château d'Angers (Maine-et-Loire) (Bouvet et al., 2003a). Les exemplaires les plus anciens, plutôt de type 4.2, sont ornés d'impressions digitées ou d'incisions sur la panse et/ou sur la lèvre, tout comme un exemplaire du site des Chaloignes (cf. infra, fig. 17 n° 38). On ne retrouve le type 4.2 que dans la fosse 146. Le type 5 est quant à lui assez ubiquiste. Le répertoire décoratif (fig. 9) est assez important puisqu'on relève 88 décors, dont 47 peuvent se rattacher à une forme identifiée. La quantité des ornements masque toutefois la pauvreté des techniques ornementales. En effet on trouve des cordons appliqués, des cannelures, des stries sommitales, des décors peignés, des incisions et des digitations (sur la panse et sur le sommet de la lèvre). Avec 23 exemplaires, les cordons appliqués seuls sont majoritaires. Ils ornent aussi bien les formes basses et moyennes (écuelles à profil en S) que les formes hautes. Si on ajoute les cordons associés à des cannelures sur la panse et/ou à des stries, on arrive à un total de vingt-sept individus. Les stries et/ou cannelures (fig. 9 n° 2) sont au nombre de quatorze, dont cinq associés à des jattes de type 3.3. Tous ces décors, qui constituent 46,5 % du répertoire ornemental, sont favorisés par un montage au tour. Il en va de même des stries ornant le sommet de la lèvre, qu'on trouve sur douze vases, tous de forme basse ou moyenne. Sur ces mêmes formes, les stries sommitales sont parfois remplacées par des digitations (neuf exemplaires). Le décor digité sur le dessus de la lèvre « est fréquent durant tout le premier âge du Fer et semble perdurer au moins jusqu' à La Tène ancienne » (Ménez, 1996). Ici, ce type de digitation est associé, sur un bord de type 4.2, à un décor digité sur la panse (cf. infra, fig. 17 n° 38). Les cinq autres exemplaires de décors digités sur la panse ne sont malheureusement pas rattachables à des formes mais développent tous le même motif en ligne (fig. 9 n° 3 et 4). Ce type de décor est majoritaire sur les céramiques grossières de la Croix-Boizard à Brion (Maine-et-Loire) (Barbier, 1995). Au Clouët à Carquefou (Loire-Atlantique), ce type de décor se rencontre uniquement dans la phase ancienne du site (iii e siècle) : Le Goff (dir.), 1998. Le reste des décors (soit 23 % du total) est incisé. Le motif majoritaire est celui de chevrons, toujours soulignés par un trait, lui aussi incisé (fig. 9 n° 5 à 7). Les chevrons sont en général à double trait mais un tesson en présente trois et un autre quatre. Le site de Brion fournit là encore quelques équivalents, montrant la même imprécision géométrique mais ornant uniquement les céramiques fines (Barbier, 1995). Un motif revenant à six reprises aux Chaloignes est celui d'incisions parallèles obliques et horizontales associées (fig. 9 n° 8). Enfin on notera quelques décors originaux et isolés. L'un associe un cordon à des incisions obliques (fig. 9 n° 9), un autre deux incisions courbes superposées (fig. 9 n° 10). Un autre encore, sur une écuelle à profil en S, montre des incisions obliques parallèles entre deux lignes (cf. infra, fig. 17 n° 19). Sur le site de la Glannerie à Athée (Mayenne), J.-C. Meuret attribue les décors incisés, associés comme ici à des vases à décor digité, au v e et iv e siècle (Meuret, 1998). On notera aussi l'absence de tout décor estampé. Le peignage est quant à lui soupçonné sur certains vases, mais le mauvais état de conservation empêche d'affirmer l'existence de cette pratique de manière certaine. Au vu de cette étude, le mobilier céramique apparaît donc comme relativement homogène dans sa datation. La chronologie proposée s'étale de La Tène moyenne au début de La Tène finale. On peut même la situer plus précisément entre le iii e et la fin du ii e siècle av. J.-C., notamment de par les fortes similitudes constatées avec certains lots du site de la Croix-Boizard à Brion (Maine-et-Loire), avec la phase ancienne de Richebourg à Trémentines (Maine-et-Loire) ou encore avec les sites de la presqu'île guérandaise. Une chronologie plus fine et plus tardive semble pouvoir être avancée pour la fosse 151, vraisemblablement autour du début du ii e siècle av. J.-C. (meilleure représentation des céramiques fines de type 3.1, présence en nombre des céramiques ‘ importées ' du type de celles des Pichelots, part des céramiques tournées ou encore absence de décor digité). La céramique de la zone d'habitat (fig. 10) trouve des comparaisons avec le mobilier le plus ancien du ‘ fait 18 ', à travers les digitations sommitales ou encore par la présence d'une lèvre à cannelure interne (fig. 10 n° 4) dont on connaît des exemplaires assez similaires datés du iii e siècle au Boisanne, à Plouër-sur-Rance (Ménez, 1996). Un décor d'arceaux et d'esses estampés (fig. 10 n° 1) nous renvoie clairement aux décors des iv e et iii e siècles (Ménez, 1996). À l'inverse, on ne trouve aucun élément pouvant renvoyer à La Tène finale, ce que l'origine des tessons (essentiellement les tranchées de fondation du bâtiment principal) peut expliquer. Au-delà de la chrono-typologie, il nous a semblé intéressant de tenter de dégager les caractéristiques techniques de production de la céramique afin d'en dégager différents groupes liés aux questions d'ordre fonctionnel, commercial et culturel. Les observations ont été faites à l' œil nu, l'identification des argiles ayant pu être précisée grâce à Guirrec Querré que nous remercions pour les observations réalisées à la loupe binoculaire. Ainsi deux grands types d'argiles ont pu être clairement distingués. – Le premier se caractérise par des pâtes aérées contenant des micaschistes et des feldspaths indiquant une argile détritique issue de roches cristallines de type granitique. C'est le type d'argile qu'on rencontre couramment dans le Massif armoricain, notamment aux alentours immédiats du site, et qui représente la plus grosse part de notre corpus (près de 75 %). – L'autre argile, marneuse, donne des pâtes denses et fermées, de couleur plus claire que les précédentes; elle provient de bassins sédimentaires. À proximité du site des Chaloignes, on trouve les formations calcaires nécessaires à la formation de ces argiles, aussi bien en Anjou oriental que dans le sud de la Vendée. Une dichotomie existe également dans le dégraissant employé. Si le quartz semble prédominant (il est employé dans 90 % des tessons), nous avons pu identifier l'utilisation, complémentaire ou exclusive, de chamotte; celle -ci est utilisée justement de manière préférentielle pour dégraisser les argiles très fines. Le quartz présente souvent un aspect roulé faisant penser à du sable de rivière et est parfois employé, dans les céramiques communes ou grossières, en très grande quantité. On peut noter qu'un vase présente des nodules de schiste ardoisier. Le classement des inclusions permet de définir les types de céramique : fine, commune et grossière (fig. 11). La céramique fine, caractérisée par des nodules de moins de 0,5 mm, représente 18 % de l'ensemble contre 33,5 % de céramique grossière (inclusions de plus de 2,5 mm). Le mode de montage n'a pu être déterminé avec sûreté que sur une centaine d'individus. 51 % présentent des traces pouvant être attribuées à l'utilisation d'un tour rapide, contre 49 % de céramiques modelées. Ce pourcentage n'est toutefois peut-être pas représentatif de l'ensemble. De surcroît, il est établi surtout à partir des lèvres, ce qui est problématique dans la mesure où on sait que le recours au tour a pu ne concerner que le col, le reste de la poterie étant modelé, de même qu'on peut supposer l'utilisation de tour lent. Ce pourcentage marque tout de même l'importance du tour rapide à une date relativement ancienne. Les surfaces ont parfois énormément souffert de leur conservation en milieu humide, dans un sol d'une grande acidité en raison de la décomposition des schistes. L'étude des finitions de surface s'est donc quelquefois révélée délicate. Ainsi on ne compte que 21 tessons lustrés, ce qui est bien peu, sauf à considérer que ce traitement, très fragile, disparaît vite dans de mauvaises conditions. Il en va de même des engobes, reconnus (ou supposés) sur dix tessons seulement. Toutefois les surfaces extérieures sont rarement laissées brutes (10 %), et la majorité d'entre elles ont fait l'objet d'un lissage. Il s'agit soit d'un lissage stricto sensu destiné à obtenir une surface unie et mate (Balfet et al., 2000), soit de ce qu'il faut plutôt qualifier de brossage puisqu'il est pratiqué avec un matériau à la fois souple et cependant assez solide pour laisser des stries visibles (fig. 12 n° 30) et qui se distingue nettement des décors peignés dont on ne connaît que deux exemplaires aux Chaloignes. On pense à un brossage par végétaux (ou au crin), traitement qui a aussi été appliqué à l'intérieur des vases. On peut donc déterminer plusieurs fabriques, plusieurs ateliers (au sens purement céramologique du terme) à l'origine du lot des Chaloignes. Ces fabriques sont déterminées à partir des observations réalisées tant sur les pâtes que sur les modes de montage et le traitement des surfaces, qui différencient plusieurs chaînes de production. Il est d'autant plus intéressant de pouvoir les rattacher à des formes. Le premier groupe est constitué des céramiques modelées comme le type 6, aux couleurs de surface très variables, à base d'argile détritique qui ferait envisager une fabrication locale ayant pu exploiter les filons de quartz comme dégraissant, ou tout au moins régionale (puisque ces argiles sont caractéristiques du Massif armoricain). Il en va de même des céramiques tournées utilisant la même argile dégraissée au quartz. Concernant presque toutes les formes des céramiques communes et fines (à l'exception de quelques formes hautes), ces productions représentent 40 % du corpus étudié. La même pâte est encore utilisée pour les productions fines de couleur très sombre et uniforme rattachables aux formes 1, 2 et 3 mais qu'on distingue toutefois par leur finesse. Les céramiques de couleur rouge ou orange (résultant d'une cuisson oxydante) ne se distinguent du reste du corpus que par le mode de cuisson. On peut donc leur supposer une provenance commune. Le choix d'une cuisson différente semble motivé par la destination des vases puisque les formes concernées sont essentiellement des pots et des jarres. On retrouve l'essentiel des lèvres à cannelure interne dans ce groupe. Cela tend à supposer une fabrication locale et donc une adoption locale de ce trait, à l'inverse de ce qu'on avait pu supposer (Daire, 1992) avant que les récentes études ne montrent que la cannelure labiale se retrouve, certes en Bretagne occidentale, mais aussi dans sa partie est et dans toute sa périphérie. Toutes les céramiques que nous venons d'évoquer, en plus de leur argile et du dégraissant, présentent le point commun d'avoir été en majorité lissées. Enfin, on peut isoler le groupe des céramiques fines produites à partir des argiles sédimentaires. Celles -ci se classent exclusivement dans le type 3, celui -là même dont on retrouve les meilleurs équivalents aux Pichelots (Les Alleuds, Maine-et-Loire). On peut donc supposer une importation depuis l'est du Maine-et-Loire. Une provenance extérieure est également supposée pour la seule poterie dégraissée au schiste ardoisier, caractéristique des formations d'Angers. L'une des originalités du corpus mobilier des Chaloignes est de présenter un matériel associé varié relativement abondant au regard des contextes régionaux comportant certains éléments dits ‘ de prestige '. Il permet d'étayer la chronologie mais aussi de préciser la destination des fosses. Des fragments ont été retrouvés dans les fosses 146 et 151, parmi lesquels des parties de plaques foyères, artefacts qui semblent caractériser les habitats de l' âge du Fer de l'est du Massif armoricain (Le Goff, 2003) et de ses marges (Maguer et al., 2003) Trois fragments de bracelets en lignite ont été découverts (Le Nagard, 2005), deux dans la fosse 146 et un dans la 151. Ils correspondent à des joncs lisses, l'un étant de section circulaire et les deux autres de section ovalaire (fig. 12). Parmi ces derniers, l'un se distingue des autres exemplaires laténiens recensés dans l'Ouest (Bretagne – Pays de la Loire) par son important diamètre interne (100 mm au lieu de l'intervalle 50-74 habituellement constaté). Les bracelets en lignite sont de mauvais marqueurs chronologiques au sein du second âge du Fer puisqu'ils ne connaissent pas d'évolution notoire si ce n'est le développement du tournage à La Tène moyenne (Le Nagard, 2005), technique qui semble avoir été employée ici. Des éléments de verre ont également été mis au jour. Il s'agit de deux perles annulaires, d'une bille, d'un jeton et d'un fragment de bracelet (fig. 13). À l'exception de ce dernier qui provient du creusement 149, tous les autres artefacts en verre proviennent de la fosse 146. Les perles annulaires apportent peu d'informations. Leur datation même est problématique (Gebhart, 1989c). La bille est originale et ne relève pas d'un type d'objet connu et daté. Faite d'une pâte jaune, elle est ornée de stries noires en spirale. Le jeton peut s'assimiler, par son bombement et sa taille, à une pièce de jeu. Il est fait d'une pâte de verre bleue spiralée de blanc. Aucun autre jeton de jeu de cette matière n'est pour l'heure recensé dans l'Ouest à notre connaissance. On trouve de telles pièces, toutefois moins travaillées, dans les sépultures aristocratiques britanniques de la fin de l' âge du Fer, à Welwyn Garden City (Harding, 1974) et dans la tombe dite ‘ du docteur ' à Stanway (Crummy, 2002). Si ce type de pièce ne fait l'objet d'aucune typologie, pour R. Gebhart (1989c), « le bleu strié de blanc ou de jaune n'apparaît qu' à La Tène C1 ». Le fragment de bracelet bleu avec filets de jaune rapportés appartient en revanche à un type bien connu, la série 12 de Gebhart, soit le groupe 8b d'Havernick (Gebhart, 1989b). Cette série est datée précisément de La Tène C1b, soit dans la première moitié du iii e siècle av. J.-C. C'est dans la fosse 146 qu'ont été retrouvés les onze éléments en métal, dont deux en bronze. Nous n'aborderons ici que les trois fragments de fibules, les autres éléments n'étant pas identifiables. Ces fibules, encore dans leur gangue d'oxyde, ont juste fait l'objet d'une stabilisation et leur identification ne repose donc que sur les radiographies (fig. 14), ce qui n'est guère aisé. Elles sont, au moins pour deux d'entre elles, du schéma dit de La Tène II avec un arc très courbé et un ressort à deux fois deux spires. Il devait exister un retour sur l'arc, certainement brisé. Ces fibules peuvent s'assimiler au type 1b ou 1c de Feurs (Vaginay et Guichard, 1988), daté de La Tène moyenne. La présence de nombreux éléments lithiques a été signalée dans la fosse 146. Si les nombreuses pièces de silex peuvent provenir des niveaux d'occupations antérieurs détruits ou remaniés (sans qu'on puisse exclure l'existence d'un outillage lithique à l' âge du Fer, à plus forte raison sur un site où ce matériau devait abonder), une dalle de schiste trouvée dans l'US 34.16 a plus particulièrement retenu notre attention. é paisse d'un centimètre, elle est gravée de deux courbes peu profondes faites avec un outil, peut-être de type burin au vu de la régularité du creusement (fig. 15). Une telle pièce ne trouve pas d'équivalent à notre connaissance et la seule hypothèse qui puisse être avancée est celle d'un moule (dont la destination cependant reste problématique, notamment au regard du diamètre très important du cercle), ou encore celle d'une pièce de travail d'usage inconnu. De nombreux restes osseux d'animaux, 301 au total, ont été découverts, répartis entre les fosses 151 (155 exemplaires) et 146 (117 restes), en plus des 28 trouvés hors stratigraphie. G. Auxiette a pu en identifier 188 au niveau de l'espèce (Marchand, 2000). Les taxons domestiques y sont largement majoritaires avec une prédominance du bœuf (45 %), ce qui ne surprend pas sur les sites ruraux de l'Ouest (Baudry, 2005). Le porc représente 20 % de l'ensemble, contre 30 % de caprinés, 2,1 % de cheval et 0,5 % de chien (soit 1 os identifié). Cet ensemble est complété par deux espèces sauvages, le cerf (1 os soit 0,5 %) et le sanglier (1,6 %). La présence de sanglier est intéressante car il semble qu'elle soit souvent associée aux habitats de rang social élevé (Baudry, 2005), résultat d'une activité cynégétique aristocratique (Méniel, 2002). La répartition des espèces par structure n'a pas été faite par manque de temps, mais en plus de la différence quantitative, on note, autour du thorax humain (cf. infra) la présence d'un crâne de bœuf et d'un demi-crâne de porc. Enfin, si la majorité des restes fauniques se présentaient sous la forme d'os frais, G. Auxiette a relevé quelques os brûlés dans la fosse 151. C'est au fond de celle -ci qu'a été découvert un thorax humain en connexion anatomique (fig. 16). G. Auxiette a relevé que « la cage thoracique humaine montre que l'inhumé est en décubitus dorsal; le basculement des côtes laisse présumer de son enterrement en espace confiné et suppose l'existence d'une superstructure (…) initiale qui a permis une décomposition en espace libre » (in Marchand, 2000, p. 255). Si le crâne ou d'autres parties du corps avaient été inhumés, ils auraient été conservés, puisque bien plus résistants que les côtes et les vertèbres. Il y a donc tout lieu de penser que le tronc a été placé seul dans une fosse aménagée à cet effet et peut-être coiffée d'un couvercle. Dans la partie supérieure de la fosse 151 on a aussi découvert une côte et trois fragments de radius humains. L'un aurait été brûlé et un autre présente, dans la partie distale de la diaphyse, des petites traces de découpe qui évoquent le sectionnement de la main (Marchand, 2000). La fosse 146 présente un ensemble mobilier très nettement dominé par la céramique. Celle -ci se caractérise par la part importante des formes hautes. Les formes présentes appartiennent à des vases à usage domestique (stockage et vaisselle de table). La fragmentation importante de l'ensemble céramique est caractéristique des contextes d'habitat, de même que l'état d'usure avancée des tessons. Il y a donc tout lieu de penser que la fosse 146 a eu une fonction de dépotoir. L'étude céramologique montre une utilisation sur plusieurs dizaines d'années, entre les iii e et ii e siècles, soit certainement pendant toute la durée de vie de l'habitat dont on ne connaît en l'occurrence que la date de fondation dans le courant du iii e siècle. Le reste du mobilier (faune, verre, lignite et métal) participe très certainement du même processus de rejet domestique puisqu'on n'y relève aucune pratique spécifique, même si l'assemblage très particulier invite à la plus grande prudence. Les mêmes questions se posent quant à l'usage des petites fosses adjacentes telles que le ‘ fait 149 ' renfermant le fragment de bracelet de verre. La structure 148 est encore plus délicate à interpréter (fig. 5), d'autant qu'une autre fosse du site renfermait une céramique posée sur le fond. Sur un site proche, Hélouine à Marcé (Maine-et-Loire), des trous de poteaux ont été réaménagés pour accueillir des dépôts d'objets métalliques dans des céramiques (Nillesse, 2003). La structure 151 contenait un ensemble céramique plutôt destiné au service (jattes et écuelles), composé de vases plus soignés, dont une bonne part a été importée, se différenciant de la céramique locale. Ce dépôt intervient de surcroît à une date plus récente que les débuts de l'installation de l'habitat. Le remontage a été possible entre les différentes US repérées à la fouille, montrant la contemporanéité du remplissage. La fragmentation est d'ailleurs bien inférieure à celle du ‘ fait 146 '. Bien que l'hypothèse ait été avancée (Marchand, 2000), il semble très improbable qu'il s'agisse d'une sépulture au sens premier du terme, même perturbée, et l'abondance des céramiques n'est pas le moindre des arguments. Le dépôt de crânes d'animaux autour du thorax humain dans la fosse 151 de cet ensemble est tout aussi révélateur car « les têtes (de porc) sont rares dans les tombes » (Baray, 2003). Les crânes de porc ou de bœuf sont en revanche courants dans les sanctuaires et dans les fossés de délimitation des établissements ruraux où ils revêtent un caractère indéniablement symbolique (Auxiette, 2000), particulièrement en Picardie, dans le Bassin parisien et en Normandie (Malrain et al., 2002a). De surcroît, la présence, dans les couches supérieures, de radius et de côtes n'est pas anodine; la découpe et le dépôt d'os longs humains sont des gestes bien identifiés dans les sanctuaires, en Gaule Belgique notamment (Brunaux, 1986). On peut donc supposer qu'on soit ici face à un cas de dépôt rituel, de plus en plus fréquemment relevé à la périphérie des habitats ruraux : « Les ossements humains en contexte d'habitat correspondent à des dépôts de corps dans des fosses dépotoirs ou dans des silos, ou à des pièces osseuses isolées rejetées dans des fosses » (Malrain et al., 2002a). La question des défunts dans les silos et les fosses est depuis longtemps débattue et il semble bien qu'il faille abandonner la notion de ‘ sépultures de relégation ' au profit du concept plus complexe d' ‘ inhumations-offrandes ' (Delattre, 2000), où la manipulation complexe des cadavres s'accompagne du dépôt de mobilier. De telles pratiques de dépôt sont de plus en plus souvent mises en lumière sur les sites ruraux de l'Ouest (Bouvet et al., 2003b), même si le dépôt de restes humains était jusqu'alors inconnu dans le nord-ouest de la Gaule, si ce n'est sur le site de la Croix-Boizard à Brion (Maine-et-Loire) où un fragment de calotte crânienne aurait été trouvée au fond d'une fosse-silo (Barbier, 1996). De même, aux Pichelots (Les Alleuds, Maine-et-Loire), un crâne aurait été déposé au fond d'un puits (étude en cours de l'auteur). Le sens que peut revêtir cette pratique dans la ritualisation de la vie sociale est très délicat à cerner. Tout au plus peut-on supposer que la présence de porc et de bœuf symboliserait la fertilité (Baray, 2003) dans une structure à valeur chtonienne où « l' être humain mort semble être le meilleur intercesseur entre les dieux et les hommes » (Delattre, 2000). On peut aussi s'interroger sur le statut du site au regard du mobilier découvert aux Chaloignes. Ainsi, la présence de plusieurs fragments de parures en lignite n'est pas extrêmement fréquente sur les habitats de l' âge du Fer, particulièrement dans l'Ouest. On ne sait cependant pas s'ils proviennent d'ateliers étrangers comme ceux d'Angleterre (Le Nagard, 2005), ou bien de gisements régionaux comme ceux qui existent dans le Maine-et-Loire mais dont on ignore s'ils ont été exploités. Le bracelet de verre, issu indubitablement d'une fabrique spécialisée, pourrait provenir d'Allemagne, bien qu'il existe d'autres ateliers potentiels, notamment dans le sud de l'Angleterre (Venclovà, 1990). Les autres éléments en pâte de verre proviennent aussi d'ateliers spécialisés. Le probable jeton de jeu est intéressant compte tenu des contextes traditionnels funéraires et aristocratiques de découverte en Angleterre. Il pourrait témoigner de loisirs aristocratiques, tout comme la présence de restes de sanglier et de cerf. La céramique est plus difficile à analyser en ce sens puisque, si les décors, qui sont parfois révélateurs des sites aristocratiques (Malrain et al., 2002b), sont assez frustes aux Chaloignes, on note tout de même l'importance des finitions de surface (90 %) et l'existence de caractères particuliers comme la part des céramiques à cannelure labiale interne, plutôt inhabituelle dans la région. Bien qu'il faille rester prudent au regard des contextes particuliers de découverte du mobilier, celui -ci semble témoigner d'un niveau de vie supérieur à celui d'un ‘ simple ' établissement rural. L'une des hypothèses qui pourrait être avancée pour expliquer cette relative richesse est la présence des fosses remplies de quartz brûlé. La région voisine des Mauges est en effet connue pour ses filons aurifères exploités avec certitude à l'époque gallo-romaine, et vraisemblablement déjà à l' âge du Fer (Levillayer, 2003). Or il paraît possible que les fosses correspondent à un grillage du minerai, pratiqué pour extraire l'or. Il est cependant trop tôt pour l'affirmer puisqu'aucune analyse de ces quartz n'a été entreprise afin de déterminer s'ils sont ou non aurifères et s'ils ont été exploités en ce sens. Le mobilier des Chaloignes est donc particulièrement intéressant, d'abord parce qu'il pourrait révéler des pratiques jusqu'alors méconnues dans l'Ouest, ensuite parce qu'il éclaire d'un jour nouveau nos connaissances sur les faciès culturels régionaux. Intrinsèquement, la céramique définit une chronologie assez homogène s'intégrant dans les grands schémas régionaux, le site fonctionnant du iii e au ii e siècle avant notre ère. Toutefois, un faciès particulier semble se dessiner autour de ce site et de quelques-uns de ses voisins, faciès qui se différencie par exemple des ensembles céramiques proches des Mauges (Levillayer, 2003; Maguer, 2001). Les formes témoignent de différentes influences qui rendent le lot hétérogène à l'échelle du seul site, ce qui est assez inhabituel. Les ressemblances avec les ensembles bretons (et en particulier ceux de haute Bretagne) sont importantes mais ne doivent pas être surévaluées par rapport notamment à l'existence de points communs avec les franges orientales du Massif armoricain (Mayenne) et avec celle d'un probable ‘ axe ligérien ' important. On peut d'ailleurs s'interroger sur une évolution chronologique de ces influences. En effet, on peut supposer que jusqu' à la fin de La Tène moyenne, le site soit sous influence de l'ouest (Bretagne) avant de s'en détacher au ii e siècle (ici représenté par le mobilier de la fosse 151), période où les influences ligériennes deviendraient prépondérantes et où pourrait se développer un ‘ faciès ligérien indépendant'. Ce tournant semble devoir se vérifier de plus en plus dans les ensembles périphériques du Massif armoricain (Bouvet et Le Goff, 1999). La question se pose toutefois de la représentativité de cet ensemble au vu du statut particulier du site et des pratiques rituelles qui y existent. Ce problème ne pourra être résolu que par l'introduction de cette étude dans un cadre géographique et chronologique plus large. C'est le travail mené actuellement où ces régions ne sont plus considérées comme des zones de transition, voire de confins, mais comme une entité propre englobant la partie orientale du Massif armoricain où l'on perçoit de plus en plus des cultures matérielles originales . | Un ensemble complexe et énigmatique de creusements à proximité d'un établissement rural de l'âge du Fer aux Chaloignes (Mozé-sur-Louet) a livré un lot important de céramiques associées à d'autres mobiliers dont certains dits 'de prestige. Bien que fragmenté et hétérogène, ce mobilier permet une datation de l'occupation et ouvre de nouvelles perspectives quant à la définition des horizons de l'âge du Fer des marges méridionales du Massif armoricain. Mais l'étude de la céramique et du mobilier associé, plus qu'un simple instrument de datation, se propose d'aborder le statut du site où existent des pratiques de dépôt encore mal définies et d'ouvrir une réflexion d'ordre culturel dans une région, dans la partie aval de la Loire, où se mêlent diverses influences. | archeologie_08-0169230_tei_177.xml |
termith-180-archeologie | C'est au cours de l'étude pétrographique et paléontologique des silex du gisement de Pégourié (Caniac-du-Causse, Lot), fouillé de 1967 à 1988, que nous a été révélée la présence d'un fossile réputé inexistant dans la partie septentrionale du Bassin d'Aquitaine. Il s'agissait de Lepidorbitoides genre ne s'étant développé que pendant la phase terminale du Maastrichtien. A la même époque, en 1988, nous avions retrouvé le même foraminifère dans une collection de silex provenant du gisement de Beauregard (Mazères, Gironde). Dans ce site de plein air attribué au Badegoulien (Lenoir et al. 1991, 1997), 174 pièces lithiques furent étudiées et 122 d'entre elles furent classées dans la catégorie des silex à Lepidorbitoides. La quête de la localisation des formations géologiques ayant pu contenir ce type de silex nous a conduits d'abord à nous intéresser aux affleurements de faible extension qui existent dans la partie centrale du Bassin d'Aquitaine (fig. 1). La zone anticlinale de Villagrains-Landiras (Gironde), relativement proche de Mazères, fut prospectée la première. Nous avons pu y prélever des silex du Crétacé supérieur mais probablement d'un âge différent (Maastrichtien inférieur ou Campanien) (Blanc 1973). Ils présentent une texture et un contenu faunistique assez proches de ceux de certains silex de la région de Dax (Séronie-Vivien M. 1994) ce qui dénote une formation dans un paléo-environnement différent de celui des silex à Lepidorbitoides. Progressant vers le sud, nous fûmes intéressés par le complexe anticlinal de Roquefort, Créon, Cézan-Lavardens, qui malheureusement ne présente que très peu d'affleurements sénoniens. Nous n'avons pas trouvé de silex dans la région de Roquefort où, d'ailleurs, il n'y est pas mentionné dans la littérature géologique. Les affleurements plus orientaux (Créon, Cézan) n'ont pas été prospectés en détail jusqu' à ce jour. Plus au sud, la région du vaste anticlinal d'Audignon (Landes) avait tout de suite retenu notre attention. En effet, dès 1985, l'occasion nous avait été donnée de reconnaître la présence de Lepidorbitoides dans des silex moustériens du gisement de Bouheben (Baigts, Landes), connu depuis au moins 1898 (Letailleur 1898), et dont des pièces sont conservées à l'Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire à Bordeaux, ainsi que sur quelques pointes solutréennes provenant de Montaut (Landes) et faisant partie de la collection Mascaraux possédée par la Société Linnéenne de Bordeaux (Mascaraux 1912). Une provenance très probable ayant été localisée, s'est alors posée la question de l'extension possible de cette source de matières premières, de sa caractérisation et, éventuellement, de distinguer des variétés locales qui pourraient permettre de circonscrire les aires potentielles d'approvisionnement pour l'homme préhistorique. Des levers géologiques en notre possession et surtout les travaux d'inventaire faits depuis 1984 (Normand 1986, 2002) ont été très précieux pour définir une première approche. Il nous paraît équitable de rappeler que c'est cet auteur qui pour la première fois a fait mention, de façon formelle, de foraminifères de grande taille dans les silex du Crétacé supérieur : « Pour la première fois des sections de protozoaires sont visibles au sein du silex » (à Arcet et à Caout, commune de Montaut, et Aux Camps à Horsarrieu). Par ailleurs, les études pétrographiques réalisées sur le gisement de l'abri Dufaure (Séronie-Vivien M. 1994) ont permis de préciser les caractéristiques de certains autres sites répertoriés par C. Normand. Enfin, une approche synthétique des gîtes de Chalosse est proposée en 1996 (Bon et al. 1996), mais elle se fonde sur une analyse essentiellement macroscopique des échantillons. De ces différentes sources d'information, il ressortait que la région de la Chalosse avait fourni des matières premières siliceuses, abondantes et de différentes compositions. Cette situation reflète la nature complexe de la géologie pré-pyrénéenne où se juxtaposent un vaste anticlinal à coeur crétacé inférieur auréolé de Crétacé supérieur (Audignon), ainsi qu'une séries d'accidents diapiriques avec un cœur triasique et une ceinture composée de lambeaux crétacés ne présentant en général que des séquences stratigraphiques tronquées (Tercis-Benesse et Bastenne-Gaujacq). Les informations dont nous disposions à l'époque nous conduisaient à conclure que c'était dans la région d'Audignon qu ' on connaissait un silex présentant beaucoup de similitude avec ceux découverts à Mazères. Toutefois une démarche scientifique rigoureuse exigeait que l'on n'écartât pas toute autre possibilité de provenance. C'est pourquoi, dès cette période (Lenoir et al. 1991/1997) nous énoncions la liste des régions aquitaines connues pour présenter des affleurements de calcaires maastrichtiens contenant des Lepidorbitoides et dans lesquels, a priori, il n'était pas exclu que des niveaux à silex existassent. Outre les localités déjà citées, cet inventaire soulignait le potentiel évident que représentait la zone du piémont pyrénéen connu sous le nom de « Petites Pyrénées ». Par ailleurs, les travaux de R. Simonnet (1981, 1985, 1996, 1999a, 1999b, 2003) sur les gîtes à silex du Maastrichtien de cette région n'écartaient pas formellement cette éventualité. Par contre, les recherches de S. Lacombe (1998, 1999) sur les gîtes des Petites Pyrénées restaient très discrètes sur ces questions. La présomption d'existence de silex à Lepidorbitoides dans cette région trouvait une première validation dans la découverte de ce fossile dans un échantillon dit du type Montsaunès-Ausseing, aimablement communiqué par R. Simonnet au cours de la réunion du Projet Collectif de Recherche d'Hasparren du 3-5 mai 2002 (Cazals 2002). La reconnaissance de la présence de Lepidorbitoides dans plusieurs gisements préhistoriques de la région Périgord-Quercy fut confirmée assez rapidement : à Pégourié (Caniac-du-Causse, Lot) dans l'Azilien (Séronie-Vivien M.R 1992) et le Badegoulien (Séronie-Vivien M.R. 1995) à Caminade dans l'Aurignacien (La Caneda, Dordogne) (Séronie-Vivien M.R. 2002) au Cloup de l'Aze (Quissac, Lot) (Séronie-Vivien M.R. 2002) au Piage dans l'Aurignacien (Fajoles, Lot) (Séronie-Vivien M.R. 2002; Le Brun-Ricalens, Séronie-Vivien 2004). L'intérêt de la découverte de ce nouveau marqueur paléontologique s'est avéré très stimulant pour de nombreux préhistoriens et, depuis le début de ce siècle, il est devenu systématique, dans les cercles archéologiques, de retrouver le plus souvent possible ce type de silex considérant comme acquis que sa dénomination de type « Chalosse » lui conférait une appellation d'origine exclusive sans qu'aucun argumentaire scientifique ne soit fourni. On retiendra ici les affirmations suivantes publiées récemment ex cathedra : « De notre point de vue, en reprenant les publications de ce dernier [R.Simnonet] et suite à de nombreux échanges à ce propos, cette proposition d'une provenance de silex du Maestrichtien supérieur contenant des lépidorbitoïdes depuis les gîtes pré-pyrénéens de la Haute Garonne ne semble pas pouvoir être retenue « (Chalard 2005) 1, ou encore : « Or pour le domaine pyrénéen, dans l'état actuel des publications, les gîtes de cet étage [Maastrichtien] ne sont signalés qu'en Chalosse et suspectés dans l'ouest de l'Armagnac (Gers) » (Colonge 2005). N'en est-on pas arrivé à considérer toute hypothèse d'une origine différente comme déplacée, voire même coupable ? Reprenant nos réflexions antérieures conditionnées par une démarche intellectuelle reposant sur le raisonnement fondamental des sciences naturelles, à savoir qu'il faut admette qu'aucune hypothèse ne peut être écartée sans avoir été analysée à fond, nous résumerons de la façon suivante les données en notre possession à ce jour sur le potentiel des ressources en matières premières siliceuses du Maastrichtien supérieur pyrénéen. - L'extension des formations calcaires maastrichtiennes à lépidorbitoïdidés est bien connue en Aquitaine méridionale. Elle se délimite entre : à l'ouest, en Chalosse, la région limitrophe aux communes de Donzacq, Bastennes et Baigts (diapir de Bastennes-Gaujacq), vers l'est, le flanc nord de l'anticlinal de Plagne (Bilotte 1985). Les affleurements actuels ne forment pas une bande continue mais ils se limitent d'une part aux accidents tectoniques de la Chalosse orientale et, d'autre part, aux chaînons calcaires dits des « Petites Pyrénées ». - Jusqu' à présent, seules les structures d'Audignon et, dans une moinde mesure, celle de Bastennes se sont avérées contenir des silex à Lepidorbitoides. - Les milieux de sédimentation des calcaires maastrichtiens supérieurs des Petites Pyrénées apparaissent comme ayant pu avoir été favorables à un développement de niveaux à silex. Malgré l'absence jusqu' à ce jour de découverte significative, les indices collectés (cf. supra) permettaient d'anticiper des développements intéressants et conduisaient à traiter avec beaucoup de prudence les essais d ' hypothétiques reconstructions des circulations de matières premières siliceuses au Paléolithique Supérieur. - Il est aussi utile de rappeler que des silex à Lepidorbitoides du Maastrichtien supérieur sont connus sur le versant sud des Pyrénées (Bassin de Tremp) (Bilotte 1985). - Une grande partie du hiatus topographique séparant les Petites Pyrénées de l'Aquitaine occidentale correspond aux épandages de clastiques post-pyrénéens composant le « cône du Lannemezan ». Non seulement ce recouvrement empêche de connaître l'extension vers l'ouest du Crétacé supérieur des Petites Pyrénées alors que l'on retrouve des affleurements de même nature au-delà du Plateau du Lannemezan (rides de Cézan, Créon, Roquefort), mais de plus la masse alluvionnaire transportée par les torrents pyrénéens peut contenir des matériaux arrachés à d'anciens affleurements crétacés aujourd'hui disparus ou recouverts. A notre connaissance, aucune recherche systématique n'a été entreprise sur ce thème mais il existe des indices permettant de valider cette hypothèse (Turq 2005). En résumé, on peut aujourd'hui dresser le bilan suivant : si on connaît deux sources distinctes de silex à Lepidorbitoides en Chalosse (Audignon et Bastennes), des potentialités existent pour que d'autres sources de silex de ce type restent à découvrir dans la zone d'affleurement du Maastrichtien supérieur des Petites Pyrénées, et dans les décharges clastiques provenant du démantèlement de la bordure pré-pyrénéenne qui forment une partie du Plateau de Lannemezan. C'est à partir de cet « état des lieux » que nous avons entrepris une étude micrographique des matériaux siliceux provenant des Petites Pyrénées et de la Chalosse. L'objectif était double : donner une diagnose la plus précise possible des sources connues, afin de les caractériser, de pouvoir distinguer aussi bien ces silex d'origine déjà connue que ceux ayant pu provenir d'autres localités encore non précisées. analyser des silex collectés dans les Petites Pyrénées pour savoir s'ils peuvent avoir une provenance du Maastrichtien supérieur et, en même temps, établir des diagnoses pour ces différents types de roche. C'est ainsi que, par examen exoscopique, nous avons analysé 186 échantillons (Audignon : 36, Bastennes : 13, Tarté : 107, Montsaunès : 30). Les résultats obtenus sont comparés et complétés par les descriptions, ou caractérisations, antérieurement publiées. L'échantillonnage a été obtenu après un tri opéré sur les déblais des anciennes fouilles de la grotte de Tarté, recueillis par plusieurs préhistoriens (Méroc, Mothe, Clottes). Ces collections sont conservées au dépôt du Service Régional de l'Archéologie de Midi-Pyrénées. D'après les maigres informations scientifiques qui nous soient parvenues de ce site « martyr » des Pyrénées centrales, son remplissage était constitué d'un premier ensemble stratigraphique gravettien et d'un second ensemble aurignacien sous-jacent; il se peut qu' à la base, au contact du bed-rock, il y ait eu aussi des occupations moustériennes (Bouyssonie 1939; Béros-Gratacos 1974; Foucher 2004). L'ensemble de l'échantillon a été constitué à partir d'un silex qui nous paraissait homogène et qui a retenu notre attention par la présence en son sein de cortèges fossilifères particuliers (Orbitoïdes, Lepidorbitoïdes, etc.). Les supports techniques tirés de ce type de matière première sont très variés puisqu'ils appartiennent à toutes les phases de la chaîne opératoire de débitage (rognon testé, nucléus, éclat de débitage, lame, outil). Ce silex semble avoir été débité en quantité importante au sein du gisement; on peut évaluer sa proportion grosso modo à plus du quart de la masse des silex récoltés. Tous ces éléments (quantité, chaîne opératoire complète) permettent de suggérer que cette matière première a vraisemblablement été trouvée à proximité de la grotte. R. Simonnet (1981 : 309-310) évoque très certainement ce type de silex dans les termes suivants : « Deux habitats aurignaciens, la Tutto de Camayot et Tarté, paraissent avoir connu plus de variétés de silex que nous avons été capable de retrouver. Ceux de Tarté ont eu accès, à coté du silex retrouvé à quelques centaines de mètres de la grotte, à un silex à cortex granuleux fin, issu du Calcaire Nankin (par comparaison avec celui de la carrière de Montsaunès (F1,6) qui s'exclut du fait de ses fissurations), et ils en ont fait leur matériau préférentiel pour la fabrication des carénés. Toutes les tentatives pour retrouver le gîte à proximité ont échoué, les calcaires Nankin étant peu abordables en raison du couvert végétal ». Mais son analyse s'arrête à ces simples constatations et il n'est fait aucune mention d'un quelconque cortège de micro-fossiles incluant des lépidorbitoïdes. Des prospections ont été menées récemment, en particulier dans le lit du ruisseau, mais le gîte de cette matière première n ' a toujours pas pu être localisé. D'importants gisements de silex se trouvent à proximité de la grotte (en particulier sur le versant contigü à la route qui mène au village de Marsoulas) mais ils n'ont fourni que du “Bleu” des Petites Pyrénées (Simonnet 1981; Lacombe 1998). Couleurs et apparences Les silex de Tarté sont le plus souvent beige-clair. Parfois on trouve quelques fragments gris-beige et d'autres gris foncé. L'aspect superficiel est généralement celui d'une roche à surfaces mates et opaques. Il y a, rarement, des pièces paraissant brillantes et légèrement translucides. Etude du cortex Le cortex, présent dans 70 cas sur 107, présente une surface faiblement érodée, non colorée. On remarque occasionnellement une légère coloration ocrée. Une étude particulière de ces surfaces pré-dépositionnelles a été confiée à P. Fernandes (Fernandes 2006) qui conclut d'abord à l'homogénéité de la série : « Il semble que l'on soit en présence de rognons peu fragmentés, même si des cassures antérieures au ramassage ont été trouvées. Il semblerait que cette série ait été prélevée en surface dans une zone proche du gîte primaire. On ne trouve aucune trace de transport à la surface de ces artéfacts » (Fernandes et Raynal 2006). Toutes les observations concordent pour supposer que ces silex ont été ramassés à proximité du gisement, à moins d'admettre une collecte plus lointaine suivie d'un transport en masse, sans frottement. Structure La structure pétrographique de ces silex est homogène dans 92 % des cas. On observe très rarement des structures microlitées, conséquence du granoclassement différentiel des éléments roulés. Texture (méthode Dunham) L'aspect textural des calcaires qui ont donné naissance à ces silex est essentiellement celui d'une roche wackestone (83 %) formée dans un milieu moyennement agité avec des zones plus abritées ayant généré des calcaires mudstone (12 %), alors qu'en de rares endroits l'agitation du milieu a pu être plus élévée (5 % de silex ayant une structure à la limite wackestone-packstone) (fig. 2A). Constituants texturaux A – Matrice (ciment) Dans la zone sous-corticale qui a été la plus épargnée par les recristallisations tardives, on remarque que la matrice est composée de quartz microcristallin (microquartz). Il y a, localement, des zones à phénocristaux de quartz et d'autres plages avec développement de calcédonite. B – Eléments figurés - Pellets Les pellets (20/50 µ) sont en quantité très variable, d'un échantillon à un autre et d'une plage d'observation à une autre. - Intraclastes On trouve plusieurs types d'intraclastes : des intraclastes de 150/300 µ, de profils anguleux mais avec le plus souvent des arêtes émoussées, des intraclastes un peu plus gros (200/400 µ) à structure nettement sub-circulaire. Une des caractéristiques de cette roche est que certains de ces intraclastes roulés sont ferruginisés. - Débris végétaux Une autre caractéristique de ces silex est de contenir de très nombreux et très fins débris fibreux, noirâtres d'apparence charbonneuse. - Bioclastes Les débris organiques ne représentent en général qu'autour de 20 % des éléments figurés. Outre les petits fossiles entiers, des fragments de tests d'échinides, de lamellibranches, de brachiopodes et de gastropodes sont parfois reconnaissables mais ils sont rares et très morcelés. - Paléontologie a) Spongiaires Les spongiaires ne sont représentés que par des spicules; encore ces derniers ne sont-ils pas fréquents (15 % des échantillons). En général, les spicules se trouvent plus ou moins concentrés dans des zones micritiques, associées à des conditions locales de sédimentation témoignant d'un environnement calme (protégé); les spicules ne peuvent donc servir à caractériser le silex type Tarté. b) Algues Les débris algaires sont relativement fréquents (34 % des échantillons). Au moins 58 sections identifiables ont été décomptées. Il semble que toutes ces algues appartenaient au groupe des Dasycladales. Plusieurs genres on pu être identifiés : Salpingoporella, Munieria, cf. Clypeina, etc.) (Johnson 1954, 1964; Deloffre et al. 1978a, 1978b; Bouroullec 1968; Bassoulet et al. 1978) (fig. 3). c) Foraminifères Les petits foraminifères planctoniques ne sont pas abondants; il est cependant courant d'observer des sections de lagénidés (Dentalina, Lenticulina, etc.) de nonionidés et de miliolidés. Parmi les organismes de taille légèrement plus grande on notera la présence de Goupillaudina et de sidérolitidés à test épais mais sans appendice (cf. Pseudosiderolites vidali) (fig. 4A, B, C). Les grands foraminifères benthiques de la superfamille des Orbitoididae sont bien représentés par trois ou quatre genres, Orbitoides, Lepidorbitoides, Clypeorbis et sans doute Simplorbites. (Bilotte 1985; Caus et al. 2003; Fondecave 1974; Neumann 1958; Ozcan 2000; Schijfsma 1946; Van Gorsel 1978). Orbitoides media (d'Archiac) (fig.5A). 24 spécimens répartis dans 18 échantillons - 23 mesures. Espèce relativement peu fréquente. Les sections tangentielles observées indiquent comme vraisemblable le rattachement à l'espèce Orbitoides media. Les diamètres apparents sont compris entre 3 et 5,5 mm. Lepidorbitoides (fig. 5D). Au moins 242 sections reconnues dans 76 échantillons (71 % de l'ensemble) - 127 mesures. Le diagramme établi à partir de ces mesures prises au 1/10ème de mm (fig. 6) montre une courbe polymodale dans laquelle on distingue une première population de taille moyenne comprise entre 3,5 et 4,5 mm (Lepidorbitoides gr. minor : Schlumberger), un second groupe de plus grande taille, entre 4,5 et 6,5 mm (Lepidorbitoides socialis : Leymerie), et enfin quelques sections tangentielles ayant appartenu à des individus beaucoup plus grands. Sans doute s'agit-il de l'orbitoïdidé Simplorbites gensacicus (Leymerie). Soulignons l'intérêt que pourrait présenter cette découverte, si elle était confirmée, car la présence de ce fossile n ' a été signalée que dans le Maastrichtien des Petites Pyrénées, son extension vers l'ouest (Chalosse) n'ayant jamais été signalée. Clypeorbis mamillata (Schlumberger) (fig. 5B). 34 sections réparties dans 22 échantillons Ce genre, facile à reconnaître grâce à sa dissymétrie, a une taille comprise entre 4 et 5,5 mm. Il est considéré comme étant cantonné au Maastrichtien supérieur et souvent associé à Lepidorbitoides socialis. Les analyses pétrographiques et micropaléontologiques soulignent la grande homogénéité des échantillons étudiés. Les critères retenus conduisent à définir un environnement subtidal peu profond, dans la zone photique (algues). Le milieu est relativement calme mais subit l'action de courants (wackestone); il est favorable au développement d'une microfaune benthique mais des entrées océaniques occasionnelles sont probables. Les débris algaires, généralement morcelés, soulignent la dynamique du milieu. La micropaléontologie attribue sans doute possible ce niveau à silex au Maastrichtien supérieur. - roche siliceuse de couleur généralement gris-beige, parfois gris plus ou moins foncé; surface mate, opaque; cortex blanchâtre; - structure homogène prenant rarement un aspect microlité lié à un granoclassement; - texture à dominante wackestone, parfois à la limite wackestone/packstone. La matrice est microcristalline. Les éléments figurés sont composés de pellets, de bioclastes peu nombreux et d'intraclastes. Parmi ces derniers sont particulièrement caractéristiques des intraclastes arrondis (roulés) dont certains sont ferruginisés. Enfin, autre caractéristique, présence régulière de fins débris fibreux, charbonneux; - Les restes organiques se caractérisent par : la fréquence des débris d'algues dasycladacées; la relative rareté des spicules d'éponge; l'absence, ou quasi-absence, de bryozoaires; un riche cortège d'orbitoïdidées : Orbitoides media, Clypeorbis mamillata, Lepidorbitoides minor, Lepidor-bitoides socialis. Si la présence de Simplorbites gensacicus était confirmée, elle constituerait un excellent marqueur géographique; une microfaune abondante attribuable à la partie terminale du Maastrichtien. En conclusion, nous pouvons avancer l'hypothèse que, dans le gisement de Tarté, la population paléolithique a utilisé un silex collecté localement ayant des particularités telles que sa caractérisation est suffisamment précise pour que nous proposions un nouveau type pétrographique : le silex de Tarté. L'échantillonnage s'est effectué à partir d'une quinzaine de rognons inclus dans le calcaire et dégagés par le front de la carrière (fig. 7). Ces affleurements étaient concentrés dans la partie sud de la carrière et à sa base. Selon la carte géologique au 50 000ème de Saint-Gaudens, l' âge de ce calcaire se rapporterait au Maastrichtien moyen (C7b : calcaire nankin), alors que certains auteurs (Bilotte 1985) rattachent le calcaire nankin de cette région à la biozone à O. apiculata et S. calcitrapoides du Maastrichtien supérieur. Les rognons peuvent être en plaquette ou de forme ovoïde et certains atteignent plus de 50 cm de long (fig. 8). Ce site est un des gîtes à silex de référence des Petites Pyrénées, connu des préhistoriens et des géologues des deux siècles précédents. Pour ne citer que Louis Méroc (1947 : 239), il l'évoque de la manière suivante “Cependant l'exploitant actuel de la carrière de Montsaunès (ouverte dans le calcaire nankin) m'a certifié l'existence de silex dans son chantier : de temps à autre il briserait sa barre sur des rognons qu'elle rencontrerait en cours du forage des trous de mine ”. Tout ceci confirme la phrase de Leymerie (1881) qui écrivait de la même carrièrede Montsaunès “… certains bancs y renferment des nœuds de silex, des roses d'une calcédoine passant au quartz hyalin ”. La carrière se situe sur le tracé d'une des failles de compression du front nord-pyrénéen (fig. 7 et 8). En conséquence, les blocs siliceux ont subi des contraintes importantes et sont intensément fracturés. Si cette situation les a rendu impropres à la taille, il est possible de retrouver ce même silex à proximité, en des endroits où il n'aurait pas subi ces contraintes tectoniques. Couleurs et apparences Les silex de la carrière de Montsaunès sont uniformément de couleurs beige foncé avec des marbrures mauve-rosé. La roche se présente avec une surface brillante et un aspect nettement translucide. Cortex Le cortex blanchâtre, peu dense et semblant avoir une forte teneur en carbonates, a une épaisseur variant entre 3 et 10 mm. Structure La structure est homogène et très régulière. Texture La texture est celle d'une roche packstone déposée dans un milieu marin de haute énergie. Constituants texturaux A – Matrice L'ensemble de la matrice est en calcédonite, d'où l'aspect très translucide de la roche. B - Eléments figurés - Pellets : ils sont peu abondants et de petites tailles, environ 20 µ. - Intraclastes : les intraclastes sont également peu abondants. De forme arrondie, leurs dimensions se situent entre 200 et 400 µ. - Bioclastes : les débris « coquilliers » pullulent. Il s'agit de débris de tests de petits foraminifères, d'ostracodes et de fragments de tiges algaires. - Paléontologie : la roche se présente comme une lumachelle de tests d'organismes pélagiques : ostracodes et foraminifères dont des lagénidés (Lenticularia), des nonionidés (Nonionella), des rotalidés (Discorbis, Eponides), etc. Il n'y a été observé aucune trace d'orbitoïdidés. Le silex de la carrière de Montsaunès s'est formé dans un environnement de plateforme ouverte, agitée mais peu profonde (zone photique). La texture packstone de cette roche presqu'exclusivement composée de coquilles d'organismes pélagiques indique un fort brassage du sédiment non consolidé. L'absence d'orbitoïdidés peut s'interpréter soit comme la confirmation d'un milieu ouvert peu favorable au développement des formes benthiques, soit comme l'indication d'une position stratigraphique différente, anté-maastrichtienne. - roche siliceuse beige foncé à marbrures mauve-rose, aspect translucide, - cortex blanchâtre d'une épaisseur de 3 à 10 mm, - structure homogène, - texture packstone, matrice en calcédonite. Les éléments figurés sont dominés par les tests de micro-organismes : ostracodes, foraminifères pélagiques (lagénidés, nonionidés, petits rotalidés), - âge probable : Maastrichtien. Le silex de la carrière de Montsaunès a donc une composition très particulière qui, nous semble -t-il, le rend facilement reconnaissable parmi les roches siliceuses de la région. L'échantillonnage est le produit d'un ramassage dans les champs labourés, situés sur le versant nord de la colline où s'ouvre la carrière. Il est constitué d'éclats de débitage, de petits rognons testés ou faiblement débités. Cet atelier est connu de longue date (Méroc 1947 : 238, 1967; Simonnet 1981). L'analyse pétrographique et micropaléontologique de 17 échantillons a été conduite de la même façon mais quelques difficultés sont apparues en raison du degré d'altération (patine) de certaines pièces. Les surfaces non patinées de ces artefacts et les cassures récentes permettent d'observer que la couleur de ces objets est notablement plus sombre que celle des pièces provenant de la carrière de Montsaunès. Cette remarque souligne l'influence de l'oxydation des composés ferreux dans l'évolution de l'aspect extérieur d'un silex depuis sa collecte par le préhistorique. Les 17 silex étudiés se répartissent en deux groupes : - une série de six pièces ayant une texture et un contenu faunistique très ressemblant au « silex de Montsaunès-carrière », - un groupe de 11 silex, beige-brun à brun-gris foncé, ayant les mêmes caractéristiques que les silex type « Tarté » mais dans lesquels on n'a pas observé d'orbitoïdidés bien que l'on y trouve des restes d'algues dasycladacées. Ces observations conduisent à faire deux remarques : - le silex « Montsaunès-carrière «, malgré l'intense fracturation que l'on remarque dans la carrière, a été utilisé. Il faut sans doute supposer qu' à proximité de cette carrière le banc à silex, non affecté par la poussée tectonique, a affleuré. - si les autres silex présentent de très grandes similitudes avec le type “Tarté ”, l'absence de grands foraminifères demande à être expliquée. A ce propos, il est bon de rappeler les expériences de R. Simonnet (1999) qui avait montré que dans un silex à orbitoïdes, après un débitage en 77 éclats (de plus de 2 cm) on n ' a trouvé des orbitoïdes que dans 4,65 % des pièces. Cet exemple, significatif, montre combien une diagnose complète de la texture de la roche est nécessaire pour déterminer l'origine potentielle d'un silex, compte tenu de l'incertitude du critère présence/absence d'un fossile caractéristique. On se retrouve dans des situations similaires en étudiant des silex potentiellement attribuables aux types « Bergeracois » ou « Grand Pressigny » par exemple. Une autre question demeure. C'est celle de la définition actuelle de la nature exacte du « silex de Montsaunès-Ausseing » de R. Simonnet et de sa relation avec les types que nous venons de diagnostiquer. Les travaux de cet auteur (Simonnet 1981, 1998, 1999) décrivent ce type comme un silex d' âge maastrichtien étant : « … un matériau de qualité malgré le volume modeste des rognons et l'épaisseur du cortex, réservé en talon sur les carénés de Tarté (fig. 6). Ce silex semble avoir voyagé assez loin, en particulier les types Montsaunès-Ausseing (très nombreux petits foraminifères et quelques grands foraminifères) “… La figure 6 citée, montre une roche ayant sans doute une texture wackestone avec des intraclastes roulés, assez gros et peut-être ferruginisés, de petits foraminifères et un débris algaire (probable). Dans la publication de 1998 (p. 191), relative à l'inventaire du gisement de Rhodes II, il est mentionné : « la présence de Lépidorbitoides dans un fond de tache de type maastrichtien (Montsaunès) ». Dans le même article, on trouve une analyse très détaillée de la composition lithologique des foyers successifs. La partie de la séquence incluant les foyers 3 à 7 est intéressante; elle comprend 2493 échantillons étudiés, 178 « identifiables », dont 48 Chalosse (matériau caractérisé par la présence de sidérolites, de lepidorbitoïdes et de bryozoaires). Le décompte montre que 27 % des silex « identifiables » proviendraient de Chalosse. Ce pourcentage atteint même 65 % pour les foyers 3 et 4. Une autre information est fournie dans ce même article au sujet des silex trouvés sur le site de La Vache. Il y est fait mention d'un « type de maastrichtien, proche du type Montsaunès-Ausseing ou de la base de l'extrême ouest du Danien [comportant] des spicules, petits foraminifères benthiques (textularidae, ataxophragmitidae et buliminidae) « (p. 201). Il apparaît donc une ambiguïté dans la caractérisation du silex type « Montsaunès-Ausseing ». Est-on uniquement devant un silex bioclastique riche en petits foraminifères, ce qui le rapprocherait beaucoup du type que nous venons de décrire sous l'appellation « silex de Montsaunès-carrière » ? Ou bien le terme de « silex Montsaunès-Ausseing » s'applique -t-il à une roche contenant de petits foraminifères, des algues et des orbitoïdidés, ce qui en ferait, peut-être, un équivalent du type « silex de Tarté » ? Enfin, ce dernier type attribué maintenant systématiquement au type Chalosse, a -t-il des caractères texturaux propres le différenciant du type « Tarté » ? C'est à ce dernier aspect de la question que nous allons maintenant essayer de répondre. Pour pouvoir dans l'avenir distinguer les silex du Maastrichtien supérieur ayant pu provenir de la région chalossienne de ceux qui auraient pu être issus des Petites Pyrénées, il nous a semblé nécessaire de procéder à l'étude pétrographique et paléontologique des silex de Chalosse en suivant le même protocole d'analyse. Le travail a porté sur 46 échantillons provenant de la structure d'Audignon et de celle de Bastenne-Gaujacq. Les prélèvements on été réalisés au cours d'une prospection pédestre, dans les années 2000, menée par Ch. Normand 2 en compagnie de P. Foucher et R. Simonnet. L'anticlinal d'Audignon est une structure très ample, 20 km de long, avec un cœur albo-aptien et des auréoles de terrains du Crétacé supérieur. Le niveau stratigraphique qui nous intéresse est celui du Maastrichtien terminal qui affleure tant sur le flanc nord (Montaut, Banos, etc.) que le flanc sud (Horsarrieu) et sur le périclinal oriental (Dumes, Montcubes). L'inventaire établi en 1985 par C. Normand (Normand 1986) donne une bonne image, non point des affleurements géologiques avec silex mais des sites secondaires dans lesquels les silex sont abondants (épandages plio-pleistocènes ou ateliers). Après l'indication initiale de la présence de grands foraminifères dans ces silex, en particulier à Arcet et Caou (Montaut) et Aux Camps (Horsarrieu), une description, dite caractéristique, est publiée en 1996 (Bon et al. 1996). Elle retient le principe d'un “fond commun chalossien” dans lequel elle reconnaît cependant des variétés spécifiques. L'exégèse de ce texte et de celui de 2002 (Bon et al. 2002) nous a conduit à retenir les critères mentionnés et utilisés jusqu' à présent pour caractériser les silex de la région d'Audignon : rognons irréguliers ayant en général 10/20cm de diamètre, parfois beaucoup plus (40/80 cm), cortex crayeux ou induré, fins ou épais, grain fin, homogène, très nombreux fossiles dont lepidorbitoides, teintes variées mais régulières, gris, brun, noir-bleuté, Notre étude n'a porté que sur un nombre limité d'échantillons provenant du site d'Arcet (Montaut), 13 pièces et de celui d'Aux Champs (Horsarrieu), 23 échantillons. Couleurs et apparences Les silex que nous avons examinés sont généralement de couleur claire, gris clair bleuté, gris beige ou beige clair. Plus rarement nous avons trouvé des pièces gris foncé. Les teintes de ces silex sont très homogènes, comme mentionné dans les descriptions précédentes. Presque tous les silex non patinés sont légèrement brillants et translucides. Etude du cortex Le cortex est le plus souvent altéré, érodé, recouvert d'une croûte ferro-manganésifère. Ces témoins des longues vicissitudes que ces pièces ont subies dans les épandages pleistocènes rendent l'étude du cortex sans objet. Structure Elle est toujours très homogène dans les parties entièrement silicifiées. Par endroit, on peut observer un alignement de fossiles ou d'intraclastes que l'on pourrait assimiler à un microlitage mais ce genre de phénomène n'a pas de continuité. Texture La texture de ces silex est le plus souvent du type mudstone (74 %) avec parfois une apparence wackestone (26 %). Dans ces derniers cas, il faut mentionner qu' à côté de zones à texture wackestone se reconnaissent des secteurs à texture mudstone. Ces observations sont les indications d'un milieu de dépôt calme, type plateforme interne protégée ou lagon. A – Matrice (ciment) La matrice est composée de microquartz (quartz microcristallins). B – Eléments figurés - Pellets Les pellets sont très abondants et de petites dimensions, autour de 20/30 µ. - Intraclastes Les intraclastes, dispersés, peu nombreux, sont anguleux et ont des tailles très variables (150/400 µ). - Bioclastes Les débris organiques peuvent atteindre 10 à 20 % des échantillons. Généralement ces débris ne sont pas érodés. - Paléontologie a) Algues Des algues sont présentes dans 20 % des échantillons. Il semble que ce soit toujours des espèces du groupe des Codiacées (Boueina, Halimeda, cf. Cayeuxia) (fig. 9B). b) Spongiaires Des spicules d'éponge se retrouvent dans seulement 15 % des échantillons, mais des sections de spongiaires ont pu être observées dans deux spécimens, l'un d'entre eux en contenant même de nombreux exemplaires (fig. 9C). c) Bryozoaires Les bryozoaires sont abondants. Ils se retrouvent dans 65 % des silex étudiés, certains d'entre eux étant particulièrement riches en bryozoaires (fig. 9D). d) Foraminifères Les petits foraminifères sont assez régulièrement présents, 71 % des cas, mais ils ne sont pas très abondants. On a pu déterminer des lagénidés, des miliolidés, des nonionidés et des rotalidés dont Goupillaudina et Pseudosiderolites vidali (Douvillé). Une espèce voisine, Siderolites calcitrapoides, caractéristique du Maastrichtien supérieur n'a pas été retrouvée. C'est pourtant une espèce facile à identifier même sur une surface brute. Les grands foraminifères benthiques sont représentés par des Orbitoïdidés, mais nous n'avons déterminé que deux espèces : Orbitoides media (d'Archiac), espèce peu fréquente retrouvée seulement dans 15 % des échantillons. Lepidorbitoides minor (Schlumberger), espèce très abondante qui se trouve dans tous les échantillons. Les sections mesurées se situant presque toujours entre 2,2 et 5 mm, nous pensons que la plus grande partie de la population de lépidorbitoides est attribuable à l'espèce L. minor. Il n'est cependant pas exclu que quelques spécimens de L. socialis soient présents. Par contre, aucun exemplaire de Clypeorbis mamillata n ' a été observé. L'étude pétrographique et paléontologique fait ressortir la forte homogénéité des silex étudiés, quelles que soient leurs provenances ou leurs couleurs qui se répartissent sur un palette assez large. Elle permet de définir un environnement peu profond, dans la zone photique. Le milieu était très calme favorisant le développement de colonies algaires et de massifs de spongiaires avec des encroûtements de bryozoaires. Cela correspond à un milieu protégé, peu profond, que l'on décrit souvent sous le nom de lagon. La microfaune situe ce niveau dans le Maastrichtien supérieur.. roche siliceuse en général de couleurs claires, allant du gris au beige, mais présentant rarement des teintes plus sombres (brun foncé, gris noir) ;. structure très homogène ;. texture presque toujours mudstone, rarement et localement wackestone. La matrice est microcristalline. Les éléments figurés sont composés de très nombreux pellets, d'intraclastes anguleux peu fréquents, de bioclastes généralement non roulés ;. les restes organiques sont composés de : - algues calcaires du groupe des codiacées, parfois abondantes, - spongiaires, représentés par des spicules, peu fréquents, et des fragments de spongiaires, - bryozoaires fréquents, - horizons très riches en Lepidorbitoides minor accompagnés de quelques Orbitoïdes media, de Pseudosiderolites vidali et de Goupillaudina sp. ;. Age probable : Maastrichtien supérieur. En conclusion, les informations recueillies au cours de cette recherche mettent en évidence des caractéristiques qui permettront de distinguer, parmi les silex à lépidorbitoïdes, ceux provenant de la région de ceux qui ont une autre origine aquitaine. Le diapir triasique de Bastennes-Gaujacq se présente comme une extrusion d'argile salifère de près de 8 km de diamètre, entourée de lambeaux redressés, disloqués, de formations plus récentes. Parmi ces dernières, on retiendra de très rares remontées de calcaires sénoniens. C'est surtout sur les flancs sud et ouest de la structure que l'on a signalé des affleurements maastrichtiens ayant contenu du silex. Ces silex n'ont jamais été observés en place mais on les trouve dans des épandages post-tectoniques. La plupart des gîtes à silex a été signalée par C. Normand (Normand 1986) puis étudiée par la suite (Bon et al. 1996, 2002). Comme nous l'avons fait pour Audignon, la lecture de ces textes nous a conduit à retenir les critères de caractérisation choisis par ces auteurs : - rognons de forme irrégulières, d'une taille de 10/20 cm, inférieure à 30cm; - cortex varié; - grain fin homogène; - nombreux fossiles de grande taille, mais les lépidorbitoïdes sont rares; - teintes variées (bleu nuit et orangé, gris vert, gris bleu) avec des marbrures orangées et bleutées. Il faut noter que l'existence d'un silex gris homogène, riche en lépidorbitoïdes est signalé au Château de Gaujacq. Ce serait un type différent sans doute proche du type Audignon. Notre étude, préliminaire, n'a porté que sur 13 échantillons provenant du seul site de Sensacq (Gaujacq). Couleurs et apparences Les silex examinés sont soit gris-bleu foncé, soit gris-beige. On note dans tous ces silex des mouchetures blanches qui correspondent à des zones de cristallisation différentielle et non à des fossiles. Le plus souvent, on observe sur ces pièces une zone sous-corticale brun foncé pouvant avoir de 3 à 10 mm d'épaisseur. Ces silex sont le plus souvent brillants et translucides. Etude du cortex Compte tenu des conditions de gisement, le cortex est presque toujours érodé et altéré. Structure Elle est toujours homogène, sauf dans les parties incomplètement silicifiées ou en voie de recristallisation. Texture Ces silex ont toujours une texture mudstone. Exceptionnellement, dans deux cas, on a remarqué que la texture mudstone était interrompue par des « nuages » wackestone, peut-être traces d'anciennes bioturbations (fig. 2D). Toutes les observations concourent à la définition d'un milieu de dépôt très calme (boue calcaire siège d'une activité biologique régulière). A - Matrice La matrice est composée de microquartz, mais on note des zones de recristallisations (calcédonite ?). B - Eléments figurés - Pellets Ils sont abondants et de petites dimensions (15/30 µ). - Intraclastes Ils sont peu nombreux et ne sont pas émoussés. - Bioclastes Les débris organiques, brisés, sont rares. - Paléontologie a) Algues Des débris algaires ont été retrouvés dans 50 % des échantillons. Les espèces représentées (Halimeda, Boueina, Cayeuxia) (fig. 9A) font partie de la famille des codiacées. b) Spongiaires Les spicules d'éponge sont présents dans presque tous les silex étudiés mais ils n'y sont pas abondants. En outre, des sections de spongiaires sont observables dans certains échantillons. c) Bryozoaires d) Généralement il n'y a pas de fragment de bryozoaire, sauf rare exception où on peut observer une section. e) Foraminifères Les foraminifères planctoniques sont représentés par des espèces de mer ouverte (Calcisphaerula, Pithonella) que l'on trouve pratiquement dans tous les échantillons avec une plus ou moins grande abondance. Les autres formes de petits foraminifères sont assez rares (Textularia, Nonion, Cibicides). Aucun grand foraminifère benthique, en particulier aucun lépidorbitoïdé, n'a été observé sauf dans un échantillon particulier qui a déjà été signalé à cause de la particularité de sa couleur (brun foncé). Il s'agit d'un nucléus de texture wackestone qui contient de très nombreux orbitbitoïdidés (Lepidorbitoides minor, Lepidorbitoides socialis, Orbitoides media). Il est probable que nous sommes devant un élément allochtone (Audignon ou autre affleurement de Bastennes-Gaujacq ?). Les données de la pétrographie et de la paléontologie conduisent à proposer une sédimentation dans un environnement peu profond, très calme. Mais, contrairement à celui qui a été décrit dans la région d'Audignon, celui -ci devait être largement ouvert aux influences océaniques comme le confirme l'importance de la microfaune pélagique. La diagnose qui suit ne s'applique qu'aux silex de la région de Sensacq. Il serait souhaitable d'étendre l'étude à d'autres sites plus au nord (Arrimblar) et au sud (Gaujacq-Château). En effet, le morcellement de la bande d'affleurements du Crétacé supérieur, lié aux dislocations tectoniques, rendent très incertain la contemporanéité des niveaux à silex. - roche siliceuse, de couleur gris-bleu foncé ou gris-beige, avec marbrures ocrées et une zone sous-corticale vivement teintée de brun (3/10 mm d'épaisseur), - structure homogène; - texture toujours mudstone avec nombreux pellets, de rares intraclastes non érodés et quelques bioclastes; - les restes organiques comprennent des algues codiacées, des spongiaires, de rares bryozoaires, des foraminifères planctoniques dont d'assez nombreux calcisphérulites. Les grands foraminifères benthiques (orbitoïdidés) sont absents; - âge probable : Crétacé supérieur (Campanien ou Maastrichtien ?). Ces conclusions relatives à la structure de Bastennes ne peuvent être considérées que comme provisoires. Une étude plus complète sur le terrain et ensuite en laboratoire nous paraît nécessaire. Au vu des résultats partiels obtenus, il semble que les silex de Bastennes-Gaujacq sont nettement différents de ceux d'Audignon. Peut-être n'ont-ils pas tout à fait le même âge. Le fait qu'ils montrent des influences océaniques nettes les rapproche des silex plus occidentaux de Benesse et de Tercis (Séronie-Vivien M. 1994, 1995; Straus et al. 1988), et pourrait être l'indice que ces silex proviendraient d'un niveau stratigraphique différent (Campanien ou Maastrichtien inférieur). En conséquence nous ne prendrons en considération la diagnose ci-dessus que comme étant celle du site de Sensacq. Au terme de l'étude au cours de laquelle nous avons analysé quatre types de silex (Tarté, Montsaunès-Carrière, Audignon, Bastennes-Sensacq) 3 et pour lesquels nous avons donné une diagnose pouvant servir de point de départ pour des travaux futurs, il est apparu des particularités propres à chacun de ces types, suffisantes pour retenir des critères distinctifs utilisables. Les caractères pétrographiques et paléontologiques qui nous ont paru les plus intéressants à retenir ont été regroupés dans un tableau (fig. 10) qui fait ressortir à la fois la spécificité de chaque type et les différences qui permettent de les distinguer les uns des autres (en caractères gras pour les critères les plus significatifs). Pour résumer les conclusions auxquelles nous sommes arrivés, on retiendra : Deux types, Tarté et Audignon, sont des silex du Maastrichtien supérieur ou terminal, riches en orbitoïdidés, notamment en lépidorbitoïdes. La distinction entre les deux types qui ont été formés dans deux environnements différents se fait de la façon suivante : A) Textures - Le type Tarté, à texture wackestone avec des intraclastes arrondis, s'est formé dans un milieu peu profond mais soumis à des courants, (intraclastes arrondis). Un caractère particulier de cette roche est la présence régulière de fins débris ligneux, carbonisés, peut-être témoins d'arrivées continentales; - le type Audignon à texture mudstone avec beaucoup de pellets et des intraclastes anguleux s'est formé également en milieu peu profond mais extrêmement calme (lagon). B) Paléontologie - Ces deux types se différencient également par la nature des algues fossiles qu'ils contiennent. Dans le type Tarté, on ne trouve que des algues dasycladacées, alors que le type Audignon, ainsi que le type Bastennes-Sensacq, sont relativement riches en algues du groupe des codiacées; - un autre critère discriminant est la présence de fragments de corps de spongiaires à Audignon alors qu'ils sont absents à Tarté. De même, les bryozoaires sont fréquents à Audignon, et extrêmement rares à Tarté. A ce propos, il est sans doute opportun de rappeler que, pour une personne peu expérimentée, reconnaître un bryozoaire d'une tige algaire n'est pas un exercice facile et que les confusions sont courantes; - si le cortège des orbitoïdidés est le critère commun à ces deux types, il faut reconnaître une plus grande variété de genres et d'espèces à Tarté qu ' à Audignon. La présomption que seule Lepidorbitoides minor est présente à Audignon (avec Orbitoides media) pourrait être l'indication que le niveau à silex d'Audignon serait un peu plus ancien que celui de Tarté (Maastrichtien supérieur versus Maastrichtien terminal). L'étude relative à la structure de Bastennes-Gaujacq n'ayant porté que sur un seul site, nos conclusions ne feront référence qu'aux silex de la région de Sensacq et ne sont pas extrapolables à l'ensemble des affleurements de la périphérie du diapir. La diagnose de Sensacq montre à la fois un certain nombre de similitudes avec celle d'Audignon mais en même temps elle souligne des différences notables qui font douter de la contemporanéité des deux types de silex. Le silex de Sensacq s'est formé, comme celui d'Audignon, dans un environnement calme et peu profond (mudstone et algues codiacées) mais avec des communications franches avec le milieu océanique ouvert (présence de nombreux calcisphères). L'absence d'orbitoïdidés serait à vérifier par l'examen d'un plus grand nombre d'échantillons mais d'autres travaux (Bon 1996) semblent confirmer cette absence en cet endroit. Un caractère qui paraît propre à ce type est la vive coloration brun-orangé de la zone sous-corticale. Ce critère visuel, pratique, est à prendre en considération sans oublier que cette coloration par les oxydes de fer est un phénomène secondaire indépendant de la genèse du silex mais tributaire des conditions d'enfouissement. La complexité structurale du dôme de Bastennes nous incite à penser qu' à Sensacq, si nous sommes devant des silex sénoniens, ils proviennent d'un niveau stratigraphique un peu plus ancien que celui qui a fourni les silex d'Audignon. Les silex de Montsaunès-Carrière présentent un microfaciès entièrement différent de celui décrits pour les autres types. Nous sommes en effet devant un silex très translucide à matrice de calcédonite. La texture est packstone avec des intraclastes arrondis, ce qui témoigne du haut niveau d'énergie de la mer. La microfaune très particulière permet de distinguer, dès le premier regard, ce type de tous les autres précédemment décrits. En effet, on se trouve devant une accumulation de tests d'ostracodes et petits foraminifères donnant à l'ensemble un aspect de « micro-lumachelle ». Il resterait à connaître l'extension de ce genre de silex qui, pour le moment, n'est connu que dans la carrière de Montsaunès et sur les versants du relief adjacent. L' âge de ces silex ne peut pas être précisé pour le moment. Il faudrait faire appel à d'autres méthodes d'analyse (palynoplanctologie). Ce travail, réalisé à partir d'un nombre réduit de sites des régions de la Chalosse et des Pyrénées centrales ayant fourni des matières premières siliceuses, a conduit à une vision nouvelle sur l'approvisionnement potentiel de ces matériaux pour l'ensemble du Bassin d'Aquitaine. Il ouvre la voie à de nouvelles interprétations et amène sans doute à revoir certaines constructions palethnologiques qui avaient été considérées comme acquises. Les principaux résultats factuels des analyses pétrographiques et paléontologiques sont : - La présence dans les Pyrénées centrales de silex maastrichtiens à lépidorbitoïdes, le type Tarté. Ce résultat est une confirmation de l'hypothèse que nous avions formulée dès 1991 (Lenoir et al. 1997) sur l'existence très probable de ce type de roche le long de la partie centrale du front pyrénéen; - les diagnoses établies à partir d'études détaillées mettent en évidence les caractères propres de chacune des sources étudiées. On est ainsi en possession d'un outil permettant de faire un choix entre ces diverses sources potentielles de matières premières siliceuses et, en particulier, de distinguer le matériel “chalossien” de celui des gîtes des Petites Pyrénées; - le caractère très particulier du type “Montsaunès-Carrière” soulève la question de l'acception réelle de la dénomination “Silex de Montsaunès-Ausseing ”. S'agit-il d'un silex d'un type très voisin de celui de “Tarté” ou de celui de “Montsaunès-Carrière” ou de tout autre chose ? - les données fournies par les silex dit de “Chalosse” montrent qu'il existe plusieurs types bien individualisés; lorsque cela sera possible, c'est-à-dire lorsque des études approfondies auront été menées sur ces silex, ne vaudrait-il pas mieux parler avec plus de précision des “silex d'Audignon ”, de ceux de “Sensacq ”, ou de “Benesse ”, etc. ? Les résultats que nous avons obtenus ne représentent que les prémices de recherches plus étendues qui devraient être conduites avec le même esprit d'analyse, sans faire appel à tout autre problématique mettant en jeu un conceptualisme préconçu et répété. La recherche devrait s'étendre dans plusieurs directions comme cela a été suggéré récemment (Tarrino-Vinagre 2001; Turq 2005). Il faudrait d'une part compléter la localisation et la description des sources de matières premières en privilégiant si possible les affleurements géologiques et en recherchant les relations qui peuvent exister entre ceux -ci et les ateliers de taille; d'autre part, l'établissement de diagnoses complètes, précises selon un protocole standard est impératif. Enfin, la confrontation entre cette base de données et la description des silex “allochtones” du Bassin d'Aquitaine pourra se faire dans le but d'établir, sur des bases objectives, des attributions de provenances probables. Ce schéma, en fin de compte, ne serait-il pas simplement celui qui devrait guider une lithothèque telle qu'elle devrait être conçue et gérée ? | Un type particulier de silex, le silex maastrichtien à lepidorbitoides, a été individualisé dès 1988 parmi des artefacts provenant du nord de l'Aquitaine. La géologie régionale indique que cette roche ne peut provenir que de la partie méridionale du bassin d'Aquitaine, le piémont pyrénéen. Une provenance possible de ces matières premières se localise en Chalosse (sud du département des Landes) où des silex pouvant être assimilés à ce type avaient été signalés dès 1984. Leur appartenance à ce type lithologique a été confirmée. Parallèlement, une approche géologique régionale conduisait à ne pas restreindre à cette zone l'aire potentielle dans laquelle ces silex avaient pu se former. On connaît, en effet, dans les Pyrénées centrales, les chaînons des " Petites Pyrénées " dans lesquels affleurent des calcaires maastrichtiens à orbitoïdidés. Il eut été raisonnable de garder ces possibilités en mémoire et non point de les nier et ainsi de les intégrer dans les reconstitutions palethnologiques récentes. Des travaux récents ont porté sur 186 échantillons de silex provenant de la région des Petites Pyrénées et de la Chalosse. L'objectif de cette étude était de mettre en évidence la présence de niveaux à silex à lepidorbitoides dans les Pyrénées centrales et d'établir des critères objectifs utilisables pour différencier les différentes zones géographiques de provenance. Nous avons pu: - dans les Pyrénées centrales, donner la diagnose d'un type de silex, le " silex de Tarté " contenant un cortège paléontologique du Maastrichtien supérieur avec des lépidorbitodés, ainsi qu'un autre type de matière première siliceuse, le silex de Montsaunès-Carrière ", ayant des caractéristiques très particulières rendant sa reconnaissance facile; - mettre en évidence le " silex de Tarte ", ce qui confirme l'hypothèse formulée depuis longtemps de l'existence de matières premières siliceuses à lépidorbitoïdés dans cette partie des Pyrénées; - à partir des échantillons provenant d'Audignon et de Bastennes-Gaujacq (Chalosse), montrer des différences notables entre ces différentes sources ce qui permettra de les distinguer entre elles ainsi que de les séparer des " silex de Tarte ". Les éléments analytiques apportés devraient conduire à plus de précisions dans les déterminations d'origine de ces diverses catégories de silex et, par voie de conséquence, à plus de vraisemblance dans les recherches sur les provenances de ces matériaux pendant le Paléolithique. | archeologie_08-0040098_tei_253.xml |
termith-181-archeologie | La « ZAC de Beaulieu », est localisée à la périphérie ouest de la ville de Caen, entre les quartiers urbanisés de la Maladrerie au nord et de Venoix au sud (parcelles cadastrales KA 28, 29, 30, 34, 35 et 36; IZ 301et 303) (fig. 1). L'absence d'urbanisation sur l'emplacement même de la ZAC s'explique par la présence de carrières souterraines de calcaire, exploitées depuis le xvii e siècle. Le projet d'aménagement conduit par la ville de Caen a ainsi nécessité le remblaiement des cavités ainsi quela réalisation d'une fouille de sauvetage sur un site d'habitat repéré en photo aérienne par J. Desloges (SRA Basse-Normandie) et mieux cerné en 1996 grâce à un diagnostic archéologique de H. morzadec et E. Calvet. Le lieu se situe, à environ 42 m d'altitude, sur le flanc sud-est d'un plateau qui domine la rive gauche de la vallée de l'Orne et se trouve délimité au sud par la rivière l'Odon. Le substrat géologique est composé d'un calcaire jurassique. Dans sa partie supérieure, le calcaire s'est délité en plaquettes sous l'action de la gélifraction quaternaire. Au-dessus de ce substrat se sont déposés des lœss quaternaires; la puissance de ce recouvrement éolien évolue de 0,4 à 1,7 m du nord vers le sud par suite d'une érosion naturelle des formations superficielles. Le sol brun lessivé développé à l'Holocène sur ces matériaux présente une épaisseur variant entre 0,8 m au sud et 0,4 m au nord, les 25 derniers centimètres étant recoupés par les labours. Le territoire de la ville de Caen n'a révélé jusqu' à présent que peu d'indices datables des derniers siècles avant notre ère ou du début de celle -ci. Si une occupation de La Tène finale a été mise au jour dans le quartier de la Folie-Couvrechef, lereste des découvertes selimite à quelques sépultures et des objets isolés (monnaie, hache… : Collet et al., 1996). Aux alentours de Caen, l'occupation laténienne paraît bien plus dense avec les sites de Saint-Contest « Clos de Bitot » (Jigan, 1987; 1993) et de Saint-Germain-la-Blanche-Herbe « ZAC de l'Abbaye » (Jahier, 1995). Plus à l'ouest, se situent les habitats laténien et gallo-romain de « La Corneille », à la limite des communes de Putot-en-Bessin (Hérard, 1997) et de Bretteville-l'Orgueilleuse (Pettorin et Allart, 1997). Quant à la rive droite de l'Orne, elle constitue une zone particulièrement habitée durant les périodes laténienne et gallo-romaine, plusieurs sites ayantété étudiés à l'occasion de fouilles préventives sur les communes de Mondeville, Cormelles-le-Royal, Grentheville, Fleury-sur-Orne, Ifs… Le site, qui s'étend sur plus d'un hectare, a étépartiellement détruit par l'implantation d'une entreprise de remblaiement des carrières, les puits d'accès aux carrières etles voies de circulation. Un décapage mécanique, effectué progressivement jusqu'aux plaquettes calcaires pour la zone nord (environ 40 cm) et jusqu'au lœss pour la moitié sud (entre 60 et 70 cm), a mis en évidence plus de 700 structures, qu'entourent les fossésd'un enclos de plan quadrangulaire orienté nord-ouest/sud-est (fig. 2).La durée de l'intervention étant limitée à deux mois (janvier-février 1997), la fouille manuelle a dû être complétée par des sondages mécaniques. Au cours de cette opération est par ailleursapparue au sud-ouest une enceinte du premier âge du Fer,de plan pentagonal et d'environ 3 000 m² (Lepaumier et Marcigny, 2003). L'habitat étudié ici comporte des vestiges fossoyés de la fin du second âge du fer et de l'époque gallo-romaine. Deux grandes phases d'occupation ont été définies : la première remonte au dernier siècle avant J.-C. et aux premières décennies du i er siècle de notre ère; la seconde se place dans les deux derniers tiers du i er siècle et au ii e (fig. 2). Ce phasage repose essentiellement sur l'étude de la céramique, en l'absence d'une chronologie stratigraphique pour la grande majorité des structures. De nombreux vestiges, essentiellement des trous de poteau et des fosses, n'ont pu être rattachés à l'une ou l'autre de ces phases, faute de mobilier datant. L'image de chacune demeure donc incomplète. Elle est matérialisée par deux espaces clos : un petit enclos fossoyé au sud-est et une aire clôturée au nord-ouest, auxquels sont associés divers vestiges d'habitat (fig. 2). Cet enclos, formé par les fossés 489, 530, 564/265 et 259, est de plan quadrangulaire, orienté nord-est/sud-ouest (fig. 3). Les côtés longs, légèrement convergents vers le sud-ouest, délimitent un espace interne d'environ 19 m sur 35, soit une surface de 660 m². L'accès est matérialisé à l'ouest par un espace de 6,5 m de long séparant l'extrémité du fossé 259 du fossé 489.Ce dernierse prolonge vers le nord-est, au-delà des limites de l'enclos, avant de s'incurver vers le nord-ouest. L'enclos est subdivisé par deux petits fossés perpendiculaires à son côté méridional. Les fossés présentent une forme en V ouvert à fond arrondi, dont les contours sont fortement bioturbés. La profondeur à partir du sol actuel varie entre 1 m au nord et 1,4 m au sud pour une ouverture d'environ 1,1 m en moyenneau niveau du décapage. À la jonction des côtés nord-ouest et nord-est, le fossé oriental (530) s'arrête peu avant le fossé nord (289), les deux structures ne se recoupant que dans leurs niveaux supérieurs. Cette discontinuité suggère la non-contemporanéité de leur creusement. Cela pourrait indiquer que l'enclos est une adjonction à un aménagement plus ancienformé par le fossé 489 qui se poursuivait au nord-ouest. Leurs comblements identiques et leurs mobiliers céramiques comparables indiquent en tout cas une phase d'utilisation et d'abandon simultanée. Les comblements présentent généralement des dépôts inférieurs de limon lœssique brun clair, entrecoupés de lentilles de lœss et de cailloutis calcaires. Les remplissages supérieurs sont constitués de limon brun plus homogène, dont les limites avec les dépôts inférieurs se distinguent difficilement en raison de la forte bioturbation. Le fossé oriental et la partie est de la face méridionale ont subi une troisième phase de comblement (entre 0 et 20 cm de profondeur), constitué de rejets de combustion issus des fours installés sur leurs bords internes (cf. infra). Les couches inférieures et intermédiaires des côtés nord-ouest, nord-est et sud-est (entre 20 et 80 cm de profondeur) ont livré de nombreux fragments de céramiques laténiennes (plus des trois quarts de l'ensemble) ainsi que des ossements de faune, dont une concentration en vrac de vertèbres, de côtes et de mandibules de bovidés dans la partie nord-est du côté méridional. Les rejets cendreux dans les comblements sommitaux contenaient des tessons en moindre quantité (moins d'un quart de la totalité). Un fragment de mortier en calcaire, issu du niveau sous-jacent au labour dans le fossé 564, suggérerait un tassement des remblais supérieurs. La pièce est munie d'une anse décorée de croisillons incisés (cf. infra, fig. 6-9). La stratification des remplissages ponctués de rejets détritiques résulte d'un comblement progressif, naturel ou volontaire, de fossés ayant probablement fonctionné en mode ouvert. Dix fours ont été retrouvésà l'intérieur du petit enclos, alignés le long des fossés 530, 564 et 259, en moyenne à environ un mètre de leur bord. Il s'agit d'un même type de four creusé dans le limon, dont la chambre de cuisson voûtée est précédée d'une ouverture orientée vers le fossé avoisinant (fig. 3, coupe A; fig. 4). La sole est constituée d'une aire circulaire en terre rubéfiée, d'un mètre de diamètre environ, posée sur un dallage de pierres calcaires fortement chauffées. La voûte rubéfiée est effondrée ou arasée. Les rejets de combustion ont été retrouvés dans les niveaux supérieurs des fossés, indiquant un décalage chronologique entre l'aménagement des fossés et l'utilisation des fours : les premiers étaient déjà en partie comblés lorsque les seconds ont été installés. Il est généralement admis que ce type de structure a répondu à un usage domestique et culinaire (cuisson du pain ?) (Jigan, 1993). On les rencontre couramment, isolés ou groupés en batteries, sur les établissements de la fin de l' âge du Fer en Plaine de Caen. Citons comme exemple les concentrations de fours de l'habitat de La Tène finale du Clos du Bitot à Saint-Contest (Jigan, 1987; 1993) et de celui de Fleury-sur-Orne (San Juan et al., 1994). Une dizaine de fosses et une quinzaine de trous de poteau ont été relevées à l'intérieur du petit enclos. Malgré leur localisation, leur contemporanéité demeure incertaine par manque de mobilier datant. Deux greniers, aménagés successivement, sont attestés par deux ensembles partiellement superposés de quatre trous formant des plans carré de respectivement 1,8 et 2 m de côté (fig. 5, greniers A et B). Il paraît en outre plausible de restituer un troisième plan de grenier (C) en tenant compte de trois trous situés plus au sud-est qui, avec un éventuel quatrième « disparu », formeraient un plan rectangulaire de 2 m sur 2,8. Ces deux (ou trois ?) ensembles s'orientent nord-ouest/sud-est, selon les axes des fossés. À l'extérieur de l'enclos,côté nord-ouest, un autre groupe de trois trous (D) amorce un plan rectangulaire de 1,5 m sur 2, dont l'angle sud se localiserait au bord du fossé. Il s'agit sans doute d'un quatrième grenier, orienté de la même façon que les autres. Seule une fosse, de faible profondeur (532, fig. 5), a livré un ensemble d'objets en fer associés à des tessons de production indigène. Il s'agit d'une herminette (L. 17,3 cm, l. 6 cm), de deux serpettes à douille (L. 10,4 cm, l. 2,5 cm), d'une faux (L. 36,2 cm, l. 4,7 cm) et d'un objet indéterminé en forme de crochet (L. 4,5 cm, l. 0,9 cm) (fig. 6, 1-5). Cet outillage d'origineagricole est aussi bien connu sur des habitats ruraux de la fin du second âge du Fer que dans des contextes gallo-romains (Guillaumet et Nillesse 2000; Halbout et al., 1987). L'espace au nord-ouest du petit enclos est délimité à l'est par le prolongement du fossé 489 (fig. 5), qui présente ici une faible profondeur : moins de 70 cm sous le sol actuel; la suite de son tracé reste incertaine. Deux grands fossés (18 et 161), distants d'environ 70 m, encadrent cet espace au sud-est et au nord-ouest. Le premier est parallèle au côté septentrional du petit enclos, à une dizaine de mètres de celui -ci. Le second n'a été observé que partiellement dans la zone de fouille, mais son tracé est connu par prospection aérienne : il s'arrêtait à la même hauteur que le premier (fig. 2). À l'extrémité sud-ouest de ce fossé s'embranche un autre plus petit (183), de même dimension que le fossé 489, ce qui pourrait constituer la limite ouest de l'espace. Malheureusement, son tracé a étépartiellement détruit par un creusement de la phase postérieure. S'il peut être toutefois retenu, il permettrait de définir une aire d'environ 3 700 m². Les deux grands fossés révèlent des creusements profonds et semblables (fig. 7). Leur tracé mesure environ 47 m de longueur. Leur profil est en V à fond arrondi, creusé dans la roche calcaire sur une profondeur de 2,10 m à partir de la terre végétale pour une ouverture de 3 à 4 m au niveau du décapage. Le remplissage du fossé septentrional (161) est constitué d'une succession de couches de limons bruns à grisâtres mêlés ou non de pierres, de déchets calcaires, de nodules de terre rubéfiée, etc. Les premiers dépôts, composés d'un limon brun contenant des nodules calcaires, sont recoupés par des couches riches en pierres. Cette discontinuité dans la stratigraphie suggère un recreusement du fossé, devenu plus étroit qu'initialement. Les couches supérieures sont composées de limons brun-gris moins riches en cailloutis calcaires mais ponctués de traces de terre rubéfiée et de charbon de bois. Ce comblement progressif du fossé indique un fonctionnement à ciel ouvert. Le mobilier issu des premières strates comporte deux vases de La Tène finale, permettant de placer lefossé initialdans le même contexte chronologique que celui du petit enclos. Le reste du mobilier céramique, plus des trois quarts des formes, provient de la partie supérieure (couches 1, 6 et 7). Réparti sur tout le tracé, il représente un lot homogène de l'époque augustéenne. Cette concentration dans les comblements supérieurs élimine tout risque d'interférence avec le creusement antérieur, mais ne date que la fin du remplissage. De nombreux restes de faune, une chaîne en fer (fig. 6, n° 8) et une pierre à aiguiser en grès en sont également issus. Le comblement du fossé méridional (18) se caractérise par un premier dépôt de limon lœssique avec des nodules calcaires, recouvert par des limons bruns assez homogènes. Les niveaux intermédiaires sont comblés de limons brun-gris chargés en pierres et cailloutis calcaires, et les niveaux supérieurs par une épaisse couche de limon brun-gris mêlé de charbons de bois et de cailloutis. Ce remplissage ne montre ici aucune trace de recreusement (à moins que celui -ci ait été effectué en vidant totalement la structure). Comme pour le précédent, la stratification témoigne du comblement progressif d'un fossé ouvert. Le mobilier, constitué de céramiques et d'ossements animaux, provient essentiellement des couches supérieures (couche 6) et, dans une moindre mesure, des niveaux intermédiaires (couche 3). Le comblement inférieur s'est révélé stérile. Comme pour le fossé nord, la datation fournie par la céramique, c'est-à-dire la période augusto-tibérienne, concerne les phases récentes du comblement. Une centaine de fosses se situent à l'intérieur de l'espace ainsi clôturé (fig. 5). Elles se caractérisent par des creusements en forme de cuvette peu profonde, d'un mètre maximum à partir du sol actuel. Seule une quinzaine d'entre elles peut être attribuée de façon certaine à cette phase du fait de la présence de céramique laténienne. Malgré le grand nombre de structures dans cette zone, peu de fosses se recoupent et la superposition de six creusements demeure un cas particulier (326A-F). Si l'utilisation initiale de ces petites excavations reste inconnue, la présence de déchets domestiques et de rejets de combustion dans leur comblement évoque un usage secondaire comme dépotoir. Le remblaiement riche en nodules de terre cuite et en rejets de poteries fragmentées de la fosse 420 en constitue l'un des meilleurs exemples (fig. 5, coupe A). Une fosse se distingue par sa forme et sa profondeur (274). Creusée dans le calcaire, elle présente un plan carré de 1,3 m de côté, des parois verticales et un fond plat à 1,6 m sous le sol actuel. Le côté nord-est montre un aménagement en pierres sèches formant un muret de quatre à cinq assises posées sur les plaquettes calcaires du substrat (coupe B). Les parties supérieures des quatre côtés présentent deux entailles de profil triangulaire, verticales et longues d'une trentaine de centimètres (fig. 8). On peut supposer que ces entailles ont été créées pour caler des poutres, soit posées verticalement pour supporter un plancher ou suspendre des récipients (par exemple en vannerie…), soit dressées en charpente pour soutenir une toiture. Le remplissage de la fosse présente une succession de strates constituées de limons bruns aux limites floues, mêlés ou non à des pierres et nodules calcaires. Le comblement supérieur contient des rejets de combustion en faible quantité. Ce sont essentiellement les couches intermédiaires et supérieures qui ont livré du mobilier céramique laténien, des ossements, deux objets indéterminés en fer (fig. 6, n° 6-7) et une pierre à aiguiser en grès. La forme et l'aménagement de cette fosse suggèrent une fonction de stockage d'aliments. Près de deux cents trous de poteau isolés ou groupés en nébuleuses ont été repérés entre les fosses. L'absence de mobilier dans la majorité d'entre eux ne permet pas de les classer chronologiquement. Un certain nombre remonte peut-être à l'occupation laténienne, d'autres appartiennent sans doute à la phase suivante. Leur répartition autant que leur concentration ont fortement limité les tentatives de restitution de plans d'édifices. Au nord-ouest de la zone apparaissent toutefois trois alignements parallèles, formant un plan rectangulaire de 6 m sur 7, orienté nord-ouest/sud-est (fig. 5, E). Les trous de cet ensemble sont creusés dans le calcaire sur environ 15 cm et comblés de limon et de cailloutis. L'alignement central (supportant un axe faîtier ?) est légèrement décalé vers le sud. Ce plan restitué est d'autant plus plausible qu'il est comparable à celui du bâtiment principal de Saint-Pellerin « La Fourchette II » (Manche), qui constitue aussi un habitat de La Tène finale (Besnard-Vauterin 2000). Trois plans de greniersont aussi été identifiés à l'est et au sud. Un groupe de sept trous de poteau (F) restitue un plan rectangulaire de 2,4 m sur 2,2 avec un poteau central. Les trous sont creusés dans le calcaire sur 20 cm en moyenne et sont comblés de lœss et de cailloutis. Un deuxième grenier (G) est identifiable à partir des caractéristiques communes de cinq trous de poteau (même creusement carré, même profondeur d'environ 40 cm et même comblement limoneux grisâtre). Ils dessinent un plan rectangulaire de 3 m sur 2,4 avec un poteau médian. Un troisième ensemble (H) dessine un plan rectangulaire de 4 m sur 3 à neuf poteaux. Les creusements sont profonds de 50 cm en moyenne et comblés de limons brunâtres avec des calages en pierres calcaires. Ce mobilier est pour plus de la moitié issu du petit enclos (environ 1 200 tessons), et s'yrépartit de façon irrégulière : 55 % proviennent dufossé septentrional (489), 30 % du fossé oriental (530), 11 % du fossé méridional (564) et 3 % du tronçon occidental (259). Cet ensemble compte un nombre minimum d'individus (NMI) de 75, dont 9 formes complètes ou archéologiquement complètes. La majorité rassemble de grands fragments cassés sur place, ne présentant pas de traces d'usure ni de cassures émoussées; il s'agit,pour l'essentiel, de rejets primaires. Le reste, constitué de petits fragments de vases peu érodés, correspond à un apport secondaire, mais les éléments ne semblent pas avoir séjourné longtemps en surface et sont à considérer comme contemporains des rejets primaires. Onze fosses ont livré du mobilier laténien. Ce second ensemble (890 tessons) est très fragmenté et représente un NMI de 42. Le lot principal est issu de la fosse 420 (644 tessons) et est associé à un élément de l'Antiquité précoce (cf. infra ,fig. 10, n° 74). La fosse 274 a fourni le second lot quantitativement important (155 tessons), avec là encore un tesson de fabrication gallo-romaine, noirâtre poli et guilloché (n° 89). Les autres fosses n'ont livréque de petits ensembles, avec des NMI inférieurs à cinq. À ce groupes'ajoutent deux récipients issus du comblement inférieur du grand fossé 161. Les matériaux utilisés sont, pour 98 % des tessons, constitués de pâtes à inclusions bioclastiques abondantes et d'une taille généralement supérieure à 2 mm. Ces pâtes, d'origine locale, sont d'un usage fréquent durant toute La Tène dans la Plaine de Caen. Les pâtes fines à quartz et les pâtes grossières quartzeuses et micacées restent anecdotiques. La céramique dans son ensemble est non tournée. Les traitements de surfaces se limitent à des lissages sommaires et irréguliers. Les éléments décoratifs sont essentiellement constitués de sillons doubles ou triples destinés àsouligner le bord du vase. Les autres décors sont exceptionnels; il s'agit d'impressions réalisées à la baguette sur la lèvre ou l'épaule (fig. 10, n° 72, 73 et 98), d'un cordon pour marquer l'épaulement (n° 53) et d'un lustrage en bandes verticales à l'intérieur d'une forme ouverte (fig. 9, n° 34). De manière générale, les céramiques ont subi une cuisson en atmosphère réductrice, caractérisée par des surfaces de couleurs variées (mode B ' : Vaginay et Guichard 1988). Une trentaine de récipients, en majeure partie issus de la fosse 420 et des fossés 489 et 564 du petit enclos, représentent des céramiques grossièrementmodelées (fig. 9-10, n° 12, 15, 16, 37-43, 55-60, 69, 70, 79-88). Les tessons sont très émoussés, du fait d'une pâte peu cuite et très friable et d'un médiocre modelage. L'argile employée contient des bioclastes et semble cuite en milieu oxydant, donnant une couleur rouge ou beige très clair. L'examen de l'ensemble, portant sur un NMI de 117 pièces, fait ressortir une homogénéité morphologique et technologique des céramiques malgré leurs différentesprovenances. Une dizaine de types sont à distinguer (fig. 9, 10 et 11). – Type 1 : terrines tronconiques à panse rectiligne divergente et bord aplati (sous-type 1a : n° 5) ou en bourrelet interne (1b : n° 7, 37, 43, 60, 64, 76 et 78). – Type 2 : terrines tronconiques à panse rectiligne divergente et col rectiligne vertical, bord arrondi (n° 9, 23, 25, 50, 75, 77, 94 et 96). – Type 3 : pots carénés à panse rectiligne divergente et col concave vertical, bord arrondi (n° 2, 4, 6, 8, 17, 21, 22, 24, 26 à 32, 44, 49, 63, 71 à 73, 98), avec présence de deux anses à œillet sur le sous-type 3b (n° 14, 18 et 47). – Type 4 : pots globulaires à panse convexe divergente et col concave vertical, bord arrondi (n° 1, 3, 10, 19, 20, 48, 61, 62, 66, 67, 90 à 93, 97). – Type 5 : pots tronconiques à panse rectiligne divergente et col convexe convergent, bord aplati (n° 33 et 35). – Type 6 : pot globulaire à panse convexe divergente et col concave vertical, bord en bourrelet externe (n° 53). – Type 7 : jarres à col rectiligne convergent (panse absente), bord vertical arrondi (n° 46 et 54). – Type 8 : écuelles carénées à panse rectiligne divergente et col concave divergent, bord arrondi (n° 12 et 40 à 42). – Type 9 : écuelles carénées à panse convexe divergente et col concave divergent, bord épaissi en méplat (n° 15, 79 à 81 et 84). – Type 10 : écuelles carénées à panse rectiligne divergente et col rectiligne vertical, bord en méplat (n° 16, 38, 52, 57 à 59, 69, 70, 85 à 88). La grande majorité des récipients, près de 70 %, est constituée de formes moyennes/hautes ouvertes, dont surtout les formes à profil sinueux des types 3a et 4. Les formes moyennes/hautes fermées (types 5, 6 et 7) sont très minoritaires avec seulement un ou deux individus pour chaque type. Un quart du lot est représenté par des formes basses ouvertes (types 8, 9 et 10), correspondant à des céramiques à modelage grossier (cf. supra). Les vases tronconiques de type 1a se retrouvent dans de très nombreux assemblages régionaux couvrant tout l' âge du Fer. La forme 1b, la plus caractéristique avec sa lèvre en bourrelet interne, est représentée à la fin de La Tène dans la Plaine de Caen àFleury-sur-Orne (San Juan et al., 1994), Baron-sur-Odon (Bertin, 1977), Mondeville « L' Étoile » (Besnard-Vauterin, 1997), ainsi que dans le Pays d'Auge : Saint-Gatien-des-Bois (Paris, 1997), Quetteville (Lepaumier 2002). La forme se retrouve dans la Manche à Hébécrevon « La Couesnerie », également en contexte tardif (Lepaumier, 1999) et, dans la Sarthe, à Vivoin « La Pièce de Bildoux » et « La Gaudine » (Maguer et al., 2003). Cette céramique se compare aux écuelles à bords rentrants très représentées dans le centre de la France, par exemple à Levroux (Buchsenchutz et al., 1994). Le type 2 est répandu dans les mêmes contextes laténiens tardifs de la Plaine de Caen et du Pays d'Auge, où il est souvent pourvu d'un double ou triple décor linéaire sous le bord. Le site de Beaulieu n'en a livré qu'un seul élément décoré (n° 77). Quelques formes représentent des variantes proches du type 3 (n° 9, 25, 50 et 95). Le groupe 3 regroupe toute une série variée de pots à profil sinueux. Il s'agit de formes ubiquistes pour tout l'ouest de la France durant La Tène moyenne et finale. Au niveau régional, ces formes s'intègrent facilement dans les corpus céramiques des sites du plateau de Thaon (San Juan et al., 1999), de Saint-Martin-des-Entrées (Marcigny et al., 2004) et de Saint-Contest (Jigan, 1987), où on les retrouve aussi bien avec ousansanses de suspension. Ce dernier site, daté de la phase finale de La Tène, révèle un vase analogue au n° 44 à lèvre en bourrelet interne. Les impressions réalisées à la baguette sur la lèvre et l'épaule des vases n° 72, 73 et 115 sont connues aussi bien à La Tène moyenne que finale. Les pots globulaires du type 4 constituent également des formes largement répandues dans tous les assemblages laténiens de l'ouest de la France. Dépourvus de décors, les exemplaires de Beaulieu n'apportent aucune précision chronologique. Seul le n° 92, portant une légère incision à l'intérieur de la lèvre, se rapproche des jattes à cannelure labiale interne des productions armoricaines et des régions limitrophes de La Tène moyenne et du début de La Tène finale. Il est aussi semblable à des récipients issus des phases finales de L' Étoile à Mondeville. L'absence de cannelure labiale interne – en dehors de ce seul individu – ne peut que confirmer la datation laténienne tardive de l'ensemble de Beaulieu. Les pots tronconiques fermés de type 5, souvent décorés de cannelures doubles ou triples, représentent une forme caractéristique de la Plaine de Caen et du Pays d'Auge. Toutes les comparaisons renvoient à la phase terminale de La Tène (Fleury-sur-Orne, Saint-Contest, Mondeville « L' Étoile », Quetteville « Les Heurtries II »). Le pot globulaire du type 6, orné d'un cordon sur l'épaulement (n° 53), est bien présent à La Tène finale dans l'Ouest. Dans la région, cette forme se retrouve à Saint-Contest, à La Folie-Couvrechef (Jigan, 1987), à Saint-Martin-des-Entrées et à Mondeville « L' Étoile ». Elle est signalée dans la Manche, au Petit Celland (Wheeler et Richardson, 1957), dans la Sarthe, à Vivoin, et en Bretagne (Daire, 1992). Le type 7 constitue une forme probablement globulaire avec une ouverture relativement réduite par rapport au diamètre maximal de la panse. Cette forme peu courante se retrouve à Fleury-sur-Orne en contexte de la fin de La Tène finale. Elle se rapproche quelque peudes vases balustres et dérivés de Haute-Normandie (Lepert, 1993). Les écuelles des types 8, 9 et 10, appelées plus haut « céramiques à modelage grossier » trouvent peu de références dansle cadre régional. Des éléments comparables ont été recueillis dans des phases de La Tène finale D2 à Saint-Germain-la-Blanche-Herbe « ZAC de l'Abbaye », à un kilomètre de Beaulieu (Jahier, 1995), et dans des contextes augustéens à Lion-sur-Mer (information orale C. Billard). De par la nature des pâtes, elles offrent des similitudes avec des petits godets tronconiques associés à des éléments de calage issus des phases de La Tène C2 et D1 à Mondeville « L' Étoile » et Ifs « Object'Ifs Sud » (Le Goff, 2001). La friabilité, la finition grossière et le répertoire limité incitent à considérer un usage unique et une fonction spécifique pour cette céramique. Elle a ainsi pu servir à la production de sel (Carpentier et al., 2006). La forme des contenants – une faible profondeur entre 4 et 5 cm et un diamètre large d'environ 22 cm – paraît en effet adaptée à l'évaporation de la saumure. À défaut d'éléments de briquetage sur les établissements cités, la production de sel est supposée dans des sauneries côtières,le produit étant ensuite transportévers les lieux de consommation sous forme de pains de sel en godets. Le répertoire céramique de Beaulieu se place dans la phase finale de La Tène, même si quelques formes ont des antécédents plus précoces. Certaines références permettent d'affiner cette datation vers la deuxième phase de La Tène finale (La Tène D2). L'absence de cannelure labiale interne, hormis une légère incision sur un seul vase, confirme cette attribution tardive. Les comparaisons les plus pertinentes ont été faites avec le mobilier de Saint-Contest, tout proche du quartier de Beaulieu, ainsi qu'avec ceux de Thaon et de Saint-Martin-des-Entrées dans le Bessin. Les autres références régionales concernent des sites implantés au-delà de la rive droite de l'Orne : Fleury-sur-Orne et les dernières phases de Mondeville « l' Étoile » et d'Ifs « Object'Ifs Sud », ainsi que les sites de Quetteville dans le Pays d'Auge. Mais, dans ces derniers cas, les rapprochements avec Beaulieuapparaissent moins pertinents, car les corpus céramiques présentent une prépondérance de formes tronconiques en opposition avec les profils sinueux caractérisant les ensembles de Beaulieu, de Saint-Contest, de Thaon et de Saint-Martin-des-Entrées. Ces observations sont d'ailleurs à l'origine de l'hypothèse définissant l'existence de deux identités régionales différentes de part et d'autre de la vallée de l'Orne. Un élément isolé provenant de la fosse 420 (cf. supra) représente une variante du type Menez 117 diffusé à partir des années 10 avant J.-C. (Menez, 1985; fig. 10, n° 74). Pour le reste, la céramique augusto-tibérienne est issue exclusivement des deux grands fossés 161 (241 tessons) et 18 (108 tessons). Ces deux ensembles, bien que morphologiquement différents, apparaissent chronologiquement proches dans le temps. Malgré l'état lacunaire des vases, la céramique est en bon état de conservation avec des fragments de grande taille. Environ 75 % des vases sont non tournés, dont 12,5 % sont de type Besançon avec une finition au tour lent (n° 111 à 114). La céramique tournée concerne presque exclusivement des productions gallo-belges – de la terra nigra avec des pâtes gris clair finement micacées et de la terra rubra à pâte grise – ou des productions à pâtes grises quartzeuses mi-fines. La céramique non tournée reste principalement fabriquée à partir d'argile à bioclastes, argile dominante dans les productions laténiennes locales. Les autres pâtes, minoritaires, montrent des argiles fines, quartzeuses ou exceptionnellement glauconieuses. Les productions de type Besançon ou apparentées se caractérisent, pour les premières, par des pâtes grossières fortement quartzeuses et à mica doré (n° 112 et 113) et, pour les secondes, par l'usage d'argile à bioclastes (n° 111 et 114). En général, les cuissons en atmosphèreoxydante peu maîtrisée restent majoritaires, avec des surfaces de couleur variable, du beige clair à l'orange foncé. Le matériel, issu des comblements supérieurs, peut être divisé en trois groupes : l'un de tradition régionale protohistorique, un deuxième composé de productions de type Besançon et le troisième représenté par les premières céramiques typiquement gallo-romaines. La céramique de tradition protohistorique (n° 105 à 110) comporte des récipients moyens ouverts à profil sinueux peu prononcé. Ces formes se retrouvent aussi bien dans des contextes de La Tène finale (Saint-Contest, Mondeville « L' Étoile », Saint-Gatien-des-Bois) qu'augustéens (Fleury-sur-Orne). Les productions apparentées au type Besançon reprennent en partie le répertoire des formes laténiennes en y associant des éléments décoratifs propres aux productions de Besançon comme les moulurations de la lèvre (n° 111). En règle générale, ces productions apparaissent dans le troisième quart du i er siècle avant J.-C. et connaissent une évolution techno-typlogique assez complexe jusqu' à l'époque de Tibère. Ici, la forme ample des moulures, la pâte à texture très hétérogène, le profil presque situliforme des vases, le décor d'impressions sur l'épaule d'un des pots (n° 113) et la grande taille des récipients indiquent des productions précoces qu'il est difficile de placer au-delà de la période augustéenne. Les productions de traditions italique et gallo-belge sont représentées par six individus, dont une forme Menez 103 et deux Menez 110 en terra nigra (n° 100-102) etle pied annulaire d'une forme ouverte indéterminée en terra rubra. Terra nigra et terra rubra n'apparaissent que dans les années 20/10 avant notre ère et leur diffusion se fait largement dans la décennie qui suit. La forme Menez 103 est produite très précocement (Barat et al., 1992), alors que la Menez 110 parait un peu plustardive, à situervers la fin de la période augustéenne (Menez, 1985; 1989). Ces associations permettent de proposer une fourchette chronologique comprise entre 30 avant J.-C. et 15 après pour le comblement final du fossé. Quant à la commune claire à pâte grossière (n° 103) et à la commune grise mi-fine à pâte quartzeuse (n° 104), elles n'offrent qu'un répertoire limité avec des fonds atypiques. Ce lot, très fragmenté et restreint, ne compte que 18 vases dont 10 de tradition gallo-romaine, concentrés dans le comblement sommital du fossé. Le matériel de tradition laténienne présente des similitudes avec le mobilier du fossé 161 (n° 123 à 127). Le reste du mobilier se rattache aux productions gallo-romaines précoces et permet de dater le comblement final de la structure. Il montre des associations typiques d'époque augusto-tibérienne : terra nigra à pâte micacée avec des jattes Menez 103 (3 vases dont un dessiné, le n° 118), une assiette Menez 22 et une variante de la formeMenez 13 (n° 117), ainsi que des pots non tournés à lèvre moulurée se rattachant aux productions de type Besançon (3 vases, n° 120 à 122). Les pâtes sont mi-fines ou grossières, à quartz et mica doré (n° 120), à bioclastes (n° 121) ou à glauconie (n° 122). Ces céramiques présentent des caractéristiques nettement différentes de celles du fossé 161, leur profil ovoïde de petite taille et des moulurations peu marquées indiquant une datation plus tardive, plutôt tibérienne (Ferdière, 1972; Fichet de Clairfontaine, 1992; Barat et al., 1992). La jattetournée n° 119 se rattache aussi aux productions de type Besançon mais reste rare dans la région. Des petits fragments de vases à décor de chevrons et à pâte beige du type Beuvray (non dessinés) placent aussi le comblement final de ce fossé dans une fourchette chronologique plus large, couvrant la période augusto-tibérienne. En dépit d'un léger décalage chronologique, ces ensembles présentent tous les deux des caractéristiques propres aux assemblages céramiques de la phase de transition avec l'Antiquité précoce. Ils associent de la céramique de type Besançon et des formes tournées gallo-romaines à des productions qui par leur technique de fabrication et leur morphologie attestent encore de l'influence laténienne. Seuls ces lots permettent d'identifier l'existence de la phase de transition, bien qu'ils datent avant tout le comblement final des fossés et laissent mal entrevoir l'aménagement du site lors de cette période. La deuxième phase d'occupation qui se superpose à la première est matérialisée par un grand enclos daté des deux derniers tiers du I er et du ii e siècle après J.-C. (cf. fig. 2). Des fossés de séparation, une douzaine de fosses, un bâtiment maçonné, des trous de poteau ainsi qu'un petit ensemble de structures au sud de l'habitat remontent également à cette époque. Le fossé d'enclos délimite un espace quadrangulaire d'environ 140 m de long sur 80 m de large, soit une surface de 11 200 m². Son creusement, plus ou moins régulier, présente un profil en V à fond plat ou arrondi (fig. 12). Le fossé atteint sa plus grande profondeur au nord-ouest et sur la moitié nord de son côté sud-ouest, où il est entièrement taillé dans la roche calcaire. Son ouverture mesure environ 2,7 m de largepour 1,6 à 1,8 m de profondeur à partir du sol actuel. Là où il est creusé dans le loess, dans la moitié sud de l'enclos, le fossé présente des dimensions plus modestes avec une profondeur moyenne de 1,3 à 1,5 m sous le sol actuel pour une ouverture de 1,7 à 2,2 m de large. Les grands côtés du fossé présentent deux rétrécissements d'une longueur de 4,5 m, le premier vers le milieu de la face sud-ouest et le deuxième non loin de l'angle est. La profondeur du fossé à ces endroits n'est que de 70 cm du côté sud-ouest et de 1,1 m du côté nord-est. Une discontinuité du comblement apparaît d'ailleurs entre ces parties et le reste du fossé (fig. 12, coupe D) et pourrait indiquer un recreusement d'un fossé initial de faible profondeur par un aménagement plus important. Cesrétrécissements correspondraient alors vraisemblablement aux entrées de l'enclos du second creusement. De plus, à l'intérieur de l'enclos, au devant l'entrée orientale, se situent quatre trous de poteau, mesurant chacun plus d'un mètre de profondeur sous la surface actuelle et regroupés par deux de part et d'autre du passage. Les deux poteaux du milieu se trouvent légèrement en retrait vers l'intérieur de l'habitat et sont espacés de 2,8 m. Cette disposition, qui répond peut-être à un aménagement d'entrée similaire à un portique, semble conforter notre interprétation. Le comblement du fossé est constitué d'une succession de dépôts dont la composition dépend essentiellement du substrat dans lequel a été creusée l'excavation. Dans le secteur nord-ouest, le remplissage est généralement constitué de limons bruns, riches en cailloutis et plaquettes calcaires et mêlés à de rares traces de charbon de bois. Les strates supérieures se composent de limon brun-gris avec des charbons de bois et des déchets calcaires, recouvert par un dépôt puissant de pierres calcaires mêlées de limon. Le comblement final contient de nombreux rejets de combustion et des coquillages (moules et huîtres). L'inclinaison de ces couches démontreun déversement des matériaux depuis l'intérieur de l'enclos. Il résulte vraisemblablement de l'existence d'un talus sur le flanc intérieur du fossé, monté avec le calcaire et les limons extraits au moment du creusement. Sur le reste du tracé, où le substrat lœssique domine, le comblement primaire est constitué de dépôts de limon lœssique, résultant d'un lessivage naturel et rapide des flancs de l'excavation. Ils sont recouverts de limons bruns mêlés de cailloutis calcaires, dont la présence est de plus en plus importante vers le sommet. L'existence d'un talus bordier est ici suggérée parune bande presque totalement dépourvue de vestiges archéologiques, longeant le bord intérieur de l'enclos et suffisamment large pour l'implantation d'un talus. Le mobilier, assez restreint, provient essentiellement du fossé nord-ouest et associe de la céramique à des ossements et à des tuiles romaines. Du même secteur, proviennent une serpette en fer avec rivet de fixation pour le manche (fig. 13, n° 1) et deux morceaux d'une meule dormante en calcaire. Les autres côtés du fossé se sont révélés plus pauvres, hormis l'angle est de l'enceinte et chaque côté de l'entrée orientale, d'où provient un fragment de fibule en bronze (n° 2). La concentration du mobilier dans les secteurs nord-ouest et est s'explique par la proximité de la zone d'habitation, signaléepar une concentration de fosses et de trous de poteau (cf. infra). Un fossé de taille moyenne (145) subdivise l'espace intérieur de l'enceinte (fig. 12 et 14). Perpendiculaire aux côtés nord-est et sud-ouest, il s'arrête huit mètres avant le fossé sud-ouest. Son profil, en forme de U évasé, est dégradé par des bioturbations et par l'érosion des flancs. Sa profondeur atteint 80 cm sous le sol actuel pour une ouverture de 1,1 m de large (fig. 12, coupe C). Cette structure, apparemment ouverte, a été comblée d'abord par des limons lœssiques, puis par des limons bruns mêlés de cailloutis calcaires. Le mobilier est constitué de céramiques gallo-romaines identiques à celles du fossé d'enclos, de restes fauniques et d'un fragment de bracelet en lignite à section trapézoïdale (fig. 13, n° 3). Un autre fossé (261), situédans la partie sud de l'enclos, délimite incomplètement un espace rectangulaire d'une trentaine de mètres de largeur avec l'enceinte (fig. 12 et 14). Il s'arrête à une quinzaine de mètres avant l'entrée orientale. Son profil en U évasé ne s'inscrit que très faiblement dans le lœss (fig. 12, coupe G). Son comblement est composé de limon brun lœssique contenant quelques tessons de production gallo-romaine. Une douzaine de fosses ont pu être attribuées à l'époque gallo-romaine grâce à la céramique, qui est toutefois peu abondante et peu représentative. Elles se caractérisent par des creusements irréguliers et peu profonds qui atteignent tout juste le calcaire ou le lœss. Quatre de ces fosses (307, 699, 514 et 249; fig. 14) révèlent des dimensions plus importantes et présentent des comblements stratifiés relativement riches en rejets de combustion ou déchets alimentaires et domestiques, dont de la céramique (fig. 14, coupe 307). Elles recoupent les fossés de séparation internes de l'enclos. L'une d'elles (699), résultant probablement de plusieurs creusements, est également recoupée par une autre fosse (514). Ces structures sont l'indice d'une occupation de longue durée, confirmée par un mobilier datable de la fin du ii e siècle. Un bâtiment, dont la base est construite en pierres calcaires (484), se situe au centre de la moitié orientale de l'enclos, s'orientantparallèlement au fossé (fig. 14). Il présente un plan rectangulaire trapu de 13 m de long sur 10,6 m de large, soit une superficie de près de 140 m². L'intérieur est subdivisé dans sa longueur par un mur de refend qui délimite une pièce principale de 6,2 sur 11,4 m (70 m²) et une pièce annexe de 2,2 sur 11,4 m (25 m²). De cette construction ne subsiste que la semelle de fondation des murs (fig. 15), aucunecouche d'occupation ou de destruction n'ayant été conservée. Ces fondations sont constituées de blocs calcaires de différentes tailles, posés à sec dans des tranchées d'environ 70 cm de largeur. Seuls les murs sud-ouest et sud-est ainsi qu'une partie du mur de refend ont conservé une base de pierres; les autres murs ne sont plus identifiables que par la trace de la tranchée de fondation à comblement limoneux, dans laquelle subsistent quelques pierres dispersées. La présence de deux grandes pierres dans le mur sud-est près de l'angle sud, l'une étant pourvue de deux petites excavations circulaires qui ont pu servir de crapaudine et l'autre étant dressée verticalement à un mètre de la première (fig. 16) permettent de supposer l'existence d'une porte à cet emplacement. À l'intérieur du bâtiment se situent trois fosses, deux dans la pièce principale et une dans l'annexe. Creusées en forme de cuvette de 80 cm de profondeur, elles sont comblées d'une terre limoneuse grisâtre. Une quatrième structure, constituée d'un amas de pierres brûlées mêlées de terre cendreuse, pourrait correspondre à l'emplacement d'un foyer dans la pièce principale (fig. 15). Le manque de mobilier ne permet pas de confirmer leur lien avec le bâtiment. L'édifice est attribué à l'époque gallo-romaine en raison dessimilitudes du plan avec ceuxdes bâtiments à galerie de façade connus du i er au iv e siècles. Au niveau régional, cette construction trouve un parallèle à Fleury-sur-Orne avec le bâtiment à fondation maçonnée du milieu du i er siècle (Paez-Rezende et al., 2001). On peut aussi mentionner les bâtiments de « L'Argillier » à Château-Gaillard dans l'Ain (De Klijn et al., 1996) oude la phase gallo-romaine de « La Plaine-de-Saint-Germain » à Verberie dans l'Oise (Fémolant et Malrain, 1996). Ils sont interprétés comme des constructions mixtes en pierres et en bois pourvues éventuellement d'un étage selon l'importance des fondations. Ce type de bâtiment isolé représente les premières installations en dur – au moins dans leur partie basse – qui évolueront entre le milieu du ii e siècle et le troisième quart du iii e vers une forme se rapprochant de la villa à plan ramassé (De Klijn et al., 1996). Les seuls trous de poteau ayant livré du mobilier gallo-romain – des fragments de tegulae et des tessons de céramique commune – se situent dans l'angle est de l'enclos. Il s'agit d'un ensemble d'une soixantaine de trous, sans doute en partie détruit par un chemin excavé le long d'une ancienne limite parcellaire. Ils apparaissent à la base du labour sous forme de calages en pierres calcaires. Deux alignements parallèles orientés nord-est/sud-ouest suivent plus ou moins la direction du côté méridional de l'enclos. Ils forment un plan rectangulaire de près de 9 m sur 5,6 m, couvrant 50 m² de superficie (fig. 14, I). Ils pourraient restituer le plan d'un bâtiment dont certains éléments, notamment les poteaux porteurs du faîtage, auraient disparu sous le chemin. Un plan de grenier à quatre poteaux (II) se distingue à l'est de cet ensemble. Sa forme quadrangulaire de 1,8 m sur 1,5 s'oriente nord-ouest/sud-est. Un autre grenier, à cinq poteaux dont un central (III), se situe à l'ouest. Son plan carré de 1,5 m de côté s'oriente de la même façon que le premier. À l'angle sud de l'enclos,on trouve un petit ensemble de fossés et de fosses, ainsi qu'un four, dont l'orientation nord-sud diffère des axes principaux de l'habitat (fig. 14). Dans le réseau de fossés se distingue un petit « enclos » de plan rectangulaire de 17 m sur 12, délimité par un fossé de très faibles dimensions (724). Les comblements limoneux homogènes des fossés n'ont livré que peu de mobilier, à savoir un fragment de tegula et quelques tessons gallo-romains. Les fosses, au nombre de cinq, présentent également des comblements homogènes de limon brun, sauf une au remplissage cendreux (734). Cette dernière a livré des éléments de pots à cuire ovoïdes en céramique commune grise et une cruche à deux anses en commune claire, tous connus pour le Haut-Empire (i er - iii e siècle). Le four, creusé dans le limon, présente une chambre de cuisson voûtée dont la sole, de forme circulaire d'un mètre de diamètre et les parois rubéfiées ne sont conservées que très partiellement. Les relations de ces aménagements avec l'enclos principal et leur fonction demeurent inconnues. La céramique du fossé d'enclos (840 tessons) consiste pour partie en formes isolées complètes ou archéologiquement complètes, constituant des rejets primaires, et pour le reste en fragments souvent très émoussés, probablement des rejets secondaires. Parmi ces derniersse trouvent une trentaine de tessons de fabrication protohistorique dispersés dans tout le fossé. Cette céramique, très abîmée et fragmentée, comporte un matériel roulé ou résiduel non identifiable. Le reste du lot, qui représente un NMI de 53 vases, se répartitainsi : 1 sigillée, 7 communes sombres orangées, 22 communes grises, 10 communes claires, 11 terra nigra et 2 amphores (fig. 17). Dans cetensemble, la part importante de certaines catégories comme la commune sombre orangée ou la terra nigra donne une première indication chronologique. Celles -ci sont, en effet, bien représentatives des lots de céramiques du I er et du début du ii e siècle dans la région, par exemple à Bretteville-l'Orgueilleuse, (Navarre, 1997) et à Mondeville. La terra nigra, largement représentée, montre des pâtes rouges typiques pour la région et, en moindre quantité, des pâtes grises. La forme de type Menez 103 (n° 130 et 132) est très présente durant les trois premiers quarts du i er siècle (Navarre, 1997; Barat et al., 1992; Fichet de Clairfontaine et Gros, 1995). Celle de type Menez 110 (n° 133 et 134) est elle aussi très courante sur la même période mais sa diffusion semble se prolonger un peu plus tard (Navarre 1997). De même, la forme Menez 27 (n° 129), une assiette à bord oblique, est abondante durant la première moitié du i er siècle alors que les types Menez 146 (n° 136) et Menez 17 (n° 128) sont peu fréquentes. Enfin, le pot ovoïde à col tronconique (n° 135) est uneformeapparemment inédite qui s'inspire plutôt de la terra nigra du nord de la Gaule. Ainsi, l'éventail de formes couvre tout le i er siècle et même le début du ii e (cf. le Menez 110). La céramique commune apporte des informations convergentes. Les pots ovoïdes en commune sombre orangée (n° 137 et 138) sont d'un type abondant dans la deuxième moitié du i er siècle en plaine de Caen (Navarre, 1997). En commune claire, la cruche à lèvre en bandeau n° 140 est recouverte d'un engobe blanc, une technique fréquemment employée sur les cruches du i er siècle. La cruche à lèvre en poulie n° 141 donne un terminus post quem, au cours du dernier quart du i er siècle, mais avec une large diffusion aux ii e et iii e siècles. L'ensemble du mobilier est donc datable du i er siècle, mais l'absence de céramiques caractéristiques de la première moitié de celui -ci – comme la terra nigra à pâte grise claire, la terra rubra, les céramiques de type Beuvray et Besançon, les cruches à parois fines et couverte blanche – incite à repousser la datation vers les deux derniers tiers du i er siècle, voire jusqu'au début du ii e siècle. Certaines céramiques très localisées sur la section nord-ouest de l'enclos, dont un bol en sigillée de type Bet 8 (Bet et al., 1989), pourraient indiquer une datation encore plus récente, la forme, originaire de la Gaule centrale, étant datée de la phase 5 des ateliers de Lezoux. La céramique commune associée est également typique des ii e et iii e siècles : cruches à lèvre en poulie, pots ovoïdes en commune sombre et mortiers. Ce décalage chronologique entre ce lot très localisé et le mobilier homogène du reste de l'enclos reste inexpliqué. Malgré un mobilier quantitativement réduit et peu intéressant, à part certains éléments datants de sigillée, ces deux grandes structures méritent d' être citées en raison de leur postériorité par rapport à d'autres vestiges gallo-romains. Pour la fosse 307, le terminus post quem est fourni par le fond d'une sigillée du centre de la Gaule, datable de la phase 5 des ateliers de Lezoux. Pour la structure 514, la sigillée - deux Drag. 35/36, un Curle 23 et une forme ouverte indéterminée - est originaire des ateliers du centre de la Gaule et datée de la phase 7 (deuxième moitié du ii e siècle et début du iii e). Les productions méridionales de la Graufesenque sont présentes avec un Curle 15 daté des années 90-150 (Verhnet 1993). La terra nigra est absente, de même que la commune claire à engobe blanc et la commune sombre orangée. La commune grise et la commune claire sont similaires à celles recueillies dans le tronçon nord-ouest de l'enclos. La fourchette chronologique pour cette deuxième phase va donc des deux derniers tiers du i er siècleau ii e siècle de notre ère, l'abandon du site se plaçant probablement dans la seconde moitié de ce dernier. En effet, la sigillée caractéristique de la fin de ce siècle et du iii e (Drag. 45, Cu. 21, Walt. 79/80) est absente. Les productions sigillées de Lezoux de la seconde moitié du ii e et de la première moitié du iii e siècle, pourtant très largement présentes dans l'ouest de la Gaule (Navarre 1997), ne constituent ici que des éléments isolés. De manière générale, le mobilier du ii e siècle n'est que très faiblement représenté. L'établissement agro-pastoralde Beaulieu couvre une périodeallant du i er siècle avant J.-C. jusqu'au ii e siècle après et deux grandes phases d'occupation marquent son évolution : la première datable du dernier siècle avant J.-C. et du début du i er siècle après, la seconde couvrantles deux derniers tiers du i er siècle et le ii e. La première phase comprend deux espaces clos, l'un étant matérialisé par un enclos fossoyé de faible surface et l'autre, plus vaste, délimité par deux portions de fossés profonds complétés de deux fossés de plus faibles dimensions. La fonction du petit enclos est incertaine mais la présence de plusieurs greniers pourrait indiquer une vocation comme espace de stockage. L'installation de fours le long des fossés déjà partiellement comblés témoigne en revanche d'un changement de destination du lieu : si les petits fours en sape semblent attester une fréquentation domestique, leur grand nombre paraît tout de même surprenant ici. L'autre espace abrite de nombreuses constructions sur poteaux et des fosses diverses. Par sa surface et la nature de ses vestiges, il apparaît comme le cœur de l'habitat. Cet ensemble diffèreraittoutefois de la majorité des sites d'habitat du second âge du Fer dans la Plaine de Caen par l'existence d'une enceinte qui apparaît non close. On présume cependant, sur les côtés faiblement fossoyés, l'existence d'un système de clôture en élévation aujourd'hui totalement arasé, tel qu'un talus palissadé. Le dispositif mixte formé de portions de clôtures talutées complétant des faces fossoyées d'un même enclos se retrouve à Neuville-près-Sées dans l'Orne (Besnard-Vauterin, 2005) et est soupçonné pour l'une des phases des sites de Mondeville « L' Étoile ». Il est intéressant de noter que ces deux parallèles se placent, comme Beaulieu, dans un contexte tardif de La Tène. Faut-il y voir une volonté d'économie dans l'aménagement des systèmes de clôture par rapport aux grandes enceintes fossoyées de La Tène moyenne ? À la transition entre l' âge du Fer et l'Antiquité, le site continue à être fréquenté : des mobiliers augusto-tibériens piégés dans les comblements supérieurs des deux grands fossés en sont le témoin, même si ceux -ci font défaut dans les autres structures. L'habitat subit un vaste réaménagement dans le deuxième tiers du i er siècle après J.-C. avec la délimitation d'un grand enclos quadrangulaire dont le fossé connaîtra deux phases de creusement. L'aire interne de l'enclos est structurée par des fossés de refend et occupée par de grandes fosses, un bâtiment à base maçonnée et un autre en bois. Le site est finalement abandonné dans la seconde moitié du ii e siècle. La comparaison de ces deux phases d'occupation permet de constater que l'organisation générale de l'habitat n'évolue guère entre la Protohistoire et le début de l'Antiquité. La continuité apparaît, non seulement dans l'orientation dominante du site, mais aussi dans ses différents aménagements et dans les structures rencontrées – fours, fosses etc. – qui ne changent guère entre ces deux périodes. L'architecture continue à employer le bois et autres matériaux périssables, mais connaît une apparition modeste de matériaux romains (tuiles). Seul le bâtiment à fondations maçonnées constitue une innovation. L'enclos fossoyé appartient à la tradition des « fermes indigènes » de l'époque gauloise mais en diffère par sa grande superficie (plus d'un hectare), dépassant largement les surfaces habituelles des établissements laténiens de la Plaine de Caen. Toutefois, deux parallèles peuvent être faits avec les enclos de Fleury-sur-Orne « Parc d'Activités » (Paez-Rezende et al., 2001) et de Ifs « Object'Ifs Sud », ensemble 7 (Le Goff, 2001), d'une part en raison de leurs similitudes de plan et de superficie et d'autre part pour la synchronie de leur installation, au milieu du i er siècle de notre ère. L'enclos de Fleury-sur-Orne est en outre associé à un bâtiment sur fondations maçonnées semblable à celui de Beaulieu. Ces trois sites illustrent, pour ce secteur de la Plaine au moins, un type original d'exploitation agricole, chronologiquement placé entre les enclos laténo-augustéens et les villas flaviennes. A contrario, les sites contemporains du centre du Cotentin que sont les habitats d'Hébécrevon, Gouvets et Coutances (Fichet de Clairfontaine, 2002), seules comparaisons disponibles pour l'heure, restent entièrement dans la tradition de la « ferme indigène » par la nature de leurs aménagements et la modestie de leurs dimensions. On peut mettre cette évolution bas-normande en parallèle avec celle des exploitations laténiennes et augusto-tibériennes picardes, et rapprocher en particulier les sites de Fleury, Ifs et Caen du type de la « ferme gallo-romaine précoce » (Collart, 1996). Si la structuration interne des enclos est clairement différente, il faut en apparenter les formes (un vaste enclos rectangulaire), et les positions chronologiques (entre les « fermes indigènes » et les villas). En Picardie, ces établissements évoluent généralement autour de la période flavienne vers le type de la villa bipartite. En Plaine de Caen, les trois sites périclitent dans la seconde moitié du i er siècle après J.-C. et sont abandonnés au cours du ii e. Le développement du type « grand enclos rectangulaire » vers celui de la villa reste donc à valider ici . | L'extension de l'agglomération caennaise sur le quartier de Beaulieu a généré une fouille préventive qui a été entreprise en 1997 sur un vaste établissement rural du dernier siècle avant J.-C. et des deux premiers siècles après. L'occupation a connu deux grandes phases. La première, jusqu'au début du Ier siècle après J.-C., comprend un enclos fossoyé de faible surface et un espace plus vaste, clôturé par deux portions de fossés profonds complétés de fossés de faibles dimensions. Plusieurs constructions sur poteaux, des fosses diverses et des fours occupent les aires internes. La seconde phase, des deux derniers tiers du Ier siècle à la fin du IIe, est matérialisée par un enclos quadrangulaire de plus d'un hectare, abritant entre autres deux bâtiments, l'un maçonné et l'autre en bois, ainsi que plusieurs fosses. Le caractère discontinu de la clôture de l'habitat laténien, ainsi que la fréquentation du lieu lors de la période de transition et son évolution au début de l'Antiquité constituent les particularités de ce site. | archeologie_10-0139966_tei_164.xml |
termith-182-archeologie | Le site de Castel di Guido est un site de plein air. Il se situe en Italie, à environ 20 km de Rome à une altitude de 71 m ASL (Fig. 1) où de nombreux sites du Paléolithique inférieur ont été découverts (Arnoldus-Huyzendveld et al., 2001). À Castel di Guido, les vestiges ont été mis au jour au cours de fouilles de sauvetage entre 1980 et 1990. La stratigraphie du site est complexe. Selon Radmilli et Boschian (1996), les sédiments sont constitués de dépôts fluviatiles, lacustres, sablonneux et volcaniques avec un remaniement important (Fig. 2). La position stratigraphique de Castel di Guido a été déterminée à partir de corrélations avec de nombreuses séquences de la région. Le site est caractérisé par la présence d'une industrie acheuléenne du Paléolithique inférieur associée à de nombreux restes fauniques (Radmilli et Boschian, 1996). Des outils taillés tels que des choppers, des chopping-tools et des bifaces ont été en partie réalisés avec des os de grands mammifères. Des restes humains d'Anténéandertaliens dont deux fémurs, un occipital, un fragment de maxillaire, un fragment de pariétal, un os temporal ont également été découverts et décrits (Radmilli et Boschian, 1996; Manzi et al., 2001). Les principales espèces fauniques découvertes dans la paléosurface, unités 4 et 5 du site, sont Bos primigenius, Elephas antiquus, Equus caballus, Cervus elaphus. Caloi et al. (1998) ont suggéré que cette association faunique correspond à l'unité faunique de Torre in Pietra, attribuée au stade isotopique marin (MIS) 9 (301-334 ka, Bassinot et al., 1994). Les unités 4 et 5 ont succédé aux productions explosives du volcan Sabatino appelées : « Tufo rosso a scorie nere » (TRSN). Les données de la méthode K-Ar appliquée à des minéraux volcaniques de TRSN situe l'évènement éruptif à 442 ± 7 ka (Evernden et Curtis, 1965; Fornaseri, 1985) et plus récemment à 449 ± 1 ka par la méthode Ar/Ar (Karner et al., 2001). Ainsi, cette unité volcanique peut être corrélée au stade 12 (Bassinot et al., 1994). Ce travail propose de présenter les résultats de datation U-Th/ESR de dents d'aurochs (Bos primigenius) des unités 4 et 5. Les échantillons dentaires et osseux ont été prélevés sur des mâchoires d'aurochs (Fig. 3). L'émail, la dentine, le cément et l'os ont été séparés à l'aide d'une fraiseuse de dentiste puis mis en poudre dans un mortier en agate. Les fractions à 100-200 μm d'émail des cinq dents d'aurochs (cast11479 de l'unité 5 et cast405, cast3436, cast6155, cast7599 de l'unité 4) ont été récupérées pour la datation ESR. Les âges U-Th des échantillons d'os, de dentine, d'émail et de cément ont été déterminés par spectrométrie alpha et publiés par ailleurs (Michel et al., 2001). Parmi les cinq dents analysées par ESR, quatre dents ont été analysées par le CRPG (Nancy) afin de déterminer les teneurs en Ca, P, CO 3 et F. Les âges ESR ont été calculés à partir de l'équation d' âge (Grün, 1989) ci-dessous à l'aide du programme ESR de Grün : ESR-DATA (Grün, 2006a). avec D e la dose équivalente (Gy), D(t) la dose annuelle (Gy/an), t l' âge de l'échantillon (ans). En effet, le principe de la méthode ESR (résonance de spin électronique) a été décrit dans la littérature (Grün, 1989; Rink, 1997; Grün, 2006b). Il repose sur le fait que les rayons α, β, γ émis par les éléments radioactifs naturels (U, Th, K) ainsi que les rayons cosmiques créent des radicaux dans le minéral apatite, constituant prédominant des restes dentaires. L'émail dentaire contient 98 % d'hydroxyapatite carbonatée (Elliot, 1997). Les âges ESR ont été calculés à partir de la détermination de la dose équivalente D e obtenue par la méthode des doses ajoutées et de la dose annuelle D (t) déterminée à partir de la radioactivité environnementale obtenue par spectrométrie alpha et gamma. La méthode des doses ajoutées consiste à irradier artificiellement l'échantillon à des doses de plus en plus élevées, de mesurer le signal ESR correspondant et de tracer la courbe de croissance du signal. Pour ce faire, chaque échantillon en poudre a été divisé en 10 aliquotes irradiées à des doses croissantes de 0, 100, 200, 400, 800, 1 500, 2 200, 3 000, 4 500, 6 000 Gy par une source gamma de cobalt-60 calibrée (Fig. 4). Après irradiation, les échantillons ont été stockés un mois avant la mesure par spectrométrie ESR afin d'éliminer les pics parasites. Le signal ESR mesuré provient du spectre d'absorption de l'énergie fournie par une source micro-onde électromagnétique, en fonction du champ magnétique appliqué perpendiculairement à la micro-onde dans des conditions de résonance (Dolo et al., 2005). Les mesures ont été réalisées à l'aide d'un spectromètre EMX Brucker (X-Band : 9,77 GHz). Les conditions de mesure sont les suivantes : 3490 ± 50 G, température ambiante, puissance de micro-onde = 10 mW, fréquence de modulation = 100 kHz, amplitude de modulation = 1 G, constante de temps = 0,33 s, temps de balayage = 2,8 mn. Le signal ESR mesuré est un signal composite à g ⊥ = 2,0018, g// = 1,9970. D'après la littérature, le signal serait la résultante de la présence de plusieurs radicaux paramagnétiques : et d'un méthyle organique (Callens et al., 1989; Ikeya, 1993; Vanhaelewyn et al., 2000). La hauteur du signal H1-B1 (peak-to-peak) à g = 2,0018 est mesurée pour chaque échantillon (Grün, 2000). Les hauteurs du signal ESR ont alors été reportées sur un graphique en fonction de la dose d'irradiation. La fonction exponentielle suivante I = I ∞ (1-e (- μ (D γ +De)) a été ajustée, et la dose équivalente D e obtenue par extrapolation à D =0 (Fig. 4). La dose annuelle (D(t)) comprend la dose externe (dext) et la dose interne (dint). La dose externe correspond en partie à la dose émise par l'environnement sédimentaire encaissant (dsed). Elle est calculée à partir des teneurs en U, Th, Ra, Rn et K mesurées par spectrométrie gamma à bas bruit de fond selon les procédures de mesures et d'étalonnage de Yokoyama et Nguyen (1980). L'émail dentaire d'aurochs étant recouvert dans sa partie intérieure de dentine et souvent dans sa partie extérieure de cément, il est par conséquent nécessaire de prendre en compte chacune de ces composantes dans la détermination de la dose annuelle externe : la dose émise par le cément d'une part et celle émise par la dentine d'autre part. Concernant la contribution des rayons alpha émanant de ces tissus, elle a été éliminée en retirant une partie de la surface de l'émail dentaire avant la mise en poudre, soit une épaisseur supérieure à 50 μm. Les épaisseurs retirées sur chacune des faces ont été mesurées à l'aide d'un micromètre. Quant à la contribution des particules bêta, les doses induites (dext β) ont été calculées à partir des mesures réalisées par spectrométrie alpha et par spectrométrie gamma. L'émail dentaire des dents analysées ayant une épaisseur comprise entre 1,3 et 1,8 mm, ce qui correspond au parcours moyen des particules bêta. Il est nécessaire de prendre en compte l'atténuation bêta. Dans le programme de Grün (2006a), elle est estimée en utilisant la procédure de Marsh (1999). À cette dose externe (dext β) s'ajoute la dose interne due aux particules bêta et alpha émises au sein de l'émail. Toutefois, comme les rayons alpha induisent moins d'électrons piégés que les rayons bêta et gamma, à dose égale, il est important de tenir compte de ce phénomène. Ainsi, l'efficacité des rayons alpha utilisée pour l'émail dentaire est donnée par le facteur kα =0,13 ± 0,02 (Grün et Katzenberger-Appel, 1994). Par ailleurs, les flux alpha, bêta et gamma sont convertis en doses annuelles en utilisant les doses spécifiques données par Adamiec et Aitken (1998). Les données analytiques des dents et des sédiments des unités 4 et 5 sont présentées dans les tableaux 1, 2 et 3. Les épaisseurs des échantillons d'émail analysés ainsi que les épaisseurs retirées au cours de la préparation sont présentées dans le tableau 2. Les teneurs en radioéléments des sédiments sont particulièrement élevées dans l'unité 5 alors qu'elle sont plus modérées dans l'unité 4 (Tableau 3). Les doses annuelles correspondantes sont de 3,174 mGy/an pour l'unité 5 et de 1,516 mGy/an pour l'unité 4 (Tableau 1, Fig. 5). La contribution de la dose annuelle du sédiment est deux fois plus importante pour la dent cast11479 par rapport aux autres dents. Pour cette dent, la dose bêta du sédiment est prise en compte car l'émail n'était pas recouvert de cément sur la face côté sédiment contrairement aux autres dents (β = 0) (Tableau 1). Les teneurs en uranium des échantillons sont particulièrement élevées. Elles sont comprises entre 195 et 427 ppm d'uranium pour les dentines, entre 265 et 549 ppm pour les céments et entre 9 et 49 ppm pour les échantillons d'émail. Des teneurs en uranium aussi élevées ont été rarement signalées dans la littérature (Grün et Taylor, 1996; Chen et al., 1997; Rhodes et Grün, 1999; Grün et al., 2006). Elles sont également très importantes pour les os de Castel di Guido, comprises entre 249 et 863 ppm (Michel et al., 2001). Du fait de ces teneurs en uranium élevées, les âges ESR des échantillons d'émail calculés selon les deux modes d'incorporation de l'uranium : le mode EU (Early uptake) et le mode LU (linear uptake) sont très différents (Fig. 6). Cependant ils sont moins dispersés que les âges U-Th des os, dentines, céments et des échantillons d'émail (Fig. 6). Les doses annuelles EU et LU des différentes composantes (émail, dentine et cément) sont présentées dans le tableau 1 et la figure 5. Les doses annuelles internes (émail) sont plus particulièrement élevées comme l'indique la figure 5. Elles sont comprises entre 3,31 mGy/an (cast11479e, EU) et 12,18 mGy/an (cast7599e, EU). Les âges ESR sont compris entre 123 et 235 ka pour le mode EU et entre 222 et 235 ka pour le mode LU (Tableau 1, Fig. 6). L'émail cast7599e dont la teneur en uranium est extrêmement élevée (49 ppm) donne des âges EU (123 ka) et LU (222 ka) qui ne sont pas concordants avec ceux des autres échantillons (Fig. 6). La détermination des compositions chimiques des échantillons d'émail a été réalisée afin de mieux appréhender les processus de fossilisation. Les résultats sont présentés dans le tableau 2. Les teneurs en Ca, P, F et carbonates des échantillons indiquent qu'ils sont constitués d'apatite carbonatée et fluorée. Les teneurs en carbonate, comprises entre 5,67 et 6,08 % sont nettement supérieures à la valeur de l'émail actuel (4,13 %, Michel et al., 1995). La teneur en P est inférieure à l'actuel, ce qui indiquerait une substitution préférentielle des sites PO 4 3 - par les carbonates au cours de la fossilisation. Les teneurs en fluor, comprises entre 0,30 et 0,78 %, sont particulièrement élevées si on les compare aux échantillons d'émail fossile du Lazaret (0,014-0,095 %, Michel et al., 1995) ou à celle de l'émail de cerf actuel (0,013 %). Les ions OH - seraient de ce fait remplacés en partie par des ions F - dans le réseau apatite, renforçant ainsi l'émail dentaire fossile. Arnoldus-Huyzendveld et al. (2001) mentionnent la transformation de l'hydroxyapatite en fluor-apatite au cours de la fossilisation dans le site préhistorique voisin de La Polledrara (Fig. 1) avec un environnement riche en cendres volcaniques. Les auteurs envisagent ainsi le même phénomène à Castel di Guido. On note que les teneurs en carbonate et en fluor de l'émail cast7599e sont supérieures (6,08 et 0,78 % respectivement) à celles des autres échantillons (5,13-5,67 % et 0,30-0,44 % respectivement), ce qui indiquerait des changements structuraux plus importants de cet émail au cours de la fossilisation avec une altération possible du signal ESR. Cela induirait une sous-estimation de la dose équivalente et par conséquent un rajeunissement de cet émail par rapport aux autres échantillons (Fig. 6) à moins qu'il s'agisse d'une sous-estimation de l' âge par une surestimation de la dose annuelle. En effet, les âges ESR des autres échantillons d'émail, dont les teneurs en uranium sont nettement inférieures (de 9 à 15 ppm), sont plus cohérents entre eux et compris entre 202 et 235 ka pour le mode (EU) et entre 350 et 372 ka pour le mode (LU). Ainsi les âges EU correspondent au stade isotopique de l'oxygène 7 et les âges LU aux stades isotopiques 10 et 11 (Fig. 6). Le contexte géologique du site suggère aussi de possibles modifications tardives de la composition chimique du sédiment et de l'os. La séquence est entrecoupée de fractures et de petites failles patinées d'oxydes de Mn en croûtes épaisses, indiquant une circulation importante d'eaux riches en éléments d'origine relativement profonde. Cela peut être une raison de l'enrichissement en uranium et de variations de la teneur en eau du sédiment, manifestées de façon irrégulière dans le site par l'espacement à grosse maille du réseau de fractures. Ces phénomènes conduiraient à une évaluation plus difficile et imprécise de la dose annuelle à Castel di Guido. La comparaison des âges U-Th et ESR des échantillons d'émail montre une bonne concordance entre les deux méthodes, à l'exception toujours de l'échantillon cast7599e (Fig. 7A). Par la combinaison des méthodes U-Th et ESR, un paramètre de diffusion de l'uranium est obtenu pour les échantillons cast11479e, cast405e, cast3436e, cast6155e. L' âge U-Th de l'émail cast7599e est supérieur à l' âge ESR, ce qui ne permet pas de déterminer un paramètre p. Dans ce cas, le modèle US ne donne pas de solution (Grün et al., 1988). En ce qui concerne les autres échantillons, les paramètres p sont compris entre - 0.9 et - 0.6 indiquant une migration de l'uranium comprises entre les modes EU et LU comme le montre la représentation graphique des différents paramètres (Fig. 7B). Ces valeurs montrent donc que les âges ESR sont compris entre ces deux modes d'incorporation. Ainsi les âges US-ESR varient de 260 ka à 327 ka (Tableau 1). On note une décroissance des âges avec la profondeur, entre les stades isotopiques 8 et 9 (Fig. 6). La dispersion des âges et des teneurs en uranium très élevées montrent un mécanisme complexe de migration de l'uranium. De possibles déséquilibres dans la famille de l'uranium peuvent entraîner des variations d' âge : ils pourraient impliquer une variation de la dose annuelle dans le temps et aussi expliquer la décroissance des âges observée avec la profondeur stratigraphique. Il est probable que les deux modèles EU et LU ne soient pas réalistes. Des apports ou pertes d'uranium se produisent pendant des phases de ruissellement liées à des phénomènes géologiques ou climatiques et à la géochimie environnante. Les âges US-ESR obtenus sur les échantillons d'émail de dents d'aurochs des unités 4 et 5 de Castel di Guido sont dispersés entre 260 et 327 kA et recouvrent les stades isotopiques marins 8 et 9. Cette dispersion des âges est essentiellement liée à la quantité très importante d'uranium dans les échantillons et dénote une migration importante de celui -ci liée à une histoire géochimique complexe du site. Les âges sont fortement dépendants des modes d'incorporation de l'uranium. L'étude de la faune menée par Caloi et al. (1988) indiquerait un remplissage contemporain de l'unité faunique de Torre in Pietra qui correspond au stade isotopique 9. Par conséquent les âges US-ESR sont proches de cette conclusion biostratigraphique mais ne sont pas plus précis. L'industrie de Castel di Guido présente des affinités typologiques avec les autres sites de la région de Rome (Casal de ' Pazzi, La Polledrara di Cecanibbio, Malagrotta, Torre in Pietra, etc.) attribués à la même unité faunique (Caloi et al. ,1988). Des affinités qui ont lieu d' être surtout par la typologie et la technologie de l'industrie osseuse. Elles sont aussi identifiables pour le site de Fontana Ranuccio, daté par la méthode K/Ar à 458 ± 6 ka (Biddittu et al., 1979). Cela pose des questions intéressantes sur la durée des industries à bifaces en os du Latium . | Le site de Castel di Guido a été découvert en 1970. C'est un site de plein air qui se situe à environ 20 km au nord-ouest de Rome (Italie). Des restes d'Anténéandertaliens (Homo heidelbergensis) ont été découverts associés à une industrie acheuléenne riche en bifaces en os et à de nombreux restes fauniques. Ce site avait déjà fait l'objet d'une première série de datations de dents et d'ossements de grands mammifères par la méthode U-Th. Les âges ESR obtenus sur des dents de Bos primigenius sont présentés dans ce travail. Comme les teneurs en uranium des échantillons d'émail sont très élevées, les âges obtenus selon les deux modes de migration de l'uranium EU (early uptake) et LU (linear uptake) sont très différents. Ils recouvrent respectivement le stade isotopique marin (MIS) 7 et les stades MIS 10-11. La combinaison des méthodes U-Th (Série de l'uranium) et ESR (Résonance de spin électronique) permet la détermination du paramètre p de diffusion de l'uranium pour chacune des dents et l'obtention d'un âge US-ESR. Les valeurs du paramètre p indiquent une migration de l'uranium entre les deux modes EU et LU, propice à l'application du modèle US-ESR qui constitue une estimation de l'âge minimum. Dans l'unité 5 supérieure, une dent est datée de 327 (+34-31) ka par la méthode US-ESR (MIS 9). Dans l'unité inférieure 4, les âges US-ESR de trois dents sont légèrement plus petits compris entre 260 et 298 ka environ, ils recouvrent les stades MIS 8 et 9. Ces âges US-ESR sont en accord avec la biostratigraphie (Faunal Unit de Torre in Pietra, niveaux inférieurs) qui indique un environnement ouvert au cours du stade MIS 9. | archeologie_11-0115766_tei_375.xml |
termith-183-archeologie | Situé en Dordogne, dans la partie basse de la vallée de l'Isle, en rive gauche près du village de Sourzac et à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Périgueux, le site des Tares est un gisement de plein air. Il fut découvert fortuitement à l'occasion de travaux agricoles. Les récoltes initiales de vestiges lithiques abondants ont été suivies de plusieurs fouilles de sauvetage et d'une première interprétation des assemblages lithiques moustériens (Rigaud et Texier 1981). Les vestiges archéologiques se situent à environ trois mètres sous la surface du sol actuel et sont inclus dans des sédiments argilo-sableux interprétés comme des dépôts palustres (Bertran et Texier 1990) mis en place au cours d'une période antérieure au stade isotopique 6, vraisemblablement lors d'une phase de transition entre un épisode interglaciaire et un épisode glaciaire (Texier, communication orale). Leur situation chronologique n'est actuellement pas connue avec précision (datations absolues en cours). Ils reposent sur les alluvions d'une terrasse de l'Isle cartographiée Fw2 (Texier 1982) et dont l' âge a été estimé à plus de 300 Ka (Texier in Delpech et al. 1995). Ces différentes formations se situent à 65 mètres d'altitude absolue et sont étagées à une quinzaine de mètres au-dessus de l'étiage. En 1991, les fouilles de sauvetage dirigées par J.-M. Geneste et J.-P. Texier ont permis de recueillir, sur 40 m², un ensemble archéologique très peu dispersé sur le plan vertical (20 cm maximum) composé de 6 000 objets lithiques, dont 1 043 objets retouchés, et de plusieurs centaines de vestiges paléontologiques attribuables à des équidés, bovidés et cervidés. Dès la publication initiale de cet assemblage moustérien (Rigaud et Texier 1981), les auteurs en avaient signalé la spécificité et l'originalité. L'industrie fut alors rapprochée du Moustérien de type Charentien par son abondance de racloirs (plus de 55 %). Le fort taux de racloirs transversaux (12 %) et le caractère non Levallois du débitage avaient suscité une discussion par rapport au Moustérien Quina mais également aux industries antéwürmiennes, notamment celles du sud de l'Angleterre (Highlodge), elles aussi caractérisées par un débitage d'éclats larges et épais au talon volumineux et au bulbe très convexe (op. cit.). La chaîne opératoire de l'industrie des Tares présente, en outre, une structure ramifiée (Geneste 1991; Geneste et Plisson 1996; Bourguignon et al. 2004) : bon nombre de ces enlèvements ont été utilisés comme support de débitage (nucléus sur éclat) ou aménagés en outils à retouche écailleuse scalariforme. Certaines pièces retouchées, s'inscrivant dans un processus de gestion/réduction par réaffûtage, présentent le statut ambivalent d'outil-nucléus produisant de petits éclats à talon lisse incliné utilisés bruts ou retouchés. L'analyse de l'industrie a initialement débouché sur la reconnaissance de deux techniques de débitage. La première est la percussion directe au percuteur de pierre dure sur la matière tenue par l'opérateur. Cette technique engage l'emploi d'une large gamme de percuteurs. Elle a pour but, en début de séquence opératoire, la production d'éclats massifs et larges, obtenus suivant une percussion rentrante verticale et, en fin de séquence, par des éclats de plus petites dimensions, de section et/ou de profil asymétrique (talon ou dos épais) obtenus par fracture conchoïdale. La seconde technique, la percussion directe au percuteur dur de pierre sur la matière posée sur enclume (Geneste et Plisson, op. cit.) a été reconnue sur la base de la présence de nombreux enlèvements, essentiellement néocorticaux, à surface d'éclatement en split (fig.1). Sur ces derniers, les stigmates reconnus comme inhérents à l'incidence du contrecoup sur l'enclume (Bordes 1947; Breuil et Lantier 1951; Kobayashi 1975; Sollberger et Patterson 1976; Mourre 1994, 1996; Kuijt et al. 1996; Gao 2000) sont rares. De ce constat est née l'idée de l'emploi comme enclume de volumes de roches tendres telles des plaquettes de calcaires, découvertes à la fouille sous la forme de fragments. Dès lors, la question qui découle de ce constat, et qui fait l'objet de cette contribution, s'attache à déterminer les différents paramètres techniques qui participent à la production d'enlèvements à surface de fracture en split. Pour cela, l'ensemble des éléments qui rentrent en jeu dans le cadre de la fracturation d'un volume de matière première sont ici pris en considération : nature des matériaux débités, type de percuteur (forme, poids, dureté), direction de la percussion, maintien du bloc débité lors de la taille (posé, calé, tenu dans la main). Près de 10 % des enlèvements bruts de confection ou retouchés sont de grands éclats dont la surface d'éclatement s'avère correspondre à la définition de la fracture en split. Bien que reconnue dans de nombreux ensembles lithiques et mentionnée à plusieurs reprises dans la littérature (Crabtree 1972) et enseignée par J. Pelegrin et P. J. Texier, la fracture en split n'a pas, à ce jour, de définition précise établie sur la base des stigmates visibles sur les faces d'éclatement des enlèvements. Comme dans tout mode d'action élémentaire sur la matière (Inizan et al. 1995), l'obtention des stigmates, récurrents, visibles sur la face d'éclatement, repose sur la relation binaire outil/gestes, chacun répondant à des critères de spécificité propres conditionnant le résultat. La fracturation en split peut se définir de la façon suivante (fig. 2) : elle est produite par percussion rentrante, posée ou lancée, de direction strictement verticale et non tangentielle. Son mécanisme se démarque ainsi de la fracture conchoïdale par un fendage dans l'axe de percussion sans incurvation de la trajectoire du percuteur. Le plan de fracture est totalement plan : les surfaces positives et négatives ne présentent ni bulbe ni contre-bulbe. La zone d'impact est marquée par un écrasement caractéristique (compression) prolongé par des rides fines et serrées essentiellement concentrées dans le premier tiers de la face d'éclatement (phénomène mécanique). Les lancettes sont fortes et, lorsque la matière se prête à leur lisibilité, les ondulations sont marquées et parfaitement concentriques à partir de la zone d'impact. Pour essayer de mieux appréhender les mécanismes techniques qui président au développement de ces stigmates, nous avons eu recours à l'expérimentation. Cette démarche a impliqué la recherche et l'utilisation de volumes de matières premières de même nature, tant au niveau de leur dimension que de leur source d'origine, que celles exploitées par les artisans des Tares. Il s'agit de blocs de silex du Sénonien (principalement du Santonien de la région de Périgueux) que l'on trouve en abondance dans les formations alluviales de l'Isle. Ce sont des blocs de dimensions moyennes (inférieures à 15 centimètres), à surface d'altération néocorticale, aux formes contournées (fig. 3) et aux surfaces irrégulières opposant rarement des surfaces planes ou convexes. Trois types de percussion au percuteur dur, suivant une direction verticale, ont été testés : la percussion directe sur bloc posé, la percussion directe sur bloc tenu en main et enfin la percussion directe sur bloc posé sur enclume. Dans le cadre de l'application de la première technique, la nature du substrat sur lequel repose le bloc a varié quant à la dureté et à l'homogénéité (sol herbeux, terre damée, amas de débitage). Pour la troisième, une sélection de plusieurs matériaux, de nature pétrographique différente, ont été sélectionnés pour servir d'enclume (quartz, quartzite, basalte et calcaire). Par ailleurs, l'incidence de l'enclume, en terme de stigmates produits sur les enlèvements, diffère en fonction de la matière d' œuvre débitée. Si ces stigmates sont aujourd'hui bien connus et définis dans le cadre de l'application de cette technique à des matériaux de forte dureté, comme les galets de quartz et de quartzite de forme ovoïde ou quadrangulaire (Bracco 1993; Mourre 1996), ils restent sujets à une forte variabilité contextuelle pour les silex. La perception de l'implication éventuelle de la taille sur enclume dans l'industrie des Tares ne fait que justifier et renforcer la nécessité de l'emploi de matériaux identiques à ceux utilisés par les préhistoriques. Un autre paramètre a concerné la sélection des percuteurs suivant des critères de forme, de volume, de dureté et de poids. Pour cela, une reconnaissance au sein de l'industrie de galets de quartzite présentant des plages d'écrasement ou de piquetage a orienté notre choix. A partir de la localisation de ces stigmates sur les pièces archéologiques, deux types de percuteur ont été sélectionnés (fig. 5) : les uns à zone de contact (touche) ponctuelle telle l'extrémité naturelle convexe des volumes, les autres présentant une touche rectiligne positionnée sur l'un des bords du galet et non à ses extrémités. Dans tous les cas, le poids des galets dépasse les 500 grammes. Trois éléments nous paraissent importants dans le cadre de l'obtention de surface de fracture en split (tabl. 1) : la direction de percussion, l'appui du volume débité et la touche du percuteur. L'obtention de bulbe de percussion semble, dans la plupart des cas, liée à un geste oblique réalisé avec un percuteur à touche convexe. Toutefois, un bulbe proéminent envahissant toute la surface d'éclatement apparaît fréquemment avec l'utilisation d'un percuteur à touche convexe dans le cadre d'une percussion verticale rentrante. La fracture en split est, quant à elle, exclusivement produite avec un percuteur à touche rectiligne et suivant un geste vertical rentrant. Comme nous avons pu l'observer sur le matériel archéologique, cette fracture est systématiquement marquée par un écrasement linéaire au contact du percuteur avec le rognon débité. L'appui du bloc facilite la fracturation et (ou) favorise le contrôle du geste. Pour autant, un maintien dans la main de l'opérateur du volume débité, toujours suivant la même direction de percussion et la même touche, autorise le développement de ces plans de fracture (fig. 7). La production récurrente d'enlèvements à fracture en split n'est cependant réellement contrôlée que lorsque le volume débité est posé et calé (et ce quel que soit le substrat) pour permettre d'orienter et de maintenir favorablement le bloc. Ainsi, on peut observer une rotation du volume qui a pour but d'offrir le meilleur plan d'opposition entre le point d'appui ou calage et le plan de frappe. Dans le cadre de l'utilisation expérimentale de l'enclume, les stigmates spécifiques lisibles en partie distale du support - signe d'appui axial ou non axial, présence de bulbe ou de contre bulbe, écrasement au niveau du point de contact avec l'enclume et détachement d'éclats parasites - sont généralement présents, indépendamment du geste et de la touche (fig. 8). Il faut noter que les blocs de calcaire utilisés comme enclume se sont tous fracturés sous l'effet de la compression (écrasement) sans produire les effets du contrecoup escompté par l'utilisation de cette technique. Pour autant, ces matériaux ont constitué un substrat de calage tout à fait efficient. La fonction principale de l'enclume consiste à stabiliser la pièce à fragmenter et de bénéficier d'un contrecoup « plus ou moins sec » (selon la dureté de la pièce dormante et sa surface en contact avec le sol). L'enclume, limitant le recul sous le choc de la percussion, augmente en apparence l'inertie de la pièce à fragmenter. La rareté des stigmates distaux sur le matériel archéologique des Tares permet, sans totalement en remettre en question l'existence occasionnelle (pour ne pas dire fortuite), de discuter du rôle joué par la taille sur enclume dans cette industrie. Pour ce contexte, nous privilégions une stratégie qui consiste en un appui du bloc à débiter sur des substrats probablement diversifiés (sols, déchets de taille, plaquettes calcaires), ayant pour vocation de caler le volume. Cette stabilisation du volume débité, associant la main de l'opérateur au contact de calage, a une incidence sur la précision des gestes : positionnement adéquat du bloc pour offrir la meilleure surface de plan de frappe, contrôle de la trajectoire verticale du percuteur actif suivant des plans d'inclinaison variables. Le choix de la surface de plan de frappe semble être lié aux objectifs de compression visés par l'utilisation de la touche rectiligne sur le percuteur. Ceci se matérialise ici par une zone de contact plane ou faiblement convexe sur les surfaces de plan de frappe. Un autre point est important à souligner. De nombreux enlèvements (éclats obtenus par fracture conchoïdale ou non) comportent sur leur face supérieure un ou plusieurs négatifs d'enlèvements à fracture en split. Souvent, ces négatifs sont adjacents à d'autres de profil concave d'inclinaison variables (sécants, subparallèles) et / ou à des plages néocorticales convexes dans le prolongement de leur partie distale. Cette dernière caractéristique parait en discordance avec la taille sur enclume puisque la présence de plage résiduelle néocorticale dans le prolongement distal des négatifs en split rend compte de l'absence d'un contact opposé dur, axé ou désaxé, suivant une direction verticale. A l'inverse, cette particularité est tout à fait courante sur les produits résultant d'un bloc simplement posé et calé. La fracturation en split est un mécanisme mettant en jeu plusieurs variantes. Sur le plan techno-économique, les enlèvements en split ne sont pas ici simplement caractéristiques de la phase d'amorçage du débitage puisque ces plans de fracture surviennent au cours de stades avancés de l'exploitation des blocs. De façon générale, ces éclats sont le reflet d'une démarche globale se fixant pour objectif la production de supports robustes, le plus souvent asymétrique en section ou en profil. La concrétisation de cette intention accorde un rôle décisif à la technique de percussion mise en œuvre. Celle -ci, directe et de trajectoire verticale rentrante, caractérise, pour la période abordée ici, bon nombre de productions lithiques du Paléolithique moyen (ancien et récent). C'est notamment le cas, pour ne citer que quelques exemples, des industries tayaciennes de la Micoque et des industries moustériennes de type Quina de Combe-Grenal (fig. 9) dans lesquelles la percussion directe verticale rentrante détermine des enlèvements à plan de fracture en split. Rares dans les contextes Quina, les enlèvements présentant ces plans de fracture spécifiques sont beaucoup plus nombreux dans les industries de la Micoque. Il est intéressant de souligner que les mêmes stigmates sont présents dans les déchets des ateliers de fabrication de meules en silex. L'étude des chaînes opératoires a montré que là aussi, gestes, appui du volume débité et touche rectiligne de l'outil en fer, en sont directement à l'origine (Turq 2003 et ce volume) . | A partir du ré-examen de l'industrie du gisement des Tares et d'une expérimentation, une description de la fracturation en split est proposée. Elle se caractérise par une percussion rentrante, sur appui plus ou moins ferme, de direction strictement verticale, avec des percuteurs présentant une touche rectiligne. | archeologie_12-0217485_tei_189.xml |
termith-184-archeologie | La réorganisation du nouveau Musée du Centre du Patrimoine de l'Abbaye d'Arthous dans les Landes a été l'occasion d'un réexamen sommaire des collections collectées par R. Arambourou à Duruthy. Pour étoffer les vitrines, il était en effet souhaitable d'extraire des réserves quelques pièces exceptionnelles. L'examen d'une des baguettes demi-rondes nous a alors permis de distinguer un motif figuratif inhabituel. Ici, cet objet est décrit puis replacé dans son contexte archéologique et mis en perspective avec les autres exemples de figurations du même thème dans l'art paléolithique. L'abri Duruthy, ouvert vers le sud-ouest, est creusé dans la falaise du Pastou. Appuyée sur un coteau calcaire orienté au sud-sud-ouest, cette dernière constitue l'ultime avancée du relief qui sépare le Gave de Pau du Gave d'Oloron dont la confluence se trouve à 5 km plus à l'ouest. Au pied de cette falaise, quatre abris sous roche sont alignés sur une longueur d'un peu plus de 250 mètres. D'ouest en est, il s'agit de Duruthy, du Grand et du Petit Pastou et de Dufaure (fig. 1). Tous les quatre sont situés sur la commune de Sorde-L'Abbaye dans les Landes. Ils sont entourés d'un relief plain, de faible altitude et surmontés d'un point haut, 127 mètres, qui domine la plaine alluviale des Gaves. De cette hauteur, et dans une moindre mesure du pied de la falaise, la chaîne des Pyrénées est parfaitement visible ainsi que les sommets au relief moutonné du piémont qui séparent les sites de la montagne, distante d'une quarantaine de kilomètres vers le sud. L'abri Duruthy n'a pas plus de deux mètres de profondeur et se développe sur une dizaine de mètres de long. Encadré par deux cônes d'éboulis alimentés depuis le coteau, le gisement se poursuit en avant de l'abri, sur le talus. Il est partagé en trois gradins ou terrasses (fig. 2). En 1873, R. Pottier, accompagné de L. Lartet, détecte le site de Duruthy où il effectue un sondage. En 1874, L. Lartet y poursuit les travaux avec H. Chaplain-Duparc (Lartet et Chaplain-Duparc 1874). Ils entament la terrasse supérieure, ne laissant que quelques placages le long des parois. Ils éliminent les dépôts chalcolithiques et mettent au jour les traces d'occupations paléolithiques proches des parois. Le gisement est alors délaissé jusqu' à la reprise des fouilles par R. Arambourou. De 1957 à 1986, celui -ci fouille les maigres restes de la terrasse supérieure, atteint la terrasse moyenne et réalise une tranchée perpendiculaire à l'axe de l'abri (Arambourou et al. 1978). La stratigraphie du gisement varie entre la partie haute et la partie basse du site. Cinq mètres en avant de la falaise, les dépôts sont particulièrement épais pour les périodes récentes. De haut en bas, il s'agit : d'une couche chalcolithique (c. 1) contenant une véritable nécropole; d'une couche azilienne (c. 2), encadrée par des niveaux à Hélix (?); d'une couche « Magdalénien VI » (c. 3) surmontée d'un éboulis. Enfin, de deux niveaux stériles très fins, qui doivent correspondre aux couches 3 ' et 4; puis le substrat rocheux. Par contre, vingt mètres en avant de la falaise, un sondage effectué en 1973-74 a rencontré un niveau remanié, des couches attribuées au Magdalénien (« VI » : c. 3, « V » : c. 3 ', « IV » : c. 4 et « III » : c. 5), puis diverses strates attribuées au Paléolithique supérieur et enfin la terrasse alluviale à six mètres de profondeur environ (Arambourou et al. 1978). Il s'agit d'un fragment de baguette demi-ronde en bois de Cervidé, d'une longueur de 142 mm pour une largeur maximale de 14,6 mm et une épaisseur maximale de 7,6 mm (fig. 3). Une extrémité est appointée (pointe mousse) selon un profil ogival et conserve une section plano-convexe, l'autre porte les stigmates d'une cassure par flexion. La face dorsale est fortement convexe mais ne présente pas d'aménagement hormis le décor décrit plus loin. La face ventrale est plane et marquée de stries obliques ascendantes de la droite vers la gauche. La section du fût est plano-convexe. Par comparaison avec l'échantillon étudié par V. Féruglio (Féruglio 1992), cette baguette est tout à fait « classique ». Par sa section, l'aménagement de son extrémité, les stries de la face ventrale, elle correspond aux types les plus couramment rencontrés. Le calcul de l'indice d'aplatissement (largeur maximale par rapport à l'épaisseur maximale) donne 1,92, ce qui indique une baguette plutôt épaisse. La pièce est constituée de deux fragments sans doute recollés par R. Arambourou au moment de la fouille; elle est couverte d'un vernis brillant assez épais sous lequel la surface est parfois desquamée. Hormis les 35 mm de l'extrémité appointée, l'essentiel de la face dorsale (dans son état actuel de conservation) est décoré. Trois motifs, déjà décrits par R. Arambourou, s'y succèdent : « une baguette demi-ronde (…) portant gravées deux flèches empennées et croisées en croix de Saint-André, au-dessous, une gravure ovale, peut-être un signe vulvaire et, dans la partie inférieure de la baguette, un oiseau à gros bec avec une aigrette sur la tête et l'aile déployée. Cet oiseau semblait perché sans qu'il soit possible de distinguer sur quoi, par suite de la corrosion de la gravure et de taches noires » (Arambourou et al. 1978 p. 45). A notre tour, nous décrivons ce décor depuis la pointe vers l'extrémité cassée. Il s'agit d'un signe cruciforme, allongé sur 32 mm suivant l'axe de la baguette et dont trois des quatre extrémités sont bifides. La gravure en est particulièrement appuyée. Sa forme générale est en amande. Les bords sont hérissés de traits courts, d'égale longueur, parallèles entre eux et uniformément répartis. Environ deux tiers de la surface interne sont marqués par de très fines lignes obliques parallèles. Deux traits parallèles, de part et d'autre de son grand axe le complètent. Nous ne connaissons aucun équivalent à ce motif dans l'art paléolithique franco-cantabrique. Quelques liens ténus existent avec certaines figurations de poissons ou de serpents, voire de mammifères marins (Voir Breuil et Saint-Périer 1927; Cleyet-Merle 1990). Cependant, les ressemblances sont trop lointaines pour qu'on puisse conclure. Il nous semble même présomptueux de trancher entre une représentation animale et une figure abstraite. Nous ne retiendrons donc ce sujet que comme un motif indéterminé. Longueur : 25 mm. En orientant la pièce horizontalement, pointe à gauche, la lecture d'un animal en profil gauche n'est pas contestable. La tête est courte, le museau légèrement concave, et le front bombé est surmonté d'une oreille très développée orientée vers l'arrière. L' œil manque, ou plutôt l'état de surface de l'objet ne permet pas d'affirmer son existence, même s'il peut apparaître sous certains éclairages. La lèvre supérieure est visible mais il n'est pas fait mention de la moustache, à moins qu'il faille interpréter ainsi les deux traits obliques qui barrent la joue et ont été réalisés antérieurement à la ligne du dessous de la tête. Deux pattes antérieures légèrement fléchies sont nettes, bien que la seconde ne soit évoquée que par un trait. La première est marquée d'une série de courtes hachures qui ne débordent pas le contour. Le ventre est également indiqué par de discrètes hachures. Les pattes postérieures ne sont pas figurées. La queue n'est pas visible mais la ligne de dos et la fesse ne forment qu'un trait régulièrement courbe. Le sujet mesure 32 mm de long. L'allure ramassée de la silhouette, la brièveté de la tête, la dimension de l'oreille, la position semi-fléchie des membres antérieurs nous conduisent à interpréter cette figuration comme celle d'un Léporidé. Si cette lecture nous semble assez sûre, l'identification du genre, voire de l'espèce représentée, est délicate. Les formes susceptibles d'avoir été représentées par les artistes magdaléniens du sud-ouest de la France sont le Lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus), le Lièvre variable (Lepus timidus) et peut-être le Lièvre européen (Lepus europaeus) (Cochard 2004). L'allure particulièrement ramassée de la silhouette oriente plutôt vers le Lapin, mais le Lièvre variable peut prendre aussi cette posture. La dimension des oreilles ne constitue pas ici un facteur déterminant. Entre l'arrière-train du Léporidé et l'extrémité cassée de la pièce, d'autres traits parfois assez appuyés apparaissent. Aucune lecture n'est possible, peut-être parce qu'une partie du motif se trouvait sur le fragment manquant de la baguette. Les Léporidés sont suffisamment exceptionnels dans l'art paléolithique pour que l'identification d'un nouvel exemplaire soit discutée. Au-delà de la description que l'on peut en faire, sa comparaison avec les autres spécimens apporte des éléments de discussion. Deux grandes catégories de figurations de lièvres ou de lapins peuvent être distinguées : l'une réunit les œuvres pariétales, l'autre, les exemples mobiliers. Dans l'art pariétal (fig. 5), seule une figuration de la grotte de Gabillou (Dordogne) est certaine (fig. 5a). Elle concerne sans doute un lièvre (Gaussen 1964). Dans le même site, une autre réduite à la tête est plus douteuse (fig. 5b). Une représentation d'Altxerri (Guipuzcoa, Espagne) fait également débat (fig. 5c). Interprétée comme un renard par J.-M. Barandiaran puis A. Beltran, elle est décrite comme un possible lièvre par J. Altuna et J.-M. Apellaniz (Altuna et Apellaniz 1976). Un dernier cas doit être signalé à la grotte du Castillo (Cantabres, Espagne). Une gravure de la première salle est décrite par Breuil (Alcade del Rio, Breuil et Sierra 1911) comme une biche alors que J.-M. Ceballos y voit plutôt un lièvre (com. pers.). Cette lecture nous semble d'ailleurs recevable. Au total, pour l'ensemble de l'art pariétal paléolithique, nous ne connaissons donc que quatre représentations de Léporidés dont une, seulement, est assurée. (a) et (b) : Gabillou d'après Gaussen 1964 (c) Altxerri d'après Altuna et Apellaniz 1976. (a) et (b) : Gabillou after Gaussen 1964 (c) Altxerri after Altuna & Apellaniz 1976. L'art mobilier offre des exemples un peu plus nombreux (fig. 6). La seule sculpture provient de Laugerie-Basse (Dordogne). Il s'agit, d'un bois de renne sculpté, très incomplet et difficile à interpréter (fig. 6a). En revanche, la représentation gravée sur une lame d'os (fig. 6b), découverte au Mas-d'Azil et figurant la tête, la naissance d'un membre antérieur et une partie du corps, est plus convaincante et évoque un lièvre (Piette 1907; Chollot 1964). Outre l'exemplaire inédit de Duruthy, une dernière représentation sur os provient de la grotte de Polesini (Ligurie, Italie). Elle figure la tête d'un animal au front bombé, au museau court, doté de très grandes oreilles dressées sur la tête et légèrement pointées en avant (fig. 6c). L'interprétation comme Lièvre est vraisemblable (Radmilli 1974; Palma di Cesnola 1993). Les gravures sur plaquettes montrant des lièvres ou des lapins sont souvent plus explicites. Une plaquette gravée, en grès, provient d'Isturitz (Pyrénées-Atlantiques) et fut découverte par E. Passemard qui en donna un relevé (Passemard 1920). Il s'agit d'un lièvre, sans discussion (fig. 6d). Le seul site à fournir plusieurs figurations de Léporidés est la grotte de La Marche (Vienne). Trois représentations furent publiées par le Docteur L. Pales (Pales et Tassin de Saint-Pereuse 1989) et une quatrième par J. Airvaux (Airvaux 2001). Deux de ces plaquettes présentent des lapins complets dont l'identification est sûre (fig. 6e et f). La troisième, plus fragmentaire, figure sans doute un autre sujet de la même espèce (fig. 6g). La quatrième, publiée par J. Airvaux est une tête de Lièvre en profil droit (fig. 6h). Les similitudes avec la plaquette d'Isturitz sont frappantes. Au total, ce ne sont donc que treize figurations de Léporidés qui sont recensées dans l'art paléolithique. Quatre sont indiscutablement des lièvres sans que l'espèce puisse être précisée. Deux sont des lapins certains et quatre sont des Léporidés indéterminés. Enfin, trois sont discutables (tabl. 1). Parmi les Léporidés indéterminés, se trouve le Lagomorphe de Duruthy. En effet, les comparaisons avec les autres représentations ne nous ont pas permis de préciser l'espèce figurée. Du point de vue de la chronologie, ces figures sont pour la plupart rapportées au Magdalénien et plus particulièrement à sa phase moyenne. Toutefois, hormis pour La Marche, les attributions sont souvent sujettes à caution parce qu'il s'agit d'art pariétal sans datation radiométrique, ou bien de pièces issues de fouilles anciennes (Laugerie-Basse, Mas-d'Azil, Isturitz). Elle porte le numéro d'inventaire « S A VII – I – d 2 – 24 I 59 ». Cette codification indique une découverte à Duruthy (S), dans le carré A VII. La fin du marquage est caractéristique des premières opérations de terrain, en 1957-59 : une numérotation de couche archéologique qui évoluera par la suite (I – d2, voir pour plus de détails, Dachary 2002 p. 208) et surtout la mention de sa date de découverte (24 janvier 1959). L'absence de numéro d'ordre est plus inattendue, bien que cohérente avec les archives de fouilles puisque les seules pièces de ce carré positionnées dans l'espace appartiennent aux couches 4 et 5, fouillées plus de 10 années plus tard. Si l'on ajoute l'absence de journaux de fouilles, hormis pour les années 1970 à 1975, il devient évident qu'il est exclu de connaître très précisément les conditions de mise au jour de cet objet et surtout son contexte archéologique. Cependant, R. Arambourou donne quelques détails dans la monographie de 1978, lors de la description de cette pièce parmi les objets de la couche 3 ' : « Dans les premières années de nos recherches, un peu en avant de la terrasse supérieure et vers la base des éboulis séparant les couches 3 et 4 il a été recueilli une baguette demi-ronde cassée en deux morceaux (…) » (Arambourou et al. 1978 p. 45). Cette attribution à la couche 3 ' est-elle digne de foi ? Lors des toutes premières campagnes, le travail de R. Arambourou a consisté en un nettoyage du site, suivi de l'enlèvement systématique des déblais des fouilles anciennes, de la réalisation de sondages sommaires et d'un repérage des limites des fouilles anciennes, parfois de leurs coupes effondrées. Sur la coupe longitudinale des fouilles anciennes (fig. 2), on perçoit que le carré de découverte de cette baguette est très proche des limites des travaux du XIX e siècle. La baguette a -t-elle été découverte au cours du nettoyage ? L'absence de pièces cotées dans la couche 3, pour ce carré mais aussi pour ses voisins (A V, A VI), indique -t-elle une destruction localisée des niveaux superficiels ? Ou faut-il comprendre que la rareté du matériel archéologique de la couche 3 ' n'a pas permis son individualisation pendant la fouille mais seulement sa reconstitution a posteriori, au moment de son dégagement sur la terrasse moyenne (en 1973, R. Arambourou indique « nous connaissons encore trop peu [la couche] pour pouvoir l'individualiser par son industrie et par sa faune ») ? L'absence de positionnement strict dans l'espace n'est donc pas nécessairement un argument suffisant pour remettre en cause l'attribution de cette pièce à la couche 3 '. Se pose alors la question de l'attribution chronologique du matériel de ce niveau. Les couches qui encadrent 3 ' ne posent aucun problème puisque nous disposons d'analyses environnementales et d'un matériel lithique et osseux (voire de vestiges artistiques) abondants. Ainsi, la couche 4 est considérée comme Magdalénien moyen (Arambourou et Thibault 1968, 1970) pendant que la couche 3, de loin la plus riche à ce jour, est qualifiée de « Magdalénien VI » (ibid. 1968 et 1973), même si certains éléments de l'outillage lithique ont d'abord conduit R. Arambourou à parler de Magdalénien final (Arambourou 1961). La couche 3 ' est plus équivoque : déduite de sa position stratigraphique, son attribution au « Magdalénien V » est étayée par les analyses paléoenvironnementales (Arambourou et Thibault 1970, 1972, 1973) mais pas par un matériel archéologique suffisamment diagnostique (Clottes 1989, 1996). G. Marsan a récemment examiné cette collection et penche plutôt pour une attribution au Magdalénien moyen (com. pers.). Notons toutefois que si l'existence de connexions anatomiques dans des secteurs plus proches de la falaise témoigne probablement d'une bonne conservation de ce niveau, la description sédimentaire de la terrasse inférieure mentionne « deux lobes divergents d'environ 10 cm d'épaisseur qui vont d'ailleurs en s'amenuisant vers le sud » (Arambourou et al. 1978 p. 44), ce qui évoque plutôt un mauvais état de conservation. Rendue vigilante par ces remarques, l'une d'entre nous (M. D.) a été amenée à tester l'homogénéité de l'industrie lithique de Duruthy en fonction de son lieu de découverte (Dachary 2002). Il s'avère que seul le matériel issu de la terrasse supérieure et d'une partie de la terrasse moyenne est suffisamment homogène : une attribution qui tient compte de la globalité du matériel de la couche 3 ' risque d' être biaisée par des mélanges indiscutables au sein du matériel de la terrasse inférieure. Les baguettes demi-rondes sont particulièrement nombreuses au Magdalénien moyen mais sont aussi connues à d'autres périodes. De plus, les caractéristiques de la baguette portant le Léporidé en font une pièce relativement peu diagnostique d'une phase particulière du Magdalénien; elles ne permettent pas de trancher entre Magdalénien moyen et supérieur. Le décor n'apporte pas non plus d'information déterminante puisque le motif cruciforme est ubiquiste tandis qu'au contraire, le motif indéterminé du milieu de la baguette est original et interdit tout rapprochement avec d'autres vestiges. Enfin, la figuration de Léporidé ne permet aucune attribution chronologique fine. Les autres représentations de ce thème dans l'art paléolithique ne sont pas toutes attribuables à la même période et le style de la représentation n'autorise aucune conclusion. Néanmoins, dans l'avenir, une étude technologique du décor permettra peut-être d'affiner l'analyse. Quoi qu'il en soit, l'existence d'une représentation de Léporidé est suffisamment originale pour faire de cette baguette une pièce exceptionnelle . | Dans le cadre de la réorganisation du Musée de l'Abbaye d'Arthous (Landes), le réexamen rapide des collections issues des fouilles de R. Arambourou à l'abri Duruthy (Sorde-L'Abbaye, Landes, France) a été l'occasion de découvrir une figuration de Léporidé sur une baguette demi-ronde. À titre de comparaison, les figurations de ce thème dans l'art paléolithique sont recensées. L'attribution chronologique et culturelle de la couche 3', niveau de provenance de cette pièce, est ensuite discutée mais il demeure difficile de trancher entre Magdalénien moyen et supérieur. | archeologie_08-0169734_tei_243.xml |
termith-185-archeologie | Depuis plus d'une dizaine d'années, nous tentons, avec d'autres chercheurs (N. Dufresne, J.-L. Poidevin, J.-F. Pasty, Ph. Gervais), à préciser l'origine géographique des silex employés par les populations préhistoriques du centre du Massif central (essentiellement de la région administrative d'Auvergne), dans le but de reconstituer les courants de circulation des matières premières et de progresser dans la voie de la connaissance de l'organisation socio-économique de ces populations (Surmely et al. 1998; Surmely 1998; Dufresne 1999; Surmely et al. 2002; Surmely et Pasty 2003). Ces études se sont basées essentiellement sur une identification visuelle macroscopique et microscopique (microfaciès, micropaléontologie, dont identification des dinoflagellés) des silex qui permet, dans bien des cas, d'opérer une discrimination des principales catégories de matériaux siliceux, en les comparant à une lithothèque de référence que nous avons constituée. Nous basant sur les premières observations pertinentes de F. Pommerol (1877 et 1881), puis de J. Desrut (1939) et les études effectuées par A. Masson (Masson 1981, 1982 a et b), nous sommes arrivés aux mêmes conclusions que ces chercheurs, c'est-à-dire à la mise en évidence d'une importante composante de matériaux importés au sein des séries lithiques siliceuses, dès le début du Paléolithique supérieur (Surmely et Pasty 2003; tabl. 1 - en annexe). La grande majorité des silex allochtones correspond à des matériaux d' âge crétacé et tout particulièrement à des silex de la craie du Crétacé supérieur, comparables en tous points à ceux que l'on peut retrouver à l'état naturel en Touraine, tout particulièrement dans les secteurs des basses vallées de l'Indre et du Cher (Aubry 1991). Par l'étude d'un plus grand nombre de gisements (notamment post-paléolithiques), l'intégration des données technologiques et la constitution d'une petite lithothèque, nous avons pu aller au-delà des résultats acquis précédemment et proposer des interprétations nouvelles (Surmely et Pasty 2003), mettant en évidence l'importance et la complexité des courants de circulation à longue distance de matériaux siliceux à partir du début du Paléolithique supérieur jusqu' à l' âge du Bronze ancien. Toutefois, si l' âge et l'origine géologique des matériaux ont été pu être caractérisés dans la plupart des cas, il restait à déterminer l'origine géographique précise des silex, afin de mieux cerner les courants de circulation des matériaux et les spécificités éventuelles en fonction des périodes et des sites considérés. Cette question ne pouvait être résolue par le biais des seules études traditionnelles (microfaciès, micropaléontologie), en raison de la similitude des matériaux concernés. En effet, les silex de la craie présentent des caractéristiques microfaciologiques et micropaléontologiques identiques dans un certain nombre de secteurs géographiques, notamment dans la bordure externe sud et est du Bassin parisien (Berry, Sancerrois, Gâtinais, Champagne…). Les méthodes traditionnelles nous semblaient donc insuffisantes pour progresser dans la voie de l'identification des origines précises des matériaux au sein de secteurs géographiques assez larges. Une voie prometteuse était celle de la géochimie (éléments-traces et isotopes du Strontium), comme l'ont montré les études partielles que nous avions initiées (Dufresne 1999; Gervais 2001; Giez 2001). Les bassins sédimentaires précités ont reçu en effet des apports détritiques différents, qui peuvent être caractérisés par l'analyse de leurs constituants. Mais cette méthode, encore pionnière, est délicate et réclame des précautions méthodologiques, comme l'ont montré les travaux menés dans d'autres régions françaises (Alpes, travaux C. Bressy; sud de la France, travaux S. Grégoire, M. Blet et D. Binder). Il est nécessaire de disposer d'un échantillonnage complet et représentatif des différentes matières premières concernées. Cela passe par la constitution d'une lithothèque exhaustive. Il importe également de coupler étroitement et de croiser les résultats issus de l'analyse des éléments-traces et des isotopes du strontium, afin d'affiner les différences entre matériaux. Il est nécessaire aussi de ne pas négliger les apports des examens visuels macroscopiques et microscopiques. Enfin, la comparaison entre matériaux issus de gîtes et séries archéologiques requiert une bonne connaissance des sites archéologiques concernés. Nous avons orienté notre travail dans les trois directions précitées : recensement et collecte des sources de matières premières, étude de séries archéologiques, tentative de rapprochement plus étroit, notamment par le biais de la caractérisation géochimique, de silex naturels et issus de gisements préhistoriques. Nos recherches ont donc porté sur le recensement des silex crétacés dans les régions de la bordure sud et est du Bassin parisien. Cela a supposé des prospections approfondies dans une grande partie de la région Centre (départements du Loiret, du Loir-et-Cher, de l'Indre, de l'Indre-et-Loire et du Cher) et une partie de quelques départements limitrophes de la région Bourgogne (Yonne et Nièvre). Le secteur du Grand-Pressigny (Indre), où des recherches ont lieu en parallèle (notamment J. Primault 2003), a été exclu du champ de notre étude. Le travail de terrain a été précédé d'une étude des cartes géologiques, qui donnent, avec une précision variable selon les auteurs, des indications sur la présence et l'abondance, voire l'aspect des silex. Nous nous sommes également appuyés sur le travail réalisé par Th. Aubry (Aubry 1991) et les indications de chercheurs comme S. Bourne et L. Brivet. Sur le plan méthodologique, il faut apporter les précisions suivantes, qui ont une grande importance dans la représentativité de la collection constituée. Tout d'abord, nous avons bien évidemment privilégié les gîtes primaires, où le silex peut être trouvé dans son contexte géologique d'origine. A ce titre, les carrières et les terrassements liés aux grands travaux d'aménagement sont des zones particulièrement intéressantes. Nous avons eu ainsi la chance de prospecter une partie du chantier de l'autoroute A85, dans sa portion Saint-Aignan/Tours. Mais nous n'avons pas pour autant négligé les gîtes secondaires ou tertiaires (argiles à silex d' âge divers et notamment tertiaire, alluvions, lits des cours d'eau) qui apportent des données complémentaires et indispensables. Il faut également souligner que les populations préhistoriques se sont probablement approvisionnées en grande partie auprès de ces sources, souvent facilement accessibles. Nous avons également pris en considération les dépôts de matériaux, les remblais, voire les vieux murs, quand l'origine géographique de ces dépôts pouvait être déterminée avec une précision relativement bonne. Il est évident que les informations (notamment l' âge des silex) sont moins précises dans le cas de ces silicifications arrachées à leur contexte originel. Chaque échantillon collecté a reçu un numéro et a fait l'objet d'une fiche détaillée comportant les indications suivantes : localisation géographique, contexte géologique, aspect, couleur, dimensions et texture du silex et de son cortex. Chaque fiche est accompagnée d'une photographie. Le géoréférencement de chaque gîte permet son intégration dans un SIG. La lithothèque a été constituée sous quatre formes différentes, chacune des formes étant adaptée à un usage précis. L'identification de l'échantillon est assurée par son numéro d'enregistrement : une réserve d'échantillon : chaque type de silex est conservé sous la forme d'un échantillon de bonne taille, permettant d'avoir une réserve de matière pour les études ultérieures (analyses, expérimentations)… Cette réserve, assez volumineuse, est conservée dans des cartons au dépôt de fouilles du SRA Auvergne; une forme consultable aisément (lithothèque de référence) : chaque échantillon de silex est déposé dans un casier d'une boîte plastique transportable. Cette forme est particulièrement adaptée pour la comparaison macroscopique avec des séries archéologiques. Elle peut être déplacée en dehors de son lieu de stockage habituel; une forme légère : chaque échantillon représentatif est déposé dans un sac plastique de petite taille, dûment identifié par son numéro de référence. L'ensemble a un volume et un poids réduits (de l'ordre de quelques kilos), ce qui en fait un outil pratique pour les comparaisons de silex sur le lieu de dépôt de la série archéologique (musées, etc.); enfin, chaque échantillon a été photographié et l'ensemble des photos constitue une banque de données qui peut être consultée par voie numérique (CD Rom, Internet…). La prospection a donné des résultats très intéressants. Une centaine de gîtes, offrant des silex différenciés, a pu être recensée dans l'ensemble de la zone d'études (fig. 1 à 3). Une partie importante de ces sources était inédite ou très peu connue. Cela confirme la richesse en matières premières de la région considérée, correspondant à une bonne partie de la région Centre et de ses marges orientales. Dans certains secteurs, notamment la basse vallée du Cher et du Gâtinais, les silex sont très abondants, au point qu'ils ont constitué une matière première pour la construction et même le remblai ! Parmi les « découvertes », signalons le micro-affleurement de silex crétacé de teinte rougeâtre de Neuillay-les-Bois (Indre), les silex crétacés bariolés du nord-ouest du département de la Nièvre (fig. 11 et 14), les silex blonds de Vierzon et de la Chapelle-d'Angilon (Cher). La constitution de l'inventaire a montré la grande variété des matériaux et, à l'inverse, la présence de silex d'aspect identique dans de nombreux secteurs bien distincts géographiquement. C'est le cas, hélas, pour nos perspectives d'études, des silex « blonds » qui ont été privilégiés pour la diffusion à longue distance vers le Massif Central et ses marges. Impossible en effet de distinguer macroscopiquement un silex blond des environs d'Estissac (Aube), d'un silex blond de Vernou-sur-Brenne (Indre-et-Loire), de Meusnes (Loir-et-Cher), de Vierzon (Cher) ou bien de Girolles (Loiret). Cela est dû, bien évidemment, au contexte de formation de ces silicifications, dans une mer crétacée de grande étendue. Par voie de conséquence, la détermination, par simple examen visuel, de l'origine géographique de la plupart des silex, est donc impossible, même si cette opération constitue toutefois la base d'un premier tri et d'une identification grossière de leur provenance. Il faut toutefois souligner que les silex de couleur blonde ne se rencontrent de façon exclusive que dans quelques secteurs particuliers des basses vallées de l'Indre et du Cher (fig. 2) : nord du département de l'Indre (entre les communes de Pellevoisin au sud-ouest et de Buxeuil au nord-est) et environs de Vierzon (communes de Vierzon, Thénioux et de Saint-Georges-sur-Prée; département du Cher). L'inventaire des gîtes à silex s'affirme comme la base de l'étude, en fournissant le référentiel nécessaire à la caractérisation analytique. Les examens visuels sont la base d'un tri en fonction de la couleur et la texture et permettent la réalisation de rapprochements. Une quarantaine de lames minces ont été effectuées, afin de permettre des examens microscopiques. Elles se sont ajoutées aux dizaines de lames réalisées et étudiées lors de notre étude antérieure (Surmely et al. 1998). Malgré la collaboration de spécialistes, tels J.-P. Bellier (université de Paris 6) pour les foraminifères et E. Masure pour les dinoflagellés, les informations recueillies sont plutôt d'ordre général, sans utilité réelle pour assurer une discrimination entre les différents matériaux et des rapprochements assurés et précis entre gîtes et séries archéologiques. Les organismes identifiés (foraminifères notamment) sont trop ubiquistes pour permettre une caractérisation précise des silex et autoriser des rapprochements pertinents. Ce travail a été effectué en 2002 (Surmely et Murat 2003), par le biais des tests traditionnels pratiqués dans le génie civil. Le choix des échantillons soumis à l'analyse s'est porté sur une gamme de silex tertiaires d'Auvergne et de Dordogne et divers silex crétacés. Du point de vue de la résistance au choc et à l'usure, on observe l'excellente valeur des silex tertiaires et, a contrario, la qualité relativement médiocre des silex de la craie du secteur de Saint-Aignan qui sont plus fragiles et moins homogènes. L'attractivité des silex marins importés repose donc apparemment sur d'autres critères que celui des qualités mécaniques du matériau. Soixante douze échantillons ont été analysés au total (tabl. 2 - en annexe et fig. 3). Ils se partagent à parts égales entre silex issus de séries archéologiques et matériaux issus de gîtes naturels. Nous avons bien évidemment privilégié les silex crétacés pour les matériaux issus de gîtes, après un premier tri sur la base de l'aspect visuel. Bien évidemment, un large spectre de matériaux issus de la région Centre a été considéré, mais nous avons aussi, à titre de comparaison et de test, intégré des silex provenant de régions différentes : Bourgogne, Champagne, Vaucluse… Dans le même esprit, nous avons étudié quelques silicifications issues de contextes sédimentaires différents : silex jurassiques et de l'Infralias. Conformément à l'esprit de notre étude, nous avons sélectionné des artefacts de toutes époques, entre le Gravettien ancien et le Bronze ancien, mais en nous limitant toutefois à l'outillage taillé. Alors que la majorité des chercheurs ayant travaillé sur la caractérisation géochimique des silex a eu recours à la discrimination par les seules teneurs en éléments-traces, nous avons ajouté à ce critère celui du rapport isotopique du strontium (rapport 87Sr/86Sr). Ce marqueur isotopique, utilisé traditionnellement en géologie pour les déterminations d' âge, est en effet considéré par les géochimistes comme un élément de discrimination beaucoup plus fiable que celui de la simple comparaison des teneurs en éléments-traces (par exemple, pour le seul domaine des formations sédimentaires carbonatées : Mac Arthur et al. 1993, 2000 et 2001; Mac Arthur et Howarth 2004; Scasso et al. 2001; Crame et al. 1999). Les travaux réalisés en géochimie ont en effet montré qu'il était moins affecté par les problèmes de lessivage et de traversée de fluides, liés à la genèse des silex et à leur évolution. Le rapport isotopique du Strontium a donc été privilégié comme premier discriminant pour les mises en correspondance des différents échantillons (Roth et Poty 1995). L'analyse géochimique, avec les deux critères retenus, réclame un très lourd traitement des échantillons, avec une longue suite d'opérations manuelles minutieuses, qui limite de fait le nombre d'échantillons pris en compte. Dans un premier temps, il faut réduire l'échantillon à l'état de granulés de petite taille. Le concassage doit être réalisé sans risque de pollution. La seconde étape consiste à débarrasser l'échantillon de ses composantes siliceuse et organique, qui constituent ordinairement 99 % de sa composition, pour ne laisser que les éléments caractérisables par l'analyse. Pour ce faire, l'échantillon est attaqué à l'acide fluorhydrique, puis par un mélange acide nitrique/eau oxygénée. Un pesage précis est effectué à chaque étape. Le résidu est alors partagé en deux parties égales. Une partie est envoyée pour la mesure par ICP/MS. L'autre partie sert pour la détermination isotopique du strontium, opération technique réalisée par nous -mêmes dans le laboratoire du département de géologie et dont le processus analytique, lui -même très fastidieux, est décrit par Roth et Poty (1995). Comme nous l'avons dit plus haut, nous avons considéré la valeur isotopique du strontium comme premier critère discriminant. C'est sur la base de cette valeur, qu'ont été définis les groupes (cf. infra). Mais la quantité de strontium 87 présente actuellement dans une roche (et donc donnée par la mesure ICP/MS et nommée 87Sr a) est la somme du 87Sr présent à l'origine (nommé 87Sr i et du 87Sr produit depuis l'origine par la désintégration du 87Rb (Rubidium 87). Pour notre objectif de tentative de rapprochement de matériaux, il importe de baser les comparaisons sur la quantité de 87Sr présent à l'origine (87Sr i). Le principe peut être consulté à partir du lien suivant : La valeur de 87Sr i peut être calculée par l'utilisation de la formule suivante : 87Sr i = 87Sr a – 87Rb a (exp t-1); avec λ = 1,42. 10 - 11 (λ= ln (2)/T, T étant la demi-vie, soit 49 milliards d'années); t étant l' âge de l'échantillon. La détermination de l' âge de l'échantillon n'est pas facile. En effet, la plupart de nos échantillons sont issus de gîtes secondaires et leur âge ne peut donc être donné que de façon approximative. L'incertitude est encore plus grande pour les échantillons archéologiques. Fort heureusement, l'indice de la valeur de t dans le résultat n'est pas important. Nous avons donc pris des valeurs moyennes (par exemple 90 millions d'années pour l'ensemble des silex considérés comme étant du Crétacé supérieur). Les teneurs en éléments-traces et terres rares n'ont été utilisées que comme discriminant secondaire. Elle n'a donc été prise en considération qu' à partir du moment où les valeurs de 87Sr i des échantillons étaient voisines. Comme c'est la règle, les données obtenues ont été exploitées sous forme de spectres, après normalisation des teneurs (Taylor et Mac Lennan 1994). Le référentiel utilisé a été celui de l'ES, jugé le plus fiable compte tenu du contexte géographique et géologique des échantillons considérés. Les teneurs en éléments majeurs, jugées trop aléatoires (en raison des phénomènes d'agglomération colloïdale de nombre d'éléments, tels que le fer ou le manganèse), n'ont été prises en considération qu'en cas de variations très fortes, considérées alors comme discriminantes. Pour comparer les résultats issus de l'ICP/MS (géochimie des éléments-traces et des terres rares) et de la spectrométrie de masse (géochimie isotopique du strontium), nous avons développé un outil d'analyse de données, baptisé VDM Identification. Ce programme sélectionne les meilleurs appariements selon les procédures suivantes : A/ un calcul de rapprochement en composition normalisée (chaque donnée est préalablement divisée par la valeur maxi de chaque colonne); B/ un calcul de rapprochement en valeur sans modification. L'étude géochimique globale permet d'individualiser des groupes de matériaux. Le groupe principal, baptisé B, rassemble un nombre conséquent d'échantillons géologiques : 6-1 (Lye, 36), 6-2 (Lye, 36), 10 (Buxeuil, 36), CHG (La Chapelle d'Angilon, 18), CHG2 (La-Chapelle-d'Angilon, 18), 2 (Mareuil-sur-Cher, 41), et 8 (Veuil, 36) (fig. 6). Ils présentent des analogies avec les silex archéologiques suivants : Blot 1 (Cerzat, Magdalénien, 43), PON2 (Pontcharraud, Chasséen, 63), GOU5 (Goutte-Roffat, Magdalénien, 43), PDL (Pont-de-Longues, Magdalénien, 63), POU (Poudrière, Chasséen, 63) et Bl3 (Blassac 2, Magdalénien, 43). D'autres artefacts présentent les mêmes rapports, mais leurs spectres de terres rares sont différents. Ils doivent donc être classés à part. Il s'agit de SI4 (Sire, Gravettien ancien, 63), ENVI (Enval 1, Magdalénien, 63), GOU2, GOU3 et GOU7 (Goutte-Roffat, Magdalénien, 63). Un deuxième groupe (C) a pu être individualisé. Les échantillons issus des gîtes 20 (Autry-le-Châtel, 18), 13 (Méry-sur-Cher, 18), 8 (Veuil, 37), 80 (Thénioux, 18) et 92 (Orville, 36) présentent en effet des points communs. Ce sont tous des silex blonds, avec des zonations pour 13 et 20 et des dendrites de manganèse pour 92. Des rapprochements peuvent être faits avec les échantillons archéologiques Blot 1 (Blot, Protomagdalénien, 43), Env1 (Enval, Magdalénien, 63), GOU2, GOU3, GOU5, GOU7 (Goutte-Roffat, Magdalénien, 42), PDL (Pont-de-Longues, Magdalénien, 63), PON2 (Pontcharraud, Chasséen, 63), voire Si4 (Le Sire, Gravettien ancien, 63). Ce sont tous également des silex blonds. Les similitudes sont particulièrement nettes entre Blot 1 et le gîte 80, tant du point de vue du rapport 87/86 que des teneurs en éléments-traces (fig. 7 et 8). Le groupe E rassemble les silex 9 (Langé, 36) et 88 (Moulins-sur-Céphons, 36). Ce sont deux silex blonds de la craie, dont les gîtes sont proches géographiquement. Ils sont toutefois légèrement différents sur le plan du strontium. Un rapprochement peut également être fait avec le silex archéologique CHAL (Champ-Chalatras, Épipaléolithique, 63). On observe des similitudes entre PRES (silex du Turonien supérieur du Grand-Pressigny) et PON3 (Pontcharraud 2, Chasséen, 63) (fig. 9), qui forment à eux deux le groupe F. La corrélation est parfaite du point de vue macroscopique et l'échantillon PON3 était aussi le seul que nous avions considéré comme pouvant provenir du Grand-Pressigny, lors de l'examen macroscopique initial. Il existe également un lien avec le gîte 3 (Nouan-les-Fontaines, 36) qui correspond également à un silex du Turonien supérieur, mais originaire du nord du département de l'Indre. La comparaison des rapports isotopiques initiaux du strontium (87Sr i) et des teneurs en terres rares et éléments-traces, fait apparaître des similitudes entre plusieurs échantillons géologiques (fig. 10) : PRO (Provins, 77), EST (Estissac, Aube), EST2 (Estissac, Aube), 60 (Subligny, Yonne), 24 (La Bussière, Loiret) et, dans une moindre mesure, 29 (Girolles, Loiret) (groupe A). Un rapprochement particulièrement net est visible entre PRO et 60. L'ensemble de ces échantillons appartient aux silex de la craie du Turonien de la partie nord de notre zone d'études : Bourgogne du nord, Gâtinais et Champagne du sud. Le rapprochement avec les silex archéologiques est presque inexistant. Seuls les deux échantillons GOU2 et GOU3 (La Goutte-Roffat, Magdalénien, 42) pourraient éventuellement correspondre mais les analogies sont ténues. Un rapprochement peut être fait entre deux échantillons : 68 (Myennes, 58) et 11 (Buxeuil, 36). Les spectres de terre rares présentent toutefois de légères divergences. Le gîte 11 offre un silex de la craie classique à coloration homogène. Le silex 68 est un matériau d'aspect bariolé, issu de séries du Crétacé supérieur, mais présent actuellement dans des argiles de décalcification tertiaires du nord-ouest du département de la Nièvre (Surmely 2008; fig. 11). Tous les échantillons étudiés appartenant aux silicifications marines du Crétacé inférieur du Vaucluse, MUR1 (Murs), CHA (Châteauneuf-du-Pape), CHA2 (Châteauneuf-du-Pape) et MAL1 (Malaucène), forment un groupe homogène (groupe 117) et nettement individualisé des autres, à la fois sur la base du strontium et des spectres de terres rares (fig. 12). Un rapprochement peut être fait avec les deux échantillons (CHAST et CHM) provenant du site chasséen de Chastel-sur-Murat (Cantal), situé au sud de l'Auvergne. On observe de profondes analogies entre deux échantillons de silex blond, provenant du site magdalénien de la Corne-de-Rollay (Cérilly, Allier), COR et COR2. On remarque pourtant une différence nette de coloris (fig. 13). L'échantillon COR2 est de couleur plus foncée et plus rougeâtre que l'échantillon COR. L'analyse des éléments majeurs (fig. 14) montre que cette variation est due à des teneurs différentes en composants et notamment en fer. On observe également une parenté étroite entre 4 échantillons archéologiques provenant du site de Longetraye (Freycenet-la-Cuche, 43), situé à l'extrême pointe méridionale de la région Auvergne, au contact de la Lozère. Ces matériaux ne trouvent aucune correspondance avec les gîtes géologiques analysés, même si les spectres d'éléments-traces se rapprochent quelque peu de ceux du groupe 117 (silex du sud-est de la France). Les échantillons suivants s'individualisent nettement et ne présentent aucune similitude : les silex crétacés issus des gîtes 40 (Neuillay-les-Bois, 36), et 5 (Meusnes, 41), ainsi que ceux issus des sites archéologiques BADE (Bade de Collandres, 15), GOU6 (Goutte-Roffat, 42), GOU9 (Goutte-Roffat, 42), Si 2, SIR et Si5 (Le Sire, 63), Bl2 (Blassac, 63) et BLOT3 (Le Blot, 43). Les échantillons géologiques YGUE (Iguerande, 71) et STJ (Saint-Jeanvrin, 18) sont également à part et ne trouvent aucun équivalent, tant du point de vue des matériaux archéologiques que géologiques. YGUE est un silex jurassique. STJ est aussi d'un matériau spécifique, issu des silicifications filoniennes de l'Infralias. Le rapprochement macroscopique que nous avions été tenté de faire avec des silex trouvés en contexte archéologique est sans fondement. Ces échantillons ont en commun un rapport isotopique du strontium très élevé (> 0,712), ce qui traduit l'existence d'une forte composante détritique. Le rapport peut atteindre 0,733 dans le cas de STJ (silex de l'Infralias, de Saint-Jeanvrin, 18). Cela se traduit aussi par des teneurs exceptionnellement élevées en certains éléments majeurs, tels que le fer. Ces roches « sales » présentent alors une signature géochimique qui n'est pas forcément significative. Pour aller plus loin dans l'analyse, il faudrait alors qu'elle soit pondérée de plusieurs échantillons. Les résultats obtenus montrent le bien-fondé de la méthode utilisée et du choix du rapport isotopique du strontium comme premier critère de comparaison et de discrimination. Les échantillons issus du même gîte géologique (par exemple EST et EST2, ou bien 6-1 et 6-2), ou de gîtes voisins (9 et 88, tous deux du nord de l'Indre) présentent le même profil géochimique, ce qui montre aussi que les différences de couleur, dues à une teneur variable en éléments organiques ou minéraux (éléments majeurs), n'influent pas sur la signature géochimique. Cela apparaît aussi à partir du rapprochement possible entre les deux échantillons archéologiques de COR et COR2. Notons toutefois que le matériau issu du gîte 5 (Meusnes, 41), bien que situé très près du gîte 6 (Lye, 36), présente de fortes différences au niveau de la caractérisation géochimique. Cela peut tenir à une variation latérale ou stratigraphique de faciès. De même, on peut individualiser des groupes chrono-spatiaux. Le groupe des silex du Crétacé inférieur du sud-est de la France présente de fortes similitudes et se distingue nettement des silex des autres secteurs géographiques. La même chose est observable pour les silex du Crétacé supérieur de la partie nord de notre zone d'études (Bourgogne-nord, Champagne du sud et Gâtinais). Les silex très différents en matière de texture et d' âge, tels que les matériaux issus des gîtes de l'Infralias de Saint-Jeanvrin (Cher) et jurassiques d'Iguerande (Saône-et-Loire), ne ressemblent à aucun autre échantillon analysé. Les silex des calcarénites du Turonien supérieur se différencient également des autres matériaux. Les rapprochements entre silex archéologiques et géologiques sont plus délicats à interpréter. C'est à cette même conclusion que sont arrivés les travaux antérieurs menés par le biais de la géochimie (Blet et al. 2000; Bressy 2000; Bressy et al. 2000; Grégoire 2001). Quelques résultats indubitables ont toutefois été obtenus. Nous avons la confirmation que la majeure partie des matériaux archéologiques proviendrait bien de gîtes du centre de la France et plus précisément du Berry. Les rapprochements étroits entre matériaux archéologiques et géologiques concernent des gîtes du nord de l'Indre, du sud du Loir-et-Cher ou du nord-ouest du Cher. Il s'agit là d'un résultat important qui corrobore les théories antérieures émises à partir de simples études microfaciologiques, mais aussi litho-technologiques (Masson 1981; Surmely et al. 1998). Il n'y a pas d'indice de rapprochement avec les riches gîtes à silex du Giennois, présentés comme pouvant être à l'origine des feuilles de laurier retrouvées sur le dépôt de Volgu (Saône-et-Loire; Aubry et al. 2003), du nord du Loiret, du Sénonnais, comme de la Champagne. L'importation de silex blonds du sud-est de la France est subodorée par le rapprochement avec les deux échantillons d'un site néolithique du sud du Cantal. L'origine géographique précise des matériaux archéologiques reste plus difficile à déterminer. Beaucoup de silex (par exemple CHAL, GOU2, GOU3, GOU5, GOU7, ENV1, PON2) peuvent être rapprochés de plusieurs gîtes géologiques, situés certes dans le même secteur géographique. Les propositions d'attribution géographique précise, basée sur la similitude parfaite des signatures géochimique, isotopique et pétrographique sont rares. Elles concernent l'échantillon Blot 1, qui peut être attribué au gîte 80 (Thénioux, Cher), Si4, qui peut être attribué au gîte 11 (Buxeuil, Indre), PON2, GOU7 et PDL qui pourraient provenir du gîte 13 (Méry-sur-Cher, Cher). Même si ces indications sont en nombre limité, il faut noter qu'elles concernent toutes deux secteurs géographiques voisins, localisés à l'extrême pointe septentrionale du département de l'Indre et aux environs de Vierzon (département du Cher). En dehors de ces cas, les rapprochements ne peuvent être faits. Notre étude a alors pour résultat de montrer que les appariements supposés, par le biais de l'examen visuel, ne sont pas pertinents. Ainsi l'échantillon Si5 (Le Sire, 63), que nous avions rapproché des gîtes 40 (Neuillay-les-Bois, 36) ou 68 (Myennes, Cher), sur la base de la couleur rougeâtre bien spécifique et de zonations ocres (fig. 15), ne correspond à aucun d'entre eux. Les échantillons Si2 et SIR3 nous semblaient provenir des silicifications de l'Infralias de Saint-Jeanvrin. Pourtant, l'analyse géochimique, tout en confirmant leur place à part, ne montre aucune similitude avec l'échantillon (STJ) provenant de ce gîte. Faut-il en conclure que ces silex ne proviennent pas des gîtes considérés ? La réponse n'est pas évidente. Dans le cas de roches à forte composante détritique (ce qui semble être le cas de certains silex de la craie du Crétacé, mais surtout des matériaux du Jurassique (tels que ceux du secteur d'Iguerande, 71), ou de l'Infralias, tels que STJ), la signature géochimique peut être non significative sur un échantillon isolé. Pour opérer des comparaisons valables, il faudrait faire une série de mesures sur plusieurs échantillons et voir leur variabilité, avant de calculer des moyennes pondérées. Quant au petit nombre de rapprochements précis entre silex géologiques et artefacts mis en évidence et à l'absence de toute correspondance géologique entre certains silex archéologiques et l'ensemble des échantillons naturels analysés, ils ne sauraient surprendre et tiennent assurément à la nature trop restreinte de notre corpus. Rappelons que l'échantillonnage de toute la partie sud de l'auréole du Crétacé supérieur du Bassin parisien (Alcayde 1994) se limite à 30 échantillons ! Nous n'avons pas pu prendre en considération toute la diversité des matériaux, au travers des variations latérales et stratigraphiques de faciès. Enfin, il convient de souligner que l'interprétation des données obtenues pourrait être diversement appréciée. Même si nous pensons que notre méthodologie demeure la plus adaptée, notamment par la prise en compte du rapport isotopique du Strontium comme discriminant principal, nous pouvons admettre que d'autres méthodologies pourraient être mises en œuvre. C'est pour cette raison que les rapports d'opération que nous avons écrits (disponibles sur) comportent l'ensemble des résultats bruts d'analyses. Notre étude s'est basée sur les séries lithiques d'un nombre important de gisements, allant du début du Paléolithique supérieur (Aurignacien ancien probable) au Bronze ancien, dans six départements du centre du Massif central : Puy-de-Dôme, Cantal, Haute-Loire et dans une moindre mesure, Allier, Loir-et-Cher. Les ensembles lithiques étudiés sont d'importance quantitative inégale, depuis de petites séries issues de fouilles anciennes, jusqu' à de gros corpus venant de gisements fouillés récemment. Nous ne rentrerons bien évidemment pas dans la description de ces séries, la plupart ayant fait l'objet de publications, dont on trouvera la liste dans la bibliographie de cet article. Comme nous l'avons déjà indiqué (Surmely et Pasty 2003), le silex crétacé supérieur est totalement absent des gisements antérieurs au Paléolithique supérieur des trois départements du Cantal, du Puy-de-Dôme (Surmely et Pasty 2003) et de la Haute-Loire (Raynal et al. 2007). Il est présent dans le gisement de Châtelperron, dans un contexte attribué à l'Aurignacien ancien (Delporte et al. 1999). Il est bien représenté dans le gisement du Sire, à Mirefleurs, Puy-de-Dôme, daté du tout début du Gravettien (Surmely et al. 2003, sous presse et soumis), et dans les niveaux du Gravettien moyen/final du gisement du Blot (Cerzat, Haute-Loire; Surmely, soumis). Nous ne disposons malheureusement pas de corpus solutréen. Dans les niveaux protomagdaléniens de ce dernier site, le silex crétacé est très abondant (94,2 % de l'industrie lithique), avec une bipartition originale Turonien inférieur/Turonien supérieur (Surmely et al. sous presse; Surmely soumis). On le retrouve dans l'ensemble des gisements magdaléniens et épipaléolithiques des hautes vallées du Cher, de la Loire et de l'Allier et de ses affluents (Bourbonnais, Velay, Puy-de-Dôme, partie orientale du département du Cantal). Les proportions vont de moins de 1 à 69 %, selon les secteurs géographiques, sans que l'on puisse voir une évolution chronologique au sein de cette période. Il n'y a pas de décroissance à l'Azilien, comme le montre le chiffre élevé de matériaux allochtones présents sur les sites de Champ-Chalatras (Pasty et al. 2002) et du Cheix (Surmely 1998 et 2003). Les sites mésolithiques sont peu nombreux, empêchant des comparaisons fiables. Sur la base des maigres données disponibles (Surmely 2003; Pasty et al. 2005), la proportion de silex crétacé sur ces sites semble nettement moins élevée pour le Mésolithique moyen. Le Mésolithique final et le Néolithique ancien ne sont presque pas documentés. En revanche, les gisements attribués au Néolithique moyen montrent une très grande richesse en silex du Crétacé, dépassant toujours la moitié de l'industrie lithique, avec un choix orienté vers le silex blond (Dartevelle et al. 2004), en tous points comparables avec le comportement des Chasséens du sud de la France (Binder 1998; Léa et al. 2005). Ces variations chronologiques s'ajoutent à des différences importantes qui tiennent à la position géographique des sites. On observe que les silex crétacés sont très abondants, d'une façon générale, dans les secteurs dépourvus de silicifications locales de bonne qualité, en Haute-Loire, dans l'ouest du Puy-de-Dôme, dans l'est du département du Cantal et dans la Loire. Ils sont au contraire en moyenne nettement moins présents dans les zones où se rencontrent des matériaux locaux de bonne qualité (d' âge tertiaire), comme l'ouest du Cantal et le centre-est du Puy-de-Dôme. De même, il existe assurément un lien entre l'abondance des silex crétacés et la proximité des grandes rivières qui relient l'Auvergne au Centre, comme l'Allier, la Loire et le Cher. La conjugaison de ces paramètres explique l'exceptionnelle abondance des silex crétacés dans les séries du département de l'Allier, à la fois traversé par les cours d'eau précités, pauvre en silex et proche des gîtes du sud du Bassin parisien. Ainsi, deux sites du même secteur géographique, l'un Gravettien ancien (Le Sire), l'autre Magdalénien final (Pont-de-Longues), dont les occupations sont pourtant distantes de près de 20 000 ans, offrent un pourcentage sensiblement équivalent de silex importés. Cela dit, on observe des variations dans la proportion de silex crétacés entre sites proches, comme les trois sites de la Vigne Brun (Digan 2001), du Rocher de la Caille (Alix et al. 2003) et la Goutte Roffat, et même d'un niveau à l'autre dans le même site (exemples de la Gouttte-Roffat, du Blot, du Sire, etc.). Ces différences ne remettent toutefois pas en cause le schéma global énoncé plus haut, d'autant que dans certains sites s'ajoute un matériau tertiaire également d'origine lointaine (Dufresne 1999), qui a pu prendre la place, au moins partiellement des silex marins allochtones. C'est le cas notamment des séries magdaléniennes du Blot et des sites du centre du Val d'Allier (Pont-de-Longues, Enval). Observons toutefois que le pourcentage maximal de silex crétacé (Turonien inférieur et Turonien supérieur) pour l'ensemble des sites étudiés, se trouve dans les séries protomagdaléniennes du gisement du Blot, situé pourtant dans la partie méridionale de l'Auvergne, très loin des sources d'approvisionnement. En l'absence d'autres sites de la même culture dans la région, il est difficile de savoir si cette caractéristique s'explique par la position géographique (absence de bonnes matières premières locales, proximité de la rivière Allier), par le contexte techno-culturel (production de grandes lames régulières), par une mobilité plus grande des populations à cette époque, ou bien par la conjugaison de l'ensemble de ces paramètres. D'une façon générale, le nombre limité de sites, du moins pour les périodes paléolithique, épipaléolithique et mésolithique, est un obstacle à l'analyse comparative entre cultures et secteurs géographiques. Les distances de circulation des silex crétacés sont importantes et varient, selon les secteurs considérés et les zones possibles de prélèvement des matériaux, entre 100 et 280 km à vol d'oiseau. Les stratégies d'approvisionnement semblent complexes et liées à l'éloignement des gîtes d'origine de la matière première. La première caractéristique est l'apport de pièces déjà transformées et allégées, à divers stades. Ceci se manifeste par la proportion très faible d'éclats d'épannelage dans les gisements d'Auvergne. Dans la plupart des sites paléolithiques et épipaléolithiques, le silex allochtone arrive sous la forme de nucléus déjà préformés et très largement décortiqués, de supports débités, voire, dans une proportion assez faible, d'outils déjà façonnés. La découverte de plusieurs préformes de nucléus (en silex tertiaire certes, mais on peut supposer des stratégies analogues pour les silex crétacés) illustre ce phénomène (Surmely et al. 2002). Dans les séries protomagdaléniennes du Blot, caractérisées, nous l'avons vu, par l'exceptionnelle abondance des silex crétacés, on note la présence de quelques blocs arrivés bruts, qui ont été exploités sur place (Surmely et al. sous presse). Cela ne concerne toutefois que le silex du Turonien supérieur. La seconde caractéristique, assurément liée elle aussi à l'origine lointaine des silex, est la gestion rigoureuse de la matière première qui se manifeste par un ravivage souvent intense et multiple des outils. C'est ainsi que l'on retrouve des burins ou des grattoirs façonnés sur des fragments de lames qui mesurent parfois moins de 2 cm de long comme par exemple à la grotte Béraud (Surmely, Quinqueton, Virmont presse) ou bien à la Bade de Collandres (Surmely et al. 2006). La reprise des burins crée des passages entre des formes dièdres d'axe, dièdres sur cassure et sur troncature, que l'on observe lors des remontages, par exemple dans les séries protomagdaléniennes du gisement du Blot (Surmely et al. sous presse). Cela enlève bien évidemment beaucoup de sens à la valeur culturelle attribuée à la classification typologique traditionnelle des burins. Ce phénomène de réutilisation est toutefois à nuancer par l'utilisation de certaines pièces comme nucléus à lamelles. De plus, le décompte des négatifs d'enlèvement laminaire révèle, sur tous les sites, un déficit en lames qui montre que des pièces ont été emportées hors du site. Là encore, le Protomagdalénien du Blot se démarque quelque peu. En effet, et malgré un haut degré de ravivage de la plupart des supports laminaires, les hommes ont laissé sur place des pièces entières qui paraissent encore tout à fait utilisables ou transformables. L'exemple le plus frappant est la lame appointée de 18 cm de long, réalisée dans du silex pressignien. On peut s'étonner de l'abandon sur place d'une telle pièce. Plusieurs réponses peuvent être apportées à cette interrogation, parmi lesquelles l'hypothèse de comportements « cultuels », échappant à la simple logique rationaliste ou bien celle d'une réserve pour un séjour ultérieur. Ce même souci d'exploitation maximale pourrait expliquer la disparition systématique des nucléus en silex importé, sur tous les gisements, le Blot y compris. Il s'agit vraiment d'une constante et les très rares nucléus retrouvés correspondent à de tous petits nodules inutilisables ou fragmentés, souvent réutilisés en abraseurs. Cela contraste nettement avec les silex locaux, pour lesquels les nucléus sont présents en proportion normale. C'est le cas notamment sur le gisement gravettien du Sire. De même, on note le recours, sur certains sites (Le Blot, Protomagdalénien et Magdalénien; Enval 1, Magdalénien; La Corne de Rollay, Magdalénien) à des techniques de production de lamelles à partir de fragments de lames ou de burins, qui pourraient être interprétées comme une conséquence de la carence en matériau silicieux (Bosselin 2007; Angevin 2008; Surmely sous presse). Cette rigueur de la gestion de la matière première crétacée apparaît moins grande dans les gisements néolithiques, comme le montre une plus forte proportion d'éclats corticaux et de cassons. Ce fait, associé à la forte présence quantitative des silex crétacés dans les assemblages lithiques, est le signe d'un approvisionnement plus facile donnant aux silex importés un moindre caractère de rareté et de préciosité. Ainsi, sur le gisement chasséen d'Opme (Romagnat, Puy-de-Dôme), le silex du Turonien inférieur a été apporté sur le site sous la forme de blocs presque bruts. On note la présence d'éclats corticaux et surtout semi-corticaux, débités au percuteur dur (Dartevelle et al. 2004). Enfin, il convient de s'interroger sur les schémas d'approvisionnement. Certains chercheurs ont considéré que l'utilisation de silex importés du sud du Bassin parisien correspondait à des déplacements entre cette région et le centre du Bassin parisien, à l'occasion de grandes migrations saisonnières à la suite des troupeaux de rennes (Bracco 1995). D'autres y ont vu l'indication de rassemblements de populations, venues de régions différentes et mettant en commun leur stock de matières premières (Pesesse soumis). Cette dernière hypothèse est peu vraisemblable puisque que les silex allochtones se trouvent dans tous les types de sites, y compris de petits gisements assimilables à des haltes temporaires. L'idée d'un transport des silex par les utilisateurs eux -mêmes, lors de grands déplacements migratoires, ne repose sur aucune indice probant. On peut donc avancer tout aussi bien l'hypothèse d'échanges entre populations voisines, voire celle de « colporteurs » assurant l'approvisionnement. Compte tenu de cette incertitude, il nous apparaît prématuré de faire du pourcentage de silex allochtones dans une série un indice de mobilité du groupe humain considéré. Ajoutons que, bien évidemment, les besoins spécifiques des tailleurs en terme de qualité et de volumétrie des matériaux ont très certainement influé sur la nature de leur approvisionnement. L'idée de déplacements à longue ampleur ne saurait être de toute façon retenue pour le Néolithique. Pour cette dernière période, il faut envisager l'existence de réseaux d'échanges ou de commerce, déjà supposés pour des productions spécifiques en silex du Turonien supérieur. On peut s'interroger légitimement, au moins à propos du Paléolithique et de l'Epipaléolithique, sur les raisons qui ont poussé les hommes à se procurer des matières premières d'origine lointaine, au prix d'efforts liés au caractère pondéreux des matériaux et à l'importance des distances parcourues. La première hypothèse, qui semble logique, serait celle d'une valeur qualitative supérieure des silex crétacés par rapport aux silex tertiaires locaux. Les hommes auraient ainsi été conduits à chercher à se procurer de bons silex, pour pallier la qualité moindre des silicifications autochtones. Cette hypothèse fonctionnelle est toutefois mise en défaut. D'abord, nos propres comparaisons de la valeur qualitative des silex crétacés de Touraine et des silex tertiaires d'Auvergne (cf. supra) ont montré qu'aucune différence significative ne peut être observée entre ces matériaux. L'argument volumétrique ne peut également pas être avancé, puisque que les bons silex tertiaires du Massif central se présentent en bancs offrant des volumes exploitables au moins égaux à ceux des silex crétacés. Reste la facilité de débitage, paramètre dont nous n'avons pas pu apprécier l'importance, faute d'études et d'expérimentations systématiques. Mais surtout, l'observation la plus importante réside dans le fait qu'aucune sélection manifeste ne semble avoir été faite entre les silex crétacés et les silex tertiaires autochtones pour le façonnage des divers types d'outils. En effet, sur tous les sites, les hommes ont utilisé de façon apparemment indifférenciée les deux types de silex pour créer tous les types d'outils, y compris des pièces exposées à des contraintes mécaniques fortes en percussion lancée, comme les pièces esquillées et les armatures de projectile (fig. 16 à 18). Selon les sites, on observe bien quelques disproportions mais celles -ci demeurent discrètes et concernent des types d'outils différents d'une série à l'autre. Elles semblent donc être le fait du hasard et non d'une recherche volontaire d'un matériau précis pour le façonnage d'un outil particulier. Il est donc possible de dire que, selon les critères pris en compte, rien ne permet d'affirmer que les silex crétacés allochtones avaient une valeur fonctionnelle supérieure à celle des silex tertiaires régionaux. La justification de l'importation de silex d'origine lointaine nous semblerait donc à chercher en dehors du domaine purement technique, comme nous l'avions déjà supposé (Surmely et Pasty 2003). A l'évidence, ce recours à des matières premières allochtones, à la fois rares, belles et bien différenciées par la couleur des matériaux locaux, pourrait répondre à un désir de prestige social, en tous points comparable à celui qui incitait à l'utilisation d'éléments rares pour la parure (D'Errico et Vanhaeren 2003). Cela n'aurait pas empêché, bien au contraire, leur emploi dans les tâches quotidiennes et une rigueur particulière dans leur gestion, ayant pour corollaire les comportements d'économie décrits plus haut. Au sein des silex crétacés, notre caractérisation générale macroscopique s'est limitée à la distinction de deux grandes catégories, silex de la craie du Turonien inférieur et calcarénites silicifiées du Turonien supérieur. Toutes périodes confondues, les silex de la craie sont toujours nettement plus abondants que ceux du Turonien supérieur, montrant une facilité d'approvisionnement plus grande des premiers matériaux et/ou une préférence opérée par les populations préhistoriques. Le rapport est en moyenne de l'ordre de 20 pour 1, en faveur des silex de la craie et souvent beaucoup plus. Les silex du Turonien supérieur sont même totalement absents dans le département du Cantal (en dehors des objets spécifiques type poignard). La seule exception connue à ce jour concerne le Protomagdalénien du gisement du Blot, où les silex de type pressignien dominent largement (59 % contre 35 % en poids pour l'ensemble des niveaux attribués à cette culture; Surmely et al. sous presse; Surmely soumis). Ne disposant que de ce seul gisement pour le Protomagdalénien dans le Massif central, il est évidemment impossible de dire si ce trait original avait une valeur culturelle. D'une façon générale, le silex du Turonien supérieur semble plus abondant dans les gisements de la Haute-Loire mais l'importance limitée du corpus de site ne permet pas de donner à cette observation un caractère affirmé. Là encore, on n'observe aucune différence dans la gestion et l'utilisation des grands types de silex crétacés quand ils ont été employés sur le même gisement. C'est ainsi que les talons en éperon massif, caractéristiques des grandes lames du Protomagdalénien, se retrouvent de façon indifférenciée sur les supports du Turonien inférieur comme ceux du Turonien supérieur (Surmely et Alix2005; Surmely soumis). Il convient toutefois d'observer que les préhistoriques de toutes époques ont très largement privilégié, parmi les silex de la craie du Turonien inférieur, la variété de couleur « blonde », au détriment des variétés de couleur grise ou noire, alors même que leur fréquence sur les gîtes paraît sensiblement égale et que leur morphologie initiale et leur comportement mécanique sont rigoureusement identiques (Surmely et Murat 2003). Ce sont les mêmes silex blonds qui ont été utilisés dans l'ouest de la France au Néolithique (Guyodo 2003). Cette préférence pour les silex blonds a également été le fait des utilisateurs historiques du silex, pour les pierres à fusil de Touraine (Émy 1978). Les silex gris ou noirs ne représentent en moyenne que 2 à 3 % de l'ensemble des matériaux du Turonien inférieur. A l'inverse, la seule pointe de la Font-Robert retrouvée dans le niveau 3a du Sire est façonnée dans un silex noir, par ailleurs rarissime dans les séries. Cela rejoindrait nos réflexions quant à l'importance de l'aspect visuel du matériau, le silex « blond » étant plus esthétique et se démarquant mieux des silex tertiaires que les silex noirs et gris. Cela pouvait permettre en outre une plus grande facilité de discrimination, facteur important comme on le sait, pour les échanges et les trocs s'effectuant à longue distance, sans relation directe entre le consommateur final et les gîtes d'extraction. Il est à noter que la volonté de n'acquérir que des matériaux de couleur blonde aurait pu orienter les consommateurs vers les gîtes où ces silex se rencontrent de manière exclusive. C'est le cas, comme nous l'avons vu plus haut, de quelques secteurs particuliers du nord du département de l'Indre et des environs de Vierzon (Cher), qui sont aussi (cf supra) ceux qui offrent les rapprochements les plus étroits par géochimie avec des échantillons issus de séries archéologiques. Dans les sites de la partie orientale du Massif central (La Goutte-Roffat; Le Rocher de la Caille, Chassey-le-Camp), les silex crétacés noirs sont présents en petite quantité. Les chercheurs ayant étudié ces séries (Alix et al. 2003; Affolter 2005) les font venir des gîtes du Sénonnais (environs de Gron, Paron). En ce qui concerne la Goutte Roffat, les études géochimiques ne montrent aucun indice de rapprochement avec ce secteur et les silex crétacés noirs, envisagés du point de vue macroscopique, pourraient provenir d'autres régions : Sénonnais, mais aussi Berry, Puysaye, voire Champagne. La question reste posée pour les deux autres sites cités. Dans la plupart des sites paléolithiques et épipaléolithiques de l'ensemble de l'Auvergne et des sites néolithiques de l'Allier exclusivement, on observe la présence d'un silex aux teintes vives, orangée ou vert foncé, qui semble correspondre au « jaspe » (silex filonien) de l'Infralias du secteur de Saint-Jeanvrin (Cher). Cette région offre en effet des gîtes très riches, qui semblent avoir été abondamment utilisés à toutes les époques (travaux M. Piboule). Comme nous l'avons vu plus haut, l'analyse géochimique n'a pas permis de confirmer ce rapprochement. L'hypothèse d'un recours à des gîtes plus éloignés du même matériau est aussi envisageable. L'importance quantitative des silex de l'Infralias est faible, toujours inférieure à 5 %, à une exception près. Ce même matériau est présent également dans les séries magdaléniennes du Rocher de la Caille, où il occupe une place non négligeable (Alix et al. 2003) La diffusion des silex du Crétacé inférieur du sud-est de la France semble avoir été réduite dans le centre du Massif central et limitée à la seule période néolithique. Dans notre corpus, seuls deux échantillons d'un même site chasséen de la partie mériodionale de l'Auvergne (Chastel-sur-Murat, Cantal) peuvent correspondre à ce type de matériaux. Nous avions supposé qu'une petite part des matières premières utilisées sur le site de Longetraye (sud de la Haute-Loire) pouvait avoir la même origine. L'analyse n'a pas confirmé cette hypothèse, du moins sur la base des échantillons soumis à la comparaison mais sans toutefois l'infirmer complètement. Les silex du Bassin aquitain semblent avoir été très peu introduits dans le Massif central, même s'il est vrai que les séries provenant de la façade occidentale de l'Auvergne sont fort rares, toutes périodes confondues. Le seul témoin est un fragment de lame, façonné vraisemblablement dans un silex du Bergeracois, retrouvé sur le site magdalénien de Cors (ouest du Cantal; Surmely 2003). Nous n'avons pas pris en considération dans notre étude les gîtes à silex du Mâconnais-Châlonnais (Affolter 2005; travaux en cours M. Rué). L'hypothèse d'un approvisionnement, à coup sûr réduit, à partir de ces secteurs, reste envisageable. Les haches polies réalisées en silex crétacé retrouvées en Auvergne sont très rares : 17 pièces seulement, sur un total de 1 438 analysées, soit une proportion d'environ 1 %. Cela s'explique assurément par la concurrence forte des silex tertiaires locaux dans les secteurs où ces matériaux sont présents et surtout par celles des roches volcaniques et métamorphiques dont la plupart ont été importées (Goër et Surmely 2000; Goër et al. 2002; Surmely et al. 2001a et b et 2004), telles que les éclogites, jadéitites et cinérites. Les haches en silex crétacé sont toutefois présentes dans l'ensemble des départements d'Auvergne, à l'exception de la partie occidentale du département du Cantal qui est aussi la plus éloignée des sources d'importation. Cette région, riche en silex tertiaires de bonne qualité (Pasty et al. 1999), a été « inondée » de haches en cinérite issues du Rouergue voisin (Surmely et al. 2004). Tout aussi logiquement, c'est le département de l'Allier, le plus proche des gîtes de silex crétacés, mais aussi dépourvu de bons silex locaux, qui a livré le plus grand nombre de haches en silex crétacé, la proportion ne dépassant pas toutefois 12 % du corpus total. On retrouve les deux composantes Turonien inférieur/Turonien supérieur, le premier groupe constituant 40 % environ des pièces étudiées, soit une proportion plus forte que pour l'industrie non polie. Une pièce, en silex bariolé, pourrait provenir des gîtes du nord-ouest du département de la Nièvre. Il n'est pas possible de savoir si ces pièces ont été importées à l'état fini ou bien façonnées sur le lieu de destination. Observons toutefois que la très grande majorité des autres pièces en roches allochtones (telles que les éclogites et jadéitites italiennes et cinérites aveyronnaises) sont parvenues en Auvergne totalement achevées, ce qui indiquerait une situation analogue en ce qui concerne les pièces en silex crétacé. Le lieu de provenance reste inconnu, les pièces polies n'ayant pas été intégrées à notre étude, mais d'importants ateliers de façonnage sont connus dans le sud du Bassin parisien (Bourne 2007; Surmely sous presse) et pourraient être à l'origine des pièces importées en Auvergne. L'ensemble des observations convergent, nous l'avons vu, pour indiquer un recours important, si ce n'est exclusif, aux gîtes à silex du Berry, tout particulièrement dans les basses vallées de l'Indre et du Cher. C'est à cette même conclusion que sont arrivés d'autres chercheurs (Fontana et al. 2009). La pérennité de ce phénomène est remarquable puisque qu'il concerne des gisements allant du Gravettien ancien à la fin du Néolithique, sur une durée de plus de 25 000 ans. Nos études semblent également indiquer qu'il concerne l'ensemble des sites de la région considérée, correspondant à une partie importante du Massif central. Il faut ajouter que les silex blonds, dont l'origine est probablement le Berry, se retrouvent sur la bordure orientale du Massif central (Affolter 2005), dans l'ouest de la France et jusqu'en Périgord. D'après nos études, la limite méridionale de diffusion de ces matériaux pourrait être le sud du Velay, car ils sont absents des séries néolithiques du département de la Lozère que nous avons pu étudier. Considérant l'étendue spatiale et chronologique de la diffusion des silex crétacés du Berry, tout particulièrement des silex de la craie du Turonien inférieur, on prend conscience de l'ampleur du phénomène de diffusion. Les gîtes de ce secteur ont été intensément exploités, avec probablement de véritables ateliers dont l'existence reste encore à découvrir. Nos conclusions reprennent des idées déjà précédemment avancées, en les précisant, mais sans apporter de résultats spectaculaires. Tout d'abord, l'importance quantitative et le caractère systématique de la présence de silex crétacés dans les séries lithiques des sites préhistoriques du centre du Massif central, mais aussi les distances parcourues par les pièces, qui dépassent souvent les 200 km, ainsi que la complexité des stratégies d'approvisionnement, permettent sans conteste d'employer le terme d'importation, ainsi que nous l'avions déjà suggéré. Des phénomènes du même type ont été observés dans les régions voisines, notamment dans le Bassin aquitain (Lebrun-Ricalens et al. 2005). Les analyses géochimiques montrent des rapprochements entre les pièces issues des gisements du Massif central et les gîtes du Berry, tout particulièrement dans les basses vallées de l'Indre et du Cher, ce qui va dans le sens des hypothèses antérieures et correspond à une logique géographique de distance. Toutefois, les appariements formels sont rares, ce qui tient assurément au nombre relativement restreint d'échantillons analysés, qui ne peut rendre l'extrême diversité des matériaux présents dans les séries du Crétacé supérieur de cette région, au travers des variations latérales et stratigraphiques de faciès. Même si les études techno-lithologiques ont permis de mettre en évidence la complexité des stratégies d'importation, les modalités d'approvisionnement restent à notre avis indéterminables. Si un approvisionnement direct est possible pour le Paléolithique supérieur, étant donné la mobilité des groupes humains et à l'existence possible de migrations à longue distance, l'hypothèse d'échanges entre tribus, voire de liens commerciaux (« colporteurs »), nous semble tout aussi envisageable, et hautement probable pour le Néolithique. Dans tous les cas, ce phénomène d'importation, d'une pérennité remarquable, constitue une preuve de la facilité de circulation des biens matériels durant la préhistoire, s'agissant en plus de matières premières pondéreuses, relativement volumineuses et parfois assez fragiles. Si l'on peut dégager des tendances générales entre grands secteurs géographiques et grandes périodes chronologiques, il n'est pas possible d'aller plus avant dans l'analyse, du fait du trop petit nombre de sites étudiés à ce jour et datés précisément. De façon étonnante, l'importation de matériau concerne surtout la variété de couleur blonde du silex de la craie du Turonien inférieur, pour l'ensemble de la période allant du Gravettien ancien au Bronze ancien. Nous avons vu que ce matériau ne présente toutefois pas de valeur qualitative évidente. Ce choix manifeste pourrait donc s'expliquer de deux façons, sans doute liées : soit une volonté de privilégier un matériau conjuguant bel aspect et qualité fonctionnelles soit un recours exclusif à certains gîtes (notamment du nord du département de l'Indre) n'offrant que cette variété particulière. La seconde hypothèse nous paraît la plus probable, en accord avec les quelques appariements précis obtenus par l'analyse géochimique. L'existence de gîtes intensément exploités dans ce secteur est donc très probable, même s'ils restent encore à découvrir. Le plus curieux reste l'absence de sélection fonctionnelle des silex crétacés, qui semblent avoir été employés indifféremment avec les silex locaux pour l'obtention des mêmes outils, en dépit de leur caractère de rareté et d'un souci manifeste d'économie. Cette anomalie apparente peut s'expliquer, à notre sens, par le fait que l'importation de silex n'était pas dictée par des impératifs qualitatifs en matière fonctionnelle, mais plutôt par un souci de prestige social, visant à posséder et à utiliser des pièces en silex rare et hors du commun. La suite à donner à nos travaux s'oriente tout naturellement vers une analyse approfondie des gîtes des basses vallées de l'Indre et du Cher, dans la perspective de trouver des rapprochements plus nombreux entre matériaux naturels et échantillons archéologiques, de détailler encore les secteurs susceptibles d'avoir été à l'origine des approvisionnements et de tenter de dégager d'éventuelles évolutions en fonction des périodes considérées. Sur le plan des prospections et de la constitution de la lithothèque, nous poursuivons nos recherches dans le département de la Nièvre. Bien évidemment, un élargissement de la base de données sur la composition lithologique des séries préhistoriques du Massif central est également un objectif, dans la perspective de disposer un jour d'un référentiel suffisamment important pour pouvoir faire des comparaisons raisonnées d'un secteur et d'une période à l'autre. Enfin, il faut rappeler qu'un tel travail reste à effectuer pour le silex tertiaire, pour lequel les études antérieures (Dufresne 1999; Surmely 1998 et soumis) ont montré l'ampleur de la circulation à longue distance. Là encore, compte tenu du caractère ubiquiste des sources d'approvisionnement potentielles, le recours à l'analyse géochimique apparaît justifié . | Depuis plusieurs années, nous tentons, avec d'autres chercheurs, de préciser l'origine géographique des silex utilisés par les populations préhistoriques du centre du Massif Central. Les études antérieures avaient permis de confirmer les hypothèses émises notamment par A. Masson quant à l'importation de silex crétacés à partir de gîtes de la région Centre. Nous avons tenté, au travers d'un programme de recherches interrégional (2006-2007) de déterminer plus précisément les lieux de provenance. Dans un premier temps, nous avons réalisé l'inventaire des gîtes présents dans les départements de l'Indre, Indre-et-Loire, Cher, Nièvre, Loir-et-Cher, Loiret et Yonne, en nous appuyant sur les travaux déjà effectués (Th. Aubry, J. Primault) et les cartes géologiques, et en excluant le secteur du Grand-Pressigny. Cela nous a permis de constituer une lithothèque complète, qui a servi de référentiel pour les études analytiques postérieures. La prospection a également montré que des silex d'aspect et d'âge identiques (tels que les fameux 'silex blonds si prisés des populations préhistoriques) pouvaient se retrouver en divers points de l'auréole crétacée supérieure du sud du Bassin Parisien. Puis nous avons cherché à caractériser ces matériaux et à les rapprocher de silex provenant de séries préhistoriques. La méthode retenue a été celle de la géochimie (éléments-traces et isotopes du Strontium). Ce marqueur isotopique, utilisé traditionnellement pour les déterminations d'âge, est un élément de discrimination beaucoup plus fiable que celui de la simple comparaison des teneurs en éléments-traces. 72 échantillons ont été analysés au total. Ils se partagent à parts presque égales entre silex issus de séries archéologiques (36) et matériaux issus de gîtes naturels (36 échantillons). Pour ce qui est des silex archéologiques, notre choix s'est porté sur un nombre substantiel de gisements, allant du début du Paléolithique supérieur (Gravettien ancien) au Bronze ancien, dans six départements du centre du Massif Central: Puy-de-Dôme, Cantal, Haute-Loire et dans une moindre mesure, Allier, Loire et Cher. L'analyse géochimique réclame un traitement des échantillons, qui est entièrement réalisé manuellement et est très lourd. Les résultats sont plutôt décevants sur le plan des indices géographiques, mais néanmoins instructifs. Nous avons la confirmation que la majeure partie des matériaux archéologiques provient bien de gîtes du centre de la France et plus précisément du Berry. En effet, tous les rapprochements étroits entre matériaux archéologiques et géologiques concernent des gîtes du nord de l'Indre, du sud du Loir-et-Cher ou du nord-ouest du Cher. Il s'agit là d'un résultat important, qui corrobore les théories antérieures émises à partir de simples études microfaciologiques (Masson, 1981 ; Surmely et al., 1998). Les silex blonds du Sud-Est de la France ne semblent pas avoir été importés, à l'exception peut-être de quelques pièces découvertes dans le gisement chasséen de Chastel-sur-Murat (Cantal). L'origine géographique précise des matériaux archéologiques reste plus difficile à déterminer. Beaucoup de silex peuvent être rapprochés de plusieurs gîtes géologiques, situés certes dans le même secteur géographique. Les propositions d'attribution géographique précise basée sur la similitude parfaite des signatures géochimique et isotopique et pétrographique sont rares. En dehors de ces quelques cas, les rapprochements parfaits ne peuvent être faits. Notre étude a alors pour résultat de montrer que les correspondances présumées par le biais de l'examen visuel ne sont pas pertinents. Ces incertitudes ne sauraient surprendre et tiennent assurément à la nature trop restreinte de notre corpus. Une petite trentaine d'échantillons ne peuvent suffire à rendre compte de la diversité faciologique des matériaux de l'auréole du Crétacé supérieur du Bassin Parisien. Notre réflexion a également porté sur la place, modeste, des silicifications marines crétacées dans le façonnage des lames de haches polies, et surtout sur les stratégies mises en oeuvre pour l'approvisionnement et la diffusion. L'étirement des distances de transports (jusqu'à 300 km) et le caractère pérenne de la présence des silex crétacés allochtones dans les séries préhistoriques du Massif Central à partir du Gravettien ancien, plaident en faveur d'un véritable phénomène d'importation, probablement lié à des échanges, voire à des colportages. | archeologie_10-0039796_tei_206.xml |
termith-186-chimie | Dans la classification périodique, les éléments transactinides occupent probablement les places correspondant au remplissage de la sous-couche 6d, mais cette extrapolation fondée sur la structure électronique ne tient pas compte d'une éventuelle contribution des effets relativistes, qui augmentent avec le numéro atomique. Ces effets sont à l'origine de déviations dans la périodicité des propriétés chimiques des éléments [1 ]. L'intérêt fondamental de l'étude des éléments transactinides est donc lié à la possibilité de mettre en évidence des effets relativistes, en comparant le comportement chimique de ces éléments avec celui de leurs homologues ou analogues les plus probables : Zr, Hf pour Rf et Nb, Ta, Pa pour Db [1, 2 ]. s isotopes des deux premiers éléments transactinides, le rutherfordium Rf (Z = 104) et le dubnium Db (Z = 105) sont caractérisés par des périodes radioactives très courtes. Ils sont exclusivement produits par réactions nucléaires de très faibles sections efficaces (<7< 5 10~33 cm2), principalement en irradiant des cibles d'actinides par des ions lourds. À ce jour, seuls les isotopes 261Rf(TU2 =65s),262Db (TU2=34s) et D b (Ty/2 = 27 s) possèdent des périodes suffisamment longues pour permettre une étude de leur comportement chimique. Ces radionucléides décroissent principalement par émission a et, par filiation, génèrent des actinides de longues périodes (figure I). Compte tenu de ces caractéristiques, chaque atome produit se désintègre avant qu'un nouvel atome ne soit synthétisé. L'étude des propriétés chimiques des éléments transactinides nécessite donc le développement d'appareillages spécifiques, adaptés au concept de chimie à l'échelle de l'atome [3 ], qui mettent en jeu des séparations chimiques très rapides, continues ou discontinues. La majorité des études déjà réalisées sur leur comportement en solution, relève du mode discontinu [1, 2 ], Le principe du protocole expérimental est alors le suivant. - Les atomes produits, transportés par jet d'hélium, sont collectés durant environ 1 min. Intervient alors l'étude du comportement chimique, suivi de la préparation d'une source a, l'ensemble étant réalisé très rapidement (< 1 min). - La présence éventuelle d'un atome de Rf (ou Db) est validée par la détection d'une particule (X d'énergie caractéristique de l'isotope (figure 1). Malgré un grand nombre d'expériences identiques (de plusieurs centaines à quelques milliers), le nombre d'atomes détectés reste de l'ordre d'une dizaine et souvent inférieur, essentiellement en raison des pertes par décroissance durant les diverses opérations avant le début de la mesure. C'est pourquoi, dans ce travail, nous avons choisi une autre approche, en identifiant les éléments Rf et Db par l'intermédiaire d'un leurs descendants [4] : 253Es pour 261 Rf et 2,4Fm pour 262Db, en accord avec les schémas de décroissance représentés sur la figure 1. Dans ce cas, les pertes par décroissance sont minimisées. La mise en œuvre d'un tel principe impose évidemment un très haut degré de purification initial, en continu, des transactinides, vis-à-vis des éléments actinides produits simultanément par réactions de transfert. La mise en œuvre de cette stratégie a nécessité le développement d'un système de production, de purification rapide et d'étude du comportement chimique en continu d'isotopes de courte vie. Ce système dénommé Rachel (acronyme pour Rapid Aqueous Chemistry apparatus for Heavy ELements) a été implanté auprès de l'accélérateur électrostatique MP Tandem d'Orsay [5 ]. L'avantage de ce système de production et de séparation en continu, en limitant les pertes par décroissance, permet de faire intervenir un plus grand nombre d'atomes et donc, d'accéder à des données plus précises sur le comportement de ces éléments en solution. L'utilisation de cette méthode impose le respect des concepts suivants. - Les techniques radiochimiques utilisées doivent être compatibles avec la notion de chimie à l'échelle de l'atome [3 ]. Les réactions de partage d'ions en solution aqueuse, vis-à-vis de résines échangeuses d'ions, satisfont ce critère. — Les propriétés chimiques étudiées, et donc les milieux complexants mis en oeuvre, doivent permettre de mettre en évidence des différences de comportement avec les éléments chimiquement homologues et garantir la purification, en continu et en ligne, des transactinides de tous les autres éléments produits simultanément. Le dispositif Rachel a été réalisé en collaboration avec le laboratoire Flerov des réactions nucléaires (JINR Dubna, Russie). De façon schématique, cette installation permet [5] : — la production d'isotopes par réactions nucléaires, - la mise en solution des aérosols et des produits de réaction dans le milieu complexant retenu pour l'étude, - la purification et l'étude du comportement chimique en continu des radionucléides recherchés à l'aide d'un système de trois colonnes chromatographiques couplées, dont les rôles respectifs sont de fixer i) les actinides ou lanthanides produits concurremment, ii) les radionucléides étudiés et iii) leurs descendants. Le fonctionnement du système Rachel a été testé à l'aide d'isotopes de courte période des éléments Hf et Ta : 167 Hf (ri/2 = 2 min) et 168 Ta (T ]n = 2,4 min). Ces isotopes ont été produits par réactions nucléaires entre des ions ls O et 19 F respectivement, avec une cible de I54 Gd séparée isotopiquement. L'optimisation des paramètres de fonctionnement de Rachel a permis d'atteindre les performances suivantes : les aérosols sont transportés en 3 s, avec un rendement de 60 à 80 %, la dissolution s'effectue en 2 s, avec un rendement supérieur à 90 %, et les séparations radiochimiques, permettant d'atteindre un degré de purification élevé de Hf et Ta, sont réalisées en 15 s [5] [6 ], En vue de produire les éléments Rf et Db par irradiation de 248 Cm, une cible de 300 ug de 248 Cm (T m = 3,4 10 5 a) et de 3 pg de ,54 Gd a été réalisée par dépôt électrolytique en milieu alcoolique. La présence de 1 Gd permet, lors de l'irradiation par ls O ou 19 F, de produire, entre autres, les isotopes l67 Hf et 168 Ta et donc de suivre en continu le bon déroulement des expériences. Des études préliminaires sur les éléments homologues ou pseudo-homologues (Zr, Hf, Nb, Ta et Pa), en milieu H F, ont mis en évidence la forte sorption de ces éléments sur résine échangeuse d'anions, sous forme de fluoro-complexes chargés négativement (coefficient de distribution Kd supérieur à 10 5 cm 3 g " 1 pour Cft F = 0,2 M) [6 ]. Les premières expériences ont donc été réalisées en milieu HF 0,2 M. Le système chromatographique mis en jeu dans Rachel est constitué des éléments suivants. — Une première colonne (dite de tête) remplie de résine échangeuse de cations (Bio-Rad AG 50W-X8), qui assure la purification des éléments Rf et Db vis-à-vis des actinides et lanthanides, fortement sorbés sur cette résine. Elle permet d'atteindre un facteur de décontamination de l'ordre de 10 5. — Une deuxième colonne remplie de résine macroporeuse échangeuse d'anions Bio-Rad AG MP-1, sur laquelle se fixent quantitativement les éléments Rf et Db, sous forme de complexes chargés négativement. — Une troisième colonne (dite de queue) remplie de résine échangeuse de cations (Bio-Rad AG 50W-X8). Les actinides produits par décroissance des éléments Rf et Db sont élués en continu de la deuxième colonne et fixés quantitativement sur cette dernière colonne. Expérimentalement, les trois colonnes sont remplacées toutes les heures, afin de limiter les risques d'entraînement des actinides fixés sur la colonne de tête vers la colonne de queue, ce phénomène (appelé perçage) induisant une contamination des produits de décroissance des éléments R f et D b par d'autres actinides : 252,253,254m,255£s 252,253,254,255pm. Après chaque heure d'irradiation, les produits de décroissance sont désorbés de chaque colonne de queue. Les éluats sont évaporés au fur et à mesure de leur obtention et suivent des procédures différentes, selon qu'il s'agisse des éléments Rf ou Db. Cet isotope a été produit par irradiation de la cible de Cm, par un faisceau d'ions O, d'énergie 96 MeV et d'intensité d'environ 1 pA. D'après la figure 1, les descendants susceptibles d' être identifiés par spectrométrie a sont 253Fm [Tm = 3 d, Ea = 6,94 MeV) et surtout 253Es (Tm = 20,5 d, Ea = 6,63 MeV). La fraction issue de l'ensemble des colonnes de queue, récupérée selon le protocole décrit précédemment, a été purifiée des impuretés non radioactives (Cu, Fe). La solution obtenue est évaporée, et le résidu est conditionné en milieu acétique glacial en présence d'environ 0,2 Bq de 14 Gd. Cette solution est alors électropulvérisée directement sur la couche d'or d'un détecteur à barrière de surface. Ce détecteur est ensuite placé en face d'un second de même nature, ce qui permet d'obtenir une géométrie proche de 4n sr [6 ]. La présence de 148Gd, émetteur a (Ea = 3,182 MeV), permet de contrôler en permanence une dérive éventuelle des installations de mesure. Les spectres a sont enregistrés régulièrement pendant environ 3 semaines (correspondant à la période radioactive de 253Es). Un spectre total, obtenu avec l'un des détecteurs et mesuré pendant 20 jours, est présenté sur la figure 2. La résolution associée au pic de 14 Gd est de l'ordre de 200 keV. Au cours de cette expérience, 19 désintégrations attribuées à 2 Es ont été détectées. Compte tenu du rapport d'embranchement (88 %), des rendements chimiques (85 %), de l'angle solide de détection (80 %) et de la durée des comptages, ces événements correspondent à environ 60 atomes de 261 R f isolés, après environ 20 h effectives d'irradiation. Ces expériences ont confirmé l'aptitude de l'élément Rf à former des fluoro-complexes anioniques stables en milieu HF 0,2 M, comme ses homologues Zr et Hf. Les actinides produits par réaction de transfert, fixés sur les colonnes de tête, ont également été récupérés : après purification, une source a a été réalisée par électrodéposition sur une feuille de platine. La mesure de cette source a permis d'identifier les radionucléides de transfert 248>250Bk 246-248.250,252(-.f 252,253,254m,255gs 252,253,254,25 5 c „ • • i r m, ainsi que les isotopes 244'246Cm et 248Cm. L'absence de 254Fm (Ea = 7,19 MeV et T m = 3,24 h, généré par 254mEs de période 39,3 h) sur le spectre de la figure 2, démontre clairement que la condition préalable de purification très poussée des transactinides a été satisfaite. Jusqu' à présent, l'élément Db était produit par la réaction nucléaire : 249Bk(lsO,5n)262Db. Les inconvénients de cette voie de synthèse sont liés, d'une part, à la période relativement courte de 249Bk (320 d) et, d'autre part, à la difficulté de se procurer cet isotope en quantité pondérable. Dans ce travail, une nouvelle voie de synthèse a été mise en œuvre : 248Cm(19F,5n)262Db. À cet effet, la cible de 248Cm a été irradiée par un faisceau d'ion 19F7+, d'énergie 106 MeV et d'intensité voisine de 700 nA. Selon le schéma de décroissance de la figure 1, le seul descendant pouvant être identifié par spectrométrie OCest 254Fm (T]/2 = 3,2 h, Ea = 7,19 MeV). Le moniteur d'énergie 148Gd (0,2 Bq) a été ajouté à la solution d'élution de chaque colonne de queue. Chaque solution est évaporée rapidement au fur et à mesure de son obtention; chaque résidu est repris en milieu HC1 4,5 M, et évaporé directement sur une feuille de platine. Compte tenu de l'absence de purification chimique, les sources OCainsi réalisées présentaient un léger dépôt de matière, entraînant une dégradation de la résolution OC. Néanmoins, les spectres a enregistrés sont tous caractérisés par une très grande pureté radiochimique (absence de perçage). Le spectre, somme de l'ensemble des sources réalisées, est présenté sur la figure 3, chaque source étant mesurée pendant une période d'environ 6 h. On notera cependant la présence de bruit de fond attribué aux descendants des chaînes naturelles (238U et 232Th), dont les événements situés à 7,7 MeV font partie (2l4Po Ea = 7,69 MeV). Deux événements ont pu être attribués à l'isotope 254Fm, correspondant à 13 h effectives d'irradiation. Quatre autres événements, situés à des énergies inférieures de quelques centaines de keV à l'énergie a de 254Fm (7,19 MeV), ont également été détectés. Étant donnée la présence de matière sur les sources (X, ces événements pourraient également être associés au descendant de 262Db. Ces premières expériences ont montré la faisabilité de production des éléments Rf et Db auprès de l'accélérateur Tandem d'Orsay, grâce au système Rachel. Dans le cas de l'élément Rf, nous avons confirmé la formation de complexes anioniques stables en milieu HF. Dans un avenir proche, son comportement chimique sera étudié plus précisément dans d'autres milieux complexants : la détermination des coefficients de distribution par une nouvelle technique chromatographique, adaptée aux isotopes de courtes vies, devrait permettre, d'une part, d'accéder à une meilleure connaissance de ses propriétés en solution aqueuse et, d'autre part, de mettre en évidence des différences de comportement avec ses éléments homologues ou pseudo-homologues. La nouvelle voie de synthèse de l'élément Db a conduit à des résultats prometteurs : la qualité des spectres OC enregistrés (très faible bruit de fond) a permis d'identifier deux atomes de 254Fm, descendant de 262Db. Toutefois, en vue de l'étude du comportement chimique de cet élément, il est nécessaire d'augmenter les rendements de production et de détection. À cet effet, dans un futur proche, une nouvelle cible sera réalisée avec 1 mg de 2, 8 Cm d'une part, et, d'autre part, de nouvelles installations OC seront développées, afin de permettre une détection proche de 4 % sr. Cela impliquera la réalisation de sources sur feuille de carbone mince (30 pg - cm " '), Ces optimisations devraient nous permettre d'accroître d'un facteur 10 le nombre d'atomes détectés. Les auteurs tiennent à remercier l'ensemble de l'équipe du Tandem d'Orsay, coordonnée par S. Délia Negra, B. Waast et J.-M. Curaudeau, pour leur efficacité et la qualité des faisceaux qui nous a été fournie lors de nos expériences . | Les isotopes 261Rf et 262Db ont été produits par irradiation de 248Cm par des ions 18O et 19F respectivement à l'aide de l'accélérateur MP Tandem d'Orsay, et isolés en milieu HF grâce au dispositif Rachel. Une nouvelle voie de synthèse du radionucléide 262Db a été mise en œuvre. | chimie_99-0234521_tei_elsevier_99-0234521_CRAS-IIc-Chim.tei.xml |
termith-187-chimie | Les aza-2 allylphosphonates 1 se sont avérés de précieux intermédiaires de synthèse. Grâce à la présence de deux groupes activants leurs anions se forment aisément sous l'action de diverses bases. Ces carbanions ont trouvé une première application dans une séquence, comprenant leur acylation, menant vers la synthèse de céphalosporines (1). Par la suite nous avons étudié leur alkylation (2, 3), leurs réactions de type Wittig - Horner avec les dérivés carbonylés (3, 4) et enfin les réactions avec les esters a, [5-insaturés menant vers des composés cycliques (3, 5). Le présent travail est consacré à l'étude détaillée de cette dernière réaction. Elle donne, d'une manière régiosélective et stéréospécifique, accès aux diéthoxyphos - phonyl-2 éthoxycarbonyl-4 pyrrolidines 4 ainsi qu'aux éthoxy - carbonyl-4 A'-pyrrolines 5 (cf. schéma 1) (3, 5). Les A'pyrrolines, intermédiaires de synthèse très intéressants, sont difficilement accessibles par une autre voie (5 a, 6). Dans ce travail, nous analyserons l'influence des conditions opératoires sur le déroulement de la réaction et, par ce moyen, le mécanisme réactionnel. D'autre part nous étudierons certaines transformations des A'-pyrrolines. La réaction entre les carbanions formés à partir des imines 1 et les esters a,|3-insaturés 2 (schéma 1) a été étudiée sur de nombreux exemples (tableau 1). Comme il est indiqué dans le schéma 1 elle peut mener vers trois produits : le composé linéaire 3 provenant de l'addition de Michael, la pyrrolidine 4 et la pyrroline 5, obtenues à partir de l'intermédiaire 4 ', respectivement par sa protonation et par l'élimination de l'anion du diéthylphosphonate. L'obtention du composé 3 étant accessoire, nous nous concentrerons sur les conditions de synthèse des deux produits principaux. A l'issue de la cycloaddition nous obtenons la pyrrolidine et tant que diastéréoisomère unique 4 possédant les groupes éthoxycarbonyle et phosphonyle orientés mutuellement cis et également cis par rapport au substituant R 2 (s'il est plus encombrant que R 3). De même nous obtenons une seule A'-pyrroline 5. Or, si on tient compte de l'asymétrie uniquement dans les positions 2, 4 et 5, les pyrrolidines résultant de la cycloaddition peuvent exister sous forme de quatre diastéréoisomères, et les pyrrolines sous forme de deux diastéréoisomères, visualisés dans le schéma 2. Par la suite nous appelerons les composés 4 et 5 produits cis, et 6 et 7, trans. Les substituants seront indiqués par le code du tableau 1. Les dérivés 6 et 7 sont obtenus respectivement à partir des composés 4 et 5, si R 6 est un atome d'hydrogène, par l'épimérisation dans des conditions basiques (éthylate de sodium dans l'éthanol) menant vers l'équilibre thermodynamique. Remarquons donc que la cycloaddition donne des produits cinétiques plus encombrés que les produits thermodynamiques obtenus par l'équilibration. C'est une information importante pour déterminer le mécanisme de la cycloaddition. La structure de pyrrolidines obtenues dans ces réactions a été établie à l'aide de la spectroscopic de la rmn (5b). 1. Conditions de préparation de produits cycliques La cycloaddition a été réalisée selon deux procédés différents présentés ci-dessous. (a) La réaction entre les composés du type 1 et les composés du type 2 en présence de quantités catalytiques de l'hydrure de sodium à température ambiante et arrêtée par l'addition de l'eau donne les pyrrolidines 4 avec d'excellents rendements (cf. tableau 2). Elle reste cependant limitée aux substrats possédant en tant que R 2 un substituant aromatique. Dans ces conditions on n'observe pas la formation de pyrrolines 5. (b) Les carbanions des imines 1 sont formés par l'action du butyllithium ou du diisopropylamidure de lithium, habituellement à — 70°C. L'ester a,(3-insaturé est ajouté à la même température. La réaction est arrêtée par l'addition de l'eau à la température indiquée. La composition du mélange résultant dépend de la nature des substrats et de cette température. Les conditions et les rendements de produits 4 et 5 dans ces réactions sont présentés dans le tableau 1. De l'examen de ces résultats on peut tirer les conclusions suivantes : (0 Le taux d'élimination du diéthylphosphite, menant vers la formation du produit 5, est généralement plus élevé dans les réactions où le carbanion est obtenu avec du butyllithium en comparaison au LDA (h, I, m). Pour la même base, la proportion de produit d'élimination 5 croît avec la température d'hydrolyse (c, i). (iii) D'une manière générale, les esters éthyléniques 2, très encombrés en position (3 (par exemple, cyclohexénylacétate d'éthyle, cf. m et t), ne réagissent pas à la température de —70°C. La réaction a lieu dans ce cas entre — 70°C et 0°C et la proportion de la pyrroline 5, par rapport à la pyrrolidine 4, est élevée. (i'v) L'encombrement de l'imine 1 semble être le facteur limitatif de la cycloaddition. Ainsi le produit 5q est obtenu avec le rendement de 77 % accompagné de 18 % du produit linéaire 3q, tandis que l'imine 1 avec R 2 = ieri-butyle et R 3 = méthyle dans les mêmes conditions uniquement l'adduit de Michael 3. Dans certains cas nous avons réalisé des cycloadditions dans des conditions différentes : (/) Les produits 4a et 4c sont obtenus, avec des bons rendements, en présence de défaut de base (environ 20 % mol de BuLi ou LDA) par rapport à l'imine 1. Les réactions, avec les mêmes substrats réalisées dans des conditions standard, donnent dans le cas a le mélange contenant des produits de polycondensation de l'acrylate d'éthyle, dans le cas c un mélange de produits dont nous parlerons dans le paragraphe suivant. (ii) Si nous essayons de synthétiser le produit 4/ en menant la réaction entièrement à - 90°C, l'anion étant formé au butyllithium, nous obtenons essentiellement le produit linéaire 31. Les produits cycliques sont cependant obtenus dans la réaction réalisée à température plus élevée. (iii) Dans certains cas (c et e) de réactions réalisées à température comprise entre —70°C et — 100°C (le carbanion étant préparé au butyllithium) nous obtenons à part les produits habituels 4 et 5 également leurs diastéréoisomères 6 et 7 ainsi que les produits linéaires 3. Le tableau 3 donne les résultats de synthèse de produits c dans des conditions variables. Pour pouvoir expliquer ces anomalies nous avons réalisé quelques, expériences qui ne sont pas des cycloadditions à proprement parler : (i) Le produit 4c, obtenu préalablement, en présence d'un équivalent de butyllithium à — 100°C se transforme en produit linéaire 3 c avec le rendement de 30 %. On n'observe pas cette ouverture du cycle en présence de LDA. (ii) L'adduit de Michael 3e, obtenu sur une autre voie, soumis à l'action d'un équivalent de LDA à - 70°C donne le produit trans le avec le rendement de 70 %. 2. Mécanisme déformation de produits cycliques Deux mécanismes peuvent expliquer la formation de produits cycliques : cycloaddition concertée ou bien la formation d'un intermédiaire linéaire 3 et sa cyclisation. La formation, dans la majeure partie des cas pour les trois bases utilisées, d'un produit unique cinétique semble indiquer un mécanisme concerté. Pour étayer cette hypothèse, en ce qui concerne les réactions en présence de l'hydrure de sodium, hous avons vérifié que les produits linéaires 3, obtenus sur une autre voie, ne se cyclisent pas sous l'action de cette base. La formation, dans certains cas particuliers, du mélange de produits comprenant les composés trans doit s'expliquer par la cyclisation d'un intermédiaire linéaire. L'exemple présenté dans le tableau 3 nous montre l'influence de la température sur la composition du mélange réactionnel. La pyrroline trans le obtenue à température élevée ne peut pas provenir directement de cyclisation car à basse température nous observons uniquement les produits cis. Elle ne peut non plus être le résultat d'une épimérisation, le substituant R 6 étant un méthyle. La seule explication de sa formation est donc l'ouverture de l'intermédiaire 4c ' et sa cyclisation en produit trans. Pour certains substrats, à une température de l'ordre de — 100°C, la formation de l'adduit de Michael est énergétique ment plus favorable que la cycloaddition. Dans ces cas les produits trans peuvent provenir de la cyclisation secondaire de ces intermédiaires. Il nous faut donc conclure que les produits cycliques sont obtenus par deux voies différentes dont la première est unique dans le cas de l'hydrure de sodium et généralement prédominante : (1) Cycloaddition concertée conduisant d'une façon stéréospécifique (7), avec un bon rendement, au produit unique cinétique, peu stable. (2) Cyclisation d'un produit linéaire menant vers un mélange de produits. Le rendement est généralement faible car c'est une cyclisation du type 5-endo-trig qui est géométriquement défavorisée (8). Quel que soit le mécanisme de la fermeture du cycle le produit formé possède toujours le groupe phosphonyle en position cis par rapport à R 2 plus volumineux que R 3. Ce fait explique par la stabilité de la conformation trans-trans du carbanion 1 ' (7) : 3. Les transformations des amidures 4 ' Dans les cas où le substituant R 2 est un phényle la cycloaddition peut avoir lieu en présence de quantités catalytiques de base. Ceci signifie que l'amidure cyclique 4 ', formé en petite quantité, est suffisamment basique pour déprotoner les molécules suivantes du substrat 1 et ainsi perpétuer la réaction (9). Nous observons dans ce cas une réaction univoque car l'amidure 4 ' protoné par le substrat 1 ne peut plus évoluer dans le sens de l'élimination de l'anion phosphonate ou de l'ouverture du cycle. D'une façon analogue, une plus faible tendance à l'élimination du diéthylphosphite et l'absence de produits trans dans le cas de réactions réalisées en présence de LDA indiquent que l'intermédiaire 4 ' est protoné par la diisopropylamine. La (3 élimination des anions phosphoniques, que nous observons, est beaucoup mieux connue pour les esters des acides a-hydroxyalkylphosphoniques (10) que pour les composés azotés (11). Les pyrrolines 5 et 7 peuvent subir certaines transformations qui soit présentent un intérêt théorique (éclaircissement de la structure de produits synthétisés), soit peuvent avoir une application pratique dans la synthèse. Les trois transformations que nous avons étudiées sont visualisées dans le schéma 3. 1. Addition du diéthylphosphite Parmi quatres diastéréoisomères possibles de pyrrolidines étudiées deux seulement sont obtenus par la cycloaddition (ou cycloaddition suivie d'épimérisation). Afin de pouvoir déterminer indubitablement la structure des pyrrolidines, nous avons synthétisé les diastéréoisomères manquants en faisant réagir les pyrrolines 5 et 7 avec le diéthylphosphite. A l'issue de cette réaction nous avons obtenus les mélanges de pyrrolidines 4 et 8 (en partant de 5) ou 6 et 9 (en partant de 7) dont la composition est indiquée dans le tableau 4. Le groupe phosphonyle a tendance à s'additionner sur la face opposée au carboxyle. Ainsi nous obtenons les pyrrolidines 6c, 61, 8h et 8m en tant que produits uniques. Cette tendance peut être contrebalancée par la présence des autres substituants encombrants et nous constatons alors la formation de mélanges (cf. tableau 4). 2. Préparation de pyrrolines isomérisées 10 et leur oxydation Sous l'action de l'excès de l'hydrure de sodium les pyrrolines 5 et 7, si elles possèdent un atome d'hydrogène en tant que substituant R 3, sont transformées en pyrrolines 10. Pratiquement nous réalisons plutôt une séquence ininterrompue de réactions qui en partant de 1 et 2, en présence de l'hydrure de sodium, abouti à la formation de 10. Le produit de cycloaddition 4 formé initialement s'épimérise jusqu'au 6, celui -ci subit l'élimination du diéthylphosphonate de sodium pour donner la pyrroline 7, qui à la suite de la migration de la double liaison donne la pyrroline 10. Dans des cas où le substituant R 1 est un phényle, cette séquence s'arrête au stade de l'élimination, la migration de la double liaison n'ayant pas lieu. Ainsi nous obtenons dans des conditions identiques le produit 1g avec le rendement de 60 % et, dans une autre expérience, le mélange de 25 % de produit 5 k avec 42 % de 1k. Ces résultats signifient que la migration de la double liaison a lieu s'il en résulte un système plus stable où la double liaison C=N est conjuguée avec le noyau aromatique. Dans le cas où un tel système existe à l'origine, l'isomérisation ne se fait pas. Les produits 10 obtenus ainsi sont des huiles. Exposés à l'air ils s'oxydent spontanément, si le substituant R 6 est un atome d'hydrogène, pour donner les dérivés hydroxylés cristallins 11. Nous avons obtenu de cette manière les produits lia, lié, \\d et 11 m. L'oxydation spontanée de composés semblables est connue (12). 3. Réductions menant vers les pyrrolidines 12 La réduction de pyrrolines 5 et 10 au borohydrure de sodium donne, avec un excellent rendement, les pyrrolidines 12. Ont été obtenus : les produits 12p-u par la réduction de pyrrolines 5 correspondantes, ainsi que 12a par la réduction du composé 10a. Dans tous ces cas on obtient le produit ayant le substituant R 2 en position cis par rapport au carboxyle. Dans le cas de la réduction de produits du type 5, la stéréochimie est sauvegardée et la réduction de composés du type 10a conduit à des produits avec la même stéréochimie, l'approche du borohydrure se faisant du coté moins encombré, c'est-à-dire opposé au groupe carboxyle. La nouvelle méthode de synthèse, présentée dans ce travail, permet d'obtenir un grand nombre de produits difficilement accessibles entre autres d'intéressants composés spiranniques ou polycycliques. Le choix judicieux de conditions permet d'orienter la réaction vers des pyrrolidines ou des pyrrolines. Les transformations de produits initialement obtenus offrent d'intéressants débouchés synthétiques. 4 L'analyse détaillée de produits obtenus a permis de proposer un mécanisme réactionnel pour la cycloaddition. Les points de fusion ont été déterminés sur le banc de Kofler. Les analyses élémentaires ont été effectuées au Laboratoire central de microanalyse du Centre national de la recherches à Thiais ou par le Laboratoire de sciences biologiques du Conseil national de recherches du Canada à Ottawa. Les spectres rmn du proton ont été enregistrés sur le spectromètre Hitachi Perkin-Elmer R-24B, 60 MHz, et sur le spectromètre Bruker WP-80 FT, 80 MHz. Ce dernier appareil a servi également pour enregistrer les spectres du l3 C à 20.15 MHz. Les chromatographies sur couche mince (ccm) ont été réalisées sur gel de silice G type Merck 60 F-254 en plaques prêtes à l'emploi. L'éluant utilisé est un mélange chlorure de méthylène - méthanol 90 : 10 et le révélateur utilisé est le réactif de Dragendorff. Les chromatographies sur colonne ont été effectuées sur gel de silice 60 0,2-0,5 mm, Merck; l'éluant est habituellement le chlorure de méthylène pur ou mélangé avec 1-5 % de méthanol. Les a-aminoalkylphosphonates de diéthyle ont été préparés par des méthodes connues : aminométhylphosphonate de diéthyle (1), a-aminoéthylphosphonate de diéthyle (13) et phénylaminométhylphosphonate de diéthyle (14). Les imines 1 ont été préparées par la réaction entre les a-aminoalkylphosphonates et dérivés carbonylés appropriés. Le composé 1 R 1 = H, R 2 = R 3 = Me est préparé par la réaction entre 1 mol de aminométhylphosphonate de diéthyle et 10 mol d'acétone à température ambiante pendant 48 h en présence de 30 g de tamis moléculaires du type 5Â. Les tamis sont filtrés, la solution évaporée et l'imine 1, obtenue sous forme d'huile, est utilisée brute dans l'étape suivante. Dans tous les autres cas une mole de a-aminoalkylphosphonate est mise en présence d'une mole de dérivé carbonylé dans 500 mL de benzène. Dans le cas de l'acétophénone on ajoute 0,5 g de l'acide p-toluènesulfonique. La solution est chauffée à l'ébullition et l'eau formée séparée dans le séparateur de phases (Dean-Stark). Le temps de réaction varie de 0,5 jusqu' à 4 h. Le solvant est évaporé (si l'acide p-toluènesulfonique est employé la solution est lavée préalablement avec la solution saturée du bicarbonate de sodium, de l'eau et séchée). Les imines 1 obtenues, sous forme d'huile, avec un rendement de 92-98 % sont utilisée brutes. Cycloadditions en présence de l'hydrure de sodium Une solution de 20 mmol de l'aza-2 allylphosphonate 1 et de 20 mmol de l'ester éthylénique 2 dans 30 mL de THF est ajoutée, sous agitation (cf. tableau 1 pour la température), en une seule fois, à une suspension de 0,2 g (4 mmol) d'hydrure de sodium dans 50 mL de THF. Une augmentation de température de l'ordre de 10°C est observée. Quand la température commence à diminuer, le mélange est refroidi à la glace et traité avec 50 mL d'une solution aqueuse de chlorure d'ammonium à 10 %. La couche organique est séparée et la couche aqueuse extraite avec de l'éther. Les extraits réunis sont séchés sur sulfate de sodium et évaporés sous pression réduite. La pyrrolidine 4 est purifiée par recristallisation dans l'éther isopropylique ou transformée en picrate. Les conditions de réaction, les rendements de pyrrolidines 4 et les données analytiques sont indiqués dans le tableau 2. Les données rmn des produits qui n'ont pas été publiées auparavant (5b) sont rapportées dans le tableau 5. Cycloaddition des sels lithiens des carbanions de 1 Une solution de 20 mmol de l'aza-2 allylphosphonate 1 dans 30 mL de THF est ajoutée, goutte à goutte, à une solution dans le THF de 20 mmol (ou 4 mmol dans certains cas indiqués dans le tableau 1) de butyllithium, ou bien de LDA préparée préalablement. Cette addition est effectuée en atmosphère inerte, sous agitation, à la température indiquée dans le tableau 1. La solution devient rouge carmin. Ensuite, à la même température, est additionnée une solution de 20 mmol d'ester 2 dans 20 mL de THF. La réaction est suivie en rmn et terminée par l'addition de l'eau à la température indiquée dans le tableau 1. La couche organique est séparée et la couche aqueuse extraite avec de l'éther. Les extraits réunis sont séchés sur sulfate de sodium et évaporés sous pression réduite. Dans le cas où un des produits est nettement majoritaire il est séparé par la cristallisation dans l'éther isopropylique ou par la formation du picrate. Dans le cas contraire les produits sont séparés par la chromatographie sur silice. Les rendements sont indiqués dans le tableau 1, les donnés analytiques de pyrrolidines 4 dans le tableau 2, leurs données rmn dans le tableau 5, les données analytiques et rmn de pyrrolines 5 dans le tableau 6. Epimérisation de dérivés cis 4 et S La pyrrolidine 4 ou la pyrroline 5 est soumise à l'action d'une quantité équimolaire de la solution 1 M d'éthylate de sodium dans l'éthanol à température ambiante. La réaction est suivie en ccm. Le mélange réactionnel est concentré sous vide jusqu' à un tiers du volume initial et dilué avec l'éther. La solution résultante est lavée avec de l'eau, séchée sur du sulfate de sodium et le solvant évaporé sous pression réduite. Le résidu, pyrrolidine 6 ou pyrroline 7, est purifié par recristallisation de l'éther isopropylique ou par formation du picrate. Les rendements sont de 80-90 %. Le taux de transformation cis-trans est habituellement de 75 à 100 %. Les données analytiques pour les pyrrolidines 6 sont rapportées dans le tableau 7, leur données rmn dans le tableau 5. Les données analytiques et rmn de pyrrolines 7 se trouvent dans le tableau 6. Préparation de l'adduit de Michael 3e Une quantité (0,9 mL) de solution éthanolique de Triton B (2 mmol) est diluée avec 30 mL de benzène anhydre et on lui ajoute 20 mmol de l'imine 1 (R 1 = Me, R 2 = Ph, R 3 = H). Ensuite, une solution de 20 mmol d'acrylate d'éthyle dans 10 mL de benzène est ajoutée goutte à goutte, à la température de 15°C. Après 1 h le mélange réactionnel est traité par 15 mL de la solution saturée de chlorure d'ammonium et lavé à l'eau. La phase organique est séchée et le solvent est évaporé sous pression réduite. Le rendement est de 90 %. Le produit 3e obtenu contenant environ 5 % de produit cyclique 6e est utilisé brut. 8 H, ppm (CC1 4 /TMS) : 1,0-1,4 (9H, m, 3 Me), 1,43 (3H, d 3 J HP = 16 Hz, Me), 2,0-2,5 (4H, m, (CH 2),), 3,6-4,3 (6H, m, 3 OCH 2), 7,0-7,3 et 7,6-7,8 (2H et 3H, m, Ph), 8,20 (1H, d 4 J H p = 5 Hz, HC=N). Cyclisation de l'adduit de Michael Je L'adduit de Michael 3e est additionné à une solution d'une quantité équimolaire de LDA dans le THF à - 70°C. La température est remontée jusqu' à — 10°C et l'eau est additionnée. La couche organique est séparée et la couche aqueuse extraite trois fois à l'éther. Les extraits réunis sont séchés et le solvant évaporé sous pression réduite. Le mélange obtenu, comprenant la pyrrolidine 6e et les pyrrolines 5e et le, est séparé par chromatographie. Le rendement en pyrroline le est de 70 %. Ouverture du cycle de la pyrrolidine 4c Une solution de 10 mmol de pyrrolidine 4c dans 30 mL de THF est ajoutée à une solution de 13 mmol de butyllithium dans 50 mL de THF à — 100°C. Le spectre rmn d'un échantillon prélevé indique la présence du produit linéaire 3c (bande imine à 8,2 ppm). Le mélange est réchauffé progressivement (1,5 h) jusqu' à +35°C. La composition du mélange en fonction de la température, déterminée d'après les spectres rmn, est la suivante : température (°C), part de 4c, 5c, 6c, le, 3c( %) : - 100,70,0,0,0, 30; - 55,60, 15,5,5, 15; - 10,45, 30, 10, 15, 0; +35, 20, 40, 20, 20, 0. Le traitement habituel donne 2,3 g de mélange qui est séparé par chromatographie. Addition du diéthylphosphite sur les pyrrolines 5 et 7 La pyrroline 5 ou 7 est chauffée avec cinq équivalents du diéthylphosphite à 130°C pendant 3 h. La réaction est suivie en ccm. Après être refroidi le mélange réactionnel est traité avec l'acide chlorhydrique à 5 % et la solution ainsi obtenue est extraite avec deux portions d'éther. Ensuite elle est rendue basique par addition de carbonate de potassium et extraite trois fois à l'éther. L'extrait éthéré est séché sur sulfate de sodium et le solvant est évaporé sous pression réduite. Le résidu (comprenant les pyrrolidines, cf. tableau 4) est purifié par recristallisation de la base ou du picrate, ou bien par chromatographie. Les rendements de diastéréoisomères obtenus sont indiqués dans le tableau 4, les données analytiques dans le tableau 7 en rmn dans le tableau 5. Préparation de pyrrolines 10 Une solution de 20 mmol de 1 et de 20 mmol d'ester éthylénique 2 dans 40 mL de THF est ajoutée à une suspension de 22 mmol d'hydrure de sodium dans 50 mL de THF. Après la fin de la réaction exothermique, le mélange est porté à l'ébullition (cf. tableau 8). Ensuite, il est refroidi et traité avec 50 mL d'une solution de chlorure d'ammonium à 10 %. La couche organique est séparée et la couche aqueuse extraite avec de l'éther. Les extraits réunis sont séchés et le solvant évaporé sous pression réduite. Le résidu, pyrrolidine 10, est transformé en picrate et celui -ci recristallisé. Les conditions de réaction ainsi que les résultats analytiques et rmn sont présentés dans le tableau 8. 6 Les hydroxy pyrrolines 11 sont obtenues par oxydation spontanée de pyrrolines 10. A la suite de l'exposition de ces dernières à l'action de l'air pendant plusieurs jours est observée la transformation de l'huile en masse semi-cristalline. Celle -ci est cristallisée dans l'éther isopropylique et recristallisée dans ce solvant ou l'acétate d'éthyle. Les rendements sont d'environ 85 %. Les données analytiques et rmn sont rassemblées dans le tableau 8. 6 Les pyrrolidines 12 sont préparées par réduction des pyrrolines 5 au borohydrure de sodium dans l'éthanol (pour éviter la transestérification). 12/ : rendement 90 %; 8 H, ppm (CC1 4 /TMS) : 0,88 (3H, t, Me), 1,05 (3H, d, R = Me), 1,60 (3H, s, R J = Me), 2,3-3,3 (4H, m), 3,70 (2H, q, OCH 2), 7,25 (5H, m, Ph). Picrate, F (éthanol) 167°C. C 2I H 2 4N 4 09 (476,41) calculé/trouvé : C 52,94/52,77; H 5,08/5,04; N 11,76/11,74. Ethoxycarbonyl-7 aza-15 dispiro [5.1,5.2] pentadecane 12 ;, rendement 87 %; F (éther isopropylique) 51 °C; 8 H, ppm (CDC1 3 /TMS) : 1,27 (3H, t, Me), 1,2-1,8 (20H, m, deux cyclohexyles), 2,32 (1H, s, NH), 2,38 (1H, s, CH), 2,86 (2H, d de d, CH 2), 4,11 (2H, q, OOL); 8 13 C (CDCI3/TMS) : 14,45 (q, Me), 23,03, 23,36, 23,76, 24,05, 25.88 (double intensité), 33,32, 33,76, 39,23 (double intensité) (lOt, deux cyclohexyles), 48,43 (s, C-8), 55,58 (t, C-14), 59,67 (t, OCH 2), 64.89 (d, C-7), 65,36 (s, C-6), 172,33 (s, C=0). C I7 H, 7 N0 2 (279,41) calculé/trouvé : C 73,07/72,70; H 10,46/10,37; N 5,01/4,88. 12 « : rendement 79 %; 8 H, ppm (CC1 4 /TMS) : 1,27 (3H, t, Me), 1,2-2,0 (19H, m, deux cyclohexyles et NH), 2,7-3,0 (3H, m, CH—CH 2 —N), 4,10 (2H, q, OCH,). Chlorhydrate, F (éthanol, eau) 212°C. C 16 H, 7 N0,-HC1 (301,85); calculé/trouvé : C 63,66/63,70; H 9,35/9,38; N 4,64/4,69; Cl 11,75/11,89. Réduction du picrate de 10a Borohydrure de sodium (0.5 g) est ajouté progressivement en refroidissant, à une suspension de 1,5 g (3 mmol) de picrate de pyrroline 10a dans 20 mL de méthanol. Le mélange devient homogène. Quand l'addition est finie, le mélange est agité encore 20 min à température ambiante. Le solvant est évaporé sous pression réduite et le résidu repris avec une solution de soude à 5 %. Cette solution est extraite 3 fois avec 30 mL de chlorure de méthylène. L'extrait est séché et le solvant évaporé sous pression réduite. On obtient 0,6 g d'huile claire, 85 % de rendement de cii-éthoxycarbonyl-3 phényl-2 pyrrolidine 12a; 8 H, ppm (CC1 4 /TMS) : 0,80 (3H, t, Me), 2,0-2,4 (2H, m, H-4), 2,8-3,3 (3H, m, H-3 et H-5), 3,65 (2H, q, OCH 2), 4,35 (1H, d, H-2), 7,25 (5H, m, Ph). Picrate, F (éthanol) 181°C. C 19 H 20 N 4 O 9 (448,38) calculé/trouvé : C 50,89/50,99; H 4,50/4,50; N 12,50/12,22 . | Cycloadditions d'anions obtenus par lithiation de benzylidène- ou alkylidèneaminométhyl O,O-diéthyl phosphonates et d'acrylates d'éthyle: selon le milieu et les substituants, obtention de pyrrolidines et de pyrrolines-1 substituées | chimie_88-0234767_tei_20.v88-054.tei.xml |
termith-188-chimie | Les schistes bitumineux de Timahdit (Maroc) sont des roches sédimentaires qui contiennent une substance organique insoluble dans les solvants organiques usuels, appelée kérogène, qui libère une huile d'aspect semblable à celui d'un pétrole brut par un traitement thermique non oxydant entre 400 et 500 °C 〚1〛. Ce kérogène est accompagné d'une faible fraction d'hydrocarbures solubles dans les solvants organiques. La rupture des diverses liaisons des macromolécules de ce kérogène, lorsqu'il est enfoui à une profondeur de plusieurs milliers de mètres, conduit à la libération de chaînes hydrocarbonées et de cycles saturés et aromatiques, qui sont les principaux constituants du pétrole. Cependant, dans le cas des schistes bitumineux, la roche a été enfouie seulement à de faibles profondeurs, auxquelles la température est peu élevée et le kérogène demeure à l'état métastable. Une étude détaillée de la pyrolyse des kérogènes nous a semblé nécessaire pour obtenir des renseignements sur l'origine et le stade d'évolution de ses schistes et par conséquent leur potentiel pétrolier. Les échantillons des schistes bitumineux de Timahdit étudiés ont été fournis par le laboratoire du ministère de l' Énergie et des Mines du Maroc, sous forme de blocs de plusieurs kilogrammes, appartenant à quatre sites différents de la couche T de ce gisement. Au cours de cette étude, les quatre échantillons des schistes bitumineux ont été traités conformément à un protocole précédemment défini 〚2〛 et le kérogène (KC) a été préparé suivant la méthode standardisée de l'Institut français du pétrole 〚3, 4〛. L'analyse des gaz dégagés au cours de la pyrolyse de ces schistes a été réalisée par chromatographie en phase gazeuse, sur une colonne Porapak pour les produits légers, et sur une colonne silicone SE30 pour les produits lourds. L'analyse thermogravimétrique du schiste brut 〚5, 6〛 et de son kérogène isolé a été réalisée sous flux d'azote, entre la température ambiante et 800 °C, avec une vitesse de chauffe de 5 °C·min –1. La pyrolyse Rock–Eval de nos échantillons a été effectuée à l'aide d'un appareil de l'Institut français du pétrole 〚7, 8〛. Cette méthode d'analyse rapide permet de caractériser les différentes quantités de matière organique et d'estimer leur état d'évolution. Elle est basée sur la détection sélective et l'analyse quantitative des composés oxygénés et des composés hydrocarbonés libérés par la matière organique contenue dans un échantillon de roche chauffé en programmation de température sous atmosphère inerte. Les analyses par diffraction X des différents échantillons de schistes bitumineux de Timahdit étudiés montrent qu'ils sont principalement constitués de carbonates (dolomite et calcite), de quartz et d'argiles (kaolinite et illite) associés à la matière organique (bitume et kérogène). Ainsi, les teneurs moyennes des principaux constituants du schiste étudié sont : 18,28 % de dolomite, 21,82 % de calcite, 18,53 % de quartz, 1,77 % de pyrite, 15,20 % d'argiles et d'autres minéraux et 24,4 % de matière organique totale (23,4 % de kérogène et 1 % de bitume). La quantité moyenne du kérogène isolé, à partir de quatre échantillons différents du schiste de la couche T, représente 23,4 % du poids de la roche brute, ce qui montre que le gisement de Timahdit constitue une ressource importante en énergie, à cause de la quantité d'huile qui pourrait être extraite de ses schistes et qui dépasserait neuf milliards de barils 〚9, 10〛. L'analyse élémentaire moyenne du kérogène (KC) ainsi isolé indique qu'il est composé de 69,40 % de C, 9,20 % de O, 7,60 % de H, 4,20 % de N et 9,60 % de S. Les rapports atomiques H/C et O/C ainsi obtenus sont respectivement 1,31 et 0,10. Ils correspondent à un kérogène du type II (figure 1) peu évolué 〚4, 7, 11–13〛 rencontré dans des milieux sédimentaires marins et qui présente les qualités d'une roche mère d'un bon potentiel en huile et en gaz. Les valeurs relativement élevées des rapports atomiques H/C et O/C témoignent d'un kérogène riche en composés aliphatiques et contenant des groupements fonctionnels. Les études structurales des kérogènes des schistes bitumineux de Timahdit des couches M et Y, entreprises par Halim 〚14〛 d'une part et Amblès et al. 〚15〛 d'autre part, ont montré que les structures de type aliphatique ou hétérocyclique sont plus abondantes (45 %) que les structures aromatiques (35 %). Ceci révèle l'existence d'un réseau constitué des chaînes aliphatiques enchevêtrées et hautement substitué par des éléments aromatiques. Ainsi, ce type de kérogène peut être représenté comme étant constitué de macromolécules tridimensionnelles riches en composés aliphatiques et contenant des groupements fonctionnels reliés entre eux par des chaînes aliphatiques ou des liaisons hétéroatomiques 〚16〛. Cette étude a concerné le schiste brut (E 1 SB), son kérogène isolé (KC) et le schiste finement broyé avec 20 % d'oxyde ferrique (E 2 SB). Elle a été réalisée sous flux d'azote, entre la température ambiante et 800 °C, avec une vitesse de chauffe de 5 °C·min –1. Les thermogrammes des deux échantillons (E 1 SB) et (E 2 SB) (figure 2a) montrent que la perte de poids se fait en trois temps. Une perte de poids de 1 % entre la température ambiante et 200 °C est attribuable à l'eau d'hydratation. Celle observée entre 200 et 520 °C correspond à la décomposition de la matière organique. Elle est respectivement de 16,6 % pour le schiste brut (E 1 SB) et 12,4 % pour celui mélangé à l'oxyde ferrique (E 2 SB). Ce résultat est en désaccord avec celui obtenu par Rachidian et al. 〚2〛, qui ont montré par analyse thermogravimétrique que l'ajout de l'oxyde ferrique aux schistes bruts du Toarcien de Fécocourt (France) augmente le pourcentage du carbone organique libéré lors de leur pyrolyse. La perte de poids observée entre 520 et 800 °C est relative à la décomposition des carbonates (figure 2a). Le thermogramme du kérogène isolé (figure 2b) indique que la perte de poids totale atteint 58,5 % et se fait essentiellement entre 300 et 500 °C, avec un maximum de vitesse situé vers 430 °C. La pyrolyse d'un échantillon de masse 2,08 g a été effectuée sous vide primaire (10 –3 torr) de 20 à 420 °C à raison de 1 °C·min –1. Cet échantillon est obtenu par le mélange de quatre échantillons de schiste de masses identiques, appartenant à quatre sites différents de la couche T du gisement de Timahdit. Les produits ainsi dégagés sont continuellement piégés dans l'azote liquide. La masse totale de ces produits récupérés ne représente que 4,7 % de celle de l'échantillon pyrolysé à 420 °C, valeur inférieure à celle correspondant à la décomposition totale de la matière organique. Cette décomposition partielle de la matière organique est due au fait que la température de pyrolyse de l'échantillon est inférieure à la température du maximum de pyrolyse (T max = 426 °C). Une première fraction de gaz de produits légers a été prélevée et analysée par chromatographie en phase gazeuse sur une colonne Porapak. Les gaz élués sont, dans l'ordre : O 2, CH 4, CO 2, C 2 H 4, C 2 H 2, H 2 S et H 2 O (figure 3a). Pour les produits les plus lourds, qui ne sont pas élués dans ces conditions, nous les avons analysés sur une colonne silicone SE30 (de 320 à 420 °C), la détection par ionisation de flamme étant plus sensible que dans le cas précédent (colonne Porapak). Les gaz ainsi élués dans ces conditions sont CH 4, C 2 H 2, C 2 H 4, C 2 H 6 et un pic contenant du propène. Ensuite, un pic C 3 attribuable à C 3 H 8, suivi de cinq pics en C 4 (i C 4, n - C 4, C 4 H 8, i C 4 H 8) apparaissent (figure 3b). Cependant, aucune molécule de H 2 O ou de H 2 S n'est détectée 〚17, 18〛. Les différents gaz analysés avec leur pourcentage sont résumés dans le tableau I. Ces résultats montrent que les teneurs en H 2 S, en CO 2 et en hydrocarbures dégagés lors de la pyrolyse des schistes entre 320 et 420 °C sont plus importantes que celles de ces mêmes composés détectés dans le domaine de température de pyrolyse allant de 20 à 320 °C. Cette pyrolyse a concerné quatre échantillons de chacun des trois matériaux suivants : schiste brut (E 1 SB), son kérogène isolé (KC) et le schiste finement broyé avec 20 % d'oxyde ferrique (E 2 SB). Les résultats de la pyrolyse Rock–Eval de ces échantillons sont résumés, sous forme de valeurs moyennes, dans le tableau II et illustrés par la figure 4. S 1, S 2 et S 3 sont les aires des pics P 1, P 2 et P 3 d'enregistrement obtenus au cours de cette pyrolyse Rock–Eval. P 1 et P 2 représentent respectivement la quantité d'hydrocarbures volatilisés à température modérée (250–350 °C) et celle des composés hydrocarbonés « potentiels », qui résultent du craquage thermique des produits lourds et du kérogène (350–550 °C), alors que P 3 représente la quantité de CO 2 produit au cours de cette pyrolyse dans l'intervalle allant de 250 °C à 400 °C, température inférieure à celle correspondant au début de la dissociation thermique des carbonates 〚8〛. IH = S 2 /C org = index d'hydrogène qui représente la quantité du composé hydrocarboné (calculée à partir de l'aire S 2 du pic P 2) rapportée au carbone organique total de la roche. IO = S 3 /C org = index d'oxygène qui correspond à la quantité de CO 2 (calculée à partir de l'aire S 3 du pic P 3) rapportée à ce même carbone organique total. Ces deux index, exprimés ici en mg·g –1 de carbone organique, permettent de caractériser la quantité de matière organique dans les roches étudiées. En effet, Espitalié et coll. 〚7〛 ont montré que IH et IO présentent une bonne corrélation avec les rapports atomiques H/C et O/C obtenus par analyse élémentaire des kérogènes et donnent une bonne information sur l'origine et le degré de maturité de la matière organique. L'index de production (IP = S 1 / S 1 + S 2) est défini comme le rapport de la quantité d'hydrocarbures correspondant à S 1 à la quantité totale de composés hydrocarbonés pouvant être produite par le kérogène, exprimée par la somme (S 1 + S 2) 〚19〛. Les très faibles valeurs de l'index de production (IP) pour le schiste brut, avec ou sans oxyde de fer, confirment qu'il y a peu de matières organiques (MO) extractibles. De même, les températures du maximum de pyrolyse des composés hydrocarbonés (T max) sont faibles, variant de 426 à 432 °C, pour les trois échantillons étudiés. Ainsi, les valeurs faibles de T max et de IP, qui sont des critères importants du degré d'évolution des roches 〚7〛, confirment que les schistes bitumineux de Timahdit sont faiblement évolués et localisés dans la zone immature. Cette conclusion est appuyée par la valeur du pouvoir réflecteur moyen (PR varie de 0,30 à 0,43) de la vitrinite présente dans le kérogène des schistes de Timahdit 〚12–14, 20〛, qui indique aussi qu'ils sont peu matures et que leur matière organique n'a jamais dépassé le stade de la diagenèse. Par ailleurs, l'analyse des valeurs de IH et IO nous permet de spécifier la nature géochimique de la matière organique de ces schistes. Les résultats du tableau II indiquent que, pour les trois échantillons étudiés, les valeurs de IH sont assez importantes, alors que celles de IO sont faibles, ce qui est en accord avec les qualités de bonnes roches mères de ces échantillons de potentiel pétrolier proche de 100 kg d'hydrocarbures par tonne de roche. Ainsi, le report de l'index d'hydrogène en fonction de l'index d'oxygène IH = f (IO) (figure 4) nous permet de situer les schistes bitumineux de Timahdit vers le début d'évolution du type II 〚8, 21, 22〛. Dans ce type de kérogène, la teneur en composés polaires, produits pendant la diagenèse (CO 2, H 2 O, composés hétéroatomiques lourds), est plus importante que celle des composés hydrocarbonés. Ce résultat confirme ceux des rapports atomiques H/C et O/C, obtenus à partir de l'analyse élémentaire du kérogène (KC), et indique que la matière organique de ces schistes de Timahdit est d'origine marine. Ceci est en bon accord avec les résultats d'autres travaux de recherche réalisés dans notre laboratoire sur des composés isolés de ces schistes de Timahdit (hydrocarbures saturés, aromatiques, géoporphyrines et leurs dérivés modèles synthétisés) 〚22–26〛. Au cours de cette étude, nous remarquons qu'il est plus aisé d'étudier le kérogène isolé que celui intimement lié à une substance minérale dans les schistes bruts. En effet, les composés oxygénés libérés au cours de la pyrolyse du kérogène, isolé de sa matrice minérale, proviennent exclusivement de la décomposition de la matière organique. Il n'en est plus de même lorsque l'on étudie ce kérogène dans sa matrice minérale, car certains composants de cette dernière donnent par dissociation thermique de l'eau (cas des minéraux argileux, des hydroxydes. ..) et du gaz carbonique (cas des minéraux carbonatés). En effet, la présence de ces minéraux et du bitume dans le sédiment peut affecter le déroulement de la pyrolyse de la matière organique, en particulier la production de CO 2 et par conséquent l'index d'oxygène et l'index de production 〚27–29〛. Certains de ses constituants exercent des effets de rétention vis-à-vis des molécules d'hydrocarbures, empêchant ainsi leur libération lors de la pyrolyse 〚30〛. Aussi, les résultats obtenus par l'analyse thermogravimétrique, la pyrolyse Rock–Eval et l'analyse élémentaire du kérogène isolé ne sont pas sensiblement perturbés par la présence de cette matrice minérale. Tous les résultats obtenus au cours de cette étude, particulièrement ceux de l'analyse élémentaire 〚31〛 et de la pyrolyse Rock–Eval, confirment que le kérogène des schistes de Timahdit est du type II peu évolué, d'origine marine, et qu'il présente les qualités d'une bonne roche mère. Il est riche en composés aliphatiques et contient des groupements fonctionnels. Les résultats de cette étude ont révélé que l'oxyde ferrique n'exerce pas d'effet catalytique majeur sur la pyrolyse des schistes bitumineux étudiés, contrairement à ce qui est démontré par Rachidian et al. 〚2〛 . | La pyrolyse des schistes bitumineux de la couche T du gisement de Timahdit (Maroc) a été effectuée pour deux raisons essentielles. D'abord, pour déterminer, par chromatographie en phase gazeuse, les différents gaz dégagés au cours de cette pyrolyse. Ensuite, sur la base des résultats de la pyrolyse Rock-Eval des schistes bruts et de leur kérogène isolé, il a été conclu que ces schistes sont situés vers le début d'évolution du type II, qu'ils sont d'origine marine et qu'ils présentent les qualités d'une bonne roche mère. La teneur en composés polaires de ces schistes est plus importante que celle des composés hydrocarbonés. | chimie_01-0338048_tei_elsevier_01-0338048_CRAS-IIc-Chim.tei.xml |
termith-189-chimie | Les trois hétéropolyanions [H^XWig OJ(9-re) - oùX=As111,Sbm,Bim,ont été préparés et étudiés par diffraction des rayons X [1-3 ]. Les résultats se différencient nettement les uns des autres. Le squelette XW1 8 O6 0 est en fait la fusion de deux moitiés XW9 03 3 et H n W 9 0 3 3 qui partagent six atomes d'oxygène, d'où la formule précédente. La première différence entre ces trois composés est que les deux moitiés, si l'on excepte les atomes X et H, X étant trouvé en désordre entre elles par diffraction des rayons X, se déduisent l'une de l'autre par un centre de symétrie dans le cas de AsW18 [1] et de BiW18 [3 ], et par un plan de symétrie dans celui de SbW18. Ce dernier pcilyanion antimonié a été présenté par Krebs et Klein de façon succincte [2] et son étude cristallographique complète (paramètres de maille, coordonnées atomiques, longueurs et angles de liaison) n'a pas été publiée. La seconde différence est le nombre de cations trouvés dans la réseau cristallin. La présence de sept cations NH 4 + dans le cas de AsW 18 et de sept cations N(CH 3) 4 + dans le cas de SbW 18 conduit à admettre la présence de deux ions H + encagés dans une moitié W 9 0 33. La formule est ainsi [H 2 XW 18 O 60] 7 ~. En revanche, la présence de trois ions H + a été proposée par Sasaki et al. du fait que seulement six cations N(CH 3) 4 + ont été trouvés lors de l'étude cristallographique, d'où la formule [H3BiW18O60]6~ [3 ]. Il faut ajouter que la présence des deux protons par molécule [H2AsWi8O60]7~ a été vérifiée par résonance magnétique nucléaire [1 ]. Le déplacement chimique est observé à 5,25 ppm par rapport au tétraméthylsilane avec une solution de polyanion dans le diméthylsulfoxyde deutéré. Les deux autres polyanions n'ont pas été étudiés par RMN. Remarquons enfin que la règle empirique V718 où V est le volume de la maille cristallographique, appliquée au composé bismuthé, conduit à 124 atomes autres que l'hydrogène par unité formulaire alors que la résolution de structure n'en fournit que 109. Cet ensemble de résultats fragmentaires, voire contradictoires, nous a incités à reprendre l'étude du polyanion bismuthé [HMBiW18O60]m~. La méthode de synthèse de Sasaki qui a utilisé N(CH3)4+ad'abordétémiseenœuvre[3].Elle n'a pas permis d'obtenir des monocristaux utilisables pour une étude cristallographique malgré plusieurs tentatives. Des quantités notables de cristaux de [H2WI2O42]10~ identifiés par diffraction des rayons X ont été obtenues. En revanche, un sel de sodium a été cristallisé avec le mode opératoire suivant. Une quantité de 9,2 g de tungstate de sodium Na2 W04 .2H2 0 a été dissoute dans 100 cm'1 d'eau. Le p H est amené à 4 par de l'acide acétique pur. Puis, 1,24 g de nitrate de bismuth Bi(N03)3-5H20 est mis dans 10 cm3 de tampon acétate de pH = 4. La dissolution complète ne se fait pas. Après mélange, on chauffe à 60 °C pendant 3 h. Il subsiste un précipité blanc, sans doute de nitrate de bismuthyle, qui est filtré. Des cristaux incolores apparaissent au bout de quelques jours d evaporation à température ambiante. Us coexistent avec des cristaux du polytungstate [Bi2W22O70(OH)6]8 " [4 ], ce qui rend l'analyse chimique incertaine. Le spectre infrarouge présente trois bandes à 739, 888 et 956 cm'. Ces bandes sont à 754, 893 et 961 cm'1 pour SbW18 et à 761, 898 et 965 cm - ' pour AsW18. Un cristal parfaitement rhomboédrique du sel de sodium (0,3*0,3*0,3mm) a été placé sur un diffractomètre automatique Nonius-CAD4 et étudié à température ambiante. La maille affinée sur 25 réflexions est de symétrie rhomboédrique avec les paramètres hexagonaux, a = 19,575(4), c = 18,112(4)_Â, V= 6009(2) A3. Le groupe d'espace est R3. Un total de 4623 réflexions indépendantes a été enregistré jusqu' à 9 = 32° en angle de Bragg. La structure a été résolue par les méthodes directes (SHELXS) et affinée à l'aide de la chaîne de calcul CRYSTALS [5] sur 3132 réflexions observées (/ > 3o(J)). L'absorption a été corrigée par la méthode DIFABS. Les deux facteurs d'accord non pondéré et pondéré sont 6,1 et 6,9. L'affinement final a été réalisé avec des facteurs d'agitation thermique anisotrope pour les atomes de tungstène, de bismuth, de sodium et d'oxygène du polyanion, tandis que les atomes d'oxygène des cinq molécules d'eau avaient des facteurs de température isotropes. La matrice des équations normales a été inversée en un seul bloc. Le facteur d'extinction secondaire était égal à 13,4 (tableau 1). L'axe ternaire cristallographique est l'axe de symétrie du polyanion qui possède également un centre de symétrie. Les deux moitiés W y O 3 0 sont ainsi reliées l'une à l'autre par le centre d'inversion situé sur cet axe ternaire {figure 1), comme l'avaient décrit Ozawa et Sasaki [3 ], et comme pour AsW]8 [1 ], Cela implique une distribution statistique du bismuth entre deux sites équivalents situés sur l'axe ternaire et reliés par le centre d'inversion. Le bismuth est 1,81 Â au-dessus du plan moyen des six atomes de tungstène formant la couronne de six octaèdres WO(i, plan orthogonal à l'axe ternaire, trois atomes de tungstène étant 0,08 Â au-dessus de ce plan et trois atomes de tungstène étant 0,08 Â en-dessous. Cette position du bismuth hors du plan et vers le centre de symétrie est due à la longue distance Bi-0(7) égale à 2,15(1) Â, alors que la distance As-O dans AsW]8 vaut 1,87(2) Â. De ce fait, l'arsenic est seulement 0,49 Â au-dessus du plan moyen des six atomes de tungstène de la couronne de six octaèdres. L'angle O - B i - O vaut 84,0(6)°, alors que l'angle O-As-O est égal à 97,4°(9). Les distances et angles au sein des octaèdres W 0 6 sont habituelles, les distances W - O variant de 1,69 à 2,23 Â. (figure 1) Cette étude structurale révèle la présence de deux cations Na+ par unité asymétrique Na2 BiW3 O] 0, sans compter les molécules d'eau. Le premier N a (l) est situé à l'origine de la maille et est entouré octaédriquement de six atomes d'oxygène 0 (5 2) de six molécules d'eau, avec une distance Na-O = 3,22(2) Â. Ces molécules d'eau font aussi partie de l'environnement octaédrique de l'autre cation Na(2). L'angle Na(l)-0(52)-Na(2) est égal à 133(1)°. Le second cation est en position générale à une distance 2,43(2) Â de l'oxygène O (l) du polyanion. La symétrie génère donc six cations placés autour du polyanion comme le décrit la figure 2. L'environnement octaédrique de ce cation est complété par cinq molécules d'eau telles que les distances Na-O sont de 2,35(3) A avec 0(51), 2,43(3) Â avec 0(52), 2,38(3) A avec 0(53), 2,37(5) A avec 0(54) et 2,39(5) A avec 0(55). Les molécules d'eau correspondant à 0(54) et 0(55) ont un facteur d'occupation de 0,5, car leurs facteurs d'agitation thermique sont ainsi très similaires à ceux des autres molé cules d'eau. Deux cations sodium correspondent ainsi à trois atomes de tungstène de telle sorte que la formule globale est Na 7 BiW 18 O 60. Le respect de l'électroneutralité nécessite à l'évidence la présence de deux ions H + et la formule complète est Na 7 [H 2 BiW 18 O 60 ].24H 2 O. La maille contient trois unités formulaires. Le nombre d'ions H + encagés dans ce polyanion cristallisé avec sept cations sodium est donc de deux, alors que Sasaki en avait trouvé trois pour un polyanion cristallisé avec six cations tétraméthylammonium [3 ]. Une vérification par résonance magnétique nucléaire du proton a été entreprise. Le sel de sodium a ctc dissous dans le diméthylsulfoxyde deutéré. Le proton résonne à 6,18ppm par rapport au tétraméthylsilane. La question importante est évidemment de compter le nombre de protons par unité formulaire. 11 fallait un étalon; l'iodoforme a été choisi parce qu'il est soluble dans le diméthylsulfoxyde et parce qu'il correspond, comme le polyanion, à un fort rapport masse moléculaire/nombre de proton. Le proton de l'iodoforme résonne à 5,24 ppm. Le rapport des hauteurs d'intégration des pics pour des quantités pesées de polyanion et d'iodoforme respectivement de 9,59 pmol et 22,6 pmol, est égal à 0,865, ce qui conduit à 2,04 protons lons le déplacement chimique de 5,25 ppm observé pour [H 2 As;W ]8 O 60] 7 ~. Les protons de [H 2 BiW 18 O 60] 7 ~ sont plus déblindés. La seule différence entre ces deux composés à laquelle ce fait pourrait être relié, est le remplacement de l'arsenic par le bismuth dont la paire libre doit occuper de façon plus diffuse un volume plus important de l'espace, sans doute dirigé vers la cavité interne au polytungstate où se trouvent les deux protons. De plus, on a vu que le bismuth est nettement plus déplacé que l'arsenic vers cette cavité largement ouverte d'après les distances au plan moyen des six atomes de tungstène de la couronne de six octaèdres de la moitié XW 9, à savoir 0,49 Â pour AsW 9 et : 1,84 Â pour BiWo. Les sept cations sodium révélés par l'étude cristallographique et les deux protons trouvés par R M N par molécule de polyanion établissent clairement que la formule de ce bismuthotungstate est Na7[H2BiW18O60 ]. Le Dr R. Thouvenot est remercié pour la réalisation des spectres R M N et pour les fructueuses discussions relatives à leur interprétation. Le matériel supplémentaire a été déposé 1 au Fachinformationszentrum (FIZ) 76344 Eggenstein-Leopoldshafen, Allemagne, comme matériel supplémentaire sous le numéro CSD-59466 et peut être obtenu en faisant la demande au FIZ sous la référence D. Rodewald et Y. Jeannin, C. R. Acad. Sci., Paris, série Ile, t. 2, n° 2, 1999, pp. 63-67, n° CSD-59466 . | L'hétéropolytungstate [HnBiW18O60](9-n)- cristallise dans un groupe d'espace rhomboédrique (R3, a = 19,575(4), c = 18,112(4) Å) avec sept cations sodium identifiés par diffraction des rayons X. Cela implique la présence de deux protons afin d'assurer l'électroneutralité, d'où la formule Na7[H2BiW18O60].24H2O Les deux moitiés W9O30 sont reliées par un centre d'inversion. La résonance magnétique nucléaire du proton avec le triiodométhane comme étalon a permis de retrouver ces deux protons par molécule de bismuthooctadécatungstate. Ils résonnent à 6,18 ppm par rapport au tétraméthylsilane. | chimie_99-0419603_tei_elsevier_99-0419603_CRAS-IIc-Chim.tei.xml |
termith-190-chimie | L'existence d'interactions spécifiques entre polypeptides particuliers (polyacide aspartique, polylysine et polyalanine) et anions particuliers (nitrate et phosphate), aussi bien que l'influence des macromolécules étudiées sur la distribution des ions à leur voisinage dépendant de la conformation à l'état adsorbé, sont déjà confirmées par des études antérieures [1] [2] [3] [4 ]. En vue de chercher si un autre polypeptide adsorbé peut fixer sélectivement des ions nitrate et phosphate, nous avons choisi le polyasparagine. Or ce polypeptide, qui possède la fonction amide, doit avoir une influence importante sur la structure de l'eau. Des mesures de densité et de viscosité des solutions d'amide ont mis en évidence l'existence d'une couche de solvatation des groupements amides [5 ], et des mesures de viscosité, associées à des mesures de vitesse ultrasonore, ont montré la formation de complexes entre les molécules d'eau et d'amide [6 ]. En tenant compte de ces propriétés, nous essayons d'examiner le rôle de l'eau sur une éventuelle adsorption de ce polypeptide et de ces oxyanions. Dans la première partie de ce travail, nous étudions l'adsorption de PAg sur une électrode de mercure et, dans la seconde partie, nous discutons les résultats de fixation des ions nitrate et phosphate en l'absence et en présence de Pag, ainsi que la possibilité d'interactions entre PAg-eau-oxyanions. Les solutions de sels minéraux utilisés, KC1, NaCl et KN0 3, ont été directement préparées à partir de produit Merck de la catégorie « supra pur ». Les sels de phosphate (Na 2 HP0 4 et NaH 2 P0 4) utilisés sont aussi des produits Merck de la catégorie « pour analyse ». Le polyasparagine utilisé est un produit Sigma de masse Mw = 10 400, et de degré de polymérisation DP = 91 ±16, selon le lot de fabrication. La tension interfaciale /à 25 °C d'une électrode à goutte de mercure tombante a été rée à ± lmN/m près, suivant une méthode déjà décrite par Verdier et al. [7 ]. Elle est déterminée en fonction du potentiel appliqué à l'électrode, de la concentration de polymère (Q et de la concentration de sel c s. Les courbes d'excès superficiel d'une substance r et d'un ion ont été obtenues en différenciant graphiquement les courbes isopotentielles y = ftloga) à E constant. E étant le potentiel appliqué à l'électrode, repère par rapport à une électrode au calomel KC1 0,1 M ou pris par rapport à une électrode réversible aux cations. Les valeurs de coefficient d'activité utilisées ont été celles données dans la littérature [8] [9 ]. Il a été vérifié que leur valeur ne varie pas avec une addition de polymère. Cest ainsi déterminé avec une erreur de l'ordre de 0,1 pmol/m 2. Les courbes de charges <J sont déterminées par différentiation des courbes électrocapillaires Comme la double couche est équivalente à un condensateur à plaques parallèles, sa capacité différentielle et sa densité de charge <T sont reliées par la relation : L'adsorption de PAg a été étudiée en présence de Na 2 HP0 4, NaH 2 P0 4 et KNO3. Les pentes des courbes isopotentielles correspondantes permettent de calculer pour les trois sels une valeur de l'excès superficiel de F m égale à 0,5 pmol/m 2 soit, par motif, 0,05 nm 2 en prenant M = 8800, ou 0,04 nm 2 en prenant la valeur maximale de M, soit 10 400. D'après les études antérieures [2] [3] [4 ], on peut conclure que la PAg s'adsorbe aussi en formant des trains et des boucles. Les courbes de charge, relatives aux trois sels, ont le même comportement {figure 1). Dans tous les cas, l'addition de PAg décale la courbe du côté cathodique. En présence de Na 2 HP0 4, les courbes tendent à se rapprocher dans le domaine des charges négatives. À l'exception de ce domaine, les courbes avec et sans PAg sont parallèles dans tous les cas, le décalage semblant dépendre un peu de la nature du sel. Une interprétation possible est que cet effet secondaire pourrait être l'effet Esin Markov, traduisant la distorsion de la couche diffuse par rapport au modèle simple de Gouy et Chapman [10 ], introduisant un décalage du potentiel à charge constante fonction de la concentration et de la nature du sel. Ainsi apparaît l'intérêt d'étudier l'influence de la concentration en sel et de l'addition de PAg sur les courbes de charge. La figure 2 donne les résultats relatifs au système Na 2 HP04 + PAg. On note que la concentration n'influence pas les courbes de charge, ni en l'absence ni en présence de PAg. À partir de ces courbes, on peut déterminer à charge constante la différence £av — Ess des potentiels avec et sans PAg pour un sel et une valeur de C s donnés. Les figures 3—5 représentent ces variations en présence de ces trois sels. Le résultat le plus simple s'observe sur la figure 3 relative au système PAg +KN03. On obtient en effet des droites et l'on peut écrire A(£av-Ess)=AEz +a/Cs. 1ICS désigne la modification de la capacité série en présence de PAg. O n ne peut pas l'attribuer à la couche organique, puisque Cs est négatif. En effet, Cs est infinie à 0,3 M et vaut environ - 200 pF/Cm2 pour cs = 3 10~2 M. Les deux autres figures donnent pour Cs - 240 et - 340 pF/Cm2. L'apparition de l'influence et la bosse sur la figure 4 sont associées à une variation de la capacité de couche diffuse. AE % à a = 0 est négatif et ne varie pas sensiblement avec cs. Or, le potentiel de charge nulle d'une électrode dépend de l'orientation des molécules d'eau à son voisinage. Donc, la présence des résidus de PAg à la surface crée un potentiel de surface dont le signe dépend de l'orientation des dipôles. Ce signe doit affecter la façon dont la structure de PAg interagit avec l'eau et, par suite, l'eau avec les ions. L'étude de l'adsorption des ions H2PO4 en fonction de la charge de l'électrode [4, 11] a montré que l'excès superficiel de concentration augmente jusqu' à une concentration critique de 0,1 M. Au-delà de cette concentration, on observe un fort effet d'oxyanion, alors que l'étude de l'adsorption H P O ^ [4, 11] a permis de noter une diminution de l'adsorption, caractérisant aussi l'effet d'oxyanion à une concentration supérieure à 3 10~2 M, pratiquement indépendante de la charge de l'électrode. Verdier et Vanel [12, 13] ont étudié des solutions de K N O 3; d'après cette étude, l'effet d'oxyanion n'est notable aux charges positives qu'en dessous de 8 pC/cm2 environ. L'excès superficiel relatif devient de plus en plus négatif quand la concentration augmente et que les charges sont négatives. La figure 6 montre que l'adsorption des ions H2PO4 est indépendante de cs. En comparant avec les résultats obtenus sans PAg, on peut conclure que PAg augmente ou diminue l'adsorption suivant les valeurs de cs et de cr, de façon très complexe, du côté positif. Aux charges négatives, on peut dire que l'effet d'oxyanion est supprimé et que PAg donne lieu à des interactions avec le solvant semblables à celles créant l'adsorption spécifique. L'addition d'une forte concentration d'un électrolyte support tel que NaCl 0,5 M, réduit l'épaisseur de la couche diffuse. L'inverse de la capacité de cette couche devient négligeable par rapport à celui de la couche interne. La variation ou non de la quantité adsorbée en présence de ce sel permet la localisation de l'interaction. Dans ces conditions, on trouve une adsorption constante Fr~= 2 pC/cm 2 à toute valeur du potentiel correspondant au domaine de la charge +18 à - 12 pC/cm 2. La liaison des ions H 2 POj à PAg se produit donc essentiellement en présence de NaCl 0,5 M, au niveau de la couche adsorbée. Comme dans le cas de la liaison PAla-SeO 2 ", cette faible valeur de Fr~ suggère qu'elle ne se produit que sur les trains où les sites azotés sont accessibles [11 ]. En l'absence de NaCl, la liaison devrait encore se produire, mais la structure de la couche diffuse n'est plus dominée par la présence des ions Na + et Cl ", et les résultats de la figure 6 peuvent s'expliquer à la fois par la liaison des anions sur la couche adsorbée, et par la perturbation de la couche diffuse due à PAg Les résultats obtenus pour des concentrations comprises entre 10~ 2 et 0,3 M sont représentés sur la figure 7a. Selon la charge de l'électrode, on note une diminution de l'adsorption des ions HPOf - quand la concentration augmente. Le PAg augmente donc de façon considérable l'effet d'oxyanion. Toutefois, en comparant ces résultats avec ceux obtenus sans PAg (figure 7b), on constate que l'adsorption est augmentée par PAg pour c s = 10~ 2 M d'une quantité presque constante pour les charges positives, AFr~ valant 8 pC/cm 2 pour C-15 pC/cm 2 et 7 pC/cm 2 pour a = 0. On pourrait être tenté de penser qu'une adsorption spécifique sur la couche adsorbée se superpose à l'effet d'oxyanion dans la couche diffuse. Cette idée est réfutée par le résultat obtenu à la suite d'additions de Na 2 HP0 4 à une solution NaCl 0,5 M + PAg : on n'observe aucune variation décelable de la tension superficielle J. L'augmentation de FT~ aux solutions diluées en présence de PAg doit donc encore être attribuée à une variation de la structure de la couche diffuse. La figure 8 donne les résultats obtenus pour des valeurs de c s égale à 10~ 2, 10 _1 et 1 M. Les points obtenus avec les deux dernières solutions se disposent sur une seule droite Ainsi, il est clair que la structure de la couche diffuse en présence de PAg est fortement modifiée, et d'une façon qui ne peut se décrire seulement en termes d'effet d'oxyanion ni de stimulation ou de réduction de l'effet apparent d'adsorption spécifique. Le rôle primordial des interactions de PAg avec l'eau a été mis en évidence et se manifeste par une modification de la capacité de la couche diffuse, du potentiel de la couche diffuse et du potentiel de charge nulle dues à celle du potentiel de surface induit par la distribution superficielle de dipôles. L'étude de l'adsorption ionique a montré que l'effet d'oxyanion est fortement atténué et, souvent, disparaît pour les charges négatives par l'addition de PAg. Ce résultat confirme l'hypothèse antérieure [1] [2] [3] [14] suivant laquelle il est dû à la grande hydratabilité des oxyanions. La structure de l'eau changeant en présence de PAg, les ions deviendraient moins hydratés. Nous remercions P. Vanel et D. Schuhmann pour les discussions fructueuses que nous avons eues avec eux . | L'étude de l'adsorption de la polyasparagine (PAg) sur une électrode de mercure a montré le rôle primordial des interactions de ce polypeptide avec l'eau. Une modification de la capacité de la couche diffuse et du potentiel de charge nulle a été obtenue. L'étude de l'adsorption des ions nitrate et phosphate en présence de PAg a confirmé le changement de la structure de l'eau et de l'hydratabilité de ces ions. | chimie_99-0124156_tei_elsevier_99-0124156_CRAS-IIc-Chim.tei.xml |
termith-191-chimie | La recherche des réactions de transfert d'électrons capables de stocker l'énergie solaire s'oriente vers des systèmes microhétérogènes (10), micelles et colloïdes. Les polyanions peuvent constituer une alternative intéressante (9) : la structure déterminée à l'état solide est conservée en solution (1) et on peut faire varier dans une certaine mesure la taille et la forme des arrangements moléculaires. Ceux -ci présentent des propriétés bien spécifiques comme le montre la chimie des polytungstates (2). Le tungstène VI engagé dans le polyanion est photosensible et joue le rôle de capteur d'électron (3). C'est précisément ce qui est observé dans le cas du décatungstate W10O3J. Celui -ci a la structure présentée sur la figure 1 (4). Une bande de transfert de charge centrée à 325 nm mais étendue dans le domaine visible peut être utilisée pour accroître son affinité électronique. Dans le cas de l'uranium hexavalent, nous avons pu utiliser les propriétés oxydantes de l'uranyle excité pour créer un effet photogalvanique, c'est-à-dire l'apparition d'une différence de potentiel entre deux électrodes plongées dans une solution d'uranyle quand l'une d'entre elle est éclairée (5). Le montage utilisé dans cette expérience a pu être reconduit dans le cas des solutions de polytungstates. Les premiers résultats obtenus nous ont amené à étudier ce phénomène en détail. Le montage de la cellule a été décrit par ailleurs (5). Nous rappelons que la lumière éclaire une électrode de platine tandis qu'une électrode de graphite reste non irradiée. La principale difficulté réside dans le réglage de la distance optimale entre la fenêtfê et l'électrode. L'utilisation d'une électrode circulaire appliquée sur la paroi éclairée permet de pallier cet inconvénient (fig. 2). Le décatungstate de tétrabutylammonium est préparé par acidification convenable d'une solution de tungstate de sodium suivant les modes opératoires déjà décrits (7, 8) (16,5 g de W0 4 Na 2 - 2H 2 0 dissous à ébullition dans 100 mL d'eau, acidifiée par 90 mL de HC1 normal également à la même température. La solution rapidement refroidie est précipitée par 7 g de bromure de tétrabutylammonium). Le produit précipité est lavé successivement à l'eau, l'alcool et à l'acétone. Une fois séché, il est recristallisé dans l'acétonitrile. Anal. calc. : W 55,37, C 23,26, N 1,69, H 4,37 %; tr. : W 55,25, C 23,1, N 2,68, H 4,33 %. La concentration adoptée dans les expériences décrites est de 0,2 M en atome-gramme de tungstène, 0,2 mol - ' dans l'acétonitrile Merck. L'irradiation est réalisée par une lampe xénon 900 W, filtrée par une cellule de 10 cm d'une solution aqueuse de sulfate de cuivre. Pour les mesures de rendement quantique on opère de la façon suivante : La lumière émise par une lampe xénon est mesurée par un joulemètre, après passage dans un monochromateur, sur toute l'étendue du spectre. Le faisceau est ensuite envoyé sur une électrode de taille inférieure au diamètre du faisceau. On suppose que toute la lumière est absorbée et on mesure la puissance de la pile. Électrochimie Les potentiels d'oxydoréduction de W10O3J dans l'acétonitrile ont été déterminés en présence de perchlorate de tétrabutylammonium 0,1 M. On observe alors deux vagues de réduction réversibles sur le mercure (l'électrode de référence est une électrode au calomel saturé à double jonction). On sait que dans ces conditions les £1/2 sont assimilables aux potentiels normaux d'oxydoréduction. Les deux vagues observées correspondent respectivement à 1 et 2 électrons par mole. Elles sont analogues à celles que Termes et Pope ont observées dans le carbonate de propylène (6). Les potentiels sont respectivement de - 0,61 et - 1,08 V par rapport à H 2 normal (6). Dans les conditions de fonctionnement de la pile, des phénomènes différents dus aux électrodes peuvent se manifester. Nous avons mesuré par voltamétrie cyclique sur électrodes de platine poli les potentiels de réduction d'une solution de W10O32 dans CH 3 CN, dans des conditions voisines de celles du fonctionnement de la pile en utilisant une électrode de Pleskov comme référence. La figure 3 présente le premier balayage qui met en évidence une réduction à —0,55 V par rapport à l'électrode de Pleskov. Pour des valeurs plus négatives, il y a formation d'un dépôt sur l'électrode qui modifie sensiblement le comportement du système. Vers les potentiels positifs, un système apparaît vers +0,20 V qui n'est pas dû à l'oxydation du solvant, observé dans ces conditions à +0,40 V. Ce système apparaît aussi comme instable dans le temps. En présence de lumière, le voltamogramme est différent : il présente un accroissement considérable des courants d'oxydation sur le platine avant —0,5 V et une vague très intense pour les potentiels plus négatifs. Il apparaît donc que la lumière crée des espèces réduites de polytungstate qui peuvent donc être réduites dans un deuxième temps à des potentiels inférieurs à - 0,5 V. Photochimie Nous utilisons le montage photogalvanique (fig. 2). La différence de potentiel mesurée en circuit ouvert entre l'électrode de platine éclairée et l'électrode de graphite est de 650 mV, le platine constituant la cathode. La coupure de l'éclairement conduit à l'annulation rapide de cette différence de potentiel. De même, en rallumant la lampe la valeur de 650 raV est atteinte en quelques secondes (fig. 4). La figure 5 présente la courbe de la puissance fournie dans les conditions expérimentales précédentes, en fonction du potentiel entre les électrodes. Elle est obtenue en faisant varier la résistance introduite sur le circuit. En se plaçant au maximum de cette courbe, on peut faire débiter la pile pendant plusieurs heures sans observer une variation notable des constituants de la solution ni de variation importante des performances. En fonctionnement on voit apparaître sur l'électrode éclairée deux bandes colorées en bleu, le long des génératrices du cylindre, symétriques par rapport à la génératrice de contact, entre l'électrode et la paroi (fig. 2). Nous verrons que cette coloration est due à une espèce réduite de tungstène qui est formée par action de la lumière et d'un réducteur. Cette espèce qui est réoxydée au contact du platine est donc visible en concentration stationnaire. Elle illustre le rôle critique joué par l'épaisseur de la couche de liquide entre la fenêtre d'entrée et l'électrode. En se plaçant au maximum de la courbe de la figure 5, nous avons étudié la variation de la puissance émise en fonction de la longueur d'onde. Nous interposons entre la lampe et la cellule un monochromateur dont nous ouvrons largement la fente. Le rendement est porté en fonction de la longueur d'onde (fig. 6). On constate que la courbe ne coïncide pas avec la courbe d'absorption mais est décalée vers le rouge. Plusieurs interprétations peuvent être données de ce phénomène parmi lesquelles un processus faisant intervenir un deuxième photon absorbé par l'espèce formée par le premier. Si l'on porte maintenant (fig. 7) le rendement en fonction du flux lumineux, on note qu'une valeur constante n'est atteinte qu' à partir d'une valeur élevée de l'intensité incidente. Dans le cas simple de l'utilisation d'un seul photon on devrait observer un rendement indépendant du flux lumineux au moins aussi longtemps que l'on n'a pas atteint la saturation. D'après les spectres uv-visibles réalisés dans l'acétonitrile la structure en solution est celle de l'état solide (fig. 1). La molécule comporte deux entités compactes constituées de 5 octaèdres W0 6, dont le tungstène occupe le centre, et reliés entre eux par une mise en commun d'arêtes. Les deux moitiés de la molécule sont reliées entre elles par une mise en commun de sommets. Il en résulte deux variétés de tungstène Wj et W u et deux types de points WiOW n et WHOWU, les derniers étant quasiment linéaires (175°) (6). La bande à 325 nm que nous irradions serait liée à l'existence des ponts (6) et suggère que seul un type de liaison participe aux transferts de charge responsable de la photochimie. Dans l'acétonitrile, les mesures de conductibilité ont montré que les sels du polyanion sont entièrement dissociés. Les expériences de rmn en cours confirment la présence de deux types de tungstène. Aucune détermination des potentiels d'oxydoréduction des polyanions de tungstène n'avait été réalisée dans CH 3 CN mais les travaux de Pope (2) avaient montré que la réduction électrochimique à 1 et 2 électrons était réalisée réversiblement. Nous avons pu voir dans nos conditions : CH 3 CN et électrode de platine, une première réduction réversible à l'électron à 0,55 V par rapport à l'électrode de Pleskov (soit sensiblement à 0,40 V par rapport à l'électrode hydrogène. À lumière de la mise au point récente (1) sur les propriétés photochimiques des polytungstates on peut penser que l'espèce bleue dont la concentration stationnaire peut être observée au contact de l'électrode est l'espèce réduite à un électron W l0 O 3 ^. Elle sera réoxydée sur le platine à un potentiel de 0,35 V en circuit ouvert. C'est l'espèce dont la quantité augmente lors de l'irradiation de la solution mais elle peut être limitée par la réaction de dismutation La réaction sur le graphite est plus difficile à caractériser. Son potentiel mesuré à +300 mV en circuit ouvert lors de l'irradiation de la solution, est aussi celui où se trouvent les deux électrodes en l'absence de lumière. Il correspond bien à la vague d'oxydation observée sur la solution de polytungstate sans que l'on puisse en définir la nature avec précision. Chemseddine et al. (11) ont montré que l'espèce réduite à un électron (W| 0 O 32) 5 ~ présente une bande d'absorption intense à 370 nm. Il est donc possible de rendre compte du décalage vers le rouge de la courbe de rendement dont le maximum est à 350 nm en supposant qu'un deuxième photon est absorbé par l'espèce donnée par réduction à 1 électron dès sa formation. On obtiendrait alors en régime stationnaire l'espèce doublement réduite. Nous pouvons proposer le schéma suivant : où nous appelons D l'espèce oxydable. D doit réaliser plusieurs conditions. Cette espèce doit être présente au voisinage de l'ion excité et sa forme oxydée devra pouvoir se mettre sous une forme stable qui sera réduite sur le graphite. La cation tétrabutylammonium ne pourra pas jouer ce rôle : son potentiel d'oxydation est très élevé et nous n'avons pas mis en évidence de produits de réactions tels que le butène. On peut aussi penser à l'acétonitrile plus facilement oxydable. On sait (12) que l'acétonitrile est oxydé en CH 2 CN et que le produit final est généralement le succinonitrile en absence d'oxygène. Sinon il réagit sur l'oxygène pour donner le peroxyde 0 2 CH 2 CN (13). Il paraît peu probable que ces produits puissent être réduits sur le graphite avec un potentiel convenable. Yamase a montré dans le cas de polytungstate par méthode de capteur de spin que W VI * était capable d'arracher un hydrogène de l'eau pour donner le radical OH " (3). On peut donc supposer comme dans le cas de l'uranyle que ces radicaux se recombinent pour produire H 2 0 2 qui serait réduit sur le graphite. Le rôle de l'électrode de platine peut être invoqué pour favoriser la réaction bimoléculaire de recombinaison des radicaux hydroxyles. Comme dans le cas de l'uranyle, nous pensons que l'eau joue le rôle de donneur. Nous avons observé que l'addition d'une petite quantité d'eau à la solution provoquait une petite amélioration de l'effet photogalvanique. Cependant en mesurant directement le potentiel du couple 0H~/H 2 0 2 sur du platine ou du graphite on obtient une valeur voisine de 0,6 V qui ne rend pas compte des résultats obtenus dans le fonctionnement de la pile. Il est probable que le schéma proposé est approximatif. Au plan de l'intérêt pratique du système nous soulignons le rendement relativement élevé qui a été obtenu dans des conditions non optimisées. La valeur du rendement maximale obtenue comme le rapport de la puissance de la pile à l'énergie lumineuse monochromatique incidente est de l'ordre de 1 %. Cette valeur est affectée de la mauvaise utilisation de la surface de l'électrode éclairée et devrait être améliorée par un montage où l'épaisseur optimale serait réalisée sur l'ensemble de la surface éclairée. Enfin le système présente une bonne stabilité dans le temps en accord avec les hypothèses de mécanisme proposées où aucune espèce chimique n'est consommée. Nous remercions M. William Mooney pour sa participation aux discussions fructueuses . | Pile réalisée avec une solution de décatungstate de tétrabutylammonium dans l'acétonitrile à la concentration 0,2 M en atome gramme de tungstène. Le décatungstate excité par la lumière est réduit réversiblement. Le mécanisme fait intervenir vraisemblablement deux photons. Rendement voisin de 1% | chimie_86-0248850_tei_57.v85-449.tei.xml |
termith-192-chimie | L'hydroxylation directe des liaisons C—H non activées par les peroxyacides est une réaction d'intérêt général en synthèse (1-9), dont l'aspect régio-et stéréosélectif recueille une attention particulière. On sait également que le cytochrome P450 (10-13) ou les porphyrines métalliques (14, 15) catalysent cette réaction en utilisant les hydroperoxydes ou les peracides comme source d'oxygène. Cette réaction d'hydroxylation par les peracides peut être décrite par un mécanisme de type soit oxénoïde, soit radicalaire. Dans le premier cas on observe une très bonne régio-et stéréosélectivité (6-8); par contre dans le second cas, les résultats sont de ce point de vue, beaucoup moins explicites (2-4). Pourtant les résultats de sélectivité sont souvent utilisés pour remonter au type de mécanisme mis enjeu : en clair, si une réaction est très régio-et surtout très stéréosélective, on en conclut en général que la réaction n'est pas radicalaire. Nous nous sommes donc proposé d'apporter des réponses précises sur la régio-et stéréosélectivité d'hydroxylation d'un certain nombre d'hydrocarbures saturés cycliques par le peracide benzoïque, dans des conditions expérimentales où le mécanisme est, sans ambiguïté, radicalaire. En effet, au cours des travaux que nous avons effectués sur la réactivité homolytique des peracides, nous avons montré (16) que la décomposition du peracide benzoïque en solution, à ébullition, conduit à l'hydroxylation du solvant, dans la mesure où celui -ci est un donneur d'hydrogène, selon le mécanisme en chaîne décrit dans la fig. 1. Quand on utilise le cyclohexane comme solvant (R—H) on obtient une mole de cyclohexanol (R—OH) par mole de peracide mis en oeuvre, montrant ainsi l'efficacité du processus. Comme hydrocarbures saturés nous avons utilisé le cyclohexane, dont les résultats servent de références, le méthylcyclohexane et l'adamantane, pour déterminer la régiosélectivité, et les décalines cis et trans pour obtenir des informations sur la stéréosélectivité. Le peracide benzoïque (réf. 22) et l'hydrocarbure à étudier sont dissous dans le benzène, solvant inerte vis-à-vis des radicaux formés. On utilise toujours un excès d'hydrocarbure par rapport au peracide afin de privilégier la réaction [3] de formation du radical R ". Les résultats exprimant la quantité totale d'alcools formés, secondaires et tertiaires, ainsi que la régiosélectivité observée pour le cyclohexane, le méthyl-cyclohexane et l'adamantane sont donnés dans le tableau 1. Les alcools secondaires ne sont oxydés en cétones qu'en très faibles partie (1 à 2 %) comme nous l'avions montré précédemment (16) et ces données ne figurent pas dans le tableau. En présence d'hydroquinone (0,02 M), une solution d'adamantane (1 Ai) et de peracide benzoïque (0,1 M) donne 9 % d'adamantanols secondaire et tertiaire, au lieu des 60 % observés sans hydroquinone. Ceci montre bien le caractère radicalaire de l'hydroxylation. Par rapport à la solution témoin du peracide seul dans le benzène, l'addition d'un hydrocarbure a deux conséquences : (0 une diminution de la quantité d'acide benzoïque du fait de la réaction de décarboxylation suivie des réactions [3] et [4]; celles -ci n'ayant pas lieu dans le benzène, le peracide se décompose en acide selon un mécanisme radicalaire mettant en jeu d'autres intermédiaires (16) et plus lent; et (ii) une accélération de la vitesse de réaction due précisément aux étapes [3] et [4 ], sauf dans le cas de méthyl-cyclohexane. Celui -ci, d'ailleurs, joue un rôle inhibiteur pour la décomposition du peracide en solution dans le cyclohexane au lieu du benzène (f|/ 2 respectivement de 5 et 100 min pour des solutions 0,1 M de peracide benzoïque dans le cyclohexane et dans le cyclohexane contenant 1 M de méthyl-cyclohexane). Ce résultat pose le problème de la réactivité du radical méthyl-cyclohexyle tertiaire comparée à celle du radical cyclohexyle secondaire. Quelques expériences ont été faites avec des peracides ayant des pdifférents de celui du peracide benzoïque, tels que les peracides w-chloro et /er/-butyl-4 benzoïques. Dans le cas du cyclohexane nous avons obtenu sensiblement les mêmes quantités de cyclohexanol quelle que soit la nature du peracide. La stéréosélectivité de l'hydroxylation a été étudiée dans le cas des décalines cis et trans (cf. Tableau 2). Comme dans le cas des autres hydrocarbures, cf. Tableau 2, on observe une accélération de la vitesse de disparition du peracide. Mais surtout le résultat stéréochimique est intéressant : le rapport trans/cis diminue, dans le cas de la décaline cis, quand la concentration en peracide augmente alors qu'il reste constant pour la décaline trans. Dans chaque cas l'analyse du mélange réactionnel révèle la présence de diphényle, en très faible quantité, et que nous n'avons pas fait figurer dans le tableau 2. Nos travaux antérieurs (16, 17) ont montré que dans les conditions expérimentales décrites, c'est-à-dire en prenant soin d'éliminer efficacement l'oxygène, le peracide réagit effectivement selon le processus radicalaire. La régiosélectivité en faveur des C—H tertiaires est déterminée par la réaction [3]; elle est exothermique de 10 à 20 kcal/mol (18) selon que l'on considère les radicaux Ph ', ou PhCOi et on sait que la vitesse d'arrachement d'un H tertiaire est plus grande que celle d'un H secondaire (19). Ensuite la réaction [4] est également très exothermique et les résultats obtenus précédemment (17) montrent que la réactivité d'un radical vis-à-vis de la liaison O—O d'un peracide est d'autant plus grande que son caractère nucléophile est plus marqué; c'est-à-dire qu'un radical tertiaire est plus réactif qu'un radical secondaire. Les caractéristiques de ces deux réactions [3] et [4] expliquent pourquoi l'hydroxylation a lieu préférentiellement sur les liaisons C—H tertiaires et pourquoi le rendement en alcool croît quand on passe du méthyl-cyclohexane à l'adamantane compte tenu du nombre relatif d'atomes d'hydrogène H tertiaires dans la molécule. Les résultats stéréochimiques des décalines cis et trans donnés dans le tableau 2 sont en accord avec ce que l'on sait sur la stéréosélectivité des radicaux décalyle-9 (20, 21). Un précurseur de radical trans donne toujours lieu à un maintien de configuration alors que dans le cas d'un précurseur de radical cis il faut opérer avec un substrat très réactif, comme l'oxygène ou un hypochlorite, et à forte concentration pour obtenir le produit de réaction cis. Nos résultats montrent que la réaction [4] est suffisamment rapide pour être compétitive avec l'isomérisation du radical cis en trans. Les liaisons C—H, non activées, des hydrocarbures cycloaliphatiques sont hydroxylées par le peracide benzoïque, selon un processus radicalaire, avec une régiosélectivité de 70 % et 80 % en faveur des liaisons C—H tertiaires pour le méthylcyclohexane et l'adamantane. Dans le cas des décalines cis et trans, la stéréosélectivité des décalols-9 peut atteindre 97 %. Ces résultats montrent donc qu'une très bonne stéréosélectivité pour la réaction d'hydroxylation par un peracide ne signifie pas obligatoirement que le processus ne soit pas radicalaire. Le peracide benzoïque est préparé selon la méthode de Swern ' (22) par action de H 2 0 2 85 % sur l'acide benzoïque dans CH,S0 3 H à 95 %. La pureté est déterminée par indice de peroxyde (l.P.) (23). 11 est nécessaire d'utiliser du peracide fraîchement préparé si on veut obtenir une bonne reproductibilité des résultats. Les hydrocarbures et le benzène utilisés sont des produits commerciaux dont la pureté a été contrôlée par cpg. Les analyses sont effectuées par cpg sur un appareil Girdel équipé d'un intégrateur Autolab. Expérience type Un ballon de 50 cm\ surmonté d'un réfrigérant, contenant 10 cm 3 d'une solution à I M en hydrocarbure et 0,1 - 0,2 ou 0,5 M en peracide benzoïque, est plongé dans un bain thermostaté dont la température est fixée à I00°C. Il est indispensable d'opérer à ébullition vigoureuse pour éliminer l'oxygène dissous, ou se formant au cours de la réaction, sinon on amorce un processus de décomposition du peracide en acide (16). Pour cette raison la température du bain est fixée à 20°C au dessus de celle de l'ébullition du benzène. On effectue deux expériences simultanées destinées l'une à suivre la vitesse de disparition du peracide par détermination de l.P. au cours du temps, l'autre à effectuer l'analyse quantitative du mélange réactionnel. Les constantes de vitesse (tableau 1) sont exprimées en ordre 1 expérimental. Après 2-3 h d'ébullition il reste seulement 1 - 2 % de peracide. Après estérification par CH 2 N 2, l'analyse des produits formés est effectuée par cpg sur deux colonnes (Carbowax 20M, 15 %, 2 m ou SE 30, 30 %, 4 m) en utilisant des échantillons authentiques et un témoin interne pour le dosage . | Les cyclohexane, méthyl cyclohexane et adamantane sont hydroxylés selon un processus radicalaire. La régiosélectivité en faveur des alcools tertiaires atteint 60 à 90%. Pour les décalines cis et trans, la stéréosélectivité des décalols-9 peut atteindre 97% | chimie_85-0228158_tei_83.v85-111.tei.xml |
termith-193-chimie | Dans les trois précédentes publications de cette série, nous avons observé l'interconversion, l'isomérisation mutuelle de radicaux allyles diversement substitués par des groupes méthyles (1). Dans ces systèmes, des radicaux allyliques vibrationnellement excités ont la possibilité de transférer un atome d'hydrogène entre les positions 1 et 4 via un intermédiaire à cinq côtés. Nous n'avons pas pu observer l'isomérisation de ces radicaux allyles vers des structures vinyliques. Par contre, dans un travail un peu plus ancien, lors de la photolyse du triméthyléthylène (3ME), nous avions proposé que les deux radicaux C4H7, nommément les radicaux méthyl-1 - et méthyl-2-propène-1 yles, doivent s'isomériser au moins partiellement vers les formes allyliques pour rendre compte de la formation de certains produits (2, 3). où M**, M* et M représentent respectivement la molécule photoexcitée, un fragment primaire radicalaire suffisamment chaud et une molécule quelconque. Le présent rapport constitue une étude systématique de l'effet de pression dans les photolyses des tri-et tétraméthyléthylènes (3ME et 4ME) à 147,0 nm afin de mesurer l'importance de ces isomérisations : processus [4] et [8 ], ainsi que celle impliquant le radical diméthyl - 1,2-propène-l yle. Matériaux Les 3ME et 4ME sont des produits A.P.I. contenant respectivement 0,06 ± 0,04 % et 0,03 ± 0,02 % d'impuretés. L'analyse chromatographique de l'échantillon de 3ME montre la présence de méthyl - 2-butène-l : 160 ppm, d'isoprène : 93 ppm, depentène-2 (cis + trans) : 230 ppm. Quant à l'échantillon de 4ME, il ne contient que des traces de propane : 45 ppm. L'hexafluorure de soufre provient de chez Matheson Gas Products Canada (C.P. 99,8 % min) et l'oxygène (99,995 %) est acheté chez Liquid Carbonic Canada. Ces deux produits ne laissent pas voir de traces d'impuretés sur les chromatographies. Photolyses, actinométrie, analyses Toutes ces informations ont été récemment précisées dans la littérature (1). Cas du 3ME La photolyse du 3ME à 147 nm et en présence de 10 % d'oxygène moléculaire montre la formation de divers hydrocarbures. Ce sont l'isoprène, le butyne-2, les butadiène-1,3 et - 1,2, le propyne et l'aliène. Les rendements quantiques de ces produits décroissent avec l'ajout de quantités croissantes d'hexafluorure de soufre (figures 1 et 2). Lorsque la photolyse est réalisée en l'absence d'oxygène, d'autres produits apparaissent. Ce sont principalement l'éthane, le méthyl-2-butène-l, le méthyl-3-butène-l, l'isopentane et le diméthyl-2,2-butane (tableau 1). La formation de ces produits ainsi que celle d'autres aux rendements plus faibles a déjà été expliquée ailleurs (7). Cas du 4ME La photolyse du 4ME à 147 nm et en présence de 10 % d'oxygène moléculaire montre la formation de diméthyl - 2,3-butadiène-1,3, de méthyl-3-butadiène-1,2, de butyne-2, d'isoprène, de butadiène-1,2, de diméthyl-2,3-butène-l et de propène avec des rendements quantiques qui décroissent avec l'augmentation de pression de l'hexafluorure de soufre (voir plus loin les figures 4 et 5). En l'absence d'oxygène, ou d'oxyde nitrique, on observe à nouveau une formation importante d'éthane, de diméthyl-2,3 - et de triméthyl-2,2,3-butane ainsi que d'un peu de divers isomères en C(,H ]2 de même qu'une formation appréciable de diméthyl-2,3-butène-l (tableau 2). FIG. 2. Voir fig. 1; x : propyne; o : butyne-2; O : butadiène-1,2, NOTE : Les valeurs O (butadiène-1,2) ont été multipliées par 2. La photostabilité du 3ME sous rayonnement uv n'est pas inconnue. Plusieurs études partielles ont montré la complexité des mécanismes de formation des produits (2, 3, 7, 8). Er plus de la double liaison, la molécule contient une liaisor C—H située en position a par rapport à cette double liaisor - a(C—H) -, trois liaisons a(C—C) et neuf liaisons P(C—H) Avec ce type de molécules ne disposant pas de liaisons P(C—C), la photofragmentation implique soit l'une ou l'autre des deux liaisons a(C—C) et P(C—H) avec une probabilité similaire (9). Compte tenu de l'énergie du photon à 147 nir (E = 811 kJ Einstein - 1), le mécanisme retenu implique les réactions [1] [10] relatives à la scission primaire de l'une des trois liaisons a(C—C). La rupture primaire d'une liaisor P(C—H) implique les réactions suivantes où k 13 et k l4 sont les constantes de vitesse des réactions monomoléculaires de fragmentation des radicaux activés, et k s est la constante de vitesse de stabilisation par collision des radicaux allyles C 5 H 9. Quant aux réactions engendrées par la rupture primaire de la liaison a(C—H), elle sera discutée plus en détail dans le cas de la photolyse du tétraméthyléthylène. Notons seulement que le butyne-2 sera le résultat de cette rupture a(C—H). Les réactions [1]—[15] rendent compte de la formation du propyne, de l'aliène, des butadiène-1,3 et - 1,2 et de l'isoprène. Compte tenu des stabilisations éventuelles par collision des intermédiaires M*, le rendement quantique de chacun de ces produits est susceptible d'un comportement de type Stern-Volmer (10, 11) : l'inverse du rendement quantique du produit X est une fonction linéaire croissante de la pression. où <Ï>(X) et $ 0 (X) sont respectivement les rendements quantiques du produit X mesuré à une pression M et extrapollé à pression nulle, k s et k d sont les constantes de vitesse de stabilisation (ordre deux) et de dissociation (ordre un) des intermédiaires radicalaires chauds. La figure 1 montre l'excellente linéarité obtenue dans le cas de trois produits. La figure 2 par contre indique clairement une courbure plus ou moins négative dans le cas des rendements en propyne, butyne-2 et butadiène-1,2. Il existe plusieurs explications à ces courbures (10-12). Parmi ces explications, il y a le fait les radicaux primaires ne sont pas activés de façon monoénergétique. Les deux fragments primaires issus des réactions [2 ], [6] et [11] emportent chacun une part de l'énergie excédentaire. Dans le cas des fragments qui ont pour complément l'atome d'hydrogène (réaction [11]), on peut penser qu'ils ont une distribution de population en énergie plus étroite que si ce complément est le radical méthyle (réactions [2] et [6]). La courbure sera ainsi moins prononcée dans les cas de l'isoprène et du butadiène-1,2 comparativement aux cas du propyne et de l'aliène. Une deuxième raison réside dans le fait que deux intermédiaires différents peuvent être à l'origine d'un même produit, mais avec des constantes de vitesse différente (cas du propyne : réactions [3] et [7]). Enfin, un produit peut être le résultat de la chimie de deux intermédiaires ou plus intervenant successivement. Par exemple, réactions [6] [9 ], l'aliène est le résultat de l'isomérisation du radical méthyl-2-propène-l yle et de la fragmentation du radical (3-méthallyle. Toutes ces raisons peuvent s'additionner ou se soustraire, de telle sorte que les apparentes linéarités ou courbures ne permettent pas de pousser plus avant la discussion. On peut cependant mesurer l'importance de l'isomérisation des radicaux méthyl-1-et - 2-propène-l yles vers les structures allyliques. En effet à pression nulle, le propyne est le résultat de la fragmentation directe de ces radicaux chauds alors que les formations d'allène et de butadiène-1,3 réclament d'abord leur isomérisation vers les formes allyliques. Si 7 représente le pourcentage des radicaux vinyles isomérisés vers les formes allyliques, alors Cette valeur mesurée à 5 Torr de monomère est de 0,53 (colonne 1, tableau 1). Cette relation fait cependant la supposition qu' à cette pression tous les radicaux méthyl-1-et méthyl-2-propène-1 yles d'une part et également tous les radicaux a-et (3-méthallyles se fragmentent. Cela est loin d' être sûr. En effet en absence d'oxygène (tableau 1), il y a formation de quantités importantes de méthyl-2-butène-l (<I> s 0,18) via la combinaison des radicaux méthyles et (3-méthyllyles et de traces de méthyl - 3-butène-l et de pentène-2 (<I> = 0,01) par combinaison des radicaux méthyles et a-méthallyles. Cette observation requiert que tous les radicaux (3-méthallyles ne se fragmentent pas à pression nulle, et si l'on peut admettre comme approximation que tous les radicaux a-méthallyles se décomposent à cette pression, c'est loin d' être le cas pour les radicaux (3-méthallyles. Ce comportement différent des radicaux a-méthallyles se comprend aisément si l'on se souvient que dans le cas présent ils proviennent de l'isomérisation partielle des radicaux chauds méthyl-1-propène-1 yles. Il apparaît que les radicaux qui ont franchi la barrière de potentiel relative au processus [4] ont l'énergie suffisante pour se fragmenter en butadiène + H. Ce n'est pas le cas des radicaux (3-méthallyles. En effet, seulement une fraction de ces radicaux issus de l'isomérisation des radicaux méthyl-2-propène-l yles, processus [8 ], ont l'énergie suffisante pour donner lieu à la formation de l'aliène et de radicaux méthyles. L'étude des diagrammes d'énergie potentielle est convaincante : voir figures 3 et 4 de la réf. 13. De ces considérations, il ressort que l'expression [17 '] doit remplacer la précédente : Cette valeur - y corT est de 0,70 sous une pression de 5 Torr (tableau 1). On peut donc conclure que les processus d'isomérisation des radicaux vinyliques vers les structures allyliques sont très importants. La reformation du monomère par la combinaison des radicaux méthyles avec les radicaux méthylpropène-1 yles empêche l'évaluation directe de leur stabilité. Par contre le bilan complet de la fragmentation de la molécule photoexcitée incite à penser qu'il n'y en a pas, ou peu de stabilisés dans les conditions expérimentales présentes. Naturellement, si certains radicaux vinyliques sont stabilisés et, par exemple, reforment le monomère par combinaison avec les radicaux méthyles, le rapport 7 corr tout juste établi devrait être revue à la baisse. Cette importante isomérisation des radicaux vinyliques chauds vers les structures allyliques doit être mise en parallèle avec le fait que les réactions inverses, les isomérisations des radicaux allyles vers les structures vinyliques, n'ont jamais été invoquées pour expliquer les formations de produits dans les photolyses de plusieurs alcènes (voir par exemple la réf. 14). La présence d'une énergie de résonance allylique de quelque 50 kJ mol - 1 dans les radicaux allyles (5) augmente d'autant la barrière de potentiel et que, si équilibre il y a, au facteur pré-exponentiel près, l'équilibre est nettement déplacé vers la formation des radicaux allyles (13). La variation de la valeur 7corr qui semble diminuer avec l'augmentation de pression (tableau 1) est de peu d'intérêt puisque à haute pression, il y a aussi stabilisation par collision des radicaux vinyles. Il est par contre intéresssant de noter que si l'on confond les radicaux méthyl-1-et méthyl-2-propène-l yles, et que l'on regarde le comportement Stern-Volmer de la somme on obtient une linéarité presqu'exemplaire (fig. 3). Aux remarques précédentes déjà faites sur ces linéarités, on en déduit que le rapport k M /(k isom + & diss) des radicaux vinyles C 4 H 7 est voisin de 450 Torr, ou encore en traduisant en terme de fréquence de collision, le temps de vie « moyen » de ces radicaux est de l'ordre de 0,3-0,4 x 10 - 9 s. Cette donnée, bien que très spéculative compte tenu des approximations faites et de la méthodologie utilisée, est quand même intéressante. En effet, on peut penser les molécules photoexcitées, M**, sont ellesmêmes susceptibles de stabilisation par collision. En supposant que toute l'énergie du photon incident réside dans le tissu vibrationnel de la molécule, nous avons déjà montré qu'en utilisant des calculs RRKM (Rice-Ramsperger-Kassel-Marcus) appropriés, le temps de la molécule pentène-1 photoexcitée à 147 nm correspond à une pression de stabilisation de 130 atm (1 atm = 101.3 kPa). Ce résultat tient compte d'un transfert d'énergie de 21 kJ mol - 1 (5 kcal mol - 1) à chaque collision et une énergie de la liaison (3(C—C) de 301 kJ mol - 1 (15). Compte tenu des énergies plus rigides des liaisons individuelles du 3ME, un temps de vie « RRKM » beaucoup plus long doit être retenu pour le 3ME. Des calculs similaires ont montré que la pression de stabilisation est plutôt de l'ordre de 7 atm. 2 Il s'ensuit que l'on peut raisonnablement ignorer la réaction de stabilisation par collision du 3ME photoexcité à 147 nm. Finalement, il est pertinent d'estimer l'importance de chacun des processus primaires de fragmentation sous faible pression (tableau 3). Bien qu'un peu d'isoprène soit aussi formé suite à la rupture primaire a(C—H) (voir plus loin) il est évidemment impossible ici de distinguer cette formation de celle consécutive à la rupture primaire (3(C—C). On peut raisonnablement estimer que cette formation résiduaire d'isoprène est au plus similaire à celle du butyne-2 (voir plus loin). Le total des processus de fragmentation est légèrement supérieur à l'unité. Ce dépassement traduit en partie l'incertitude expérimentale ainsi que certaines subtilités de mécanismes non-discutées ici. La photolyse du tétraméthyléthylène (4ME) La photofragmentation du 4ME à 147 nm est relativement plus simple. Étant donné la structure symétrique de la molécule, et en l'absence d'une isomérisation de la molécule photoexcitée, celle -ci ne dispose que de deux types de liaisons disponibles pour la fragmentation. Ce sont les 12 liaisons C—H situées en position (3 par rapport à la double liaison - (3(C—H)et quatre liaisons a(C—C). Avec ce type de molécules ne disposant pas de liaisons (3(C—C), la photofragmentation implique soit l'une ou l'autre des deux liaisons ct(C—C) et P(C—H) avec une probabilité similaire (9). Compte tenu de l'énergie du photon à 147 nm (E = 811 kJ Einstein - 1), le mécanisme retenu est le suivant : Comme on le voit, ce mécanisme explique aisément la formation des produits observés dans la photolyse du 4ME. Il explique aussi la formation du butyne-2 dans celle du 3ME, et y ajoute de l'isoprène et du butadiène-1,2. Quantitativement, les rendements sont en accord avec le comportement de type Stern-Volmer avec les remarques déjà faites sur les courbures des droites Stern-Volmer (figures 4 et 5). En outre, dans le cas présent, il n'est pas sûr que l'on puisse ignorer la stabilisation par collision de la molécule photoexcitée. Cette dernière remarque est pertinente puisque même en présence d'oxygène moléculaire, on a toujours observé une formation de diméthyl-2,3-butène-l, un isomère dont la formation a déjà été reportée dans la photolyse du 4ME à plus longues longueurs d'onde (16). Sans entrer dans le détail du mécanisme impliqué dans l'isomérisation, celle -ci peut bien entendu être le résultat de l'état électronique fondamental vibrationnellement chaud, mais aussi faire intervenir des états électroniques excités Rydberg (12). En l'absence de preuves suffisantes, il y a lieu seulement de ne pas écarter la possibilité de la stabilisation de la molécule fondamentale vibrationnellement très chaude . | Dans les deux cas (radicaux vinyliques C4H7 ou C5H9), la fragmentation primaire est importante. L'excédent d'énergie permet une transformation des composés vinyliques en composés allyliques avant fragmentation. On a évalué une durée de vie de cet intermédiaire pour C4H7 inférieure à la nanoseconde | chimie_87-0493067_tei_31.v87-066.tei.xml |
termith-194-chimie | Conservées à l'abri de la lumière, les solutions de chlorite sont stables en milieux alcalins. En milieux neutres elles se décomposent lentement suivant l'éq. [1 ], La vitesse n'est notable que dans les solutions chaudes (1, 2). En milieux acides elles se décomposent dès la température ordinaire, d'autant plus vite que l'acidité est grande. En absence de chlorure l'éq. [2] est la plus fréquemment citée mais des écarts importants ont été observés (réfs. 1 à 8). Les ions chlorures augmentent la vitesse de décomposition et modifient la stoechiométrie. En milieux très acides et très riches en chlorures elle tend vers [3] Dans notre article précédent (9), nous avons montré qu'une des causes de la variation des rapports stoechiométriques est l'existence d'une bifurcation dans le mécanisme, que l'on peut schématiser comme suit : En absence de chlorure la loi cinétique [4] proposée par Barnett (10) est généralement admise, avec éventuellement un effet de l'acidité sur la constante (réfs. 4 à 8, 11, 12). Kieffer et Gordon ont vérifié la loi [4] en milieux 2 et 1.2 molaires en HC10 4 mais ont constaté qu'elle n'est pas satisfaite en milieux 0.2 molaires. Ils n'on pas trouvé de loi satisfaisante dans ces conditions. Nous avons étudié l'effet accélérateur des ions chlorures (9) et obtenu l'éq. [5] en bon accord avec les travaux précédents; k n = 9.1 x 10 " 3 M' 1 s " 1 à 25°C et I = 1 M; v, représente la vitesse en l'absence de chlorure, objet de notre étude actuelle. Cherchant l'explication des écarts à la loi [4] observés par Kieffer et Gordon (8) nous avons fait une observation qui remet en cause les conclusions de plusieurs travaux antérieurs. La dismutation du chlorite est catalysée par des traces de fer, de l'ordre de celles que l'on trouve couramment comme impureté des réactifs. La figure 1 en donne un exemple. Pour étudier la cinétique de cette catalyse nous avons mis à profit les propriétés de l'ori/îo-tolidine, comme nous l'avions fait pour la catalyse par les ions chlorures. Nous avons vu (9) que l'orr/w-tolidine ne réagit pas directement avec le chlorite mais est oxydée extrêmement rapidement par le dioxyde de chlore, le chlore et l'acide hypochloreux. Elle permet ainsi d'étudier la cinétique de la dismutation du chlorite en évitant les complications dues à la réaction entre le chlorite et le chlore ou l'acide hypochloreux. Toutes les vitesses indiquées dans cet article sont des vitesses initiales obtenues dans des conditions telles que l'effet des ions chlorures soit négligeable. Elles ont été mesurées en suivant l'absorbance des solutions due au dérivé oxydé de l'ori/îo-tolidine. Son absorbance molaire étant élevée (e = 59 750) on obtient aisément des valeurs précises des vitesses initiales. Pour plus de détails, cf. la réf. 9. Les symboles suivants seront utilisés : NH 2 RNH 2 et NHRNH, formules abrégées de l'orf/îo-tolidine et de son dérivé oxydé; [NaC10 2 ], concentration totale du chlorite, c'est-à-dire [HC10 2] + [C10 2]; [Fe] concentration totale du fer ajouté. Stoechiométrie On ajoute le chlorite à un mélange d'acide perchlorique (0.1 M), d'orf/îo-tolidine en excès et de fer. Lorsque la réaction est terminée on mesure le pouvoir oxydant de la solution par iodométrie et l'ori/zo-tolidine oxydée par absorptiométrie. On constate que le pouvoir oxydant est conservé, normalité finale = 4.0 ± 0.2 [NaClO 2] 0, et que le rapport [NHRNH] / [NaClO 2] 0 vaut en moyenne 2.08 ± 0.15. L'ori/zo-tolidine supprime donc la formation de chlorate et le système évolue conformément à [6 ]. Cinétique L'effet de la force ionique I entre 0.2 et 1 M est faible. Elle a été fixée à 1 M avec du NaC10 4. La figure 2 montre que la vitesse de [6] est indépendante de la concentration de Y orthotolidine, à condition que celle -ci soit suffisamment grande. La valeur minimale de la concentration à utiliser augmente avec l'acidité et avec la concentration du chlorite. La raison de l'augmentation de la vitesse aux faibles concentrations apparaîtra lorsque nous discuterons la figure 5. Les figures 3 et 4 montrent que la vitesse de [6] est proportionnelle à la concentration du fer. Nous ne considérons ici que les pentes des droites, les ordonnées à l'origine seront discutées dans le paragraphe suivant. Les résultats ne dépendent pas de la nature du sel de fer utilisé, nitrate de Fe(III), sulfate de Fe(III) ou sel de Mohr. Les pentes des droites de la figure 3 étant proportionnelles à [NaC10 2] posons L'effet de l'acidité sur k ' est donné dans le tableau 1. On constate que l/k ' est proportionnel à 1 + [H + ]/AT a avec K à = 2.4 X 10 - 2, valeur obtenue par Hong et Rapson (7) pour la constante d'acidité de HC10 2 si T = 25°C et 1 = 1 M. L'écart à la valeur thermodynamique K i = 1.1 X 10~ 2 (9) correspond à une valeur vraisemblable du coefficient d'activité, y ± = 0.66. On en déduit la loi cinétique [8 ]. Lors de la discussion du modèle cinétique nous montrerons qu'au cours de nos expériences la quasi-totalité du fer est maintenue sous forme de Fe(III). D'autre part la constante de première hydrolyse du Fe(III) vaut 9 X 10^ 4 (13, 14). Aux acidités considérées on a donc [FeOH ++] [Fe 3+] et [Fe 3+] — [Fe ], Les valeurs du tableau 1 donnent k$ = 538 ± 18 Ai " 1 s " 1. Effet de la température Nous avons vérifié la proportionnalité entre la vitesse de [6] et la concentration du fer à trois autres températures. Si [HC10 4] = 0.41 Mon obtient k ' = 7.0(15.1°C), 110(35.6°C), 267 (44.2°C) et une énergie d'activation apparente de 95 kJ/mol. Pour obtenir l'énergie d'activation relative à k$ il faudrait connaître la variation de K a en fonction de la température. la zone de pH étudiée le chlorite se dismute en absence de fer introduit intentionnellement, mais cela ne signifie pas qu'il existe un chemin réactionnel indépendant du fer. Les ordonnées à l'origine des figures 3 et 4 résultent des traces de fer inévitablement présentes dans les réactifs. Cette affirmation remettant en cause un aspect important du mécanisme de la dismutation du chlorite nous détaillerons quelque peu nos observations. Si l'on purifie davantage les réactifs les vitesses diminuent. On ne peut cependant les rendre négligeables à cause de la grande sensiblité de la réaction et de l'impossibilité d'éliminer suffisamment le fer des réactifs. L'acide perchlorique Merck " Suprapur " et le chlorite recristallisé plusieurs fois contiennent assez de fer pour catalyser la réaction. L'un de nous a montré (15) que les ordonnées à l'origine de droites telles que celles des figures 3 et 4 correspondent bien aux vitesses calculées par [7] en utilisant les valeurs des teneurs en fer des réactifs déterminées par spectroscopie d'émission de plasma. En milieux perchloriques 1 M et en absence d'ori/io-tolidine la dismutation du chlorite obéit à une loi d'ordre deux. La figure 5 montre nos résultats en présence d'ori/zo-tolidine. Si la concentration de celle -ci est faible on obtient une somme de deux termes, l'un d'ordre un, l'autre d'ordre deux. Si on l'augmente, on supprime le terme d'ordre deux. Les analyses par spectroscopie d'émission de plasma ont montré que lors des expériences de la figure 5 le fer provenait principalement de l'acide perchlorique, pour le reste de la solution d'orthotolidine et que la concentration totale du fer était quasiindépendante du chlorite. Le terme d'ordre un est ainsi conforme à la loi [7 ]. La réaction d'ordre un étant catalysée par le fer on prévoit qu'un agent complexant tel que l'EDTA réduise sa vitesse, ce que nous avons vérifié. Par exemple si [HC10 4] = 0.1 M, [NaC10 2] = 8.7 x 10 " 4 M et [NH 2 RNH 2] = 2.5 x 10 " 4 M nous avons obtenu d [NHRNH] /df = 5.48 \0~ s M s~ ' sans EDTA et 0.33 x 10 " 8 M s " 1 avec 5 x 10 " 3 mol/L d'EDTA. Par contre, dans nos conditions expérimentales, il n'y a pas lieu de considérer de complexe avec l'ori/zo-tolidine, la vitesse de la réaction d'ordre un étant indépendante de sa concentration. La loi [8] peut être interprétée 1 en admettant l'étape déterminante [9 ], Nous savons (9) que le dioxyde de chlore oxyde très rapidement l'or/Ao-tolidine suivant [10 ]. Pour compléter le mécanisme nous nous basons sur les résultats d'Ondrus et Gordon (16). En considérant que l'intermédiaire qu'ils désignent par Cl(II) est le radical CIO leur mécanisme s'écrit : Dans le domaine d'acidité étudié les concentrations des formes hydroxylées du Fe(III) sont négligeables. En présence d'orthotolidine, il est probable que le CIO est réduit directement, la réaction globale [14] remplaçant [13 ]. On obtient la stoechiométrie [6] en faisant la somme [9] + 1/2 [10] + [11] ou [12] + 1/2 [14 ], En vitesse initiale, l'effet des ions Cl " est négligeable et la vitesse est déterminée par [9 ], On retrouve ainsi la loi expérimentale. Pour obtenir les valeurs de k n et k n nous avons recalculé les valeurs de k obs données par Ondrus et Gordon (16). 0.05 à 1 M le second nombre de cette relation dépend peu de K s. Nous l'avons calculé en prenant K a = 2.4 x 10 " 2. Un ajustement par la méthode des moindres carrés donne Jfc " = 930; K,k n = 64 (25°C, / = 2 M) Ces valeurs nous permettent de vérifier que nous pouvions interpréter [7] en admettant [Fe 3+] > [Fe 2+ ], L'approximation de la stationnarité donne En présence d'assez d'ori/zo-tolidine on obtient uniquement la réaction [6 ], sans formation de chlorate, obéissant à la loi [7 ], Il n'y a pas de réaction directe entre le chlorite et Yorthotolidine mais uniquement une décomposition du chlorite catalysée par le fer et l'oxydation de l'ori/zo-tolidine par les produits de cette décomposition. Les vitesses observées en absence de fer ajouté sont dues aux traces de fer présentes dans les réactifs. La réaction 2HC10 2 HCIO + C10^~ + H + d'ordre deux obtenue en absence d'orthotolidine n'est pas une réaction simple, car si elle l'était, elle subsisterait en sa présence. Le mécanisme proposé pour la réaction [6] nous fournit les premiers éléments du mécanisme de la dismutation du chlorite en absence d'ori/io-tolidine, objet de notre prochain article . | En présence d'O-tolidine, utilisée pour éliminer les complications dues aux réactions des produits intermédiaires de la dismutation du chlorite, la stœchiométrie est HClO2+rNH2RNH2→Cl−+H++2NHRNH+2H2O. Loi cinétique | chimie_85-0176517_tei_89.v84-380.tei.xml |
termith-195-chimie | Dans un précédent article, nous avons décrit le comportement de cations oxaziniums-1,3 1(1) vis-à-vis du nucléophile azoture. Nous avons montré que la formation des P-tétrazolo-irans-benzalacétophénones 2 (notées plus rapidement " tétrazoles ") résultait selon toute vraisemblance d'une attaque de N 3 ~ sur le pôle C2 du cation hétéroaromatique conduisant transitoirement aux azido-2 2//-oxazines-l ,3 3 correspondantes. La filiation azide 3 —* tétrazole 2 était interprétée comme résultant de la superposition de deux tautoméries de type cycle-chaîne autour de l'iminoazide 4 (cf. schéma 1). L'obtention des tétrazoles 2 constitue une dérivation au schéma réactionnel qu'on pouvait escompter en se fondant sur le comportement des pyryliums (2-4) puisqu'elle inhibe la formation des hétérocycles heptaatomiques. Néanmoins, le mécanisme que nous proposons pour la formation des tétrazoles (cf. schéma 1) laisse entrevoir la possibilité d'un retour vers les formes azides 4 et même 3 en intervenant sur les conditions des deux tautoméries. Le travail présenté concerne l'étude de la tautomérie iminoazide tétrazole pour le couple 4/2, entreprise comme une tentative d'aboutir à un réarrangement des formes azides 4 ou 3 en hétérocycles diazotés heptaatomiques. De telles isomérisations peuvent s'envisager soit comme des réactions électrocycliques (5) soit comme des cycloadditions dipolaires-1,5 (6) soit encore comme des cycloadditions-1,3 au cours de l'attaque d'un azide sur une imine (7). Un calcul effectué par la méthode LCAO-SCF sur le modèle le plus simple (R ' = R 2 = H, cf. schéma 2) montre que dans l'isomérisation iminoazide (I.A.) ^ tétrazole (T), l'état de transition s'apparente plutôt au réactif (LA.) (quoique plus polarisé) qu'au produit (T) (7). Ce résultat théorique s'accorde aussi bien avec le postulat de Hammond (prédiction d'états de transition " reactant-like " pour les systèmes réactifs) qu'avec de nombreux résultats de la littérature (ainsi qu'avec nos observations) qui montrent en général une plus grande stabilité pour la forme tétrazole (7, 8). L'examen des données de la littérature permet de distinguer deux types de facteurs jouant sur l'équilibre (LA.) ^ (T) : des facteurs structuraux (nature de R 1, R 2) et des facteurs de milieu (température, polarité et proticité du solvant). Facteurs structuraux La cyclisation implique une configuration cis entre la paire libre de l'atome imino et le reste azido. Pour les iminoazides linéaires (R 1 et R 2 non liés) cette condition implique que l'isomérisation syn ^ anti de la double liaison C=N soit possible. Une telle inversion est très rapide si R 1 est un groupe alkyle ou aryle, la forme tétrazole est alors généralement observée (9). En revanche, si R 1 est électro-donneur (OR, OH, SR, NR) l'inversion est considérablement ralentie et 1'(I.A.) est la forme tautomère prépondérante (9), voire unique comme dans le cas des azidoximes (10). Facteurs de milieu L'emploi de solvants polaires, donc de solvants stabilisant mieux l'état de transition polarisé que la forme (I.A.) doit en principe favoriser la cyclisation en tétrazole (7), cette prévision s'accorde avec un ensemble d'observations (9). Lorsque le groupe R 1 est susceptible de se protoner l'emploi de solvants protiques déplace par contre l'équilibre vers les formes (LA.) (9). Enfin, bien que cette règle ne soit pas d'une généralité absolue, la formation des iminoazides est souvent endothermique (11). Dans le cas des couples (I.A.)/(T) 4/2 les formes (I.A.) sont des formes acycliques dont le groupe R ' n'est pas électrodonneur, il est donc normal que la forme tétrazole 2 soit la plus stable à température ambiante. Aussi n'avons nous pas tenté d'intervenir sur les facteurs de structure mais sur les facteurs de milieu, d'exploitation plus immédiate. Nous avons choisi l'infra-rouge comme méthode d'étude de l'équilibré en solution et procédé à l'enregistrement des solutions du tétrazole triphénylé 2a (cf. schéma 1) dans CCLt, CH 3 CN et CF3COOH. Dans ces conditions nous n'avons décelé aucune trace d'absorption dans la région caractéristique des vibrations d'élongation asymétrique du groupe N 3 des iminoazides (2160-2120 cm - 1) (12). Le facteur solvant est donc à lui seul insuffisant pour déplacer à température ambiante l'équilibre (T) ^ (I.A.) vers les formes (I.A.). On pouvait envisager pour les tétrazoles 2 une isomérisation endothermique en les iminoazides 4 correspondants. Nous avons donc procédé à une étude de la thermolyse des tétrazoles 2 dans diverses conditions (solvant, catalyseur. ..). Le chauffage des tétrazoles 2 n'a pas permis d'isoler les iminoazides 4 correspondants; on observe selon la nature du solvant, aromatique ou protique, deux comportements bien typés des tétrazoles. (a). Réarrangements thermiques en solvant aromatique Ils conduisent par perte d'azote (~100 %) à des mélanges essentiellement constitués d'hétérocycles à cinq chaînons : les pyrazoles 5 et 6 et les imidazoles 7 et 8 (schéma 3). La transformation totale du tétrazole 2a nécessite un chauffage à 160°C pendant 6 h. Elle conduit à un mélange complexe d'une vingtaine de composés dont on a pu identifier ou isoler les six constituants prépondérants représentant environ 70 % du bilan (cf. tableau 1 et partie expérimentale). Le N-benzoyldiphényl-3,5 pyrazole 5a et le A'-benzoyldi-phényl-2,4 imidazole la, composés majoritaires, semblent être des produits primaires de la réaction. En revanche, le diphényl-3,5 pyrazole 6 (13) et le N-benzoyl-diphényl-2,5 imidazole 8 sont des produits secondaires résultants de transformations ultérieures des produits majoritaires 5 et 7 respectifs dans les conditions de la thermolyse (cf. tableau 2). On note également la présence de traces de (3-benzamido-frans-benzalacétophénone 9a " pseudo base " de l'oxazinium la (1, 14) ainsi que d'un composé 10a (il s'agit comme on le verra d'un photoisomère de 2a). (b). Réarrangement thermique des tétrazoles en solvant protique Le tétrazole 2a ne subit pratiquement aucune modification au cours d'un chauffage au reflux dans l'éthanol absolu. En revanche il se réarrange par chauffage dans l'éthanol à 95 %, l'acide acétique ou l'acide trifluoroacétique. On obtient, non plus des hétérocycles azotés à cinq chaînons et de l'azote moléculaire, mais la (3-benzamido-rran.y-benzalacétophénone 9a. Comparativement aux réarrangements en solvants aromatiques, ces réarrangements en solvants protiques sont plus rapides et s'effectuent à température modérée. Il est à noter que lors du chauffage du tétrazole 2a en solution dans l'acide trifluoroacétique se développe une coloration jaune vif qui a pu être attribuée à la présence du cation oxazinium, le trifluoroacétate d'oxazinium (cf. partie expérimentale). (c). Chauffage du tétrazole 2a en présence de réactifs spécifiques des azides organiques L'emploi du cuivre comme éventuel catalyseur de décomposition du tétrazole 2c (15) diminue effectivement la température du réarrangement, mais il en modifie aussi le cours (cf. tableaux 1 et 2) puisqu'il catalyse également la débenzoylation du N-benzoyl-pyrazole 5 et qu'il dégrade le Nbenzoylimidazole 7. Ce catalyseur n'apporte donc pas d'amélioration aux réarrangements thermiques. Nous avons également tenté de mettre en évidence le retour vers des formes azides par chauffage du tétrazole 2a, en opérant en présence de réactifs spécifiques d'azides organiques comme la triphénylphosphine P(Ph) 3 (16a, b) ou les aminés aromatiques. La triphénylphosphine est bien connue pour intercepter les azides organiques en conduisant à des adduits 1:1 plus ou moins stables à température ambiante. On constate que son emploi lors du chauffage du tétrazole 2a modifie le cours habituel des réarrangements thermiques. Ainsi, dans l'orthodichlorobenzène (ODCB) aussi bien que dans l'éthanol à 95 % on observe une diminution des rendements en produits habituels, respectivement hétérocycles azotés majoritaires 5a et la et pseudo-base 9a. On note en revanche la formation de nouveaux produits : oxyde de triphénylphosphine et triphényl-2,4,6 pyrimidine 11. Enfin, l'utilisation de la pyridine comme solvant de thermolyse de 2a modifie également le comportement habituel; comme précédemment, on obtient de la triphényl-2,4,6 pyrimidine 11 à côté d'un composé supplémentaire : le diphényl-3,5 isoxazole 12 (17). Nous avons également envisagé d'intervenir sur l'équilibre (T) ^ (I.A.) par une décomposition photochimique de l'azide (2, 18). L'irradiation donne lieu à deux types de transformations : (/) une activation de courte durée et peu énergétique provoque une photoisomérisation du système énonique avec préservation du noyau tétrazole. Cette photoisomérisation 2a ^ 10a s'apparente à la photoisomérisation trans ^ cis de la benzalacétophénone (19) et, comme celle -ci, peut se produire à la lumière solaire. (» ') Une irradiation prolongée à plus courte longueur d'onde provoque, outre la photoisomérisation précédente, un réarrangement du motif tétrazole des deux isomères 2a et 10a. On aboutit rapidement à un mélange réactionnel beaucoup plus complexe que celui des thermolyses, les divers produits primaires pyrazoles et imidazoles devant vraisemblablement subir eux -mêmes des réarrangements photochimiques (20). Ce mode d'activation n'a donc pas été retenu pour le réarrangement des tétrazoles. Le noyau tétrazole est un cycle relativement stable en l'absence de substituants le rendant sensible à la chaleur (21). Ainsi, les diaryl-1,5 tétrazoles se décomposent-ils par chauffage au dessus de leurs points de fusion (220-250°C) avec perte d'azote et formation de mélange de carbodiimides et de benzimidazoles (22). La décomposition des tétrazoles 2 semble suivre un cours différent : elle se produit à plus basse température, 160°C dans l'ODCB et même 78°C dans l'éthanol à 95 %, et ne fournit pas de carbodiimide (absence de bande d'absorption N=C=N vers 2160 cm - 1 en spectroscopie infra-rouge). Ceci conduit à envisager pour les (3-tétrazolo-iranj-benza-lacétophénones 2 plutôt qu'un réarrangement " classique " de la forme tétrazole, un réarrangement des formes azides correspondantes : (I.A.) 4 voire azido oxazine 3. Nous proposons donc un mécanisme impliquant dans un premier temps la conversion des tétrazoles 2 en (I.A.) 4 correspondants, 1 ces derniers subissant dans un deuxième temps diverses évolutions selon les conditions de milieu. En solvant protique L'obtention des pseudo-bases 9 s'interprète en admettant la solvolyse des azido-oxazines 3. Les 2//-oxazines 13 résultantes peuvent même selon les cas (sol " = CF 3 COO~ ou CH 3 COO _) évoluer selon une troisième dissociation d'un type nouveau (25) oxazine — » oxazinium-1,3. Cette hypothèse d'une dissociation des oxazines en paires d'ions plus ou moins intimes selon la nature du solvant est confirmée par l'observation du cation oxazinium dans le cas où le solvant est CF 3 COOH. En solvant aromatique neutre La conversion (I.A.) — » (T) ne bénéficiant plus du facteur favorable de la proticité exige un chauffage plus important. En ce qui concerne le deuxième équilibre (I.A.) —* azidooxazine, il est vraisemblable que c'est la forme (I.A.) qui prédomine (en raison de l'absence de solvolyse, et car c'est vraisemblablement la forme la plus stable si l'on se rapporte au système a-pyranne - diénone (26)). Nous proposons donc de rationaliser les thermolyses en solvant aromatique à partir de la forme (I.A.) 4 avec comme étapes clés la formation d'intermédiaires tels que la diazirine 2 14 et les oxadiazepines 16 et 17. La thermolyse des azides vinyliques fait intervenir des azirines formées par addition des nitrènes intermédiaires sur la double liaison (27, 28). De façon analogue on peut concevoir le passage (I.A.) 4 — » cétodiazirine 14 via le nitrène 15. Deux évolutions vers les oxadiazépines 16 et 17 sont possibles pour cette cétodiazirine 14, par attaque du dipôle-1,3 qu'elle constitue sur le carbonyle du système énonique (2, 4). (voies 1 et 2). Enfin, (i) le passage oxadiazépine-1,3,4 16— » pyrazole 5 s'effectuerait par transposition sigmatropique d'ordre 1,3 (cf. la réf. 31 dans le cas voisin des benz(d )oxazépines-l,3); (ii) alors que l'oxadiazépine-1,2,4 17 conduirait à l'imidazole 7 par des transpositions faisant jouer l'oxirane 18 (32) ou l'imidazole C-benzoylé 19. En présence de P(Ph)3 ou de pyridine La thermolyse du tétrazole 2a en présence de P(Ph) 3 conduit aux mêmes produits P(Ph) 3 0 et pyrimidine 11 que lors d'une attaque de NaN 3 sur l'oxazinium 1 a effectuée en présence de P(Ph) 3 (1). Ceci suggère une interception du même azide : azidooxazine 3a ou plus vraisemblablement iminoazide 4a. Dans la dernière hypothèse, il s'agirait en fait d'une réaction " Wittig-like " intramoléculaire dont on connaît un précédent (33). L'emploi de pyridine comme solvant conduit également à la formation de la pyrimidine 11. Il s'agit vraisemblablement de l'interception de l'imidonitrène 15 avec formation de l'énamine intermédiaire 21. Un deuxième effet de la pyridine est de limiter 3 les réarrangements des oxadiazépines 16 et 17 en pyrazoles 5 et imidazoles 7 au profit d'une autre évolution conduisant au diphényl-3,5 isoxazole 12 par perte de benzonitrile (cf. schéma 6). L'étude de la tautomérie tétrazole 2 —* (I.A.) 4 a montré que conformément aux prévisions la formation des (LA.) est endothermique. En solvant aromatique, les (I.A.) évoluent comme attendu avec perte d'azote vers des hétérocycles à 7 chaînons : les oxadiazépines. Ces composés sont malheureusement instables et s'isomérisent thermiquement en pyrazoles et imidazoles yV-benzoylés. Si l'emploi de solvants protiques favorise l'isomérisation (T) — » (I.A.) il ne permet pas davantage l'isolement des oxadiazépines. En effet surviennent alors exclusivement des réactions de solvolyse de l'azidooxazine 3 résultant de l'équilibre (I.A.) ^ 3. S'il a été observé que l'introduction d'un groupe électroattracteur comme un pnitrophényl sur le carbone du noyau tétrazolique joue dans un sens favorable à l'isomérisation (T) ^ (I.A.), l'exploitation des facteurs structuraux reste encore à approfondir. Enfin, dans le but d'éviter tout chauffage en vue d'isoler éventuellement les oxadiazépines, nous envisageons de faire appel à des azapyryliums, comme les oxaziniums-1,2 ou oxaziniums-1,4, tels que la formation de tétrazoles soit d'emblée impossible. Les spectres d'absorption ultraviolet-visible et infra-rouge ont été respectivement enregistrés sur des appareils Hewlett-Packard 8450 A ou Philips SP8-250 et Philips SP3-200. Les spectres de rmn ' H et rmn l3 C ont été enregistrés sur appareil EM 360 Varian ou Broker WP 80 et WM 250. Les spectres de masse ont été effectués par Mesdemoiselles J. Mercier et C. Lange que nous remercions, respectivement au centre de Mesures Physiques de Paris sur un spectromètre AEI MS 50 et au laboratoire sur un spectrographe quadrupôlaire Nermag R10-10C. Les analyses élémentaires ont été effectuées par le centre de Microanalyse du CNRS ou au laboratoire de Microanalyse de l'Université Pierre et Marie Curie. Les points de fusion non corrigés ont été déterminés de façon instantanée au banc de Kôfler. Le chromatographe liquide utilisé est constitué de : 2 pompes Waters modèle 6000 A pilotées par le moniteur de gradient Waters modèle 660; un injecteur universel U6 K; un détecteur uv-visible à filtres interférentiels Waters M 440. Les thermolyses des tétrazoles la, b, c ont été effectuées à l'abri de la lumière dans diverses conditions de température, de solvant ou de réactifs spécifiques d'azides organiques. L'évolution des réactions est suivie par chromatographie sur couche mince de silice (ccm) jusqu' à cessation du dégagement d'azote. Thermolyse du tétrazole 2 a dans l'ODCB. Manipulation l Une solution de 100 mg de tétrazole la dans 2 cm 3 d'ODCB anhydre est chauffée à 160°C pendant 6 h. La solution est concentrée puis analysée par ccm préparative sur silice (Merck) (cf. tableau 1). Une analyse qualitative par chromatographie liquide hautes performances (clhp) révèle la présence d'une vingtaine de composés. Nous avons pu procéder à la quantification de six composés majoritaires au moyen d'échantillons standards indépendamment obtenus en conjuguant la clhp semi-préparative et la ccm. Conditions d'analyse clhp : colonne : 2 (33 x 0,46 cm) p. porasil IOJJL; solvant : gradient n D 6 entre n-heptane et n-heptane/ [CH 2 Cl 2 /AcOEt] (95:5) en 15 min jusqu'au mélange n-heptane/ [CH 2 Cl 2 /AcOEt] (75:25); débit : 2 mL/min; détection uv à 254 nm; température ambiante. Thermolyse des tétrazoles 2b et 2c dans l'ODCB. Manipulations 2 et 3 On opère comme précédemment. Les pyrazoles Sb et 5c sont isolés par ccm sans difficulté, par contre, les imidazoles 1b et le n'ont pu être suffisamment purifiés pour donner une analyse centésimale satisfaisante. Ceci est dû à la présence de produits de polarités voisines tels que pseudo-bases 9b, c et pyrazoles bases 6b, c (cf. tableau 1). La structure des produits majoritaires pyrazoles 5, 6, imidazoles 7, 8 sera discutée dans le paragraphe suivant. Thermolyse des tétrazoles dans le benzène. Manipulations 4 et 5 Le chauffage de 100 mg de tétrazole la (ou 2b) dans 2 cm 3 de benzène anhydre ne produit aucune modification en 48 h. Par contre, dans les mêmes conditions, le tétrazole 2c se réarrange en partie : la ccm permet d'isoler 20 % de pyrazole 5c (19,5 mg), 10 % de pseudobase 9c (9,5 mg), et 40 mg de tétrazole inchangé. Thermolyse du tétrazole 2a en solvant protique. Manipulations 6 à 9 On chauffe les solutions de 2a dans divers solvants protiques au reflux. Après traitement : lavage à l'eau, extraction à l'éther ou simplement évaporation du solvant dans le cas de l'éthanol, on purifie la pseudo-base 9a par ccm. Dans le cas du chauffage dans CF 3 COOH, la coloration jaune vif fluorescente a été attribuée à la formation du cation oxazinium-1,3 la par spectroscopie uv-visible. Thermolyses du tétrazole 2a dans l'ODCB en présence de P(Ph)3. Manipulation 11 Le tétrazole 2a (186 mg, 0,5 mmol) est chauffé dans 2 cm 3 d'ODCB anhydre à 160°C pendant 6 h en présence de 131 mg (0,5 mmol) de P(Ph) 3. Le traitement habituel conduit à un mélange de pyrazole Sa (18 %, 30 mg), d'imidazole la (13 %, 21 mg), de pseudo-base 9a (2 %, 2,5 mg), de triphényl-2,4,6 pyrimidine 11 (1) (20 %, 31 mg) et de l'oxyde de triphénylphosphine (20 %, 25 mg). On obtient le même genre de produits en opérant au reflux de l'éthanol (manipulation 12). Thermolyse du tétrazole 2a dans la pyridine. Manipulation 13 Le tétrazole 2a (30 mg, 0,08 mmol) est chauffé 48 h dans 2 cm 3 de pyridine anhydre à 115°C. On obtient après traitement : de la triphénylpyrimidine 11 (11 %, 3 mg), du diphényl-3,5 isoxazole 12 (17) (15 %, 3,5 mg, Fi 140°C) ainsi que de la pseudo-base 10A (40 %, 11,5 mg). Thermostabilité du pyrazole 5a (cf. tableau 2) La manipulation 14 montre que le pyrazole Sa n'est pas stable dans les conditions où il est produit par dégradation du tétrazole 2a. Il se décompose en mélange de composés dont le seul qui puisse être identifié est le pyrazole base 6a (4 %). Cette décomposition est beaucoup plus propre et plus rapide en présence de cuivre (manipulation 15). .Thermostabilité de l'imidazole 7a (cf. tableau 2) La manipulation 16 montre que l'imidazole la subit une dégradation importante au chauffage, le seul produit isolable étant son isomère 8a en faible quantité. La dégradation de la est complète en présence de cuivre même pour un chauffage de courte durée (exp. 17 et 18). Les pseudo bases 9a-c obtenues par chauffage des tétrazoles en solvant protique ont fait l'objet d'une étude spectroscopique dans un précédent article (1). La triphényl-2,4,6 pyrimidine 11 déjà connue (34) a été identifiée (Fi, ir) à un échantillon authentique, de même que le diphényl-3,5 isoxazole 12a (17). Seul le diphényl-3,5 pyrazole 6a était connu, nous l'aVons identifié à un échantillon obtenu par action de l'hydrazine sur l'Oxazinium la (35). (a) Benzoyl-1 diphényl-3,5 pyrazole 5a : A une solution de 76 mg (0,34 mmol) de pyrazole 6a dans 5 cm 3 d'éther anhydre, on ajoute lentement 20 fiL de chlorure de benzoyle. Après lavage à l'eau jusqu' à neutralité le mélange réactionnel chromatographié (ccm sur silice) fournit 56 mg (40 %) de 5a pur, Fi 128°C (éther); ir cm " ' (KBr) : 1700, 1600, 1580, 900; uv v max (log e max) (éther) : 242 (4, 53), 275 (4, 17); rmn ' H (CDC1 3) S ppm/TMS : 8,3-8,05 (m, 2H), 8,7-7,5 (m, 2H), 7,7-7,2 (m, 11 H), 6,8 (s, 1H, H4); masse m/e : M + 324 (25), 296 (12), 295 (17), 220(35), 191 (11), 165 (3), 105 (100), 77 (39); Anal. calc. pour C 22 H, 6 N 2 0 : C 81,46, H 4,97, N 8,64; tr : C 81,42, H 5,01, N 8,69. La structure des autres N-aroyl-pyrazoles 5b et 5c se fonde sur la comparaison de leurs propriétés spectroscopiques avec celles de 5a. En infra-rouge, la présence d'une bande d'absorption située vers 1710 cm - 1 écarte l'hypothèse d'une structure de C-aroyl-pyrazole pour laquelle le carbonyle se situerait vers 1660-1665 cm " 1 (36). Elle s'accorde en revanche avec la structure proposée de N-aroyl-pyrazole (37). En rmn ' H, on constate que le déplacement chimique du proton noté H4 est pratiquement constant pour les pyrazoles 5a-c. Ce résultat établit que le groupe aryle substitué est situé dans le motif aroyle (qu'il influence d'ailleurs en ir au niveau de v(C=0)) et non pas sur les sommets C3 ou C5. L'utilisation de la relation empirique de Tensmeyer et Ainsworth (38) donnée pour les pyrazoles-1,3,5 trisubstitués confirme nettement dans le cas de Sa la structure de N-benzoyl-diphényl-3,5 pyrazole : (b) p-Méthoxybenzoyl-1 diphényl-3,5 pyrazole 5b : Fi 80-82°C (éther); ir cm " 1 (KBr) : 2860, 1705, 1600, 1580, 900; rmn ' H (CDC1 3) 8 ppm/TMS : 8,25-7,05 (sys. AA'BB ', 4H), 8,1-7,3 (m, 10H), 6,9 (s, 1H, H4), 3,9 (s, 3H); masse m/e : M + 354 (35), 220 (80), 191 (20), 189 (12), 135 (100), 105 (5), 77 (40). (c) p-Nitrobenzoyl-1 diphényl-3,5 pyrazole 5c : Fi 150-152°C (éther); ir cm " 1 (KBr) : 1715, 1600, 1575, 1350, 920; rmn ' H (CDC1 3) 8 ppm/TMS : 8,5-8,2 (m, 4H), 8,05-7,7 (m, 4H), 7,7-7,3 (m, 6H), 6,89 (s, 1H, H4); masse m/e : M + 369 (10), 341 (8), 220 (100), 191 (40), 189 (30), 165 (10), 150 (25), 105 (8), 77 (42). Anal. calc. pour C 22 H, 5 N 3 0 3 : C 71,53, H 4,09, N 11,38; tr : C 71,68, H 4,18, N 11,55. Les preuves structurales reposent essentiellement sur des arguments chimiques. Ainsi l'hydrolyse (39) du diphényl-2,4 N-benzoylimidazole la (F 141°C), conduit-elle à la " base de Minovici " : le diphényl-2,5 imidazole via la " base de Kunckell " (40) : le diphényl-2,4 imidazole instable dans les conditions de l'hydrolyse. La benzoylation de cette dernière " base " selon la réf. 41 conduit au A'-benzoyl-diphényl-2,5 imidazole identifié au composé 8a (F 120-121°C) obtenu lors de la thermolyse du tétrazole 2a. (a) N-Benzoyldiphényl-2,4 imidazole 7a, obtenu par thermolyse du tétrazole 2a après ccm (silice) : Fi 141 °C (éther); ir cm " 1 (KBr) : 1715, 1600, 1580, 900; uv (éther) nm (log e max) : 257 (4, 33), 2,84 (4, 34); rmn ' H (CDC1 3) 8 ppm/TMS : 8,0-7,1 (m); masse m/e : M + 324 (16), 220 (5), 165 (1), 106 (10), 105 (100), 77 (10). Anal. calc. pour C 22 H 16 N 2 0 : C 81,46, H 4,97, N 8,64; tr : C 81,42, H 4,91, N 8,52. (b) Hydrolyse du benzoyl-1 diphényl-2,4 imidazole 7a : 23 mg de l'imidazole la sont hydrolysés selon la méthode de M. Weiss (39) en présence d'acétate d'ammonium (50 mg) et d'acide acétique (250 FIL). Au cours de la réaction suivie par ccm, on constate la transformation du produit primaire d'hydrolyse la en base de Minovici 8a de polarité supérieure. On isole après traitement 11 mg (72 %) de 8a, Fi 141 °C, identifié à un échantillon authentique préparé indépendamment (41). (c) Benzoyl-1 diphényl-2,5 imidazole 8a : 14 mg de 8d sont chauffés 20 min à 130°C dans 200 p.L de <t>-COCl. Après refroidissement et agitation 30 min dans une solution éthanolique d'ammoniaque à 10 %, on lave à l'eau et extrait à l'éther jusqu' à neutralité. On obtient après ccm sur silice 8 mg (40 %) d'imidazole 8a, Fi 120-121°C. Ce composé est identique à l'imidazole obtenu (7 %) par thermolyse du tétrazole la dans l'ODCB ou par réarrangement thermique de 1'imidazole 7a (cf. tableau 2); ir cm " 1 (KBr) : 1730, 1710, 1600, 1580, 900; masse m/e\ M + 324 (10), 220 (4), 165 (1), 106 (11), 105 (100), 77 (45). Irradiation de courte durée à A. > 300 nm ou irradiation à la lumière solaire. Obtention du tétrazole 10a La tétrazole la s'isomérise lentement à l'état solide ou en solution à la lumière du laboratoire en tétrazole 10a (cf tableau 1). Une solution de 200 mg (0,57 mmol) de tétrazole la dans 100 cm 3 d'un mélange de cyclohexane-benzène (60:40) est préalablement dégazée pendant 15 min par barbotage d'azote. L'irradiation est réalisée au moyen d'une lampe de type SP 500 Philips au travers d'un filtre Pyrex (X. > 300 nm). Il semble que la réaction, suivie par ccm, donne lieu à un photoéquilibre. Au bout d ' 1 h on évapore le solvant et obtient après purification par ccm (silice) 150 mg (75 %) de tétrazole 10a, Fi 116°C (éther); ir 4 cm " 1 (KBr) : 1670, 1620, 1595; uv (éther) iw nm (log e max) : 238 (4, 38), 290 (3, 94); rmn ' H (CDC1 3) 8 ppm/TMS : 8,1-7,6 (m, 4H), 7,55-7,20 (m, 11H), 7,15 5 (s, lH);rmn'H (C 6 D 6) 8 ppm/TMS : 7,9-7,7 (m, 4H), 7,2-6,65 (m, 11H), 6,6 5 (s, 1H, H5); rmn 13 C (CDC1 3) 8 ppm/TMS : carbones quaternaires 191,2, 155,2, 141,8, 137,3, 133,3, 131,3, 124,6; carbones tertiaires 134,7, 132,4; masse m/e : M + 324 (221), 310 (9), 247 (7), 105 (100), 77 (45). Anal. calc. pour C 2 2H 16 N 4 0 : C 74,98, H 4,58, N 15,90; tr : C 74,69, H 4,70, N 15,63 . | Les composés du titre (β-[aryl-5 tétrazolyl-1] chalcones) s'isomérisent par chauffage en azides des acides N-[α-phénacylidène benzyl] benzimidiques correspondants; influence du milieu sur l'évolution de ces azides en pyrazoles ou imidazoles N-aroylés | chimie_86-0049178_tei_71.v85-432.tei.xml |
termith-196-chimie | Les travaux effectués sur les spinelles à valence mixte ont montré que les composés possédant des propriétés magnétiques et magnéto-optiques performantes sont constitués de grains dont le diamètre est de l'ordre de 50 nm [1, 2 ]. Pour obtenir de telles tailles nanométriques, les méthodes de préparation ont jusqu'alors consisté en la précipitation de précurseurs (hydroxydes, oxalates. ..), puis en un traitement à basse température de ces mêmes précurseurs sous atmosphère réductrice : ce procédé, dit de « chimie douce », regroupe les méthodes de préparation à basse température. Ce mode de synthèse, d'un intérêt primordial pour les propriétés physiques qu'il confère au matériau, présente cependant un problème de coût qui limite son application industrielle. C'est pourquoi nous nous sommes aussi intéressés à un autre type de synthèse, identique au procédé de chimie douce pour ce qui est du traitement réducteur, mais qui en diffère par le moyen d'obtention d'un mélange intime des éléments constituant le spinelle à synthétiser. Ce procédé consiste en un cobroyage d'oxydes [3, 4 ], dans le cas évoqué ici, des oxydes de fer et de vanadium. Le mélange de poudres d'oxydes a-Fe203 et V2O3, ayant respectivement des surfaces spécifiques de 3,159 et 23,8 m2g_1, est préparé dans la composition stœchiométrique désirée, puis est introduit dans des jarres en acier inoxydable d'un volume de 45 mL contenant cinq billes en acier 100C6 d'une masse totale de 14 g (le rapport masse de billes sur masse de poudre est de 7:1). Ces jarres sont ensuites positionnées sur un broyeur planétaire de type G5 développé par E. Gaffet [5 ]. L'activation mécanique des poudres consiste en un broyage à haute énergie dont la maîtrise est le résultat de la connaissance des paramètres physiques gouvernant les transition de phase dans le broyeur; ils sont reliés à la vitesse de rotation des jarres C0 (influençant la fréquence de chocs) et à la vitesse du grand plateau £2 (influençant l'énergie de chocs) [6 ]. Ces deux vitesses peuvent être sélectionnées indépendamment l'une de l'autre quel que soit le temps de broyage. Les conditions de broyage sont décrites par le code suivant G5 (Q/co/Ai), c'est-à-dire par exemple, qu'un mélange nommé FeV G5 (250/ 50/12 h) correspond au cobroyage d'oxydes de fer et de vanadium avec une vitesse de plateau de 250 tr/min, une vitesse de jarres de 50 tr/ min et une durée de 12 h dans le broyeur G5. Tous les essais de broyage ont été choisis en vue de réaliser la synthèse du ferrite de vanadium Fe2V04 après traitement thermique réducteur, les conditions de température et de pression partielle d'oxygène étant identiques à celles appliquées aux poudres de chimie douce, soit 10"Î5 Pa à 500 °C [7 ]. L'optimisation des paramètres de broyage a été réalisée en menant trois séries d'expériences faisant varier chaque paramètre (0 et Ai, les deux autres étantfixés.Cette étude montre que ce sont les conditions G5 (250/50/12 h) qui conduisent à la plus grande surface spécifique. Cette dernière est égale à 11,32 m2g_I, alors que dans le cas d'un coprécipité élaboré par chimie douce, la surface spécifique du mélange d'oxydes est de 40 m2g_1. Le traitement de réduction, réalisé dans des conditions identiques au précipité obtenu récemment par chimie douce [7, 8 ], conduit dans le cas de la réduction du mélange d'oxydes activé mécaniquement, à la phase spinelle seule. La surface spécifique de la poudre réduite est de 6,63 m2g_1 et les clichés de microscopie électronique à balayage révèlent deux populations de grains de tailles différentes (150-200 nm pour les plus gros, 40-80 nm pour les plus fins) (figure la). Une analyse des profds de raies de diffraction des rayons X de la phase spinelle synthétisée fait apparaître une dissymétrie qui peut être prise en compte, en première approximation, en modélisant chaque pic par l'introduction de deux pics correspondant aux deux populations observées par microscopie électronique à balayage : un pic fin situé aux grands angles attribué aux grains les plus gros et un pic large situé aux petits angles attribué aux grains de faible taille (figure 2). Cette étude par diffraction des rayons X permet, d'une part, de calculer pour chaque population de grains une taille moyenne et un paramètre cristallin et, d'autre part, d'évaluer la proportion de chaque taille moyenne de grain en comparant les intensités de chaque composante (tableau I). D'après ces données, il apparaît que ce sont les grains de faible taille qui ont le paramètre de maille le plus élevé. Or, seule la substitution du fer par le vanadium dans la structure spinelle peut augmenter ce paramètre [8 ]. Pour cette raison, les grains les plus fins renferment majoritairement du vanadium et, par conséquent, ceux dont la taille est plus importante seraient en majorité constitués de magnétite très faiblement substituée par du vanadium, comme cela a été mis en évidence par spectrométrie infrarouge en se référant au déplacement des deux bandes de haute fréquence [8 ], Il résulte que les grains obtenus après réduction du mélange activé mécaniquement sont hétérogènes en taille et en composition chimique, ce qui diffère fortement des composés issus de la chimie douce. Une des raisons envisageables pour expliquer cette hétérogénéité est que les grains des oxydes de départ, 0t-Fe2O3 et V203, ont des tailles différentes (362 nm pour a-Fe203, 62 nm pour V203). Il existerait ainsi un effet « mémoire » des grains du produit final, à savoir une présence de fer plus importante dans les grains les plus gros et de vanadium dans les grains les plus fins. Afin de vérifier cette hypothèse, un oxyde de fer de surface spécifique du même ordre de grandeur que celle de l'oxyde de vanadium (20,54 m2g~ ') a été obtenu par transformation de y-Fe203 élaboré par chimie douce. Le broyage, effectué dans les conditions G5 (250/50/12 h), du mélange des deux oxydes de taille identique conduit à une poudre de surface spécifique égale à 10,31 m g-1. Bien que cette valeur diffère peu de celle obtenue à partir d'oxydes de tailles distinctes, une différence a néanmoins été observée entre les diffractogrammes relatifs à ces deux mélanges. Le diffractogramme du mélange des deux oxydes de tailles différentes, qui présente un faible rapport signal/bruit, révèle un état de matière mal organisée, composée probablement d'une solution solide incomplètement formée (figure 3a). Au contraire, le diffractogramme du mélange activé des deux oxydes de même taille révèle la présence d'une solution solide rhomboédrique complètement formée entre les deux oxydes, avec un rapport signal/bruit plus important (figure 3b). Le traitement réducteur, effectué à 500 °C, conduit également, dans le cas du mélange d'oxydes de même taille, à la phase spinelle seule. La surface spécifique égale à 8,8 m2g_1, est nettement supérieure à celles obtenues lors des précédents cobroyages d'oxydes. De plus, les clichés de microscopie électronique à balayage révèlent une répartition granulométrique beaucoup plus homogène (figure 1b), proche de celle des composés de chimie douce (figure le). L'amélioration de la répartition granulométrique est également confirmée par l'observation des profils de raies pratiquement symétriques, dans lesquels la composante située aux grands angles (relative aux gros grains) a en partie disparu, laissant un pic beaucoup plus symétrique attribuable aux grains les plus fins (figure 4a). Le ferrite de vanadium, obtenu à partir de l'activation mécanique d'un mélange d'oxydes de même taille, présente des pics de diffraction légèrement dissymétrique par rapport à ceux du spinelle synthétisé par chimie douce (figure 4b). Malgré cette faible dissymétrie, le paramètre cristallin du ferrite de vanadium obtenu par cobroyage et réduction d'un mélange d'oxydes de même taille peut être comparé : dans ce cas, il vaut 0,8405 nm, alors que pour le composé élaboré par chimie douce, il vaut 0,8416 nm. La particularité des spinelles synthétisés par chimie douce étant la possibilité de les oxyder à basse température sans changement de structure cristalline, le suivi de l'oxydation par thermogravimétrie est un moyen de vérifier la taille des grains et l'homogénéité du matériau. Dans le cas du ferrite de vanadium synthétisé par chimie douce, la courbe de thermogravimétrie différentielle (DTG) présente plusieurs pics d'oxydation (figure 5a), chacun étant attribuable à l'oxydation d'un cation à une valence déterminée, dans un site particulier de la structure spinelle, octaédrique B ou tétraédrique A. La similitude des deux courbes de DTG entre Fe2V04 obtenu par chimie douce et le même composé synthétisé à partir d'un cobroyage d'oxydes de même taille permet d'attribuer le premier pic à l'oxydation des cations Feg+, la deuxième partie de l'oxydation concernant les cations V3+ en site octaédrique (figure 5a et b). Il a été montré que ces derniers s'oxydent en deux étapes, la première étape de l'oxydation correspondant à la création de valences intermédiaires entre 3 et 5, la deuxième au passage de tous les cations du vanadium en V5+ [8 ], Dans les cas du ferrite de vanadium obtenu à partir du mélange activé d'oxydes de même taille, cette dernière oxydation est repoussée vers les plus hautes températures. La présence de ce pic d'oxydation, à des températures plus élevées dans le cas de l'activation mécanique par rapport à la chimie douce, est due à la présence de plus gros grains. En effet, la détermination de la dimension moyenne des grains supposés sphériques par diffraction des rayons X révèle la présence de grains de taille plus importante, la dimension des domaines cohérents de diffraction étant de 65 nm pour la chimie douce et de 95 nm pour l'activation mécanique. De plus, la détermination des tailles de grains par la méthode BET met en évidence la présence d'agglomérats dans ce dernier cas, puisque la taille de grains calculée est de 130 nm pour l'activation mécanique, alors que dans le cas de la chimie douce, la taille de grains calculée est égale à celle des domaines cohérents de diffraction, soit environ 65 nm. L'élaboration des précurseurs de spinelles par activation mécanique d'oxydes de même taille semble être la voie à suivre pour obtenir des grains nanométriques, sans passer par une étape de précipitation en milieu humide. Les poudres synthétisées par cette méthode présentent des distributions de taille qui se rapprochent de la chimie douce, bien que des améliorations restent encore à apporter, particulièrement en ce qui concerne les paramètres de broyage. Le suivi des phases présentes en fonction de l'oxydation est également indispensable pour déterminer la stabilité du spinelle, car les transformations de phase conduisent à un changement complet des propriétés physiques, comme par exemple la diminution du champ coercitif lors de la transformation de la phase spinelle en hématite [9] . | Le cobroyage d'oxydes de fer et de vanadium permet d'obtenir un mélange intime de ces deux oxydes, comparable à un coprécipité élaboré par chimie douce. La réduction d'un tel mélange, dans les mêmes conditions de température (500 °C) et de pressions d'oxygène (10-25 Pa) que les composés issus de la chimie douce, entraîne l'apparition de ferrite de vanadium nanométrique constitué de la seule phase spinelle. L'homogénéité des grains en taille et en composition chimique est seulement obtenue si les deux oxydes de départ ont des tailles de grains similaires. | chimie_98-0258335_tei_elsevier_98-0258335_CRAS-IIc-Chim.tei.xml |
termith-197-chimie | L'utilisation de motifs chélatants pour la stabilisation d'espèces peu stables a été abondamment décrite dans la littérature. Le silicium, de par son aptitude à la penta - et hexa-coordination [1,2 ], se prête particulièrement bien à ce type de complexation. Les motifs les plus couramment employés sont ceux qui présentent un groupement amino [3]; quelques exemples d'O-chélation ont cependant été relatés [4] [5 ]. Pour notre part, nous avons pu montrer récemment la stabilisation d'organogermylanions [6] et de germylcations [7] par le groupement 8-méthoxynaphtyle et mettre en évidence un phénomène de complexation entre l'oxygène du groupement méthoxyle et l'atome de germanium. Dans ce mémoire, nous allons développer la synthèse et l'étude structurale de nouveaux (8-méthoxynaphtyl)silyltriflates et leur utilisation comme précurseurs de siloxanes fonctionnels. La préparation des organosilanes précurseurs a été réalisée par réaction classique d'un organométallique (magnésien ou lithien) sur le tétrachlorure de silicium. Ces réactions se sont révélées particulièrement sélectives. L'action de l'organomagnésien ne permet que la substitution d'un seul atome de chlore donnant majoritairement le composé monosubstitué. En revanche, l'organolithien permet d'accéder facilement au dérivé disubstitué (schéma 1). Les organosilanes 1 et 2 sont obtenus par réduction des halogénures par LiAlH 4. Le degré de coordination du silicium par le groupement méthoxyle a été étudié par RMN du Si [8 ]. Les faibles variations, observées aussi bien pour le déplacement chimique que pour la constante de couplage Si-H, par rapport au dinaphtylsilane (tableau T) semblent indiquer un phénomène de complexation peu important. Cependant, à basse température (181 K), les deux groupements méthoxyles du composé 2 deviennent inéquivalents en RMN dusuggérant la coordination d'un seul oxygène sur le métal. L'enthalpie libre d'activation, calculée à la température de coalescence (183 K) est de 8,6 kcal-moL 1, valeur proche de celle obtenue par Willcott [9] dans le cas d'un processus d'échange de ligandes. À température ambiante, un phénomène rapide d'interconversion des groupements méthoxyles les rend équivalents et un seul signal est observé en RMN du ' H. L'utilisation de groupements complexants (azotés ou oxygénés) ont permis la stabilisation d'espèces hautement instables (>Si=X [10 ], silylènes [11 ], silicéniums [12]). Nous avons voulu vérifier l'aptitude de notre motif, le 8-méthoxy-naphtyle, à stabiliser des espèces cationiques issues des silanes précédemment décrits. L'action de l'acide triflique dans l'éther conduit aux silyltriflates correspondants 3 et 4 avec de bons rendements [équation (1) ]. Ces composés sont très sensibles à l'oxydation et à l'hydrolyse. Dans le cas du silyltriflate 4, le fort déplacement chimique à champ faible du signal Si-H (8 = 6,35 ppm) en RMN du ' H, ainsi que la valeur élevée de la fréquence Si-H (V = 2249 cm " 1) en infrarouge par rapport à l'organosilane de départ montrent une forte polarisation de la liaison silicium-hydrogène [13 ]. Par ailleurs, en RMN du 29 Si, r augmentation de la constante de couplage Vsîh (302,8 Hz), qui est fonction du caractère s de la liaison Si-H, est en accord avec un atome de silicium hybridé sp 2 [14 ]. Les mesures de conductivité confirment le caractère ionique de cette structure. En effet, la conductivité d'une solution de bis(8-méthoxynaphtyl)silylane 2 dans le dichlorométhane augmente lorsque de l'acide triflique est ajouté (figure 1). Nous avons vérifié que les réactifs de départ ne présentent aucune conductivité significative dans les mêmes conditions opératoires En revanche, l'action d'une mole d'iode sur le diorganosilane 2 n'a pas permis d'isoler l'espèce cationique correspondante mais nous a conduit à la formation du l-oxy-2-silacyclopentène 5 après élimination d'iodure de méthyle (schéma 2). La complexation du groupement méthoxyle sur le silicium de l'intermédiaire cationique génère une charge positive partielle sur l'atome d'oxygène. Le caractère électrophile du groupement méthyle est accru par effet inductif, ce qui facilite ensuite l'attaque nucléophile de l'anion r puis la réaction de cyclisation. De même, l'attaque nucléophile de Et 3 N ou Bu 3 P sur le carbone du groupement méthoxyle du silyltriflate 4 conduit au même type de réaction de cycloaddition. Ces réactions, suivies par RMN du ' H, montrent l'apparition dans le milieu réactionnel de Et 3 NCH 3 OTf ~ dans le cas de l'action de Et 3 N, et de Bu 3 PCH 3 OTf ~ dans le cas de l'action de Bu 3 P. La présence du complexe Bu 3 PCH 3 OTP a aussi été confirmée par RMN du 31 P (8 = +31,68 ppm). Les silyltriflates se sont également révélés de bons précuseurs de siloxanes fonctionnels. Suivant la stoechiométrie d'eau utilisée, les composés 6 et 7 (schéma 3) ont été obtenus à partir du silyltriflate 4. L'action d' 1 équiv d'eau, en présence d'une amine (Et 3 N), favorise la réaction de substitution d'un groupement trillate donnant le siloxane à liaison Si-H 6 vraisemblablement par l'intermédiaire d'un silanol peu stable. En revanche, l'action d'un Vi équiv d'eau sur ce même silyltriflate conduit à la formation inattendue du siloxytriflate 7. La structure de ce siloxytriflate a pu être déterminée par diffraction de rayons X (figure 2). Ce composé cristallise dans le système monoclinique. Les principales longueurs de liaisons et angles sont rassemblés dans le tableau II. L'atome de silicium présente une géométrie tétraédrique très déformée par l'interaction du métal avec l'oxygène d'un des groupements méthoxyles. Elle tend vers une géométrie de type bipyramide trigonale avec les atomes C(l), C(12) et 0(11) en position équatoriale et les atomes 0(7) et 0(2) en position axiale. La somme des angles qui constituent le plan trigonal est de 348° confirmant cette géométrie intermédiaire. Au niveau des groupements méthoxyles, les deux distances reliant les atomes d'oxygène et de silicium (40(2)-Si(l)) = 2,539(2) Â et 40(1)-Si(l)) = 2,764(2) Â) sont différentes, suggérant une seule et faible coordination sur le métal. En effet, la distance la plus courte ¿/(0(2)-Si(l)) bien qu'au-delà du domaine de covalence (40-Si) = 1,61-1,75 Â [15 ]) est inférieure à la somme des rayons de Van der Waals (3,62 A [16]). De plus, l'étude par RMN du] H et B C montre deux déplacements chimiques distincts pour les groupements méthoxyles à température ambiante, confirmant ainsi leur inéquivalence chimique. La distance ¿/(Si(l)-0(7) (triflate)) = 1,74 Â est plus courte que celle du cation silicié décrit par Jutzi (¿/(O-Si) = 1,85 Â) [5] et Belzner (¿(O-Si) = 1,95 Â) [17] et se situe à la limite supérieure du domaine de covalence. La valeur de l'angle Si(l)-0(1)-Si(2) (145) (32) correspond à celle couramment observée dans le cas de siloxanes non encombrés [18 ]. Ces diverses données nous permettent de décrire ce composé comme un siloxane fonctionnel présentant deux sites triflates aisément substituables. Les résultats présentés dans ce mémoire confirment l'aptitude du groupement méthoxynaphtyle à stabiliser des espèces de métaux 14 par pentacoordination. Cette coordination par l'atome d'oxygène s'avère aussi efficace pour la stabilisation de silylcations que celle par l'azote, tout en évitant les problèmes de dispersion de la charge positive sur l'azote et la quaternisation de ce dernier. Ces silyltriflates offrent en outre la possibilité d'effectuer des réactions d'hydrolyse sélectives permettant de conserver sur le siloxane final soit un groupement hydrure, soit un groupement triflate. Les composés décrits dans ce mémoire sont en général sensibles à l'oxydation et à l'hydrolyse et ont été manipulés sous azote. Ils ont été caractérisés à l'aide des techniques et analyses usuelles : RMN ' H Bruker AC 80, RMN l9 F Bruker AC 80 à 75,39 MHz, RMN 13 C Bruker AC 200 à 50,32 MHz {' H ], RMN 31 P Bruker AC 200 à 32,43 MHz, RMN 29 Si AC 200 à 39,76 MHz. IR Perkin-Elmer 1600 série FT. Les spectres de masse ont été enregistrés sur Ribermag R 10-10H et HP MS5989. Les points de fusion ont été mesurés à l'aide d'un microcope à platine chauffante Leitz Biomed. Les analyses élémentaires ont été réalisées par le service de microanalyse de l' École nationale supérieure de chimie de Toulouse. Les mesures de conductivité ont été effectuées à l'aide d'un conductimètre/résistivimètreTacusselCDRV62. Une solution de 8,52 g (52 mmol) de (8-méthoxynaphtyl)lithium [19] dans 100 mL de THF est ajoutée goutte à goutte à une suspension de 54,6 mmol de MgBr 2 dans 40 mL de THF. Après 2 h au reflux du THF, ce mélange est ajouté à une solution de 8,84 g (52 mmol) de SiCl 4 (fraîchement distillé) dans 40 mL de THF. Après 12 h à température ambiante sous agitation magnétique, la solution est traitée par LiAlH 4 (3,95 g, 104 mmol) mises dans 60 mL de THF, puis hydrolysée et extraite à l'éther. Après séchage sur Na ,S0 4 et concentration, le résidu est distillé à 140 °C/15 mm Hg. Cette fraction est reprise par du pentane puis refroidie à - 30 °C jusqu' à ce que le composé 1 précipite sous la forme de cristaux translucides : 4,36 g (44 %). F 50-54 °C. RMN ! H (CDC1 3) : Ô 3,99 (s, 3H, OCH 3); 4,51 (s, 3H, SiH 3); 6,84 (dd, / = 5,84 Hz, / = 2,88 Hz, 1H, H 7); 7,28-7,53 (m, 3H, C, n H 6); 7,81-7,92 (m, 2H, C 10 H 6). RMN 13 C {l H} (CDC1 3) : 54,59 (OCH 3); 104,74 (C 7), 121,33 (C 5), 125,01 (C 9), 126,04 (C 3), 126,17 (C 6), 129,94 (C,), 130,23 (C 4), 134,38 (C 10), 137,40 (C -,), 155,95 (C 8). RMN 29 Si (CDC1 3) : 5 - 56,05 (qd, / SiH = 8,34 Hz, / ' SiH = 202,55 Hz). IR (pur) : V 2156,8 et 2120,6 cm " 1 (SiH). Masse m/z : 188 (M+, 64 %), 187 (M-H, 57 %), 172 (M-CH 4, 100 %). Anal. Tr : C, 70,42; H, 6,53. C,,H 12 SiO. Cale. : C, 70,16; H, 6,42. Une solution de 7,65 g (46,7 mmol) de (8-méthoxynaphtyl)lithium dans 150 mL de THF est ajoutée goutte à goutte à une solution à - 78 °C de 3,70 g (21,9 mmol) de SiCl 4 (fraîchement distillé) dans 50 mL de THF. Le mélange est ramené à température ambiante puis laissé sous agitation magnétique 12 h. La solution est réduite par LiAlH 4 comme précédemment, La solution éthérée, ainsi obtenue, est refroidie à - 30 °C (3 j) donnant des cristaux blancs identifiés à 2. 3,90 g (48 %). F 133-135 °C. RMN ' H (CDC1 3) : ô 3,71 (s, 6H, OCH 3); 5,55 (s, 2H, SiH 2); 6,84 (dd, / = 6,40 Hz, / = 2,37 Hz, 2H, H 7); 7,30-7,59 (m, 6H, C 10 H 6); 7,70 (dd, / = 6,87 Hz, / = 1,51 Hz, 2H, H 7); 7,88 (dd, / 3 = 7,95 Hz, /= 1,51 Hz, 2H, H 4); RMN ,3 C {' H} (CDC1 3) : 54,43 (OCH 3); 104,75 (C 7), 121,28 (C 5), 125,77 (C 3), 126,25 (C 6), 129,38 (C 4), 130,10 (C 9), 131,18 (C,), 134,64 (C 10), 136,60 (C 2), 156,66 (C 8). RMN 29 Si (CDC1 3) : S-31,16 (tt,/ SiH = 7,28 Hz,/ SiH = 213,75 Hz). IR (nujol) : V 2191,8, 2166,2 et 2121,7 cm " 1 (SiH). Masse m/z : 344 (M+, 9 %), 343 (M-H, 14 %), 328 (M-CH 4, 4 %). Anal. Tr : C, 76,36; H, 5,80. C 22 H 20 SiO 2. Cale. : C, 76,71; H, 5,85. À une solution de 1 mmol de silane 1 ou 2 dans 15 mL d'éther est ajoutée, à température ambiante, la quantité stoechiométrique d'acide trifluorométhane sulfonique. Le mélange est laissé sous agitation magnétique à 30 °C pendant 1 h. Après évaporation du solvant sous pression réduite, le résidu est repris par 10 mL de pentane. Le mélange est laissé sous agitation jusqu' à l'apparition d'un précipité. La poudre ainsi obtenue est lavée plusieurs fois avec du pentane sec, décantée et séchée sous vide. Composé : 4 (78 %). F69-70 °C. RMN ' H (CDC1 3) : 5 3,74 (s, 6H, OCH 3); 6,35 (s, 1H, SiH); 6,83 (dd, / = 6,7 Hz,/= 1,9 Hz, 2H, H 7); 7,24-7,81 (m, 8H, C 10 H 6); 7,90 (dd,/ = 7,9 Hz, / = 1,7 Hz, 2H, CI 0 H 6). RMN 13 C {' H} (CDCI3) : 55,48 (OCH 3); 104,78 (C 7), 121,72 (C 5) 126,27 (C 3 /C 6), 126,96 (C,), 130,58 (C 4 j, 134,22 (C ]0), 134,78 (C 2), 154,65 (Cg); 118,83 (q,/ CF = 318,04 Hz, CF 3). RMN 29 Si (CDC1 3) : - 29,99 (d, / SiH = 302,76 Hz). RMN 19 F (CDC1 3) : - 2,15 (s). IR (nujol) : V 2249,1 cm' 1 (Si-H). Masse (DCI, CH 4) miz : 343 (M-0S0 2 CF 3, 1 %). Anal. Tr : C, 56,22; H, 4,19. C 23 H l9 F 3 SiS0 5. Cale. : C, 56,09; H, 3,89. À une solution de 0,20 g (0,59 mmol) de 2 dans 5 mL de benzène est ajouté 0,07 g (0,29 mmol) d'iode. Le mélange est laissé à température ambiante, sous agitation magnétique, tant que l'on observe un dégagement d'hydrogène. Après évaporation partielle du solvant, 30 mL de pentane sont ajoutés. Le précipité, ainsi obtenu, est isolé après décantation et séchage sous pression réduite donnant 0,14 g (70 %) de poudre blanche identifiée à 5. F 200-202 °C. RMN J H (CDC1 3) : 8 4,34 (s, 3H, OCH 3); 6,08 (s, 1H, SiH) - ,'6,99-8,20 (m, 12H, C 10 H 6). RMN 13 C {' H} (CDC1 3) : 56,21 (OCH 3); 104,63 (C 7), 122,06 (C 5), 126,98 (C 3), 127,56 (C 6), 129,19 (C 9), 129,91 (C 4), 131,11 (C,), 133,94 (C 10), 134,67 (C 2), 159,42 (C 8); 106,69 (C r), 117,55 (C ,.), 122,63 (C 9.), 125,87 (C 3.), 126,56 (C r), 128,14 (C 6 0, 128,31 (C 4,), 130,39 (C ,.) » 132,59 (C 10,), 154,80 (C g.). RMN 2 Hi (CDCI3) : ô - 23,77 (d,/ SiH = 263,98 Hz). IR (nujol) : V 2171,8 cm " 1 (SiH). Masse m/z : 328 (M+, 100 %), 313 (M-CH 3, 5 %). Anal. Tr : C, 74,76; H, 4,67. C 21 H 16 Si0 2. Cale. : C, 75,79; H, 4,90. À une solution de 0,19 mmol de 4 dans 0,4 mL de CDC13 est ajoutée 0,19 mmol de Et3N ou BU3P. L'analyse par R M N du ! H montre l'apparition des signaux du silaoxolène 5 et de : (Et 3 NCH 3 ,0S0 2 CF 3) : 6 1,23 (m, 9H, CH 3); 2,76 (s, 3H, CH 3); 3,05 (m, 6H, CH 2) ou de : (Bu 3 PCH 3, 0S0 2 CF 3) : ô 0,94 (m, 9H, CH 3); 1,40 (m, 12H, CH 2) ;1,74 (d,/ PH = 13,6 Hz, 3H, CH 3); 2,04 (m, 6H, CH 2 P). RMN 31 P {! H} = 31,68 (s). À une solution de 0,50 g (1,46 mmol) de 4 dans 10 mL de Et 2 0 est ajoutée 1 mL d'une solution Et 3 N/H 2 0 (5:1). Le mélange est laissé sous agitation magnétique 12 h. Après extraction à l'éther et séchage sur Na 2 S0 4, la solution est concentrée sous pression réduite donnant une poudre blanche identifiée à 6 : 0,39 g (76 %). F : 250-253 °C. RMN [H (CDC1 3) : ô 3,14 (s, 12H, OCH3); 6,16 (s, 2H, SiH); 6,46 (dd, = 6,4 Hz,/= 1,6 Hz, 4H, H 7); 7,06-7,42 (m, 16H, C 10 H 6); 7,68 (d, /= 8,0 Hz, 4H, C 10 H 6). RMN 13 C f'H} (CDC1 3) : 53,78 (OCH 3), 104,07 (C 7), 120,78 (C 5), 125,33 (C 3), 125,94 (Cg), 128,67 (C 4), 129,36 (Cg), 134,31 (Cj), 134,39 (C ]0), 135,12 (C 2), 156,36 (Cg). RMN 29 Si (CDCI3) : - 30,78 (d, / SiH = 264,48 Hz). IR (pur) : V 2174,2 cm " 1 (Si-H). Masse : m/z : 702 (M+, 2 %), 671 (M-OCH 3, 14 %). Anal. Tr : C, 74,06; H, 4,87. C^H^Si 2 0 5. Cale. : C, 75,18; H, 5,45. A une solution de 0,47 g (0,96 mmol) de 4 dans 5 mL d'éther sont ajoutés 7 )J.L (0,38 mmol) d'eau. Après 1 h sous agitation magnétique, le solvant est concentré. L'analyse du résidu par RMN du ' H montre la présence de 7 (20 %) et de méthoxynaphtalène (80 %). Ce résidu est repris par de l'éther donnant une poudre blanche isolée après décantation et séchage sous pression réduite : 7 : 0,06 g (11 %). F : 100 °C. RMN ' H (CDC1 3) : 8 2,44 (s, 6H, OCH 3), 2,75 (s, 6H, OCH 3), 6,27-7,95 (m, 22H, C 10 H 6), 8,90 (dd, 4H,/= 9,4 Hz, / = 1,5 Hz, 2H, H,). RMN 13 C {' H) (CDC1 3) : 52,13 et 53,09 (OCH 3), 103,38 et 103,84 (C 7), 120,75 et 121,11 (C,), 125,32 et 125,75 (C 6), 125,45 et 126,00 (C 3), 126,14 et 127,15 (C,), 128,80 et 130,82 (C 4), 130,92 et 134,20 (C 2), 132,86 et 134,42 (C 10), 153,06 et 154,39 (C 8); 118,65 (q,/cF= 319,55 Hz, CF 3). RMN 29 Si (CDC1 3) : - 49,90 (s). Anal. Tr : C, 54,31; H, 3,59. C 46 H 36 Si 2 O n S,F 6. Cale. : C, 55,30; H, 3,63. Des monocristaux ont été obtenus par recristallisation dans du chloroforme. Les données ont été obtenues à partir d'un diffractomètre STOE-IPDS : irradiation M o K a (À. = 0,710 73 Â) et sont rassemblées dans le tableau I I I. La structure a été résolue par méthode directe en utilisant SHELXS-97 [20] et affinée avec toutes les données sur F2 en utilisant SHELXL-97 [21 ]. Tous les atomes sauf les hydrogènes sont traités de façon anisotropique. Le matériel supplémentaire a été déposé au Cambridge Crystallographic Data Centre, 12 Union Road, Cambridge CB2 1EZ UK, comme matériel supplémentaire N° SUP 114030 (11 pages) et peut être obtenu en faisant la demande au CCDC . | De nouveaux (8-méthoxynaphtyl)silanes ont été préparés par voie organométallique. L'existence d'une faible coordination intramoléculaire d'un groupement méthoxyle sur le silicium a été démontrée par RMN du 1H. L'action de l'acide triflique conduit aux organosilyl triflates qui présentent un silicium pentacoordonné et une forte polarisation de la liaison silicium-oxygène (triflate). Des mesures de conductivité confirment le caractère ionique de ces structures. En revanche, la formation inattendue de silaoxolènes a été observée en présence d'iode, de Et3N ou Bu3P. Des réactions d'hydrolyse permettent d'accéder sélectivement, suivant les conditions opératoires utilisées (1/2 équiv ou excès d'eau) à des siloxanes fonctionnels à groupement hydrure ou triflate. Une étude par diffraction de rayons X de l'organosiloxytriflate confirme la faible complexation du ligand sur le métal. | chimie_99-0375534_tei_elsevier_99-0375534_CRAS-IIc-Chim.tei.xml |
termith-198-chimie | Une approche intéressante de la conversion de l'énergie lumineuse en énergie électrique consiste en l'utilisation de cellules solaires à base de semiconducteurs organiques. L'intérêt en est surtout économique, le coût du matériau semiconducteur étant peu élevé car les techniques de synthèse et de purification sont en général assez simples, de même que les méthodes de fabrication des films minces. Les propriétés des semiconducteurs organiques ont été connues dès les années 1950 alors que leurs forces photoélectromotrices ont été mesurées sur des substrats inorganiques (1,2). Des progrès remarquables ont été réalisés dans l'augmentation de l'efficacité de conversion des cellules photovoltaïques organiques, passant de 10~ 5 % au début des années 1970 à 1 % actuellement (3). Les composés de type phtalocyanine ont reçu une attention particulière en tant que colorants pour la sensibilisation spectrale et la stabilisation de semiconducteurs inorganiques (4-9) et en tant que semiconducteurs formant des jonctions liquides avec des couples rédox (10-25). On connait de nombreuses formes polymorphiques de phtalocyanines, en particulier les formes a, (3 et x (26). Ces formes correspondent à un empilement différent des molécules planaires; les formes a et x sont les plus conductrices (27-29). La présence de l'oxygène augmente grandement la conductivité des phtalocyanines (30) et intervient dans la formation d'états de surface accepteurs d'électrons (31). La sublimation est la technique de déposition la plus fréquemment utilisée pour la fabrication de films de phtalocyanines (10-19), mais on retrouve aussi l'électrodéposition (20) et la déposition par monocouches (32, 33). Les phtalocyanines peuvent être aussi dispersées dans un polymère et le mélange obtenu peut être étalé en films minces à l'aide d'un couteau ou d'un rouleau (23, 24), ou déposé par rotation (27, 34) sur un support transparent. Ce travail présente une nouvelle cellule photoélectrochimique à base de phtalocyanine d'hydroxy aluminium où lefilm mince de semiconducteur organique pur a été déposé par rotation (« spin-coating »). Le comportement spectral et électrique de ces cellules est étudié et comparé à celui de cellules où le film mince de phtalocyanine d'hydroxy aluminium a été déposé par sublimation; la cellule est ensuite optimisée et un diagramme des niveaux d'énergie est élaboré. La phtalocyanine d'hydroxy aluminium (PcAlOH) a été préparée comme suit. La phtalocyanine de chloroaluminium a d'abord été synthétisée en chauffant de l'o-phtalonitrile et du chlorure d'aluminium dans de la quinoline; le produit purifié est ensuite chauffé à reflux dans une solution aqueuse d'ammoniaque (30 %) en présence de pyridine (35) pour donner PcAlOH. Après des extractions répétées avec des solvants organiques, PcAlOH est dissoute dans l'acide sulfurique concentré et la solution obtenue est versée dans un mélange eau-glace. Le solide bleu foncé est filtré et lavé successivement avec l'eau, l'éthanol et l'acétone. Les films organiques ont été déposés sur des supports conducteurs transparents de dimensions 25 mm x 50 mm constitués de lamelles de NESA (Sn0 2 dopé, PPG Industries); ces lamelles ont été nettoyées par immersion successive dans une solution de détergent, dans l'eau du robinet et l'eau distillée, puis dans le méthanol. La méthode de déposition par rotation consiste en la déposition d'une goutte d'une suspension de PcAlOH dans du DMSO au centre du substrat en rotation; la force centrifuge permet ainsi l'étalement de la goutte sur le substrat. L'épaisseur des films (de 100 à 3000 À) peut être variée en jouant sur la vitesse de rotation (de 1000 à 3500 r/min) ainsi que sa durée, et sur la concentration de PcAlOH dans le DMSO; le séchage est effectué à l'air libre pendant une dizaine de jours. La méthode de déposition par sublimation utilise le système décrit par Linkous et al. (13); la température de sublimation est de 520°C à des pressions typiques de 5 x 10 " 6 Torr (1 Torr = 133.3 Pa). L'épaisseur du film (de 100 à 5500 À) peut être variée en jouant sur la durée de la sublimation (de 5 min à 1 h). Les contacts électriques sont réalisés à l'aide d'un fil de cuivre collé sur la partie conductrice du substrat et recouvert d'une peinture à l'argent (G.C. Electronics). Une surface active variant de 1 à 4 cm 2 est définie en recouvrant l'électrode d'un vernis incolore limitant le contact avec la solution. L'épaisseur des films est déterminée à l'aide d'un profilomètre de surface Sloan Dektak II, puis une courbe d'étalonnage absorbance maximale - épaisseur est tracée. Les spectres d'absorption visible ont été enregistrés avec un spectrophotomètre Hitachi 100-60. La photoélectrode est plongée dans une solution aqueuse nondéoxygénée, agitée magnétiquement et contenant un sel (Na 2 S0 4 0,1 M) et un couple rédox (benzoquinone/hydroquinone) dans une cellule électrochimique. La surface du semiconducteur organique est placée à 2 mm de la fenêtre transparente pour minimiser l'absorption de la lumière par la solution, et l'interface semiconducteur-électrolyte est éclairée directement. Une contre-électrode en platine (8 cm 2) sert d'électrode auxiliaire. Une source de lumière blanche (lampe au tungstène-halogène) de 650 W (Schoeffel) et un monochromateur Kratos (Schoeffel) une troisième électrode, une électrode de référence au calomel saturé (ECS). Sauf indication contraire, l'intensité de lumière blanche sera 7=10 mW/cm 2 (fournie par la lampe ELH de 300 W d'un projecteur Kodak Ektagraphic AF2). Des photographies de la surface des films ont été prises au microscope électronique à balayage dans le cas d'un film d'épaisseur 700 Â déposé par rotation (figures 1A et IB) et d'un film d'épaisseur 600 À sublimé (fig. 1C). Les grossissements sont de 2 000 (A) et de 20 000 (B et C). Un film déposé par rotation présente de gros grains (de 1 à 4 |xm) dépassant une structure plus fine mais néanmoins rugueuse (fig. 1 A). La surface des films minces, obtenus à des vitesses de rotation plus élevées, présente des grains plus petits et moins nombreux que la surface des films plus épais où l'effet centrifuge a été moins grand. Dans le cas d'un agrandissement de 20 000 (fig. 1 B), il n'apparaitpas de fissure dans les films. Par contre, la surface des films sublimés présente une structure de « nouilles » qui ont une longueur dépassant 1 |xm pour une section de 0,1 fjLin (fig. 1C). Cet aspect de la surface ne dépend pas de l'épaisseur des films et de grands espaces sont visibles entre les « nouilles ». La morphologie des films sublimés est typique d'un taux de sublimation élevé (15-17), qui est ici d'environ 40Â/min. De grands espaces sont visibles entre les solides, laissant supposer une certaine porosité du film aux couples rédox; ceci a d'ailleurs été confirmé par voltamétrie cyclique pour des films sublimés de PcAlOH sur du platine et avait été montré pour des morphologies semblables de films minces de InPc-Cl et GaPc-Cl (13,17). Comme les autres phtalocyanines et la plupart des semiconducteurs organiques, PcAlOH est un semiconducteur de type p, menant à l'observation de photocourants cathodiques en courtcircuit. La variation du courant de court-circuit J sc et de la tension en circuit ouvert V oc pour une irradiation en lumière blanche avec le pH de la solution est montrée à la figure 2. Le couple rédox utilisé est le couple benzoquinone/hydroquinone (BQ/HQ) de concentration 10~ 2 M et la contre-électrode est en platine; l'épaisseur du film de PcAlOH est de 280 Â. Des valeurs maximales pour J sc et V^ sont atteintes pour un pH de 2,5. Les phtalocyanines (H 2 Pc, SnPc, MgPc) ne sont pas connues comme ayant leurs niveaux d'énergie reliés au pH (14); on pense qu'il en est de même pour PcAlOH et la variation de J sc et Voc avec le pH serait due à la variation du potentiel rédox du couple BQ/HQ. Cette variation change le recouvrement des niveaux d'énergie de la benzoquinone avec ceux du semiconducteur organique. Nous verrons plus loin que la variation du pH de la solution BQ/HQ induit un déplacement du potentiel de bande plate de la phtalocyanine. Le meilleur recouvrement est obtenu à pH 2,5 où le potentiel rédox du couple BQ/HQ est de 0,28 V/ECS dans les conditions optimales de concentration. La figure 3 représente l'allure des variations de J sc et V oc avec la concentration du couple rédox (quinhydrone, fig. 3A). Le courant de court-circuit J sc augmente quand la concentration augmente, puis tend à se stabiliser à partir de 4 x 10~ 3 M; ceci indique que les recombinaisons à l'intérieur du semiconducteur, plutôt que la réduction du couple rédox, sont un facteur limitatif du courant dans la phtalocyanine (23, 24). La tension en circuit ouvert V oc diminue de façon monotone dans le domaine de concentration considéré. En choisissant la concentration de l'oxydant (BQ) égale à 4 x 10 - 3 M et en faisant varier la concentration du réducteur (HQ), on obtient la figure 3B en reportant J sc et V^. Le maximum de courant est atteint pour une concentration du réducteur égale à la moitié de celle de l'oxydant, suggérant que le transfert des électrons de l'hydroquinone sur le platine est plus rapide que celui de PcAlOH à la benzoquinone. La variation de V^ avec la concentration d'hydroquinone est négligeable. Les paramètres de l'électrolyte ont ainsi été optimisés : [BQ] = 2 [HQ] = 4 x 10~ 3 M à pH 2,5. Les valeurs de 7 SC et Vor décroissent lentement avec le temps à cause du brunissement de la solution jaune clair. Une solution fraîche restaure les valeurs initiales. Les spectres d'absorption des films de PcAlOH déposés par rotation ne présentent qu'une seule bande à 640 nm (fig. 4A, épaisseur 250 Â). PcAlOH a été aussi électrodéposé à partir d'une suspension dans le butanol-1 et l'isooctane et ne présente aussi qu'une seule bande d'absorption. Par contre, les spectres d'absorption des films de PcAlOH produits par sublimation présentent, en plus de la bande principale située autour de X = 635 nm, un épaulement qui apparait lorsque l'épaisseur du film augmente et qui devient un pic d'absorption situé à X = 735 nm pour les épaisseurs élevées (fig. 5A, où les spectres des films d'épaisseur 80 Â, 2800 Â et 4200 Â sont présentés sur une échelle arbitraire relative au spectre du film d'épaisseur 150 Â). Ces spectres ont une allure similaire à ceux des films sublimés de diverses phtalocyanines (H 2 Pc, MgPc, FePc, CuPc, CoPc, ZnPc) décrits par Davidson (36), lesquels présentent en général deux bandes d'absorption dans le visible. Dans le cas de MgPc, les deux bandes ont une importance relative qui varie avec l'épaisseur, expliqué en termes de vibrations moléculaires variant avec l'environnement de la molécule. Ce phénomène se retrouve dans le cas de PcAlOH, comme le montrent les spectres d'absorption de la figure 5A, où l'intensité relative de l'absorbance à 735 nm passe de 13 % (80 Â) à 80 % (4200 Â). FIG. 1. Photographies obtenues au microscope électronique à balayage de la surface de films de PcAlOH : A : film d'épaisseur 700 À déposé par rotation, grossissement 2 000; B : film d'épaisseur 700 A déposé par rotation, grossissement 20 000; C : film d'épaisseur 600 Â sublimé, grossissement 20 000. Ceci peut être raisonnablement expliqué par le fait qu'il y ait deux formes d'aggrégation de PcAlOH. Ces deux formes pourraient bien être les formes a et p que l'on retrouve chez la plupart des phtalocyanines (26). La forme (3 est obtenue à partir de la forme a pour des températures du substrat plus élevées (environ 200°C) pour des films de H 2 Pc (37). Dans notre cas, la forme a aurait sa contribution à 635 nm (38) et la forme (3 à 735 nm; celle -ci se trouve en plus grande quantité dans les films épais, obtenus pour des temps de sublimation plus longs, où le substrat a atteint des températures plus élevées. Les spectres d'action des cellules à base de PcAlOH déposée par rotation et sublimée sont présentés aux figures 4B et 5B pour des épaisseurs de 250 Â et 150 Â, respectivement. Le courant mesuré doit être corrigé pour l'intensité de la lampe, ainsi que pour la réponse du détecteur et la variation du courant J sc avec l'intensité lumineuse I (variée en modifiant la tension d'alimentation de la lampe). Cette variation prend la forme (29) : où k est une constante de proportionnalité et 7 l'exposant de lumière de la cellule, dont la valeur se situe autour de 0,90 pour toutes les cellules. Les spectres d'action corrigés représentent alors le photocourant obtenu en court-circuit pour un flux constant de photons à chaque longueur d'onde; il est donné par la formule : où ^max et N k sont le flux de photons incidents maximum et le flux de photons incidents pour la longueur d'onde considérée, respectivement. Le flux de photons maximum est ici de 8,3 x 10 14 photons cm - 2 s " 1 pour une irradiation directe de l'interface. Les spectres d'action suivent l'allure des spectres d'absorption pour les deux types de films. Dans le cas d'un film sublimé, la forme a serait la plus photoactive; la contribution de la forme p au photocourant est assez faible et ne varie que très peu avec l'épaisseur du film de PcAlOH. On peut tirer le rendement quantique de la cellule à partir du spectre d'action à l'aide de l'éq. [3] (39) : qui peut aussi s'écrire : où hv est l'énergie du photon, q la charge de l'électron et N le flux de photons incidents. Le rendement quantique est alors le rapport entre le nombre d'électrons collectés et le nombre de photons incidents et prend une valeur de 1,58 % à 628 nm pour un film d'épaisseur 250 Â déposé par rotation et 0,93 % à 618 nm pour un film sublimé d'épaisseur 150 Â. Cependant, la réponse spectrale d'un film sublimé couvre une part plus grande du spectre visible. La figure 6A nous montre les caractéristiques J-V d'une cellule NESA/PcAlOH/BQ/HQ/Pt dans les conditions optimales d'électrolyte; la courbe 1 représente les caractéristiques du NESA dans le noir, les courbes 2 et 3 celles d'un film d'épaisseur 250 Â déposé par rotation, dans le noir (2) et sous illumination (3), et les courbes 4 et 5 celles d'un film sublimé d'épaisseur 150 Â dans le noir (4) et sous une même illumination (5). Les courbes J-V de PcAlOH dans le noir montrent des rectifications moyennes, les rapports de rectification étant, à 0,2 volts, de 5,8 pour le film déposé par rotation et de 2,2 pour le film sublimé. Lorsque les électrodes sont irradiées en lumière blanche, on note l'apparition de photocourants cathodiques dans la zone de polarisation inverse, indiquant que les électrons provenant du semiconducteur organique vont réduire la benzoquinone en solution. Dans la région où la polarisation de l'électrode est directe, un hotocourant anodique apparait pour le film sublimé, contrairement au film déposé par rotation, pour lequel il n'existe aucun photocourant. D'autre part, la pente des courbes J-V en polarisation directe dans le noir est assez différente; ces portions de courbes suivent l'équation suivante (20) : 1 où J 0 est la densité de courant d'échange, m est un paramètre ajustable et R s est la résistance en série de la cellule photoélectrochimique. Cette expression est similaire à celle qui décrit les caractéristiques J-V dans l'obscurité pour une barrière de Schottky à la jonction métal-semiconducteur (40). Lorsque V ^ 3 kT/q, le dernier terme entre parenthèses peut être négligé (20). Si R s = 0, un graphique de ln J en fonction de V donne une droite avec J 0 comme ordonnée à l'origine; m est obtenu à partir de la valeur de la pente. Si R s ^ 0, sa valeur peut être déterminée par la déviation de la courbe à la linéarité lorsque le potentiel appliqué est élevé. Les valeurs de J 0, m et R s pour les deux types de films sont rapportées dans le tableau 1. On remarque principalement que le film déposé par rotation présente une résistance en série beaucoup plus faible que le film sublimé. Ce phénomène ainsi que l'absence de courant anodique dans le film déposé par rotation pourrait être dû à la présence de traces de solvant dans la masse du semiconducteur organique. L'intersection de la courbe J-V sous illumination avec les axes des courants et tensions nous donne le courant en court-circuit J sc et la tension en circuit ouvert V oc, respectivement (fig. 65). On peut ainsi calculer le facteur de remplissage // défini comme suit : Cette valeur de //varie peu d'une cellule à l'autre et se situe autour d'une valeur moyenne de 0,35. L'efficacité des cellules est alors donnée par : Les valeurs de J sc, V oc, //et r) sont présentées dans le tableau 2 pour les deux types de films. Des courants plus élevés et des tensions plus faibles sont produits lorsque le film de PcAlOH est déposé par rotation, conduisant à des valeurs très semblables de rendement de conversion qui se situent pour les deux types de films aux alentours de 5 x 10 - 3 %. Les variations d'amplitude et de signe du photocourant en lumière blanche avec le potentiel appliqué sont tracées sur la figure 7 pour un film d'épaisseur 250 A déposé par rotation à pH 2,5 (a) et pour un film sublimé d'épaisseur 230 Â à pH 2,5 (b), 4,5 (c) et 6,0 (d). Le couple rédox est BQ/HQ aux conditions optimales de concentration; les potentiels rédox dans les conditions de pH sont indiqués par de flèches. Dans la gamme de potentiels utilisée, le photocourant atteint un maximum lorsque le potentiel est augmenté dans la direction cathodique. La décroissance du courant cathodique lorsque des tensions cathodiques élevées sont appliquées est due à la compétition entre les électrons produits dans le noir et les électrons photogénérés pour les espèces oxydées disponibles à l'interface (20). Cette compétition est visible sur la figure 6A où les valeurs des courants dans le noir réjoignent celles des courants sous illumination. On observe des photocourants cathodique et anodique lorsque le film est déposé par sublimation, tandis qu'aucun courant anodique n'apparait pour un film déposé par rotation, comme l'indique la figure 6A. Dans le modèle de bande du semiconducteur organique, en considérant que le contact PcAlOH/NESA est ohmique (24), le point où le photocourant passe de cathodique à anodique correspond au potentiel de bandes plates (V^) du pigment (10). Si un potentiel est appliqué du côté cathodique de Vfb, une région de charges d'espace est créée dans PcAlOH; les trous et les électrons photogénérés sont séparés par le champ électrique présent dans la région de charges d'espace, et les électrons sont injectés dans la solution. Du côté anodique de V^, PcAlOH se comporte comme une résistance variable pour le transfert des trous dans la solution. Lorsque PcAlOH est illuminée, sa résistance diminue à cause de l'augmentation de la densité en porteurs de charges. Les photocourants anodiques ne sont pas dus à une sensibilisation de Sn0 2 car ils sont présents aussi lorsque le substrat est le platine. PcAlOH déposée sur du NES A n'est pas une simple couche résistive, mais sa présence modifie la disponibilité du rédox à l'interface comme le montre la figure 6 A si on compare les courbes directes pour le NES A nu et recouvert de PcAlOH. Le tableau 3 rapporte les valeurs de V^ mesurées sur la figure 7. Quand aucun photocourant anodique existe, on utilise une extrapolation des courbes pour déterminer Vfb. La différence AV est définie comme suit : et correspond à la tension maximale que peut fournir la cellule. Le potentiel de bande plate varie beaucoup avec le pH de la solution dans le cas du couple rédox BQ/HQ, alors qu'il a été trouvé indépendant du pH dans le cas du couple rédox I 3 _ /I _. Un comportement identique a été observé (20) pour un film de SAlPc. Il peut être expliqué en formulant l'hypothèse de la formation d'un faible complexe de transfert de charge entre PcAlOH et la benzoquinone à la surface du film. Un complexe de transfert de charge à l'état fondamental a déjà été observé entre H 2 Pc et le chloranil; il augmente la conductivité dans le noir et la photoconductivité du pigment (14, 41, 42). La benzoquinone est un accepteur plus faible que le chloranil, mais un complexe à l'état fondamental a été rapporté dans l'acétone entre BQ et des tétratolylporphines libres et de zinc (43), qui sont des molécules très proches de PcAlOH. La diminution de £ rédox est de 0,059 V par unité de pH, et la présence de la benzoquinone sur l'électrode doit causer un déplacement du potentiel de bande plate si l'hydroquinone est aussi adsorbée sur la surface du semiconducteur. De pH 2,5 à pH 6,0, la diminution de Z^édox doit être de 0,21 V (valeur mesurée : 0,17 V), et la variation de V^ avec le pH est de 0,36 V dans le même sens. Cet effet est similaire au déplacement de Vfb avec le pH pour les oxydes semiconducteurs (44). Si BQ/HQ n'affectait pas le potentiel de bande plate de PcAlOH, on s'attendrait à une augmentation de la tension en circuit ouvert V oc avec le pH, le potentiel rédox devenant de plus en plus cathodique. Ceci n'est pas observé expérimentalement. FIG. 8. Illumination en lumière blanche de / = 10 mW cm - 2 : A : Variations de J sc avec l'épaisseur du film de PcAlOH déposé par rotation. B : Variations de V oc avec l'épaisseur du film de PcAlOH déposé par rotation. Courbes a : films fraîchement déposés; courbes b : laissés à l'air libre pendant 12 jours; courbes c : films laissés à l'air libre pendant 21 mois; courbes d : films plongés rapidement dans du DMSO. La valeur de AV représente la tension maximale que peut fournir la cellule. Les valeurs de AV sont de 0,14 V pour un film déposé par rotation et 0,17 V pour un film sublimé, et des valeurs expérimentales respectives de 0,10 V et 0,12 V ont été atteintes. Les films de PcAlOH déposés par rotation ont été préparés en versant une goutte d'une suspension de PcAlOH dans du DMSO sur un support en rotation. Le DMSO est un solvant ayant un point d'ébullition relativement élevé (189°C) et il semble que sa présence ait un effet important sur la photoactivité du film semiconducteur. En effet, les films de différentes épaisseurs séchés à l'air libre pendant 12 jours donnent un courant de court-circuit plus important que les mêmes films fraîchement déposés (fig. 8A, courbes a et b). Cette évolution est continuelle et on observe une plus grande augmentation de J sc (fig. 8A, courbe c) après avoir laissé les films à l'air libre pendant plusieurs mois. L'augmentation de J sc est d'autant plus important que le film est épais et contient plus de DMSO. L'allure de la courbe c (fig. 8A) est typique d'une absorption faible dans des films minces (jusqu ' à 2600 A) où la lumière pénètre tout le film de PcAlOH (14). Plonger rapidement ces films dans le DMSO fait chuter de nouveau le courant pour les films minces, mais ne semble pas affecter les films plus épais (fig. 8A, courbe d), probablement car le DMSO n'a pas eu le temps de diffuser suffisamment dans les films. Le même phénomène est observé pour la mesure de la tension en circuit ouvert V oc et cette fois les variations sont indépendantes de l'épaisseur (fig. SB, courbes a-d). Les films préparés par sublimation présentent un maximum de courant de court-circuit pour une épaisseur de 1000 Â environ, tandis que la tension en circuit ouvert est pratiquement indépendante de l'épaisseur du film jusqu' à une épaisseur de 2500 À (figures 9A et B). Ainsi, le DMSO a une grande influence sur le comportement des cellules NES A/Pc AlOH/BQ/HQ/Pt où le film de PcAlOH a été déposé par rotation. Sa présence dans les cellules fraîches limite le courant et la tension délivrés par la cellule, surtout pour les grandes épaisseurs. Cet effet disparait avec le temps et est réversible; plonger les lamelles dans le solvant diminue à nouveau le photocourant et la phototension. Il est probable que les molécules de DMSO agissent comme des sites de recombinaison pour les électrons et les trous formés par l'absorption de la lumière dans le corps du semiconducteur. Le point d'ébullition élevé du DMSO fait en sorte que son action dure longtemps, son taux d'évaporation dans l'air étant faible. Le fait de placer les lamelles fraîchement déposées dans une étuve à 160°C fait craqueler les films organiques. Le DMSO semble fortement piégé dans la structure du film car aucun changement n'est survenu après avoir placé une lamelle sous vide primaire (10 ^ Ton*) pendant une nuit. Enfin, il est connu que l'oxygène s'adsorbe sur les phtalocyanines et a un effet important sur la photoconductivité de leurs films minces (30, 31, 45). Le DMSO pourrait altérer cet effet en occupant certains des sites préférentiels de l'oxygène. Loutfy et Mclntyre (23, 24) ont réalisé une étude systématique de différents métaux M utilisés dans des cellules NESA/x - H 2 Pc/rédox/M. Il en résulte que les photocourants les plus élevés sont obtenus avec des contre-électrodes en aluminium et en indium, mais aucune remarque sur la stabilité de ces systèmes n'a été faite. Dans nos conditions d'électrolyte utilisées, certaines contre-électrodes donnent des courants très faibles (Ta, Nb, Pb, Sn, Cu, Fe, Ti, Zn, Al) ou s'oxydent très rapidement (Se). Les électrodes du tableau 4 (Pt, Au, Zr, V) ont une réponse stable (films de PcAlOH déposés par rotation). Le meilleure réponse est fournie par une contre-électrode en vanadium avec J sc = 175,2 (xA/cm 2 et V oc = 337 mV pour une puissance lumineuse de 85 mW/cm 2 Des valeurs élevées sont aussi obtenues avec le zirconium (7 SC = 117,2 |xA/cm 2 et V oc = 226 mV). Il semble donc que le rendement de la cellule soit limité par le taux de réaction du réducteur à l'électrode métallique. Cependant, l'électrode de zirconium est soumise à une corrosion assez rapide (10 h) due à un mécanisme électrochimique catalysé par les photocourants, et on pense qu'il en est de même avec le vanadium; en effet, les courants et tensions dans le noir sont importants (15,6 % et 64,1 % des courants et tensions totaux), bien qu'aucune corrosion ne soit visible à la surface de l'électrode métallique. Les contre-électrodes en platine et en or sont par contre très inertes dans les conditions d'expérience et nous permettent d'éviter la corrosion, mais elles conduisent à des valeurs plus faibles. L'absorption de photons par l'électrode semiconductrice conduit, à travers un processus excitonique, à la création de paires électron-trous; ces derniers se séparent sous l'effet du champ électrique de la jonction. Les électrons (porteurs minoritaires) arrivent à l'interface semiconducteur-électrolyte et vont réduire une espèce oxydante en solution. Les trous se déplacent à travers le semiconducteur lui -même; ils recombinent ensuite au contact ohmique (NESA) avec les électrons venant du circuit extérieur qui sont fournis par la réaction d'oxydation du réducteur à la contre-électrode. Le transfert d'électrons du semiconducteur à l'espèce électroactive de l'électrolyte est possible théoriquement si la distribution d'énergie de l'espèce en solution recouvre la bande de conduction du semiconducteur de type p. Ainsi, il est possible de tracer un diagramme montrant les niveaux d'énergie du semiconducteur et le potentiel rédox du couple en solution (fig. 10). Le niveau de Fermi, E F, de la solution est représenté par le potentiel rédox du couple, mesuré dans les conditions expérimentales (E red = 0.29 V/ECS pour BQ/HQ à pH 2,5) et les bandes d'énergie du semiconducteur sont celles trouvées par Lawrence et al. (46) pour SAlPc, soit E c = 3,90 eV pour la bande de conduction et E g = 1,80 eV pour le saut de bande interdite. Le potentiel de bandes plates, V^, correspondant au niveau de Fermi du semiconducteur sous illumination, est déterminé par l'intersection avec l'axe des tensions de la courbe photocourant-tension appliquée (photocourant = courant sous illumination — courant dans le noir). Quand aucun photocourant anodique n'est mesuré, on utilise une extrapolation de la courbe pour trouver V^. Dans le cas de la cellule formée d'un film de PcAlOH d'épaisseur 250 A obtenu par rotation, la valeur de V^ mesurée est de 0,43 V/ECS pour BQ/HQ. Après le contact avec l'électrolyte, les électrons passent de la solution au semiconducteur pour égaliser les niveaux de Fermi. Il en résulte une distribution de charges à l'intérieur du semiconducteur sur une profondeur W, ce qui crée un champ électrique conduisant à la séparation des paires électron-trou générées par la lumière. La vitesse de transfert des charges entre la phtalocyanine et l'oxydant en solution est la plus rapide quand l'énergie de l'état excité de la phtalocyanine (représenté par l'énergie de la bande de conduction) est proche de celle de l'accepteur d'électrons. D'après Gerisher (47), les fonctions de distribution des niveaux d'énergie du couple rédox BQ/HQ sont données par leur potentiel rédox et leur énergie de réorientation X = 0,5 eV. Le recouvrement entre les niveauxd'énergie de la benzoquinone et de la bande de conduction de la phtalocyanine n'est pas grand, mais de nombreuses données expérimentales (21, 23, 24) portent à croire qu'il existe chez les phtalocyanines des états de surface par l'intermédiaire desquels se fait l'échange de charges. Ces états de surfaces sont situés autour de —0,1 V/ECS et on observe alors un bon recouvrement d'énergie entre ces états de surface et la benzoquinone en solution, comme le représente la figure 10. Des films minces de semiconducteurs organiques ont été préparés par déposition par rotation sur des substrats transparents. Les efficacités des cellules photoélectrochimiques ainsi obtenues sont du même ordre de grandeur que celles obtenues pour des films sublimés. Cependant, le solvant DMSO utilisé durant la déposition est difficile à éliminer et sa présence tend à diminuer l'efficacité des cellules photoélectrochimiques. La formation d'un faible complexe de transfert de charge entre la benzoquinone et PcAlOH peut être à l'origine du déplacement du potentiel de bande plate avec le pH de la solution. L'emploi d'une contre-électrode en vanadium a permis d'atteindre des valeurs élevées pour le courant de court-circuit (7 SC = 0,175 mA/cm 2) et pour la tension en circuit ouvert (V oc = 0,337 V) sous une irradiation de 85 mW/cm 2 en lumière blanche avec le couple rédox BQ/HQ. Le rendement de la cellule est alors de 2,4 x 10 _2 %, mais des phénomènes de corrosion apparaissent à la contre-électrode. Une cellule stable NESA/PcAlOH/BQ/HQ/Pt possède une efficacité de conversion de 0,006 % sous illumination de lumière blanche d'intensité 10 mW/cm 2. Ce rendement peut être amélioré en augmentant la photoconductivité et en élargissant le spectre d'absorption de la phtalocyanine d'hydroxyaluminium par un traitement chimique approprié (38, 48, 49). Ce travail est supporté par des subventions du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. Les auteurs tiennent à remercier Monsieur J. P. Ricbourg et l'INRS - Géoressources pour les expériences de microscopie électronique à balayage, ainsi que le professeur F. Rheault de l'INRS - Energie pour son soutien constant . | Le comportement spectral et électrique des cellules NESA/PcAlOH/BQ/HQ/Pt est étudié et comparé à celui de cellules où les films de PcAlOH sont produits par sublimation. La cellule est optimisée et un diagramme des niveaux d'énergie est élaboré | chimie_88-0011624_tei_41.v86-403.tei.xml |
termith-199-chimie | Les polymères semi-cristallins forment, par cristallisation à partir de l'état fondu, des sphérolites constitués de fines lamelles radiales (épaisseur « 10-20 nm), dans lesquelles les chaînes sont repliées, et les plis concentrés dans les faces supérieure et inférieure de la lamelle. La géométrie des lamelles est variable, et dépend des polymères aussi bien que des conditions de cristallisation : elles peuvent être plates, mais aussi vrillées. Le vrillage, observé par exemple dans les sphérolites de polyéthylène (PE), a été expliqué de différentes manières, qui ne sont pas mutuellement exclusives : soit par l'impact de dislocations-vis répétées le long du rayon, provoquant des incréments de rotation du plan de la lamelle [1 ], soit par un vrillage plus continu; dans ce cas, les tensions exercées dans les surfaces des lamelles seraient dues à des différences de conformation des repliements, elles -mêmes liées à l'inclinaison des chaînes dans le coeur cristallin [2] [3 ]. La présente note propose une explication structurale à cette géométrie originale des lamelles de yPVDF : elle relie cette géométrie à la structure cristalline particulière de cette phase et à un déséquilibre de la constitution chimique des plis qui en découle : elle suggère donc que l'enroulement a une origine purement stérique. Dans la phase y, les chaînes ont une conformation originale, résultant d'un enchaînement de liaisons T 3 GT 3 G~. La maille cristalline est monoclinique, avec des paramètres a = 4,96 Â, b = 9,67 Â, c = 9,20 Â et (3 = 93° [5] [6 ]. Cette structure a une particularité peu fréquente dans le domaine des polymères semi-cristallins : outre sa polarité selon l'axe b de la maille, elle est polaire selon l'axe des chaînes. En effet, les projections des vecteurs C-F sur l'axe de toutes les chaînes pointent dans le même sens de l'axe c. Les chaînes sont donc, au sens strict, parallèles, ou plus exactement isoclines (puisque seule la conformation permet de définir l'orientation selon c) (figure 1). Il faut noter que cette situation contraste avec la phase a du PVDF, dans laquelle les chaînes sont anticlines. Des études déjà anciennes sur les monocristaux et des fdms minces du yPVDF montrent que l'axe des chaînes est incliné de 28,5° par rapport à la normale au plan des repliements [7 ]. En tenant compte de la structure établie plus récemment [5] [6 ], le plan des repliements est donc un plan (104). Cette spécificité de l'inclinaison des chaînes suggère que la structure des plis est soumise à une contrainte forte et sans doute très générale, mais qui n'avait pas encore été démontrée jusqu' à présent dans le domaine des polymères. Lorsqu'elle est examinée selon l'axe b, qui est l'axe radial de croissance, la chaîne de yPVDF comporte une alternance de liaisons presque parallèles, et presque normales à l'axe c de la maille (figure 1). La caractéristique majeure du plan des repliements (104) est de « couper » ces chaînes en des sites d' « iso-orientation » des liaisons chimiques par rapport à l'axe de la chaîne, bien que ces sites ne soient pas, au sens strict, cristallographiquement équivalents : en effet, la géométrie de la chaîne mélange les conformations trans et gauche (la même conclusion d' « isoorientation » des liaisons chimiques terminales s'applique aux deux surfaces de repliement connues de la phase a du PVDF : (001) et (102)). Cette sélection de plans de repliement spécifiques traduit la nécessité de limiter la surface spécifique par pli dans ces zones très congestionnées de transition entre structure cristalline et phase amorphe : les plis à la surface de la lamelle doivent « entrer » et « sortir » du coeur cristallin « tout droit ». Les contraintes sur la conformation des plis décrites précédemment ont des conséquences originales pour le yPVDF en raison de sa séquence chimique particulière et du « parallélisme » (isoclinicité) des chaînes. En effet, les liaisons chimiques « normales » à la surface des repliements sont terminées sur l'une des faces de repliement uniquement par des groupes CH 2, et sur l'autre face uniquement par des groupes CF 2 {figure 1). De ce fait, les repliements comportent un nombre impair d'atomes de carbone. De plus, la composition chimique des plis est différente sur les faces de repliement opposées du cristal. Si, en effet, le pli comporte neuf atomes de carbone pour unir des travées cristallines voisines dans le plan de croissance (110) (ce qui constitue une estimation raisonnable), les plis sur l'une des faces ont la composition suivante (atomes représentés en gras; les atomes en italique sont inclus dans le cristal) : CF r - CH r CF r CH 2 - CF 2 - CH 2 - CF 2 - CH 2 - CF 2 - C H 2 - C F 2 - CH 2 - CF r CH :r soit cinq CH 2 et quatre CF 2, et sur l'autre face : - C//^CFpC// 2 - CF 2 - CH 2 - CF 2 - CH 2 - CF 2 - CH 2 - CF 2 - CH 2 - CF 2 soit quatre CH 2 et cinq CF 2. Cette différence de constitution chimique se traduit par une différence (faible) du volume moyen des plis, qu'il est possible de chiffrer à partir des volumes spécifiques des phases amorphe du poly(tétrafluoroéthylène) [8] et liquide du polyéthylène [9] à la température de cristallisation (~ 160 °C). Les volumes des groupes CF 2 et CH 2 sont de 44,3 et 33,5 Â 3, ce qui entraîne (en supposant l'additivité des volumes des groupements) des volumes pour les deux types de plis de = 355 et = 345 Â 3. Cette faible différence du volume des plis sur les faces de repliement opposées du cristal permet de rendre compte de façon quasi quantitative de la géométrie des lamelles du yPVDF. En effet, les plis sont orientés parallèlement à l'axe b de la maille qui est aussi l'axe radial de croissance dans les sphérolites (ils sont sans doute distribués dans les plans (110) et (- 110), c'est-à-dire en moyenne parallèles à b). La différence de volume, qui peut être supposée répartie uniformément sur la longueur du pli, se traduit par une légère différence de leur diamètre moyen : 4,56 et 4,49 Â, respectivement. Ces plis sont localisés aux extrémités opposées d'un segment de chaîne (une travée) qui traverse un cristal de 10 nm d'épaisseur. Les travées ne sont donc pas parallèles, en raison de l'encombrement stérique différent des plis qui les terminent, mais divergent dans un plan perpendiculaire à l'axe b d'un angle égal à : arctan(0,456 - 0,449 nm)/10 nm = 0,04° (figure 2). Cet effet est cumulatif, et entraîne une rotation complète de l'axe des chaînes après le dépôt de 360*70,04° = 9000 travées. Compte tenu du paramètre a de la maille (0,496 nm), la circonférence du cylindre ainsi formé est de = 4,4 pm et son diamètre de = 1,3 pm, en bon accord avec les observations de Vaughan [4 ]. Des modélisations très récentes confirment l'influence de la différence de volume des plis dans l'enroulement hélicoïdal; elles permettront d'affiner ultérieurement et de nuancer le détail des calculs présentés dans cette note. La géométrie particulière des lamelles du yPVDF présente de nombreuses analogies avec celle des fibres d'asbeste chrysotile (amiante), et les forces mises en jeu sont identiques [10 ]. L'asbeste est un phillosilicate constitué de deux couches de nature chimique différente, mais réunies par des liaisons chimiques classiques. L'une des couches est formée de tétraèdres Si0 4, l'autre de brucite octaédrale. L'une des dimensions du réseau bidimensionnel de brucite est légèrement plus grande que celle du réseau des Si0 4, ce qui entraîne la formation de tubules cylindriques et d'enroulements en spirale, dont le diamètre moyen est toutefois beaucoup plus faible : ~ 10-20 nm. Contrairement au cas du yPVDF développé ici, les contraintes sont engendrées par la structure cristalline elle -même, et non par les parties amorphes localisées à l'extérieur du réseau cristallin. La phase y du PVDF permet d'expliquer et, pour la première fois, d'interpréter de manière quantitative la géométrie tridimensionnelle des lamelles constituant les sphérolites de polymères. La formation de rouleaux cylindriques dans lesquels les lamelles sont enroulées en spirale est expliquée très simplement par des raisons stériques liées aux paramètres suivants : - la « polarité » de la structure cristalline selon l'axe c de la maille qui, en raison d'une conformation de chaîne complexe (T 3 GT 3 G~), permet de différencier les rôles respectifs des motifs CH 2 et CF 2 et de définir un « sens » unique de toutes les chaînes de la maille (cette polarité n'existe pas dans la maille de la phase CC du PVDF car les chaînes sont antiparallèles (anticlines)); — les contraintes stériques dans les surfaces de repliement, qui tendent à réduire la surface spécifique accessible aux plis lorsque ceux -ci « entrent » et « sortent » du cristal; cette contrainte, intuitivement justifiée, n'avait pas encore été démontrée dans le domaine des polymères; elle devient évidente dans le cas du yPVDF, en raison de la géométrie « en vilebrequin » de la chaîne, qui impose des surfaces de repliement bien définies - en l'occurrence des plans cristallographiques (104); - le nombre impair d'atomes de carbone dans chaque pli, et la ségrégation des plis « enrichis en CH 2 » ou « enrichis en CF 2 » sur des faces de repliement opposées de la lamelle cristalline; - les contraintes engendrées par des plis dont les volumes sont différents sur les faces de repliement opposées du cristal; si les forces mises en jeu sont du même type que celles qui s'exercent dans l'asbeste, elles ne sont pas directement liées à la structure cristalline, mais résultent exclusivement de l'existence de plis à la surface des lamelles : des oligomères de PVDF cristallisant dans cette phase y sous forme de chaînes étendues ne devraient pas présenter cette géométrie de lamelles. La présente note permet de définir les polymères susceptibles de présenter des lamelles enroulées sous forme de rouleau : ces polymères doivent « avoir un sens » physique, c'est-à-dire lié à la conformation (comme dans le yPVDF) ou lié à la structure chimique (e.g. les polyamides à nombre impair d'atomes de carbone). De plus, les chaînes doivent être parallèles dans la maille : l'antiparallélisme « symétrise » la constitution chimique des plis, et interdit les effets analysés dans cette note (c'est le cas de la phase a du PVDF qui est, par ailleurs, structuralement très proche de la phase y). Cependant, même pour des situations de « déséquilibre » bien caractérisées, l'analyse quantitative risque d' être moins aisée que pour le PVDF, dont la simplicité et la symétrie de la structure chimique permettent de faire l'hypothèse de plis « isostructuraux » (comportant un même nombre d'atomes de carbone). Enfin, dans un contexte plus général, la présente analyse souligne le rôle majeur des contraintes de surface dans la genèse des morphologies lamellaires de polymères . | Les lamelles cristallines formant les sphérolites de la phase γ du poly(fluorure de vinylidène) (γPVDF) ont une forme originale: elles sont enroulées en spirale et forment un rouleau (de type parchemin) dont le grand axe est parallèle au rayon du sphérolite. Cette géométrie est expliquée dans la présente note par une différence de composition chimique des plis dans les faces de repliement opposées des lamelles cristallines. La différence de structure traduit la polarité de la structure cristalline de la phase γ, et les contraintes géométriques imposées aux repliements. | chimie_99-0197478_tei_elsevier_99-0197478_CRAS-IIc-Chim.tei.xml |
termith-200-chimie | Depuis l'observation à la fin du siècle dernier de la réduction des amides par l'amalgame de sodium en solution aqueuse et j-j] R c depuis la mise en évidence par Bouveault et Blanc de la transformation des esters en alcools par action réductrice du sodium dans les alcools éthylique ou amylique anhydre (1), de nombreux travaux ont été consacrés à l'action des métaux sur les dérivés d'acide et plus particulièrement sur les esters carboxyliques (2). Ainsi, il a pu être montré qu'en solvant protique, la réaction de Bouveault et Blanc présentait une grande généralité et un certain intérêt pour la transformation de la fonction acide en fonction alcool. En solvant aprotique par contre, une nouvelle réaction réductrice nommée condensation acyloïne est observée préférentiellement (3). Bien que l'intérêt synthétique de ces réductions ait été rapidement exploré, l'étude mécanistique et la caractérisation d'intermédiaires n'est intervenue que beaucoup plus tard (4). Si la formation intermédiaire d'un radical anion par action du sodium sur un ester carboxylique ne fait aucun doute, les processus de formation des produits de réaction à partir de cet intermédiaire sont encore mal connus. Ainsi, le mécanisme de la condensation acyloïne a pu être récemment remis en question (5); de même, l'isolement d'acides carboxyliques par action des métaux alcalins sur les esters carboxyliques dans l'ammoniac liquide (6) 2 ou dans l'hexaméthylphosphortriamide (HMPA) (7) a conduit divers auteurs à proposer une nouvelle voie de décomposition (éq. [1 ]) pour le radical anion qui ferait intervenir la réduction du groupe alcoxy de l'ester. Cependant, si la formation d'hydrocarbures était bien observée au cours de la réduction d'esters benzyliques (7), il n'existait pas d'exemple clair d'une telle réduction en absence de groupes allyliques ou benzyliques, au moment où nous avons entrepris notre étude. Par ailleurs, au cours de travaux sur la photolyse, des esters carboxyliques dans un mélange HMPA-eau, il a été proposé qu'un complexe de transfert de charge pouvait être responsable de la réduction des groupes alcoxy d'esters carboxyliques (9) (éq. [2]). Il était donc envisageable si le mécanisme proposé pour la réaction photochimique était fondé, de rendre préparative la réduction du groupe alcoxy d'esters carboxyliques par action du sodium ou d'autres métaux alcalins dans le HMPA en présence d'un donneur de protons. 4 Le HMPA, bon solvant des métaux alcalins et du sodium en particulier (11), donne des solutions bleues paramagnétiques caractéristiques de la présence d'électrons solvatés dans le milieu (11, 12) et douées d'un fort pouvoir réducteur. Le potentiel développé entre une électrode saturée au calomel (SCE) en contact électrique avec une solution de Na-HMPA et mesuré à 28°C est de —2,96 V (13), alors que des valeurs de —2,2 et —2,3 V (vs. SCE) ont été décrites pour des solutions de sodium dans l'ammoniac liquide à - 33°C (14). La réduction des alcools en hydrocarbures par action du sodium dissous dans le HMPA sur les esters carboxyliques correspondants est une réaction efficace; nous rapportons dans ce mémoire la généralité de la réaction, ses limites et nous comparons nos résultats avec ceux décrits récemment pour l'action sur les esters des métaux alcalins dissous dans l'éthylamine et la ieri-butylamine (15). Lorsqu'on ajoute une solution diluée d'ester dans l'éther i-BuOH (1:1) à une suspension de sodium dans le HMPA à une vitesse telle que le milieu restement constamment coloré, les résultats de la réduction observée (tableau 1) peuvent être résumés dans l'éq. [3] : Dans les réactions utilisées, les alcools primaires, secondaires ou tertiaires sont transformés en hydrocarbures par réduction des acétates correspondants. Les rendements en alcanes augmentent avec l'encombrement au niveau du groupe alcoxy et la réduction devient même quantitative lorsque l'on soumet au sodium-HMPA les esters d'alcools tertiaires. On note qu'une quantité notable d'alcool est obtenue dans le mélange réactionnel lorsqu'on réduit dans le mélange HMPA terf-butanol des esters d'alcools primaires et secondaires. La nature de l'ester carboxylique influe également sur le cours de la réaction sans en modifier la généralité. Le tableau 2 montre que l'augmentation de l'encombrement au niveau du groupe carboxyle a aussi pour effet d'augmenter la part du processus de réduction, puisque la production d'alcool, très majoritaire dans le cas des formiates, est fortement diminuée pour les autres esters de cholestanyle. Cependant, l'effet d'encombrement est plus limité que lors du passage des dérivés d'alcools primaires à des dérivés d'alcools tertiaires puisque le passage de l'acétate au pivalate et au méthyl-1 cyclohexène carboxylate de cholestanyle n'améliore plus le rendement de la désoxygénation. Une des applications intéressantes de la réaction de photoréduction du groupe alcoxy d'esters concernait la préparation de déoxysucres. Nous avons essayé d'obtenir ces mêmes déoxysucres par action du sodium dans le HMPA. Malheureusement, la libération d'alcool s'est révélée plus efficace et nous n'avons pu isoler le dérivé désoxy attendu par traitement par le sodium de l'acétate suivant : Les raisons de l'échec de cette réaction de réduction par le sodium dans le HMPA ne sont pas connues. Nous pouvons toutefois remarquer que la présence des deux groupes acétonides dans la molécule peut modifier la chélation aussi bien du cation sodium que du ieri-butanol. Le même échec est rencontré lorsque la réduction est conduite en absence de tertbutanol. (a) Rôle du itxX-butanol Les études de la photoréduction des esters carboxyliques en présence de HMPA ayant montré la nécessité de la présence d'un agent protique dans le milieu, nous avons examiné si la réduction de ces esters en alcanes par action du sodium dans le HMPA était sensible à la présence de protons. Nous avons, pour cela, effectué la réaction de réduction d'esters en absence de source de protons et comparé les résultats à ceux de témoins réalisés en présence de rm-butanol (tableau 3). La présence de ieri-butanol dans le milieu favorise la formation d'alcanes aux dépens de la formation d'alcools dans le cas des esters peu encombrés d'alcools primaires ou secondaires. Dans le cas d'esters encombrés, la présence de protons dans le milieu ne semble pas améliorer sensiblement le rendement en produit de réduction du groupe alcoxy. (b) Nature des intermédiaires réactionnels L'examen des essais 9 et 10 ou 11 et 12 décrits dans le tableau 1 montre que le même hydrocarbure est obtenu au cours de la réduction de deux esters épimères. Afin de déterminer la nature de l'intermédiaire commun qui rend compte de la formation de l'épimère le plus stable au cours de la réaction, nous avons procédé à deux séries d'expériences permettant de déterminer si un radical R ' était ou non sur le chemin réactionnel. Le remplacement du fe/'f-butanol par un alcool deutérié (R—OD) permet de deutérier les carbanions suceptibles de se former dans le milieu. Le dosage de la teneur en deutérium dans les hydrocarbures isolés indique dans quelle mesure l'arrachement d'hydrogène au HMPA par un radical intermédiaire est susceptible d'entrer en compétition avec la protonation d'un anion par l'alcool deutérié. Le tableau 4 fait apparaître que la nature du donneur de protons influe considérablement sur la proportion des produits obtenus puisque le méthanol plus acide que le fert-butanol favorise la libération de cholestanol. D'autre part, le dosage du deutérium dans le cholestane isolé montre dans chaque cas une incorporation importante de deutérium. Un intermédiaire carbanionique est donc sur le chemin privilégié qui conduit à l'alcane. Cependant, la teneur en deutérium inférieure à l'unité indique qu'une partie de l'alcane pourrait provenir d'un intermédiaire radicalaire après arrachement d'un atome d'hydrogène au solvant. La réduction d'un ester de cyclopropylcarbinyle est susceptible de nous apprendre si l'intermédiaire formé initialement par rupture de la liaison C—O du groupe alcoxy possède une structure radicalaire ou anionique. En effet, il a pu être montré dans l'action de radicaux anions dans le glyme sur le chloro-6p cyclo-3a, 5a-cholestane que le radical intermédiaire conduisait à 25 C C à un dérivé du cholestène-5, alors que l'anion du système cyclopropylcarbinyle conduisait, de préférence, aux dérivés cyclopropaniques (16). La forte proportion de cholestène-5 observé semble indiquer qu'un radical intermédiaire est initialement formé lorsque la rupture C—O du groupe alcoxy intervient. (c) Influence des conditions réactionnelles Les divers produits observés, lorsqu'on fait réagir un métal sur un ester, résultent de processus compétitifs au niveau du radical anion initialement peuplé. Nous avons donc cherché à déterminer l'influence de la température, de la durée de réaction et de la nature du métal sur le cours de la réduction de l'acétate de cholestanyle en cholestane. Bien que la réduction des esters par les métaux dans les aminés primaires soit sensible à la température, nous n'avons pu mettre en évidence une augmentation conséquente du taux d'alcane lorsqu'il y a augmentation de la température, surtout lorsque la réaction est réalisée en présence de rm-butanol. La vitesse d'addition de l'ester dans la solution d'électrons solvatés à 25°C étant effectuée de manière à éviter que la couleur bleue ne disparaisse au cours de l'addition, nous avons procédé à l'isolement des produits de réaction dès la fin de l'introduction de l'ester dans le milieu réducteur. Le rendement en alcane isolé est alors optimum. Ceci nous permet de conclure que la transformation du radical anion intermédiaire est rapide à température ambiante. Le pouvoir réducteur élevé des solutions de sodium dans le HMPA permet la réduction des liaisons multiples (11) y compris les liaisons éthyléniques (17). Il est néanmoins possible de contrôler le cours de la réduction d'un ester insaturé en contrôlant le temps de contact de l'ester avec la solution réductrice. Ainsi, nous pouvons orienter la réduction de l'acétate de cholestéryle vers la formation de dérivés du cholestène-5 ou du 5a-cholestane. L'étude de l'influence de la nature du métal sur la réduction est rendue difficile par la grande instabilité des solutions de lithium et de potassium dans le HMPA (7). Il a en effet été montré que les solutions de métal alcalin-HMPA voient rapidement leur conductibilité baisser pour le lithium ou le potassium, contrairement au cas des solutions de sodium pour lesquelles la conductibilité reste constante durant des périodes assez longues (18). La baisse de conductibilité semblerait liée à une décomposition du HMPA. Un essai de réduction d'acétate de cholestanyle par une solution de Li-HMPA conduit à une formation prépondérante d'alcool (cholestanol 81 %, cholestane 9 %). Nous constatons en outre que la dissolution du lithium dans le HMPA est bien plus rapide que celle du sodium et que l'hydrolyse du brut de réduction par Li-HMPA conduit à la formation de produits gazeux à odeur de phosphine. De plus, la libération d'ions diméthylamidure susceptibles de réagir sur les esters (7) a déjà été notée. Des travaux récents ayant montré que des esters encombrés pouvaient être réduits sélectivement par le lithium dans une aminé primaire (15, 19, 20), nous avons comparé le cours de la réduction de l'acétate de cholestanyle pris comme modèle d'un acétate d'alcool secondaire dans différents milieux et nous avons rassemblé les résultats dans le tableau 6. Ces divers essais montrent d'une part que le taux d'alcane est plus élevé lorsque le HMPA est utilisé comme solvant, d'autre part que la présence de tert-butanol dans le milieu accroît la formation d'alcane aux dépens de la réduction en alcool, aussi bien dans l'éthylamine que dans le HMPA. L'introduction d'une solution de sodium-HMPA préalablement titrée (13) à une solution d'ester dans un mélange HMPA-éther permet de déterminer le nombre d'électrons nécessaires à la réduction. On constate en effet, et à la précision des déterminations près (tableau 7), qu'en absence de tertbutanol, il y a consommation de moins de deux équivalents de sodium et donc de moins de deux électrons par mole d'ester au moment où la solution maintient une couleur bleue persistante. Un tel résultat est donc en accord à la fois avec la formation rapide du radical anion dérivé de l'ester et avec la non compétitivité d'autres processus de réduction en absence de tertbutanol. En présence de fm-butanol, on observe non seulement que plusieurs équivalents " électrons solvatés " sont nécessaires avant l'observation du maintien d'une couleur bleue persistante, mais aussi une grande instabilité de ces colutions colorées même pour un nombre d'équivalents très supérieur à 2. Des processus de réduction successifs semblent devoir être retenus dans la mesure où nous avons vérifié que le rm-butanol ne décolore pratiquement pas la solution de sodium dans le HMPA. Les proportions d'alcane et d'alcool obtenus au cours de ces expériences de titrage sont conformes aux résultats préparatifs décrits dans les tableaux 3 et 7. On vérifie ainsi qu'il y a davantage de produits de réduction en présence de r-BuOH et qu'il y a dans chaque cas formation d'une quantité importante d'alcool. La réduction des esters carboxyliques, par les métaux dissous, conduit à un mélange d'alcanes, d'alcools et d'acide carboxylique. Le degré de substitution du groupe alcoxy de l'ester, la nature du dérivé acide, les conditions de réaction et, plus particulièrement, la nature du milieu réactionnel, influencent les rendements respectifs dans les divers produits. Dans tous les milieux cependant, on peut considérer que la première étape réalise la fixation d'un électron sur l'ester et fournit un radical anion d'où découleront les divers produits de réaction. L'alcane issu de la réduction du groupe alcoxy et les alcools peuvent, a priori, découler d'une décomposition du radical anion selon les divers processus regroupés dans le schéma 1. En milieu dilué, on peut négliger, dans le HMPA, la duplication du radical anion conduisant aux a-cétols et considérer que la décomposition de cette espèce [A] va dépendre essentiellement des conditions du milieu : présence ou non de protons, solvatation spécifique des cations, température. .. La grande stabilité de l'anion carboxylate permet la fragmentation selon la voie (7). Le radical R ' ainsi formé, par arrachement d'un atome d'hydrogène au HMPA ou capture d'un électron puis d'un proton, fournit l'alcane observé. Une telle décomposition unimoléculaire est sensible à la variation de contraintes stériques. Le passage d'un ester d'alcool primaire à un ester d'alcool tertiaire provoque une augmentation considérable de l'encombrement. Il est probable que les contraintes stériques sont modifiées au niveau du radical anion qui tend à adopter une structure tétraédrique aplatie (24). La relaxation stérique sera donc d'autant plus importante que le radical anion [A] sera encombré. Il en résulte que plus l'encombrement est important, plus la vitesse de fragmentation est élevée, et moins les réactions parasites ont la possibilité d'apparaître. On observe effectivement que l'encombrement au niveau des groupes alcoxy ou groupe carboxy (10, 22) augmente la proportion d'alcane. Le rôle du ferf-butanol est sans doute complexe. On peut cependant considérer qu'il est capable de solvater le radical anion [A] dans le HMPA, voie (2), augmenter ainsi les contraintes stériques à ce niveau et accélérer sa décomposition. En effet, il est connu que les alcools sont susceptibles de solvaterles radicaux anions dans le HMPA et de provoquer ainsi une modification notable du spectre rpe de cet intermédiaire (25). De plus, nous avons pu montrer que la libération d'acide /OH carboxylique à partir d'un radical R—Cest possible \OR ' lors de la photolyse des esters dans le HMPA, bien que celle -ci soit sans doute moins favorable que la fragmentation de [A] en ion carboxylate correspondant. Le radical anion peut aussi fournir l'alcool R'O " selon divers processus. La décomposition unimoléculaire de [A] en radical acyle et R'O ", voie (5), semble devoir être exclue. En effet, des calculs ab initia effectués sur le radical anion dérivé du formiate de méthyle indiquent que la fragmentation en radical méthyle et anion formiate est, de loin, plus favorable que la fragmentation en radical acyle et anion méthylate (AE = 263 kJ) (26). La capture d'un second électron par le radical anion ne semble pas possible, ni dans le HMPA, ni dans une aminé en présence d'éthers couronnes. En effet, la répulsion électronique au niveau du dianion ainsi formé est trop importante et les processus compétitifs sont prépondérants. C'est ainsi que l'alcool RCH 2 OH attendu après la capture d'un second électron n'est pas observé, ou reste un produit très minoritaire aussi bien dans le HMPA que dans un mélange de rerr-butylamine et de tétrahydrofuranne en présence d'éther couronne (cf. réfs. 22, 23, tableau 2, entrées 1-5 et 12). La réduction du radical anion devient possible si l'anion reste lié au cation métallique ou, éventuellement, de manière concertée avec la fixation d'un proton (21, 22) dans les conditions de Bouveault et Blanc. L'absence d'un taux élevé de réduction en présence de tertbutanol indique que la protonation concertée avec la fixation d'un second électron par le radical anion est sans doute considérablement ralentie pour des raisons stériques. La formation d'alcool R'OH peut résulter également d'un déplacement de R'O " dans l'ester par une base présente dans le milieu. La mise en évidence d'amides au cours de réductions par le lithium dans l'éthylamine (22) ou le lithium dans le HMPA (7), montrent que le lithium est capable de produire dans ces deux milieux des ions amidures susceptibles de libérer R'O " de l'ester correspondant. Cependant, les solutions de sodium dans le HMPA sont stables sur de longues périodes dans nos conditions de réduction et ne conduisent donc pas à la formation d'amides. Les pK s relatifs des aminés primaires et secondaires (41 < pK a < 44) sont plus élevés que ceux du ferr-butanol (pÂf a = 32,2) (27). En présence d'un large excès de rerr-butanol, nous pouvons considérer que les ions amidures ou diméthyl amidures sont entièrement et rapidement neutralisés, aussi bien dans les aminés primaires que dans le HMPA. La formation d'alcool R'OH par action d'un ion amidure sur l'ester devrait donc être totalement inhibée par le rm-butanol, dès lors que la décomposition de ce même ester par le rm-butylate de potassium, et selon le processus de Bouveault et Blanc, est exclue. Or, il n'en est rien ! Le tableau 6, entrées 6 et 7, montre qu'en présence d'un grand excès de rerr-butanol, on obtient une augmentation de 10 % du rendement en cholestane et une diminution de 10 % de l'alcool correspondant. Une autre base, l'hydroxyde de sodium, aurait pu résulter de la présence d'une certaine quantité d'eau dans le HMPA utilisé. Nous pouvons exclure cette possibilité pour plusieurs raisons : (a) la coloration bleue caractéristique de la présence d'électrons solvatés dans le milieu, est obtenue dès que l'on ajoute du sodium au HMPA anhydre utilisé, sans qu'aucun dégagement gazeux puisse être détecté; (b) pour une même quantité de solvant HMPA-ether, la proportion d'alcool, si celui -ci résultait au moins en partie d'une saponification de l'ester, devrait diminuer lorsque la quantité d'ester introduit est ellemême augmentée. Lorsqu'on réduit, dans la même quantité de solvant 0,232 mmol ou 0,88 mmol d'acétoxy-3p cholestane, on obtient la même proportion de cholestane et de cholestanol. Une trans estérification de l'ester par le rerr-butanol ou le rerr-butoxyde de sodium est peu probable en raison de l'encombrement de l'ion rerr-butoxyde et de la rapidité des réductions. Une trans estérification ayant été détectée lors de la réduction des esters dans les aminés primaires (22) mais pas dans nos conditions de réduction, nous avons aussi examiné le rôle du cholestanol sur la réduction de l'heptanoate de méthyle par le sodium dans le HMPA. Contrairement aux résultats obtenus dans les aminés, nous n'avons pu détecter que des traces (—1 %) de cholestane provenant de l'heptanoate de cholestanyle intermédiairement formé par trans estérification. Le milieu réactionnel étant très basique, la formation d'énolate suivie d'une condensation de Claisen, pouvait être responsable d'une partie de l'alcool R'OH libéré. Un tel processus a effectivement été détecté lors d'une addition d'une solution d'électrons solvatés dans une solution d'ester (addition inverse). Cependant, la quantité d'acétylacétoxy-3p cholestane (10 %) à partir d'acétoxy-3|3 cholestane reste très faible tout comme la proportion de produits issus de la condensation acyloïne. Lors de la réduction des esters dans les différents milieux, on peut considérer que la formation d'une molécule d'alcane fournit nécessairement un équivalent d'acide carboxylique. Cependant, le rendement en RC0 2 H est bien supérieur à celui de R'H (tableau 8). Ce rendement sensiblement égal à la somme des rendements en R'H et R'OH est voisin de 100 %. Il existe donc une ou plusieurs voies susceptibles de conduire à la fois à RC0 2 H et R'OH. 5 La discussion précédente met en évidence que, dans le HMPA, ni l'anion diméthylamidure ou l'ion hydroxyle, ni l'ion rerr-butoxyde ou l'ion énolate, ne peuvent être considérés comme responsables de la formation d'une quantité importante d'alcool. Une autre observation méritant d' être soulignée est que, pour 1 à 1,8 équivalent de sodium introduit dans une solution d'acétate de cholestanyle dans le HMPA, on ne récupère pas d'ester non transformé d'une part, et la proportion de cholestane et de cholestanol (25:75) est équivalente à celle obtenue en présence d'un grand excès de réducteur d'autre part. Le tableau 8 montre que le même problème de la formation simultanée d'alcool (R'OH) et d'acide carboxylique (RC0 2 H) est rencontré dans des milieux extrêmement différents. Une interprétation commune pourrait impliquer, quel que soit le milieu, la formation d'intermédiaires semblables et suffisamment instables pour être hydrolysés rapidement au moment de l'isolement. Une telle possibilité représentée dans le schéma 2 mérite d' être considérée. L'addition nucléophile de radicaux anions sur des dérivés carbonylés a déjà été envisagée pour rendre compte de la réaction de dismutation de Cannizzaro et de certaines anomalies rencontrées dans la réaction de condensation acyloïne (5). Cette addition de [A] sur une molécule d'ester fournirait [B] susceptible de se fragmenter en R ' - et [C] selon la voie (a) ou en R ' -, RC0 2 R ' et RC0 2 ~ selon la voie (b). Si l'addition du radical anion sur une molécule d'ester intervient, l'alcane peut provenir, en partie, de la fragmentation de l'intermédiaire [B] selon les voies (a) et (b) du schéma 2. De même, la formation d'alcool pourrait résulter de la fragmentation, soit dans le milieu réactionnel, soit au moment de l'isolement d'un intermédiaire tel que [C] formé au cours de la réaction. Le bilan de cette suite de réactions indique qu'une molécule d'alcane, une molécule d'alcool et deux molécules d'acide carboxylique sont susceptibles d' être produites pour chaque électron piégé par l'ester. Tous les autres processus bimoléculaires envisagés précédemment conduiraient à une molécule d'alcool et une molécule d'un dérivé d'acide suffisamment stable dans le milieu pour être isolé. En fait, nous constatons (essai 9, tableau 2) que le rapport acide carboxylique - alcane est supérieur à l'unité. La quantité d'alcool formé devrait dépendre de la concentration et nous avons testé l'influence de la concentration sur le cours de la réaction dans le HMPA. L'alcool, qui résulte uniquement d'une réaction bimoléculaire, devrait voir son rendement diminuer alors que l'alcane, qui provient surtout d'une fragmentation intramoléculaire, devrait voir son rendement augmenter pour une diminution de la concentration. Or, les résultats du tableau 9 indiquent que la dilution du milieu ne modifie pas sensiblement la proportion d'alcool et d'alcane, et qu'un dérivé du HMPA pourrait être impliqué dans la formation à la fois d'alcool et d'acide. En conclusion, la réduction des esters par le sodium dans le HMPA est une réaction générale qui est d'autant plus efficace que les esters sont encombrés. Le rendement en alcane, à partir d'un ester donné, augmente en présence du terr-butanol qui peut à la fois neutraliser le diméthylamidure de lithium susceptible de se former et accroître, par solvatation, l'encombrement au niveau du radical intermédiaire. De même, l'utilisation d'une faible concentration en ester carboxylique permet d'éviter la réaction bimoléculaire de condensation acyloïne et favorise la formation d'alcane. L'alcane provient essentiellement de la fragmentation du radical anion formé après capture d'un électron par l'ester. La formation d'alcool est due à plusieurs réactions bimoléculaires compétitives impliquant le diméthylamidure, la reri-butylate de sodium et, éventuellement, un dérivé du HMPA comme nucléophile. Les spectres ir ont étc enregistrés sur un appareil Philips SP2000, rmn sur Varian A60. Les points de fusion sont déterminés sur banc Kofler. Produits de départ Formoxy-3fi 5a-cholestane préparé par action de l'acide formique à 98 % sur le cholestanol-3P en présence de quantité catalytique d'acide perchlorique (28). Acétoxy-6$ cyc!o-3a, 5a-cholestane obtenu par traitement du tosyloxy-3p cholestène-5 par l'acétate de potassium anhydre dans l'acide acétique (29). Dans les autres cas : les esters sont obtenus par action du chlorure d'acide sur l'alcool dans le HMPA (30). Le HMPA a été séché plusieurs jours sur CaH 2 puis distillé sur CaH 2. Les points de fusion et analyses sont donnés dans le tableau 11. Identification des produits Les produits ont été identifiés par chromatographie sur couche mince, point de fusion, spectroscopie ir et rmn. Réduction par le sodium Une solution d'ester (1 g) dans un mélange éther - /-BuOH (1:1) (5 mL) est ajoutée à une solution de sodium (1 g) dans un mélange solvant (10 mL) - éther (5 mL) à une vitesse telle que la solution bleue obtenue ne se décolore pas quand l'addition est terminée, l'excès de sodium est éliminé. La solution versée dans l'éthanol est ensuite hydrolysée. Méthode générale décrite pour la réduction d'ester carboxylique par la solution Na-HMPT Du sodium finement divisé (1 g) est introduit dans le HMPA (10 cm 3). A la solution bleue, une solution d'acétoxy-3p cholestane (0,760 g) dans un mélange d'éther (10 cm 3) et de rerr-butanol (3 cm 3), est ajoutée goutte à goutte à une vitesse telle que la solution n'est jamais décolorée. Dix minutes après la fin de l'addition, l'excès de sodium est filtré puis la solution est hydrolysée en milieu acide et extraite à l'éther (3 x 50 cm 3). Une chromatographie sur silice permet de séparer le cholestane (recristallisé dans l'acétone, 454 mg, 69 %) et le cholestanol-3p (134 mg, 20 %). Réduction d'esters carboxyliques par la solution Li-ethylamine Du lithium finement divisé (0,106 g) est introduit dans l'éthylamine (10cm 3). A la solution bleue, on ajoute goutte à goutte un mélange d'acétoxy-3p cholestane (0,098 g) avec du rerr-butanol (2 cm 3) et de l'éthylamine (5 cm 3), de façon à éviter la décoloration. Ce mélange est alors laissé 1 h à reflux de l'éthylamine, puis l'éthylamine est distillée. Une hydrolyse acide puis extraction avec de l'éther et une chromatographie sur silice permettent d'isoler le cholestane (9 mg, 10 %) et le cholestanol-3p (68 mg, 77 %). Réduction de l ' acétoxy-3 fi cholestène-5 Dans une solution bleue de HMPA (10 cm 3) sodium (0,5 g), est ajouté goutte à goutte l'acctoxy-3p cholestène-5 (100 mg) en solution dans l'éther (5 cm 3) et le /er/-butanol (2 cm 3). Cette addition dure 5 min en évitant la décoloration de la solution. Le sodium restant est immédiatement filtré, la solution hydrolysée en milieu acide puis extraite à l'éther (3 x 50 cm 3). Une chromatographie sur colonne de silice permet de séparer le cholestène-5 (59 mg, 68 %) du eholestérol (26 mg, 29 %). Le cholestène-5 est contrôlé par ccm sur silice imprégnée de AgNOi puis par rmn. Si le temps de contact est de 24 h, le cholestane purest isolé (58 mg, 64 %) ainsi que le 5a-cholestanol-3p (21 mg, 28 %). Le cholestane a été contrôlé par ccm sur silice imprégnée de AgN0 3 et par rmn, le cholestanol par rmn. Dosage d'une solution de HMPA-Na La solution bleue obtenue à partir de sodium (2 g) en suspension dans le HMPA (40 cm 3) est versée à l'aide d'une microburette dans une solution (1 cm 3) de n-butanol 0,214 M dans l'éther jusqu' à persistance de la coloration bleue (1,68 cm'versé; c = 0,119 M). Réduction de ! ' acétoxy-3 P 5a-cholestane par la solution de HMPA-Na 0,119 M La solution bleue de HMPA-Na 0,119 Ai est versée goutte à goutte dans l'acétoxy-3p 5ct-cholestane (81 mg) mis en solution dans l'éther. (10 cm 3) jusqu' à persistance de la coloration (1,54 cm 3). Après hydrolyse, extraction et chromatographie, le cholestane (21 mg, 30 %) et le cholestanol (51 mg, 70 %) sont isolés. Action de la solution bleue de HMPA-Na sur le tert-butanol Une solution bleue de HMPA-Na (c = 0,0366 M) est ajoutée goutte à goutte au rm-butanol (191 mg) dilué dans l'éther (10 cm 3) jusqu' à persistance de la coloration. La persistance de la couleur bleue est obtenue après que 0,524 cm 3 de solution ait été ajoutée. Réduction de 1'acétoxy-3 P 5a-cholestane pur par la solution bleue de HMPA-Na Une solution bleue de HMPA-Na (4,13 cm 3, c = 0,049 M) est ajoutée rapidement sur 1'acétoxy-3 p 5a-cholestane pur (152 mg, 3,45 x 10 " 4 mol). Le mélange obtenu est laissé 10 min à la température ambiante puis hydrolysé en milieu acide. Une chromatographie sur silice permet d'isoler le cholestane (58 mg, 44 %), l'acétylacétoxy-3p 5ct-cholestane (17 mg, 10 %) et le cholestanol-3p (54 mg, 39 %). Action de NaNH 2 sur 1 ' acétoxy-3 fi 5u-choiestane en milieu HMPA De l'amidure de sodium (253 mg) est mis en suspension dans le HMPA (10 cm 3) puis 1'acétoxy-3 P 5a-cholestane (552 mg) est mis en présence de ce mélange pendant 30 min. On ajoute alors rapidement de l'alcool puis de l'acide chlorhydrique 3 M avant d'extraire à l'éther. La chromatographie sur silice permet d'isoler de l'ester non transformé (477 mg, 86 %) et le 5ct-cholestanol-3p (75 mg, 14 %). Action de NaNH 2 sur l'ester en milieu HMPA-Na De l'amidure de sodium (325 mg) est mis en suspension dans le HMPA (10 cm 3) en présence de sodium (solution bleue). L'acétoxy-Ester Acétate de triméthyl-3p,4,4 5a-cholestanyle-3 Pivalate de 5a-cholestanyle-3p Cyclohexane carboxylate de 5a-cholestanyle-3p Heptanoate de 5a-cholestanylc-3p Méthyl-1 cyclohexane carboxylate de 5a-cholestanyle-3p Analyse Trouvé Calculé Ester Acétate de 5a-cholestanyle-3p Acétate de cholesten-5 yl-3p Acétate de diméthyl-4,4 5a-cholestanyl-3p Benzoate de 5a-cholestanyl-3p Phényl-2 acétate de 5a-cholestanyl-3p Acétate de méthyl-3p 5a-cholestanyl-3a Acétate de méthyl-3a 5a-cholestanyl-3p 3p 5a-cholestane (567 mg) en solution dans l'éther est ajouté et laissé en présence de cette solution pendant 30 min. Apres élimination du sodium, hydrolyse et chromatographie sur silice, le cholestane est isolé (152 mg, 31 %) ainsi que le cholestanol-3p (309 mg, 60 %) et l'acétoxy-3p 5a-cholestane non transformé (12 mg, 2 %). Action de NaNH 2 sur l'ester en milieu HMPA en présence de tert-butanol De l'amidure de sodium (150 mg) est mis en suspension dans le HMPA (10 cm 3) puis de l'acétoxy-3p 5a-choIestane (860 mg) en solution dans un mélange éther - rm-butanol (9:1) (10 cm 3) pendant 30 min. On ajoute alors de l'alcool puis de l'acide chlorhydrique 3 M avant d'extraire à l'éther. La chromatographie sur silice permet de séparer de l'ester (150 mg, 22 %) et du cholestanol-3p (423 mg, 69 %). Action de NaNH 2 sur l'ester en milieu HMPA-Na en présence de XevX-butanol De l'amidure de sodium (330 mg) est mis en suspension dans la solution bleue HMPA-Na. L'acétoxy-3p 5a-cholestane (703 mg) en solution dans un mélange éther - rm-butanol (9:1) (10 cm 3) est alors additionné et laissé à la température ambiante pendant 30 min. Après traitement identique au précédent, le cholestane (317 mg, 52 %), le cholestanol-3p (280 mg, 44 %) et l'ester de départ (4 mg, 0,5 %) sont isolés . | Le traitement d'un ester (RC(O)OR') par une solution de Na dans HMPT conduit essentiellement à la formation de l'acide carboxylique et d'un mélange de l'alcool R'OH et de l'alcane R'H correspondant. La proportion d'alcane est très importante pour les esters d'alcools encombrés et diminue lorsque l'encombrement au niveau du groupe carboxyle baisse. Le taux d'alcane augmente aussi en présence de t-butanol | chimie_85-0188986_tei_88.v84-353.tei.xml |
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